DUMAS Le Grand Dictionnaire de Cuisine (11)

Petits pois au lard. - Faites revenir dans du beurre du
petit salé coupé en dés; retirez-le quand il est de belle
couleur, puis mettez dans le beurre qui a servi à le rôtir une
cuillerée à bouche de farine, faites un roux, mouillez avec
du jus ou du bouillon. Remettez ensuite le petit salé avec
les pois, ajoutez un oignon, un bouquet garni et un peu de
poivre et faites cuire sur l'angle du fourneau.
Pois chiches. - Les pois chiches sont bien
nourrissants, mais d'une digestion quelquefois difficile; on
ne les mange ordinairement qu'en purée. On a essayé, en
les torréfiant et en les pulvérisant, de les substituer au café,
mais cette expérience n'a amené aucun bon résultat.
On les cultive dans le midi de la France où ils
sont connus sous le nom de garbansos. Nous en avons
parlé plus haut. Ils servent à la confection de l'oille et de
l'olla- podrida.
Poisson. - «Les poissons, a dit Cuvier, sont des
animaux aquatiques vertébrés, à sang froid et respirant par
des branchies».
Nous n'avons à parler ici du poisson que sous le point
de vue de l'alimentation; aussi n'entamerons- nous pas une
discussion anatomique sur la nature et le genre de vie des
différentes espèces de poissons, et nous bornerons-nous à
indiquer seulement ceux que nous croyons les meilleurs.
Les poissons doivent être considérés comme une des
plus grandes ressources de l'alimentation. Les hommes
recherchèrent de tous temps cette nourriture saine et
délicate, et Montesquieu attribue la grande population de la
Chine à l'usage fréquent du poisson. Favorisés par le
voisinage de la mer, les populations grecques, en
s'adonnant à la pêche, s'attachèrent à distinguer les
meilleures espèces. Les cuisiniers grecs savaient donner
aux poissons diverses préparations dont il est parlé dans les
anciens auteurs qui ont écrit sur la diététique; ils avaient
plusieurs manières de les apprêter avec le sel, de les mariner
avec de l'huile et des aromates, et le poisson en escabèche
des Italiens et des Espagnols n'en est sans doute qu'une
imitation. Aussi nous savons, malgré le peu de notions qui
nous sont parvenues sur la cuisine grecque, qu'on préparait
alors la chair de l'espadon avec de la moutarde, celle du
congre avec du sel et de l'origan, la dorade avec de
l'huile, du vinaigre et des pruneaux. Gallien fut le premier
qui prescrivit de saler le thon, parce que dans cet état sa
chair est moins compacte. Athénée nous a transmis
quelques préceptes sur les assaisonnements, et Xénocrate,
l'Eschyle et Sophocle ont parlé des sauces au poisson. A
Athènes on avait poussé si loin cette prédilection pour les
productions de la mer, que, par une loi de police, il était
prescrit d'appeler sur-le-champ les acheteurs au bruit de
cylindres d'airain pour que chacun pût se procurer du
poisson frais au moment où il était apporté au marché. On
assure même que pour obliger les marchands à le vendre
plus vite, il leur était enjoint de rester debout, afin que cette
obligation les rendît plus soumis et plus empressés de
vendre à un prix raisonnable. Parmi les poissons les plus
estimés sous les Romains, figure le scare que les gourmets
préféraient à toutes les autres espèces; le foie de la lotte
jouissait aussi d'une grande réputation, au contraire du reste
du corps qui était peu estimé; le mulet était réputé un des
mets les plus délicats, et il a bien dégénéré depuis, car
aujourd'hui nous le considérons comme un poisson
commun. Les gastronomes se plaisaient alors à le voir
expirer sur la table pour jouir de ses changements de
couleurs. Apicius fut le premier qui le fit mourir dans de la
saumure composée de sang de scombre ou de maquereau;
c'était le fameux garum sociorum, et nous avons parlé plus
haut des viviers où les Romains conservaient le poisson
pendant six mois, en le mettant dans la neige au fond d'une
glacière. Lucullus, le plus fastueux des patriciens, fit même
couper une montagne dans les environs de Naples pour
ouvrir un canal et faire remonter jusque dans ses jardins
la mer et les poissons. Pompée le baptisa à ce sujet du nom
de Xerxès en toge.
Ce ne fut guère que vers le XIIe siècle que les
marchands, réunis en compagnie, entreprirent
d'approvisionner de marée la capitale; alors s'établit la
différence des harengères, chargées de la vente du poisson de
mer, et des poissonnières qui faisaient la vente du poisson
d'eau douce.
Il se vend annuellement à Paris pour près de deux
millions de poissons d'eau douce, et six millions de francs
de marée. Malgré la quantité considérable de poissons qui
arrivent encore frais à Paris, ce qui est dû à sa proximité de
la mer, il y en a beaucoup encore qui ne peuvent supporter
le transport, quelque accéléré qu'il soit. Au siècle dernier,
Louis XV avait accordé à titre d'encouragement une prime
de 9 000 francs à celui qui pourrait faire arriver à Paris une
dorade fraîche; aucun entrepreneur ne put réussir à gagner
cette récompense qu'il serait facile d'obtenir aujourd'hui
que nous avons les chemins de fer; et c'était ce qui faisait
le grand désespoir des Lucullus du siècle dernier.
Poissons de mer:
Esturgeon, turbot, saumon, cabillaud, thon, bar, alose,
dorade, raie, maquereau, sole, barbue, carrelet, limande,
plie, vive, éperlan, rouget, hareng, sardine.
Crustacées:
Homards, langoustes, crabes, crevettes, chevrettes ou
salicoques.
Coquillages:
Huîtres, moules, pèlerines, ormiers. Poisson de
rivière: Brochet, carpe, anguille, truite, omble chevalier,
lavaret, ferrat, perche, lotte, lamproie, barbote, barbeau,
tanche, goujon, brême, écrevisses.
Poisson de rivière:
Brochet, carpe, anguille, truite, omble chevalier,
lavaret, ferrat, perche, lotte, lamproie, barbote, barbeau,
tanche, goujon, brême, écrevisses.
Poisson d'Avril. - Certains étymologistes croient que
l'on disait passion d'avril, en mémoire de la passion de
Jésus-Christ qui arriva le 3 avril, et que la corruption du
langage en a fait poisson d'avril.
François, duc de Lorraine, et son épouse, retenus
prisonniers à Nancy et cherchant quelque stratagème pour se
sauver choisirent le premier jour d'avril. Tous deux
déguisés en paysans, portant une hotte de fumier, sortirent de
Nancy à la pointe du jour, et traversèrent la Moselle à la
nage. Ils durent leur salut à la crainte qu'on a généralement
du poisson d'avril. En effet, une femme les ayant reconnus
alla en prévenir un soldat de la garnison du château qui ne
fit qu'en rire, croyant qu'on voulait lui faire manger du
poisson d'avril. Cette nouvelle parvint à l'officier qui
s'imagina également que c'était un poisson d'avril et n'eut
garde de se déranger. Cependant il en avertit le gouverneur
qui envoya s'éclaircir du fait, mais il était trop tard; les
illustres voyageurs avaient pris les devants, et, grâce au
poisson d'avril, ils échappèrent aux recherches.
Poivre. - Ainsi que nous l'avons déjà dit dans notre
préface, le poivre a toujours été la plus répandue des
épiceries connues et la plus employée en cuisine.
Le poivre a été longtemps l'objet d'un très grand luxe, et
une livre de poivre était un présent considérable à faire à
une personne; on rapporte que lorsque Clotaire III fonda le
monastère de Corbie, parmi les différentes denrées qu'il
assujettit ses douanes à payer annuellement aux religieux, il
y avait trente livres de poivre. Roger, comte de Béziers,
ayant été assassiné dans une sédition par les bourgeois de
cette ville en 1107, une des punitions que son fils imposa
aux bourgeois, lorsqu'il les eut soumis par les armes, fut un
tribut de trois livres de poivre à prendre annuellement. sur
chaque famille. Enfin, à Tyr, les Juifs étaient obligés d'en
payer de même deux livres par an à l'Archevêque.
C'étaient, disent les annales de l'Eglise d'Aix, Bertrand et
Rostang de Noves, archevêques de cette ville, l'un en
1143, l'autre en 1283, qui avaient imposé cette servitude
aux Hébreux perfides.
Le poivre, très usité comme condiment, favorise la
digestion.
Avant le cubèbe, il était fréquemment employé dans les
officines. Dans les pays chauds, on en prépare des liqueurs
fermentées excessivement fortes. Comme c'est un stimulant
des plus énergiques, on ne l'emploie que modérément dans
la bonne cuisine, et les personnes morveuses et
impressionnables doivent même s'en abstenir; il n'en est
pas de même pour les gens de la campagne dont la
sensibilité de l'estomac est émoussée par l'habitude d'une
nourriture grossière et a besoin d'être fortement excitée, et
le poivre est très propre à produire cette excitation; aussi
on en fait un grand usage dans toutes les cuisines
provinciales. Il y a trois sortes de poivre: le poivre noir,
poivre blanc et le poivre long.
Pomme. - Les pommes se mangent crues ou en
compotes, confitures, marmelades. On en fait aussi un
cidre agréable, généreux et de bonne conservation. On se
sert principalement, pour cette boisson, des amères,
mélangées d'environ un tiers de douces.
Les provinces de France les plus abondantes en pommes
sont la Normandie, l'Auvergne et le Vexin français; la
Bretagne en fournit en assez grande quantité.
Les meilleures pommes qu'on mange en hiver sont la
reinette, le court-pendu, la pomme d'api et le calville dont il
existe trois espèces: la blanche, la rouge et la claire. Le
calville rouge, c'est-à-dire celle qui a la peau et une partie de
la chair rouges, est la meilleure des trois; elle renferme un
suc doux et convient à ceux qui ont des aigreurs dans
l'estomac, pourvu toutefois qu'on en mange peu. La
reinette convient particulièrement aux bilieux. Mais, de
toutes les pommes, le court-pendu est la meilleure; sa
saveur est très agréable, sa chair délicate et son odeur très
douce.
La pomme d'api qui doit toujours se manger crue, est
la plus petite et la plus dure de toutes les pommes; elle
renferme une eau savoureuse, très propre à rafraîchir la
bouche et à éteindre la soif, mais sa chair est lourde et
difficile à digérer.
Le suc de la pomme crue, suivant Gallien, bout et
fermente dans l'estomac comme le vin qui sort de la cuve.
Ce suc est composé de parties extrêmement fines mais
indigestes qui, par le moyen des artères, se distribuent par
tout le corps, de sorte qu'il est difficile, si l'on mange
beaucoup de pommes crues, que la fermentation excessive,
jointe à la crudité de leur suc, ne trouble la circulation du
sang et que les principaux viscères n'en souffrent. Simon
Pauli savant médecin, qui aimait beaucoup les pommes et
qui avait coutume d'en manger tous les jours, dit qu'il eut
pendant vingt ans de très fortes palpitations de coeur dont il
modérait le progrès en se faisant souvent saigner et en
mangeant moins souvent des pommes crues. Il ajoute que
lorsqu'il en mangeait beaucoup le soir, il ne manquait point
d'être attaqué, la nuit, une ou deux fois, de cauchemar ou
d'insomnie.
Un de nos plus célèbres Normands, Bernardin de Saint-
Pierre, donne ainsi, dans une ingénieuse fiction, l'origine
des pommiers de sa province:
«La belle Thétis, dit-il, jalouse de ce que, à ses propres
yeux, Venus eût remporté la pomme qui était le prix de la
beauté, sans qu'on l'eût admise à la concurrence, résolut de
s'en venger. Un jour donc que Vénus, descendue sur cette
partie du rivage des Gaules, y cherchait des perles pour sa
parure et des coquillages pour son fils, un triton lui déroba
sa pomme, qu’elle avait mise sur un rocher, et la porta à la
déesse des mers; aussitôt Thétis en sema les pépins dans les
campagnes voisines, pour y perpétuer le souvenir de sa
vengeance et de son triomphe. Voilà, disent les Gaulois
celtiques, la cause du grand nombre de pommiers qui
croissent dans notre pays et de la beauté singulière de nos
filles».
On sait aussi quel rôle joue la pomme dans
l'histoire. Pour éviter les frais qu'occasionnaient les noces,
Solon ordonna que les nouveaux époux ne mangeraient
qu'une pomme avant de se mettre au lit, la première nuit du
mariage, ce qui n'était guère substantiel et réconfortant
pour les pauvres époux.
Pommes au beurre. - Videz une vingtaine de belles
pommes à l'emporte-pièce; tournez-en neuf ou dix pour en
ôter la peau comme pour une compote; faites-les cuire aux
trois quarts dans un sucre léger, égouttez-les, faites une
marmelade des autres pommes en les faisant cuire dans une
casserole avec un peu de beurre, de cannelle et un verre
d'eau jusqu'à ce qu'elles soient fondues; étendez sur votre
plat une partie de cette marmelade avec un peu de compote
d'abricots, arrangez vos pommes dessus et emplissez de
beurre le trou qui est au milieu, garnissez les intervalles avec
le reste de la marmelade, glacez-la avec du sucre en
poudre, faites cuire au four, donnez belle couleur, bouchez
le trou des pommes avec des cerises ou des confitures, et
servez chaud.
Miroton de pommes. - Vous épluchez des pommes et
vous en ôtez le coeur, puis vous les coupez par tranches,
les faites mariner pendant trois ou quatre heures dans une
terrine avec du sucre et de la cannelle en poudre, un demiverre
d'eau-de-vie et un jus de citron, égouttez-les. Mêlez
ensemble et mettez dans un plat qui puisse aller au feu, de la
marmelade de pommes et d'abricots, rangez les pommes
autour et dessus en forme de dôme; mettez le plat au four et
laissez cuire jusqu'à ce qu'il ait pris belle couleur.
Pommes au riz. - Videz et tournez une dizaine de
belles pommes et faites-les cuire comme celles au beurre;
faites blanchir un quart de riz que vous mettrez crever dans
du lait en l'arrosant petit à petit; ajoutez un zeste de citron
vert, un peu de sel et du sucre en suffisante quantité; quand
votre riz est ferme, supprimez le citron, garnissez votre plat
de riz, ranger vos tranches de pommes dessus, remplissez les
intervalles avec du riz, faites cuire au four jusqu'à belle
couleur.
Pommes meringuées. - Mettez dans une croûte à flan
ou sur un plat une couche de marmelade de pommes que
vous recouvrez de blancs d'oeufs fouettés en neige et
sucres; puis vous formez sur le plat, à l'aide d'un cornet de
papier dont vous aurez coupé le bout et que vous aurez
rempli du restant de blanc d’oeuf, des petites meringues;
saupoudrez de sucre, mettez à four doux et laissez prendre
belle couleur à vos pommes.
Pommes meringuées (Formule de M. Carême). -
Otez- les coeurs et pelez trente-six belles pommes de
reinette, choisissez les plus hautes que vous coupez droites
avec un coupe-racine, ayez soin que le coeur des pommes
se trouve parfaitement au milieu et faites-les cuire un peu
fermes dans six onces de sucre clarifié; après cela vous
versez le sirop dans le reste des pommes que vous aurez
émincées et vous les faites cuire comme de coutume, en
desséchant un peu plus la marmelade, où vous mêlez le
tiers d'un pot d'abricots; et après l'avoir passée au tamis,
vous en mettez une cuillerée dans le plat d'entremets en
formant une couronne sur laquelle vous placez droites les
dix pommes tournées, de manière qu'elles forment un puits
au milieu, vous garnissez le coeur des pommes avec de la
marmelade d'abricots et avec le reste de la marmelade vous
masquez le dessus et le tour des pommes, mais arrangezvous
de façon que le dessus soit bien uni et très égal en
hauteur, que le tour soit uni et droit, de même que l'intérieur
du puits doit être garni de marmelade, afin que les pommes
ainsi masquées forment une couronne parfaite et ayant un
vide au milieu.
Cette partie de l'opération terminée, vous mettez
l'entremets au four doux et dès qu'il commence à se colorer
d'un rouge clair, vous fouettez deux blancs d'oeufs bien
ferme et mêlez avec deux cuillerées de sucre fin, vous les
versez dans le milieu des pommes, mais quand le puits est
plein, vous avez soin de dresser le reste de blanc d'oeuf, en
formant une meringue bien bombée sur laquelle vous
semez du sucre écrasé un peu fin; le sucre étant fondu,
vous remettez les pommes au four; ayez l'attention, en
semant le sucre sur la meringue, de ne pas en mettre sur les
pommes.
Pommes au beurre et à la gelée de pommes. (Autre
formule du même praticien). - Otez les coeurs et tournez
quinze pommes d'Afrique; vous faites cuire en deux fois
dans six onces de sucre clarifié; épluchez ensuite douze
pommes de reinette coupées par quartier, versez dessus le
sirop que vous aurez fait réduire au soufflé; puis deux
onces de beurre tiède et le quart d'un pot d'abricots; le tout
étant bien mêlé, vous placez la casserole feu dessus et
dessous et cuisez les pommes comme les précédentes;
pendant leur cuisson, vous coupez chaque pomme d'api en
deux et en travers, vous les moulez dans un moule en dôme
bien légèrement beurré, ensuite vous achevez d'emplir le
moule en y versant les pommes au beurre; vous renversez
l'entremets sur son plat et mettez, dans le milieu de chaque
moitié de pomme d'api, une belle cerise ou un gros grain
de verjus confit. Vous masquez parfaitement l'entremets de
lames de gelée de pommes de Rouen, ce qui rend les
pommes d'un glacé brillant et séducteur.
En place de pommes d'api, vous pouvez cuire au sirop
dix pommes de reinette coupées par quartier.
Pour les pommes au beurre et aux macarons, vous
préparez et dressez l'entremets de même que le précédent,
mais vous le masquez de marmelade d'abricots au lieu de
gelée de pommes, et servez par-dessus deux onces de
macarons écrasés, vous placez ensuite une cerise dans chaque
milieu des pommes d'api, et servez.
On dresse également ces sortes de pommes au beurre
dans des casseroles d'argent et toujours en procédant de
même qu'il est décrit plus haut.
On dresse encore ces bons entremets dans des croûtes
de vol-au-vent et de tourtes d'entremets glacés, ainsi que
dans des croustades de pâte fine en forme de flan.
Charlottes de pommes. - Pelez et coupez en quartiers
une vingtaine de belles pommes de reinette de France,
supprimez-en les coeurs et mettez les tranches de pommes
dans une casserole avec un peu de beurre, de cannelle, de
citron et un verre d'eau. Couvrez la casserole, placez-la sur
un feu doux et laissez cuire les pommes sans les remuer,
laissez-les légèrement s'attacher pour leur donner un goût de
grillé, ajoutez-y du sucre, un peu d'excellent beurre, faites
réduire le tout en le mêlant et continuez jusqu'à ce que
cette marmelade ait pris consistance, ôtez alors la cannelle
et le citron. Coupez des tranches de mie de pain mollet,
larges de deux doigts à peu près, garnissez-en le fond et le
tour d'un moule; mettez dans l'intérieur la marmelade de
pommes, que vous entremêlez de marmelade d'abricots,
afin de rendre l'entremets plus délicat; puis quand le moule
est rempli, vous le recouvrez de tranches de pain et le faites
cuire environ vingt minutes dans un four ou sur des
cendres rouges, faites prendre belle couleur à la charlotte,
renversez le moule sur un plat et servez. N'oubliez pas de
prendre du beurre clarifié pour beurrer votre pain.
Pommes à la crème. - Pelez des pommes et laissez-les
entières, épépinez-les et mettez-les cuire à moitié avec du
sucre comme pour une compote. Quand elles sont à moitié
cuites, vous les retirez et les mettez dans un plat, puis vous
faites une crème avec huit jaunes d'oeufs, un peu de farine,
eau de fleur d'oranger, citron confit haché, crème et sucre.
Faites prendre cette crème sur le feu, qu'elle soit épaisse,
mettez-en sur vos pommes, saupoudrez de sucre pardessus,
arrangez-y les tranches de citron confit, faites cuire
cette crème au four qu'elle soit bien colorée, et servez
chaudement.
Pommes à la portugaise. - Pelez cinq ou six belles
pommes de reinette et supprimez-en le coeur en ayant soin de
ne pas les casser. Mettez du sucre en poudre et deux
cuillerées d'eau dans un plat d'argent ou dans une croûte de
flan; placez-y les pommes dont vous remplacez le coeur
par du sucre en poudre et faites cuire au four ou sous le
four de campagne.
Pommes à la Régence. - Pelez vos pommes, videz-les
sans les endommager, remplissez-les de marmelade
d'abricots, enveloppez-les d'une pâte très mince, frottezles
avec de l'oeuf battu; ayez une pâte à feuilletage très
mince, découpez-la en petites bandes très petites,
enveloppez-en les pommes en tournant de façon à leur
donner la forme de la pomme, arrêtez le bout avec un petit
morceau de cannelle, faites cuire au four sur une tourtière
beurrée comme une tourte; quand elles sont cuites, glacezles
à l'ordinaire dessus et autour avec du sucre et servez
chaudement.
Pommes au sec. - Les pommes qu'on tire le plus
ordinairement au sec sont le calville rouge et la reinette
coupée par quartier. Quand elles sont bien confites et
refroidies, on les met égoutter, puis on les dresse à
l'ordinaire et on les poudre de sucre.
Si ce sont des pommes conservées au liquide et que
vous vouliez après en faire sécher, faites cuire d'abord du
sucre à perlé dans lequel vous leur ferez prendre quelques
bouillons et vous les tirerez ensuite au sec mieux que si
vous n'aviez pas pris cette précaution, le séchage étant
difficile sans cette précaution, à cause de l'humidité qui les
décuit dans la suite.
Pomme de terre. - Cet excellent légume qui met
désormais les peuples à l'abri de la famine fut apporté de
Virginie par l'amiral anglais Walter Raleigh en 1585.
Cet amiral fut plus connu par son esprit entreprenant et
les vicissitudes de sa vie que par l'importation de la
pomme de terre, à laquelle tout d'abord on ne fit pas
grande attention. Walter Scott rapporte que Raleigh se
trouvant un jour avec la reine Elisabeth et sa suite en
promenade et la reine ayant à traverser un très court espace
dans lequel se trouvait une flaque de boue, il dégrafa son
manteau de velours bleu brodé de perles et l'étendit sur cet
espace afin que la reine pût passer sans se mouiller les
pieds, ce dont elle le récompensa en le nommant amiral.
