DUMAS Le Grand Dictionnaire de Cuisine (12)

Punch à la Dupouy. - Prenez un ananas et découpez-le
par fines tranches, saupoudrez-les avec du sucre candi
parfaitement pulvérisé, versez sur le tout une bouteille de
vieux vin de Sillery blanc non mousseux, un flacon de
véritable kirsch-wasser de la Forêt-Noire, ou sinon de
vénérable eau-de-vie de Cognac, ou de vieux rhum
américain; brûlez légèrement et buvez très chaud. Le
lendemain vous n'aurez pas de démenti à craindre en disant
que vous avez bu du punch comme on n'en a jamais bu,
comme on n'en boit nulle part, si ce n'est dans les salons
privilégiés de nos véritables illustrations gastronomiques.
On fait aussi avec le punch des crèmes, des gelées,
des biscuits, des massepains, des sorbets, etc. (voir ces
articles).
Purée. - Les purées, qui sont le produit de substances
farineuses ou d'autre nature, ont deux emplois bien
distincts; elles constituent à elles seules des plats
d'entremets et servent de garniture ou litière pour
accompagner des rôtis ou des entrées; elles diffèrent des
sauces par leur consistance plus ferme et leur épaisseur.
Purée de pommes de terre. - Epluchez bien vos
pommes de terre, lavez-les, émincez-les et mettez-les dans
une casserole avec un verre d'eau, un peu de beurre, sel et
muscade; faites-les cuire pendant une demi-heure, feu
dessus et dessous, puis maniez-les avec une cuillère de
bois, remettez-les au feu, faites-les réduire et mettez pour
les finir un bon morceau de beurre et un peu de sucre en
poudre.
Purée de pommes. - Faites une marmelade de pommes
sans la sucrer; assaisonnez- la avec un peu de sel et de jus de
rôti non dégraissé; puis vous la servez comme litière sous
un carré de porc frais cuit à la broche, ou un oison rôti, ou
des boudins grillés.
Purée d'oignons. - Epluchez une trentaine d'oignons,
retranchez-en la tête et la queue et coupez-les en tranches
passez-les au beurre assaisonné de sel et de poivre, faitesleur
prendre une belle couleur. Mouillez avec du bon
bouillon et un peu de jus, faites réduire, passez les oignons
au tamis clair en pressant avec le manche d'une cuiller et
mêlez-y un peu de caramel.
Si vous voulez obtenir une purée blanche à la Soubise,
vous ne faites pas prendre couleur aux oignons, vous
mouillez avec du jus blond, un verre de vin blanc et une
chopine de crème, vous faites réduire à grand feu et passez
à l'étamine.
Purée de marrons. - Enlevez la première et la seconde
peau de marrons rôtis, passez-les dans une casserole avec
un peu de beurre, et mouillez-les avec du bouillon et un
verre de vin blanc; faites fondre vos marrons à petit feu,
pilez-les et passez-les au tamis; faites cuire à part une
demi-douzaine de saucisses, ajoutez à votre purée de
marrons le jus et la graisse des saucisses et servez-les
comme litière aux saucisses.
On peut remplacer les saucisses par des côtelettes.
Purée d'oseille. - Hachez de l'oseille, des coeurs de
laitue et du cerfeuil, mettez le tout et faites le revenir dans
une casserole avec un bon morceau de beurre.
Quand l'oseille est bien fondue, vous mouillez avec du
bouillon; faites réduire, passez au tamis, ajoutez à la purée
du jus ou un fond de cuisson, liez la avec des jaunes
d'oeufs et faites-la cuire sans la laisser bouillir.
Purée des quatre racines. - Prenez quelques carottes,
des oignons, des navets, un ou deux panais; émincez le tout
et mettez-le dans une casserole avec un bon morceau de
beurre; mouillez avec du bouillon et remuez jusqu'à ce que
les légumes commencent à se fondre. Laissez cuire deux
ou trois heures, retirez-les, écrasez-les sur un tamis de crin
ou une passoire à petits trous, mouillez-les de temps en
temps avec un peu de leur bouillon, remettez la purée dans
la casserole, ajoutez-y du jus ou un fond de cuisson, ou un
mouillement réduit, joignez-y un peu de caramel d'une
couleur claire et servez pour entremets ou comme
garniture.
Purée de pois secs. - Faites cuire des pois avec de
l'eau, du sel, deux ou trois oignons, persil et ciboules,
écrasez-les dans une passoire à petits trous en versant de
temps en temps un peu de bouillon dessus. Mouillez-le
avec la purée; ajoutez un morceau de beurre et faites
réduire.
Si vous voulez faire votre purée au gras, vous mouillez
avec du bon bouillon; si c'est maigre, vous mouillez avec
du lait ou de l'eau.
Les purées de lentilles, de haricots blancs ou rouges et
de tous autres légumes secs se font de la même manière.
Purée sauce tomate. - Prenez douze tomates, fendezles
en deux, enlevez les pépins de la partie aqueuse, jetez- les
dans une casserole; ajoutez une bonne mirepoix, un
bouquet garni de pointes d'ail, des levures de lard,
mouillez avec une cuiller à pot de consommé, un verre de
vin blanc, deux petits verres de cognac, couvrez de papier et
laissez cuire une heure. Passez le tout à l'étamine, remettez
votre sauce sur le feu, faites-la dégraisser sur l'angle du
fourneau, lissez-la et mettez-la au bain-marie pour sa
destination. ( Recette Vuillemot).
Purée de mousserons. - Epluchez et lavez des
mousserons, faites-les blanchir, hachez-les finement et
mettez-les dans une casserole avec un morceau de beurre et
du jus de citron, faites roussir, mouillez avec du jus et
faites réduire.
Purée de volailles. - Dépouillez une volaille rôtie,
désossez-la, hachez-la finement et pilez la chair dans un
mortier, mettez cette chair pilée dans une casserole avec du
bon bouillon et un blond de veau, sel, poivre; faites cuire,
réduire, et tamisez.
Purée de gibier. - Faites rôtir à la broche trois perdrix
ou bécasses, dépecez-les, mettez les peaux et débris d'os
dans une casserole avec du vin blanc sec, une échalote et
une feuille de laurier; faites réduire des trois quarts et
mouillez avec un peu d'espagnole et de coulis mêlés avec du
consommé, faites réduire de nouveau cette sauce,
dégraissez-la, passez-la au tamis. Pilez ensuite la chair de
votre gibier, délayez-la dans la sauce, passez-la au tamis,
posez sur un feu doux et laissez cuire sans bouillir.
Purée provençale. - Epluchez des oignons, coupez-les
en tranches et passez-les sur le feu sans leur faire prendre
couleur, ajoutez quatre cuillerées de velouté, une pinte de
crème et un peu de sucre en poudre; faites réduire votre
purée à grand feu en la tournant continuellement, faites-la
épaissir et passez-la à l'étamine.
Si vous n'aviez pas de velouté, vous pourriez le
remplacer par une cuillerée de farine mêlée avec un peu de
crème, du sel et du poivre, et finir votre purée comme il est
indiqué.
Purée de homard. - Prenez un homard bien frais,
brisez-le et retirez-lui les chairs blanches de la queue et des
pattes; coupez ces chairs en petits dés, pilez bien les
parures, les chairs et les oeufs qui se trouvent dans la
coquille avec du beurre fin, tamisez et mettez ce que vous
aurez passé chauffer dans un bain-marie après y avoir
ajouté les chairs et la farce du crustacé ainsi que son oeuf et
sa crème de laitance.
(Voir pour les autres purées de cuisine les articles
NAVETS, CAROTTES, AUBERGINES, CHAMPIGNONS,
ECREVISSES, HUITRES et FOIE DE RAIE).
Q
Quartier.
Quartier d'agneau rôti. - Ce qu'on appelle le quartier
d'un agneau, c'est le gigot et la longe se prolongeant
jusqu'aux premières côtes.
Scier le manche d'un quartier d'agneau, en ficeler la
bavette, à défaut de broche à l'anglaise, le traverser avec
une brochette en fer, l'envelopper avec du papier graissé; le
faire cuire en l'arrosant avec du beurre ou du saindoux;
trois quarts d'heure après, le déballer, le saupoudrer avec de
la mie de pain, lui faire prendre couleur, le saler, le
décrocher, le dresser sur un plat et le papilloter, envoyez
un bon jus à part.
En Angleterre, on sert habituellement les quartiers
d'agneaux avec une sauce aigre-douce, composée
d'échalotes hachées avec de la menthe fraîche, un peu d'eau
et de vinaigre assaisonnés de sel et du sucre.
Quartier de mouton braisé. - Couper un gigot de
mouton, en lui laissant adhérer la selle jusqu'à la hauteur
des côtelettes, désosser la selle, puis le gigot, jusqu'à la
jointure du manche, saler intérieurement les chairs, les
ficeler en leur donnant une jolie forme allongée, marquer le
mouton dans une casserole longue foncée avec des débris
de lard et de légumes; le saler légèrement et le mouiller
avec la valeur de trois à quatre verres de bouillon; poser la
casserole sur le réchaud, faire réduire le liquide jusqu'à ce
qu'il tombe à glace, mouiller alors le mouton à hauteur
avec du bouillon; mettre le liquide en ébullition, pour
retirer la casserole sur un feu très doux avec des cendres
chaudes sur le couvercle, pour le cuire ainsi pendant cinq
heures au moins et même davantage, si la viande ne
provenait pas d'un jeune animal; dans tous les cas il est plus
prudent de le mettre à cuire une heure plus tôt, pour n'avoir
pas même la crainte de servir un mouton incuit.
Quand le mouton est cuit à point, l'égoutter sur un
plafond, allonger le fond de cuisson avec du vin blanc; le
faire bouillir, le dégraisser avec de la sauce brune, débrider
le mouton, le découper en entailles, le dresser sur un plat,
empapilloter le manche, l'entourer d'une garniture aux petits
oignons, glacer et dresser un bouquet, le glacer au pinceau;
et verser une partie de la sauce au fond du plat.
Quartier de veau rôti à l'anglaise. - En général les
broches anglaises destinées à rôtir les gros morceaux les
maintiennent dans une espèce de cage sans donner la peine
de passer à travers leur chair ni broche ni hâtelet; c'est un
point sur lequel les cuisines françaises devraient prendre
exemple.
Choisir un quartier de veau bien blanc, le parer, scier le
manche au-dessous de la jointure du pied, écourter l'os du
quasi, l'envelopper dans du papier beurré, le faire tourner
devant un bon feu, une heure après le déballer et finir de le
cuire en l'arrosant avec la graisse de la lèchefrite; le dresser
ensuite sur un plat, parer le manche pour le papilloter, le
faire accompagner sur la table d'une saucière de bon jus et
d'un plat de légumes cuits à l'eau salée ou à la vapeur.
Quartier de daim à l'anglaise. - C'est ce que Walter
Scott dans ses romans appelle de la venaison. Qui n'a
désiré manger de la venaison de Walter Scott et de la bosse
de bison de Cooper ?
Malheureusement les bisons sont bien loin de nous,
mais il n’en est pas de même des daims, nous en avons
dans toutes nos forêts: il est vrai qu'ils sont réservés aux
plaisirs royaux, et que nos daims à nous sont moins bons
que les daims anglais. Quand vous aurez un quartier de
daim, lavez- le avec de l'eau tiède, essuyez-le avec un linge,
salez-le et masquez-le avec du papier beurré; puis vous
l'envelopperez dans une large abaisse de pâte faite
simplement avec de la farine et de l'eau tiède, en lui
donnant l'épaisseur d’un centime, soudez attentivement les
jointures, puis soutenez la pâte en l'enveloppant à son tour
avec du papier beurré; faites rôtir le quartier pendant trois
heures en l'arrosant toutes les dix minutes; quand il est à
point, déballez-le, dressez- le sur un réchaud de table à
réservoir, piquez le quartier de daim vers le bout avec la
pointe d'un couteau afin de sortir le jus de la viande;
envoyez immédiatement le quartier avec une saucière de
gelée de groseilles, un plat de haricots blancs, égouttez à
la minute et mêlez avec un morceau de beurre.
Quasi.
Quasi de veau à la casserole. - Le quasi de veau fait
suite à la longe, et se trouve placé à l'extrémité du
cuisseau; dans le boeuf il représente le morceau qu'on
appelle la culotte.
Prenez un quasi de veau, abattez l'os en dessous pour
lui donner de l'aplomb; posez-le dans une casserole de sa
dimension, dont vous aurez eu soin de beurrer grassement
le fond; le saler en dessus; couvrir la casserole, la poser sur
le feu, et cuire le quasi pendant une heure et demie à feu
bien doux avec des cendres sur le couvercle en le
retournant souvent; quand il est cuit et d'une belle couleur,
dressez-le sur un plat, versez dans la casserole la valeur
d'un verre de bouillon, faites bouillir quelques minutes,
dégraissez-le, et le versez en le passant.
Queue.
Queue de homard à la gelée. - Pour dresser ce plat,
faites d'abord cuire à l'eau salée, avec bouquet assorti et
vinaigre, trois petits homards, faites-les refroidir avec les
queues allongées; quand ils sont froids, détachez les
queues et les grosses pattes; sciez ces dernières pour
découvrir les chairs d'un côté, les enlever, les passer à la
gelée et les remettre dans les coquilles; divisez ensuite
chaque queue en deux parties sur la longueur, sortez les
chairs des coquilles pour les couper; nettoyez alors ces
coquilles avec soin, essuyez-les, masquez-les au fond avec
une couche de gelée hachée, et sur celle-ci posez les chairs
des queues en les renversant, c'est-à-dire en les appuyant
sur le côté coupé avec les parties rouges à l'extérieur,
nappez les chairs au pinceau avec de la gelée à moitié
prise, groupez vos six moitiés de queues et vos six pattes
entières le plus galamment possible sur ce qu'on appelle un
pain vert.
Queue de mouton aux olives. - Faites blanchir huit à
dix queues de mouton, coupez-en les extrémités, les mettez
dans une casserole avec du bon saindoux, deux petits
oignons et un morceau de carotte; posez la casserole sur le
feu pour faire revenir les viandes; assaisonnez-les; quand
elles seront de belle couleur, saupoudrez-les avec un peu
de farine, mouillez-les avec un peu de bouillon chaud, du
jus, du vin blanc; faites bouillir le liquide, et dix minutes
après retirez la casserole sur le côté du feu; si la sauce
n'était pas de belle couleur, y mêler un peu de caramel;
puis, quand les queues seront cuites, vous égoutterez la
sauce dans une casserole en la passant au tamis, vous la
dégraisserez avec soin, vous y ajouterez un verre de vin
blanc, vous la ferez réduire jusqu’à ce qu'elle soit liée à
point, vous parerez les queues; vous les mettrez avec leur
sauce; deux minutes après vous retirez la casserole du feu,
vous mêlez vos olives au ragoût et vous le dressez sur un
plat chaud à la chicorée ou aux oignons glacés: tout est bon
aux queues de mouton.
R
Rabioles ou raviolis. - Excellent potage italien, dont
voici la formule genevoise: Vous prenez une livre de farine
que vous placez sur une table ou une planche bien unie,
vous la détrempez avec trois oeufs frais. Vous commencez
par mettre du sel, un peu d'eau et les oeufs au milieu de la
farine en maniant continuellement jusqu'à ce que vous ayez
obtenu une pâte ferme et lisse, alors vous l'abaissez avec
un rouleau le plus long possible, vous en formez une
abaisse mince comme du papier, en y saupoudrant le moins
de farine possible; ayez une farce disposée que vous placez
par petites parties égales. Mouillez votre pâte, repliez-la en
deux pour qu'elle forme une espèce d'enveloppe, appuyez à
l'entour afin que les deux parties puissent se coller
ensemble, coupez-les par carré de la grandeur d'un
pouce, placez-les au fur et à mesure sur des plats ou
couvercles de casseroles. Au moment de servir votre
potage, vous faites blanchir vos rabioles dans du
consommé. Quand elles sont toutes montées sur le bouillon
et qu'elles ont bouilli cinq minutes, vous les égouttez, vous
mettez dans votre soupière une cuillerée à pot de
consommé, un lit de rabioles, un lit de fromage parmesan
râpé, du beurre fin fondu et vous recouvrez avec du jus afin
qu'elles baignent un peu. Servez le tout le plus
chaudement possible.
La farce dont vous vous servez pour les rabioles se
fait de quenelles de volailles auxquelles vous joignez un
peu de parmesan râpé, un peu de bourrache blanchie et
hachée, un peu de lait cuit et de fromage à la crème; mêlez
le tout ensemble avec un peu de muscade et de cannelle,
ainsi que deux jaunes d'oeufs, et n'omettez pas d'y ajouter
du gros poivre.
Les rabioles se font aussi blanchir et cuire dans le
même consommé que pour le potage en tortue, et alors on
les sert dans leur bouillon avec du fromage parmesan râpé
à proximité de ce potage.
Râble. - On appelle râble la partie qui se trouve entre le
train de devant et celui de derrière d'un lièvre ou d'un
lapin. C'est cette partie qui est la plus délicate et que l'on
sert de préférence rôtie: pour cela, on prend un lièvre ou un
lapin dont on retranche les épaules et les cuisses en
coupant carrément les reins de ce gibier, qu'on laisse en un
seul morceau.
On le pique de fins lardons et on l'attache à la broche
mais il faut au moins trois ou quatre trains de lièvre pour
garnir suffisamment un plat de rôti; on le finit avec des
tranches ou quartiers de bigarade pour garniture. N'oubliez
pas de faire mariner le ou les râbles de lièvre avant de les
coucher en broche. (V. MARINADE).
Racine. - Cette dénomination de racine est applicable
à bien des sujets, mais nous n'avons à nous occuper que
de celles dont on se sert à la cuisine pour sauces ou
garnitures, c'est-à-dire des racines potagères, dont la partie
comestible se trouve cachée sous la terre, telles que
carottes, panais, navets, betteraves, pommes de terre et
topinambours, et nous renvoyons nos lecteurs à chacun de
ces articles où il a été spécialement traité des différentes
manières de les apprêter.
Radis. - Les radis offrent plus de dix variétés
différentes, et il est inutile de dire qu'ils ne se mangent que
crus. Le radis a la forme du navet, mais il n'a pas son goût
sucré, il est au contraire piquant et excite l'appétit; il y en a
des blancs, des roses et des rouges et le petit radis gris
d'été, dont la saveur est plus relevée que celle des autres
espèces.
Le radis est originaire de la Chine, et nous lisons dans
les capitulaires de Charlemagne qu'il faisait partie des
plantes potagères que ce monarque recommandait aux
régisseurs de ses terres de cultiver.
Le radis se mange en hors-d'oeuvre, avec du beurre et
du sel; il est apéritif, atténuant et antiscorbutique.
Ragoûts. - C'est par les ragoûts surtout que brillait
l'ancienne cuisine française; c'est par les ragoûts au
contraire que pèchent toutes les cuisines et surtout la
cuisine anglaise.
Jamais aucune autre cuisine que la nôtre n'atteindra à la
hauteur de nos sauces piquantes, ni à la finesse de nos
blanquettes et de nos poulettes.
Ainsi, faites le tour du monde, et vous ne trouverez pas
un cuisinier, fût-il cordon rouge et cordon bleu, qui vous
fasse une omelette comme la mère de famille qui prépare le
dîner de son mari et de ses enfants.
Un mot d'abord sur les salpicons.
Les salpicons sont composés de toutes sortes de viandes
et de légumes, comme ris de veau, truffes, champignons,
fonds d'artichauts, etc.; mais il faut, pour qu'ils soient bons,
que les viandes que vous employez et que vous mettez dans
une égale proportion soient cuites à part ainsi que les
légumes, afin que ces ingrédients se trouvent d'égale
cuisson selon leur qualité.
Salpicon ordinaire. - Il se compose de ris de veau, de
foies gras ou demi-gras, de jambon, de champignons et de
truffes si c'est la saison; coupez cela en petits dés d'égale
grosseur; au moment de servir, ayez de l'espagnole bien
réduite, la quantité qu'il vous faut pour vos chairs et vos
légumes; jetez-les dedans, mettez-les sur le feu; remuezles
sans les laisser bouillir et servez.
On fait de même ce salpicon avec des quenelles ou du
godiveau, des blancs de volailles cuites à la broche, des
crêtes de coqs et des fonds d'artichauts; cela dépend de ce
que l'on a et de la saison où l'on se trouve.
Ragoût de ris de veau. Faites dégorger un ou deux ris
de veau; quand ils ont rendu tout leur sang, faites-les
blanchir, marquez-les dans une casserole avec une ou deux
carottes, deux oignons, quelques parures de veau, un
bouquet de persil et ciboules; assaisonnez, mettez vos ris
de veau dans la casserole, couvrez-les avec une petite
barde de lard, mouillez avec une cuillerée ou deux de
bouillon, qu'ils ne trempent pas entièrement, couvrez-les
avec un rond de papier beurré, faites- les partir; mettez-les
ensuite sur le fourneau avec de la cendre chaude dessus et
dessous; veillez à ce qu'ils ne cuisent pas trop; quand ils le
seront à leur point, retirez-les de leur assaisonnement; si
vous n'avez pas de sauce, passez leur cuisson dans une
casserole au travers d'un tamis. Au cas où vous voudriez
les mettre au blanc, maniez un pain de beurre dans une
pincée de farine et quelques champignons; mettez le tout
dans cette cuisson, laissez cuire, dégraissez; joignez
quelques fonds d'artichauts si vous voulez, et ayant coupé
vos ris de veau en tranches, mettez-les dans cette sauce
sans les laisser bouillir; lorsque vous serez pour les servir,
faites une liaison de deux jaunes d'oeufs, un peu de persil
haché très fin, un jus de citron si vous n'avez pas de verjus.
Voici la manière de les lier: d'abord cassez deux oeufs,
ôtez-en les jaunes sans les rompre ni laisser ni blanc ni
germe; écrasez-les avec une cuiller, délayez-les avec un
peu d'eau et du bouillon; ensuite, quand votre ragoût sera
bouillant, retirez-le au bord du fourneau, tenez la queue de
votre casserole d'une main, et de l'autre versez doucement
votre liaison dans votre ragoût en le remuant toujours,
posez-le sur le feu, remuez-le encore, ne le laissez jamais
bouillir, mettez-y sur-le-champ un petit morceau de beurre
pour que votre sauce soit moelleuse, finissez-la avec un jus
de citron ou un filet de verjus, qu'elle ne soit ni trop longue
ni trop courte, et servez.
Ragoût de crêtes et de rognons coq en financière. -
Quand vos crêtes auront été échaudées et cuites dans un
blanc ainsi que les rognons, mettez dans une casserole la
quantité convenable de velouté réduit si vous voulez votre
ragoût au blanc, et d'espagnole réduite si vous le voulez au
roux, en y ajoutant un peu de consommé au cas où votre
sauce se trouverait trop lice; faites mijoter vos crêtes un
quart d'heure, joignez-y, un peu avant de servir vos
rognons, quelques champignons tournés que vous aurez
fait cuire, des fonds d'artichauts et des truffes selon votre
volonté; si votre ragoût est au blanc, liez-le comme il est
indiqué à l'article Ragoût de ris de veau, et s'il est au roux,
suivez le même procédé que celui énoncé au même article.
