CHEVILLON L'Atlantide et la Théorie de la dérive des Continents




L'ATLANTIDE 

et la 

Théorie de la dérive des Continents 


Constant Chevillon


Aux environs de l'année 1910, un géophysicien, le savant Wegener, émit l'hypothèse que la croûte terrestre n'est pas stable et que les continents flottent sur un magma central visqueux à sa partie supérieure et plus ou moins fluide à mesure que le centre de notre globe est plus proche. Selon lui, ces continents sont portés sur une mer invisible à la manière d'immenses radeaux, ou plutôt à la manière des icebergs dont la partie émergée est incomparablement mince relativement à la partie immergée. 

Entraînés par le mouvement de rotation de la planète et sollicités par les fluctuations et les marées de la mer de feu intérieure, ils dérivent de l'est vers l'ouest dans un mouvement continu, ponctué par des périodes d'illusoire stabilisation, périodes nécessaires à l'équilibre de la terre. 

Cette hypothèse, appuyée par des considérations soigneusement étudiées, forme un tout bien homogène ; elle est parfaitement plausible et, à l'heure actuelle, aucune démonstration basée sur l'expérience ne peut prouver qu'elle n'est pas essentiellement scientifique. 

Wegener peut-il s'attribuer la paternité de cette hypothèse si goûtée actuellement dans les milieux savants ? Certes, les modalités sous lesquelles il la présente sont neuves et dénotent un cerveau de premier plan. Il peut en tirer une gloire certaine et méritée. Mais l'idée proprement originale de cette hypothèse fut émise il y a près de trois quarts de siècle par un Américain qui habitait Paris à cette époque et qui se nommait A. Snider. 

En 1859, il publia chez Franck et chez Dentu un ouvrage assez étrange et qui dénote une érudition peu commune, quoique peut-être mal digérée. Cet ouvrage, qui fit très peu de bruit et qui ne fut présenté, croyons-nous, devant aucune Académie, e.st, à l'heure actuelle, à peu près introuvable. Il est intitulé : La Création et ses Mystères dévoilés, ouvrage où l'on expose clairement etc... l'origine de l'Amérique, etc... Snider, qui avait mis le nez un peu dans toutes les sciences et s'appuyait sur les conclusions de son époque tout en devançant pas mal d'hypothèses aujourd'hui devenus théories, Snider s'autorise principalement de la Genèse et divise son livre, qui est une véritable cosmogonie, selon les périodes moïsiaques de la création. 

Nous ne voulons point analyser ici cette oeuvre touffue, nous en retiendrons seulement ce qui concerne la théorie renouvelée et révisée par M. Wegener. 

Snider nous représente le globe terrestre avant la catastrophe diluvienne comme une sphère d'une circonférence supérieure à 12.000 lieues, à la surface de laquelle les continents entourés de tous côtés par les eaux formaient un seul bloc, quelque chose comme la tache rouge qui flotte sur l'immensité de la mer Jovienne. 

L'Europe, l'Asie, l'Afrique, l'Amérique et l'Australie formaient un tout assez solidement soudé, quoique commençant à laisser percevoir les énormes fissures qui devaient, par la suite, délimiter les nouveaux continents. Les trois premières parties se trouvaient approximative-ment à leur place actuelle, l'Amérique était plaquée le long de la côte africaine et européenne jusqu'à la Norvège. L'Australie adhérait à l'Afrique de la région du Cap Gardafui jusque vers les parages du Madagascar actuel d'un côté et s'appuyait de l'autre sur la partie sud de l'Inde et de l'Indo-Chine. La fissure américaine avait quelques kilomètres de largeur à peine, elle empruntait le contour de notre Afrique et de notre Europe contemporaine depuis Madagascar qui, à cette époque, était soudée à la pointe du cap Horn, contournait le cap actuel de Bonne-Espérance et remontait jusqu'à la Scandinavie. 

Vint le déluge ; des pluies torrentielles s'abattirent sur notre globe, en même temps que des éruptions volcaniques et des secousses sismiques effroyables secouaient la croûte terrestre ; les eaux recouvrirent l'Europe, l'Asie et l'Afrique, tandis que l'Amérique et l'Australie rejetées brusquement à une grande distance, laissèrent un énorme vide où se précipitèrent les eaux de l'Océan Atlantique et de l'Océan Indien. 

Dans leur fuite éperdue,les continents libérées abandonnèrent : l'Amérique,les Iles du Cap-Vert,les Açores,les Antilles,Cuba, St-Domingue, l'Australie, les Iles de la Sonde et les Archipels du Pacifique, tandis que l'Europe, l'Asie et l'Afrique moins fortement secouées, en raison de la masse énorme des eaux qui les recouvraient, projetaient à proximité de leurs côtes : l'Angleterre, l'Islande, le Japon, les Kouriles et Madagascar. En Amérique, la Patagonie qui, avant la catastrophe, s'étendait en arc de cercle autour du cap de Bonne-Espérance se redressa soudain et vint prolonger directement au sud la masse brésilienne pour constituer le nouveau continent tel qu'il existe de nos jours. 

Cette catastrophe fut provoquée, selon Snider, par le rétrécissement de la circonférence terrestre qui de 12.000 lieues tomba à 9.000 en raison de la condensation du noyau central. 

A la suite de cette condensation, l'équilibre de notre sphère se trouva compromis 'et pour le rétablir la masse continentale se disloqua, suivant les lignes de fractures déjà amorcées par le travail préparatoire et les parties de celle-ci vinrent se fixer à la place juste qui réalisait le nouvel équilibre.