Quant à la pomme de terre, des préjugés absurdes
l'empêchèrent longtemps d'être appréciée à sa juste valeur;
c'était pour beaucoup un aliment dangereux ou au moins
grossier et tout au plus bon pour les cochons. Les choses
en étaient à ce point, vers la fin du siècle dernier, lorsque
Parmentier commença une suite de travaux théoriques et
pratiques pour ramener à la culture de la pomme de terre; il
fut assez heureux pour triompher des préjugés et tout le
monde fut convaincu des avantages de cette culture. En
1793, les pommes de terre furent tellement considérées
comme indispensables, qu'un arrêté de la Commune en
date du 21 ventôse ordonna de faire le recensement des
jardins de luxe afin de les consacrer à la culture de ce
légume; en conséquence la grande allée du jardin des
Tuileries et les carrés de fleurs furent cultivés en pommes de
terre; ce qui leur fit donner pendant longtemps le surnom
d'oranges royales en mémoire de la restauration qui en
avait fait apprécier l'utilité.
La pomme de terre est réellement une nourriture et une
nourriture saine, facile et peu dispendieuse. Son apprêt a
cela d'agréable et d'avantageux pour la classe laborieuse
des ouvriers qu'il n'exige presque pas de soins ni de
dépense. L'empressement avec lequel on voit les enfants
manger des pommes de terre cuites sous la cendre et s'en
bien trouver, prouve assez qu'elles conviennent à toutes les
constitutions. Le choix n'en est ni douteux, ni indifférent;
les grises dont la peau est graveleuse sont les moins
bonnes, les meilleures de toutes sont sans contredit les
violettes, préférables même aux rouges, connues à Paris
sous le nom de Vitelottes.
On emploie la pomme de terre dans plusieurs
autres préparations. La fécule, par exemple, est employée
par les fabricants de chocolat sous le nom de sucre royal et
entre dans la confection des chocolats communs. Les fleurs
de pomme de terre ont été récemment reconnues propres à
la teinture jaune, et un membre du collège de médecine de
Stockholm a découvert que les feuilles de pommes de terre,
séchées à un point convenable, donnent un tabac supérieur
comme parfum au tabac ordinaire.
Quelle plante, alors, est capable d'être comparée à
la pomme de terre, dont on peut tout employer, et quelle
louange dans la bouche de cette femme s'opposant à ce que
l'illustre Parmentier fût élu à une fonction municipale, en
donnant pour motif: «Il ne nous ferait manger que des
pommes de terre!»
Pommes de terre à la maître d'hôtel.
- Faites cuire d'abord vos pommes de terre dans l'eau,
pelez-les, coupez- les par tranches, faites-les frire et mettezles
ensuite dans une casserole avec beurre frais, persil
haché, sol poivre, un jus de citron; faites chauffer et liez le
tout ensemble; ajoutez un peu de crème, et servez.
On peut remplacer le beurre par de la bonne huile, et
si les pommes de terre sont petites, ne pas les couper.
Pomme de terre à la parisienne. - Faites fondre un
morceau de beurre ou de graisse dans une casserole avec un
ou deux oignons coupés en petits morceaux, ajoutez-y un
verre d'eau et jetez-y vos pommes de terre, que vous aurez
pelées proprement, avec sel poivre, bouquet garni, et faites
cuire à petit feu.
Pommes de terre à l'anglaise. - Lavez bien des
pommes de terre, faites-les cuire dans de l'eau et du sel, et
épluchez-les, puis faites tiédir un bon morceau de beurre
dans une casserole, mettez-y vos pommes de terre coupées en
tranches, ajoutez sel, poivre, mignonnette, pas de muscade;
faites sauter ces pommes de terre et servez-les sur un plat
très chaud.
Pommes de terre à l'italienne. - Faites cuire des
pommes de terre dans l'eau, pelez-les et écrasez-les, mêlezy
un morceau de beurre, de la mie de pain trempée dans du
lait; versez un peu de lait pour faire une pâte maniable,
ajoutez sept ou huit jaunes d'oeufs frais et cinq blancs
battus en neige, mêlez bien le tout et dressez-le en pyramide
sur un plat, faites couler dessus un peu de beurre fondu;
faites cuire au four de belle couleur, et servez chaudement.
Purée de pommes de terre. - Faites cuire à l'eau des
pommes de terre bien farineuses, écrasez-les, passez-les à
travers un passe-purée, mettez-les ensuite dans une
casserole avec du beurre frais, du poivre et du sel, remuezles
comme une bouillie, ajoutez un peu de lait jusqu'à ce
que cette purée ait une épaisseur convenable et servez-la
garnie de croûtons frits dans du beurre.
Pommes de terre au lard. - Faites frire de petits
morceaux de lard et faites roussir dans la friture une
cuillerée de farine en remuant toujours, ajoutez du poivre, un
peu de sel, bouquet garni; mouillez avec du bouillon,
laissez bouillir cinq minutes et mettez-y les pommes de
terre, bien épluchées, lavées et coupées par morceaux,
laissez cuire, dégraissez, et servez.
Pommes de terre à la lyonnaise. - Vous coupez par
tranches des pommes de terres cuites à l'eau et les mettez
dans une casserole, puis vous versez dessus une purée
claire d'oignons et vous tenez les pommes de terre chaudes
sans les faire bouillir.
Vous pouvez, si vous n'avez pas de purée d'oignons,
mettre dans une casserole, avec un bon morceau de beurre
frais, huit oignons coupés par tranches; vous les passez sur
le feu jusqu'à ce qu'ils aient une belle couleur blonde, vous
ajoutez une pincée de farine, du sel, du poivre, un filet de
vinaigre, vous mêlez bien le tout, le faites mijoter pendant
un quart d'heure et le mettez ensuite sur les pommes de
terre.
Pommes de terre à la provençale. - Vous mettez dans
une casserole six cuillerées à bouche d'huile, avec le zeste de
la moitié de l'écorce d'un citron, du persil, de l'ail et de la
ciboule bien hachés, un peu de muscade râpée, du sel, du
poivre. Puis vous épluchez les pommes de terre, vous les
coupez et les faites cuire dans l'assaisonnement; au
moment de servir, vous y mettez le jus d'un citron.
Pommes de terre farcies. - Lavez et pelez une dizaine
de grosses pommes de terre, fendez-les en long par le
milieu et creusez-les adroitement avec un couteau ou une
cuiller; puis faites une farce avec deux pommes de terre
cuites, deux échalotes hachées, un peu de beurre, un petit
morceau de lard gras et frais, une pincée de persil et
ciboule hachés, pilez le tout ensemble, ajoutez sel, poivre,
formez-en une pâte liée, emplissez l'intérieur de vos
pommes de terre avec cette farce en bombant un peu le
dessus; garnissez de beurre le fond d'une tourtière, rangez
les pommes de terre dessus, faites-les cuire pendant une
demi-heure à un feu modéré, feu dessous et dessus, afin
qu'elles se rissolent, et servez.
Pommes de terre frites. - Pelez de belles pommes de
terre, dites la quarantaine ou juillet, coupez-les assez
minces, jetez-les dans une friture fraîche de graisse de
rognon de boeuf bien clarifiée, que la friture soit douce, et
laissez cuire vos pommes. Dès qu'elles sont cuites
mollement, retirez-les dans une passoire, faites chauffer
votre friture très chaude, jetez vos pommes dedans, lissez
avec une écumoire; elles se soufflent d'elles-mêmes, et
servez comme garniture pour côtelettes et autres.
Pommes de terre sautées au beurre. - Pelez des
pommes de terre crues, petites et rondes; mettez un bon
morceau de beurre dans une casserole, posez-la sur un feu
ardent, ajoutez-y les pommes de terre, sautez-les jusqu'à ce
qu'elles soient blondes égouttez-les, saupoudrez- les de sel
fin et arrangez-les sur le plat sans autre assaisonnement
qu'un peu de persil haché.
Boulettes de pommes de terre. - Faites cuire à l'eau
des pommes de terre jaunes, rondes, écrasez-les bien,
ajoutez quatre oeufs dont vous aurez battu les blancs en
neige, un peu de crème, persil, ciboules, sel, muscade;
mêlez bien le tout, faites-en glisser dans la friture bien
chaude le quart d'une cuillerée à bouche à peu près; cette
pâte renfle et forme des espèces de pets de nonnes; servez
chaudement.
Croquettes et quenelles de pommes de terre. - Vous
faites cuire à l'eau des pommes de terre bien farineuses,
puis vous les mettez dans un mortier avec un bon morceau de
beurre frais, cinq ou six jaunes d'oeufs, un peu de crème,
persil haché, sel, poivre. Mêlez bien cette pâte et divisez-la
en petits morceaux; passez-les à l'oeuf comme il est dit
pour les croquettes de volaille; faites-les frire d'une belle
couleur blonde; passez les à l'anglaise, et servez.
Gâteau de pommes de terre. - Vous faites votre
préparation comme il est indiqué ci-dessus pour les
croquettes; seulement, au lieu d'assaisonner avec du poivre
et du sel, vous mettez du sucre et un peu d'essence de
vanille ou d'écorce de citron, ou de fleur d'oranger. Mêlezy
trois ou quatre blancs d'oeufs peu battus; puis beurrez un
moule, saupoudrez-le de mie de pain, mettez-y votre
préparation et faites cuire au four pendant une demi- heure.
Pommes de terre en salade. - Vos pommes de terre
cuites à l'eau et refroidies, vous les coupez en tranches et
les assaisonnez comme une salade, en ajoutant quelques
fines herbes.
Potage. - On appelle potage toute nourriture destinée à
être servie dans une soupière et à ouvrir le repas.
On appelle pot-au-feu le bouillon que l'on tire du
boeuf cuit à l'eau et qui en a extrait les parties solubles.
Voici ce que dit Brillat-Savarin:
«Pour avoir de bon bouillon, il faut que l'eau s'échauffe
lentement, afin que l'albumine ne se coagule pas dans
l'intérieur avant d'être extraite; il faut que l'ébullition
s'aperçoive à peine, afin que les diverses parties qui sont
successivement dissoutes puissent s'unir intimement et
sans trouble; on joint au bouillon des légumes et des
racines pour en relever le goût, ou du pain ou des pâtes
pour le rendre plus nourrissant.
«Le bouillon est une nourriture saine, légère, succulente
et qui convient à tout le monde. Il réjouit l'estomac, il le
dispose à recevoir et à digérer. Les personnes menacées
d'obésité doivent laisser le pain et les pâtes de côté et ne
prendre que le bouillon.
«On convient généralement qu'on ne mange nulle part
d'aussi bon bouillon qu'en France. J'ai trouvé dans mes
voyages la confirmation de cette vérité. Ce résultat ne doit
point étonner, car le bouillon est la base de la diète
nationale française, et l'expérience des siècles a dû le porter
à sa perfection.
«Le bouilli est une nourriture saine, qui apaise
promptement la faim, se digère assez bien, mais qui seule ne
restaure pas beaucoup, parce que la viande a perdu dans
l'ébullition une partie des sucs animalisables.
«On tient comme la règle générale, en administration,
que le boeuf bouilli a perdu la moitié de son poids.
«Nous comprenons sous quatre catégories les personnes
qui mangent le bouilli:
«Les routiniers, qui en mangent parce que leurs parents
en mangeaient, et qui, suivant cette pratique avec une
soumission implicite, espèrent bien aussi être imités par
leurs enfants.
«Les impatients qui, abhorrant l'inactivité à table, ont
contracté l'habitude de se jeter immédiatement sur la
première matière qui se présente.
«Les inattentifs, qui, n'ayant pas reçu du ciel le feu
sacré, regardent les repas comme les heures d'un travail
obligé et mettent sur le même niveau tout ce qui peut les
nourrir et sont à table comme l'huître sur son banc.
«Les dévorants qui, doués d'un appétit dont ils
cherchent à dissimuler l'étendue, se hâtent de jeter dans
leur estomac une première victime pour apaiser le feu
gastrique qui les dévore, et servir de base aux divers envois
qu'ils se proposent d'acheminer pour la même destination.
«Les professeurs ne mangent jamais de bouilli, par
respect pour les principes et parce qu'ils ont fait entendre en
chaire cette vérité incontestable: Le bouilli est de la chair
moins son jus».
Grand consommé pour potage et sauce. - Mettez dans
une marmite deux jarrets de veau, un morceau de tranche de
boeuf, une poule ou un vieux coq, un lapin de garenne ou
deux vieilles perdrix, mouillez le tout avec une cuillerée à
pot de bouillon et remuez-le. Lorsque vous verrez que cela
commence à tomber à glace, mouillez-le avec du bouillon
et faites surtout qu'il soit clair; faites bouillir ce
consommé, écumez-le, rafraîchissez-le de temps en temps,
mettez-y des légumes, tels que carottes, oignons, un pied
de céleri, un bouquet de persil et de ciboules; assaisonnez
d'une gousse d'ail et de deux clous de girolle, faites bouillir
ce consommé quatre à cinq heures, passez-le à travers une
serviette; vous vous en servirez pour travailler vos sauces
et pour vos potages clairs.
Bouillabaisse. (Recette de M. Roubion, restaurateur
à Marseille). - Prenez plusieurs qualités de poissons, tels
que merlan, grondin, scorpène ou rascasse, turbot, etc., et
coupez-les en morceaux.
Préparez un roussi composé d'oignons, d'ail, de persil
haché, de tomates, feuille de laurier, écorce d'orange,
poivre, épices fines et un ou deux verres d'huile, suivant la
force de la bouillabaisse; faites revenir le tout dans une
casserole. Mettez ensuite votre poisson dans cette
casserole, ajoutez-y une pincée de sel et autant de safran,
mouillez avec de l'eau bouillante de façon à ce que le
poisson baigne entièrement et faites bouillir à grand feu la
bouillabaisse pendant un quart d'heure, jusqu'à ce qu'elle
soit réduite aux trois quarts; versez le bouillon sur des
tranches de pain que vous aurez coupées et mises dans un
plat et servez votre poisson à côté sur un autre plat.
Potage à la bourride et à l'ailloli. (Recette du
même). - Apprêtez le poisson comme il est indiqué cidessus,
mettez- le dans une casserole avec de l'ail, un
bouquet de persil, du poivre, des épices fines, du laurier, un
morceau d'écorce d'orange et du sel; mouillez le tout d'eau
bouillante et de vin blanc comme un court-bouillon, faites
bouillir pendant un quart d'heure jusqu'à moitié de sa
réduction.
Préparez alors un aillolis ou pommade à l'ail comme il
suit: Pilez dans un mortier une ou deux gousses d'ail avec
une pincée de sel, faites lier un jaune d'oeuf et monter
comme mayonnaise jusqu'à ce qu'on en ait la quantité
voulue, additionnez avec un jus de citron.
Cassez dans une casserole deux ou trois jaunes d'oeufs,
délayez-y votre aillolis, versez-y votre bouillon de poisson et
tournez votre bourride comme une crème sur le feu, jusqu'à
ce qu'elle grille, fouettez-la, frappez vos tranches de pain que
vous aurez humectées avec le bouillon de poisson et servez
le poisson à côté sur un autre plat.
Potage au blond de veau. - Beurrez le fond d'une
casserole, mettez-y quelques lames de jambon, quatre ou
cinq livres de veau de bonne qualité, deux ou trois carottes
tournées, autant d'oignons; mouillez le tout avec une
cuillerée de grand bouillon, faites-le suer sur un feu doux
et réduire jusqu'à consistance de glace; quand elle sera
d'une belle teinte jaune, retirez-la du feu, piquez les chairs
avec la pointe d'un couteau pour en faire sortir le reste du
jus; couvrez votre blond de veau, laissez-le suer ainsi un
quart d'heure, et mouillez avec du grand bouillon suivant la
quantité de vos viandes; mettez-y un bouquet de persil et
ciboules assaisonné de la moitié d'une gousse d'ail et piqué
d'un clou de girofle; faites bouillir ce blond de veau,
écumez-le; mettez-le mijoter sur le bord d'un fourneau; vos
viandes cuites, dégraissez-le, passez-le et servez-vous-en
comme de l'empotage pour le riz, le vermicelle et même
vos sauces.
Bouillabaisse à la nîmoise. - Mettez au fond d'une
casserole un morceau de beurre bien frais, et rangez audessous
plusieurs espèces de poissons, anguilles cuites à
moitié, rougets presque cuits, soles, pageaux, dorades,
queues de langoustes, le tout coupé en morceaux,
assaisonnez et ajoutez des fines herbes bien hachées,
mouillez jusqu'à la surface avec de l'excellent bouillon de
poisson, que vous aurez fait ainsi:
Mettez dans une casserole toute sorte de poissons, des
rascasses, des moraines, des saint-Pierre, des pagels, des
loups et des merlans; faites bouillir en les couvrant d'eau,
assaisonnée avec un oignon, une carotte coupée en
tranches, du céleri, un coeur de laitue, du cerfeuil, du
persil, une demi-feuille de laurier, deux clous de girofle, un
peu d'excellente huile ou de beurre, du sel et un ail; après
une bonne cuisson, passez au tamis; ce bouillon vous
servira pour vos potages et vos sauces blanches au poisson.
Mouillez, avons-nous dit, avec de l'excellent bouillon de
poisson, un verre de vin blanc sec ou de Madère; faites
cuire alors à grand feu pour précipiter la réduction du
mouillement.
Ayez un foie de baudroie que vous aurez fait cuire dans
le mouillement de votre poisson, pilez-le parfaitement,
mêlez-y trois jaunes d’oeufs et délayez le tout avec un
demi-verre de très bonne huile, dressez ensuite votre
poisson sur le plat, remettez son fond de cuisson sur le feu,
liez-le avec le foie de baudroie comme il vient d'être
indiqué; passez cette sauce au tamis en la faisant tomber
sur le poisson, et entourez le plat de croûtons frits au
beurre.
Potage à la bisque. - Cuisez cent écrevisses comme à
l'ordinaire, faites-en sécher les pattes et les corps à un four
bien doux, pilez-les parfaitement, et mettez-les à bouillir
dans de l'excellent bouillon, un instant après passez au
tamis et conservez ce bouillon; pilez alors la chair des
écrevisses avec des blancs de volailles, passez au tamis
pour obtenir une purée que vous délayerez avec le bouillon
que je viens d'indiquer; faites chauffer au bain- marie et
versez dans votre terrine en y joignant de petits croûtons
passés au beurre clarifié. (Recette de Durand). N'oubliez
pas d'ajouter à cet excellent potage du beurre frais et un
peu de piment.
Potage au vougoli. - Cette soupe, la seule bonne que
j'aie mangée à Naples, se fait dans un restaurant de
Mergellina, près du château de la reine Jeanne.
Mettez dans une casserole quatre douzaines de
vougolis, c'est-à-dire de prayres, comme on en mange à
Marseille et comme on en trouve dans tous les ports de mer
de France; mouillez-les avec les trois quarts d'une bouteille
de vin blanc, sautez-les sur le feu jusqu'à ce qu'elles soient
ouvertes; égouttez-les sur une passoire, supprimez comme
aux moules la moitié des coquilles, et conservez la cuisson.
Hachez un morceau de blanc de poireau avec un petit
oignon, joignez-y une gousse d'ail, faites revenir le tout
dans une casserole avec de la bonne huile, mouillez-les
avec la cuisson des prayres, et la valeur d'un litre de
bouillon de poisson; ajoutez une tomate pelée et hachée, un
bouquet de marjolaine, et quelques feuilles de céleri vert;
faites vivement bouillir tout ce liquide pendant dix
minutes, retirez le bouquet et l'ail, mêlez les prayres au
potage, que vous verserez dans la soupière.
Envoyez à part de petits croûtons de mie de pain frits à
l'huile.
Potage à la reine. - Rôtissez deux ou trois volailles;
quand elles seront cuites, séparez la peau des os que vous
jetterez dans un excellent bouillon; pilez la chair dans un
mortier, mêlez-y cinq ou six amandes pour blanchir votre
purée, et gros comme un oeuf de mie de pain, que vous
aurez mise un instant tremper dans votre bouillon; ajoutez le
tout en pilant quelques cuillerées à bouche de ce dernier,
passez au tamis en mêlant toujours un peu de bouillon pour
faciliter le passage, et faites tomber dans une casserole.
Lorsque vous voudrez vous servir de cette purée,
faites-la chauffer au bain- marie, et qu'elle ne bouille pas;
versez dans votre soupière et jetez-y des croûtons de pain
passés au beurre.
Nota. Toutes les autres purées de volailles ou de gibier
aux croûtons de pain se font de la même manière en
supprimant les six amandes qui ont fait donner à ce potage
le nom de potage à la reine.
Potage croûte au pot. - Coupez du pain en tranches;
mettez-le dans un plat creux et d'argent; mouillez-le avec
d'excellent bouillon pour le faire mitonner; lorsque votre
mitonnage est réduit, pour le laisser gratiner, couvrez votre
fourneau avec de la cendre rouge; coupez un ou deux pains
à potage en deux, ôtez-en toute la mie; mettez un gril sur
une cendre chaude et faites sécher vos croûtes dessus;
lorsqu'elles le seront bien, prenez la partie grasse du
bouillon ou consommé; arrosez-en le dedans de vos
croûtes et saupoudrez-les de sel fin, ce qu'il en faut pour
qu'elles soient d'un bon goût; égouttez-les, mettez-les sur le
gratin sans les couvrir, afin qu'elles ne mollissent pas;
arrosez- les de quart d'heure en quart d'heure, du derrière de
la marmite, jusqu'à ce que le gratin soit parfaitement
formé; dégraissez-les, servez-les, et joignez-y une jatte
séparée de consommé ou de bouillon.
Potage aux cerises à l'allemande. - La soupe aux
cerises et la soupe à la bière sont les deux potages
populaires de l'Allemagne.