Ragoût de laitances de carpes. - Prenez vingt-quatre
laitances, détachez-les des boyaux, jetez-les dans l'eau
fraîche, laissez-les dégorger une demi-heure, changez-les
d'eau et mettez-les sur le bord d'un fourneau, laissez-les
dégorger jusqu'à ce qu'elles soient blanches; prenez une
autre casserole, faites-y bouillir de l'eau avec un peu de sel,
égouttez vos laitances et jetez-les dans cette eau; obtenez
une ébullition, retirez-les du feu, ayez dans une casserole
quatre cuillerées à dégraisser d'italienne blanche ou rousse,
mettez-y vos laitances, faites-leur jeter encore un bouillon
ou deux, dégraissez-les, finissez-les avec un jus de citron,
et servez-les comme ragoût de laitances, soit dans une
casserole d'argent, soit dans une caisse ou dans un vol-auvent.
Ragoût de langues de carpes. - Faites dégorger un
cent de langues de carpes, blanchissez- les comme les
laitances de carpes; la sauce de ces langues est la même
que celle des laitances; elles se finissent de même.
Ragoût de céleri. (Recette du docteur Rocques). -
Vous faites cuire du céleri haché comme la chicorée et
les épinards, vous l'assaisonnez de poivre, de sel, de
muscade; vous le nourrissez de bon bouillon et vous le
servez avec des croûtons dorés; vous pouvez même, si
vous êtes un peu friand, placer sur ce lit bien douillet
quelques ortolans ou quelques filets de perdreaux rouges.
Essayez de ce plat, chers confrères en gourmandise, et
vous en serez peut-être satisfaits.
Ragoût de tomates farcies à la Grimod. - Après avoir
ôté les pépins de vos tomates, vous les remplissez de chair à
saucisses assaisonnée d'ail, de persil, de ciboules et
d'estragon, puis vous les faites cuire dans une tourtière,
sous un four de campagne.
Aujourd'hui on remplace volontiers la chair à
saucisses par une bonne duxelle (V. DUXELLE) et mie de
pain dessus. Vous servez cet entremets dans la tourtière
même, et vous l'arrosez de jus de citron.
Des truffes en général. (Les classiques de la table,
variétés, recettes d'élite). - La truffe tient le premier rang
parmi les cryptogames: l'oronge, ce champignon des rois,
Fungus Cresareus, comme l'appelaient nos vieux
botanistes, ne vient qu'après elle; au lieu d'être indigeste,
comme on l'a répété, elle favorise les fonctions de
l'estomac, et doit sa faculté digestive à ses molécules
légèrement excitantes, pourvu qu'on en use avec
modération; elle nourrit, restaure, réchauffe les
tempéraments froids; les viandes, les légumes, le poisson et
les autres aliments, quels qu'ils soient, deviennent plus
légers lorsqu'ils sont assaisonnés aux truffes. Il s'est trouvé
pourtant quelques auteurs dont le palais n'a jamais pu
apprendre à savourer ces délicieux tubercules, qui leur ont
reproché de troubler la digestion, de causer l'insomnie, de
disposer à l'apoplexie, aux maladies nerveuses. Nous avons
consulté un assez grand nombre d'amateurs de truffes, les
uns vieux, les autres jeunes; ils ont tous, d'un commun
accord, célébré son action bienfaisante. L'un d'eux, d'un âge
moyen, homme très spirituel et d'un caractère aimable
comme les vrais gastronomes, me disait il y a quelques
jours:
«Quand je mange des truffes, je deviens plus vif, plus
gai, plus dispos; j'éprouve intérieurement, surtout dans mes
veines, une chaleur douce, voluptueuse, qui ne tarde pas à
se communiquer à ma tête; mes idées sont plus nettes et
plus faciles; je fais, si cela me convient et sur-le-champ,
des vers pour des poètes riches, je compose des discours
pour quelques savants inquiets, pour des députés
paresseux, puis je m'endors, ma digestion se fait sans
trouble, mon sommeil est calme; mais ce qu'on dit de
certaine vertu des truffes est pour moi de l'histoire
ancienne».
Au reste, qui ne connaît la truffe et son incomparable
parfum? Est-il une production naturelle plus renommée
chez les peuples anciens et modernes? Les Romains
l'aimaient avec passion et la demandaient à l'Afrique.
- Libyen, s'écrie Juvénal, dételle tes boeufs, garde tes
moissons, mais envoie-nous tes truffes.
«La truffe règne aujourd'hui en souveraine, non plus
dans les petits soupers, mais bien dans les banquets, dans
les dîners ministériels. Elle remonte le ressort des organes,
ranime le sang engourdi, donne du courage, de l'esprit
même... Que de résistances vaincues, de doutes éclaircis
par un excellent ragoût de truffes! Qui pourrait résister au
pouvoir de cette composition qui charme le goût, enivre
l'odorat? Hommage à la truffe du Périgord! - Comme son
arôme enchanteur caresse, flatte, réjouit les houppes
nerveuses du palais! Voyez-vous ce magistrat gourmand,
savourant avec délices les molécules parfumées des truffes de
Sarlat? On dirait qu'il est assis à la table des dieux. Ses yeux
brillants de plaisir expriment l'ineffable impression du
gaster, et ce contentement intérieur, présage certain d'une
heureuse digestion!
«Mais, nous dira quelqu'un, les médecins ont condamné
l'usage des truffes. - Oui, mais ils ont aussi proscrit le thé, le
café. Pour quelques hommes de mauvais goût et d'un esprit
chagrin, que de friands, que de gourmets parmi les
disciples d'Esculape! Leurs noms se pressent depuis
Barthez jusqu'à Broussais. Ici tout le monde est d'accord,
tous les systèmes se modifient, et toutes les sectes,
également friandes, se rapprochent. Bienfaisante
gastronomie, voilà de tes miracles! Tu persuades, tu
inspires, et, lorsque tu le veux, les médecins, assis autour
d'une table chargée de mets succulents, deviennent tous
éclectiques!
«La truffe embellit tout ce qu'elle touche. - Sans parler
des mets les plus fins, auxquels elle prête un nouveau
charme, les substances les plus simples, les plus
communes, imprégnées de son arôme, peuvent paraître
avec succès sur les tables les plus délicates».
Je suis du temps où les truffes ont été le plus à la
mode; les Bourbons de la branche aînée gouvernaient,
disait-on, avec des truffes. Il y avait deux reines théâtrales
qui reconnaissaient particulièrement l'influence de ces
estimables tubercules; c'étaient Mlle George et Mlle Mars.
Tous les soirs où ces dames jouaient, et surtout
aux époques de leurs beaux succès, il y avait à souper chez
elles pour quelques intimes; elles rentraient avec les
courtisans de la loge et trouvaient chez elles les courtisans de
la maison.
Chez George, on mangeait toujours les truffes de la
même façon.
Chez Mars, c'était l'affaire de son cuisinier, et il avait
là-dessus carte blanche.
Mais chez Agrippine, la femme de toutes les
sensualités, on ne faisait grâce à la truffe d'aucune des
sensations qu'elle pouvait donner.
A peine rentrée, on apportait à George, dans une
cuvette de la plus belle porcelaine, une eau parfumée avec
laquelle elle se lavait les mains; puis des truffes qui avaient
déjà subi deux ou trois ablutions et autant de frottements,
dans une assiette à part, une petite fourchette de vermeil et
un petit couteau à manche de nacre et à lame d'acier.
Agrippine alors, de sa main moulée sur l'antique, de ses
doigts de marbre aux ongles roses, commençait à éplucher,
le plus adroitement du monde, le tubercule noir qui était un
ornement pour sa main, puis elle coupait par feuillets
minces comme du papier, versait dessus du poivre
ordinaire, quelques atomes de poivre de Cayenne, les
imprégnait d'huile blanche de Lucques ou d'huile verte d'Aix
et passait le saladier à un de ses serviteurs qui retournait la
salade préparée par elle.
Le reste du souper se composait, selon la saison, de rôti
de gibier, d'une poularde de Bresse ou du Mans, ou d'une
dinde fine de Bourges.
Puis venait la salade, dont ce souper n'était que le
prologue.
On se ferait difficilement idée du parfum auquel
atteignait la truffe, réduite à ce simple assaisonnement
d'huile et de poivre.
On puisait à pleine fourchette dans le saladier, comme
on eût fait pour une salade ordinaire.
Chez Mlle Mars, le service était beaucoup plus
compliqué, mais il manquait à l'assaisonnement de la
salade les beaux bras, les belles mains, les ongles roses et
surtout l'abandon et le laisser-aller charmant d'Agrippine.
La plus antique recette de truffes que nous pouvons
offrir à nos lecteurs est celle que nous trouvons dans
Apicius.
Ragoût de truffes à l'Apicius. - Faites cuire d'abord
vos truffes dans l'eau, embrochez-les, faites-leur faire cinq ou
six tours devant le feu, arrosez-les avec de l'huile, du jus de
citron, du chervis, du poivre et du miel; lorsque la sauce
sera bouillante, liez-la avec du vin et des oeufs.
Ragoût de truffes au vin Champagne. - Lavez
plusieurs fois vos truffes dans l'eau tiède; brossez-les et
mettez-les dans une casserole foncée de bardes de lard,
avec du sel, une feuille de laurier, une bouteille de vin de
Champagne; on couvre hermétiquement la casserole, on
fait bouillir une demi-heure, et l'on sert les truffes sur une
serviette.
M. le baron Thiry, gastronome distingué, veut qu'on
substitue au champagne du vin de Collioure, et M. Bignon
autre autorité, préfère le vin de Madère ou le Xérès;
comme on ne mange pas qu'une seule fois dans sa vie des
truffes à la serviette, on peut essayer successivement de ces
trois vins.
Mais lorsqu'on veut conserver aux truffes leur saveur
naturelle et sans mélange, on les enveloppe une à une dans du
papier beurré et on les fait cuire dans une passoire à la
vapeur de l'eau bouillante.
A tous ces apprêts il est permis de préférer la truffe
sous la cendre. Enveloppez de papier beurré, et les mangez
au beurre d'Isigny.
Ragoût aux truffes. - Prenez une livre de truffes,
suivant vos besoins; si vous les achetez vous-même,
prenez-les aussi rondes que possible; serrez-les dans votre
main: il faut, en les serrant moyennement, que l'on sente
leur résistance, et qu'elles ne soient ni molles ni gluantes.
Flairez-les pour juger de leur parfum; si elles avaient un
goût de fromage, rejetez-les. Après vous être assuré de leur
qualité, jetez-les dans l'eau fraîche; celles qui surnagent
sont inférieures à celles qui restent au fond; ayez une petite
brosse, brossez-les pour en extraire absolument la terre et
rejetez- les dans un autre vase rempli d'eau claire et non
chaude, vu qu'elles en perdraient leur parfum, rebrossez-les
et, avec la pointe du couteau, ôtez-en la terre jusque dans
les creux et les sinuosités; s'il s'en trouve qui aient des
brochettes, retirez- les: je parle ainsi parce qu'il arrive que
les marchands osent en faire de grosses de plusieurs
petites, en les joignant l'une à l'autre à la faveur de ces
brochettes. Cela fait, lavez vos truffes encore à une
troisième eau et même plus, vu qu'il faut que l'eau reste
limpide.
On conserve ordinairement les plus belles pour servir
sur la serviette ou en croustades; les autres se coupent par
tranches et en dés pour faire la sauce aux truffes, dont je
vais parler.
Ragoût aux truffes et à l'espagnole. - Prenez une
poignée de truffes, ou davantage si le cas le requiert;
coupez-les en lames ou en dés, comme il est dit à l'article
précédent; mettez-les dans une casserole sur un feu doux
avec un morceau de beurre, faites-les suer, mouillez-les
avec un demi-verre de vin blanc, deux cuillerées à
dégraisser d'espagnole réduite; faites-les aller sur un feu
doux jusqu’à ce qu'elles soient cuites; dégraissez votre
sauce et finissez-la avec un petit morceau de beurre; ayez
soin de bien l'incorporer avec vos truffes, soit en les
passant, soit en les remuant; surtout n'y mettez point de
citron, ce qui ôterait le velouté de votre sauce.
Ragoût aux truffes à l'italienne. - Emincez des truffes
comme les précédentes, la quantité que vous jugerez
nécessaire; faites-les suer dans du beurre, comme il est
énoncé précédemment; mettez un peu d'échalotes et de
persil hachés, du sel et du poivre; mouillez avec un demiverre
de vin blanc et deux cuillerées à dégraisser
d'espagnole; faites bouillir votre sauce; dégraissez, et
finissez-la avec un filet d'excellente huile d'olive.
Ragoût aux truffes à la piémontaise. - Emincez vos
truffes comme il est dit plus haut et mettez-y, au lieu de
beurre, de l'huile; joignez à cela un peu d'ail écrasé; posez
votre casserole sur une cendre chaude, afin que vos truffes ne
fassent que frémir; au bout d'un quart d'heure, assaisonnezles
de sel fin et d'un peu de gros poivre; forcez-les un peu
en jus de citron, et servez.
Ragoût aux truffes à la Périgueux. - Coupez des
truffes en petits dés; passez-les dans du beurre; mettez-y
deux ou trois cuillerées à dégraisser d'italienne rousse ou
d'espagnole avec un peu de vin blanc, et finissez-les avec la
moitié d'un pain de beurre de Vembre. Cette sauce se sert
sur des perdreaux, des poulardes, des poulets et des dindes
truffés.
Poudre friande. - Vous prenez parties égales de
mousserons de morilles, de cèpes, de champignons de
couche et de truffes. Vous les coupez par fragments, et vous
les faites sécher au soleil ou dans un four, vous pilez
ensuite le tout dans un mortier, et vous le passez au tamis.
Cette poudre donnera aux aliments un parfum et un
goût admirables, si vous la conservez dans un vase de
porcelaine, ou dans un flacon de verre hermétiquement
fermé; on la mêle avec les champignons frais, avec les
salmis de bécasses, de perdrix, de grives, de mauviettes,
avec le turbot, la morue, la truite, enfin avec toutes sortes de
ragoûts et de légumes.
Ragoût de truffes en pudding. - Epluchez deux livres
de moyennes truffes, et les émincez en lames de deux
lignes d'épaisseur; sautez-les dans une casserole avec
quatre onces de beurre tiède, une grande cuillerée de glace de
volaille dissoute, un demi-verre de Madère sec, le sel
nécessaire, une pincée de mignonnette et une pointe de
muscade râpée.
Vous prenez un bol d'entremets, ayant à peu près quatre
pouces de profondeur sur sept de diamètre; vous le beurrez
légèrement à l'intérieur, vous le foncez de pâte brisée, et
vous y placez des truffes avec leur assaisonnement. Vous
humectez ensuite le tour de la pâte, et vous la couvrez d'une
abaisse ronde dont vous soudez parfaitement les bords,
afin que le parfum des truffes ne s'évapore point à
l'ébullition; puis vous enveloppez le bol dans une serviette,
vous le liez avec une ficelle, et vous le placez dans une
marmite d'eau bouillante. Après une heure et demie
d'ébullition, le pudding est cuit. Au moment de servir vous
l'égouttez, vous en détachez la serviette et vous le disposez
sur le plat d'entremets.
Les truffes mises dans du lait hâtent la coagulation et
lui communiquent leur parfum.
On peut de cette manière obtenir des fromages aux
truffes.
Ragoût de champignons à la Cussy. - Prenez des
champignons d'une texture ferme, lavez, brossez et pelez
des truffes noires, saines et d'une moyenne grosseur,
coupez les champignons ainsi que les truffes par tranches
épaisses comme des feuilles de carton. Ajoutez-y un peu
d'ail haché très menu, mettez le tout dans une casserole
avec un morceau de beurre fin, proportionné à la quantité de
vos cornichons, faites sauter à grand feu, et lorsque le
beurre sera fondu, exprimez-y le jus de vos deux citrons,
ajoutez ensuite sel, gros poivre, muscade râpée, quatre
cuillerées à bouche de grande espagnole, et autant de sauce
réduite; faites cuire votre ragoût et, au moment de
l'ébullition, ajoutez un verre de vin de Sauternes ou de
Xérès, continuez la cuisson pendant vingt minutes et
servez.
Ragoût de truffes blanches et noires à la Rossini. -
Vous émincez finement des truffes blanches du Piémont,
vous mettez ensuite dans votre saladier de l'huile d'Aix, de la
moutarde fine, du vinaigre, un jus de citron, du poivre et
du sel, vous battez ces ingrédients jusqu'à parfaite
combinaison, et vous y mêlez vos truffes.
On peut servir de même nos truffes noires en ajoutant
à cet assaisonnement deux jaunes d'oeufs et une pointe
d'ail, afin de leur donner le goût et le moelleux des truffes
blanches du Piémont.
Ragoût de truffes au fromage de parmesan. - Faites
mariner vos truffes dans l'huile, coupez-les par lames très
minces et disposez un lit de ces truffes émincées sur un
plat d'argent avec de l'huile, du sel, du gros poivre et du
fromage de parmesan râpé; après avoir fait ainsi plusieurs
couches, mettez le plat sur la cendre chaude et sous le four de
campagne; un quart d'heure suffit pour la cuisson.
Ragoût de mousserons. - C'était le plat favori de ce
directeur sybarite à qui nous devons Bonaparte et le 13
vendémiaire. Il occupait deux ou trois individus à lui
chercher des mousserons parfumés des Bouches-du- Rhône
et de l'Isère.
Voici comment Barras avait l'habitude de se faire servir
ce plat de prédilection.
Lavez, égouttez les mousserons, passez-les au beurre ou
avec du lard fondu, un bouquet garni, sel et poivre;
mouillez avec du jus de veau ou du bouillon réduit à
moitié; laissez mitonner à petit feu, dégraissez et liez le
ragoût, avec du jus blond, ou à défaut avec du beurre
manié de farine.
Ragoût de navets. - Epluchez des navets, et coupez-les
proprement; faites-leur faire un bouillon dans l'eau,
laissez-les égoutter, faites un roux dans une casserole avec du
beurre et une demi-cuillerée de sucre en poudre; passez-y
les navets jusqu'à ce qu'ils aient pris une belle couleur;
mouillez avec du jus ou du bouillon, assaisonnez avec stil,
gros poivre et un bouquet garni.
Ragoût de morilles. - La morille est une sorte de
champignon et s'accommode de même; prenez des morilles
proportionnellement au ragoût que vous voulez faire,
épluchez-en les queues pour en ôter la terre, fendez les
grosses en deux ou trois, lavez-les, mettez-les dans un vase
avec de l'eau tiède pour qu'elles dégorgent et que le sable
qu'elles sont sujettes à retenir tombe au fond du vase;
retirez-les de cette eau, faites-les blanchir, égouttez- les,
mettez-les dans une casserole avec un morceau de beurre;
passez-les, mouillez-les avec de la sauce rousse, si elles sont
au roux; blanche, si elles sont au blanc, comme il est énoncé
pour les ragoûts de champignons; et finissez de même.
Ragoût de chicorée au brun. - Ayez douze chicorées,
épluchez-les, ôtez-en tout le vert, lavez ces chicorées dans
plusieurs eaux, en les tenant par la racine et en les
plongeant à plusieurs reprises; prenez garde qu'il n'y reste
des vers de terre, qui souvent y séjournent, égouttez-les,
faites-les blanchir à grande eau où vous aurez mis une
poignée de sel; elles seront suffisamment blanchies
lorsqu'en pressant les feuilles entre vos doigts elles
s'écraseront facilement; alors retirez-les avec une écumoire,
mettez-les rafraîchir dans un seau d'eau fraîche, égouttez-les,
pressez-les entre vos mains, de manière qu'il reste le moins
d'eau possible; supprimez-en les racines et les plus gros
cotons, hachez cette chicorée, mettez-la dans une casserole
avec un morceau de beurre, passez-la sur un feu doux,
environ un quart d'heure pour la bien dessécher mouillez-la
avec deux cuillerées d'espagnole et une de consommé;
faites-la cuire une heure au moins, en la remuant
continuellement avec une cuiller de bois, de crainte qu'elle
ne s'attache et ne brûle; quand elle sera réduite à son point,
mettez-y du sel et servez.
Ragoût de chicorée au blanc. - Employez pour ce
ragoût le même procédé énoncé ci-dessus, excepté qu'il
faut employer en moindre quantité du velouté, au lieu
d'espagnole; ce ragoût de chicorée se finit avec une
chopine de crème ou du lait réduit, que vous y versez petit à
petit, un peu de muscade râpée et du sel, la quantité
convenable.
Autre manière. - Pour faire le ragoût de chicorée au
blanc n'ayant point de velouté, passez-la dans le beurre;
quand elle est assez desséchée, singez-la légèrement,
délayez- la avec du bouillon, mettez-y le sel convenable,
faites-le cuire et réduire, finissez-la comme la précédente
avec de la crème ou du bon lait, et un peu de muscade
râpée, c'est-à-dire une bonne béchamel. (V. BECHAMEL)
Manière de remplacer la chicorée dans la saison où
elle manque et lorsque on n'en a pas conservé. - Prenez le
coeur d'un ou deux choux dont vous aurez ôté le vert, flairezles;
s'ils sentent le musc, prenez-en d'autres, coupez-les par
quartier, ôtez-en les trognons et les plus grosses côtes;
émincez-les avec votre couteau le plus fin possible, jetezles
dans l'eau, lavez-les bien, retirez-les dans une passoire;
faites-le blanchir comme la chicorée, mais un peu plus de
temps; rafraîchissez-les, pressez-les, hachez-les comme la
chicorée, et pour leur accommodage c'est le même procédé.
Ragoût d'épinards. - Ayez des épinards ce qu'il vous
en faut, ôtez-en les queues, et ceux qui ne sont pas bien
verts ou qui sont tachés, lavez-les plusieurs fois à grande
eau, faites- les blanchir au grand bouillant, dans beaucoup
d'eau où vous aurez mis une poignée de sel; ayez soin de
les remuer et de les écumer; prenez garde que l'eau ne s'en
aille par-dessus les bords du chaudron, ce qui ferait voler de
la cendre dans vos épinards, leur donnerait un mauvais goût
et les ferait croquer. Pour juger s'ils sont assez blanchis,
pressez-en entre deux doigts; s'ils s'écrasent facilement, ils
le sont assez; dès lors retirez-les du feu, jetez-les dans une
passoire, ensuite dans une assez grande quantité d'eau
fraîche pour les rafraîchir sur-le-champ; laissez-les
rafraîchir deux heures, jetez-les de nouveau dans une
passoire; après mettez-les en pelote, sans pour cela les trop
presser; hachez-en ce dont vous aurez besoin, mettez-les
dans une casserole avec un morceau de beurre suffisant
pour les nourrir; passez-les sur un feu vif, remuez-les avec
une cuiller de bois; quand ils seront assez desséchés et d'un
beau vert, mouillez-les avec de l'espagnole; s'ils sont pour
entrée, faites- les réduire à consistance d'une forte bouillie,
mettez-y un peu de muscade râpée; et, pour les finir, un
pain de beurre; remuez-les bien, puis servez.