Ainsi, pour notre auteur, les fractures de la masse continentale se firent d'abord lentement comme chez Wegener, sous l'influence du feu central. Mais son hypothèse diffère en ce sens qu'une catastrophe vint brusquer la rupture, catastrophe qui s'accorde non seulement avec le texte de la Bible, ainsi que le veut Snider, mais avec toutes les légendes historiques ou pseudo-historiques que nous ont laissées les âges révolus. La raison de cette différence doit-être cherchée dans la conception géologique des deux savants. Wegener reprend, en somme, à son compte, les théories de Suess. Il considère le globe terrestre comme constitué par trois sphères concentriques de densités diverses. 

Le Nife, sphère pleine constituée par du ferro-nickel liquide et incandescent, forme la partie centrale ; le Sima, sphère visqueuse de silicium et de magnésium enveloppe la première, et enfin le Sial, sphère solide de silice et d'alumine qui enveloppe les deux autres à la façon d'une pelure d'orange, car elle a, en mains endroits, moins de cent kilomètres d'épaisseur. Le Sial flotte sur la sphère visqueuse, y provoquant des compressions et des glissements ; celle-ci, à son tour, en vertu de son propre poids spécifique qui est supérieur à celui du Sial immergé par sa base dans ses flots compacts provoque des ruptures d'équilibre, des fractures dans la masse supérieure, d'où les séismes, les éruptions volcaniques, la genèse des montagnes et la dispersion lente et progressive des continents, selon les lignes de fractures. 

Snider, par contre, considère la masse de notre globe comme absolument une du centre à la surface ; la base des continents se prolonge donc jusqu'au centre de la sphère. Ce centre, par l'effet du feu qui s'y trouve en constante activité, est le théâtre perpétuel d'une condensation dont les effets, lents à se déclencher, sont terribles. 

A. la partie supérieure des matières ignées, là où le feu est moins vif, il se produit des cristallisations d'éléments, une espèce de solidification qui génère l'écorce aride de la terre. Peu à peu, cette concentration laisse, en vertu de la force centrifuge, un vide se constituer au centre même de la sphère, mais en raison de la force centripète, ce vide arrive brusquement à se combler par des écroulements de matériaux qui, à la surface, forment d'immenses affaissements. C'est pourquoi Snider prétend qu'à l'origine de l'apparition de la vie végétale sur notre planète, le rayon de celle-ci était environ six fois supérieur à ce qu'il est aujourd'hui. Chaque diminution du rayon est ponctuée par une brusque catastrophe dont les préliminaires se constatent par de lentes fractures de la couche solide visible. Les éléments de cette couche solide pivotent alors sur leur base et vont se placer automatiquement dans la position qu'ils doivent occuper, pour réaliser le nouvel équilibre de notre globe. La dernière de ces catastrophes fut le déluge, elle couvrit des eaux de la mer l'Europe, l'Asie, l'Afrique, mais épargna l'Amérique et l'Australie, qui furent alors, par suite de la terrible compression du feu central, le théâtre d'éruptions volcaniques et de séismes sans précédent. 

En effet, par suite de la condensation dont nous avons parlé plus haut et du vide consécutif provoqué au centre de la sphère terrestre, d'énormes écroulements se produisirent dont le centre fut l'Océan Pacifique. L'axe de notre globe était modifié et une nouvelle concentration des éléments constitutifs était nécessaire. La partie principale du continent unique, par sa masse prépondérante, devint le pivot de l'opération, mais les eaux violemment refoulées par le continent américain en déplacement pour ainsi dire instantané, vinrent balayer le bloc résistant, s'écroulèrent dans l'énorme cuvette ainsi creusée et formèrent l'Océan Atlantique et l'Océan Indien, l'Australie, accompagnant l'Amérique dans sa fuite éperdue, mais se fixant au centre du Pacifique pour assurer l'équilibre particulier de cette partie de la terre. Dans leur ruée dévastatrice, les eaux remplirent au passage les dépressions causées par un affaissement partiel du centre de la masse résistante et qui constituent maintenant la Méditerranée, la Mer Noire, la Caspienne et la mer d'Aral. 

Et Snider prétend qu'aucune région n'a jamais disparu et que l'Atlantide était précisément l'Amérique dans sa partie centrale, Mexique, Brésil, Pérou, etc. Ainsi se trouverait expliquée selon lui, la légende de la disparition de l'Atlantide à nous léguée par les écrivains égyptiens et grecs. Les survivants du grand cataclysme qui avaient vu tout proche le continent disparu, lorsque les éléments eurent accompli leur oeuvre, ne le virent plus, mais à sa place s'étendait une mer immense aux flots encore en fureur et chargée d'un limon qui la rendait impropre à la navigation ; ils la crurent donc engloutie à jamais. Ainsi se trouve encore expliquée la similitude des monuments et de la civilisation que les recherches de l'archéologie, ont constatées sur les deux continents jadis soudés. 

Nous ne voulons point juger ici, ni la théorie de Wegener, ni celle peut-être moins à la page de Snider, mais comme beaucoup de savants prétendent à l'heure actuelle que l'originalité de l'hypothèse de Wegener consiste dans le principe de la rupture des continents, nous dirons, nous, que Wegener n'a rien inventé du tout, mais qu'il n'a fait que retrouver une théorie émise bien longtemps avant lui, ce qui n'infirme en rien l'admiration que nous pouvons avoir pour lui et pour l'audace qu'il a eue de la rénover sur des bases scientifiques adaptées à notre époque. 


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