Potage aux cerises. - Enlevez les noyaux et les
queues à trois quarts de litre de cerises aigres et
fraîchement cueillies, mettez-en les deux tiers dans une
marmite en terre, ou dans une casserole non étamée;
joignez-y un morceau de cannelle et un zeste de citron,
mouillez-les avec un litre d'eau chaude, posez la casserole
sur un feu vif et faites cuire les cerises pendant dix
minutes; liez alors le liquide avec deux cuillerées à bouche
de fécule délayée à l'eau froide. Dix minutes après, passez
les cerises et le liquide au tamis, versez ce liquide dans la
casserole, mêlez-y le tiers des cerises réservées, ainsi qu'un
peu de sucre, faites bouillir et retirez la casserole sur le côté
du feu. D'autre part, pilez deux poignées de noyaux de
cerises, mettez-les dans un poêlon rouge avec deux ou trois
verres de vin de Bordeaux; faites jeter quelques bouillons
et retirez le liquide du feu. Quelques minutes après, passezle
à travers un linge blanc, mêlez-le à la soupe, versez celleci
à la soupière, et envoyez séparément une assiette de
biscuits coupés en petits dés.
Soupe à la bière à la berlinoise. - Faites fondre 150
grammes de beurre dans une casserole, leur mêler 150
grammes de farine, pour former une pâte légère; faites
cuire celle-ci pendant quelques secondes en la tournant,
sans lui laisser prendre couleur; la délayer ensuite avec la
valeur de trois litres de bière légère blanche ou brune,
tourner le liquide sur le feu jusqu'à l'ébullition, le retirer
sur le côté pour le faire dépouiller pendant vingt-cinq
minutes, verser dans une petite casserole la valeur d'un
demi-verre de rhum et autant de vin blanc du Rhin, un
morceau de gingembre coupé et un morceau de cannelle,
100 grammes de sucre et le zeste d'un citron, couvrir la
casserole et la tenir au bain-marie; quand la soupe est bien
dégraissée, la lier avec une quinzaine de jaunes d'oeufs
délayés, la vanner sans la faire bouillir, ni même la
chauffer trop; la passer au tamis; dans une autre casserole,
lui mêler 200 grammes de beurre divisé en petites parties, et
aussitôt lui adjoindre l'infusion au rhum en la passant, la
verser dans la soupière, envoyer séparément des tranches
de pain grillé.
Potage printemps. - Il se fait comme le potage à la
julienne (voyez le potage suivant), excepté qu'on y ajoute
des pointes d'asperges, des petits pois, des radis tournés, de
très petits oignons blanchis; en faisant cuire ces légumes,
mettez-y un petit morceau de sucre pour en ôter l'âcreté,
faites mitonner votre potage, couvrez le des légumes
énoncés, et servez-le.
Potage à la julienne. - Prenez carottes, oignons,
céleri, panais, navets, laitues, oseille en égale quantité;
vous couperez votre oseille en filets, vous la ferez blanchir
dans un peu d'eau, avec un peu de sel; vous la rafraîchirez,
et, un quart d'heure avant de servir, vous la mêlerez aux
autres légumes. Coupez des racines en tranches d'égale
longueur, réduisez-les en filets plus ou moins gros, coupez de
même l'oseille, la laitue et le céleri, lavez-le tout à grande
eau, égouttez-le dans une passoire; mettez un quarteron de
beurre dans une casserole avec vos racines et votre céleri,
passez sur votre fourneau ces légumes, jusqu'à ce qu'ils
aient pris une légère couleur, mouillez-les avec une bonne
cuillerée de bouillon. Ces racines à moitié cuites, joignez-y
votre oseille, laissez mijoter le tout et dégraissez-le. Quand
vous serez près de vous en servir, faites le mitonnage tel
qu'il est indiqué ci-dessous (V. MITONNAGE), versez votre
julienne dessus et mêlez le tout légèrement.
Mitonnage. - Ayez un pain à potage, râpez-le
légèrement, enlevez-en les croûtes sans endommager la
mie, qui peut vous servir, soit pour vos autres potages, soit
pour des petits croûtons ou des gros, soit pour des
épinards. Si vous servez une charlotte ou une panade,
coupez vos croûtes, arrondissez -les, mettez-les mitonner
un quart d'heure avant de servir, mettez dessus tels légumes
qu'il vous plaira, mouillez-les avec votre empotage, et
servez bouillant.
Potage en tortue. - Mettez dans la marmite 3 kilos de
mouton ou 2 kilos 500 grammes de parures de carrés;
ajoutez-y des débris de poissons, comme têtes et arêtes de
merlans, débris de saumon, une carpe ou ses débris, ainsi
du reste; mettez ce mouton dans une marmite avec vos
débris, assaisonnez-le tel que le blond de veau, faites-le
suer de même; mouillez-le avec de l'eau, écumez- le bien;
que le bouquet de persil soit forcé en aromates. De plus,
joignez-y deux brins de basilic et du massif, laissez bien
cuire ce mouton, passez-en le bouillon à travers une
serviette, clarifiez-le au blanc d'oeuf, faites-lui jeter un
bouillon, laissez-le reposer, passez-le de nouveau dans une
autre serviette et faites-le réduire jusqu'à ce qu'il soit assez
corsé pour pouvoir supporter, sans être réduit, du vin de
Madère; de là, prenez la moitié d'une tête de veau échaudée
de la veille, désossez-la et mettez-la dégorger dans l'eau,
que vous aurez soin de changer une ou deux fois; faites-la
blanchir et rafraîchir, essuyez-la, parez-la, faites-la cuire
dans un blanc (tel que vous le trouverez à son article); dès
qu'elle est cuite, égouttez-la; au moment de vous en servir,
coupez-la par morceaux carrés gros comme le pouce, et
que vous mettrez dans le bouillon énoncé, avec les trois
quarts d'une bouteille d'excellent vin de Madère, du poivre
de Cayenne environ une cuillerée à café non comblée, une
semblable cuillerée à café de poivre kari. Dressez votre
potage, composé de vos morceaux de veau; ayez la
précaution de faire durcir auparavant quinze oeufs frais,
après en avoir ôté les blancs; mettez-en les jaunes aussi
entiers que possible dans ce potage, à l'instant de servir.
La perfection serait d'avoir de petits oeufs en grappe.
Nous venons de voir comment on faisait le potage à la
tortue en France avec du mouton et du veau. Voyons
comment il se fait, en Amérique et en Angleterre, avec de
la tortue.
Soupe à la tortue à l'anglaise et à l'américaine. - Si
vous le pouvez, procurez-vous une tortue bien vivante et
sortant de la mer; celles qui ont vécu pendant quelque
temps avant d'être accommodées et hors de leur élément
naturel contractent une odeur de poisson corrompu. Quand
nous avons déjà dit quelques mots sur la tortue, en racontant
comment nous les prenions, nous avons indiqué qu'il fallait,
avec une ficelle, lui tirer le plus possible la tête hors de la
carapace; s'il est possible, il faut lui couper la tête d'un seul
coup, avec un couteau fraîchement repassé; il faut alors la
coucher sur le dos, ce qui reste de son cou incliné, et laisser
égoutter le sang pendant dix à douze heures; il faut alors
prendre le défaut de la carapace en faisant glisser un
couteau entre les jointures des deux coquilles, mais sans
couper les ailerons ni les nageoires de derrière; quand le
plastron est détaché, il faut enlever toutes les graisses et
tous les boyaux qui doivent être réservés, détacher ensuite
les ailerons et les nageoires de la carapace en même temps
que les chairs et les os qui lui sont adhérents; ces chairs ont
quelque analogie avec la noix de veau; aussi portent-elles le
même nom. Il faut les séparer des os, soit pour les servir
plus tard comme pièce de relevé ou d'entrée, soit pour les
joindre aux os et les faire concourir à la préparation du
bouillon de tortue. Quand le plastron et la carapace sont
dégarnis, les diviser en carrés, les faire dégorger, les cuire à
grande eau, faire également blanchir les quatre nageoires et
le cou, pour les gratter et les faire dégorger pendant une
heure.
Quand les carrés de la carapace et du plastron sont
tendres au toucher et que les grosses arêtes et les écailles
s'en détachent facilement, les égoutter, en supprimer les
ordures, mettre les parties molles dans une terrine et les
couvrir avec une partie de leur cuisson passée.
Coupez les os crus de la tortue, mettez-les dans une
marmite avec les viandes et les nageoires, mouillez-les
largement avec la cuisson du plastron, du bouillon
ordinaire et de quelques bouteilles de vin blanc; faites
bouillir le liquide en l'écumant et retirez la marmite sur le
côté du feu, pour la garnir et la soigner à l'égal d'un pot-aufeu.
Quand les nageoires et les ailerons sont cuits, les
égoutter, les désosser, les déposer dans une terrine et les
couvrir également avec du fond; dégraisser le restant, le
passer et le laisser déposer. Pour préparer la soupe tortue,
voilà comment opérer: pour huit à dix personnes, faire
bouillir la valeur de 2 à 3 litres de bouillon de tortue et le
tenir au chaud, dépecer deux moyens poulets, les mettre
dans une casserole avec les carcasses coupées, les ailerons,
les pattes et les gésiers propres, ainsi qu'avec 3 ou 400
grammes de jambon cru coupé en gros dés, faire revenir les
viandes sur du beurre et sur un bon feu, jusqu'à ce
qu'elles soient légèrement colorées, les saupoudrer alors
avec deux cuillerées à bouche d'arrow-root; deux minutes
après, les mouiller avec le bouillon de tortue et un verre de
vin blanc, tourner le liquide jusqu'à l'ébullition, le retirer
sur le côté, lui adjoindre un bouquet d'aromates et deux
oignons. Quand les poulets sont cuits, dégraisser le fond de
cuisson, le passer au tamis dans une casserole, lui
adjoindre une partie des chairs molles, les nageoires et une
égale quantité de celles de la carapace et du plastron, les
unes et les autres coupées en petits carrés, faire bouillir la
soupe, lui mêler un verre de sherry. Si alors elle se trouvait
trop épaisse, l'allonger avec du bouillon de tortue. Elle doit
être légèrement liée. Vingt-cinq minutes après, la dégraisser,
lui mêler une pointe de Cayenne et quelques parties de
graisse de tortue, blanchie et coupée en petits morceaux.
Au moment de servir, lui additionner une infusion préparée
avec les trois quarts d'un verre de sherry, une pincée de
marjolaine, une de basilic, une de sarriette, une de thym,
un brin de sauge, et qu'aucun de ces aromates ne domine,
et que le liquide réduise d'un tiers. Si les aromates sont
frais, les piler quand ils sont cuits et les mêler à la soupe.
Voici comment j'entends le potage en tortue, vraie tortue.
Potage aux choux. - Il y a plusieurs manières de faire
le potage aux choux. La plus simple de toutes est de mettre
un chou de bonne odeur et de bon aspect dans le pot-au
feu, de le retirer quand vous le croyez cuit et de le servir
avec le potage.
Nous allons indiquer les améliorations que nous avons
faites à ce potage un peu trop simple, selon nous.
Prenez un chou pommé, examinez-le, qu'il soit à
l'intérieur bien sain et bien frais; faites un hachis de tous
les restes de volaille et gibier que vous aurez; ayez un bon
bouillon de la veille que vous versez, au lieu d'eau
ordinaire, sur le boeuf destiné à faire le bouillon du jour.
Arrivé là, foncez une casserole de bon jambon fumé,
Bordeaux, Strasbourg, Mayence; écartez les feuilles de
votre chou, introduisez-y votre hachis; liez vos feuilles de
manière à ce qu'on ne s'aperçoive pas de l'intercalation;
mettez votre chou garni, laissez bouillir deux heures,
remplissez avec du bouillon du pot-au-feu le bouillon qui
s'épuise. Après deux heures de cuisson, votre bouillon sera
fait; tirez votre bouillon du feu, laissez-le mijoter trois
quarts d'heure tout ensemble, chou, hachis, jambon, dans la
casserole, donnez une dernière poussée au bouillon, servez
votre chou bien ficelé dans la soupière, laissez refroidir un
instant, et servez.
Vous aurez le choix alors ou de manger votre chou en
potage, ou de tremper du pain dans votre bouillon, et de
faire de votre chou même un relevé de potage. Cuit ainsi, le
chou, le bouillon et la viande, s'empruntant chacun leur suc,
ont atteint la plus grande sapidité à laquelle ils puissent
parvenir.
Potage aux pâtes d'Italie. - Mettez sur le feu, dans une
petite marmite, d'excellent bouillon. Lorsqu'il est en grande
ébullition, jetez-y des pâtes d'Italie, soit graines de melon,
étoiles ou autres; remuez-le pour qu'elles ne se pelotent
pas, écumez- le et dégraissez comme pour le potage au
macaroni; laissez-le mijoter un quart d'heure, et servez.
Potage à la semoule. - La semoule est aussi une pâte
d'Italie (qui ressemble assez au gruau). Faites ce potage
comme le précédent, en le remuant un peu davantage, de
crainte que la semoule ne s'attache ou ne se pelote.
Bouillon de poulet. - Ayez un bon poulet commun,
videz-le, ôtez-en la peau et flambez-en les pattes, liez-le
avec une ficelle, mettez-le dans une marmite avec deux
pintes et demie d'eau; ajoutez-y une once des quatre
semences froides; après les avoir concassées à moitié, vous
les mettez dans un petit linge blanc, pour en faire un petit
paquet bien lié; faites cuire le tout à petit feu, jusqu'à ce qu'il
soit réduit à deux pintes ou à peu près, et servez- vous-en
comme bouillon rafraîchissant.
Bouillon de poulet pectoral. - Prenez un poulet comme
ci-dessus, une même quantité d'eau, deux onces d'orge
mondé, autant de riz; mettez le tout ensemble dans une
marmite, joignez-y deux onces de miel de Narbonne
écumez le tout, faites cuire trois heures ce bouillon, jusqu'à
ce qu'il soit réduit aux deux tiers. Il est très bon pour
adoucir les irritations de la poitrine.
Bouillon de veau rafraîchissant. - Coupez en dés une
demi-livre de rouelle de veau, que vous mettrez bouillir
avec trois pintes d'eau, deux ou trois laitues et une poignée
de cerfeuil; faites bouillir le tout, et, si vous le jugez
convenable, ajoutez-y un peu de chicorée sauvage; passez
ce bouillon au tamis de soie et servez-vous-en.
Potage à la Crécy. - Ayez toutes sortes de légumes
épluchés et lavés avec soin, tels que carottes, céleri,
oignons en petite quantité, faites-les blanchir dans un
chaudron pendant un quart d'heure; mettez-les dans une
casserole avec un bon morceau de beurre et quelques lames
de jambon, passez-les sur un petit feu, mais assez de temps
pour que le tout soit cuit; alors, égouttez-le dans une
passoire, pilez-le mouillez-le avec son propre bouillon,
passez-le à l'étamine pour en faire une purée, faites partir
cette purée sur le feu, qu'elle cuise deux heures;
dégraissez-la bien, mitonnez votre potage comme il est déjà
énoncé, et montez votre Crécy par-dessus.
Potage à la Benoy. - Coupez en petits dés carottes,
navets, panais et céleri. Prenez du derrière de la marmite
ou du beurre clarifié, faites-le chauffer, jetez-y vos
légumes, faites-leur prendre couleur, égouttez-les sur un
tamis, mouillez- les avec du blond de veau, du consommé et
du bouillon; conduisez-les comme ceux de la julienne,
dégraissez-les et couvrez-en votre mitonnage. Si vous vous
en servez avec du riz, ayez attention qu'il soit clair que les
dés ne soient pas plus gros que le céleri lorsqu'il est crevé,
et mêlez bien le tout ensemble.
Potage à la purée de lentilles à la reine. - Procédez
à cet égard comme il vient d'être dit à la purée de pois, et
servez- vous-en de même pour les potages, ayant soin
pourtant, si ce sont des lentilles à la reine, de les laisser
longtemps sur le feu pour que la purée soit rouge autant
que possible; ce qui constitue la beauté, ou, si l'on veut, la
distinction de ce potage. (Recette de la Maison de
Madame).
Potage aux oignons blancs. - Epluchez avec soin sept
à huit douzaines de très petits oignons blancs, faites-les
blanchir, faites-les cuire ensuite dans du bouillon, en y
joignant un peu de sucre. Quand ils seront suffisamment
cuits, vous les verserez sur le potage au pain que vous
aurez préparé.
Potage aux poireaux à la bressanne. - Coupez des
poireaux en filets de la longueur d'un pouce, laissez-les
revenir dans le beurre, jusqu'à ce qu'ils soient blancs puis
faites-les cuire sur un feu doux, dans une petite quantité de
bouillon, et versez-les sur un potage au pain. Thèse
générale, ne jamais faire bouillir le pain dans le bouillon,
qui s'aigrit à l'instant même.
Soupe aux salsifis à la manière de Lyon. (Voir Brillat-
Savarin, Physiologie du goût). - Ratissez de gros salsifis et
coupez-les en morceaux de la longueur du petit doigt,
faites-les blanchir pendant quelques minutes à l'eau
bouillante, puis faites-les cuire à fond dans un bouillon
gras ou maigre; vous lierez ce potage avec six jaunes
d'oeufs avant de le verser dans la soupière et sur les croûtes
dont vous l'aurez garni.
Potage aux oeufs pochés. - Ayez des oeufs pochés,
rafraîchis et parés de manière à ce qu'ils soient propres à
mettre dans votre soupière; dix minutes avant de servir,
jetez dans votre bouillon un peu de gros poivre, et faites-y
réchauffer vos oeufs pochés.
Potage à la moelle. - Prenez une demi-livre de
moelle de boeuf, faites-la fondre, et passez-la au tamis;
cassez dedans quatre ou cinq oeufs bien frais; joignez
dedans un petit pain à café que vous aurez fait tremper
dans du bouillon, du sel, de la muscade, du persil et de la
farine; faites avec tout cela des boulettes, faites-les bouillir
dans du bouillon, pendant cinq minutes, versez ensuite dans
la soupière, et servez très chaud.
Potage à la languedocienne. - Ce n'est qu'une
julienne à l'huile. (V. POTAGE A LA JULIENNE).
Potage à la Grimod de la Reynière. - Mettez dans
une marmite un chapon troussé, comme pour le potage au
riz, deux pigeons, un morceau de tranche de boeuf de trois
livres le tout bien ficelé. Remplissez cette marmite de bon
bouillon. Après l'avoir écumée, garnissez-la de carottes,
navets, oignons, céleri et poireaux; vos viandes cuites, au
moment de servir, mettez le chapon et les deux pigeons
dans un plat avec des laitues entières, de petits oignons,
des carottes et des navets, coupés en gros dés; de ces trois
sortes de légumes en grande quantité et cuits comme pour la
garbure au hameau, c'est-à-dire dans de l'excellent
bouillon. Vos légumes cuits, dressez-les sur le chapon et
les pigeons, de manière qu'ils forment buisson, passez le
bouillon de votre marmite au travers d'une serviette fine ou
d'un tamis de soie, servez à côté de votre plat un pot plein
de bouillon bien chaud et d'un bon sel.
Potage à la jambon de bois. - Recette de Grimod de
la Reynière. On prend un jarret de boeuf dont on coupe les
deux bouts, en laissant le gros os d'un pied de longueur, on
l'empote dans une marmite avec du bon bouillon, un
morceau de tranche de boeuf, et une casserole d'eau froide.
Lorsque cette marmite est écumée on l'assaisonne avec du
sel et des clous de girofle, on y met deux ou trois douzaines
de carottes, une douzaine d'oignons, une douzaine de pieds
de céleri, douze navets, une poule et deux vieilles perdrix
(observez qu'il faut mettre votre marmite au feu de bon
matin, et la faire aller très doucement, afin que votre
bouillon se fasse plus aisément et soit meilleur).
Prenez ensuite un morceau de rouelle de veau
d'environ deux livres. Faites-le suer dans une casserole et
mouillez-le avec votre bouillon; lorsqu'il sera bien
dégraissé vous y ajouterez une douzaine de petits
oignons, quelques petits pieds de céleri, vous mettrez le
tout dans votre marmite environ une heure avant de servir.
Le bouillon étant ainsi fait, vous vous assurez de son
bon goût, vous prenez du pain à potage bien chapelé, vous
enlevez les croûtes et les mettez dans une casserole; vous
les mouillez avec votre bouillon bien dégraissé, et le faites
mitonner; arrivées à leur point, vous les dressez dans leur
pot-à-oille et vous les garnissez de toutes les sortes de
légumes qui sont dans votre empotage, vous mettez ensuite
l'os de votre jarret sur votre potage; vous achevez de le
mouiller et vous le servez très chaudement.
Potage aux anguilles à la mode de Hambourg. - Tuez
et écorchez deux ou trois petites anguilles, les couper par
tronçons de la longueur de deux ou trois pouces, les faire
blanchir en les plongeant à l'eau bouillante pour les roidir et
les retirer aussitôt; faire légèrement revenir au beurre six
poignées de cerfeuil, mêlé d'un peu d'oseille, et beaucoup
de betterave poirée; faites revenir au beurre un oignon et
deux poireaux émincés; quand ils sont de belle couleur,
leur adjoindre les tronçons d'anguilles, et quelques têtes ou
arêtes de poisson brisées, pour renforcer le bouillon;
mouillez le poisson avec trois litres d'eau chaude et une
demi-bouteille de vin blanc; ajoutez sel, gros poivre,
girofle, un bouquet de persil, écumez le liquide, et faites-le
bouillir jusqu'à ce que les tronçons d'anguilles soient cuits;
passer alors le bouillon à travers un linge et le tenir au
chaud; jeter les arêtes et les têtes qui ont servi à consolider
le bouillon, diviser les tronçons d'anguilles sur leur
longueur pour en supprimer les arêtes, et les tenir à couvert
dans une petite casserole; couper une julienne très fine
composée de poireaux, de racines de persil et de céleri;
mettez ces légumes dans une petite casserole avec un peu
de bouillon; les cuire tout doucement en faisant tomber le
liquide à glace, aussitôt qu'ils sont cuits, les mêler dans la
soupière avec les filets d'anguilles, lier le bouillon avec six
jaunes d'oeufs délayés, ajouter une pointe de Cayenne, cent
grammes de beurre divisé en petits morceaux, ainsi que la
julienne de légumes et les filets d'anguilles, verser aussitôt
la soupe dans la soupière sur des tranches minces de pain
grillé.