Ragoût de haricots à la bretonne. - Prenez des
haricots de Soissons, secs ou verts, il n'importe; épluchez et
lavez- en un litre, mettez-les dans une marmite, à l'eau
froide, avec un morceau de beurre sans sel, et durant leur
cuisson versez-y à plusieurs reprises un peu d'eau fraîche, ce
qui les empêchera de bouillir et les rendra plus moelleux;
quand ils seront cuits, égouttez-les, mettez-les dans une
casserole avec un morceau de beurre, une cuillerée ou deux
de purée d'oignons au brun (comme elle est énoncée à son
article) et d'espagnole, assaisonnez-les d'un peu de gros
poivre et de sel; sautez-les souvent et finissez-les avec un
pain de beurre.
Ragoût de haricots au jus. - Mettez dans une
casserole vos haricots cuits, comme il est dit ci-dessus
avec un morceau de beurre, deux cuillerées d'espagnole,
une cuillerée de jus de boeuf, du sel, du gros poivre, et
finissez-les aussi avec un pain de beurre.
Ragoût aux concombres. - Coupez l'extrémité de trois
concombres. Evitez d'en prendre d'amers, ôtez-leur la
pelure, coupez-les en quatre et supprimez-en les pépins,
coupez ces concombres en écailles d'huîtres, parez-les
arrondissez-les, tâchez que les morceaux soient égaux,
faites-les blanchir dans de l'eau avec un peu de sel,
assurez-vous s'ils sont cuits, mettez dans une casserole
trois ou quatre cuillerées à dégraisser de velouté; ajoutez-y
vos concombres; faites-les cuire et réduire, dégraissez-les;
goûtez s'ils sont d'un bon sel; finissez de les lier avec un
morceau de beurre; mettez-y un peu de muscade râpée et
servez.
Ragoût de concombres au brun. - Préparez vos
concombres comme ci-dessus, mettez dans une casserole
quatre cuillerées à dégraisser pleines d'espagnole réduite,
grasse ou maigre; ajoutez- y vos concombres; dégraissez et
faites réduire; mettez-y gros comme le pouce de glace;
finissez-les avec un petit morceau de beurre et servez.
Ragoût de chipolata. - Mettez dans une casserole
deux cuillerées à pot d'espagnole réduite, une demibouteille
de vin de Madère, des champignons tournés, de
petits oignons cuits à blanc, des marrons préparés comme
pour les terrines, des petites saucisses à la chipolata, que
vous aurez fait cuire dans du bouillon, des truffes coupées en
quartiers et un peu de gros poivre, faites réduire votre
ragoût, dégraissez-le et servez-vous-en.
Ragoût de pois au lard. - Prenez lard ou jambon, une
demi-livre ou plus, si le cas le requiert; coupez-le en gros
dés, faites-le blanchir; mettez du beurre dans une casserole,
faites-y revenir votre lard ou votre jambon; qu'il soit d'une
belle couleur; ayez un litre de pois très fins; mettez-les
dans un vase avec gros de beurre comme une noix; maniezles
avec la main, versez de l'eau dessus, laissez-les dans
l'eau un demi-quart d'heure pour que leur peau s'attendrisse;
égouttez-les dans une passoire, mettez- les dans une
casserole, et faites-les suer: lorsqu'ils seront bien verts,
mouillez-les avec une cuillerée à pot d'espagnole, ajoutez-y
votre petit lard ou votre jambon, un bouquet de persil et
ciboules, faites-les partir, retirez-les sur le bord du
fourneau, laissez-les mijoter et réduire. Votre ragoût étant
bien cuit, dégraissez-le, goûtez s'il est d'un bon sel; s'il se
trouvait trop salé, mettez-y un peu de sucre, du sucre
toujours, enlevez l’âcreté et servez.
Ragoût au godiveau. - Mettez de l'espagnole dans une
casserole, la quantité que vous croirez nécessaire pour
votre ragoût, ajoutez-y la quantité convenable
d'andouillettes de godiveau, mettez-y des champignons
préparés comme il est dit aux garnitures, et quelques fonds
d'artichauts coupés en quatre ou en huit morceaux, faites
achever de cuire, dégraissez, faites réduire, ajoutez le jus
d'un citron ou un filet de verjus et servez-vous-en soit pour
garnir une tourte ou un pâté chaud, ou tout autre ragoût.
Raie. - Ce poisson ayant besoin d'être mortifié pour
être plus tendre, le transport du port de mer à Paris ajoute à
sa qualité; c'est du reste le seul poisson qui puisse se
conserver pendant deux ou trois jours, même en temps
d'orage. Les deux meilleures espèces sont la turbotine et la
raie bouclée, et la meilleure manière de la manger est de la
faire cuire à l'eau de sel avec du vinaigre et quelques
tranches d'oignons; on l'égoutte, on l'épluche, et on la sert
avec une sauce blanche aux câpres ou une sauce au beurre
noir noisette, garnie de persil frit.
Le foie de la raie ne doit rester que deux ou trois
minutes dans l'eau bouillante pour être cuit.
Raie frite. - Enlevez la peau d'une raie, coupez-la en
morceaux comme des filets, sans en ôter les arêtes, mettezles
mariner avec assaisonnement, ajoutez-y un morceau de
beurre manié de farine, vinaigre, fines herbes; faites un peu
tiédir la marinade pour que le beurre fonde, laissez les filets
mariner pendant quatre heures, retirez-les avant de les faire
frire, farinez-les et garnissez.
Raie à la noisette. - Faites comme ci-dessus,
assaisonnez et masquez d'une sauce au beurre.
Raie à la sainte-menehould. - Faites une saintemenehould
avec un verre de lait, sel, poivre, un morceau
de beurre manié de farine, deux oignons en tranches, un
bouquet garni, clous de girofle, une pointe d'ail, une feuille
de laurier; mettez cette sauce sur le feu et tournez jusqu'à
ce qu'elle bouille, coupez une raie en filets, faites- les cuire
dans la sauce, retirez-les, trempez-les dans du bouillon,
pansez-les, retrempez- les dans du beurre, repansez-les,
faites-les griller, et servez avec une sauce Robert ou une
rémoulade aux câpres.
Raietons frits. - Enlevez la peau de plusieurs raietons,
mettez mariner avec sel, vinaigre, oignons et quelques
branches de persil, égouttez-les, farinez-les, faites-les frire
d'une belle couleur, égouttez-les de nouveau, et servez avec
une sauce au beurre noir aromatisée.
Raifort. - On en compte deux espèces, le cultivé et le
sauvage: la racine du cultivé est grosse, charnue, d'un brun
noir en dehors et très blanche en dedans; cette chair est
d'une saveur tellement épicée, qu'elle en paraît âcre et
brûlante. Pour que le raifort soit meilleur, on le coupe par
rouelles une ou deux heures avant de le servir, on couvre
chaque rouelle de sel égrugé, puis on les remet les unes sur
les autres, cela leur fait jeter une eau âcre et les rend plus
douces à manger.
On emploie quelquefois le raifort comme garniture
autour des aloyaux rôtis et des gros poissons que l'on a
cuits au bleu.
On en garnit aussi des bateaux à hors- d'oeuvre et on
en compose un beurre assaisonné qui s'emploie dans la
confection des sandwiches et des craquelins à l'écossaise.
Le raifort a les mêmes inconvénients que la vraie rave, il
est également venteux, il cause des rapports, même des
maux de tête quand on en mange trop.
On en met aussi dans les ragoûts auxquels on veut
donner un haut goût.
Raiponce. - Plante du genre campanule que l'on
cultive dans les potagers.
On mange la racine et les feuilles radicales de cette
plante en salade et on y adjoint ordinairement des tranches
de betteraves confites au vinaigre et des montants de céleri
cru.
Raisin. - Depuis Noé, qui le premier planta et fit usage
de la vigne, d'innombrables variétés de raisins se sont
produites. Ces variétés seraient trop longues à énumérer
ici; aussi nous bornerons-nous à citer les principales, c'està-
dire celles que l'on voit le plus ordinairement figurer sur
nos tables.
Ce sont: le chasselas de Fontainebleau qui vient en
première ligne, le gros Corinthe et le chasselas noir qui
viennent après, et quelques muscats, tels que celui de
Frontignan, le muscat hâtif du Piémont, celui de Rivesaltes,
le rouge de corail, le gros muscat noir, le violet de
Gascogne et le passe- musqué d'Italie. Il y a aussi le gros
muscat long et violet de l'espèce de Madère, renommé
pour sa beauté, son volume et sa bonté; mais le meilleur de
tous les muscats est celui qu'on a surnommé de l'Enfant-
Jésus, d'après la belle grappe du tableau de Mignard;
malheureusement cet excellent fruit est devenu très rare.
Le raisin est, selon Gallien, le premier de tous les fruits
d'automne, le plus nourrissant de tous ceux qui ne se
gardent point et celui dont le suc est le moins malfaisant,
lorsqu'il est parfaitement mûr. Tissot rapporte que des
soldats attaqués de dysenteries rebelles, ayant été
transportés dans une vigne, se rétablirent en peu de temps
par l'usage des raisins qu'ils mangèrent en abondance.
Richard Coeur-de-Lion, n'étant encore que duc de
Guyenne, rassembla un jour les notables de son duché et fit
rendre cet édit mémorable: «Quinconque prendra une
grappe de raisin dans la vigne d'autrui payera cinq sous ou
perdra une oreille». Cet édit nous apprend qu'on estimait
fort peu, en 1175, époque à laquelle fut rendu cet édit, une
oreille de Gascon puisqu'elle ne valait que cinq sous. Elles
ont considérablement renchéri depuis, et il n'y a pas
aujourd'hui un seul Gascon, si petit qu'il soit, qui n'estime
ses oreilles bien plus que toutes les vignes du monde,
quoique aimant bien le raisin.
On croit généralement aussi que ce fut un grain de
raisin qu’ il ne put avaler qui causa la mort du joyeux
chantre des festins, Anacréon, environ 437 ans avant Jésus-
Christ. Il dut être content cependant, car on dit qu'il mourut
à la suite d'un bon repas.
On a remarqué que certains gibiers, tels que le petit
renard, le lièvre et quelques petits oiseaux, engraissaient
considérablement en automne, et que leur chair devenait
alors tendre, délicate et bonne à manger, mais, dès que les
vendanges étaient faites, ils maigrissaient complètement et
leur chair perdait le bon goût que lui avait donné le raisin.
Le séchage des raisins en les dépouillant de la plus
grande partie de leur phlegme et en corrigeant l'acide qu'ils
contiennent les rend plus nourrissants et leur donne en
même temps une qualité adoucissante, très propre pour
remédier aux âcretés de l'estomac et pour amollir le ventre;
aussi ceux qui ont l'estomac faible se trouvent-ils bien de
mâcher, après le repas, deux ou trois grains de raisin sec
avec les pépins; cela contribue beaucoup à la coction des
aliments.
On fait sécher les raisins au soleil ou au four; par le
premier procédé, ils conservent une grande douceur, tandis
que le second leur communique une certaine âcreté; les
grands raisins secs dits de Damas proviennent de vignes à
gros grains ou à grains gros et oblongs, et sont désignés
suivant leur lieu de provenance: raisins secs de France, de
Calabre, d'Espagne ou du Levant. Parmi les raisins
d'Espagne, on distingue les raisins muscats, les raisins
au soleil (séchés sur cep au soleil), les raisins fleuris, les
raisins Malaga et les raisins Lexias. Les meilleurs raisins
secs de France proviennent du Languedoc et de la
Provence, ce sont les jubis, les pcards, etc. En fait de raisins
secs d'Italie, on vante ceux de la Calabre à cause de leur
belle chair et de leur goût délicat; ils viennent en masse
dans le commerce attachés à des fils.
Les raisins secs à petits grains, dits raisins de Corinthe,
proviennent d'une variété de vigne croissant surtout aux
îles Ioniennes et en Grèce. La liqueur vineuse qu'on
fabrique avec des raisins secs et du vin qu'on fait fermenter
ensemble, déjà connue des anciens sous le nom de vinum
passum, était une des boissons favorites des Romains.
Raisiné. - Confiture de raisins doux qu'on fait cuire et
réduire en y ajoutant des poires ou des coings et dont
l'enfance est très friande.
On en fait aussi avec du cidre et du poiré dans les pays
où on ne récolte pas de raisins; c'est une substance très
salutaire, qui a l'avantage d'offrir des ressources à la classe
la moins aisée du peuple, puisqu'il ne faut point ou peu de
sucre pour la préparer.
Le meilleur raisiné est celui de Bourgogne; on le fait
avec du vin doux que l'on fait bouillir doucement dans une
chaudière, en l'écumant et le remuant de temps en temps
avec une spatule pour qu'il ne s'attache pas. Ajoutez peu à
peu des morceaux de poires émincées, de Messire- Jean, de
Virgouleux ou de Rousselet. Puis, lorsque tout l'appareil
se trouve réduit au tiers de la chaudière, on tamise la
confiture et on l'empote.
Râle. - Il existe deux variétés de cet oiseau de
passage, le râle de genêt et le râle d'eau, ou, autrement dit,
le râle rouge et le râle noir. Les chasseurs l'appelaient
autrefois le roi des cailles, parce qu'arrivant avec elles au
mois de mai et repartant en septembre, on le supposait leur
conducteur. Le râle est un oiseau de la grosseur du pigeon,
ayant le cou et le bec longs; celui de genêt est un peu plus
gros que le râle d'eau; il se nourrit de semences de genêts,
d'où lui vient son nom, et l'on n'a pas besoin d'ajouter que
c'est un de nos plus excellents gibiers.
On le sert rôti, entouré de feuilles de vigne et enveloppé
dans une grande feuille de papier beurré, sans lardons ni
bardes de lard, attendu que cet oiseau se trouve pourvu
d'une graisse abondante. Il suffit seulement d'une demiheure
de cuisson pour qu'il soit cuit à point. La chair du
râle d'eau est moins savoureuse et par conséquent moins
estimée que celle du râle de genêt. Il reçoit les mêmes
préparations que les autres oiseaux aquatiques.
(V. VANNEAU, PLUVIER)
Rambours. - Pomme de belle apparence et de
médiocre saveur. Elle est originaire de Rambures, en
Picardie.
On ne l'emploie pas en cuisine à cause de son peu de
saveur. Elle ne sert qu'à figurer dans les corbeilles de
fruits.
Ramequin. - Ramequin (V. PATISSERIE)
Ramereaux.
Ramereaux en marinade. - Videz et flambez trois
ramereaux, coupez-les en deux ou en quatre, faites-les
cuire dans une légère marinade; un peu avant de servir,
égouttez-les sur un linge blanc, faites-les frire après les
avoir trempés dans une pâte à frire; qu'ils soient d'une belle
couleur, et servez-les comme les autres marinades.
Ramereaux à l'étouffade. - Videz et flambez trois
ramereaux, préparez des moyens lardons, assaisonnez-les de
sel, de poivre, de persil et ciboules hachés, d'épices fines et
d'aromates pilés et passés au tamis; il faut que le basilic
domine un peu; lardez vos ramereaux, marquez-les dans une
casserole, comme il est énoncé à l'article précédent; faitesles
cuire; leur cuisson achevée, dressez- les sur votre plat;
tamisez le fond, saucez-les, et servez- les.
Des tourtereaux. - Les tourtereaux sont d'une chair
sèche, mais d'un meilleur goût que les pigeons de volière.
Mettez-les à la broche.
Ramier. - Ramier (V PIGEON)
Ratafia. - Ratafia (V. LIQUEURS)
Ratonnet.
Ratonnet de mouton. - Coupez des noix de mouton par
tranches, aplatissez-les, assaisonnez-les de sel, de poivre,
fines herbes, fines épices, persil, ciboules, une pointe d'ail, un
verre d'huile, un jus de citron; laissez-les mariner deux
heures, couvrez ces noix d'une farce de volaille, roulezles,
embrochez-les dans un hâtelet, mettez une barde de
lard de chaque côté pour empêcher la farce de s’échapper;
attachez-les à une broche, et arrosez-les en cuisant avec
leur marinade mêlée avec un verre de vin blanc; quand
elles sont cuites, dressez-les sur un plat, mettez dans le
dégout avec lequel vous les avez arrosées un peu de jus et de
coulis. Dégraissez-le, servez dessus vos ratons, ou servezles
avec une sauce à l'italienne.
On peut aussi les piquer de lard et les faire cuire de
même ou comme des fricandeaux et tirer leur glace pour
mettre dessus. On fait de même les ratons de veau et de
boeuf après en avoir mortifié les viandes.
Rave. - Rave (V. RADIS et RAIFORT)
Ravigote. - Nom donné à une sauce piquante faite
avec du cerfeuil et de l'estragon hachés; on y ajoute de la
pimprenelle, de la ciboule, du sel, du poivre et des quatre
épices; on fait chauffer le tout dans une casserole de terre
avec du blond de veau, du vinaigre, du beurre frais que l'on
mélange ensemble afin de bien lier le tout.
Ravigote à l'huile. - Vous hachez les herbes comme il
est indiqué ci-dessus; puis vous les mettez avec de l'huile,
du vinaigre, du sel, du gros poivre, dans du bouillon froid.
Remuez longtemps cette sauce afin de la bien lier.
Vert de ravigote. - Vous prenez une égale quantité de
cerfeuil, de pimprenelle et d'estragon, un peu de ciboulette,
de persil, de cresson alénois et de cresson de santé; vous
faites blanchir le tout sur un feu très ardent, puis vous
faites rafraîchir ces herbes à grande eau, les pressez et les
pilez dans un mortier, en y ajoutant un peu de sauce
allemande froide; quand le tout formera une espèce de
pâte, vous le passerez dans un tamis en le pressant
avec une cuiller de bois.
Vous vous servez de ce vert de ravigote pour mettre
dans les liaisons, les sauces et les ragoûts.
Reine-Claude. - Excellente prune que l'on cueille au
mois d'août. (V. COMPOTES, CONFITURES, GLACES,
MARMELADE, PRUNES, TOURTES et FRUITS A L'EAU- DEVIE).
Reinette. - La pomme reinette possède trois variétés:
la blanche ou reinette de France qui est la meilleure espèce
de pommes à cuire, dont la pulpe est très sucrée et qui est
imprégnée d'un acide qui en relève beaucoup la saveur; la
reinette grise qui vient après, et enfin la reinette
d'Angleterre ou du Canada.
C'est avec la reinette qu'on fait la gelée de pommes à la
manière de Rouen.
(V. CHARLOTTES, GELEES, PATISSERIES)
Rémoulade. - Sauce composée d'anchois, de câpres, de
persil et ciboules hachés à part, le tout passé avec du bon
jus, une goutte d'huile, une gousse d’ail et assaisonnement
ordinaire.
Rémoulade à la provençale. - Hachez du persil, deux
échalotes, un peu d'oignon, pressez-les ensuite dans un
linge pour en extraire les parties aqueuses, hachez aussi
des cornichons, des câpres et un anchois, pilez
parfaitement le tout dans un mortier avec quatre jaunes
d'oeufs durcis, un peu de persil blanchi, de l'ail et ajoutez- y
un jaune d'oeuf cru quand tout est pilé; versez presque
goutte à goutte dans le mortier la valeur d'un bon verre
d'huile, assaisonnez de sel, poivre, moutarde, une cuillerée à
bouche de bon vinaigre à l'estragon, un jus de citron, et
mêlez bien le tout ensemble.
Requin.
Croustade de squales de l'estomac de jeunes requins.
- Ayez quinze estomacs de jeunes requins, mettez- les
tremper vingt-quatre heures, égouttez-les, puis faites- les
blanchir vingt minutes dans une eau légèrement salée;
égouttez-les encore et passez-les à l'eau fraîche, épongezles
ensuite avec une serviette.
Foncez ensuite une casserole de bardes de lard et
mettez-y vos squales; ajoutez-y une feuille de laurier des
Indes 2 clous de girofle, 3 tranches de citron auxquelles
vous aurez enlevé la peau et les pépins; mouillez d'une
cuillerée à pot de bon consommé de volaille, 3 onces de
beurre et faites cuire le tout à petit feu jusqu'à entière
cuisson. Au moment de servir, faites une sauce avec une
grande cuillerée à pot de suprême, une cuillerée à bouche
de Soubise, deux fortes pincées de kari indien et faites en
sorte que votre sauce réduite ne soit pas trop pâteuse.
Faites ensuite égoutter vos squales, passez-les dans
votre sauce et dressez-les dans votre croustade.
Pour les personnes qui aiment le requin ou qui auraient
la fantaisie d'en manger, nous conseillons cette recette qui
nous est donnée par M. Duglerez, chef de la bouche de la
maison Rothschild, à qui nous devons déjà plusieurs
recettes de ce genre, mais nous déclarons à l'avance que
nous ne pouvons donner notre avis sur ce mets, n'en ayant
jamais mangé et n'en ayant pas l'envie.
La chair du requin est dure, coriace, maigre, gluante et
difficile à digérer, ce qui n'empêche pas les Norvégiens et les
Islandais de la faire dessécher et de la faire cuire ensuite
pour la manger. Nous leur recommandons la recette ci
dessus.
Sa graisse a la qualité singulière de se conserver
longtemps et de durcir en séchant comme le lard de
cochon; aussi les peuples susnommés s'en servent au lieu
de lard et la mangent avec leur stockfish.
Riblette. - Ragoût qu'on prépare sur le gril d'une
tranche déliée de viande de boeuf ou de veau, ou de porc,
qu'on sale et qu'on épice.
On apprête les riblettes comme les côtelettes.
Rissole. - Sorte de pâtisserie faite de viande hachée et
épicée, enveloppée dans de la pâte et frite dans du
saindoux.
On fait d'abord de petites abaisses en forme de petite
pâte ovale, on les remplit d'un godiveau fait de blanc de
chapon, moelle de boeuf, sel et poivre, le tout bien haché,
puis, les rissoles faites, on les confit dans le saindoux.
Rissoles en gras. - Faites une farce avec un blanc de
chapon ou un morceau de veau blanchi sur le gril, du
persil, ciboules, un champignon, un peu de jambon cuit, de
la mie de pain trempée dans de la crème, liez avec deux
jaunes d'oeufs crus, pilez ensuite le tout dans un mortier,
puis faites une abaisse de feuilletage très mince, coupez-la en
petits morceaux sur lesquels vous mettez un peu de votre
farce, couvrez de même pâte, soudez les deux abaisses,
parez vos rissoles tout autour, faites frire dans du saindoux
bien chaud, et servez pour hors-d'oeuvre ou pour garniture.
Rissoles en maigre. - Vous opérez de la même façon
qu'il est indiqué ci-dessus; vous faites seulement une farce
maigre au lieu d'une farce grasse et vous faites frire.
Rissoles de tétine de veau. - Prenez des tétines de veau
blanchies, coupez-les entières, mettez entre deux morceaux
un peu de farce, soudez avec des oeufs et faites frire
trempées dans une pâte légère.
Rissoles à la moelle glacées. - Prenez un peu de crème
pâtissière avec un quart de moelle et de la fleur d'orange;
grillez du sucre, un peu de crème, trois ou quatre biscuits
d'amandes amères, pilez bien le tout, formez vos rissoles
comme il est dit plus haut, faites-les frire, glacez, et servez
chaud pour entremets.
Rissoles de chocolat. - Faites une pâte brisée bien fine
ou de feuilletage, étendez-la bien mince et formez vos
rissoles; faites une crème pâtissière délicate, râpez-y du
chocolat assez pour qu'elle en prenne le goût, laissez-la
refroidir, formez vos rissoles, peu de pâte, beaucoup de
crème, faites frire, glacez à la pelle rouge ou dans le four, et
servez chaud.
