MACKEY La légende du forgeron




LA LÉGENDE DU FORGERON


Albert G. Mackey


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Dans son n° 6 de mai 1874, « La Chaîne d’Union de Paris », Journal Maçonnique Universel,  publie, page 291,  un compte-rendu d’une étude réalisée par Albert G. Mackey (1807-1881), figure éminente de la Franc-Maçonnerie américaine. Cette étude, titrée « La légende du Forgeron », évoque la « fonction maçonnique» d’Hiram Abif en regard des mythes et légendes qui, dans le monde entier, ont trait au travail du métal.

L.A.T.
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LA LÉGENDE DU FORGERON

Compte-rendu d’une étude d’Albert G. Mackey

LA CHAÎNE D’UNION DE PARIS

Journal Maçonnique Universel


Nous devons à la courtoisie de l’Ill.°. F.°.  Albert G. Mackey M. D, Secrétaire Général au Suprême Conseil du 33e degré pour la juridiction sud des E. U., l'envoi des n° 4 et n°5 (janvier et février 1874) de son National Freemason, édité par lui à Washington.

Cette publication qui, sous le point de vue matériel, représente un spécimen de premier ordre en typographie, est, ainsi que son titre l'indique, plutôt un « magasin », «c'est-à-dire un« recueil » qu'un journal.

C'est un riche écrin d'études historiques et philosophiques dont un grand nombre est signé par l'éminent écrivain et éditeur lui-même.

Malheureusement le cadre de notre « Chaîne d'Union » ne nous permet pas de reproduire comme nous le voudrions, ces intéressantes productions d'un esprit cultivé et d'un chercheur infatigable dans les trésors de l'Art Royal.

Nous ne pouvons cependant pas résister au désir d'effleurer la charmante étude intitulée: « La légende du forgeron » par le F.°. Mackey, et dont voici en quelques traits l'esquisse imparfaite.

«Parmi tous les mythes, qui ont occupé les peuples du globe, nul n'a une plus grande antiquité et une existence plus répandue que celui du forgeron-orfèvre qui travaillait dans les métaux, fabriquait des boucliers et des glaives pour les guerriers ou des bijoux et joyaux pour les reines. Ce mythe existe dans les premiers cultes religieux, et, transmis d'âge en âge sans interruption, est conservé, avec des modifications naturelles, dans les légendes du moyen âge, des Iles Scandinaves jusqu'aux limites Ies plus méridionales de la race latine. Et longtemps avant cette période il peut être retrouvé dans la mythologie de l'Inde, de la Grèce et de Rome

La Franc-Maçonnerie dans sa forme récente, et en introduisant dans son système légendaire l'histoire d'Hiram Abif, a étrangement défiguré le vrai caractère de ce type, tel qu'il est décrit dans le Livre des Rois et dans les Chroniques, et, sans aucune autorité historique, a transformé l'idée des Ecritures, c'est-à-dire celle d'un forgeron — orfèvre expert, en celle d'un architecte. De là, le Fils de la Veuve est constamment appelé «l'Architecte» dans le langage rituélique de la Maçonnerie spéculative - il est supposé avoir été chargé de la superintendance du Temple, de la direction, du contrôle de ces ouvriers - les tailleurs de pierre et maçons, qui étaient chargés de la construction.

L'auteur conduit ensuite le lecteur au berceau de la mythologie, aux hymnes de Véda où nous trouvons le Dieu du feu « Agni.»

Ces hymnes, poétisant la rénovation continuelle de la flamme, par le combustible, appelaient ce Dieu :  Yavishtha(l'éternellement jeune), et dont les Grecs ont fait Hephaïstos, le puissant ouvrier, le forgeron immortel qui façonnait les armes pour les dieux, et, sur la demande de Thétis, l'irrésistible armure d'Achille. Les Romains empruntaient de leurs ancêtres Indiens la même idée de la toute-puissance du feu dans leur Vulcain, un nom évidemment dérivé du sanscrit Ulka, une torche, quoique une similitude de son ait conduit beaucoup d'étymologistes à déduire, à tort, le Vulcain romain, du Tubal Caïn sémitique.

Les Scandinaves, autres descendants de la race indienne, ont apporté avec eux, de leur émigration du Caucase, la même vénération pour le feu et la transformation des métaux par son puissant secours; seulement, au lieu de créer un dieu du feu, ils ont inventé leur légende d'un forgeron habile, auquel ils ont donné le nom de Wölund. Les Germains ont eu la même légende, leur forgeron merveilleux était appelé Wieland.

Le même personnage légendaire se trouve chez les Anglo-Saxons sous le nom de Wieland, que Geoffroy de Monmouth cite dans son poème latin comme sculpteur de bijoux et de coupes précieuses, et dont il latinise le nom par :  Gueilandus.