Potage à la purée de gibier. - Mettez dans six ou
sept litres de bouillon quatre livres de boeuf, un jarret de
veau, trois perdrix et un faisan; faites écumer et ajoutez
carottes, oignons et céleri, laissez bouillir le tout pendant
quatre ou cinq heures, pilez en même temps quelques
perdreaux rôtis et refroidis, et un peu de mie de pain.
Passez ces perdreaux pilés à l'étamine, et mouillez cette
purée avec le bouillon ci-dessus, faites-la chauffer sur un feu
doux sans la laisser bouillir, et versez-la sur des croûtons
sautés au beurre.
Pot-au-feu. - Un jour que Rivarol dînait avec des
gourmands des trois villes libres de Lubeck, de Brême et de
Hambourg, et qu'il faisait la grimace en dégustant je ne sais
quel potage teuton, un des convives s'informa d'où venait
chez lui cette contraction des muscles faciaux et
particulièrement du buccinateur.
«Messieurs, répondit-il, si j'ai fait la grimace en goûtant
votre potage, j'ai eu tort, car la courtoisie française voulait
que je le trouvasse excellent; mais, puisque la grimace est
faite, laissez-moi vous dire une grande vérité: c'est qu'il n'y
a point en France une garde-malade ou une portière qui ne
sache faire de meilleur bouillon que le plus habile cuisinier
anséatique» - ou plutôt hanséatique, puisque hanséatique
vient du vieux mot allemand Hansen, qui veut dire
s'associer.
Je prierai le lecteur de vouloir bien remarquer que cette
dernière observation vient de moi et non de Rivarol, et est
faite en vue de ceux qui ont encore le désir de s'instruire.
J'ai dit plus haut combien les Bourbons aimaient les
bons potages; j'ai dit aussi que Louis-Philippe mangeait
quelquefois quatre assiettées de potages différents et une
cinquième dans laquelle il les réunissait tous, mais je n'ai
pas dit que c'était sans doute à cause de ce grand amour de
la soupe que possède tout bon Français, qu'un célèbre
diplomate allemand qui voulait, en 1792, empêcher le roi de
Prusse et l'empereur d'Autriche de faire la guerre à la
France, avait dit pour combattre cette idée:
«Mais laissez donc bouillir la Révolution française
dans sa marmite».
Paroles prophétiques qui, si elles eussent été écoutées,
eussent peut-être empêché l'envahissement de Berlin et de
Vienne par ce même peuple français qu'on renvoyait si
bien à ses fourneaux.
Le lecteur trouvera peut-être que voilà un préambule
bien orgueilleux et bien savant pour en arriver à une simple
soupe aux choux, mais il n'est pas encore au bout, et, après
avoir fait de l'histoire, il me permettra de lui faire un peu
de chimie.
Un gourmet consommé, invité à dîner en ville, au seul
aspect, à la première vue, à la simple odeur du potage, se
fera immédiatement une idée de tout le repas.
Je répète que la cuisine française ne doit sa supériorité
sur les autres nations qu'à l'excellence du bouillon français.
Et remarquez bien que ce n'est point parce que notre
viande l'emporte sur les autres viandes, mais parce que nos
cuisiniers l'emportent sur les autres cuisiniers. Les Anglais
ont certainement des boeufs supérieurs aux nôtres et
pourraient faire un bouillon excellent! eh bien, ils n'ont
qu'une bonne soupe, la soupe à la tortue.
J'ai étudié dans tous les pays la façon de faire le
bouillon, et la dernière fois à Vienne.
Comment les Viennois font-ils leur bouillon?
Ils mettent deux poulets dans leur marmite, les y font
cuire à moitié, après quoi ils les mettent à la broche et en
font un rôti.
Quant au bouillon, ils y ajoutent une cuillerée de jus
pour lui donner de la couleur et ils le servent, non pas
chaud, ce qui serait au moins une qualité, mais tiède, ce qui
le fait ressembler un peu à de l'eau qui n'est pas fraîche.
De cette façon, ils trouvent moyen tout à la fois de
donner un mauvais potage et un mauvais rôti.
C'est du reste une erreur assez généralement répandue
et contre laquelle il faut nous élever nous autres hommes
de science, de croire que la volaille, à moins qu'elle ne soit
très vieille et très grasse, employée au potage, soit bonne à
faire autre chose que du bouillon de malade.
Le fond d'un bon pot-au-feu, c'est le boeuf.
Je sais bien que dans le Midi on se sert rarement de
boeuf et presque toujours de mouton.
Mais ce n'est point précisément pour ses potages que
le Midi est renommé.
Avouons cependant que la chair de mouton est, après la
chair du boeuf, celle qui fait la meilleure soupe, surtout si
on a le soin de la faire rôtir ou griller jusqu'à un tiers de
cuisson, afin de la dépouiller de sa graisse qui pourrait
communiquer au bouillon un goût de suif toujours très
désagréable.
Voulez-vous, au reste, approfondir la question et
connaître les mystères d'un bon potage?
Prenez le plus fort morceau de viande que comporte
votre consommation; le bouillon se conservant trois ou
quatre jours l'hiver et deux jours l'été, il en sera meilleur et
vous y trouverez une économie de temps et de
combustible.
La pointe de culotte est un excellent morceau, attendu
qu'il y a pondération de gras et de maigre.
Choisissez votre viande la plus fraîche et la moins
saignée possible; choisissez-la épaisse; mince, elle sera
épuisée par la cuisson; ne la lavez pas, vous la dépouilleriez
d'une partie de ses sucs; ficelez-la après en avoir séparé les
os, afin qu'elle ne se déforme pas, et mettez-la dans la
marmite avec une pinte d'eau par livre de viande.
Maintenant que la viande est dans la marmite et avant
d'y ajouter les os, laissez-nous vous dire ce qu'elle contient
et grâce à quelles qualités naturelles elle va donner un
excellent bouillon.
Je l'ai déjà dit, et je ne saurais trop le répéter, pour les
personnes qui veulent se rendre compte de ce que contient la
viande, la meilleure et la plus propre à faire le bouillon, elle
contient quatre substances essentiellement différentes, la
gélatine, l'osmazôme, la graisse et l'albumine.
La fibrine est ce qui reste d'un morceau de viande qui
a longtemps bouilli; la cuisson la sépare des principes
solubles auxquels elle était unie, c'est-à-dire de la gélatine,
de l'osmazôme et de l'albumine, et alors elle n’a plus aucune
saveur.
La gélatine, soluble à l'eau bouillante seulement, est la
base nutritive du bouillon; c'est elle qui, en quantité
suffisante, le fait prendre en gelée; elle existe dans toutes
les parties de la chair, mais particulièrement dans les
cartilages et dans les os; le fameux chimiste d'Orsay a
essayé de nourrir des malades avec de la gélatine pure et
n'y a point réussi.
L'osmazôme est le principe sapide des viandes, il est
dans la chair et dans le sang, et voilà pourquoi nous avons
recommandé de prendre la viande la moins saignée
possible; le sang doublera l'écume, mais, l'écume enlevée,
donnera un bouillon plus savoureux.
La graisse est enveloppée dans les cellules d'une
membrane très fine qui ne se dissout pas; aussi reste-t-elle
toujours adhérente aux fibres. Une ébullition très haute
parvient cependant à briser une partie de ces cellules, et la
graisse plus légère que le liquide vient surnager à sa surface;
c'est cette graisse qu'il faut enlever avec soin et qui, seule
ou mêlée au saindoux, fait d'excellente friture. L'albumine est
de la même nature que du blanc d'oeuf, soluble à l'eau
froide, elle se coagule dans l'eau chauffée à 60 ou 70
degrés; c'est elle qui forme l'écume, c'est elle qu'il faut
enlever avec le plus grand soin, ou sinon, au premier
bouillon de votre pot-au-feu, elle se précipitera et vous
donnera un potage trouble.
Voilà donc les principes que contient la viande qui se
trouve dans votre marmite et dont nous vous avons
conseillé de séparer les os.
Nous vous avons conseillé d'en séparer les os, non pas
que nous exilions les os du pot-au- feu, bien au contraire,
nous leur y gardons une place à part, seulement nous les
brisons avec un maillet, attendu que plus ils sont brisés,
plus ils rendent de gélatine, et nous les mettons dans un
sac de crin avec tous les débris de poulet, de lapin, de
perdreaux, de pigeons rôtis qui peuvent se trouver dans le
garde-manger, restes du dîner de la veille. Maintenant,
vous pouvez mettre votre marmite sur le feu, vous savez
sans doute que mieux vaut une marmite de terre qu'une
marmite de fer; faites-la chauffer lentement, ou sinon la
viande saisie à la trop grande chaleur, l'albumine se
coagulera à l'intérieur, ce qui empêchera l'osmazôme de se
dissoudre et vous donnera un bouillon sans sapidité. Bien
écumée et quand elle commence à bouillir, je prends le
contenant pour le contenu, quand elle commencera de
bouillir, salez-la, mettez-y selon sa contenance trois ou
quatre carottes, trois ou quatre navets, deux panais, un
bouquet de céleri et de poireaux ficelés ensemble; enfin,
trois oignons, dont l'un piqué d'une gousse d'ail et les deux
autres d'un clou de girofle.
Si vous voulez ajouter, soit par caprice, soit par
habitude, un morceau de mouton ou de veau aux
ingrédients que nous avons dit, ne manquez pas surtout de le
faire rôtir ou griller auparavant; nous vous avons dit
pourquoi.
Sept heures d'ébullition lente et continue sont
nécessaires au bouillon pour acquérir toutes les qualités
requises; nos portières ont pour cette période un terme des
plus expressifs; elles disent: faire sourire le pot-au-feu.
Vous ne trouverez ce mot dans aucun dictionnaire.
Mais si jamais je fais partie des Quarante, je me charge de le
faire introduire dans le Dictionnaire de l'Académie.
Et maintenant, arrivons à la soupe aux choux.
Quand le pot-au-feu, préparé et conduit dans les
conditions que nous venons d'exposer, est arrivé à sa
sixième heure de cuisson, vous foncez une grande
casserole d'une livre ou d'une livre et demie de jambon
fumé, vous coupez un chou en quatre pour en extraire le
trognon et les animaux qui pourraient s'y être introduits, et
dont la chair n'est point nécessaire à la confection de votre
bouillon; vous le ficelez convenablement afin que les
feuilles ne s'en détachent pas, et vous le posez délicatement
dans votre casserole foncée et capitonnée de jambon; après
quoi vous remplissez à la hauteur du sommet du chou votre
casserole de ce bon bouillon, qui a souri six ou sept heures,
et comme il n'y a plus en contact avec lui en fait de viande
que le jambon, vous le poussez à grand feu. Au bout de dix
minutes, votre casserole est à sec le chou a tout bu et est
d'un tiers plus gros qu'il n'était. Vous remplissez de
nouveau la casserole qui, cette fois s'épuise à moitié, puis
une troisième fois encore, et après deux heures de cuisson,
vous servez votre chou à part sur son jambon, et dans votre
soupière le bouillon dans lequel ont cuit le chou et le
jambon mêlés à votre bouillon primitif.
Et moyennant cela, cher lecteur, vous avez la fameuse
et excellente soupe aux choux que vous êtes à même de faire
goûter à vos convives qui vous en demanderont aussitôt la
recette.
Au temps des tomates, je vous conseillerai pour
faire pendant à cette soupe perfectionnée par moi, une
soupe inventée par moi. Je veux parler de la soupe aux
moules, aux prayres, aux crevettes et aux écrevisses.
Soupes aux moules. - Voici comment se confectionne
cette soupe:
Vous mettez le matin à onze heures sur votre fourneau
un pot-au-feu dans la forme de celui que j'ai indiqué, mais
dans des proportions moindres, puisque, comme vous allez
le voir, le bouillon n'entre que pour un tiers dans la
confection de ce potage.
A quatre heures de l'après-midi, vous mettez dans une
grande casserole, douze tomates et douze oignons blancs,
vous les laissez bouillir une heure.
Au bout d'une heure, vous passez le tout dans une
passoire assez fine pour que la graine des tomates n'y
puisse point passer.
Quand vos tomates sont réduites en purée, vous salez,
poivrez, introduisez un morceau de glace de viande du
poids de trois ou quatre onces et vous laissez les tomates se
réduire et épaissir à un feu très doux.
Puis vous mettez sur le feu vos moules ou vos
prayres, si ce sont des moules et des prayres, sans eau, si ce
sont des crevettes ou des écrevisses, dans leur sauce.
Cette sauce se compose d'une bouteille de vin blanc,
d'un bouquet assorti, de carottes hachées et d'un verre à vin
ordinaire d'excellent vinaigre, le tout salé et poivré. Au
bout d'un quart d'heure de cuisson, vos moules ou vos
prayres, si vous voulez faire une soupe aux moules ou aux
prayres, ont rendu leur jus; au bout d'une demi-heure, vos
écrevisses ou vos crevettes sont cuites.
Vous ne faites qu'un seul bouillon de votre consommé,
de vos tomates, de votre jus de moules ou de prayres, de
votre sauce de crevettes ou d'écrevisses.
Puis, au fond d'une casserole, vous écrasez avec le bout
du couteau la moitié d'une gousse d'ail, vous la faites
roussir dans l'huile, et vous versez doucement et en
tournant toujours votre triple bouillon dans la casserole,
puis quand les différentes parties hétérogènes se sont
homogénéisées par un quart d'heure d'ardente cuisson,
vous y jetez vos moules ou vos prayres, vos queues de
crevettes ou vos queues d'écrevisses en guise de pain.
Si c'est une soupe aux écrevisses que vous faites, vous
pilez les pattes et les corps dans un mortier, vous faites
bouillir cette partie dans une portion de votre sauce, et
quand votre sauce en a extrait le goût et l'arôme, vous
versez et mélangez ce condiment dans les autres éléments
de votre potage.
On m'excusera d'être prolixe, je parle moins pour les
cuisiniers que pour ceux, plus nombreux, qui n'ont pas les
moindres notions de cuisine et qui ont besoin de bien
comprendre.
Laissez-moi, cher lecteur, terminer ce long article par
la recette d'un potage cher aux chasseurs et vénéré des
ivrognes. Par la recette de ma soupe à l'oignon.
Soupe à l'oignon. - Reportez-vous à l'article l'oignon,
vous y verrez que c'est une plante bulbeuse et potagère
d'une odeur forte et d'un goût piquant, mais ce qu'il est
nécessaire que je consigne ici, c'est qu'il y a deux espèces
d'oignons: l'oignon blanc d'Espagne et le petit oignon
rouge de Florence.
Le gros oignon, ou oignon blanc d'Espagne,
contient en grande quantité une matière sucrée, plus une
substance végéto-animale, et enfin une matière
phosphorique.
Non seulement cet oignon est agréable au goût par sa
matière sucrée, mais il est nutritif par sa substance végétoanimale,
enfin stimulant par son élément phosphorique.
C'est donc celui-là qu'il faut choisir pour faire la soupe aux
chasseurs et aux ivrognes, deux classes qui ont besoin de se
réparer.
Or vous prenez vingt gros oignons que vous hachez très
fin, vous les faites roussir dans la poële avec une livre de
beurre; lorsqu'ils sont bien roussis, vous y versez trois
litres de lait fraîchement tiré, sinon le lait tournera; quand
les oignons ont bouilli dans le lait, vous les passez dans un
tamis assez large pour que le bouillon fasse purée, vous
salez, vous poivrez et vous versez sur des croûtes de pain
rôties après y avoir ajouté une liaison de six jaunes d'oeufs.
Et voilà!...
Soupe froide à la russe comme on la mangeait à
Pétersbourg et à Moscou. (Recette transmise à la Cuisine
française par l'auteur des Mémoires de Madame de
Créquy). - La base de ce potage est le kvas, bière très
légère de farine d'orge fermentée avec des baies acides et
des bourgeons de chênes. On coupe en morceaux du
maigre de jambon et des lambeaux de viande arrachés
suivant la longueur des fibres, à la manière des anciens
Tartares, à qui l'usage des couteaux n'était pas familier.
On assaisonne cet étrange potage avec de l'oignon cru, du
blé vert qu'on a fait macérer dans de la saumure, une
grande quantité d'échalotes hachées et des tranches de
concombres avortés par suite du froid. A la table des
gourmets russes, il arrive souvent que le mouillement de
ladite soupe est fait avec du pyvo, sorte de bière qui ne
s'éloigne pas autant que le kvas de notre bière ordinaire.
On y joint de petits morceaux de glace coupés carrément,
ou bien de petites boules de neige foulée.
La soupe russe au poisson s'appelle en russe
kholodnoysoup et batvinia. On y remplace la viande avec
du kaviar et du saumon coupé par tranches.
POTAGES MAIGRES.
Potage aux herbes à la dauphine. - Préparez quatre
poignées de feuilles d'épinards et trois coeurs de grosses
laitues, le blanc d'une tige de poireau, deux oignons, deux
poignées d'oseille, deux poignées d'arroche, deux poignées de
bettes, une forte pincée de cerfeuil, quelques feuilles de
tanaisie, quelques branches de pourpier vert, et finalement
des fleurs de soucis, bien séparées de leur ovaire et de leur
calice, attendu l'amertume de cette partie de la plante;
hachez toutes ces herbes et faites-les fondre avec un
morceau de beurre que vous ne laisserez pas arriver
jusqu'au roux, mouillez-les ensuite avec de l'eau chaude à
défaut de bouillon de racine, de purée farineuse ou de
résidus de poisson; il est bon de ne foncer la soupière
qu'avec des tranches de mie de pain, le goût des croûtes a
l'inconvénient d'altérer la simple et fine saveur de cette
combinaison végétale.
Potage à la reine en maigre (Recette et formule de
la Maison de Madame). - Ayez deux brochetons qui ne
sentent point la vase; échaudez-les, videz-les, levez-en les
chairs; posez-les sur la table du côté de la peau; levez
cette peau comme vous lèveriez une barde de lard; coupez
ces chairs en gros dés; mettez-les dans une casserole avec un
morceau de beurre; faites-les cuire sans les faire roussir;
laissez-les refroidir; pilez une vingtaine d'amandes douces
émondées; vous aurez fait tremper la mie d'un pain à
potage dans de la crème, et vous l'aurez fait dessécher
comme il est indiqué; pilez de même cette panade; retirezla
du mortier; pilez aussi vos chairs de brochets; joignez-y
votre panade et vos amandes; repilez le tout; foncez une
casserole de beurre; mettez dessus des oignons coupés en
deux et des racines en lames, telles que carottes, navets, une
demi-gousse d'ail, la moitié d'une feuille de laurier, un peu
de macis, un bouquet de persil, ciboules, un clou de
girofle, deux carpes coupées en tronçons et les débris de vos
brochetons; mouillez ce fond d'un peu de bouillon de pois;
faites-le suer à petit feu, sans le laisser attacher; lorsque
votre glace sera formée, mouillez-la avec du bouillon de
pois; faites cuire ce bouillon à petit feu; sa cuisson faite,
passez-le dans une serviette et servez-vous-en pour délayer
votre appareil, que vous passerez à l'étamine à force de
bras, et auquel vous donnerez la consistance d'un coulis;
mettez cet appareil dans une casserole, faites chauffer au
bain-marie jusqu'au moment de vous en servir; mettez dans
votre pot- à-oille des petits croûtons coupés en dés et passés
dans le beurre; versez dessus votre purée à la reine et
servez.
Potage au congre à la bretonne. - Préparez un
bouillon comme il est dit ci-dessus pour le potage aux
herbes de la dauphine, mais à l'exception qu'avant de
mettre les herbes potagères dans leur mouillement, vous y
aurez fait cuire un congre ou, du moins, une forte rouelle
de cet animal. Lorsque ce poisson aura bouilli pendant
deux heures et demie, vous en passerez le bouillon dans un
tamis de crin. Vous y mettrez les herbes déjà blanchies et
vous achèverez le potage avec une liaison, comme il est dit
à l'article ci-dessus.
Potage au lait aux amandes. - Prenez une livre et
demie d'amandes douces et douze amandes amères.
Mettez-les dans une casserole avec de l'eau fraîche et sur le
feu. Lorsqu'elles sont prêtes à bouillir, retirez-les; voyez si la
peau se lève; pour les monder, on se sert d'un torchon dans
lequel on les frotte; ayez de l'eau froide où vous les mettrez
au fur et à mesure; égouttez-les lorsqu'elles seront froides;
mettez-les dans un mortier et pilez-les; mettez-y de temps
en temps une goutte d'eau afin qu'elles ne tournent pas en
huile. Vous jugerez qu'elles seront bien pelées lorsque vous
ne sentirez plus de grumeaux sous vos doigts; mettez-les
dans une casserole et dans un litre et demi d'eau. Cette eau
étant bouillante, laissez-y infuser une demi-once de
coriandre et le zeste d'une moitié de citron dont vous aurez
ôté le blanc; délayez vos amandes avec cette infusion;
passez le tout plusieurs fois au travers d'une serviette ou
d'une étamine jusqu'à ce qu'il ressemble à du lait, salez-le et
sucrez-le convenablement. Ensuite mettez au bain-marie;
ayez des tranches de mie de pain très minces, faites-les
glacer au four ou sous un four de campagne et jetez-les
dans votre lait d'amandes au moment de servir.
Potage au lait d'amandes à l'Ursuline. - Mondez une
demi-livre d'amandes douces et cinq ou six amandes
amères, pilez-les comme il est indiqué ci-dessus; ayez un
litre et demi de lait, faites-le bouillir et servez-vous d'une
partie pour passer votre pâte d'amandes à plusieurs reprises
(comme il est dit à l'article précédent). Dans la partie du
lait dont vous ne vous serez pas servi, mettez infuser la
moitié d'un bâton de vanille que vous retirerez quand vous
mélangerez le tout; assaisonnez-le de sucre et d'un peu de
sel, mettez gros comme la moitié d'un oeuf du meilleur
beurre que vous pourrez trouver, trempez votre potage
comme le précédent, et servez.
Potage au riz au lait. - Ayez un quart de riz, lavez-le
à trois eaux et épluchez-le à chacune d'elles faites-le
blanchir à deux ou trois bouillons, égouttez-le sur un tamis,
mettez-le dans une marmite avec du beurre un peu de zeste
de citron, une feuille de laurier-amande, faites-le crever à
l'eau, et, lorsqu'il commencera à se gonfler, mouillez-le
avec du bon lait; faites qu'il ne soit ni trop épais ni trop
clair, mettez-y sel et sucre et supprimez-en le laurier, ainsi
que le zeste de citron.