On fait des rissoles de café, de safran, de crème, de riz,
d’amandes, pistaches avelines et toutes sortes de fruits.
Rissoles d'épinards. - Epluchez les épinards, lavez-les
à plusieurs eaux, faites cuire ensuite dans une casserole
avec un verre d'eau; égouttez-les, pressez-les, pilez-les
dans un mortier avec un morceau de beurre frais, de
l'écorce de citron vert, quelques biscuits d'amandes amères,
un peu de sucre et d'eau de fleur d'oranger, formez ensuite
vos rissoles comme on l'a déjà dit, faites frire de belle
couleur dans une friture maigre; quand elles sont frites et
dressées sur un plat, sucrez-les, glacez-les à la pelle rouge
et servez pour entremets.
Rissoles de marmelade d'abricots. - Vous faites une
pâte brisée avec un litre de farine fine, un quart de beurre,
une cuillerée d'eau de fleur d'oranger, un peu de citron râpé
très fin, une pincée de sel, un peu d'eau, formez-en de petites
abaisses, mettez dessus de petits tas de marmelade
d'abricots, finissez à l'ordinaire, et servez, glacées avec du
sucre à la pelle rouge.
Rissoles de champignons et mousserons. - Coupez en
dés les champignons et les mousserons, passez-les sur le
feu avec un morceau de beurre, un bouquet, une tranche de
jambon, mettez-y une pincée de farine, mouillez avec un
peu de réduction, deux cuillerées de coulis, un peu de
bouillon et sel, faites cuire ce ragoût, dégraissez-le, puis,
quand il est cuit, liez la sauce, mettez-y un jus de citron et
laissez refroidir. Faites une pâte brisée, mettez de petits tas
de votre ragoût sur les abaisses, finissez comme on l'a dit, et
servez de même.
Rissoler. - Action de cuire les viandes ou autres mets
jusqu'à leur donner une couleur rousse.
Le rôti, pour être beau et bien cuit, doit être rissolé.
On dit aussi d'un pain cuit de belle couleur qu'il est
rissolé.
Rissolettes. - Elles se font avec toutes sortes de
viandes cuites hachées menu, avec un peu de graisse de
boeuf ou de veau, du lard, sel, poivre, persil, ciboules,
échalotes, trois jaunes d'oeufs; dressez de cette farce sur de
petites rôties de pain, et servez chaud pour hors-d'oeuvre.
Riz. - Originaire de l'orient, le riz est après le pain la
nourriture la plus saine, la plus abondante et la plus
universellement connue. Les peuples de l'Asie, de l'Afrique
et de l'Amérique en font une consommation considérable et
s'en trouvent fort bien; dans beaucoup de pays de l'Europe,
le riz est aussi fort en usage. On fait encore dans certains
pays un vin de riz d'une couleur blanche ambrée et d'un
goût aussi agréable que le vin d'Espagne: cette boisson
enivrante est très en usage à la Chine, où le riz est la base
de la nourriture des habitants.
Le riz que nous consommons en France nous vient de
l'Italie, du Piémont et de la Caroline.
Riz soufflé. - Préparez une once ou deux de riz, faitesle
crever dans du lait avec un peu de zeste de citron, du sel et
un peu de beurre, mouillez-le petit à petit pour qu'il se
maintienne ferme, ajoutez-y deux cuillerées de sucre en
poudre; votre riz crevé et réduit, mettez-y des jaunes
d'oeufs les uns après les autres, faites-les prendre sans les
laisser trop cuire, fouettez les blancs que vous mêlerez
avec votre appareil, dressez votre soufflé sur un plat,
mettez-le au four ou sous un four de campagne, glacez-le de
sucre en poudre lorsqu'il commencera à prendre couleur,
laissez-le s'achever de se cuire et de se glacer, et servez-le.
Mettez le soufflé dans un bol d'argent, cernez-le autour avec
un couteau afin de lui laisser l'aisance de monter, glacez et
servez.
Gâteau de riz à la bourgeoise. - Lavez et faites
blanchir 250 grammes de riz, faites-le crever dans un peu de
lait que vous aurez fait bouillir avec le zeste d'un citron,
mouillez ce riz petit à petit et maintenez-le ferme, laissez-le
ensuite refroidir, incorporez-y une douzaine de macarons,
dont six amers, une pincée de sel fin, 125 gr. de sucre,
quatre oeufs entiers et les jaunes de quatre autres dont vous
conserverez les blancs. Beurrez une casserole, égouttez-la,
saupoudrez-la de mie de pain, fouettez vos quatre blancs
d'oeufs, incorporez-les légèrement dans le riz, versez-le
dans une casserole qui devra vous servir de moule, mettezle
au four une demi-heure ou trois quarts d'heure avant de
servir, dressez-le, sa cuisson achevée, et servez-le de suite;
les macarons en poudre.
Les gâteaux de vermicelle ou de semoule se font de la
même manière, excepté que vous ne faites pas crever ces
pâtes.
Vous pouvez masquer votre gâteau ou servir à
proximité de cet entremets une sauce composée de la
manière suivante:
Mettez dans une casserole la moitié d'une cuillerée à
bouche de fleur de farine délayée avec de la crème, une
cuillerée à café d'eau de fleur d'oranger, un peu de sel, une
cuillerée à bouche de sucre fin et un peu de beurre, mettez
cet appareil sur le feu, faites-le cuire en le tournant, puis
masquez-en votre gâteau en le tirant du four.
Riz au lait d'amandes. - Nettoyez votre riz et mettez-le
dans une casserole avec un peu d'eau, ajoutez un grain de
sel, un peu de zeste de citron, deux feuilles de laurier
amande, et faites cuire à petit feu; pilez ensuite 250
grammes d'amandes que vous humectez en pilant avec
une cuillerée d'eau afin qu'elles ne tournent pas en huile;
lorsqu'elles sont bien pilées, vous les passez dans une
serviette, en pressant fortement; mettez du sucre dans votre
riz, mouillez-le avec ce lait d'amandes et achevez de le faire
cuire à petit feu.
Otez, avant de servir, le citron et le laurier.
Riz aux pommes à la bonne femme. - Préparez du riz
comme pour un gâteau, en employant des oeufs entiers
battus, beurrez une casserole et mettez deux doigts de ce
riz au fond de cette casserole et autant autour, remplissez
l'intérieur avec des quartiers de pommes en compote.
Couvrez avec du riz et faites cuire comme le gâteau.
Turban de pommes au riz. - Garnissez de 250
grammes de riz cuit un moule légèrement beurré; placez
dans l'intérieur six pommes coupées par quartier et cuites au
sirop, renversez ensuite le moule sur le plat d'entremets,
enlevez-les, placez à l'entour, et un peu inclinés, les
quartiers de pommes cuites blanches et ornez- les avec des
grains de raisin de Corinthe. Vous placez à l'entour du haut
du riz et droites de petites bandes rondes de riz que vous
aurez teintées d'un beau rose ou vert pistache très tendre,
ou si vous préférez vous placez tout simplement des filets
d'angélique; servez votre entremets après avoir versé
autour le sirop de pommes.
Chose extraordinaire, j'en ai mangé sur les bords
du Volga.
Corbeille de riz garnie de petits fruits. - Vous dressez
votre riz sur le plat en forme de corbeille après l'avoir
préparé comme il est indiqué ci-dessus, vous ornez cette
corbeille d’une mosaïque de petits filets d'angélique, puis
vous garnissez le tour du pied de petites colonnes de
pommes, vous groupez dans la corbeille de petits fruits
disposés avec douze pommes de reinette bien saines de
manière à imiter des poires, des abricots, des figues et des
petites pommes d'api; vous colorez les figues après la
cuisson avec un peu de vert, mais pas d'essence d'épinards,
les abricots avec une petite infusion de safran et les
pommes d'api avec un peu de carmin; puis vous placez
dans les fruits, pour imiter des grappes de raisin, de petites
parties de riz dans lesquelles vous fichez de moyens grains
de muscat; pour former une grappe de ce fruit, vous en
groupez une autre de raisins de Corinthe et vous placez
enfin, entre tous ces fruits, des feuilles de biscuit aux
pistaches, d'angélique en losange ou de riz teint d'un vert
tendre.
Riz en timbale glacée. - Vous foncez légèrement de
pâte fine un moule d'entremets, ensuite vous masquez la
pâte avec les trois quarts de riz; versez dans le milieu huit
pommes de reinette coupées par quartier que vous aurez
fait cuire avec deux onces de sucre, deux de beurre
d'Isigny et deux cuillerées de marmelade d'abricots.
Couvrez le tout du reste de riz et d'une abaisse de pâte;
mettez ensuite la timbale au four doux, faites-lui prendre
couleur blonde, renversez-la sur le plat, enlevez le moule,
glacez la surface avec de la marmelade d'abricots
transparente et servez.
Riz en croustade et meringué. - Dressez et décorez
une croustade de pâte fine, cuisez-la de belle couleur,
préparez six onces de riz et huit belles pommes tournées et
cuites très blanches. Dégarnissez la croustade de la farine
que vous y avez mise pour cuire, versez-y la moitié du riz
que vous élargissez et placez dessus les pommes que vous
aurez garnies intérieurement d'abricots. Couvrez-les avec
le reste du riz que vous unissez, puis mettez l'entremets au
four doux; fouettez deux blancs d'oeufs, mêlez-les avec
deux cuillerées de sucre en poudre, formez-en une grosse
meringue, saupoudrez-la de sucre fin et placez-la sur un
bout de planche; mettez-la au four, donnez-lui belle
couleur, retirez l'entremets que vous masquez avec le sirop,
glacez la croûte de votre croustade et servez de suite. Cette
préparation faisait les délices d'Alice Ozy, à Saint-
Germain.
Riz à la turque. - Lavez et blanchissez 248 grammes de
riz Caroline, faites-le cuire un peu ferme avec quatre verres
de lait, un quart de sucre sur lequel vous aurez râpé le zeste
d'un citron, un quart de beurre d'Isigny, six onces de raisin
de Corinthe bien lavé et un grain de sel; vous ôtez le riz
du feu quand il est crevé, vous y mêlez huit jaunes d'oeufs,
vous le versez dans une casserole d'argent ou dans une
croustade et le mettez au four doux pendant vingt minutes.
Vous le saupoudrez ensuite de sucre fondu au fer à glacer
pour donner à la surface du riz une belle couleur rougeâtre,
et vous servez de suite.
Riz à la turque (autre méthode). - Choisissez 500
grammes de bon riz que vous lavez à plusieurs eaux,
égouttez- le et mettez-le dans une casserole et faites-le
crever avec du bon consommé; il faut le mouiller très peu.
Votre riz à moitié cuit, joignez- y un peu de safran en
poudre, un morceau de beurre fin, de la moelle de boeuf
fondue et un peu de glace de volaille; maniez le tout
ensemble et servez dans une soupière ou sur un plat avec
du consommé clarifié.
Riz à l'indienne. - Vous préparez votre riz en y
joignant le tiers d'un verre de rhum et une petite infusion
de safran, afin de le colorer d'un beau jaune; servez-le
glacé comme il est indiqué plus haut et dans une casserole
d'argent.
Riz à la française. - Lavez et blanchissez du riz et
faites le cuire avec du beurre fin, du sucre en poudre et du
lait; mêlez-y ensuite quelques macarons amers, un peu de
fleur d'oranger, pralines en feuille, de l'écorce d'orange
confite et coupée en dés, une vingtaine de cerises coupées en
deux et autant de gros raisins de Muscat bien épépinés et
quelques filets d'angélique confite. Finissez ce plat comme
il est indiqué ci-dessus, et servez avec une sauce liée au vin
d'Alicante ou de Val de-Penas.
Riz à la Ristori. - Vous faites crever une livre de riz
bien lavé. Vous râpez une demi-livre de lard, puis vous
émincez un chou de Milan et vous le faites suer avec le
lard, du sel, du poivre, persil, quelques graines de fenouil;
quand le chou a été étouffé pendant trois quarts d'heure,
vous mettez le riz dedans avec très peu de mouillement
afin qu'il soit à peine couvert, vous le laissez cuire un quart
d'heure et vous le servez avec du fromage de Parmesan
râpé.
Riz à la Cochinat. - Dépecez deux poulets, passez-les
au beurre, mais ornés d'un bon bouquet garni de deux clous
de girofle, de petits piments enragés bien écrasés ou pilés et
d'une pincée de safran. Mouillez vos poulets avec du
bouillon en y ajoutant trente oignons éminces le plus
également possible, en observant d'en retirer les bouts et
les coeurs, faites frire vos oignons bien blancs, égouttezles
et mettez-les cuire avec vos poulets en faisant bouillir le
tout à grand feu; lavez une livre de riz, faites-le blanchir,
faites-le cuire dans de l'eau de manière qu'il soit à peine
crevé, servez vos poulets dans une terrine, votre riz dans
une autre, ne dégraissez pas vos poulets; ayez soin que leur
sauce soit un peu longue sans être liée.
Riz au beurre, aux pommes et aux raisins de
Corinthe. - Faites cuire 360 grammes de riz comme il est
indiqué, joignez-y du raisin de Corinthe parfaitement lavé,
tournez ensuite douze pommes d'api que vous coupez par
quartier et que vous faites cuire avec du beurre fin, du
sucre en poudre et de la marmelade d'abricots.
Vous beurrez ensuite légèrement un moule à cylindre et
vous le garnissez avec le riz que vous renversez aussitôt
sur un plat; vous glacez ce riz de marmelade d'abricots,
vous versez dans le cylindre les quartiers de pommes tout
bouillants et vous servez de suite.
Gâteau de riz au caramel. - Vous préparez le riz de la
manière accoutumée, mais vous faites cuire le sucre au
caramel et y mêlez une cuillerée de fleur d'oranger
pralinée. Lorsqu'il est froid, vous le faites dissoudre avec
un demi-verre d'eau bouillante et le versez ensuite dans le
riz que vous moulez comme le précédent; puis, après
l'avoir renversé sur son plat, vous le glacez de sucre en
poudre que vous faites fondre en posant dessus le fer à
glacer, ce qui donne une couleur brillante au gâteau que
vous servez le plus promptement possible.
On peut, au lieu de glacer ce gâteau, le masquer de
marmelade d'abricots et semer par-dessus des macarons
amers pulvérisés.
Tous ces gâteaux sont de fort jolis entremets.
Riz à la chancelière. (Recette de la présidente
Fouquet). - Mettez dans une grande huguenote de terre, qui
doit être plus haute que large, une demi-livre de riz bien
lavé à six eaux tièdes, une demi-livre de sucre en poudre,
un quarteron de beurre tout frais, trois cuillerées de miel
blanc, une petite cuillerée de fine poudre de cannelle et
puis enfin deux pintes de lait très nouveau; enfournez la
huguenote en mettant le pain au four et laissez-y cuire le
riz jusqu'à l'heure où on détournera le gros pain de douze
livres. Notez bien qu'il faut que le haut du vase soit assez
vide et longuement exhaussé pour que le lait, en bouillant
par la grande chaleur du four, ne puisse sortir de la
huguenote et se trouve obligé de retomber toujours sur le
riz. Madame la chancelière de Pontchartrain a vécu
longtemps de cette nourriture agréable aussi bien que
légère et très salubre aux inflammations de poitrine et
d'estomac.
Roast-beef ou rosbif. - Roast-beef ou rosbif (V.
BOEUF)
Robine. - Nom d'une excellente poire connue aussi
sous les noms d'averat, de muscat d'août et de royale.
Rocambole. - (échalote d'Espagne) Espèce d'ail qui
croît naturellement dans les contrées méridionales de
l'Europe. On la rencontre aussi en Allemagne, en Hongrie,
en Danemark. Les bulbes sont employées dans la cuisine
comme assaisonnement, elles sont plus douces que celles de
l'ail commun; on sert aussi sur la table, pour être mangées
crues, les petites bulbes qui se trouvent parmi les fleurs.
La rocambole de France ayant presque toujours un goût
de verdeur et d'âcreté très prononcé, il faut avoir bien soin de
la faire blanchir avant de s'en servir.
Rognon. - C'est sous ce nom que l'art culinaire s'est
emparé des reins des animaux; la saveur urineuse qui les
caractérise est ce que recherchent les amateurs de cette
sorte de mets.
La chair des rognons a cela de particulier qu'elle ne
s'attendrit jamais par la cuisson; ils sont ordinairement
d'une substance molle et compacte qui les rend difficiles à
digérer et produit des obstructions; il y a cependant
quelques jeunes animaux dont les reins sont assez tendres et
d'un bon goût, tels que ceux des agneaux, des veaux, des
cochons de lait et de quelques autres.
Les rognons de boeuf étant toujours un peu pierreux et
la substance étant pourvue d'une saveur trop forte, nous ne
conseillons pas à nos lecteurs d'en abuser.
Rognons de mouton aux mousquetaires. - Prenez des
rognons, ôtez-en la graisse fendez-les en deux, embrochezles
à des brochettes, assaisonnez-les de sel, poivre, un peu
d'échalotes hachées bien menu. Frottez une casserole de
beurre, lard ou graisse, arrangez-y vos rognons, mettez-les
un instant sur le feu ou sur des cendres chaudes, feu dessus
et dessous, laissez-les seulement un instant, cela suffit pour
leur cuisson, dressez-les dans un plat, mettez un peu d'eau
dans la casserole où ils ont cuit, un peu de mie de pain, sel,
poivre, une pointe de vinaigre, jetez vos rognons dessus, et
servez pour hors-d'oeuvre. Rognons de mouton à la
brochette honorifique. Mouillez une douzaine de rognons de
mouton, fendez-les légèrement à l'opposé du nerf, ôtez les
peaux qui les enveloppent et achevez de les fendre sans les
séparer; passez au travers, de quatre en quatre, une
brochette de bois en sorte qu'ils ne puissent se refermer,
trempez-les dans du beurre fondu, panez-les, faites-les
griller en les retournant à propos; quand ils sont cuits,
retirez les brochettes, dressez-les sur un plat, mettez dans
chacun un peu de maître-d'hôtel froide, faites échauder
votre plat et exprimez dessus le jus d'un citron.
Rognons de mouton au vin de Champagne. -
Supprimez la graisse et les fibres d'une douzaine de
rognons de mouton et émincez-les, mettez du beurre dans
une casserole, ajoutez-y vos rognons assaisonnés de sel,
poivre, muscade, persil haché et champignons, faites sauter
à grand feu, puis, lorsqu'ils sont roidis, vous y mettez un
peu de farine et d'Aï bouilli avec deux cuillerées
d'espagnole réduite, remuez sur le feu sans laisser bouillir,
et au moment de servir, joignez-y un peu de beurre fin et
un jus de citron, et servez avec des croûtons.
Rognons de mouton glacés. - Piquez-les et un lard très
fin sans ôter la peau, enfilez- les dans des brochettes et
attachez-les à la broche avec un papier beurré sur l'endroit
qui n'est pas piqué, et, quand ils sont cuits à propos, servez
avec une sauce à l'espagnole ou toute autre.
Rognons de mouton sur le gril. - Ouvrez les rognons
par le milieu, passez au travers une petite brochette,
assaisonnez-les de sel, poivre, et faites griller; quand ils
sont cuits, servez-les avec une sauce à l'échalote. Tous les
rognons de mouton sont bons à toutes sauces, pourvu qu'ils
soient saignants.
Rognons marinés. - Prenez des rognons de mouton et
fendez-les en deux sans les séparer, faites-les mariner avec un
peu d'huile, persil, ciboule, une pointe d'ail, le tout haché
très fin; ajoutez thym, laurier, basilic en poudre, sel, fines
épices. Quand ils auront pris goût dans la marinade, vous
les passez comme les autres dans des petits hâtelets, les
trempez dans leur marinade, les panez de mie de pain, vous
les faites griller en les arrosant de temps en temps avec leur
marinade, et vous les servez avec une sauce à l'échalote
dessous.
Rognons de mouton en ragoût. - Faites blanchir les
rognons, ôtez-en la petite peau, piquez-les de gros lard,
passez-les à la poêle avec bon beurre, persil, ciboules;
empotez-les après avec bon bouillon, sel, poivre, clous,
champignons, morilles, palais de boeuf, marrons, un
bouquet de fines herbes et un coulis de boeuf et servez
pour entremets.
Rognons de mouton aux concombres. - Faites cuire
vos rognons dans des bardes de lard, laissez-les refroidir,
émincez-les et mettez-les dans un ragoût de concombres au
roux ou à la béchamel.
Rognons de mouton sautés. - Fendez douze rognons
pelés et servez cru. Nous devons à l'obligeance de notre
ami Nadar cette recette primitive.
Cependant, si vous le préférez, posez-les sur un sautoir
avec beurre fondu, sel et poivre; faites aller à grand feu.
Quand ils sont roidis d'un côté, retournez-les et faites-les
cuire de l'autre; retirez-les, dressez-les sur un plat avec
autant de croûtons de pain passés au beurre. Mettez dans
votre sautoir un morceau de graisse, deux cuillerées
d'espagnole réduite, faites bouillir votre sauce, finissez-la
avec du beurre fin et un jus de citron, saucez vos
rognons, et servez.
Rognons de boeuf à l'oignon. - Passez des tranches
d'oignon dans une casserole avec un morceau de beurre;
lorsqu'il est à moitié passé, mettez-y votre rognon de boeuf
coupé très mince, assaisonnez de sel et poivre, ne mouillez
qu'avec le jus que cela rendra, ajoutez un filet de vinaigre et
de la moutarde, et servez pour hors-d'oeuvre.
Rognons de boeuf à la poêle. - Passez votre rognon
bien émincé dans une poêle avec persil, ciboule, échalote, sel
et poivre. Otez les rognons lorsqu'ils sont cuits, mettez dans
la sauce un verre de vin et un peu d'eau, liez avec trois
jaunes d'oeufs et servez pour hors d'oeuvre.
Rognons de veau sautés. - Emincez des rognons de
veau dont vous aurez ôté les peaux et la graisse. Mettezles
sur un plat à sauter avec du beurre, sel, poivre,
muscade, échalote et persil hachés et champignons cuits;
faites-les sauter sur un feu très ardent. Ajoutez un peu de
farine, du vin blanc, quelques cuillerées de sauce
espagnole réduite, puis, au moment de servir, mettez dans
les rognons un peu de beurre bien frais et un jus de citron.
Si vous faites cuire vos rognons de veau à la broche ou
au four, vous leur laisserez leur graisse.
Les rognons d'agneau et les rognons de coq reçoivent
aussi des préparations que nous avons indiquées à leur
article.
Roquefort. (Fromage de) - Fromage qui se fabrique à
Roquefort-en-Rouergue, dans l'Aveyron.
Ce fromage est composé d'un mélange de lait de chèvre
et de brebis, chauffé et mis en présure et en forme; on
entoure ensuite chaque petite masse de sangles pour les
empêcher de se fendre, et on le dessèche dans des caves où
règne un courant d'air très vif, puis on le sale en le
couvrant d'une couche de sel et en en empilant plusieurs
les uns sur les autres, au bout de trois ou quatre jours de
salaison; on les laisse s'affiner en ayant soin de les gratter et
nettoyer toutes les fois qu'ils montrent un duvet plus ou
moins coloré; dès que ce duvet est rouge et blanc, ces
fromages sont bons à manger: c'est habituellement au bout de
trois à quatre mois de cave.
