DUMAS Le Grand Dictionnaire de Cuisine (03)


Après ces grandes façons de préparer et de servir
l'aloyau, nous en citerons quelques- unes qui ne sont pas
moins bonnes pour être plus simples.
Filet d'aloyau à la bourgeoise. - Lardez fortement un
filet d'aloyau; mettez votre filet à la casserole sur un fond de
parures, avec oignons, carottes et céleri, fonds d'artichauts,
bouquet garni et 250 grammes de bouillon sans graisse.
Filet d'aloyau aux concombres. - Parez votre filet,
piquez, faites rôtir avec concombres farcis à la chair de
volaille et à la moelle de boeuf.
Filet d'aloyau aux oignons glacés ou aux laitues
farcies. - Parez et faites cuire; comme ci-dessus dégraissez
et entourez de laitues farcies et d'oignons glacés.
Filet d'aloyau aux conserves. - Parez comme pour un
aloyau braisé, lardez et faites rôtir; mettez filets de
cornichons, rouelles de betterave confite, oignons, chouxfleurs,
guignes, cassis, alizes, mirabelles, etc.., avec
quelques cuillerées à dégraisser de glace de viande et une de
vinaigre, le tout dans la casserole, faites chauffer sans
bouillir et servez très chaud sous le boeuf.
Filet d'aloyau aux cornichons à la bonne-femme. -
Modification du précédent, qui consiste à remplacer la
glace de viande par un roux léger; mouillez avec du
consommé dans lequel nageront des cornichons coupés en
tranches.
Filet d'aloyau au vin de Malaga. - Même parure que
pour l'aloyau rôti; lardez fortement; garnissez la casserole
d'un lit de bardes de lard, d'une tranche de noix de veau,
d’une tranche de jambon cru, de carottes, d'oignons,
mousserons, fonds d'artichauts, bouquet garni; mettez
l'aloyau sur le tout; mouillez de deux verres de malaga,
coupez de deux ou trois cuillerées à pot de bouillon réduit;
laissez cuire sur un feu léger pendant un peu plus de deux
heures et tamisez afin de glacer avec consistance et
transparence. Plat recommandable.
Filet d'aloyau au vin de Madère, à la bourgeoise. -
Mettre à la broche, arroser de son propre jus et d'une demibouteille
de madère, avec rocambole pilée et mignonnette.
Amandes douces, amandes amères. - On donne le
nom d'amande à la semence de tous les arbres à noyaux
renfermée dans une écorce dure. On dit une amande
d'abricot, une amande de pêche, etc.; mais il est ici
particulièrement question du fruit de l'amandier qui croît
en Italie, en Provence, en Languedoc, en Touraine et en
Afrique; l'huile qu'il renferme s'altère vite et contient de
l'âcreté; les amandes sont en elles-mêmes adoucissantes,
rafraîchissantes, nourrissantes et calment la toux; les
mauvais estomacs seulement ne doivent pas se donner le
travail difficile de les digérer en grande quantité. La peau de
l'amande en vieillissant se recouvre au contraire d'une
poussière âcre qui irrite la gorge, excite la toux et rend
l'amande plus indigeste. L'amande amère n'entre pas dans
l'alimentation, elle contient un acide connu sous le nom
d'acide prussique ou hydrocyanique; c'est le poison le plus
rapide et le plus violent. Une goutte d'acide prussique
posée sur la langue ou sur l'oeil d'un boeuf le tue à l'instant
même. C'est surtout avec les amandes de la pêche qu'on le
prépare. S'il y a empoisonnement par acide prussique et
que, soit par l'évaporation, soit par toute autre cause, cet
empoisonnement n'a pas lieu avec une rapidité
foudroyante, il faut faire prendre au malade une
préparation de fer. Dans les indispositions à la suite de
l'absorption d'une trop grande quantité d'amandes amères, il
faut répéter cette expérience. Avec les amandes douces, on
peut faire les préparations suivantes:
Crème d'amandes. - Pilez et émondez 460 grammes
d'amandes douces, mêlez-y trois amandes amères
seulement, passez cette composition à l'étamine après
l'avoir délayée avec de la crème bouillante, ajoutez des
jaunes d'oeufs ainsi que de l'eau double de fleur d'orange, et
faites prendre cette crème au bain-marie. On peut garnir ce
plat d'amandes pralinées. Consignons ici en passant que
c'est à Bourges qu'on fait les meilleures amandes pralinées.
Amandes pralinées. - Ce nom leur vient de la
maréchale de Praslin dont le chef d'office avait inventé
cette friandise. Vous mettez dans une poële 500 grammes
d'amandes, 500 grammes de sucre, un verre d'eau distillée,
vous faites bouillir le tout jusqu'au pétillement des
amandes; retirez du feu et remuez jusqu'à ce que le sucre
n'adhère plus aux amandes. Enlevez une partie du sucre,
remettez l'autre sur le feu; remuez jusqu'à nouvelle
adhérence du sucre et des amandes, et mettez les pralines au
sec. Les pistaches pralinées, les avelines pralinées, se
préparent comme les amandes, et, comme elles, se
conservent dans un endroit sec.
Gâteau d'amandes. - Prenez un demi-litre de farine;
mettez dedans environ 50 grammes de beurre, deux oeufs
complets, un peu de sel, 63 grammes de sucre blanc, 90
grammes d'amandes douces pilées, pétrissez le tout faites
cuire comme un gâteau ordinaire et glacez avec sucre et
pelle rouge.