Potage au vermicelle et au lait. - Procédez comme
avec le riz; seulement, quand votre vermicelle sera cuit,
que vous l'aurez assaisonné de sel et de sucre, ajoutez-y
quelques macarons ou un peu de vanille, ou mieux encore
l'un et l'autre.
Potage au potiron. - Coupez votre potiron en petits
morceaux dans votre casserole, versez-y un verre d'eau
laissez-le bouillir jusqu'à ce qu'il soit bien cuit, puis tirez- le
de l'eau, faites-le égoutter et passez-le à l'étamine, mouillez
cette purée avec du lait, ajoutez-y du beurre venant d'être
battu, salez convenablement, faites bouillir votre potage et
versez-le sur des croûtons passés au beurre et coupés en
losanges ou en deniers.
Potage à la julienne pauvre. - Préparez vos légumes
comme pour le potage au gras, mouillez- les avec du
bouillon maigre, et faute de bouillon maigre, servez-vous de
l'eau de cuisson des haricots ou des lentilles, faites
mitonner votre potage et qu'il soit d'un bon sel.
Potage maigre aux herbes de Bonne Femme. -
Epluchez, lavez à grande eau, égouttez et hachez une
poignée d'oseille, deux laitues, un peu de cerfeuil et de
belles-dames, mettez-les dans une grande casserole avec
un morceau de beurre, passez-les, faites-les cuire à petit
feu, mouillez-les ce qu'il faut pour votre potage avec votre
grand bouillon maigre, sinon, avec celui des haricots ou
des lentilles, et puis versez sur les tranches de pain, que
vous laisserez mitonner.
Soupe à l'oignon à l'eau. - Prenez une douzaine
d'oignons auxquels vous aurez retranché la tête et la queue,
coupez-les en tranches bien minces, faites-les frire dans du
beurre frais jusqu'à ce qu'ils soient d'un beau jaune, versez
alors un litre et demi d'eau dessus, ajoutez du sel et du
poivre, faites bouillir le tout pendant vingt minutes et
versez-le ensuite sur le pain, que vous aurez préparé, après
y avoir ajouté une liaison de quelques jaunes d'oeufs.
Potage à la Camerani. - La lettre suivante a été
dernièrement écrite au baron Brisse:
«Monsieur le baron,
«En vieux gourmet dont l'estomac, hélas! est
aujourd'hui un peu blasé et très fatigué, j'ai recours à vous
pour retrouver la recette du fameux potage à la Camerani,
que je désirerais goûter encore une fois - la dernière peutêtre.
«Autant qu'il m'en souvient, le macaroni de premier
choix et les ingrédients les plus délicats en étaient la base. En
1806, le potage coûtait environ trois louis par convive,
etc.,etc».
A cette lettre le baron répond:
«Le cri du coeur de mon correspondant est irrésistible.
Je m'empresse de satisfaire à sa demande, et cela d'autant
plus volontiers que, sans rien changer à la formule donnée
par Grimod de la Reynière, je vais faire entrer en petite
cuisine et vulgariser l'illustre potage célébré par tant de
poètes.
«Le fond de ce potage, composé par M.
Camerani, ancien scapin et semainier perpétuel de la
Comédie italienne, gourmand des plus érudits, se compose
de foies de poulets. S'ils sont beaux, un seul suffit par
convive, et il n'est ni difficile ni ruineux de s'en procurer
une demi- douzaine chez les marchands de volailles».
Potage à la Camerani. - «Faire blanchir séparément, et
en quantité relative au nombre des convives, du céleri, des
choux, des carottes, des navets et des poireaux. Egoutter et
hacher le tout bien menu. Mettre ces légumes au feu, dans
une casserole, avec un fort morceau de beurre, sel et poivre;
les laisser mijoter à feu doux, et, quelques minutes avant
leur cuisson parfaite, y mêler les foies de volaille
également hachés menu.
«Pendant le même temps, faire blanchir, cuire et
égoutter du macaroni et râper du fromage de Parmesan.
Prendre alors une soupière pouvant aller au feu, en
beurrer le fond et y faire un lit de macaroni, par-dessus un
lit du hachis précité, enfin un lit de fromage de Parmesan
râpé, orné de quelques morceaux de beurre; recommencer
ensuite dans le même ordre et élever les assises de ce
bâtiment jusque vers les bords de la soupière, en ayant soin
de terminer par un lit de fromage.
«Mettre ensuite la soupière sur un feu doux, laisser
mitonner le tout un temps convenable et servir».
«C'est là, dit Grimod de la Reynière, un manger
délicieux et le principe d'un très grand nombre
d'indigestions». Dieu vous en garde, ami lecteur.
Potage Vuillemot.( pour douze personnes).
- Prenez 20 grammes haricots blancs, 20 grammes
pois verts, 4 pommes de terre, 4 carottes, 4 navets, 4
oignons blancs, 4 poireaux, un bouquet de persil, céleri.
Mettez le tout dans une marmite en terre, mouillez avec 3
litres d'eau de rivière ajoutez sel et gros comme une noix
de beurre, faites partir sur le fourneau après cuisson,
passez vos purées au tamis, laissez lisser vos purées sur
l'angle du fourneau, enlevez-en la pulpe, en mouillant le
tout avec votre bouillon de légumes.
Faites blanchir 20 grammes de riz Caroline, faites-le
crever légèrement dans le supplément de votre bouillon.
Prenez quelques feuilles d'oseille et cerfeuil, ciselez-les
finement, passez au beurre, ajoutez le tout au potage.
Préparez une liaison de 4 jaunes d'oeufs, avec une
mesure de bonne crème, un quart ou 100 grammes de bon
beurre, liez le tout ensemble et servez chaud.
Potiron. - Cucurbitacée de la famille des citrouilles et
des giraumons; il y en a d'énormes: on en a vu qui pesaient
plus de 100 kilos. On fait avec le potiron d'excellents
potages, des crèmes, des tourtes et autres entremets
délicats.
Gâteau de potiron à l'antiquaille. - Coupez du
potiron en gros dés et faites-le fondre dans une casserole et
réduire à consistance de bouillie épaisse, passez-le ensuite au
beurre dans une autre casserole et ajoutez-y une cuillerée
de fécule de pommes de terre délayée dans du lait, du sucre
en suffisante quantité; faites mijoter le tout, puis, quand le
potiron est assez réduit, vous le retirez et le laissez refroidir,
puis vous le pétrissez avec trois jaunes d'oeufs, six
macarons écrasés, quatre pincées de fleur d'oranger
pralinée et un blanc d'oeuf fouetté.
Beurrez une casserole, panez-la bien partout de mie de
pain. Mettez-y la pulpe du potiron, posez la casserole sur
des cendres rouges, couvrez-la avec un couvercle sur
lequel vous mettrez du feu. Quand le gâteau aura pris belle
couleur, renversez-le sur un plat et servez une crème liée
aux jaunes d'oeufs et au vin de Lunel à proximité de cet
excellent entremets.
Vous pouvez aussi garnir votre plat d'amandes
pralinées.
Potiron au kirsch. - Vous faites une purée de potiron
comme il est indiqué ci- dessus; vous la versez sur un
plat, la couvrez d'un caramel, et la servez chaude. Chaque
personne alors l'assaisonne sur son assiette de kirsch à sa
volonté.
Potiron au parmesan. - Coupez votre potiron en
morceaux carrés et faites-le bouillir un quart d'heure dans de
l'eau et du sel, faites-le égoutter; puis mettez dans une
casserole un bon morceau de beurre et faites-y frire vos
morceaux avec sel et épices, retirez-les sur un plat,
couvrez-les de fromage râpé, faites prendre couleur au
four et servez.
Potiron au four. - Faites cuire votre potiron comme cidessus,
puis faites-le bouillir dans une casserole avec du
beurre, du fromage râpé, six oeufs battus, mêlez bien le
tout, dressez-le sur un plat beurré, dorez le dessus avec de
l'oeuf, saupoudrez de sucre et faites prendre couleur au
four.
Poule, poulet, poularde. - Ce furent les habitants de
l'île de Cos qui apprirent aux Romains l'art d'engraisser les
volailles dans des lieux clos et sombres. La profusion qui
existait à Rome de volailles engraissées obligea le consul
Canius Fanius à faire une loi qui défendait d'élever les
poules dans les rues.
La poule est originaire de l'Inde; mais du lieu de sa
naissance elle s'est répandue sur presque tous les points
du globe. Elle offre différentes variétés assez
remarquables: en Turquie, son plumage est presque aussi
riche que celui du faisan; en Chine, elle a de la laine au lieu
de plumes; en Perse, il y en a toute une espèce qui n'a point
de queue; dans l'Inde, elles ont la chair et les os noirs, ce
qui ne les empêche pas d'être très bonnes à manger. Les
poules furent poursuivies par les lois somptuaires, qui
défendirent (et c'est celles-là qu'invoqua le consul Fanius)
de servir sur la table une autre poule que la simple poule
de basse-cour.
Comme nous n'avons pas en France de lois somptuaires
qui défendent d'engraisser la volaille, disons la manière qui
leur donne à la fois le meilleur goût et la meilleure graisse
possible. En trois semaines ou en un mois, nos poules
deviendront des poulardes.
Nourrissez-les pendant quelques jours avec de
l'orge moulu, du son et du lait; mettez-les en cage dans un
lieu obscur, mais non humide; enfin laissez toujours à leur
portée de la farine d'orge pétrie avec du lait.
La nourriture du chapon est la même; les Romains
châtraient les petits coqs à l'âge de trois mois, et ils
engraissaient ces nouveaux chapons avec une pâtée de
farine et de lait dans un lieu sombre. Ils châtraient aussi les
poules en leur enlevant les ovaires pour en faire des
poulardes grasses. Le sarrasin, plus encore que l'orge, se
recommande aux gourmands pour l'engrais des oiseaux de
basse-cour.
Brillat-Savarin venait d'être malade; son médecin lui
avait recommandé la diète. Un ami vint le voir et le trouva
dépeçant une poularde du Mans.
- Est-ce là le régime d'un malade? demande le visiteur
indigné.
- Mon ami, lui répondit l'auteur de la Physiologie du
goût, je vis d'orge et de sarrasin.
- Mais cette poularde?
- Elle en a vécu deux mois; elle me fait vivre à son tour.
Puis, ajouta l'illustre magistrat dans son enthousiasme
pindarique, quel présent nous ont fait les Maures en nous
envoyant le sarrasin! C'est sa graine qui rend la poularde si
séduisante, si fine et si exquise.
Lorsque je parcours la campagne et que je rencontre
un champ de sarrasin, je ne puis me lasser d'admirer
cette herbe bienfaisante qui embaume l'air quand elle est
fleurie; ce parfum me jette dans une sorte d'extase, et je
crois humer la vapeur de la poularde même dont elle sera
un jour la nourriture.
Chapon au gros sel. - Ayez un chapon, videz-le,
flambez-le, troussez-lui les pattes en dedans, bridez-le,
bardez-le et mettez-le cuire dans la marmite, dans le
consommé, ou dans une casserole avec du bouillon. Pour
s'assurer de la cuisson, pincez-lui l'aileron avec les doigts; s'il
ne résiste pas, il est cuit. Egouttez-le, dressez-le et mettezlui
sur l'estomac une pincée de gros sel, saucez-le avec un
jus de boeuf réduit.
Chapon au riz. - Préparez votre chapon comme le
précédent; faites blanchir environ trois quarterons de riz,
égouttez-le, mettez-le dans une marmite qui puisse aussi
contenir votre chapon, que vous posez du côté de
l'estomac; mouillez le tout avec deux bonnes cuillerées à
pot de consommé ou de bouillon, faites partir votre
marmite, couvrez-la, mettez-la mijoter sur la paillasse,
ayez soin de remuer de temps en temps votre riz; sondez
votre chapon, pour vous assurer qu'il est cuit; sa cuisson
faite, dressez-le, dégraissez votre riz, finissez-le avec un
morceau de beurre, en y mettant sel, gros poivre, un peu de
réduction, si vous en avez, et masquez-en votre chapon. Si
votre riz était trop épais, relâchez-le avec un peu de bon
bouillon.
Chapon aux truffes. - Préparez ce chapon comme le
précédent; videz-le par la poche, servez-vous à cet effet du
crochet d'une cuiller à dégraisser. Prenez garde de crever
l'amer du foie.
Vous aurez brossé et épluché environ deux livres de
bonnes truffes; hachez- en quelques-unes des plus
défectueuses. Coupez par dés, et pilez environ une livre de
lard gras, mettez-le dans une casserole, avec vos truffes, du
sel, du poivre, un peu de muscade râpée et des fines épices;
faites mijoter le tout à un feu très doux, environ une demiheure;
laissez-le refroidir, remplissez-en votre chapon
jusqu'à la poche et cousez-la, bridez-le, les pattes en long;
conservez-le, si vous pouvez attendre deux ou trois jours,
bardez-le, embrochez-le après l'avoir enveloppé de papier;
faites-le cuire à peu près une heure et demie; déballez-le: si
vous l'employez pour relevé, supprimez la barde; servez-le
à la peau de goret et mettez dessous une sauce aux truffes
(V. SAUCE AUX TRUFFES).
Poularde en entrée de broche. - Plumez les ailerons et
la queue de cette pièce; flambez-la, refaites-lui les pattes,
prenez garde d'en rider la peau, épluchez-la, supprimez-en le
bréchet, videz-la par la poche et prenez garde d'en crever
l'amer; maniez dans une casserole, avec une cuiller de bois,
un morceau de beurre; assaisonnez-le du jus d'un citron et
d'un peu de sel, remplissez-en le corps de votre poularde,
retroussez-lui les pattes en dehors, bridez-en les ailes,
embrochez-la sur un hâtelet; frottez-lui l'estomac d'un
citron, saupoudrez-la d’un peu de sel, couvrez-la de
tranches de citron, desquelles vous aurez ôté les pépins,
enveloppez-la de bardes de lard, de plusieurs feuilles de
papier, liées sur vos hâtelets par les deux bouts posez-la
sur la broche, du côté du dos; faites-la cuire environ une
heure, déballez-la et servez-la avec la sauce que vous
jugerez convenable.
Poularde aux truffes. (V. ci-dessus CHAPON AUX
TRUFFES).
Poularde à la Saint-Cloud. - Préparez cette poularde
comme celle à la maréchale, avec cette différence qu'au
lieu de la piquer de lard, il faut la piquer avec des clous de
truffes. (V. POULET A LA SAINT-CLOUD).
Poulardes en bigarrure. - Epluchez, flambez deux
moyennes poulardes, levez-en les ailes, ôtez-en les filets,
supprimez les ailerons et les peaux des ailes, piquez deux de
ces ailes d'une deuxième et les deux autres de petits lardons
de truffes, cuits à moitié; marquez ces quatre ailes dans une
casserole foncée de bardes de lard, avec une carotte, un
bouquet de persil et de ciboules et deux moyens oignons,
dans l'un desquels vous aurez mis deux clous de girofle;
mouillez vos ailes avec un peu de consommé. ayez soin que
ce mouillement n'atteigne point le lard piqué de vos
poulardes et couvrez-les d'un rond de papier. Un quart
d'heure avant de servir, faites-les partir, avec feu dessus et
dessous. Désossez entièrement les quatre cuisses et
remplissez-les d'un salpicon composé de truffes et de foies
gras, cousez-en les peaux et donnez aux cuisses la forme
d'une figue aplatie; coupez les pattes en deux, supprimezen
le haut et mettez le bas dans la cuisse, en sorte qu'on ne
voie que la moitié de cette patte. Piquez deux de ces cuisses
de clous de truffes, en forme de rosettes, les deux autres
devant rester blanches; frottez-les de citron, marquez ces
quatre cuisses dans une casserole, entre des bardes de lard;
assaisonnez-les comme les ailes, faites-les cuire à un feu
doux environ trois quarts d'heure. Au moment de servir,
égouttez-les, ôtez-en les fils, égouttez aussi vos ailes, ôtez
le nerf des filets mignons, faites-leur des entailles de
distance en distance et mettez-y des petites crêtes de
truffes de la largeur de ces filets, donnez-leur une forme
cintrée, sautez-les dans du beurre fondu et un grain de sel;
après, égouttez-les, glacez les ailes piquées, dressez-les
toutes les quatre en croix et posez entre chacune d'elles vos
cuisses de poulardes, en mettant dessus, en forme de
couronne, les petits filets. Saucez votre entrée avec une
espagnole réduite et travaillée avec le consommé que vous
aurez fait des carcasses de vos poulardes. (Recette de
Vincent de la Chapelle).
Poularde sauce tomate. - Préparez cette poularde
comme il est indiqué à l'article Poularde en entrée de
broche, et servez dessous une sauce tomate (V. SAUCE
TOMATE).
Poularde à la broche pour rôt. - Videz, flambez,
épluchez, refaites une belle poularde; bridez-la, en lui
laissant les pattes en long; bardez-la ou piquez-la,
embrochez-la, enveloppez-la de papier et faites-la cuire; sa
cuisson faite aux trois quarts, déballez-la, achevez sa
cuisson et faites lui prendre une belle couleur; mettez sur
votre plat un lit de cresson, assaisonné convenablement de
sel et vinaigre; posez dessus votre poularde et servez.
Poularde en entrée de broche à la hollandaise. -
Procédez pour cette poularde comme pour celle en entrée de
broche, et servez dessous une sauce hollandaise (V. SAUCE
HOLLANDAISE).
Poularde en entrée de broche. - Poêlez ou mettez cette
poularde à la broche, et pour la servir, mettez une sauce au
beurre d'écrevisses, ou tout autre sauce (V. SAUCE AU
BEURRE D'ECREVISSES).
Filets de poularde au suprême. - Levez les filets de
trois moyennes poulardes, posez ces filets sur la table, et
levez-en les petites peaux, le plus mince possible; trempez
dans l'eau le manche de votre couteau et battez-les
légèrement, parez-les, faites fondre dans une sauteuse une
quantité suffisante de beurre, arrangez-y vos filets, en les
trempant des deux côtés, saupoudrez-les d'un peu de sel,
couvrez-les d'un rond de papier, levez avec soin les cuisses
pour vous faire une entrée, soit pour le jour, soit pour le
lendemain; vous leur conserverez la totalité de la peau,
pour former de ces cuisses de petits canetons ou des ballons;
faites un consommé des carcasses, faites-le réduire presque
en glace sans lui donner de couleur; ajoutez-y six
cuillerées à dégraisser pleines de velouté réduit, et de pain
de beurre; salez et vannez votre sauce, sautez vos filets en
les retournant, faites qu'ils soient bien blancs, assurez-vous
qu'ils sont bien cuits, en appuyant le doigt dessus; s'ils
résistent, c'est qu'ils le sont; vous aurez passé six croûtons
de pain de mie à potage, auxquels vous aurez donné la
forme et l'épaisseur de vos filets, dressez ces filets en
couronne, mettez un croûton entre chacun d'eux, travaillez
votre sauce et saucez en marquant votre entrée. Si vous
voulez ces filets aux truffes, coupez des truffes en liards,
faites-les cuire dans du beurre et un grain de sel, mettez-les
dans une partie de votre sauce au suprême, et versez-les
dans le puits de vos filets. (Recette de M. Beauvilliers).
Ailes de poularde à la maréchale. - Prenez trois belles
poulardes, levez-en les ailes, supprimez-en les ailerons, ne
conservez que les deux moignons, levez-en la petite peau en
posant votre aile sur la table, et en faisant glisser votre
couteau comme si vous leviez une barde de lard; prenez
garde d'endommager les chairs, piquez vos six ailes d'une
deuxième, marquez-les dans une casserole comme il est
indiqué à l'article Poulardes en bigarrure. Vos ailes cuites,
égouttez-les sur un couvercle, glacez-les; qu'elles soient
d'un beau blond, dressez dans votre plat une bonne
chicorée réduite (V. Chicorée au blanc); dressez vos six
ailes dessus, la pointe au centre du plat, mettez une belle
truffe au milieu et servez.
Poularde en galantine. - Epluchez, flambez, videz une
poularde, désossez-la par le dos, étendez-la sur un linge,
couvrez les chairs d'une mince farce cuite de volaille,
lardez, assaisonnez. Posez sur votre farce des lardons de
distance en distance; ajoutez-y, si c'est la saison, des truffes
coupées en filets, de la grosseur de vos lardons, et
entremêlez-les, pour que votre pièce soit bien marbrée,
recouvrez ces lardons d'un autre lit de farce, et continuez
de mettre ainsi farce et lardons, jusqu'à ce que votre
volaille soit remplie; rapprochez les peaux, cousez-les,
tâchez de donner à votre poularde sa forme première,
entourez-la de bardes de lard, enveloppez-la d'un morceau
d'étamine neuve, cousez cette étamine; attachez-en les deux
bouts avec une ficelle; foncez une braisière avec quelques
carottes, oignons, deux clous de girofle, deux feuilles de
laurier, deux ou trois lames de jambon, un jarret de veau, et
la carcasse de votre poularde coupée par morceaux; posez
du côté du dos votre pièce sur ce fond; appuyez un peu la
main sur son estomac afin de l'aplatir; couvrez votre
galantine de bardes de lard, mouillez-la avec du bouillon, il
faut qu'elle baigne dans son assaisonnement, couvrez-la de
papier; faites-la partir après lui avoir mis son couvercle;
posez-la sur la paillasse avec feu dessous et dessus; laissezla
cuire une heure et demie ou deux heures; sa cuisson
faite, retirez-la du feu, laissez-la dans son assaisonnement
une demi-heure; retirez-la, pressez-la légèrement, aplatissezlui
de nouveau l'estomac, afin d'avoir la facilité de la garnir
de gelée, passez le fond de votre galantine au travers d'une
serviette mouillée à cet effet; si ce fond n'était pas assez
ambré, mêlez-y un peu de jus de boeuf ou de blond de
veau; faites-en l'essai; si ce fond ou plutôt cette gelée se
trouvait trop délicate, faites-la réduire; cassez deux oeufs
entiers, jaunes, blancs et coquilles, mettez-les dans votre
gelée, fouettez-la avec un fouet de buis, mettez-la sur le
feu; ayez soin de la remuer lorsqu'elle commencera à
bouillir; retirez-la sur le coin de votre fourneau, mettez sur
votre casserole un couvercle avec quelques charbons
ardents dessus, laissez ainsi votre gelée se clarifier environ
une demi-heure ou trois quarts d'heure; passez-la comme il
est indiqué à l'article Grand Aspic, laissez votre gelée se
refroidir, déballez votre galantine, ratissez le gras qui est
autour, dressez-la sur une serviette, garnissez-la de gelée
soit coupée en lames, en diamants ou hachée, ou les trois
ensemble et servez.