Nous recommandons le fromage de Roquefort, qui
passe avec raison pour le meilleur de tous nos fromages
secs.
Rossignol. - Le rossignol a beau nous charmer par son
chant mélodieux, cela n'empêche pas nos cruels chasseurs de
le tuer pour sa chair, qui ne le cède en délicatesse qu'au becfigue.
On rapporte que Lucullus, dans un repas somptueux,
fit servir plusieurs plats composés d'une très grande
quantité de cervelles de rossignols: mets exquis s'il en fut.
Rossolis. - Liqueur agréable qu'on buvait
ordinairement à la fin des repas au siècle dernier. En voici
la recette:
Mettez dans une bouteille de verre une pinte d'esprit-devin
ou de bonne eau-de-vie avec douze clous de girofle,
trois brins de poivre long, un peu d'anis vert et de
coriandre cassée. Laissez tremper le tout environ deux
heures et passez-le dans un linge; faites cuire du sucre à
soufflé, retirez-le du feu, mettez-y votre esprit-de-vin,
remuez-le bien avec une cuiller, passez-le ensuite dans une
chausse, mettez au fond de cette chausse une douzaine
d'amandes douces et non pilées. Si vous le voulez meilleur,
pilez dans un mortier un grain de musc et deux grains
d'ambre avec un peu de sucre en poudre. Mettez le tout
dans un peu de coton ou dans de l'étoupe, arrachez-le à la
pointe de la chausse, et passez votre liqueur deux ou trois
fois.
Rossolis ou liqueur parfumée. - Faites bouillir deux
pintes d'eau et deux livres de sucre jusqu'à diminution d'un
quart, versez-y ensuite deux cuillerées d'eau de fleur
d'oranger, faites bouillir encore un peu, jetez-y un blanc
d'oeuf fouetté avec la coquille rompue, remuez bien ce
blanc d'oeuf dans votre liqueur, ôtez-la du feu quand elle
commence à bouillir, passez-la plusieurs fois dans la
chausse, clarifiez-la, versez-y de bonne eau-de-vie à
discrétion, suivant la force que vous voulez lui donner,
versez-y enfin de l'essence d'ambre ou d'hypocras, plus ou
moins, suivant votre goût.
Rôti. - Viande cuite à la broche et au four. Le rôti, dans
les repas réglés, se sert au second service. Le gros rôti est la
grosse viande rôtie, telle que boeuf, veau, gigot de mouton,
etc.; le petit rôti est la volaille, le gibier et les petits pieds.
Quelques personnes regardent les viandes rôties comme
moins saines et moins nourrissantes que celles qui sont
bouillies. «Le feu, disent-ils, venant à agir d'une manière
immédiate sur les viandes que l'on rôtit, en dissipe toute
l'humidité qui les rendait si saines, il en dessèche les fibres
et, concentrant ce qui n'a pu se dissiper du suc de ces
viandes, il le fermente et l'exalte au point d'en développer
tous les sels et d'en former un suc salin et spiritueux,
propre à fermenter le sang et à exalter la bile.
«Les viandes bouillies, au contraire, toujours suivant
ces mêmes personnes, ne reçoivent l'action du feu qu'au
travers de l'eau, qui la modère et la corrige; c'est une sorte de
bain-marie; ce n'est plus un feu sec et ardent qui brûle, c'est
une chaleur douce et modérée qui cuit sans durcir et pénètre
sans dessécher. Or rien ne ressemble si bien aux digestions
qui se font dans le corps et n'y dispose mieux les
nourritures qu'on lui prépare.
«Enfin, le rôti donne peut-être plus de vigueur parce
qu'il remue davantage les esprits et qu'il affecte plus
agréablement la langue, mais il fournit moins de suc
nourricier, parce que l'ardeur immédiate du feu lui en a
enlevé davantage».
C'est une erreur: rien n'est plus capable, au contraire, de
dépouiller la viande de son suc que l'eau. L'eau est le plus
puissant dissolvant; il vide les pores de la viande, la rend
propre à se charger de toutes sortes de sels et à se remplir de
ce qu'il y a soit de plus spiritueux, soit de plus huileux, soit
de plus terrestre dans le corps. On dissout plus de mixtes et
on tire plus de sucs par les dissolvants aqueux que par les
autres. Comment donc la viande, lorsqu'elle sera longtemps
dans l'eau bouillante, n'y perdrait-elle pas la meilleure
partie de son suc? Elle l'y perd si bien, que le bouillon en
tire toute la gelée: c'est donc une erreur, nous le répétons,
de prétendre que la viande bouillie est plus nourrissante, et
si le rôti a plus de goût que le bouilli, c'est, comme a dit
un savant médecin du dernier siècle, parce qu'il a encore
tout son suc, au lieu que la viande bouillie a perdu une
partie du sien par le moyen de l'eau. Les viandes que l'on
fait rôtir ne doivent pas être saisies trop brusquement par le
feu, pas plus qu'elles ne doivent languir. Les viandes noires
doivent rester rouges afin de conserver tout leur jus, mais
les viandes blanches exigent une cuisson plus égale, et la
moindre teinte rosée doit avoir disparu. Quant à fixer une
règle bien certaine à l'égard de la cuisson des viandes
rôties, c'est assez difficile; car cela dépend toujours de la
qualité et de la quantité des viandes que l'on fait rôtir; il y a
cependant deux choses essentielles à considérer dans les
procédés qu'on doit suivre pour bien faire rôtir: d'abord la
manière d'établir et de conduire le feu, ensuite la qualité
des viandes, qu'il faut traiter différemment suivant qu'elles
sont blanches ou noires.
Nous empruntons à M. A. Goque, auteur de la Cuisine
française, la manière de rôtir les viandes noires et les
viandes blanches.
Manière de rôtir les viandes noires et les viandes
blanches. - Les viandes noires telles que le boeuf et le
mouton demandent à être vivement saisies. Il faut pour ces
viandes un feu clair, principalement établi aux deux bouts
de la broche. Ne hâtez pas trop cependant la cuisson, mais
conduisez votre feu de manière à diminuer graduellement la
chaleur. Une grosse pièce, par exemple un rôti de boeuf ou
de mouton pesant trois ou quatre kilogrammes, exigera une
heure ou une heure et demie de cuisson. Les signes
auxquels on reconnaît que la cuisson est arrivée au point
convenable sont:
1 une certaine résistance que la viande oppose au
doigt qui la touche;
2 une petite fumée qui s'en échappe;
3 quelques gouttelettes de sang qu'elle commence à
laisser tomber. Les viandes noires s'arrosent d'elles-mêmes,
c'est- à-dire avec leur propre jus. Ne jamais les arroser. (Le
contraire des viandes blanches).
Les viandes blanches, telles que le veau, l'agneau, la
dinde et les autres volailles se traitent d'une manière toute
différente. Elles veulent aussi être arrosées de temps en
temps de beurre, parce qu'elles ne rendent pas autant de jus
que les viandes noires et qu'elles se dessécheraient
facilement. On reconnaît que les viandes blanches sont
arrivées à point parfait de cuisson, lorsqu'elles deviennent
tendres sous le doigt qui les interroge et qu'elles laissent
échapper une petite fumée. Du reste, il suffit d'avoir acquis
un peu d'expérience pour savoir faire rôtir convenablement
les viandes blanches; à cet égard une cuisinière, d'abord
inexpérimentée, peut devenir, après quelques mois de
pratique, aussi habile que le cuisinier qui a déjà vieilli dans
l'exercice de sa profession. Mais il n'en est pas de même des
viandes noires. Le vrai talent du rôtisseur se décèle dans la
manière de bien cuire ces viandes, qui doivent conserver
tout leur jus jusqu'au moment où elles paraissent sur la
table et se séparer sous le tranchant du couteau en
morceaux tendres et succulents.
Temps qu'exigent les divers rôtis. - En traitant des
viandes de boucherie (boeuf, mouton, veau, etc)., de la
volaille et du gibier, nous avons eu l'occasion de donner
quelques conseils qui s'appliquaient plus particulièrement à
chacune de ces viandes, et nous avons indiqué aussi
exactement que possible pour chacune d'elles le temps
qu'exigeait leur cuisson, en admettant toujours qu'on se
serve d'une broche et qu'on ait un feu bien soutenu. Avec
l'appareil appelé cuisinière et placée devant le feu, il faut
moins de temps; avec le même appareil et une coquille qui
renferme le feu, il faut moins de temps encore. Dans
certaines cuisines on a adopté la broche et le feu dans une
coquille convenablement disposée à cet effet, c'est peutêtre
le meilleur système.
PIECES A ROTIR... TEMPS DE LA CUISSON.
Pièce de boeuf de 2 kilogrammes 1 heure.
Pièce de boeuf de 5 kilogrammes 2 heures.
Pièce de veau de 2 kilogrammes 1 heure.
Pièce de mouton (gigot ou épaule) de 2 kg 1 heure.
Pièce de mouton (gigot ou épaule) de 3 kg 1 heure.
Pièce d'agneau, gros quartier 1 heure.
Pièce d'agneau, petit quartier 3 quarts d'heure.
Pièce de porc frais de 2 kg 2 heures.
Cochon de lait 2 heures.
Chapon ou poularde 1 heure.
Poulet 3 quarts d'heure.
Dinde 1 heure.
Pigeon 1 demi-heure.
Canard 3 quarts d'heure.
Caneton 1 demi-heure.
Oie grasse 1 heure.
Faisan 3 quarts d'heure.
Perdreau 1 demi-heure.
Bécasse 1 demi-heure.
Alouettes bardées 20 minutes.
Chevreuil, gros quartier 3 heures.
Lièvre 1 heure.
Levraut 1 demi-heure.
Lapereau 1 demi-heure.
Rôti à l'impératrice. - Le cochon à la troyenne, à
l'intérieur duquel on fait entrer des bec-figues, des huîtres,
des grives, le tout en quantité et arrosé de bon vin et de jus
exquis et que le Sénat romain fut obligé de défendre par
une loi somptuaire à cause de sa cherté, doit cependant
céder le pas à ce plantureux rôti dont la recette suit:
On ôte le noyau d'une olive, on le remplace par un filet
d'anchois; le fruit ainsi beurré se met dans une mauviette,
laquelle à son tour entre dans une caille que renfermera
une perdrix qui devra se cacher dans les flancs d'un faisan.
Le faisan disparaîtra à son tour dans le sein d'une vaste
dinde, dont un cochon de lait deviendra la retraite; on fera
rôtir le tout, et le tout bien rôti vous offrira pour résultat la
quintessence de l'art culinaire, le chef-d'oeuvre de l'art
gastronomique. Ne croyez pas cependant que ce mets
doive servir en entier: les gourmands ne mangent que
l'olive et le filet d'anchois, et cette olive ne revient pas à
moins de 500 francs.
Rôties. - Tranches de pain qu'on fait rôtir et sur
lesquelles on sert différentes substances maigres ou
grasses.
Rôties de rognon de veau. - La longe de veau étant
cuite, tirez-en le rognon, hachez-le avec sa graisse, un peu de
persil, de l'écorce de citron vert, du sucre en proportion,
pilez le tout dans un mortier; coupez de petites tranches de
pain de la longueur de deux doigts, mettez un peu de farce
sur chacune, beurrez le fond d'une tourtière et arrangez-y
vos rôties. Mettez-les au four ou sous un couvercle pour
leur faire prendre couleur, quand elles sont cuites, sucrez-les
et glacez-les avec la pelle rouge, dressez- les proprement sur
un plat et servez pour entremets ou garniture.
Rôties à la Richelieu. - Faites un salpicon de ris de
veau, crêtes et fonds d'artichauts coupés en dés, passez des
champignons en dés, mouillez de jus, mettez-y le salpicon,
faites cuire le tout avec du blond de veau, assaisonnez et
liez sur la fin avec des jaunes d'oeufs, peu de sauce; laissez
refroidir, garnissez ensuite vos rôties, frottez-les d'oeufs
battus, faites frire et servez avec une sauce au blond de
veau réduit.
Rôties de chapon. - Faites une farce de chair de
chapon, mêlez-y du sucre et de l'écorce de citron vert,
faites cuire et glacer comme les précédentes et servez de
même.
Rôties à l'anglaise. - Coupez en petits dés deux ris de
veau blanchis avec champignons et jambon, passez-les
avec un morceau de beurre et un bouquet, mouillez avec
du jus et du bouillon, liez ce ragoût lorsqu'il est cuit avec
du coulis, dégraissez-le, laissez réduire la sauce presque à
sec, liez-le encore de trois jaunes d'oeufs, mettez sur des
tranches de pain coupées en rôties autant de ragoût qu'il en
peut tenir, arrangez de petits oeufs sur le ragoût, dressez
vos rôties, unissez- les avec la lame d'un couteau trempé
dans l'oeuf battu, faites-les frire dans une friture bien
chaude et servez à sec ou avec une essence.
Rôties de concombres. - Coupez des concombres en
dés, faites-les mariner une heure avec sel, poivre, vinaigre,
pressez-les ensuite et passez-les avec un morceau de
beurre, ciboule et persil, mouillez de jus et de bouillon,
faites réduire, liez le ragoût avec trois jaunes d'oeufs et
laissez refroidir, mettez encore deux jaunes d'oeufs,
étendez les concombres sur des tranches de pain, unissezles
avec un oeuf battu, panez-les, faites-les frire de belle
couleur et servez avec une essence.
Rôties d'épinards. - Faites blanchir des épinards,
pressez-les et passez-les au beurre, mouillez de bouillon et de
coulis, faites réduire jusqu'à ce qu'ils soient à sec, tournez
toujours avec une cuiller afin qu'ils ne brûlent pas, et laissezles
refroidir. Coupez des tranches de pain comme de
coutume, étendez dessus les épinards, unissez- les avec de
l'oeuf battu, panez-les, faites-les frire de belle couleur et
servez avec une bonne essence d'épinards.
Autres rôties aux épinards. - Lavez les épinards dans
plusieurs eaux, faites-les blanchir dans l'eau bouillante, et
mettez-les ensuite égoutter, pressez-les bien, hachez-les
ensuite. Mettez-les dans une casserole avec du raisin de
Corinthe, écorce de citron confit, sucre en poudre, un peu de
sel et de muscade, trois oeufs entiers et cinq jaunes crus,
un peu de crème; mêlez bien le tout ensemble et faitesle
dessécher sur le feu; ôtez-le ensuite, ajoutez d'abord
deux oeufs entiers et un peu après deux autres oeufs
avec un peu de vin des Canaries, que vous mêlez bien
ensemble; farinez le fond d'un plat, étendez la farce dessus
comme une crème froide et laissez-la refroidir, coupez-la
ensuite par morceaux de la longueur du doigt, faites frire
ces morceaux dans du beurre fondu bien chaud; quand ils
sont frits, poudrez-les de sucre fin et glacez-les à la pelle
rouge; faites ensuite une sauce avec un peu de beurre, du
vinaigre et du vin des Canaries, que vous jetez dessus avec
un jus d'orange, et servez comme entremets.
Rôties de haricots verts. - Faites cuire des haricots
verts avec de l'eau et du sel, passez-les avec un morceau de
beurre, persil, ciboule, hachis. Mouillez-les avec du
bouillon, assaisonnez de sel et poivre; liez-les avec du
coulis, faites réduire la sauce, ajoutez-y trois jaunes
d'oeufs, faites lier, sur le feu sans bouillir, laissez refroidir,
ajoutez encore deux jaunes d'oeufs et liez bien le tout;
étendez ces haricots sur des morceaux de pain coupés en
rôties, unissez- les avec de l'oeuf battu, panez-les, faites-les
frire de belle couleur et servez pour entremets.
Rôties de bécasses. - Hachez la chair et le dedans des
bécasses avec sel et poivre, lard fondu, mêlez et pilez le
tout ensemble, faites vos rôties comme à l'ordinaire, et
mettez-les cuire à petit feu dans une tourtière, servez-les
quand elles sont cuites avec un jus de citron. (Retirez le
noyau, mais ne videz pas).
Rôties de foies gras. - Passez les foies gras à la poêle,
hachez-les ensuite avec du lard, trois ou quatre
champignons, fines herbes, sel et poivre et finissez-les
comme à l'ordinaire.
Rôties de jambon. - Coupez huit tranches de jambon
égales, faites-les dessaler deux heures dans de l'eau.
Mettez-les suer dans une casserole jusqu'à ce qu'elles
commencent à s'attacher, ajoutez un peu de coulis et de
jambon, faites faire quelques bouillons à cette sauce,
dégraissez-la, passez-la au tamis, mettez-y un filet de
vinaigre et un peu de gros poivre. Coupez des tranches de
pain de la grosseur des tranches de jambon, passez-les avec
un morceau de beurre; quand elles sont de belle couleur,
dressez-les sur un plat, mettez les tranches de jambon
dessus et arrosez avec l'essence de jambon.
Rôties à la moelle. - Faites des abaisses de pâte
d'amandes en forme de rôties, avec un petit rebord de
l'épaisseur d'un doigt, faites-les cuire au four, couvrez -les
d'un peu de crème à la moelle bien délicate, un peu de
blanc d'oeuf fouetté par-dessus, râpez du sucre, glacez-les et
servez chaudement.
Rôties à la moelle sans sucre. - Mettez dans une
casserole un peu de farce de volaille bien fine avec un peu de
blond de veau, de petites herbes hachées, un jaune d'oeuf,
le tout bien manié, avec bons assaisonnements; coupez en
morceaux de la moelle cuite au bouillon, garnissez des
tranches de pain rôties ou frites d'un peu de farce et de
morceaux de moelle, remettez un peu de farce par-dessus,
panez, faites prendre couleur et servez à sec.
Rôties en canapé. - Faites un salpicon de ris de veau,
crêtes et fonds d'artichauts coupés en dés, passez des
champignons en dés que vous mouillez avec du jus,
mettez-y ensuite le salpicon, faites cuire le tout, mettez-y
un blond de veau, liez avec des jaunes d'oeufs et peu de
sauce; le salpicon refroidi, garnissez-en des rôties bien
minces, frottez-les d'oeufs battus, faites-les frire dans du
saindoux, et servez avec un blond de veau.
Rôties d'oeufs. - Faites bouillir un demi-setier de crème
avec un morceau de sucre, du biscuit d'amandes écrasées, de
la râpure de citron, mettez huit jaunes d'oeufs, deux blancs,
un peu de beurre manié, le tout bouilli avec de la crème,
garnissez-en des tranches de pain rôties bien minces,
mettez du blanc d'oeuf fouetté par dessus, glacez avec du
sucre et servez.
On peut se servir de pâte d'amandes au lieu de pain.
Rôties au lard. - Coupez une demi-livre de petit lard en
dés avec une tranche de jambon, mettez-les dans une
casserole avec persil, ciboules, quatre jaunes d'oeufs, du
gros poivre, maniez le tout ensemble, étendez cette farce
sur des tranches de pain coupées en rôties, faites-les frire,
mettez du coulis peu salé dans un plat avec un filet de
vinaigre, étendez vos rôties dessus et servez.
Rôties à la provençale. - Coupez du pain rassis par
tranches, ôtez-en la croûte, faites-les frire dans de l'huile
d'olive bien chaude et égouttez-les quand elles sont de
belle couleur. Fendez en deux des anchois dessalés, rangez
les rôties dans un plat, une moitié d'anchois sur chacune,
du poivre concassé par-dessus, arrosez de bonne huile et
servez pour entremets avec un jus d'orange.
Rôties à la d'Antin. - Lardez des mies de pain de
jambon et d'anchois, coupez-les ensuite en rôties
ordinaires, et faites-les frire au lard; quand elles sont frites,
dressez-les dans un plat avec huile, jus de citron, gros
poivre et servez.
Rôties à la hollandaise. - Hachez des anchois avec
persil, ciboules, échalotes, ail, le tout mêlé avec de bonne
huile, étendez cette farce sur les rôties, d'un côté
seulement; coupez des anchois en filets, coupez-en sur ces
rôties, dressez-les dans un plat avec huile, orange, poivre
concassé et servez.
Rôties de poisson au maigre. - Hachez de la chair de
carpe avec persil, sel, écorce de citron vert, quelques
biscuits d'amandes amères et un peu de beurre frais; pilez le
tout dans un mortier avec un peu de sucre, trois ou quatre
jaunes d'oeufs, un peu de mie de pain trempée dans de la
crème, coupez des tranches de pain en rôties, mettez de cette
farce dessus, beurrez une tourtière, arrangez-y vos rôties et
mettez-les au four ou sous un couvercle; quand elles sont
cuites et bien colorées, sucrez- les et glacez-les à la pelle
rouge, dressez-les sur un plat et servez chaudement pour
entremets ou garniture.
Rouelle. - Tranche de viande coupée en travers. La
rouelle de veau est la partie charnue de la cuisse de veau
qui se trouve vers le jarret; c'est un excellent morceau
lorsqu'il est bien apprêté.
Manière d'apprêter les rouelles de veau. - Prenez des
rouelles un peu épaisses, piquez-les de nombreux lardons,
saupoudrez de sel, poivre et autres épices fines; garnissez le
fond d'une casserole de bardes de lard, sur lesquelles vous
arrangerez les rouelles. Ne donnez d'abord à ce ragoût
qu'un feu médiocre, afin que la viande rende son suc; puis
augmentez-le au fur et à mesure pour faire prendre couleur
à vos rouelles des deux côtés, ce qui se fait en les
blanchissant avec un peu de farine; faites-les ensuite
roussir dans du lard fondu que vous ôterez après, pour
mettre un peu de bouillon; lorsque les rouelles sont
suffisamment rousses, vous laissez cuire doucement en
ajoutant aux assaisonnements un peu de persil et de
ciboule; vous liez la sauce avec des jaunes d'oeufs et du
verjus et vous servez ce ragoût.
Rouelles de veau à la couenne. - Piquez vos rouelles
de lard, assaisonnez de sel, gros poivre, persil, ciboules,
échalotes, une pointe d'ail, le tout haché; coupez par
morceaux de la couenne de lard nouveau, mettez dans une
terrine un lit de rouelles de veau, dessus un lit de couenne, et
continuez ainsi jusqu'à la fin; ajoutez-y un demi-verre
d'eau et autant d'eau-de-vie, faites cuire sur des cendres
chaudes pendant quatre ou cinq heures et servez comme du
boeuf à la mode.
Hachis de rouelles de veau. - Hachez votre veau avec
du lard, après en avoir ôté la peau; mêlez-y des
champignons, du persil et mie de pain, deux oeufs durs,
deux autres jaunes d'oeufs crus pour faire la cuisson;
mettez ce hachis dans une tourtière au fond de laquelle
vous aurez eu soin d'arranger des bardes de lard, et laissez
cuire ainsi; mais comme en cuisant à la braise il se forme
dessus une espèce de croûte, faites un trou pour lui laisser
prendre vent; quand il sera cuit, ajoutez- y un suc de gigot,
mêlez avec un peu de verjus dans lequel vous aurez battu un
jaune d'oeuf, et servez.
Rouelles de boeuf. - On se sert des rouelles de boeuf
pour faire des hachis dans lesquels on mêle de l'oignon, de la
ciboule, du sel, du poivre, du clou de girofle, le tout cuit
ensemble; on ajoute après cuisson un peu de verjus et on le
sert.