Dans une chronique du XIIème siècle, écrite par le moine Jean de Marmoutier, il est fait mention du magnifique costume de Geoffroy Plantagenet, duc de Normandie, parmi les objets duquel se trouvait un glaive provenant du trésor royal et renommé « depuis longtemps. C'est Galannus, le plus expert des armuriers, qui avait fabriqué cette précieuse arme avec beaucoup d'art et de soins. »

Et les romances françaises du XIIème siècle abondent en références à Galans, l'habile forgeron qui fabriquait des armes d'une trempe merveilleuse pour les chevaliers et paladins.

Il est évident, par ce qui vient d'être dit, que l'ouvrier qui forgeait des métaux et fabriquait des armes pour le champ de bataille, des bijoux pour les boudoirs, des instruments pour l'agriculture et des ustensiles de ménage, devait être, dès les temps les plus reculés, un personnage important, déifié par les anciens et investi de dons surnaturels par les modernes. Il est également évident que ce respect pour le forgeron, de préférence à tout autre artisan, était prépondérant dans le moyen âge. Il n'est donc pas surprenant que cette idée ait été incorporée dans les sociétés secrètes de cette époque, et adoptée par les Maçons, d'abord par la branche opérative, et ensuite sous une forme modifiée et corrompue, par la branche spéculative.

Voici quelques détails historiques sur la connexion de cette légende du Forgeron avec la légende Maçonnique:

Dans une des plus anciennes constitutions manuscrites des Maçons opératifs (Cook Manuscript), il est dit :« Et sachez que ce fils, Tubal Caïn, faisait le métier de forgeron et d'autres métiers dans lesquels on travaillait le métal, c'est-à-dire le fer, l'airain, l'or et l'argent ».

Un siècle plus tard, le Landsdowne Manuscript contient même la référence.

Plus tard encore, lorsque l'art opératif était supplanté par la science spéculative, cette dernière compléta la simple légende du métier par celle plus profonde du Temple. C'est là que nous trouvons le nom de ce Hiram que le roi de Tyr envoya au roi d'Israël pour l'aider dans la construction du Temple.

Comparons maintenant les attributs d'Hiram (Abif) avec les récits de l'Ecriture Sainte, le seul document authentique que nous ayons.

La première mention de lui est faite dans le "Premier Livre des Rois, chap. VII, vers. 13 et 14 », en ces mots : « Et le roi Salomon envoya à Tyr chercher Hiram. Il était le fils d'une veuve de la tribu de Nephtalie, et son père était un homme de Tyr et ouvrier en airain; et il était rempli de sagesse et de science et habile en toutes sortes d'ouvrages en airain, et il vint chez le roi Salomon et fit tout son ouvrage ».

Plus loin, dans le « Second Livre des Chroniques, chap. II, vers. 13 et 14 », nous trouvons dans l'épître du roi de Tyr au roi Salomon ces mots : « Et maintenant je vous ai envoyé un homme expert, doué d'intelligence, le fils d'une femme des filles de Dan, et son père était un homme de Tyr, habile à travailler l'or, l'argent, l'airain, le fer, la pierre, le bois, la pourpre, le bleu, le linge fin et !e cramoisi; aussi à graver toute sorte de gravures, etc., etc. »

Les mots de l'original qui désignent la profession de Hiram sont: 


KHoReSH NeKHoSHeT, un ouvrier en airain.

L'erreur dans laquelle les écrivains Maçons modernes sont tombés, en le supposant avoir été un tailleur de pierre et Maçon, provient de l'interprétation erronée du passage dans les Chroniques où il est dit qu'il était expert à travailler l'or, l'argent, airain, le fer, la pierre et le bois.

Or, les mots en italique sont dans l'original :


BaABaNlM VeBaGNeTSIM, en pierres et en bois (pluriel), c'est-à-dire en pierres précieuses et en bois de différentes sortes; il était donc non-seulement forgeron-orfèvre, mais aussi lapidaire, sculpteur et doreur.

Le mot eben, dit Gesenius, est un terme d'excellence, pour indiquer une pierre précieuse, et son pluriel abanim veut donc dire : pierres précieuses.

Il est maintenant suffisamment prouvé que les travaux d'Hiram Abif, dans le Temple, étaient ceux d'un ouvrier en airain, en pierres précieuses, en sculpture, en gravure, mais non ceux d'un maçon. Il était le décorateur et non l'architecte du temple. Mais n'importe quels aient été ses attributs, il a dû être placé au plus haut degré dans la confiance des rois Salomon et Hiram, et il mérite bien le rang qui lui est réservé dans la légende de la corporation et dans le rituel moderne.


Soit forgeron, soit maçon, il est toujours, dans le troisième degré, le type de l'homme qui travaille au temple de la vie, et la leçon de son intégrité éprouvée et de son sort reste toujours la même.



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