Filets de poulardes à la béchamel. - Faites rôtir deux
poulardes. Une fois refroidies, levez-en les blancs et
supprimez-en les peaux et les tendons; émincez ces blancs
également; mettez dans une casserole cinq cuillerées à
dégraisser de béchamel et deux de consommé ainsi qu'un
peu de muscade râpée (V. Sauce à la Béchamel); après une
ébullition, délayez votre sauce, prenez garde qu'elle ne
s'attache; au moment de servir, jetez vos filets dedans,
retournez-les légèrement, de crainte de les rompre;
dressez-les sur votre plat garni d'une bordure, ou bien
garnissez de feuilletage ou de croûtons, ou bien encore
servez dans une tourte.
Soufflé de poularde. - Procédez pour ce soufflé comme
il est énoncé au soufflé de perdreaux.
Hachis de poularde à la reine. - Hachez menu des
blancs de poulardes et poulets, mettez dans une casserole
de la béchamel ainsi que du consommé, en proportion de la
quantité de vos chairs; faites bouillir et délayez votre
sauce; au moment de servir, mêlez-y votre hachis sans
ébullition, finissez-le avec un peu de beurre et un peu de
muscade râpée; ce hachis est le bien venu dans les grands
vol-au-vent ou dans les petits pâtés chauds.
POULETS.
- Il y en a de quatre sortes:
1 Le poulet commun, qui s'emploie généralement en
fricassée, et dont on lève les chairs pour faire des farces de
différentes sortes;
2 Le poulet demi-grain dont on se sert pour les
marinades à cru, et différentes entrées qui n'exigent pas de
très gros poulets;
3 Le poulet à la reine, qui est aussi très délicat et qui
sert aussi pour entrées et pour rôt.
4 Le gros poulet gras, dont on fait plus communément
usage pour la broche que pour toute autre chose.
C'est vers la fin d'avril que l'on commence à voir des
poulets nouveaux. On les reconnaît facilement à la
blancheur de leur peau. Ils sont ordinairement couverts de
petits tuyaux, comme s'ils étaient mal épluchés; leurs
pattes sont plus unies que celles des vieux, plus douces au
toucher, et d'un bleu tirant sur l'ardoise. Les vieilles poules
et les vieux coqs ne sont bons qu'à corser les bouillons et
les consommés; après les poulets viennent les poulardes et
les chapons.
Fricassée de poulet. - Ayez deux poulets, flambez-les,
refaites les pattes, épluchez-les, coupez les ongles, videz
ces poulets et ôtez-en la poche (soit dit une fois pour
toutes); dépecez-les, en commençant par lever les cuisses;
séparez les pattes des cuisses, cassez l'os de la cuisse, à peu
près vers le milieu; supprimez la moitié de cet os, coupez
le petit bout du moignon, séparez les ailerons des ailes,
coupez-en la pointe, ce qu'on appelle le fouet; levez vos
ailes dans la jointure, ménagez l'estomac, séparez-le des
reins, parez-le des deux bouts et des deux côtés, coupez le
rein en deux, parez le croupion, coupez-en la petite pointe,
supprimez le boyau adhérent au croupion, parez ce rein et
ôtez-en les poumons; mettez dans une casserole une
chopine d'eau, un oignon coupé en tranches, quatre branches
de persil, un peu de sel et vos morceaux de poulets, faitesles
blanchir, c'est-à-dire faites jeter un bouillon à cette eau;
retirez-les, égouttez-les sur un linge blanc, parez-les,
essuyez-les, passez votre eau à travers un tamis de soie,
mettez dans une casserole un quarteron et demi de beurre,
joignez-y vos poulets, faites-les revenir légèrement,
singez-les avec une pincée de farine de froment, sautez-les
pour bien mêler votre farine, mouillez- les peu à peu en les
délayant avec votre eau de poulet, ajoutez-y un bouquet de
persil et ciboules, garni d'une demi-feuille de laurier, d'un
clou de girofle et de champignons tournés (V. GARNITURE);
faites cuire votre fricassée, dégraissez-la: sa cuisson faite,
si la sauce se trouve être trop longue, versez-en une partie
ou le tout dans une autre casserole et faites-la réduire à
consistance de sauce, remuez-la sur vos membres de
poulets; faites une liaison de trois jaunes d'oeufs, avec un
peu de crème ou de lait; faites bouillir votre fricassée,
retirez-la du feu, liez-la, remettez-la sur le feu, sans la faire
bouillir, pour achever de la lier. Sachez si elle est d'un bon
goût, finissez- la avec un demi-pain de beurre, un jus de
citron ou un filet de verjus; dressez-la, en commençant par
mettre les pattes au fond du plat, les reins dessus, en les
entremêlant, les cuisses et les ailes. Saucez et servez.
Vous pouvez faire la fricassée de poulet à chaud et à
froid, de la même manière qu'il est énoncé à l'article Salmis
de perdreaux chaud ou froid. Lorsque vous aurez lié votre
fricassée de poulet, qu'elle sera un peu froide, ajoutez de la
gelée à la sauce. Faites-la prendre de la même manière qu'il
est expliqué pour les perdreaux. N'employez point de
croûtons.
Fricassée de poulet à la chevalière. - Préparez deux
beaux poulets gras et faites-les cuire de la même manière
qu'il a été expliqué, excepté qu'il faut mettre de côté les
ailes que vous piquez avec du menu lard; supprimez la
peau, ôtez la chair du bout de l'os et grattez-le. Si c'est la
saison, vous piquerez deux de ses ailes avec des truffes.
Faites fondre du beurre dans une tourtière, arrangez-y vos
quatre ailes, saupoudrez-les d'un peu de sel fin, couvrezles
d'un papier beurré, mettez-les cuire dans un four, ou
sous un four de campagne, dressez-la, saucez-la, décorez- la
de ses quatre ailes, mises en croix, que vous aurez glacées,
avec lesquelles vous mêlerez quatre belles écrevisses. Vous
mettrez une grosse truffe au- dessus comme pour
couronner votre entrée, et vous servirez.
Kari de poulet à l'indienne. - Dépecez deux poulets,
comme il est indiqué à l'article Fricassée de poulet; mettez
dans une casserole 125 grammes de beurre, autant de petit
lard et les membres de vos poulets, passez le tout, singez- le
avec une cuiller à bouche pleine de farine de froment,
sautez ce kari, mouillez-le peu à peu avec du bouillon;
assaisonnez-le d'un bouquet de persil et ciboules, d'une
poignée de champignons, de sel et d'une cuillerée à café de
poudre de kari; laissez cuire votre kari. Sa cuisson faite,
dressez-le dans un vase creux; servez-le avec du riz que
vous préparerez ainsi:
Faites blanchir et crever votre riz avec un peu de sel et
presque sans mouillement. Beurrez un vase et remplissezle
de ce riz, qui doit être bien entier, de façon à en former
un pain; tenez-le chaudement sur une cendre rouge. A
l'instant de servir, retournez-le sur un plat; si la poudre de
kart n'avait pas donné assez de couleur à votre ragoût,
faites infuser dans un peu d'eau une pincée de safran du
Gâtinais, exprimez- le sur votre kari, mêlez-le bien, goûtez
s'il est d'un bon goût, s'il est assez pimenté. Vous pouvez
faire, si vous le voulez, procédant de la manière énoncée,
un kari de lapereaux, de veau, de pigeons, etc.
N'oubliez pas de faire rissoler dans votre casserole
quatre oignons en roussi bien rissolés, et jetez vos membres
de poulet dedans; laissez cuire ainsi qu'il est indiqué cidessus.
Un peu de safran pour le riz est nécessaire.
Poulets en entrée de broche. - Ayez deux poulets gras
bien blancs, d'égale grosseur et sans taches. Après en avoir
plumé les ailerons flambez-les légèrement; prenez garde
d'en roidir la peau. Epluchez-les, rompez-leur le bréchet,
videz-les par la poche, ayez soin d'en extraire tous les
intestins; servez-vous pour cela du crochet d'une cuiller à
dégraisser, et prenez garde de crever l'amer. Mettez dans
une casserole environ trois quarterons de beurre, un peu de
sel, un jus de citron et un peu de muscade râpée; mêlez le
tout à froid avec une cuiller de bois, remplissez-en vos
poulets également, retroussez-les en poulets d'entrée, c'està-
dire les pattes en dehors; passez-leur une ficelle dans les
ailes et qui fixe la peau de la poche le long du rein, pelez
jusqu'au vif un citron, foncez une casserole de bardes de
lard; posez-y vos poulets, joignez-y une carotte, un oignon
piqué de deux clous de girofle, un bouquet de persil et
ciboules, une demi -feuille de laurier, la moitié d'une
gousse d'ail, une lame de jambon et quelques petits
morceaux de veau; levez la peau d'un citron, coupez-le en
tranches, ôtez-en les pépins et mettez ces tranches sur
l'estomac de vos poulets, couvrez-les de bardes de lard,
mouillez-les avec une cuiller à pot de bouillon, ou d'une
poêle, et, faute de cette dernière, mettez avec le bouillon un
demi-verre de vin blanc; couvrez-les d'un rond de papier et
d'un couvercle, faites-les partir, posez-les sur une paillasse,
avec feu modéré dessus et dessous. Leur cuisson achevée,
égouttez-les, débridez-les, faites-en sortir le beurre,
dressez-les et servez dessous, soit une sauce aux truffes,
une espagnole très corsée, une sauce tomate, une sauce à
l'estragon, un aspic, un ragoût de champignons ou un
ragoût mêlé, etc.
Poulets à l'ivoire. - Préparez et poêlez deux poulets,
comme il est dit ci-dessus, excepté qu'il en faut supprimer
les pattes; coupez les bouts des moignons, grattez-en les
os. Leur cuisson faite, égouttez-les, dressez-les et saucezles
avec une sauce à l'ivoire (V. SAUCE A L'IVOIRE).
Poulet sauce aux huîtres. - Préparez deux poulets
comme Poulardes en entrée de broche, faites-les cuire de
même, égouttez-les et dressez-les; prenez six douzaines
d'huîtres, ôtez-les de leurs coquilles, mettez-les dans une
casserole sans autre mouillement que leur eau, faites-les
roidir; mettez dans une casserole quatre cuillerées à
dégraisser de velouté réduit, égouttez vos huîtres et jetezles
dans ce velouté, faites-leur jeter un bouillon, ajoutez-y
une pincée de persil haché et blanchi, un pain de beurre et
une pincée de gros poivre. Au moment de servir, exprimez
dans cette sauce le jus d'un citron, sachez si elle est d'un
bon goût, versez-la dessus vos poulets, et servez.
Poulets sauce aux truffes. - Ayez deux poulets,
préparez-les comme ci-dessus et poêlez-les de même. Leur
cuisson achevée, égouttez-les, dressez-les et mettez dessus
une sauce aux truffes (V. SAUCE AUX TRUFFES).
Poulets à l'estragon. - Préparez deux poulets comme
il est indiqué ci-dessus; poêlez-les de même, et, leur
cuisson faite égouttez-les, dressez-les et saucez-les avec
une sauce à l'estragon (V. Sauce à l'estrageon).
Poulets à la sauce tomate. - Préparez deux poulets
de la même manière que ci-dessus et poêlez-les. Leur cuisson
faite, après les avoir égouttés, dressez-les et servez-les
avec une sauce tomate (V. SAUCE TOMATE).
Poulet bouillis à l'anglaise. - Flambez et troussez
deux poulets, comme ceux Poulardes d'entrée de broche,
mettez de l'eau dans une casserole assez grande pour qu'ils
y soient à l'aise, faites-la bouillir, ajoutez-y une pincée de
sel, mettez-y vos poulets, faites qu'ils bouillent toujours,
sans aller trop vite. Leur cuisson achevée, égouttez- les,
dressez-les, saucez et masquez-les avec une sauce à
l'anglaise (V. SAUCE A L'ANGLAISE).
Poulets aux pois. - Prenez une demi-livre de lard de
poitrine, coupez-le en gros dés, supprimez-en la couenne,
faites-le blanchir, égouttez-le, mettez dans une casserole un
quarteron de beurre, faites un petit roux (V. ROUX), passezy
votre lard et faites-le roussir légèrement; lorsqu'il sera d'un
beau blond, joignez-y deux jeunes poulets dépecés, comme
pour la fricassée; mouillez- les avec une cuillerée à pot de
bouillon, délayez bien le tout, que vous assaisonnerez d'un
bouquet de persil et ciboules, et quand vous aurez mis une
demi-feuille de laurier et un clou de girofle, faites bouillir
votre fricassée, mettez-y un litron de pois très fins, faites
aller à grand feu, sans la couvrir, dégraissez-la. Sa cuisson
faite, dressez vos membres de poulet, faites-en réduire la
sauce si elle est trop longue, goûtez si elle est d'un bon goût,
masquez- en les membres, et servez.
Poulets fricassés aux pois et au blanc. - Ayez deux
jeunes poulets, flambez-les, dépecez-les comme pour la
fricassée, mettez un morceau de beurre dans une casserole,
joignez-y vos poulets, avec un bouquet de persil et ciboules;
assaisonnez d'un peu de sel fin et de deux moyens oignons,
sautez le tout; faites revenir vos poulets, couvrez-les et
laissez-les cuire doucement, avec feu dessus et dessous. A
moitié de leur cuisson, mettez-y un litron de pois fins, que
vous aurez manié dans de l'eau et du beurre, gros comme
une noix; égouttez-les dans une passoire, laissez suer et
cuire le tout, en le sautant de temps en temps. La cuisson
achevée, ôtez les oignons et le bouquet, liez votre fricassée
avec une cuiller à dégraisser pleine de bon velouté réduit. Si
vous n'avez pas de velouté, maniez un pain de beurre avec
un peu de farine de froment, et servez-vous-en pour opérer
cette liaison. Dressez votre fricassée comme la précédente,
et servez.
Poulets au beurre d'écrevisses. - Préparez et faites
cuire ces poulets comme il est indiqué aux poulets en
entrée de broche (voyez cet article), égouttez-les, mettez
dans une casserole quatre cuillerées à dégraisser de velouté
réduit et du beurre d'écrevisses, gros comme un oeuf;
passez le tout, travaillez bien votre sauce, mettez-la dans le
fond de votre plat et dressez vos poulets dessus.
Poulets à la broche pour rôt. Ayez deux beaux poulets
gras, ou trois petits à la reine; préparez-les comme la
poularde (voyez cet article); piquez-en un des deux, s'ils
sont gras, et un ou deux, s'ils sont à la reine; bardez-les,
embrochez-les, enveloppez-les de papier et faites-les cuire.
Aux trois quarts de leur cuisson, déballez-les pour achever
de les cuire et faire sécher le lard, laissez-les prendre une
belle couleur dorée. Si vous avez de la glace, mettez-en
légèrement avec un pinceau sur le lard de vos poulets,
dressez-les sur un lit de cresson, assaisonné
convenablement d'un peu de sel et de vinaigre, et servez.
Poulets à la tartare. - Nettoyez et préparez deux
poulets, troussez-les en poule, c'est-à-dire les pattes en
dedans; fendez-en les reins et aplatissez-les, cassez les os
des cuisses, mettez un morceau de beurre dans une
casserole avec sel et gros poivre; faites-y revenir et cuire
ensuite vos poulets, avec feu dessus et dessous. Un quart
d'heure avant de servir, passez-les, mettez-les sur le gril à un
feu doux; ayez soin de les retourner deux ou trois fois pour
qu'ils prennent une belle couleur, et servez dessous une
sauce à la tartare. (V. SAUCE A LA TARTARE).
Poulets sauce au pauvre homme et diverses autres. -
Préparez vos poulets comme il est dit ci-dessus supprimezen
les cous et les pattes, fendez-en le dos et aplatissez-les,
faites-les cuire à moitié dans le beurre, avec sel et poivre;
achevez, sans les passer, leur cuisson sur le gril et servez
dessous une sauce au pauvre homme (V. SAUCE AU PAUVRE
HOMME), à l'estragon (V. Sauce à l'estrageon), ou tomate (V.
SAUCE TOMATE), ou toute autre que vous voudrez.
Poulets à la Périgueux. - Choisissez deux beaux
poulets gras, bien blancs. Après les avoir épluchés et vidés
par la poche (voyez l'article POULARDES EN ENTREE DE
BROCHE); vous aurez brossé et lavé deux livres de truffes,
desquelles vous supprimerez la peau des grosses; vous en
ferez des petites aussi égales que possible; mettez une livre
de lard râpé dans une casserole, ajoutez-y vos truffes et leurs
parures, que vous aurez hachées, assaisonnez-les de sel,
gros poivre, une pincée d'épices fines, un peu de muscade
râpée et une feuille de laurier, que vous ôterez à la fin;
faites-les mijoter sur un feu doux l'espace d'une demiheure,
en les remuant avec soin; retirez-les du feu, laissezles
refroidir; mettez vos poulets sur un linge blanc,
remplissez-les également par la poche de votre appareil de
truffes; retroussez-les en poulets d'entrée, embrochez-les
avec un hâtelet, couvrez-les de bardes de lard, de deux ou
trois feuilles de papier; posez-les sur une broche, faites-les
cuire environ cinq quarts d'heure. Leur cuisson faite,
déballez-les, égouttez-les, dressez-les, et servez dessous
une sauce à la Périgueux (V. SAUCE A LA PERIGUEUX).
Poulets la mayonnaise. - Prenez un poulet cuit à la
broche; procédez, à l'égard de cette mayonnaise, comme
pour les perdreaux (V. PERDREAUX A LA MAYONNAISE).
Salade de poulets. - Prenez deux poulets rôtis et froids,
ou de desserte; coupez-les, dépecez-les par membres,
comme pour la mayonnaise; mettez-les dans un vase de
terre, assaisonnez-les de même qu'une salade, ajoutez-y
câpres entières, anchois et cornichons coupés en filets, de la
fourniture hachée, sautez le tout, dressez-le sur un plat,
comme une fricassée de poulets, sans y comprendre les
anchois, les cornichons et les câpres. Garnissez le bord du
plat de laitues fraîches coupées par quartiers et d'oeufs durs
coupés de même; décorez votre salade des filets d'anchois
et des câpres; saucez-la avec son assaisonnement, et
servez.
Poulets à la crème. - Ayez deux poulets froids, cuits à
la broche; levez-en les estomacs jusqu'aux cuisses, os et
chairs; supprimez-en les poumons, faites une farce avec les
chairs des estomacs, en procédant ainsi: levez ces chairs ou
blancs de poulet; après en avoir ôté les peaux, hachez très
menu et pilez-les ensuite; parez et pilez également une
tétine de veau cuite dans la grande marmite. Si vous n'avez
pas de tétine, employez du lard râpé ou du beurre; prenez
la mie d'un pain à potage, faites-la tremper et dessécher
dans de la crème double; mettez, par portions égales, ces
trois substances; pilez le tout ensemble, ajoutez-y cinq
jaunes d'oeufs, un peu de muscade râpée et du sel ce qu’il
en faut, essayez votre farce, goûtez si elle est d'un bon
goût, ôtez votre pilon, incorporez légèrement au fur et à
mesure, et en la remuant avec une cuiller de bois, trois
blancs d'oeufs fouettés; mettez-y deux échalotes hachées
très fin, lavées et passées dans un linge blanc, et, si vous le
voulez, un peu de persil haché; mêlez bien le tout, retirez-le
du mortier; mettez deux bardes de lard sur une tourtière,
remplissez vos poulets de cette farce, unissez-la avec votre
couteau trempé dans une omelette. donnez à cette farce la
forme de l'estomac de vos poulets, dorez-la et faites dessus
le dessin qui vous plaira, entourez ces poulets de papier
beurré, assez haut pour contenir la farce, fixez-le autour
avec une ficelle, posez vos poulets sur une tourtière. Trois
quarts d'heure avant de servir, mettez-les dans le four,
faites-leur prendre une belle couleur. Leur cuisson faite,
dressez-les et servez dessous une italienne blanche, ou une
sauce au suprême, ou une à l'ivoire (V. SAUCE).
Poulet en friteau. - Dépecez deux poulets comme pour
en faire une fricassée, mettez-les dans un vase de terre,
avec des tranches d'oignons, persil en branche, sel, gros
poivre et le jus de deux ou trois citrons, laissez-les mariner
une heure, égouttez-les, mettez-les dans un linge avec une
poignée de farine; sassez-les et posez-les sur un couvercle.
Vous aurez mis votre friture sur le feu; lorsqu'elle sera à
son degré, mettez-y d'abord les cuisses de vos poulets, peu
après les estomacs, ensuite les ailes, les reins, ainsi de suite
pour le reste. Votre friture cuite et d'une belle couleur,
égouttez-la, et, après l'avoir dressée, servez-la, si vous le
voulez, avec six oeufs frais frits; arrangez dessus et servez
avec une sauce poivrade (V. SAUCE POIVRADE).
Marinade de poulets. - Dépecez deux poulets cuits à
la broche, faites-les mariner une demi-heure avant de les
servir (V. MARINADE CUITE), égouttez-les, trempez leurs
membres dans une pâte à frire légère, c'est-à-dire dans
laquelle vous aurez mis des blancs d'oeufs fouettés; faites
frire votre marinade en procédant comme ci-dessus et
servez quand elle sera cuite et d'une belle couleur,
égouttez-la sur un linge blanc, dressez-la et servez-la avec du
persil frit que vous mettrez dessous, ou seulement avec une
pincée dessus.