Rouge de rivière. - Sorte de canard sauvage plus
délicat et s'apprêtant absolument comme lui. (V. CANARD)
Rouges-gorges. - Petits oiseaux de passage dont la
poitrine est couleur d'orange. (V. PETITS OISEAUX)
Rouget. - On l'appelle aussi mulet. C'est un poisson de
mer qui a le corps rouge et la tête fort grosse, qui habite
surtout la Méditerranée, où on le pêche dans tous les
parages, d'ordinaire sur les fonds limoneux; on le rencontre
aussi dans l'océan, notamment dans la Manche, mais il y
devient de plus en plus rare.
Le rouget était très recherché des Grecs et des Romains,
tant pour l'excellence de son goût que pour la beauté de ses
couleurs. Les Romains surtout en avaient fait un objet de
grand luxe et ne reculaient pas pour s'en procurer devant
les plus folles dépenses. Parmi les auteurs anciens, Suétone
nous apprend que les rougets étaient si recherchés de son
temps, que trois de ces poissons furent vendus trente mille
sesterces (5 844 fr.), ce qui obligea Tibère à rendre des lois
somptuaires et à faire taxer les vivres apportés au marché.
Varron dit qu'Hortensius avait dans ses étangs une
immense quantité de rougets et qu'il les faisait venir dans
des petites rigoles jusque sous les tables où ils mangeaient,
pour les voir mourir dans des vases de terre et jouir de la
vue de tous les changements que leurs brillantes couleurs
éprouvaient pendant leur agonie. Un des plaisirs de ce
temps était d'étouffer entre ses mains un de ces poissons,
afin de se repaître des différentes variations de tons qu'il
subissait à mesure que le sang se retirait à l'intérieur du
corps, depuis le pourpre, le violet et le bleu jusqu'au blanc le
plus pâle. Ce barbare spectacle se renouvelait sur les tables
les mieux servies, où l'on mettait, sur des réchauds allumés
des plats dans lesquels des rougets couverts de globes
transparents expiraient à petit feu devant les convives qui
avaient le double avantage de jouir de ce spectacle et de
manger le poisson plus frais.
Aujourd'hui le rouget, sans atteindre à ce degré
d'admiration dont il était l'objet de la part des Romains, est
encore fort estimé des gourmets. Sa chair blanche, ferme,
friable, agréable, se digère aisément parce qu'elle n'est pas
grasse. La meilleure manière de préparer les rougets, dit
M. de Courchamps, c'est de les vider par les ouïes sans les
écailler, de les faire griller sur de la cendre rouge et de les
servir avec une sauce blanche où l'on ajoute des câpres et
des boutons de capucines confites, ainsi que les foies des
rougets bien écrasés.
On les fait souvent cuire au court-bouillon, mais nous
ne le conseillons pas, parce que la cuisson sur le gril est, de
toutes les préparations essayées sur les rougets, celle qui
réussit le mieux.
Rougets en casserole. - Videz les rougets, coupez-en
les têtes, frottez un plat ou une tourtière de beurre
assaisonné de sel, poivre haché, fines épices, persil,
ciboules entières; arrangez-y vos rougets, assaisonnez
dessus comme dessous, arrosez-les de beurre fondu, panezles
de mie de pain bien fine, faites-les cuire au four ou dans
une casserole, faites une sauce hachée avec ciboules,
persil, champignons et truffes, que vous mettez dans une
casserole quand le beurre est fondu avec sel et poivre;
mouillez d'un peu de bouillon de poisson et laissez mitonner
à petit feu; si la sauce est courte, liez-la d'un coulis
d'écrevisses, mettez-la dans un plat, arrangez vos blets
autour, et servez-les chaudement pour entrée.
Rougets grillés à la sauce aux anchois. - Vos rougets
étant vidés, coupez-en les têtes, puis trempez-les dans du
beurre fondu et du sel, faites-les griller à petit feu; quand
ils sont grillés, dressez-les dans un plat; faites une sauce
blanche avec du beurre frais, une pincée de farine, une
ciboule entière, sel, poivre, muscade, un peu d'eau et de
vinaigre et deux anchois, liez votre sauce, jetez-la sur vos
rougets et servez chaudement.
Rougets en marinade. - Videz vos rougets, coupez-en
la tête, levez-en les filets, mettez-les mariner pendant deux
heures dans une casserole avec tranches d'oignons,
ciboules entières, quelques feuilles de laurier, sel, poivre,
jus de citron ou bien un peu de vinaigre; tirez-les de la
marmite, essuyez-les, farinez-les et faites-les frire dans du
beurre affiné. Quand ils sont frits, de belle couleur, servezles
sur une serviette pliée dans un plat pour entremets.
Filets de rougets aux fines herbes. - Apprêtez les
rougets comme ci-dessus, levez-en les filets et mettez-les
dans une casserole avec un peu de fines herbes hachées;
ajoutez-y beurre fondu, sel, poivre, persil et ciboule
hachés, laissez prendre goût dans leur assaisonnement
pendant une heure, mettez-les ensuite sur des cendres
chaudes afin que le beurre se fonde, panez-les de mie de
pain fine et faites-les griller.
Faites une rémoulade avec de bonne huile, quelques
câpres, du persil haché, un peu de ciboule, un anchois,
poivre, sel, un peu de moutarde et un jus de citron, le tout
mêlé ensemble, mettez cette sauce dans une saumure au
milieu d'un plat, les filets grillés autour, et servez
chaudement pour entremets.
Roulade. - Tranche de viande roulée et farcie.
Roulade de boeuf ou de veau à l'ancienne mode. -
Laissez mortifier un cuisseau de veau de Pontoise, levez- en
toutes les noix, ôtez toutes les peaux et coupez le maigre
par tranches minces, battez ces tranches avec un couperet,
étendez ensuite sur une table une crépine de veau trempée
dans l'eau fraîche, couvrez-la avec les tranches de veau,
que vous couvrez à leur tour de lard râpé et de jambon pilé
avec sel, poivre, girofle, cannelle muscade râpée, coriandre
écrasée, persil, ciboules, échalotes un peu d'ail, thym,
basilic, champignons, tétine de veau en filets, ris de veau et
bon beurre; roulez ensuite le tout comme une andouille,
ficelez les deux bouts et le milieu couvrez de bardes de lard,
traversez la roulade avec un hâtelet et attachez-la sur la
broche enveloppée de papier beurré; faites cuire à petit feu,
en l'arrosant de temps en temps; lorsqu'elle est cuite, ôtez la
barde pour lui faire prendre couleur.
Servez avec une sauce piquante ou une purée de
tomates.
Roux. - Le roux est d'un grand usage dans les cuisines
pour faire cuire les viandes à l'étuvée, à la braise, etc.; cela
augmente leur sapidité et retient à l'intérieur une partie des
sucs qui autrement se délayeraient dans les mouillements.
Le roux est tout simplement de la farine que l'on
fait frire dans le beurre ou dans la graisse en remuant
toujours afin qu'elle ne se forme pas en grumeaux.
On s'en sert aussi pour colorer et lier les sauces.
Roux blanc et roux brun. (V. SAUCE).
S
Sabayon ou savayon. - Crème aux oeufs et au vin
blanc sucré, dont l'origine, d'après son nom, doit être
sarabaudienne ou savoyarde. On la sert ordinairement dans
des petits pots ou des tasses à sorbets avec un biscuit de
Savoie (V. Crème au sabayon).
Sabot. - Ancien mets bourgeois.
Sabot au sang. - Coupez une noix de veau de la
largeur d'une assiette, piquez-la de menu lard, étendez
dans une casserole des tranches de boeuf battues et des
bardes de lard, renversez dessus la noix de veau, le lard en
dessous, mettez dessus une crépine de cochon que vous
plisserez et ficellerez comme une bourse tout autour avec
une aiguillée, coupez de la panne de cochon en petits dés,
faites-la dégourdir dans une casserole sur le feu, mettez-y
ensuite une chopine de sang de cochon, assaisonnez de sel,
poivre et fines épices, faites-le épaissir en le remuant sur le
feu, mettez-le ensuite dans votre crépine, serrez-le avec sa
ficelle, recouvrez le tout de tranches de boeuf et de bardes
de lard et faites cuire dans le four ou entre deux braises,
tirez la noix de la casserole, dressez-la dans un plat,
déficelez la crépine, mettez ce qui est dedans tout autour,
jetez dessus une essence de jambon et servez pour entrée.
Safran. - On donne ce nom aux pistils détachés d'une
plante du genre crocus: on en récolte dans les environs de
Paris et dans le Gâtinais qui est d'une qualité supérieure.
L'odeur du safran est extrêmement pénétrante, elle peut
causer des céphalalgies violentes et même entraîner la
mort. Sa saveur amère, aromatique, n'a rien de désagréable;
sa couleur est fortement marquée, et le jaune qu'elle produit
nuance promptement tous les objets qu'il touche. Le safran
est une des matières colorantes les plus estimées, et les
anciens en faisaient grand cas comme aromate; les
Romains en préparaient une teinture alcoolique qui servait
à parfumer les théâtres. Il est quelques contrées où l'on
emploie cette fleur comme assaisonnement, ou pour donner
de la couleur aux gâteaux au vermicelle, au beurre, etc.
On ne s'en sert plus aujourd'hui que pour la
composition des babas, du pilau, du riz à l'africaine et du
scubac.
Conserve au safran. - Faites cuire du sucre à la petite
plume, mêlez-y du safran torréfié et réduit en poudre
ajoutez-y un peu de liqueur de scubac d'Irlande, puis
dressez vos conserves, faites-les sécher à l'étuve et servezvous-
en au besoin.
Mousse au safran. - Vous faites bouillir de la crème
double avec un peu de fleur d'oranger sèche et pulvérisée, et
vous y mêlez une assez forte décoction de safran du
Gâtinais. Cette composition étant refroidie, fouettez-la
vigoureusement avec le fouet de buis, dressez-la dans vos
gobelets à mousse, mettez-les dans la glace, où vous les
maintiendrez jusqu'au moment de servir. C'est un des plats
de campagne ou de nécessité qui, dans les repas
nombreux, ont le double avantage de faire nombre et de
mettre de la variété dans le service des entremets au sucre.
Sagou.
- Sorte de fécule qui nous vient des Indes et que l'on
trouve dans plusieurs espèces de palmiers. Elle est inodore
et d'une saveur fade; on en fait usage en potage. Le sagou
devient alors transparent et se gonfle beaucoup; c'est
surtout en bouillie ou cuit avec du lait, du sucre et des
aromates qu'on le consomme: le sagou est un aliment très
agréable, très léger et peu nourrissant. On en recommande
l'usage à la première enfance, à l'extrême vieillesse, aux
convalescents, aux phtisiques et à toutes les personnes dont
les facultés digestives sont affaiblies. On fait aussi un
sagou artificiel avec la fécule de pommes de terre.
Pour sa préparation, V. POTAGES.
Saindoux.
- Graisse de cochon, dont on fait un grand usage
dans les cuisines, surtout pour les fritures et pour décorer
la base ou les socles massifs de certains gros entremets
froids. (V. pour sa préparation à CHANTEREAU)
Socles en saindoux. - Ayez 2,500 kg de graisse de
rognons de mouton, hachez-la et faites-la fondre sur un
feu doux; quand elle aura bouilli vingt minutes, ajoutez-y
six livres de saindoux que vous ferez fondre et chauffer
avec cette graisse; passez tout au travers d'un linge neuf
en en recevant le produit dans une grande terrine; laissez
refroidir cet appareil, fouettez-le à tour de bras avec un
fouet à blancs d'oeufs, puis, quand il aura pris assez de
consistance, ajoutez-y de la décoction de bleu de Prusse
ou de l'indigo broyé; joignez-y le suc de deux citrons et
battez le tout avec deux spatules croisées. Vous vous
servirez de ce mélange pour modeler un socle afin de
supporter une galantine, un jambon froid, un filet de biche ou
autre grosse pièce analogue.
Saint-Augustin. - Espèce de poire automnale.
Saint-Germain. - Autre excellente poire.
Salade. - Ce mot sert principalement à désigner des
préparations culinaires qui requièrent, outre du sel et du
poivre, de l'huile ou bien du beurre et de la crème et
communément du vinaigre.
En examinant les salades sous le rapport de l'hygiène,
il semble d'abord qu'elles doivent avoir une influence
défavorable sur la santé: des herbes crues, des épices
irritantes, du vinaigre, doivent, pense-t-on, être peu
digestibles et même irriter l'estomac; l'expérience
cependant ne justifie pas ce jugement. Il est peu de mets
dont l'usage soit aussi répandu que celui-ci dans toutes les
classes de la société; on l'a presque toujours sous la main et
il plaît généralement au goût. Néanmoins, rarement il
cause des accidents; il serait donc injuste d'exciter la
défiance à son égard. Quel que soit le mode adapté pour
préparer les salades, il est toujours nécessaire d'user très
sobrement du vinaigre. Un mérite dans l'apprêt est de faire
disparaître l’acidité de ce liquide au point que sa saveur se
confonde avec celle des herbes, de l'huile et des autres
ingrédients. C'est pour cet effet que le jaune d'oeuf est un
intermédiaire très utile. On devrait aussi faire un usage
exclusif du vinaigre de vin, trop fréquemment remplacé
aujourd'hui par l'acide qu'on obtient au moyen de la
combustion du bois; c'est une distinction à laquelle on ne
s'attache pas assez et sur laquelle nous devons appeler
l'attention publique. On devrait servir les fournitures à part,
puisées parmi les plantes excitantes, elles se digèrent plus
difficilement que les salades; avec cette attention, on
rendrait ces dernières plus accessibles à beaucoup de
personnes.
Les salades varient suivant les saisons. On commence
à manger les chicorées vers la fin de l'automne et on ne les
assaisonne qu'avec une croûte de pain rassis frottée d'ail,
posée au fond du saladier et que l'on remue avec la salade
afin qu'elle s'en imprègne bien; on n'ajoute à cette salade
aucune autre espèce de fourniture.
Plus tard on emploie l'escarole, espèce de chicorée
moins tendre et moins savoureuse que la première et qui
s'apprête également sans fournitures.
Les salades d'hiver se composent presque toujours de
mâches, de raiponces et de céleri, coupé en bâtonnets; le
céleri s'emploie aussi quelquefois seul en salade, mais il
faut l'assaisonner alors avec de l'huile battue, de la
moutarde et du soya. Le cresson de fontaine est aussi une
salade d'hiver, et on l'assaisonne habituellement avec des
tranches de betteraves et quelques filets d'olives tournés.
La barbe de capucin apparaît vers la fin de l'hiver; on
l'assaisonne comme la chicorée blanche en y mélangeant de
la betterave coupée en tranches.
La laitue parait habituellement vers Pâques. C'est
de toutes les salades celle qu'on aime le mieux, et le
plus généralement on y met des herbes de fournitures, des
oeufs durs coupés par quartier, quelquefois des huîtres
marinées, des queues de crevettes, des oeufs de tortue, des
filets d'anchois, des olives farcies et quelquefois aussi des
achards ou du soya de la Chine. Cette salade exige
beaucoup d'huile, et l'huile verte d'Aramont est la meilleure
qu'on puisse ajouter pour son assaisonnement. Vient
ensuite la laitue romaine, moins tendre et moins aqueuse
que la précédente, mais pourvue d'une saveur sucrée. On ne
la sert pas avec des oeufs durs.
On fait aussi des salades avec toutes sortes de légumes
cuits, ainsi que nous l'avons indiqué aux endroits
concernant ces divers articles.
M. Chaptal a laissé, pour accommoder la salade, une
méthode qui a toujours été vulgairement employée dans le
nord de l'Europe, et cela n'empêche pas qu'on en fasse
honneur à cet illustre académicien. La chose consiste à
saturer la salade avec de l'huile assaisonnée de sel et de
poivre, avant d'y mettre le vinaigre, ce dont il résulte que la
salade ne saurait jamais être trop vinaigrée, parce que le
vinaigre glisse sur chaque feuille huilée, de sorte que si
l'on a mis trop de vinaigre dans une salade, ainsi qu'il
arrive souvent comme chacun sait, on n'a jamais à s'en
repentir, parce que le vinaigre se réunit toujours au fond du
saladier où M. Chaptal a calculé fort judicieusement qu'il
devait retomber en vertu des lois de sa pesanteur
spécifique à l'égard de l'huile.
Nous ferons aussi remarquer que le sel ne se
dissolvant pas dans le vinaigre, il est inutile d'essayer de
l'y faire fondre; il est préférable de le mêler avec l'huile et
de le verser ensuite sur la salade.
Salep. - Ce nom, d'origine persane, a été donné aux
bulbes desséchées des orchis qui croissent en abondance
dans la Perse et dans toute l'Asie Mineure. Les anciens
connaissaient très bien ces bulbes, et Pline et Théophraste en
font mention dans leurs écrits. Les Grecs et les Latins les
connaissaient surtout pour leurs propriétés aphrodisiaques,
qui ne sont dues cependant qu'aux différents aromates
qu'on leur associe tels que le gingembre, l'ambre, le musc,
le girofle, etc. Un homme, paraît-il, est suffisamment
nourri pendant un jour avec une once de cette substance
et autant de gelée animale dissoute dans l'eau, aussi les
orientaux s'approvisionnent- ils de salep pour leurs
voyages.
Pour préparer le salep, les orientaux récoltent la bulbe
des orchis lorsqu'ils commencent à fleurir; ils en ôtent
l'écorce et les jettent dans l'eau froide où ils les laissent
quelques heures; ils les font ensuite cuire dans l'eau
bouillante et les enfilent avec du crin ou mieux du coton,
puis il les font sécher au contact de l'air; les bulbes
deviennent demi-transparentes, très dures et ressemblent
assez à de la gomme adragante; on peut les conserver
indéfiniment sans altération, pourvu que l'on évite
l'humidité. Quelquefois, au lieu de les enfiler, on les sèche
sur des tamis et des toiles. Quand on veut en faire des
gelées on les réduit en poudre en les humectant
préalablement d'un peu d'eau, sans cela leur extrême dureté
n'en permettrait pas la pulvérisation; on en fait dissoudre
une petite quantité dans l'eau bouillante, qui, aromatisée et
sucrée, ne tarde pas, par le refroidissement, à se prendre en
une gelée demi-transparente.
La poudre de salep que l'on vend dans le commerce est
le plus souvent mélangée avec de la fécule, mais il est
facile de reconnaître la fraude en faisant dissoudre 2
grammes 15 centigrammes de salep dans 225 grammes
d'eau distillée et en ajoutant à cette dissolution 1 gramme
90 centigrammes de magnésie calcinée; le mélange prend au
bout de quelques heures une consistance de gelée bien
prononcée, ce qui n'a pas lieu toutes les fois que le salep
est falsifié.
Geoffroi dit que si l'on fait évaporer sur des assiettes de
faïence l'eau dans laquelle on a fait cuire le salep, il y reste un
extrait visqueux dont l'odeur est celle d'une prairie fleurie
quand on passe au-dessous du vent. Son odeur se
rapproche aussi de celle du mélilot dont la fleur commence
à se faner.
Salsifis. - Racine potagère. Il y en a deux espèces, l'une
grise, et l'autre - la meilleure - noire. On les ratisse à
blanc, on les jette à mesure dans l'eau avec un peu de
vinaigre, puis, lorsqu'ils sont bien lavés, on les fait cuire à
grande eau avec du sel et du vinaigre; ils s'écrasent sous le
doigt lorsqu'ils sont cuits; alors on les retire, on les
égoutte et on les sert avec une sauce au beurre.
On les sert aussi en gras, et pour lors, faites un roux
léger, mouillez avec du jus, faites réduire et mettez-y vos
racines. Pour les mettre en friture, on les fait cuire dans
une eau plus fortement vinaigrée; on les trempe dans une
bonne pâte, et on les fait frire dans du beurre affiné suivant
la méthode ordinaire.
Sandwichs ou tartines à l'anglaise.
- D'un pain rassis, de pâte serrée, tirez vingt-quatre
tartines de beurre très minces, mettez-en douze sur un linge
blanc; émincez soit du maigre de veau rôti, soit du filet de
boeuf, rosbif, jambon cuit, langue à l'écarlate, volaille
rôtie, gibier et poisson sec, rangez ces lames de viande sur
vos douze tartines, poudrez-les d'un peu de sel blanc,
recouvrez vos viandes avec les douze autres tartines, et
servez-les à dîner pour hors-d'oeuvre, et en prenant le thé
comme collation.
Sang. - Sauf la gélatine, le sang est composé des
mêmes principes que la chair, c'est-à-dire qu'il contient de
la fibrine, de l'albumine et de l'osmazome. On mange le sang
de quelques animaux assaisonné de diverses manières:
celui du lièvre comme liaison du civet, celui du pigeon
comme sauce, enfin celui du cochon comme boudin: le
sang des animaux est un aliment fort tonique et fort
nutritif.
Sanglier. - Porc à l'état sauvage, état dans lequel sa
chasse n'est pas sans danger. Le sanglier est de sa nature
un animal assez misanthrope, qui, arrivé à un certain âge, se
réfugie dans les ronces et les halliers les plus épais, où il
n'aime pas qu'on vienne le déranger; il prend alors les
noms de ragot, de quartanier et de solitaire. Il est rare
qu'un de ces animaux, armé qu'il est de redoutables
défenses, ne revienne pas sur le chasseur qui l'a tiré; le
mieux que le chasseur ait à faire dans ce cas-là, c'est s'il a
une branche d'arbre à portée de sa main de s'y suspendre et
de laisser passer le sanglier qui revient rarement sur son coup
de boutoir. J'ai raconté plusieurs chasses de ma jeunesse,
qui n'étaient pas exemptes sous ce point d'anecdotes fort
originales. Les jeunes marcassins s'écorchent et se mangent
rôtis à la broche.
Les quartiers du devant, la hure et les filets, sont les
morceaux les plus honorables du sanglier; on en fait
également des côtelettes, comme on fait du porc, mais le
peu de facilité qu'on a de le saigner fait qu'on ne peut pas
toujours recueillir son sang pour en confectionner du
boudin.
Côtelettes de sanglier à la Saint-Hubert. - Coupez,
parez, sautez vos côtelettes avec sel, poivre, sur un feu très
vif; lorsqu'elles sont cuites des deux côtés, vous les dressez
en couronne, puis vous mettez dans le plat à sauter un
verre de vin blanc, autant de sauce espagnole; vous ferez
réduire et verserez cette sauce sur vos côtelettes. La sauce
espagnole peut se remplacer par un roux que l'on mouille
avec du consommé.
Filet de sanglier à la blaze. - Faites mariner deux
jours un filet paré de sanglier, puis faites-le égoutter et
mettez- le dans une casserole avec des bardes de lard, des
parures de viande, carotte, oignon, sel, poivre, bouquet
garni, mouillez le tout avec une égale quantité de vin blanc
ou de consommé, donnez deux heures de cuisson, faites
ensuite égoutter le filet, glacez-le et dressez-le sur une
sauce piquante.
Quartier de sanglier à la royale. - Echaudez, flambez
une cuisse de laie, désossez-la jusqu'à la jointure du
manche, lardez-la avec épices et aromates pilés; mettez-la
ensuite dans une terrine avec beaucoup de sel, de poivre,
genièvre, thym, laurier, basilic, oignons et ciboules. Vous
laisserez mariner cette cuisse cinq jours; lorsque vous
voudrez la faire cuire, vous ôterez de l'intérieur de ladite
cuisse les aromates qui y seront, vous l'envelopperez dans un
linge blanc, vous la ficellerez comme une pièce de boeuf,
vous la mettrez dans une braisière avec la saumure dans
laquelle elle a mariné, six bouteilles de vin blanc, autant
d'eau, six carottes, six oignons, quatre clous de girofle un
fort bouquet de persil et ciboules, du sel si vous croyez que
la saumure ne suffise pas pour lui en donner, vous la ferez
mijoter pendant six heures, vous la sondez pour savoir si
elle est cuite, sinon vous la laissez aller une heure de plus;
laissez-la une demi-heure dans sa cuisson, et en la retirant
laissez-la dans sa couenne.
Sanglier à la daube. - Lardez un cuissot de sanglier,
assaisonnez-le, mettez-le dans une marmite avec quelques
bardes de lard, tranches d'oignon, carottes, panais, gros
bouquet de persil, ciboules, deux gousses d'ail, quatre
clous de girofle, deux feuilles de laurier, faites suer une
demi-heure à petit feu, et mouillez avec un demi-verre
d'eau-de-vie, un demi-setier de vin blanc et du bouillon,
faites suer à petit feu six ou sept heures, laissez refroidir et
servez froid, avec un pot de groseilles.
Sarcelle. - Variété du canard sauvage qui s'apprête et se
mange comme lui.
Sarcelles aux cardons. - Videz trois sarcelles; les
flamber, les brider, les mettre à la broche, les envelopper
avec du papier beurré, les déballer deux minutes avant de
les décrocher; les mettre alors dans une casserole avec
quatre cuillerées à bouche de vin blanc, autant de glace
fondue, poser la casserole sur le feu, réduire le
mouillement de moitié, débrider les sarcelles, les dresser
sur un plat et les entourer avec une garniture de cardons à
l'espagnole, les arroser avec la réduction et les envoyer sur
table.
Sarcelles sauce à l'orange. - Videz et bridez quatre
sarcelles; les traverser avec une brochette, les faire rôtir à
feu vif pendant douze ou quatorze minutes en les arrosant au
pinceau avec de l'huile; quand elles sont à point, les saler,
les décrocher, en détacher les filets, mettre ceux-ci dans
une casserole plate avec un peu de glace au fond, et les
chauffer une minute à feu très vif pour sécher l'humidité
des filets; les dresser ensuite sur un plat et les masquer
avec la sauce suivante.
Sauce à l'orange. - Coupez le zeste d'une grosse orange
encore verte; l'émincer en julienne, la faire cuire à l'eau et
l'égoutter sur un tamis, puis le mettre dans une petite
casserole et lui mêler la valeur d'un verre de bonne aspic
bien claire et réduite; au moment de servir, alléger cette
sauce en lui incorporant hors du feu le jus de l'orange et
celui d'un citron.
Sarcelles en ragoût. - Troussez vos sarcelles, lardez-les
de gros lard, passez-les à la casserole avec lard fondu, un
peu de farine pour la liaison, ou faites-les rôtir à moitié à la
broche et empotez-les avec bon bouillon, sel, poivre,
épices fines, fines herbes en paquet, laissez cuire
doucement le tout, à moitié de cuisson, mettez-y des navets
coupés par tranches et passés au roux, environ un bon
verre de vin; puis, lorsque le ragoût sera cuit et la sauce
suffisamment lice, servez chaudement pour entrée.
Autre façon. Faites un hachis avec ris de veau,
champignons, chair de sarcelles, ciboules, persil, sel et
poivre, le tout haché menu et cuit dans la casserole,
farcissez-en les sarcelles et faites-les rôtir à la broche, puis,
quand elles sont rôties, servez- les avec un coulis de
champignons ou une sauce faite avec deux verres de bon
vin, deux ou trois tranches d'oignon, du clou de girofle, un
peu de poivre; faites bouillir le tout dans une casserole
jusqu'à ce que la sauce soit réduite à moitié, passez-la au
tamis mettez-y un jus de boeuf, passez-la sur le feu dans la
casserole et vous versez ensuite sur les sarcelles que vous
servez chaudement.
Sarcelles aux choux-fleurs. - Préparez vos sarcelles
comme à l'ordinaire et faites-les cuire à la broche; épluchez
ensuite des choux-fleurs, faites-les blanchir et cuire dans
un blanc de farine avec de l'eau, du sel et un morceau de
beurre. Quand ils sont cuits, mettez-les égoutter; mettez
dans une bonne essence du beurre frais avec du gros
poivre, faites lier la sauce sur le feu, dressez les sarcelles
dans un plat, les choux-fleurs autour, versez la sauce sur
les choux- fleurs et servez chaudement.
Sarcelles aux navets. - Embrochez comme ci-dessus,
ou bien les ayant lardées de gros lard assaisonné, garnissez
une marmite de bardes de lard et de tranches de boeuf avec
oignons, carottes, persil, tranches de citron, fines herbes,
poivre, sel, clous de girofle, mettez-y vos sarcelles,
assaisonnez dessus comme dessous, et faites cuire à la
braise.
Coupez des navets en dés ou tournez-les en olives,
passez-les dans un peu de saindoux pour leur faire prendre
couleur; égouttez-les ensuite et mettez-les mitonner dans
une casserole avec un bon jus, liez-les d'un bon coulis,
dressez vos sarcelles dans un plat, le ragoût de navets pardessus,
et servez chaudement.
Sarcelles aux montants. - Faites cuire vos sarcelles
comme ci-dessus, à la broche ou à la braise, faites ensuite
cuire un peu plus qu'à demi des montants de cardons
d'Espagne dans de l'eau avec un morceau de beurre, une
pincée de farine et de sel, et ne mettez les montants dans
cette eau blanche que lorsqu'elle commence à bouillir;
lorsqu'ils sont à moitié cuits, vous les égouttez et achevez de
les faire cuire dans une casserole avec un petit coulis clair
de veau et de jambon, et vous les servez autour des
sarcelles.
Sarcelles aux olives. - Pour exécuter ce mets
méridional, faites cuire vos sarcelles à la broche ou à la
braise; passez ensuite deux ou trois petits champignons
dans une casserole, mouillez-les de bon jus; quand ils sont
cuits liez-les d'un petit coulis clair de veau et de jambon,
tournez des olives, ôtez-en le noyau et jetez-les dans l'eau
bouillante, retirez-les ensuite, égouttez-les, mettez-les dans
votre ragoût, faites-lui prendre un bouillon, dressez vos
sarcelles dans un plat, le ragoût par-dessus, et servez
chaudement.
Sarcelles à la rocambole ou à la Ponson du Terrail.
- Faites-les cuire à la broche, faites suer une tranche de
jambon dans une casserole, mouillez-la de bouillon et de
coulis; quand elle commence à s'attacher, faites bouillir et
dégraissez-la, passez-la au tamis, écrasez quelques
rocamboles, mettez-les dans l'essence, et servez avec vos
sarcelles.
Sarcelles aux truffes. - Faites cuire vos sarcelles à la
broche avec une farce légère dans le corps et quelques
truffes et servez avec un ragoût de truffes.
Potage de sarcelles aux navets. - Videz vos sarcelles,
troussez-les proprement, faites-les refaire, piquez-les de
gros lard assaisonné, faites-les cuire à demi à la broche,
empotez-les ensuite dans une marmite avec trois ou quatre
oignons, panais et carottes, mouillez de bon bouillon et
faites cuire; ratissez des navets, coupez-les en dés ou en
long, farinez-les un peu, faites-les frire de belle couleur
dans du saindoux, égouttez-les; mettez-les ensuite dans
une petite marmite avec de bon bouillon et faites cuire,
mitonnez vos croûtes de bon bouillon, servez-vous pour
cela du bouillon où ont cuit vos sarcelles, après l'avoir
dégraissé; dressez les sarcelles au milieu du potage,
garnissez les bords de navets, versez dessus le bouillon des
navets et un jus de veau et servez chaudement.
Potage de sarcelles aux truffes et aux champignons. -
Piquez les sarcelles de gros lard bien assaisonné; faites- les
cuire à demi à la broche et ensuite dans une marmite avec
de bon bouillon, passez des truffes dans une casserole avec
un peu de lard fondu, mouillez-les d’un jus de veau, laissezles
mitonner à petit feu, faites un coulis d'une sarcelle cuite
à la broche, pilez-la dans un mortier, garnissez le fond
d'une casserole de tranches de veau et de jambon, oignons
par tranches, panais, carottes; couvrez la casserole et faites
suer à petit feu; quand le veau est attaché, poudrez-le d'une
pincée de farine, mouillez de moitié jus et moitié bouillon,
assaisonnez de champignons, truffes, un peu de persil, une
ciboule entière, quelques clous de girofle, un peu de basilic
et des croûtes; laissez mitonner le tout ensemble pendant
une demi-heure, tirez les tranches de veau de la casserole,
délayez-y la sarcelle pilée, passez le tout à l'étamine, videz ce
coulis dans la casserole où est le ragoût de truffes,
mitonnez des croûtes moitié jus et moitié bouillon, dressez
les sarcelles sur le potage de coulis par-dessus, et servez
chaudement. C'est à tort qu'on associe parfois la sarcelle
aux lentilles. Nous blâmons cette profanation.
Pâté de sarcelles. - Fendez les sarcelles par le dos,
ôtez-en tous les os, excepté ceux des cuisses, lardez-les de
moyen lard, assaisonnez-les de sel, poivre, muscade, clous de
girofle, cannelle, lard, laurier, bardes de lard, fines herbes,
persil et ciboule, le tout pilé; faites une abaisse de pâte
ordinaire, couvrez et façonnez votre pâté, dorez-le avec des
jaunes d'oeufs et faites-le cuire au four.
Sardine. - Petit poisson de mer d'une saveur délicate;
on le trouve partout, mais principalement sur les côtes de
Bretagne où les sardines sont très abondantes; aussi cette
pêche est-elle pour les habitants une source de richesse; on
rapporte que dès le XVIIe siècle elle produisait un revenu
immense, et que dans la seule ville de Port-Louis on faisait
annuellement 4. 000 barriques de sardines.
La sardine est aussi fort abondante dans la Méditerranée
et surtout aux environs de la Sardaigne d'où elle tire son
nom.
Il n'y a que les habitants des bords de la mer qui
puissent manger des sardines fraîches et encore est-on
obligé de les saler aussitôt pêchées, car c'est de tous les
poissons celui qui se conserve le moins. A peine est-il hors
de l'eau qu'il meurt, et la putréfaction ne tarde pas à
l'attaquer; l'accumulation d'un aussi grand nombre
d'individus facilite même cette décomposition; aussi les
pêcheurs ont-ils soin, à mesure qu'ils vident le filet, de les
entremêler abondamment de sel, et malgré cette précaution
il s'en gâte énormément.
On prépare les sardines comme les harengs en les salant
et les fumant. Les sardines du Nord sont beaucoup plus
estimées, parce que dans la saumure on ajoute des
aromates et des épices qui leur donnent un goût fort
agréable; mais ces sardines ne se conservent pas
longtemps, et, quand elles sont gâtées, on les emploie pour
amorce dans la pêche des maquereaux, des merlans, des
raies et autres poissons de mer.
Notre bon roi Henri IV, qui prisait les fins morceaux,
avait, paraît-il, pour les sardines fraîches une prédilection
particulière. Depuis son abjuration, il en faisait son déjeuner
ordinaire les jours de jeûne.
Pisanelli prétend aussi que la sardine aime le son des
instruments et qu'elle sort la tête hors de l'eau pour
l'entendre; les buveurs surtout aiment beaucoup la sardine,
cela les excite à boire, et, disent-ils, leur fait trouver le vin
bon.
Sardines en caisse. - Prenez des sardines fraîches,
coupez-leur la tête et le bout de la queue; mettez de la
farce de poisson au fond d'une caisse, arrangez les sardines
dessus, couvrez-les de même farce, unissez avec un oeuf
battu, saupoudrez de mie de pain, couvrez d'une feuille de
papier, faites cuire au four, égouttez la graisse, jetez pardessus
un coulis maigre, qui soit clair, et servez- vous en au
besoin comme hors-d'oeuvre.
Sarrasin. - Originaire d'Asie, le sarrasin fut transporté
en Afrique et introduit en Europe par les Maures
d'Espagne. Quoique ce grain soit avantageux en ce qu'il
vient aisément partout, qu'il se développe et mûrisse assez
promptement pour donner deux récoltes sur le même sol,
dans une année favorable, et que son usage soit sain,
nourrissant et de facile digestion, on ne peut se dispenser de
dire que le pain qu'on en fait est le plus mauvais de tous;
sec le lendemain de sa cuisson, il se fend, s'émiette et
devient alors venteux et détestable. Il n'en est pas de même
si on emploie le sarrasin en bouillie: cette préparation est
fort nourrissante et saine; on mange cette bouillie chaude ou
froide, frite ou grillée.
Dans les cantons ou le sarrasin constitue la nourriture
habituelle des habitants, comme, par exemple, dans la
basse Bretagne et dans la basse Normandie, on y fait la
bouillie et la galette avec du lait; cela lui donne un goût
plus agréable et le rend plus léger, plus sapide et plus facile
à digérer.
Sassenage. - Fromage analogue au roquefort et qui tire
son nom du bourg de Sassenage, près de Grenoble dans le
Dauphiné.
Sauce. - On appelle ainsi un assaisonnement liquide
auquel on joint du sel et des fines épices pour relever le
goût de certains mets.
La manière de les préparer varie beaucoup; nous
allons donner les recettes de celles qui sont le plus usitées
dans la cuisine.
Jus de boeuf. - Beurrez le fond d'une casserole; mettezy,
comme au blond de veau, quelques lames de jambon et
bardes de lard, oignons en tranches et carottes; couvrez le
tout de lames de boeuf, épaisses de deux doigts, mouillez- le
d'une cuillerée à pot de grand bouillon; faites-le partir sur
un feu vif; lorsqu'il commencera à s'attacher, piquez la
viande avec la pointe d'un couteau; couvrez de cendres
votre fourneau pour empêcher que votre jus n'aille trop
vite; prenez bien garde qu'il ne brûle; quand il sera fort
attaché, mouillez-le comme le blond de veau; écumez-le,
assaisonnez-le avec un bon bouquet de persil et ciboules,
en y ajoutant quelques queues de champignons; quand
vous jugerez la viande cuite, dégraissez, passez votre jus
dans une serviette, et servez-vous-en pour colorer vos
potages et vos sauces, ou les entrées ou entremets qui
exigent du jus.
Grande sauce. - Beurrez une casserole, foncez-la de
lames de jambon; coupez votre veau par morceaux mettezen
sur votre jambon, suffisamment pour la grandeur de
votre casserole, mouillez-le avec une ou deux cuillerées de
bouillon, de manière que votre veau soit presque couvert;
mettez-y deux carottes tournées, un gros oignon que vous
retirerez quand il sera cuit. Lorsque votre veau est tombé à
glace, vous laissez très peu de feu sous votre casserole, et
vous l'entourez de cendres rouges pour faire descendre la
glace; quand elle a pris sa couleur, vous la détachez avec une
cuillerée à pot de bouillon froid; sitôt qu'elle est détachée,
vous remplissez votre casserole de bouillon; quand votre
veau est cuit, vous le retirez, et vous passez votre blond de
veau dans une serviette, vous avez votre roux dans une
casserole, vous le délayez assez pour que la sauce ne soit
pas trop épaisse, et vous la faites partir; retirez-la sur le
bord du fourneau et remuez-la de temps en temps pour
que votre coulis soit d'une belle couleur; s'il en
manquait, perfectionnez-le avec du jus de boeuf; il se
formera, durant la cuisson, une peau dessus. Ne l'ôtez pas,
et ne le dégraissez qu'à parfaite cuisson et au moment de le
passer, sans l'exprimer, à travers l'étamine. Votre sauce
passée, mettez une cuiller dedans, ayez soin de la sasser et
vanner jusqu'à ce qu'elle soit refroidie, pour qu'il ne se
forme point de peau dessus, et servez-vous-en pour des
petites sauces brunes. (Recette de M. de Courchamps).
Espagnole. - Foncez une casserole de lard et surtout de
jambon, et procédez à cet égard comme il est indiqué pour la
grande sauce, mettez une noix de veau dessus, avec une
cuillerée de consommé, cinq ou six carottes et oignons;
faites partir le tout comme le coulis général, et mettez-le
sur un feu doux, jusqu'à ce que votre noix jette son jus.
Lorsque la glace sera formée, ce que vous reconnaîtrez au
fond de la casserole, qui doit être d'un beau jaune, retirez- la
du feu, piquez alors vos noix avec votre couteau, pour que
le reste du jus s'en exprime; mouillez-les avec du
consommé dans lequel vous aurez fait cuire une quantité
suffisante de perdrix, de lapins ou de poulets; mettez un
bouquet de persil et ciboules assaisonné de deux clous de
girofle par noix de veau, d'une demi-feuille de laurier,
d'une gousse d'ail, d'un peu de basilic et de thym; faites
bouillir le tout; retirez-le sur le bord du fourneau et
dégraissez-le; au bout de deux heures, liez votre espagnole
avec le roux comme le coulis général; lorsqu'elle sera lice de
manière à être plus claire qu'épaisse, laissez-la bouillir une
demi-heure ou trois quarts d'heure, pour que le roux
s'incorpore; alors dégraissez et passez cette espagnole à
l'étamine dans une autre casserole, remettez-la sur le feu
pour la faire réduire d'un quart; elle pourra vous servir
pour tous les ragoûts au brun, vous y mettrez du madère,
du champagne ou du bourgogne, selon les petites sauces
dont vous aurez besoin. Ma coutume n'est pas de mettre le
vin dans l'espagnole générale, attendu qu'on ne met point
tout au vin, et qu'avec le vin elle peut s'aigrir du jour au
lendemain, si tout n'est pas employé dans la journée, ce qui
serait une perte; l'habitude des cuisiniers encore est de ne
point faire réduire les vins seuls, ce qui leur donne souvent
un goût d'alambic, et fait évaporer toute la partie
spiritueuse; conséquemment ils les font réduire avec la
sauce à une demi-glace ou gros comme le pouce de glace, ou
même davantage.
Espagnole travaillée.
- Lorsque vous voudrez vous servir de l'espagnole
pour des sautés, ou comme simple sauce, prenez-en deux
ou trois cuillerées à pot, ou davantage, avec environ le tiers
de consommé, quelques parures de truffes bien lavées et
quelques queues de champignons, faites réduire le tout sur
un grand feu, et dégraissez-le avec soin. Si votre espagnole
manque de couleur, donnez-lui-en avec votre blond de veau;
faites-la réduire à consistance de sauce; passez-la à
l'étamine; mettez-la dans un bain-marie, pour vous en
servir au besoin.
Velouté, ou coulis blanc.
- Mettez dans une casserole beurrée une noix ou sousnoix,
ou une partie d'un cuisseau de veau, avec lames de
jambon, cuillerée de consommé, carottes, oignons; faites
partir le tout sur un bon feu; quand vous verrez que votre
mouillement est réduit, et qu'il pourrait s'attacher,
mouillez-le avec du consommé, en raison de la quantité de
vos viandes et de la force de votre consommé; quand le tout
sera bien bouillant, retirez- le, ajoutez échalotes, tournures
de champignons, mais sans citron, mettez-y un bouquet
assaisonné que vous retirerez cuit, en l'exprimant entre
deux cuillers; retirez également vos viandes lorsqu'elles
seront cuites; ayez soin, durant que votre sauce est sur le feu,
de faire un roux blanc pour la lier. Voici la manière de vous
y prendre: faites fondre 500 g de beurre fin, tirez-le au clair
dans une casserole, puis vous mettez dans votre beurre de
la fleur de farine de froment, vous remuez au point qu'il
soit parfaitement bu par la farine; ensuite vous mettez la
casserole sur un feu doux; vous remuez constamment, pour
que votre roux ne prenne point de couleur; vous le flairez,
et lorsque vous sentez que la farine est cuite, vous délayez le
tout ou une partie, avec le mouillement de votre velouté.
Cela fait, ayez soin de tourner continuellement votre farce,
pour que la farine ne tombe point au fond et qu'elle ne
s'attache pas; dégraissez votre velouté; tamisez, remettez sur
le feu, dégraissez de nouveau, faites réduire, retirez, mettez
dans un vase, passez et vannez.
Velouté travaillé. - Il se travaille comme l'espagnole,
excepté que l'on n'y met rien qui le colore.
Grand aspic. - Mettez dans une marmite un ou deux
jarrets de veau, une vieille perdrix, une poule, des pattes de
volailles si vous en avez, deux ou trois lames de jambon;
ficelez vos viandes, joignez-y deux carottes, deux oignons,
un bouquet bien assaisonné; mouillez le tout d'un peu de
consommé, faites- le légèrement suer; lorsque vous verrez
que votre aspic, tombant en glace, prendra une teinte jaune,
mouillez-le avec du bouillon si vous en avez, sinon avec de
l'eau, en observant de le laisser réduire davantage; faites-le
partir, écumez-le, mettez-y le sel nécessaire, laissez-le
cuire trois heures. Alors dégraissez- le, passez-le au travers
d'une serviette mouillée et tordue; laissez-le refroidir;
cassez deux oeufs avec blancs, jaunes et coquilles; fouettezles,
mouillez-les avec un peu de votre bouillon, mettez-y
une cuillerée à bouche de vinaigre d'estragon, et versez le
tout dans votre aspic: posez-le sur le feu, agitez-le avec un
fouet de buis; quand il commencera à partir, retirez-le sur le
bord du fourneau, afin qu'il ne fasse que frémir; couvrez-le,
et sur son couvercle mettez du feu. Quand vous verrez que
cet aspic est clair, passez-le au travers d'une serviette
mouillée et tordue que vous attacherez aux quatre pieds d'un
tabouret, retournez, couvrez-le de nouveau, et sur son
couvercle mettez un peu de feu. Quand il sera passé, servezvous-
en pour vos grands et petits aspics.
Sauce hollandaise. - Elle se fait avec la grande sauce
au beurre; mettez-en dans une casserole trois cuillerées à
dégraisser, avec un citron coupé en dés, et duquel vous
ôtez le blanc et les pépins; joignez-y trois jaunes d'oeufs
coupés de même, un peu de persil haché, une pincée de
mignonnette et un filet de bon vinaigre blanc.
Sauce à l'allemande. - Mettez un peu de beurre, des
champignons hachés dans une casserole; faites bien cuire
vos champignons, joignez-y trois cuillerées à dégraisser de
velouté travaillé et une cuillerée de consommé; faites
réduire, jetez-y du beurre, du persil blanchi; passez et
vannez le tout, mettez le jus de la moitié d'un citron, un
peu de mignonnette, passez et servez.
Faute de velouté, singez vos champignons, délayez le
tout avec d'excellent bouillon, mettez-y un bouquet bien
assaisonné d'un clou de girofle, la moitié d'une gousse
d'ail, thym et laurier; votre sauce cuite, retirez le bouquet,
exprimez-le et finissez cette sauce comme la précédente.