Rissolées de poulets. - Prenez des rognures de
feuilletage (V. FEUILLETAGE), abaissez-les en long, de
l'épaisseur d'une pièce de quarante sous, et plus mince, s'il
est possible; mouillez le bord de votre abaisse avec un
doroir trempé dans l'eau, couchez de la farce cuite de
volaille par parties, et d'espace en espace, de la grosseur
d'un grain de verjus; repliez cette abaisse sur ces parcelles de
farce; donnez-leur la forme de petits chaussons. A cet effet,
coupez-les en demi-lune, avec un coupepâte godronné ou
avec votre couteau; ayez soin que la jointure de vos pâtes
soit bien soudée, farinez un couvercle, arrangez vos
rissoles dessus. Quand vous serez sur le point de servir,
faites-les frire, qu'elles prennent une belle couleur, dressezles,
et servez.
Poulet en capilotade. - Dépecez un poulet cuit à la
broche, mettez dans une casserole trois cuillerées à
dégraisser pleines d'italienne, à défaut de laquelle vous
emploierez de la sauce hachée, et à défaut de cette dernière
une sauce au pauvre homme (V. SAUCE AU PAUVRE
HOMME); faites mijoter votre poulet dans une de ces sauces.
Un quart d'heure avant de servir, dressez-le, ajoutez à votre
sauce quelques cornichons coupés en liards ou en filets,
saucez, et servez.
Poulet à la Saint-Cloud. - Préparez deux poulets
comme ceux pour entrée de broche; prenez deux ou trois
truffes bien noires, formez-en des petits clous, décorez-en
vos poulets, ce qui consiste seulement à mettre chacun de
ces clous dans les trous que vous faites à l'estomac de vos
poulets avec une petite lardoire. Il faut que ces trous soient
également espacés; foncez une casserole de bardes de lard,
mettez-y un oignon piqué d'un clou de girofle, une carotte
tournée, un bouquet de persil et ciboules, saupoudrez
l'estomac de vos poulets de sel fin, exprimez aussi dessus
un jus de citron, couvrez-le de bardes de lard et d'un rond de
papier, mouillez-le avec une poêle, ou employez un verre de
consommé ou de bouillon; joignez-y un verre de vin blanc,
une demi-feuille de laurier et une lame de jambon. Trois
quarts d'heure avant de servir vos poulets, faites-les partir,
posez-les sur la paillasse avec feu dessus et dessous. Leur
cuisson achevée, égouttez-les, dressez-les, servez dessous
une sauce aux truffes, à la Saint-Cloud ou en petit deuil; si
vous n'avez point de velouté, passez le fond de vos poulets,
mettez-y un pain de beurre manié dans une demi-cuillerée
de farine, faites bouillir votre sauce, dégraissez-la, et,
l'ayant fait réduire, passez-la à l'étamine, ajoutez-y vos
petits dés de truffes, dont il est question à la sauce en petit
deuil, passez dans du beurre et finissez par un demi-pain
de beurre.
Poulets à la ravigote. - Préparez deux poulets comme
pour entrée de broche. Leur cuisson achevée, égouttez-les et
servez dessous une sauce ravigote (V. SAUCE RAVIGOTE).
Poulets à la reine, sauce à la pluche verte. -
Préparez et poêlez trois de ces poulets. Leur cuisson faite,
égouttez, dressez, marquez-les avec une sauce à la pluche
verte, et servez.
Sauce à la pluche verte : Prenez des feuilles de
persil bien vertes, faites-les blanchir, rafraîchissez-les,
jetez-les sur un tamis, mettez dans une casserole trois
cuillerées à dégraisser de velouté réduit et deux de
consommé, faites réduire le tout. A l'instant où vous
voudrez servir, jetez vos feuilles de persil dans cette sauce,
et, si elle est trop salée, jetez-y un morceau de beurre.
Passez, vannez, et servez.
Poulets à la provençale. - Prenez deux poulets que
vous couperez comme pour une fricassée; ayez une
douzaine d'oignons blancs; coupez-les en demi-anneau, ou
avec un peu de persil; mettez vos oignons dans une
casserole ou sauteuse dans laquelle vous ferez un lit de vos
oignons et un des membres de votre volaille, recouvrez le
tout avec un autre lit d'oignons et de persil; ajoutez un
verre d'huile, une ou deux feuilles de laurier, du sel en
quantité suffisante; mettez-les au feu, et lorsqu'ils seront
partis vous les laisserez aller doucement. Leur cuisson faite,
glacez-les, dressez-les en mettant vos oignons au milieu, et
un peu d'espagnole pour les saucer. Ensuite, servez.
Côtelettes de poularde ou de poules. - Procédez à
l'égard de ces côtelettes comme pour celles des perdreaux,
énoncées à l'article Gibier.
Blanquette de poularde. - Levez les chairs d'une
poularde froide ou des débris que vous en avez, supprimezen
les peaux et les tendons; émincez ces chairs, mettez dans
une casserole du velouté, faites-le réduire et dégraissez-le;
au moment de servir jetez votre émincé, ne le laissez pas
bouillir; faites une liaison délayée avec un peu de crème ou
de lait; finissez votre blanquette avec un morceau de beurre
et le jus d'un citron.
Cuisses de poularde en canetons ou en petits oignons.
- Quand vous aurez levé les filets de trois belles poulardes,
comme il est dit à l'article précédent, en ménageant les
peaux des cuisses, désossez-les jusqu'à la moitié de l'os qui
tient à la patte; supprimez les trois quarts de chaque patte;
étendez vos cuisses sur un linge blanc, remplissez-les d'un
salpicon composé de foies gras, de truffes et de
champignons; cousez les peaux de ces cuisses et donnezleur
une forme allongée, comme le cou d'un cygne ou d’un
canard; il faut que le moignon de la cuisse forme le cou de
votre oiseau et que la patte forme le bec; fixez ces pattes
avec un fil, de manière à leur conserver la grâce qu'a le col
du cygne; faites deux incisions au reste de la patte, l'une
censée derrière la tête de l'oiseau; l'autre sur le haut du bec,
pour qu'il forme la protubérance qui est sur le bec du
cygne; ayez six belles écrevisses dont les pattes soient
égales, faites-les cuire dans du bouillon, ôtez-leur les
douze grandes pattes, formez-en les ailes de vos cygnes en
les enfonçant dans la chair par le bout qui tenait au corps de
l'écrevisse; foncez une casserole de bardes de lard, rangez-y
vos petits cygnes comme s'ils étaient sur l'eau, mettez sur
chaque une tranche de citron, afin qu'ils soient bien blancs;
mouillez- les avec une poêle; couvrez-les de bardes de lard
et d'un rond de papier; trois quarts d'heure avant de servir,
faites- les partir et cuire doucement sur la paillasse, avec
peu de feu dessus; leur cuisson faite, égouttez-les; ôtez-en les
fils; dressez-les et servez dessous une sauce hollandaise
verte, ou une sauce au beurre d'écrevisses.
Cuisses de poularde en ballon. - Désossez six ou huit
cuisses de poularde, supprimez à peu près les trois quarts de
chaque patte; mettez ces cuisses sur un linge blanc,
étalez-les, remplissez-les d'un salpicon, cousez-les comme
celles des poulardes en bigarrure, marquez-les dans une
casserole foncée de bardes de lard, mouillez- les avec une
poêle, faites-les cuire environ trois quarts d'heure; leur
cuisson faite, égouttez, dressez, saucez-les avec une bonne
italienne rousse, et servez.
Cuisses de poularde à la mayonnaise. - Prenez trois
culottes de poularde, partagez-en la peau en deux jusqu'au
croupion, levez les cuisses avec cette peau, désossez-les
entièrement en leur laissant néanmoins le bout de l'os
adhérent aux pattes; cela fait, marinez avec du citron, sel,
gros poivre, une feuille de laurier cassée en morceaux,
laissez mariner pendant deux ou trois heures; au moment de
servir, égouttez-les, farinez-les, faites-les frire dans du lard
râpé; coupez quatre oignons en anneaux, ôtez-en le coeur;
faites frire ces oignons, ayez soin qu'ils aient ainsi que les
cuisses une belle couleur; dressez ces cuisses sur votre
plat, mettez dessus vos anneaux frits et servez dessus une
sauce poivrade.
Cuisses de poulardes à la Livernois. - Levez les
cuisses de trois poulardes, supprimez la moitié de l'os de la
cuisse, parez-les, foncez une casserole de quelques carottes
coupées en lames, de deux oignons, d'un bouquet de persil
et de ciboules assaisonné de ces aromates et d'une lame de
jambon; posez ces cuisses dessus, mouillez- les, avec une
cuillerée à pot de bouillon, couvrez-les de quelques bardes
de lard et d'un rond de papier; tournez deux petites carottes
soit en bâtonnet, soit en champignon; mettez-les blanchir,
égouttez-les, faites-les cuire dans du bouillon et tomber à
glace, mettez-y un petit morceau de sucre pour en ôter
l'âcreté; versez dans une casserole quatre à cinq cuillerées
à dégraisser pleines d'espagnole; ajoutez-y vos carottes
tombées à glace; faites-les bouillir, dégraissez-les, égouttez
les cuisses de poularde; dressez- les, ajoutez un demi-pain
de beurre à votre ragoût; sautez- le, masquez- en votre
entrée et servez.
Cuisses de poularde aux truffes. - Désossez six
cuisses de poularde comme il est indiqué à l'article Cuisses
en ballon; farcissez-les d'un salpicon composé de truffes et
de foies gras; cousez ces cuisses, marquez-les dans une
casserole comme il est dit aux cuisses précédentes; faitesles
cuire de même, égouttez-les; ôtez- en les fils et servez
dessous un ragoût de truffes (V. Ragoût aux truffes ).
Ailerons de poularde piqués et glacés. - Flambez,
désossez quinze ailerons, faites-les légèrement blanchir;
piquez-les d'une deuxième; cela fait, rangez vos ailerons
dans une casserole sur un peu de rouelle de veau, une lame
ou deux de jambon, un oignon piqué d'un clou de girofle,
une carotte tournée, un bouquet de persil et ciboules;
mouillez-les avec du bouillon; couvrez-les d'un rond de
papier beurré; faites-les partir et cuire sur la paillasse, avec
un feu vif dessous et dessus, afin qu'ils prennent une
belle couleur; leur cuisson faite, passez leur fond au travers
d'un tamis de soie; faites-le réduire presque à glace dans
une sauteuse, laquelle doit avoir assez d'étendue pour les
contenir sans être les uns sur les autres; rangez-les sens
dessus dessous dans cette sauteuse, c'est-à-dire que le côté
piqué doit tremper dans la glace; posez cette sauteuse sur
une cendre chaude, laissez mijoter ainsi vos ailerons;
quand ils seront glacés, prenez -les avec une fourchette,
dressez-les sur votre plat, le côté glacé en dessus; mettez
dans le restant de votre glace une cuillerée à dégraisser
d'espagnole et une de consommé; faites bouillir le tout;
détachez bien votre glace, sautez-en vos ailerons, et servez.
Ailerons de poularde à la chicorée. - Préparez vos
ailerons comme les précédents, faites-les cuire de même.
Dressez-les sur une bonne chicorée blanche, et servez (V.
Chicorée blanche).
Ailerons de poularde à la pluche verte. - Ayez une
quinzaine d'ailerons; après les avoir préparés comme il est
indiqué ci-dessus, formez une casserole de quelques
tranches de veau et de jambon; joignez-y une douzaine de
queues de champignons, une demi- gousse d'ail, une demifeuille
de laurier et une pincée de basilic; rangez vos ailerons
sur ce fond; coupez deux carottes en lames et deux oignons
en tranches, couvrez-en vos ailerons, mouillez-les avec du
bouillon ou du consommé; faites-les partir; mettez-les cuire
sur la paillasse avec feu dessous et dessus; leur cuisson
faite, passez votre fond dans une casserole à travers un
tamis de soie; ajoutez à ce fond un petit pain de beurre
manié dans de la farine; faites lier votre fond en la
tournant; laissez-la réduire jusqu'à consistance de sauce,
avec un peu de gros poivre; goûtez si elle est d'un bon sel,
masquez-en vos ailerons, et servez.
Ailerons de poularde à la Vileroi.- Flambez, épluchez,
désossez quinze ailerons; remplissez-les d'une farce cuite de
volaille (V. Farce cuite); marquez-les dans une casserole
comme les ailerons piqués et glacés (voir cet article), et
faites-les cuire de même; leur cuisson achevée, égouttez-les,
posez-les sur une tourtière, couvrez-les d'une Sainte-
Menehould (V. SAUCE SAINTE-MENEHOULD); panez- les avec
moitié mie de pain et moitié fromage de parmesan; faites
prendre au four couleur à vos ailerons, dressez-les, et
servez.
Crêtes et rognons en velouté. - Préparez et faites cuire
dans un blanc sept crêtes et sept rognons; leur cuisson
achevée, égouttez-les, mettez dans une casserole du velouté
réduit en suffisante quantité; jetez-y vos crêtes et vos
rognons; faites-les mijoter un demi-quart d'heure; liez votre
ragoût, finissez-le avec la moitié d'un pain de beurre et un
jus de citron, dressez et servez.
Grand aspic de crêtes et rognons. - Prenez un moule
à aspic ou, faute de ce moule, une casserole proportionnée à
la grandeur de votre plat, posez-la dans un autre vase
rempli de glace pilée; coulez dans ce moule de l'aspic de
l'épaisseur d'un travers de doigt, décorez-le d'un dessin à
votre fantaisie, exécutez ce dessin avec des truffes, des
blancs d'oeufs durs, des cornichons, des queues et des
oeufs d'écrevisses ou des rognons de coqs; ce décor
achevé, coulez-le légèrement sur votre aspic en prenant
garde de le déranger; cet aspic pris, remplissez votre moule
de crêtes et rognons de coqs en laissant tout autour un
espace de deux travers de doigt; remplissez d'aspic cet
intervalle ainsi que le moule pour que le tout ensemble ne
forme qu'un pain; au moment de servir, trempez votre
moule dans de l'eau tiède, renversez-le sur un couvercle,
coulez votre aspic sur le plat sans ôter le moule; lorsqu'il
sera bien glacé, enlevez-en le moule avec adresse; remuez la
gelée qui se trouverait fondue au moyen des barbes d'une
plume ou d'un chalumeau de paille; ayez soin que cette
gelée soit diamantée (très claire). Essuyez votre plat et
servez.
Vous pouvez vous servir du même procédé pour faire
des aspics de blancs de poulardes, de lapereaux ou de
perdreaux; et si votre moule se trouve faire un puits,
remplissez-le d'une mayonnaise ou d'une ravigote à la
gelée.
Petits aspics de crêtes et de rognons. - Procédez pour
ces petits aspics comme il est énoncé ci-dessus pour le
grand aspic, soit pour leur dessin, soit pour les remplir
convenablement: faites-en sept ou neuf.
Foies gras à la Périgueux. - Prenez sept foies de
poularde, qu'ils soient bien gras; ôtez-en l'amer et la partie du
foie qui le touche; piquez-les de clous de truffes; marquezles
dans une casserole foncée de bardes de lard; mouillezles
avec une sauce mirepoix (V. SAUCE MIREPOIX); faute de
mirepoix, mettez un verre de vin blanc et un de consommé,
avec un peu de sel, une carotte tournée, deux moyens
oignons dont un piqué d'un clou de girofle, un bouquet de
persil et ciboules, une demi- feuille de laurier et la moitié
d'une gousse d'ail; couvrez alors ces foies de bardes de lard
et d'un rond de papier; faites partir et cuire un quart d'heure
et demi sur la paillasse, avec feu dessus et dessous;
égouttez-les, dressez-les sur le plat et saucez-les avec une
sauce à la Périgueux (V. SAUCE A LA PERIGUEUX). Vous
pouvez servir entre vos foies des croûtes de pain passées
dans le beurre avec une belle truffe au milieu. Ayez soin de
clouter de truffes vos foies.
Foies gras en caisse à la financière. - Même
préparation que pour la Périgueux. Les foies cloutés de
truffes seulement, les faire braiser dans une bonne
mirepoix; mouillez avec un peu de bon consommé de
volaille et un verre de bon Madère; après cuisson, passez le
fond, dégraissez, ajoutez le fond à une bonne espagnole, jetez
dedans quenelles de volaille, champignons tournés, crêtes
et rognons de coqs, truffes en lames, un jus de citron;
couchez dans votre caisse vos foies gras sur la financière,
glacez vos foies, garnissez votre caisse de belles écrevisses
et de croûtons glacés, et servez chaud.
Foies gras au gratin. - Prenez un plat d'argent ou
tout autre qui puisse aller au feu; mettez dans le fond
l'épaisseur d'un travers de doigt de gratin (V. GRATIN);
ayez six ou sept beaux foies de poulardes bien blancs,
appropriez-les comme il est dit à l'article précédent,
arrangez-les sur votre plat en laissant un puits au milieu,
remplissez tous les intervalles de vos foies en sorte que le
tout ne forme qu'un pain; ayant uni votre gratin
entièrement avec un couteau, couvrez-le d'un papier
beurré, mettez-le dans le four ou sous un four de
campagne; sa cuisson faite, retirez-le, ôtez-en le papier
beurré, débouchez-en le puits, saucez-le avec une
espagnole réduite ou une italienne rousse et servez.
Foies gras en matelote. - Préparez six foies gras, ainsi
qu'il est expliqué ci-dessus; faites-les blanchir et cuire
comme ceux à la Périgueux (Voyez cet article); égouttezles;
dressez-les sur votre plat; saucez-les d'une sauce à la
matelote (V. SAUCE A LA MATELOTE); ajoutez-y des coeurs
de pain passés dans le beurre, des truffes si vous voulez, et
servez.
Foies gras en caisse. - Faites une caisse ronde ou
carrée de la hauteur de deux pouces et demi environ; huilezla
en dehors; étendez dans le fond du gratin de l'épaisseur
d'un travers de doigt; ayant préparé six foies gras, mettez -
les dans une casserole avec un morceau de beurre, du
persil, ciboules, champignons hachés, sel, poivre et fines
épices, le tout en suffisante quantité; passez ainsi ces foies;
mettez votre caisse sur le gril; arrangez vos foies dans
cette caisse avec les fines herbes; posez sur un feu doux;
laissez cuire, et leur cuisson faite, dressez votre caisse sur le
plat; saucez-la d'une bonne espagnole réduite dans laquelle
vous aurez exprimé le jus d'un citron; dégraissez- les en cas
qu'il y surnage du beurre.
Coquilles de foies gras. - Faites blanchir de ces foies,
en raison de la quantité de coquilles que vous voulez
servir; coupez-les par lames, ainsi que des truffes et des
champignons; ajoutez-y persil et ciboules hachés, sel, gros
poivre, un peu d'épices fines et un morceau de beurre;
mettez le tout dans une casserole et passez sur le feu,
mouillez avec un peu de vin de Champagne et d'espagnole,
faites réduire ce ragoût à courte sauce, mettez-le dans des
coquilles (nommées communément pèlerines), panez-les,
faites-leur prendre une belle couleur au four, ou sous un
four de campagne, et servez.
Poularde entrée de broche. - Poêlez ou mettez cette
poularde à la broche, et pour la servir, faites une sauce au
beurre d'écrevisses ou tout autre sauce qu'il vous plaira (V.
SAUCE AU BEURRE D'ECREVISSES).
Poularde entrée de broche à la ravigote. - Procédez,
pour cette poularde, comme il est indiqué à l'article Poulets
à la ravigote.
Poularde à l'ivoire. - Préparez cette poularde comme
il est indiqué à l'article Poulets à l'ivoire.
Poularde aux huîtres. - Même préparation que le
poulet aux huîtres.
Poularde sauce à l'estragon. - Préparez la poularde
comme les précédentes, poêlée. Dans une mirepoix,
mouillez avec bon jus, un peu de vin blanc, passez le fond,
clarifiez, ajoutez les feuilles d'estragon et servez (V. SAUCE
A L'ESTRAGON).
Poupelin. - Ancienne pâtisserie d'entremets très
délicate, faite avec du beurre, du lait et des oeufs frais,
pétrie avec de la fleur de farine. On y mêle aussi de
l'écorce de citron et du sucre, afin de lui donner bon goût.
Faites bouillir à peu près une chopine d'eau, un quart de
beurre et un peu de sel. Quand l'eau commence à bouillir,
vous y mettez de la farine ce qu'elle peut en boire, vous la
faites sécher et la changez de casserole. Délayez-y alors
douze ou quatorze oeufs les uns après les autres.
Beurrez une casserole. Mettez-y la pâte, qui ne doit
monter qu'au quart, parce qu'elle quadruplera de volume en
cuisant, et faites cuire dans un four bien chaud; ôtez votre
poupelin lorsqu'il est cuit, coupez-le en travers, frottez-en
l'intérieur avec du beurre bien frais et saupoudrez sur le
beurre de sucre et de fleur d'oranger pralinée. Beurrez aussi
l'intérieur, saupoudrez de sucre et glacez avec la pelle
rouge.
Autre manière. - Prenez un fromage à la crème bien
égoutté et bien frais, du sel, trois oeufs frais, blancs et
jaunes, et deux poignées de fleur de farine; pétrissez le
tout ensemble, mettez dessous des petits morceaux de
beurre et faites cuire au four dans une tourtière beurrée.
Lorsqu'il est cuit, de belle couleur, coupez-le par la moitié,
ôtez-en le dedans, râpez-y du sucre, piquez-le de lardons,
d'écorce de citron confite, arrosez-le de beurre fondu,
passez la pelle rouge dessus, recouvrez-le et mettez-le au
four, saupoudrez-le de sucre fin, passez la pelle rouge et
servez chaudement. (Document de la famille La Reynière).
Poupeton. - Espèce de gâteau fait avec du hachis de
viande ou de poissons.
Poupeton au gras. - Prenez de la cuisse de veau,
moelle de boeuf, lard blanchi, hachez le tout avec des
champignons, persil, ciboules, mie de pain, trempez dans de
bon jus et deux oeufs crus. Formez votre poupeton en
garnissant une tourtière de bardes de lard. Mettez votre
hachis par dessus, puis des pigeons ou des poulets passés au
roux; couvrez la volaille avec le reste du hachis, couvrez la
tourtière et faites cuire feu dessus et dessous. Quand votre
poupeton est cuit, vous le renversez proprement sur un plat
et le servez chaudement.