Sauce à la béchamel. - Mettez dans une casserole ce
qu'il vous faut de velouté et un peu de consommé. Si vous
employez un demi-litre de velouté, faites aller votre sauce
sur un grand feu, tournez-la avec soin, qu'elle se réduise
d'un tiers de son volume; en même temps faites réduire au
tiers une pinte de crème double, incorporez-la peu à peu
dans votre sauce que vous tournerez jusqu'à ce qu'elle soit
réduite au point où elle était avant d'y avoir mis la crème.
Cette sauce ayant la consistance d'une légère bouillie,
tordez-la dans une étamine bien blanche, et mettez-la au
bain-marie avant de servir.
Sauce à la Sainte-Menehould. - Mettez dans une
casserole un morceau de beurre coupé, singez-le de farine;
délayez votre sauce avec du lait ou de la crème;
assaisonnez-la d'un bouquet de persil et ciboules, la moitié
d'une feuille de laurier, quelques champignons et échalotes;
mettez-la sur le feu; tournez-la comme la béchamel, et
tordez-la à l'étamine; remettez-la sur le feu; mettez-y du
persil haché et un peu de mignonnette.
Sauce à la bonne morue. - Elle se fait comme la
sainte-menehould, excepté qu'elle est un peu moins liée,
qu'il faut saupoudrer le mets que l'on sert, avec du persil
haché et blanchi.
Sauce à la poulette. - Mettez dans une casserole du
velouté réduit, faites-le bouillir, ajoutez-y une liaison avec du
persil haché et blanchi, un petit morceau d'excellent
beurre, et un jus de citron, et servez-vous-en si vous n'avez
pas de velouté, faites un petit roux blanc, mouillez- le avec
du bouillon, mettez-y un bouquet de persil et de ciboules,
faites cuire et réduire votre sauce, dégraissez-la, passez-la à
l'étamine et servez-vous-en.
Sauce italienne rousse. - Mettez dans une casserole
champignons hachés, tranches de citron et dés de jambon
(le citron devra n'avoir plus de pépins), ajoutez une
cuillerée à bouche d'échalote hachée, lavée et passée dans le
coin d'un torchon comme pour vos champignons; plus une
demi-feuille de laurier et deux clous de girofle, et un quart
de litre d'huile, passez le tout sur le feu; quand vous vous
apercevrez que le citron et les ingrédients sont presque
cuits, retirez le citron; mettez une cuillerée de persil haché,
et une cuillerée d'espagnole, et un demi-litre de bon vin
blanc, sans l'avoir fait réduire, ajoutez un peu de
mignonnette, faites ensuite réduire votre sauce, dégraissezla,
ôtez le jambon, et lorsque votre sauce aura atteint son
degré de réduction, retirez-la.
Sauce italienne blanche. - Même préparation que pour
l'italienne rousse, excepté que vous emploierez pour celle- ci
du velouté au lieu d'espagnole.
Sauce bavaroise. - Cette sauce peut s'appliquer à
plusieurs de nos poissons, mais particulièrement à deux
espèces que vous rencontrerez, particulièrement dans le
Nord, aux zanders et aux soudacs. Mesurez dans une
casserole quatre cuillerées à bouche de bon vinaigre, faites
réduire celui-ci de moitié, et éloignez-le du feu, mêlez-y
trois ou quatre jaunes d'oeufs selon la force de votre
vinaigre, un morceau de beurre gros comme un oeuf, et un
petit morceau de racine de réforme; battez l'appareil,
ajoutez un peu de sel et de muscade, tournez-le sur un feu
modéré, transvasez-le dans une autre casserole au tamis
fin, mêlez-y 100 grammes de beurre divisé en petites
parties, mettez cette casserole nouvelle sur un feu doux, et
battez l'appareil pour le faire mousser sans le laisser
bouillir, enfin incorporez-lui 100 grammes de beurre
d'écrevisses.
Sauce à la maître d'hôtel froide. - Mettez un morceau
de beurre dans une casserole, joignez-y du persil haché,
quelques feuilles d'estragon, une ou deux feuilles de
baume, du sel fin en suffisante quantité, le jus d'un ou
deux citrons, ou un filet de verjus, mariez le tout avec une
cuiller de bois, jusqu'à ce qu'il soit bien incorporé; cette
préparation vous servira pour les choses indiquées ciaprès.
Sauce à la maître d'hôtel liée. - Mettez dans une
casserole deux cuillerées de velouté, joignez-y gros de
beurre comme un oeuf, avec persil haché très fin et deux
ou trois feuilles d'estragon hachées de même; mettez cette
sauce sur le feu, tournez-la avec une cuiller de bois pour
bien incorporer votre beurre avec le velouté; à l’instant où
vous voudrez les servir, passez et vannez votre sauce,
ajoutez-y un jus de citron ou un filet de verjus.
Sauce suprême. - Mettez dans une casserole deux ou
trois cuillerées de velouté réduit, ajoutez-y deux ou trois
cuillerées de consommé de volaille; faites réduire le tout à
la valeur de trois cuillerées de velouté; au moment de vous
en servir, mettez-y gros de beurre comme un oeuf; faites
aller cette sauce sur un bon feu, tournez-la et passez-la;
qu'elle soit bien lice, sans être trop épaisse; arrivée à son
degré, retirez-la; mettez-y un jus de citron ou un filet de
verjus, vannez-la et usez-en au besoin.
Sauce à la matelote. - Mettez dans une casserole une
cuillerée à pot d'espagnole réduite; l'est-elle à peu près,
mettez-y des petits oignons que vous aurez fait roussir et
cuire dans le beurre, des champignons tournés et des fonds
d'artichauts. A l'instant où vous servirez votre sauce, vous
y mettrez gros de beurre comme une petite noix; remuez le
tout de manière à bien mêler le beurre sans écraser vos
garnitures, et servez.
Sauce poivrade. - Coupez une lame de jambon en
douze petits dés, mettez-les dans une casserole avec un
petit morceau de beurre, cinq ou six branches de persil,
deux ou trois ciboules coupées en deux, une gousse d'ail,
une feuille de laurier, un peu de basilic, du thym, et deux
clous de girofle; passez le tout sur un bon feu; lorsqu'il
sera bien revenu, mettez-y une pincée de poivre fin, une
cuillerée à dégraisser de vinaigre, quatre cuillerées
d'espagnole sans être réduite; remuez votre sauce, faites-la
partir, retirez-la sur le bord du fourneau, laissez-la cuire
trois quarts d'heure, dégraissez-la et passez-la dans une
étamine.
Sauce hachée. - Mettez dans une casserole une petite
cuillerée d'échalotes hachées et blanchies, autant de
champignons, un peu de persil haché; versez dessus deux
ou trois cuillerées à dégraisser d'espagnole, autant de
bouillon, deux cuillerées à dégraisser de bon vinaigre et
une pincée de mignonnette; faites bouillir et dégraissez;
hachez plein une cuiller à bouche de câpres et autant de
cornichons. Lorsque vous voudrez vous servir de cette
sauce, ajoutez-y le beurre d'un ou deux anchois; passez et
vannez le tout. Il ne faut pas que les cornichons et les
câpres bouillent.
Sauce piquante. - Hacher un oignon, le faire revenir
avec du beurre dans une casserole sans le roussir, lui
adjoindre un demi-verre de vinaigre, un bouquet de persil,
deux feuilles de laurier, un peu de thym, poivre et girofle,
faire réduire le liquide de moitié, mêler au liquide réduit la
valeur d'un verre de bouillon ou de jus et autant de
sucre; faire bouillir le liquide, retirer la casserole sur le
côté du feu; un quart d'heure après dégraisser la sauce et la
passer au tamis, lui mêler deux cuillerées à bouche de
câpres entières, et autant de cornichons coupés par
morceau.
Sauce Périgueux. - Pelez deux ou trois truffes crues,
préalablement brossées et épluchées avec soin; les couper en
petits dés et les tenir à couvert. Verser dans un sautoir la
valeur d'un verre et demi de sauce brune, ainsi que
quelques cuillerées à bouche de bon fond de veau, ajouter
une partie des parures de truffes, poser la casserole sur feu
vif, faire réduire la sauce en la tournant; quand elle est
réduite d'un tiers, lui incorporer peu à peu le tiers d'un
verre de bon madère, le passer sur les truffes coupées; lui
donner deux minutes d'ébullition, et la retirer du feu.
Sauce au raisin. - (Destinée à accompagner
particulièrement la langue de boeuf à l'écarlate).
Mettre dans une casserole un verre de vinaigre, un
bouquet de persil, thym, laurier, grains de poivre, clous de
girofle; faire réduire de moitié, mêler au liquide deux
verres de jus, le faire bouillir et le lier, avec une cuillerée à
bouche de fécule délayée à l'eau froide; au bout de cinq
minutes, la passer au tamis dans une autre casserole, lui
adjoindre deux cuillerées à bouche de gelée de groseille,
ainsi que deux poignées de raisins de Corinthe et de
Smyrne épluchés et lavés à l'eau chaude, lui donner cinq
minutes d'ébullition à un feu modéré, et la verser sur votre
langue de boeuf.
Sauce à la crème de crevettes, destinée à
accompagner un turbot. - Mettre dans une casserole plate
la valeur de trois verres de béchamel passée au moment, la
faire réduire en lui incorporant trois cuillerées à bouche
d'une crème crue, et ensuite quelques cuillerées de cuisson
de champignons; quand elle est bien crémeuse, la retirer du
feu, lui incorporer 100 grammes de bon beurre frais, et, en
dernier lieu 50 grammes de crème de crevettes; masquer le
turbot avec une partie de la sauce; mêler au restant
quelques cuillerées à bouche de queues de crevettes et la
verser dans une saucière; orner le poisson avec quelques
petits bouquets de feuilles de persil.
Sauce à la pluche. - Faites blanchir, rafraîchissez,
mettez sur un tamis des feuilles de persil; mettez dans une
casserole trois cuillerées de velouté réduit et deux de
consommé; faites réduire le tout à l'instant où vous
voudrez servir; jetez vos feuilles de persil dans votre
sauce; si elle se trouvait trop salée, ajoutez-y un petit
morceau de beurre; passez, vannez, et servez.
Sauce à la purée de champignons. - Prenez deux
maniveaux de champignons, épluchez-les, lavez-les bien à
plusieurs eaux, en les frottant légèrement dans vos mains;
cela fait, égouttez-les dans une passoire, ensuite émincez
les têtes et les queues; mettez-les dans une casserole, avec
gros de beurre comme un oeuf; faites-les fondre à petit feu,
et lorsqu'ils seront presque cuits, mouillez-les avec du
velouté, la valeur de deux cuillerées à dégraisser, laissez-les
cuire trois quarts d'heure, passez- les à l'étamine à force de
bras, et finissez votre purée avec de la crème double comme
celle d'oignons blancs, néanmoins avec cette différence que
celle-ci doit être un peu plus claire.
Sauce tortue. - Mettez dans une casserole la valeur
d'une cuillerée à pot d'espagnole réduite, un bon verre de
vin de Madère sec, une cuillerée de poivre kari, pleine, et la
moitié de cette quantité de poivre de Cayenne; faites
réduire le tout; dégraissez-le ensuite, ajoutez-y des crêtes
de coq, des rognons, des fonds d'artichauts, des
champignons, une gorge de ris de veau, ou des ris
d'agneaux, si c'est la saison; faites bouillir le tout afin que
les ingrédients prennent le goût de la sauce et sa couleur;
mettez-y, au moment de servir, six ou huit jaunes d'oeufs
bien entiers, prenez garde de les écraser en remuant avec la
cuiller, et servez-vous de cette sauce pour les mets en
tortue. Par principe, faites toujours réduire vos garnitures
dans le vin avant de les jeter dans la sauce.
Sauce kari ou à l'indienne. - Mettez dans une
casserole trois cuillerées de velouté réduit et autant de
consommé, une cuiller à café pleine de poivre kari; prenez
une pincée de safran, faites-le bouillir dans un petit vase;
quand la teinture du safran sera formée, passez-la sur le
coin d'un tamis dans votre sauce; exprimez bien le safran
avec une cuiller; faites-en même passer une partie; faites
ensuite bouillir, et dégraissez. Si cette sauce n'était pas
assez poivrée, vous y mettriez, avec la pointe d'un couteau,
un peu de poivre rouge, autrement dit poivre de Cayenne.
Sauce tomate. - Ayez douze ou quinze tomates bien
mûres et surtout bien rouges; ôtez-en les queues, ouvrezles
en deux avec votre couteau et ôtez-en la graine;
pressez-les dans votre main pour en faire sortir la partie
aqueuse qui se trouve dans le coeur et que vous jetterez,
ainsi que la graine; mettez-les dans une casserole avec un
morceau de beurre gros comme un oeuf, une feuille de
laurier et un peu de thym; posez votre casserole sur un feu
modéré; remuez vos tomates jusqu'à ce qu'elles soient en
purée. Durant leur cuisson, mettez-y une cuillerée
d'espagnole ou de la partie grasse du bouillon, ce qui
vaudrait mieux; lorsqu'elles seront au degré de purée,
passez-les à force de bras à travers l'étamine, ratissez le
dehors de cette étamine avec le dos de votre couteau;
mettez tout le résidu dans une casserole, avec deux
cuillerées d'espagnole, faites-le réduire à consistance d'une
légère bouillie, mettez-y du sel convenablement, et sur la
pointe d'un couteau un peu de poivre de Cayenne.
Sauce à l'ivoire. - Après avoir ôté les poumons d'un
poulet ordinaire, mettez-le dans une marmite qu'il faut
avoir le soin de bien laver; ajoutez-y deux carottes, deux
oignons, dont un piqué d'un clou de girofle et un bouquet
assaisonné; mouillez le tout avec deux cuillerées à pot de
consommé, ou de bouillon qui n'ait point de couleur; faites
écumer cette marmite, retirez-la sur le coin du
fourneau afin qu'elle mijote. Après une heure et quart ou
une heure et demie de cuisson, passez ce consommé à
travers une serviette; prenez deux ou trois cuillerées de
consommé, mettez-les dans une casserole, joignez-y deux
cuillerées de velouté, faites réduire à consistance de sauce.
Lorsque vous serez sur le point de servir, mettez-y gros de
beurre comme la moitié d'un oeuf; passez et vannez bien
cette sauce, versez-y une cuiller à bouche pleine de jus de
citron, et servez.
Sauce ravigote blanche. - Epluchez et lavez cresson
alénois, cerfeuil, pimprenelle, estragon, civette, céleri et
feuilles de baume; mettez le tout dans un vase; jetez dessus
un poisson d'eau bouillante; couvrez et laissez infuser trois
quarts d'heure; ensuite passez cette infusion, mettez-la dans
une casserole avec trois cuillerées à dégraisser de velouté;
faites-la réduire à consistance de sauce; mettez-y la valeur
d'une cuillerée à bouche pleine de vin blanc, gros de beurre
comme la moitié d'un oeuf; passez et vannez bien cette
sauce, et servez-la.
Sauce ravigote froide et crue. - Prenez la même
ravigote que celle énoncée ci-dessus, hachez- la bien fin;
joignez-y une cuillerée de câpres hachées de même, un ou
deux anchois que vous aurez concassés, un peu de poivre
fin et du sel convenablement; mettez le tout dans un
mortier de marbre ou de pierre, pilez-le jusqu'à ce qu'on ne
puisse plus distinguer aucun ingrédient; ajoutez-y un jaune
d'oeuf cru; broyez, arrosez avec un peu d'huile et, de temps
en temps, un peu de vinaigre blanc pour l'empêcher de
tourner, et cela jusqu'à ce que le tout soit à consistance de
sauce (si vous voulez votre ravigote très forte, ajoutez- y un
peu de moutarde); alors retirez-la du mortier, et servez.
Sauce ravigote cuite. - Ayez la même ravigote que
celle ci-dessus; lavez-la, faites-la blanchir comme vous
feriez blanchir des épinards; rafraîchissez-la quand elle
sera cuite; mettez-la égoutter sur un tamis, pilez-la bien;
quand elle le sera, passez-la, à force de bras, au travers
d'un tamis ordinaire; cela fait, délayez-la avec de l'huile et
du vinaigre; mettez-y sel et poivre, ainsi que vous feriez
pour une rémoulade; qu'elle soit d'un bon goût, et servez.
Sauce verte. - Vous ferez cette sauce comme la sauce
au suprême, en y ajoutant une ravigote comme celle
énoncée dans l'article ci-dessus et du vert d'épinards que
vous ferez ainsi: lavez et pilez bien une poignée d'épinards,
exprimez-en le jus en les mettant dans un torchon blanc et
les tordant à force de bras; cela fait, mettez ce jus dans une
petite casserole sur le bord d'un fourneau; il se caillebotte
comme du lait; lorsqu'il le sera, jetez-le dans un tamis de
soie pour le laisser égoutter; à l'instant de servir vous
délayerez, soit le tout, soit une partie, pour faire votre sauce
verte; de suite vous y mettrez le jus d'un citron, ou un filet de
vinaigre; passez et servez aussitôt, de peur que votre sauce
ne devienne jaune.
Sauce Robert. - La sauce Robert est une des sauces des
plus appétissantes comme des plus relevées, et Rabelais,
qui range au nombre de ceux qui ont bien mérité de la
patrie son inventeur, le cuisinier Robert, l'appelait la sauce
«tant salubre et nécessaire».
Cependant, sa réputation n'est pas aussi culinaire que
l'on pourrait le croire, elle est toute religieuse au contraire,
ce qui ne veut pas dire que ce qui est culinaire est étranger
à la religion; demandez à votre curé ce qu'il en pense et
vous en verrez la preuve.
Revenons à notre sauce. L'historien Thiers (ne pas
confondre avec l'ancien ministre), curé de Champrond, au
diocèse de Chartres, s'étant élevé contre quelques
charlataneries ecclésiastiques autorisées par le chapitre de
l'église de Chartres, eut pour adversaires les nommés Patin,
official, et Robert, vicaire général de l'évêque de Chartres.
Le pasteur de Champrond fit alors contre le grand vicaire
de monseigneur une satire qu'il intitula la Sauce Robert,
par allusion à la célèbre préparation culinaire de laquelle
Rabelais parle. La satire fut dénoncée, Thiers fut décrété de
prise de corps et obligé de fuir.
Indiquons maintenant la manière de la préparer.
Recette Robert. - Coupez en rouelles ou en dés six gros
oignons, ou davantage si le cas le requiert; ayez soin de
laver l'oignon pour enlever la partie amère; mettez-les dans
une casserole avec du beurre à proportion; posez le tout sur
un bon feu; singez-le avec un peu de farine, et faites qu'elle
roussisse avec vos oignons; quand tout le sera, délayez
avec du bouillon; laissez cuire; mettez sel et mignonnette, et
lorsque votre sauce sera arrivée à son degré, de la
moutarde, et servez.
Sauce écrevisses. - Préparez une sauce au beurre avec
125 grammes de beurre et 125 grammes de farine en la
mouillant avec de la cuisson de poisson dégraissée, passée et
refroidie; quand la sauce est liée, la finir en lui incorporant
100 grammes de bon beurre frais, un morceau de beurre
d'écrevisses ainsi que quatre à cinq cuillerées de pattes et de
queues d'écrevisses coupées en petits dés.
Autre sauce au beurre d'écrevisses. - Lavez à
plusieurs eaux un demi-cent de petites écrevisses, mettezles
dans une casserole, couvrez-les; faites-les cuire dans du
grand bouillon avec un peu de mouillement; sitôt qu'elles
commencent à bouillir, sautez-les pour que celles qui sont
dessous viennent dessus. Quand elles seront d'un beau
rouge, retirez la casserole du feu; laissez dix minutes vos
écrevisses couvertes; ensuite égouttez-les sur un tamis,
laissez-les refroidir, séparez-en les chairs, comme les
queues que vous conservez pour faire les garnitures; jetez
le dedans du corps après en avoir extrait les petites pattes;
lavez bien toutes ces écailles, jetez-les sur un tamis; faitesles
sécher sur un four tiède ou sur un couvercle posé sur
une cendre chaude; quand elles le seront, pilez- les dans un
mortier; lorsqu'elles seront presque entièrement pilées,
joignez-y gros de beurre comme un oeuf; pilez-les de
nouveau jusqu'à ce qu'on ne distingue presque plus les
écailles de vos écrevisses; si ces écrevisses, en les pilant, ne
donnaient point assez de rouge à votre beurre, ajoutez-y
deux ou trois petites racines qu'on nomme orcanètes; cela
fait, mettez fondre sur un fou très doux votre beurre
d'écrevisses environ un quart d'heure; quand il sera très
chaud, mettez un tamis un peu serré sur un vase rempli
d'eau fraîche; versez sur ce tamis votre beurre, lequel se
figera dans l'eau; ensuite ramassez- le, mettez-le sur une
assiette (afin de vous en servir pour vos sauces au beurre
d’écrevisses); ensuite prenez trois cuillerées de velouté
réduit et bien corsé; incorporez votre beurre d'écrevisses et
vannez bien le tout à l'instant de vous en servir.
Sauce aux homards. - Otez les chairs et les oeufs d'un
moyen homard, coupez les chairs en dés, détachez les
fibrines des oeufs; mettez dans une casserole les oeufs et
les chairs sans mouillement, couvrez votre casserole d'un
papier ou d'un couvercle, de crainte que vos chairs ne se
hâlent; lavez les coquilles de votre homard, détachez-en les
petites pattes du plastron que vous supprimerez; vos
coquilles étant bien lavées, mettez-les sécher dans une
étuve; une fois séchées, pilez-les et faites-en un beurre,
comme il est indiqué au beurre d'écrevisses, et finissez-le de
même; le beurre de votre homard refroidi, mettez-le dans
une sauce blanche, vannez-la sur le feu sans la faire
bouillir; ajoutez-y, si vous le voulez, un peu de poivre de
Cayenne ou de gros poivre, versez votre sauce sur les
chairs de votre homard, mêlez bien le tout et servez le dans
une saucière.
Sauce des gourmets. - Faites bouillir dans une
casserole la valeur de trois quarts de verre de glace fondue,
et quatre cuillerées à bouche de purée de tomates, retirez
aussitôt la sauce du feu pour lui incorporer peu à peu, en la
tournant à la cuiller, cent cinquante grammes de beurre
d'écrevisses, divisé en petites parties; quand la sauce est
bien liée, lui mêler une cuillerée à bouche de bon vinaigre
et finir avec une pincée d'estragon haché, autant d'échalote
hachée fin et blanchie.
Sauce échalote à la béarnaise. - Mettez dans une
petite casserole deux cuillerées à bouche d'échalote hachée
et quatre cuillerées de bon vinaigre d'Orléans; la poser sur
le feu et cuire les échalotes jusqu'à ce que le vinaigre soit
réduit de moitié; retirez alors la casserole, et quand
l'appareil est à peu près refroidi, mêlez-lui quatorze jaunes
d'oeufs, broyez-les à la cuiller et joignez-leur quatre
cuillerées à bouche de bonne huile. Posez alors la casserole
sur un feu doux; liez la sauce en la tournant, retirez-la
aussitôt qu'elle est à point, et lui incorporez encore un
demi-verre d'huile, mais en l'alternant avec le jus d'un
citron; finir la sauce avec un peu d'estragon ou de persil
haché et un peu de glace de viande.

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