Autre poupeton au gras. - Faites un hachis de
rouelles de veau dont vous aurez ôté les peaux et les nerfs,
lard et graisse de boeuf, persil, ciboules, champignons, sel,
poivre, fines herbes, fines épices; mettez un peu de mie de
pain dans une casserole avec de la crème ou du lait, faites
cuire sur le fourneau comme une crème et mettez-y deux
jaunes d'oeufs crus, laissez-la refroidir, puis mettez-la dans
le godiveau avec quatre ou cinq jaunes d'oeufs crus, hachez
bien cette farce et pilez-la ensuite dans un mortier.
Garnissez le fond d'une tourtière de bardes de lard,
mettez le godiveau par dessus et unissez-le avec le bout de
votre couteau, que vous aurez trempé dans un oeuf battu.
Passez des petits pigeons dans une casserole avec un
peu de lard fondu, un bouquet garni, un oignon piqué de
clous de girofle, crêtes, ris de veau, champignons et truffes
coupés par tranches; mouillez-les de jus et laissez mitonner
à petit feu, puis dégraissez ce ragoût, liez-le d'un coulis de
veau et de jambon, ajoutez-y quelques pointes d'asperges,
et, si c'est la saison, des fonds d'artichauts, et laissez
refroidir.
Votre ragoût étant froid, dressez les pigeons avec la
garniture; mettez-le dans la tourtière, couvrez-le du reste
du godiveau, unissez le dessus et frottez-le d'un oeuf battu.
Renversez les bardes de lard qui sont autour de la tourtière
dessus, couvrez-le et faites cuire au four feu dessous et
dessus; quand il est cuit, renversez-le sur un plat, jetez-y un
coulis clair de veau et de jambon, garnissez, si vous voulez,
de marinade de poulets et de pigeons au basilic et servez
chaudement pour entrée.
Les poupetons de cailles, perdrix, tourterelles, ortolans,
etc., se font de la même manière; la seule différence est
dans le ragoût que l'on met dans le poupeton.
Poupeton au sang. - Désossez deux lièvres et un lapin
de leur chair, faites-en un hachis avec un morceau de
jambon, champignons, truffes, persil, ciboules, poivre, sel,
fines épices, un peu de basilic et trois ou quatre jaunes
d'oeufs crus. Tuez ensuite trois ou quatre petits pigeons
dont vous conservez le sang, dans lequel vous mettrez un
jus de citron pour empêcher qu'il ne tourne; faites un
ragoût de vos pigeons comme il est dit dans l'article
précédent, et liez-le d'un coulis de veau et de jambon et du
sang des pigeons que vous aurez délayé avec deux jaunes
d'oeufs; mettez avec la chair du lièvre de très petits lardons
et faites-en une espèce de pâte, garnissez une tourtière de
bardes de lard, mettez au fond le ragoût de pigeons et
autour le hachis que vous aurez fait. Couvrez le tout et
faites cuire comme il est dit ci-dessus. Quand votre
poupeton est cuit, vous le renversez sur un plat, le
garnissez tout autour de tranches de jambon et l'arrosez
avec une essence de jambon.
Poupeton au maigre. - Ecaillez deux ou trois carpes,
ôtez-en les peaux, désossez- les et faites un hachis avec la
chair et celle d'une anguille, des champignons, du persil, de
la ciboule, du sel, poivre, un peu de basilic et de muscade;
pilez une douzaine de grains de coriandre avec trois ou
quatre clous de girofle dans un mortier, et mettez- y votre
hachis; vous mêlez et pilez bien le tout, vous mettez du
beurre à proportion, vous ajoutez un peu de mie de pain
mitonné dans du lait ou de la crème et trois ou quatre
jaunes d'oeufs crus délayés ensemble, vous liez le tout
ensemble et laissez refroidir cette farce. Vous faites
pendant ce temps un ragoût de laitances de carpes bien
blanchies, vous le liez d’un coulis d'écrevisses et vous le
laissez refroidir.
Vous beurrez le fond d'une tourtière, vous y étendez
du papier et vous en garnissez le fond et les bords avec
votre farce; mettez le ragoût de laitances au fond, couvrez-le
du restant de la farce que vous unissez avec un oeuf battu,
arrosez d'un peu de beurre fondu, faites cuire au four
comme il est dit ci-dessus, renversez votre poupeton, faites
un trou au milieu et mettez-y un coulis d'écrevisses.
Pourpier. - Plante à feuilles larges, épaisses et
charnues, qu'on emploie quelquefois pour garnir des
salades, et que, dans certains pays, on prépare à la manière
des cardes. Après avoir été blanchie, on peut la placer sous
un gigot de mouton rôti, où elle reçoit une saveur agréable
du jus dont elle s'imprègne. On peut aussi la confire dans du
vinaigre et du sel, et elle se conserve très longtemps.
Friture de pourpier à la milanaise. - Faites macérer
pendant quelques heures des tiges de pourpier dans leur
entier avec du jus de citron, de la cannelle et du sucre en
poudre. Trempez-les ensuite dans une pâte à frire mêlée
avec des blancs d'oeufs fouettés et un peu d'eau-de-vie;
faites cuire à petit feu et servez chaudement.
Ragoût de côtes de pourpier. - Epluchez des côtes de
pourpier et faites-les cuire à demi dans une eau blanche,
égouttez-les et mettez-les ensuite dans une casserole avec du
coulis clair de veau et de jambon; faites mitonner à petit
feu et réduire, mettez ensuite un peu de beurre manié de
farine, donnez au ragoût une pointe de vinaigre.
Se sert avec toutes sortes d'entrées.
Praline. - Pralines (V. DRAGEES).
Présure. - On donne particulièrement ce nom à une
liqueur acide contenue dans la caillette des veaux et des
jeunes animaux ruminants à l'âge où ils sont encore nourris
de lait, et qui sert à faire cailler le lait qu'on prépare pour
en faire des fromages.
On conserve la présure de la manière suivante:
Videz une caillette de veau uniquement nourri de lait,
lavez-la, remettez-y le lait caillé qui y était contenu avec
une poignée de sel, liez-en l'ouverture avec une ficelle et
mettez-la dans un pot avec une bouteille d'eau-de-vie et six
onces d'eau, couvrez bien le pot et faites infuser un mois,
puis filtrez-la et conservez-la dans une bouteille bien
bouchée, pour vous en servir au besoin.
Une cuillerée à café de présure suffit pour cailler le lait.
Profiteroles. - Entremets sucré. Ce gâteau se trouve
chez tous les pâtissiers des grandes villes. Nous ne croyons
pas devoir en donner la recette. On fait des
profiteroles au chocolat.
Provençale (Sauce à la). - Elle se fait avec deux
jaunes d'oeufs crus, une cuillerée de jus ou de consommé
réduit, de l'ail, du piment enragé et le jus de deux citrons.
On la fait prendre au bain-marie, sur de la cendre chaude,
en la remuant toujours afin qu'elle prenne consistance. On
y ajoute de l'huile d'olive que l'on y mêle bien, et on la sert
en entrée de poisson.
Pruneaux. - On donne ce nom aux prunes cuites au
four. Leur fabrication est des plus simples; elle consiste à
cueillir les prunes lorsqu'elles sont bien mûres, à les
déposer sur des claies, à les exposer dans le four à une
douce température trois ou quatre fois de suite; après ces
opérations, les pruneaux, déposés dans un lieu sec, se
conservent sans altération pendant une ou deux années. On
emploie le plus ordinairement pour cette dessiccation les
prunes de Damas.
Les pruneaux de quelques pays, de Tours, de Nancy, de
Brignoles, d'Agen, ont acquis une réputation méritée et
sont la source d'un revenu très important; ils sont d'ailleurs
préparés avec beaucoup plus de soin que les pruneaux
communs du commerce.
Pour préparer les pruneaux de Tours, il faut prendre des
prunes de Sainte-Catherine, bien mûres, qui tombent de la
branche à la moindre secousse; on les range sur des claies et
on les expose au soleil quelques jours de suite; elles se
ramollissent et atteignent le point où elles contiennent la
plus grande quantité du principe mucoso-sucré. On les
met ensuite vingt-quatre heures dans un four légèrement
chauffé; on les retire, on chauffe le four de nouveau au
tiers environ de la chaleur nécessaire au pain et on remet
les prunes, en ayant toujours soin de boucher exactement
l'ouverture du four. On répète une troisième fois la même
opération, en élevant toujours la température du four. A ce
point, on prend les pruneaux un à un, on les presse entre le
pouce et l'index, après avoir tourné le noyau de travers; on
remet les pruneaux au four chauffé à la température qu'il a
lorsqu'on retire le pain; le four doit être hermétiquement
fermé à l'ouverture. Après une heure de cette chauffe, on
retire les pruneaux, on place pendant deux heures dans le
four un vase contenant de l'eau; enfin, on remet les
pruneaux après avoir ôté le vase, on ferme hermétiquement
et on laisse passer pendant vingt-quatre heures; c'est alors
qu'ils auront pris le blanc.
Les pruneaux ainsi préparés sont superposés les uns sur
les autres dans de petits paniers et conservés en lieu sec.
La matière blanche qu'on y développe par la dernière
opération, matière de nature résineuse, paraît plutôt
nuisible qu'utile à la qualité: elle les rend moins faciles à
digérer. Les pruneaux d'Agen qui se préparent de la même
façon ne reçoivent pas le blanc et beaucoup de personnes
les préfèrent.
On fait ordinairement cuire les pruneaux avec du
sucre, excepté les brignoles qui sont assez sucrés par euxmêmes
pour ne pas en avoir besoin, et, pour donner plus de
relief à ces compotes, on y mêle un peu de vin de Bordeaux.
Prunes. - Les prunes furent apportées de Syrie et de
Damas par les Croisés, et leurs différents noms, comme on
le pense bien, ont une signification. Ainsi, celles de Reine-
Claude doivent leur nom à la première femme de François
1er, fille de Louis XII. On lit que cette bonne reine Claude
fit greffer de cet arbre dans son jardin pour en bailler à
tous. Celles de Mirabelle ont été apportées en Provence,
puis en Lorraine, par le roi René. Quant à celles de
Monsieur, on les nommait ainsi parce que Monsieur, frère
du roi Louis XIV, les aimait beaucoup et ne pouvait s'en
rassasier.
Les prunes sont d'excellents fruits, très sucrés et très
nourrissants un peu acidulés dans la plupart des variétés,
susceptibles de former une boisson fermentée bien
supérieure à celle que boivent les cultivateurs dans
quelques- uns de nos départements. Dans quelques-unes, la
matière sucrée paraît unie à un principe légèrement acerbe
qui disparaît par la cuisson, et comme ces espèces ont un
parenchyme abondant, ce sont celles qui forment, par la
dessiccation imparfaite qu'on leur fait éprouver, les
meilleurs pruneaux.
On fait avec les prunes d'excellentes compotes, des
confitures, des marmelades, pâtes, ratafias et puddings.
(Voyez ces articles).
Pudding. - Mets anglais dont nous avons déjà parlé à
l'article Plum- pudding. Nous allons donner ici quelques
recettes françaises.
Pudding de pommes reinette au raisin de muscat. -
Pelez et épépinez quelques pommes de reinette coupées par
quartiers, et émincez chaque quartier en cinq parties égales;
sautez ces pommes dans une grande casserole avec 120
grammes de sucre fin sur lequel vous aurez râpé le zeste
d'un citron, 125 grammes de beurre tiède et 250 grammes
de muscat bien lavé et dont vous aurez ôté les pépins.
Placez votre casserole sur le fourneau, feu dessus et
dessous, et aussitôt que les pommes sont bien échauffées,
vous les versez sur votre plafond de pâte, vous mettez
cuire le tout ensemble et vous terminez l'opération
comme il est indiqué à l'article Plum pudding.
Grand pudding à la moelle. - Procurez-vous 72
grammes de graisse de rognon de boeuf et 36 grammes de
moelle bien entière, ôtez les pellicules de la graisse et
hachez-la très fin en y ajoutant la moelle et quelques onces
de farine tamisée, un quart de sucre en poudre, cinq oeufs,
un demi-verre de lait et le quart d'un verre de vieille eau- devie
de Cognac; délayez bien ce mélange, mêlez-y la moitié
d'une noix muscade râpée, une bonne pincée de sel fin, 2
onces de cédrat confit en filets, 6 onces de beau raisin de
Corinthe épluché et lavé, 6 onces de vrai muscat dont vous
séparerez les grains en deux, ajoutez trois belles pommes de
reinette hachées très fin et la moitié d'un pot de
marmelade d'abricots pour donner du moelleux au
pudding. Le tout étant parfaitement amalgamé, vous le
versez sur le milieu d'une serviette presque entièrement
beurrée et vous liez cette serviette de manière à donner une
forme ronde au pudding au milieu duquel vous attachez
avec une épingle le bout d'un cordon de quinze lignes de
longueur qui sera tenu à l'anneau d'un poids de dix livres
afin de contenir le pudding fixe à l'ébullition, point
essentiel de l'opération; vous mettez alors le pudding et le
poids dans une grande marmite pleine d'eau bouillante que
vous aurez soin de toujours tenir en ébullition sur un feu
modéré pendant quatre heures et demie. Au bout de ce
temps, ôtez-le de la serviette en le dressant sur un
couvercle, puis avec un couteau tranchant enlevez-en la
superficie, afin d'en séparer les parties blanchies par
l'ébullition que vous couvrez d'un bol, que vous
retournerez ensuite pour parer le dessous du pudding sur
lequel vous placez le plat et que vous renversez sens
dessus dessous, ôtez le bol, masquez l'entremets d'une
sauce au vin d'Espagne et servez de suite.
Vous faites la sauce de cette manière: délayez dans une
casserole quatre jaunes d'oeufs avec une demi-cuillerée de
fécule, 2 onces de sucre fin, un peu de beurre d'Isigny, un
grain de sel et deux verres de vin de Malaga. Tournez cette
sauce sur un feu modéré; aussitôt qu'elle s'épaissit, passezla
à l'étamine fine et servez-la à proximité du pudding.
Pudding à la parisienne, appelé pudding du cabinet
diplomatique. - Hachez très fin une gousse de vanille
bien givrée, pilez-la avec 4 onces de sucre et passez le tout au
tamis; hachez très fin une livre de graisse de rognon de veau
et une demi-livre de moelle de boeuf; joignez-y une demilivre
de farine de crème de riz, délayez ce mélange dans
une casserole avec sept jaunes d'oeufs et deux oeufs entiers,
un demi-verre de crème et un demi-verre de vrai
marasquin d'Italie, une pincée de sel fin, le quart d'une
muscade râpée, deux onces de pistaches entières, quatre de
macarons doux concassés gros, le sucre à la vanille, une
once d'angélique hachée, trente belles cerises confites,
égouttées, séparées en deux, puis six pommes d'api,
hachées très fin; amalgamez bien le tout ensemble, puis
versez le pudding sur la serviette et finissez le procédé
selon la règle.
Pendant la cuisson, vous coupez en filets 2 onces de
pistaches (chaque amande en six morceaux), et lorsque le
pudding est tout paré, prêt à servir, vous semez dessus du
sucre en poudre, vous y fichez les filets de pistaches, dans le
genre des pommes meringuées en hérisson, vous servez
promptement et faites la sauce comme à l'ordinaire.
On peut, en place de cerises, y mettre le même
nombre de beaux grains de verjus confit, et, en place de
pistaches entières, deux onces de cédrat confit et coupé en
petits filets.
Pudding aux groseilles vertes et roses. - Ayez une
livre de groseilles vertes et bien mûres, une autre livre des
mêmes groseilles, mais roses et de bonne maturité; vous en
ôtez la fleur et la queue avec le bec d'une plume, vous les
épépinez et vous les roulez avec six onces de sucre fin.
Continuez le pudding comme il est indiqué ci-dessus.
(Recette de M. de Courchamps).
Pudding aux fraises. - Epluchez deux livres ou plus
de belles fraises, lavez-les vivement, égouttez-les sur une
serviette, roulez-les ensuite dans une terrine avec six onces
de sucre fin et versez-les dans le pudding que vous aurez
préparé selon la règle; finissez comme de coutume. Les
puddings aux framboises, aux prunes, aux cerises, aux
abricots se préparent de même.
Pudding de pommes à la crème. - Coupez par
quartiers quinze pommes de reinette, épluchez-les, faitesles
cuire dans une grande casserole avec du sucre fin, un
peu de beurre tiède; préparez ensuite la moitié de l'une des
recettes des crèmes pâtissières (Voir cet article), préparez
une abaisse de pâte fine, placez-y les quartiers de pommes au
fond et autour, de façon à laisser au milieu un creux pour y
verser la crème, couvrez et finissez le pudding comme
d'habitude, et au moment de servir masquez-le de
marmelade d'abricots et semez dessus des macarons
écrasés.
Pudding au riz à l'orange. - Lavez à plusieurs eaux
tièdes 500 grammes de riz de la Caroline et mettez-les à
l'eau froide sur le feu; égouttez le riz quand vous le voyez
bouillir, et faites- le cuire ensuite avec du lait, du beurre fin
et du sucre en poudre sur lequel vous aurez râpé le zeste de
deux oranges douces. Lorsque votre riz sera crevé et de
consistance un peu ferme, vous y mêlez 250 grammes de
moelle hachée, 125 grammes de raisin de Corinthe, la
moitié de macarons amers, 60 grammes d'écorce d'orange
confite coupée en dés, six jaunes d'oeufs, trois oeufs
entiers, un demi-verre d'eau-de-vie d'Andaye, une pincée
de sel; amalgamez bien le tout et versez-le sur une serviette
beurre; finissez l'opération comme de coutume, mais en ne
laissant bouillir que deux heures au lieu de quatre; dressez
le pudding sur le plat, masquez-le avec 60 grammes de
macarons écrasés et servez-le sans sauce.
On peut remplacer le raisin muscat par du Corinthe;
on peut aussi supprimer la moelle et la remplacer par du
beurre tiède en y ajoutant de la muscade.
Cabinet pudding. (entremets anglais). - Ayez de gros
biscuits ou des morceaux de gâteau de Savoie que vous
coupez en tranches. Beurrez un moule et mettez au fond
quelques raisins de caisse épépinés et autant de raisins de
Corinthe lavés et épluchés, joignez-y quelques morceaux de
cédrat confit coupés en petits dés; placez une couche de
biscuits, puis une couche de fruits, et ainsi de suite
jusqu'à ce que le moule soit rempli. Préparez une crème à
l'anglaise, versez-la dans le moule afin qu'elle s'incorpore
dans le biscuit, mettez le pudding au bain-marie pendant
une heure, arrosez-le avec un peu de gelée de groseille et
servez.
Pudding au pain ou bread-pudding. - Prenez un plat
creux qui aille au feu, garnissez-le de tranches de pain
beurrées que vous saupoudrez de raisins de Corinthe bien
lavés et bien épluchés; délayez deux oeufs entiers avec un
litre de lait que vous aurez assaisonné de sucre en poudre et
de zeste de citron; versez le tout sur les tranches de pain,
faites cuire à un four doux pendant une demi-heure et
servez.
Puits. - Puits, en termes culinaires, désigne le vide
qu'on doit former dans la pâte pour y introduire les divers
ingrédients qui entrent dans sa composition pour la délayer
plus commodément et pour y mélanger la levure.
On nomme également puits le vide laissé par des
viandes dressées en couronne, destiné à recevoir un ragoût,
un coulis ou autre garniture.
Puits d'amour. - Espèce de pâtisserie feuilletée, faite
de pâte et de confiture.
Punch. - A l'eau-de-vie, au rhum, au kirsch, au vin, le
punch n'est autre chose qu'une de ces liqueurs dans
lesquelles on met du sucre et des tranches de citron, de la
muscade et de la cannelle; on met ensuite le feu aux
liqueurs qui par là deviennent un composé excellent. Nos
voisins les Anglais ont un goût particulier pour les punchs;
on peut en juger par celui que donna sir Edward Russel,
commandant en chef des forces britanniques, le 25
octobre 1694. Ce bol de punch, le plus extraordinaire dont
on ait jamais entendu parler, fut préparé dans le vaste bassin
de marbre du jardin de sa maison: quatre barriques d'eau-devie,
huit barriques d'eau clarifiée, vingt-cinq mille limons,
quatre-vingts pintes de jus de citron, treize quintaux de
sucre de Lisbonne, cinq livres de muscade, trois cents
biscuits pilés, et enfin une pipe de vin de Malaga furent
versés dans le bassin sur lequel un dais avait été dressé
pour le garantir de la pluie; on avait construit en bois de
rose un petit batelet dans lequel un mousse élégamment
habillé, appartenant à la flotte, voguait sur le punch même
et en servait à la compagnie, composée de plus de six mille
personnes.
En général, cette boisson se boit chaude, et pendant
longtemps un bol de punch enflammé constitua en
Angleterre le dernier et indispensable service de tout repas
bien ordonné. Cette liqueur est très fortifiante et très
agréable; elle convient beaucoup après les grandes fatigues
pour rappeler la transpiration qui pourrait avoir été
supprimée par l'humidité, le froid et la pluie. On peut en
boire plusieurs verres sans crainte qu'elle fasse mal.
D'après le Dictionnaire de Trévoux, le punch était
connu en 1763 sous le nom de bonne ponche; il se
composait alors avec une chopine d'eau-de-vie, une pinte
de limonade et une livre de cassonade mélangées ensemble;
on y ajoutait de la muscade en poudre et des galettes de
mer grillées et broyées; mais cette boisson n'était guère
connue que des marins de nos navires marchands.
Voici la meilleure formule, selon nous, pour faire
aujourd'hui le punch à la française:
Mettez dans le même bol une bouteille de vieux rhum
de la Jamaïque, avec deux livres de sucre royal et
concassé, faites-y prendre le feu et agitez le sucre avec une
spatule afin qu'il se caramélise en brûlant avec le rhum;
après diminution d'un tiers du liquide, immiscez dans le
même bol et mélangez avec ce rhum sucré quatre pintes de
thé Soutchon, qui doit être bouillant, joignez-y le suc de
huit citrons et de douze oranges bien mûres. Ajoutez-y
finalement du blanc rack de Batavia, la valeur d'un quart de
pinte, et servez, avec ce punch, qui doit être très chaud afin
de bien produire tous ses effets, une corbeille de gaufres
aux macarons d'amandes, ou de tous autres gâteaux secs et
de fine pâte.

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