Gâteau d'amandes massif. - Prenez un kilo d'amandes
douces mondées, lavées, pilées, mêlées à 15 grammes
d'amandes amères. Ajoutez-y des épidermes de citrons
confits, de l'angélique, de la fleur d'orange pralinée, un peu
de sel, 1 kilo de sucre, dix- sept jaunes et seulement cinq
blancs d'oeufs; mélangez, beurrez votre moule, mettez-y le
tout garni de papier beurré, et cuisez à four doucement
chauffé.
M. de Courchamps donne le conseil, et je ne puis
qu'inviter le lecteur à le suivre, de mettre à proximité de
cet entremets une crème liquide aux jaunes d'oeufs, dans
laquelle vous aurez versé du lait d'amandes au lieu de lait
ordinaire et que vous aurez fait cuire au bain-marie.
Compotes d'amandes vertes. - Préparez comme une
compote d'abricots verts, mais versez avant le
refroidissement une petite cuillerée de kirsch.
Petits gâteaux d'amandes. - Mondez 250 grammes
d'amandes douces et deux ou trois amandes amères; pilezles;
mettez un blanc d'oeuf; ajoutez-y 500 grammes de
sucre, un peu de fleur d'orange pralinée et de crème;
abaissez du feuilletage à l'épaisseur de cinq millimètres.
Coupez cette pâte ainsi que pour des petits pâtés; garnissez
chaque morceau de feuilletage avec votre préparation
d'amandes; faites-les cuire à un four chaud et poudrez-les
de sucre blanc.
Gâteaux d'amandes à la manière dite de Pithiviers. -
Opérez comme ci-dessus, sinon que le gâteau doit être
recouvert d'une lame de pâte feuilletée.
Macarons d'amandes amères. - Ecossez les amandes
mouillées; pilez avec quatre blancs d'oeufs pour 500
grammes d'amandes, et mettez dans une terrine; jetez-y 1
kilo 500 de sucre en poudre; si la pâte était trop sèche, on y
ajouterait des blancs d'oeufs; dressez la pâte sur des
feuilles de papier par petites portions, et faites cuire à un
feu doux et bien clos.
Macarons d'amandes douces. - Procédez ainsi que
pour les autres macarons, seulement mettez 1 kilo de sucre
par 500 grammes d'amandes.
Biscuits d'amandes. - Prenez 250 grammes d'amandes
douces, 30 grammes d'amandes amères, 60 grammes de
farine et 1 kilo de sucre en poudre, cassez une douzaine
d'oeufs; mettez les blancs dans une tasse, les jaunes dans
une autre, mondez les amandes, pilez-les en y ajoutant
deux blancs d'oeufs, battez le reste en neige, battez les
jaunes à part avec la moitié du sucre, mélangez tous ces
jaunes et tous ces blancs avec vos amandes pilées de
manière à en former une pâte, incorporez-y le reste du
sucre avec de la farine; préparez des caisses de papier,
emplissez-les de votre pâte, et glacez-les avec votre
mélange de sucre et de farine que vous aurez étendu sur un
tamis et que vous agiterez au-dessus de vos caisses pour en
faire tomber une pluie fine; faites cuire ces biscuits dans un
four médiocrement chaud.
Biscuits aux avelines, biscuits aux pistaches, biscuits au
chocolat, biscuits aux marrons glacés, biscuits au rhum,
biscuits à l'orange, au citron, à l'ananas, enfin biscuits à la
crème salée, se préparent de la même manière. (Méthode de
M. de Courchamps).
Lait d'amandes. - Prenez 250 grammes d'amandes
douces, un litre d'eau chaude, 15 grammes de fleur
d'oranger, 180 grammes de sucre; mondez, pilez les
amandes, trempez- les de temps à autre d'un peu d'eau;
lorsque la pâte est devenue fine, délayez- la dans l'eau
chaude et passez le tout au travers d'un linge, et faites
bouillir jusqu'à réduction de moitié. Tamisez et laissez
refroidir.
Ambre. Son origine, ses qualités, par M. A. F.
Olagnier. - Nous allons laisser parler le célèbre professeur,
puis, bon gré, mal gré, nous le forcerons de passer la main à
un autre professeur non moins illustre que lui, à M. Brillat-
Savarin. Nous rappellerons seulement qu'on trouve l'ambre
sur le bord des rivières ou sur le rivage de la mer, mais
qu'on ignore encore comment il se trouve là plutôt
qu'ailleurs.
«Ambre; substance cireuse ou huile concrète, tenace,
molle, fusible, très aromatique, légère, surnageant sur
l'eau, de couleur cendrée, opaque, tachetée ordinairement de
points noirs ou blancs, se ramollissant et se fondant à la
chaleur, insipide et adhérente aux dents quand on la mâche.
«En 1783, le docteur Swediaur, mon ami, publia dans
les transactions philosophiques, un mémoire dans lequel il
établit par des inductions et par des faits, que l'ambre gris
n'est autre chose que l'excrément durci du cachalot à grosse
tête ou de l'animal qui produit le blanc de baleine. Les
pêcheurs en trouvent dans le ventre de ces cétacés depuis
100 grammes jusqu'à 50 kilos; cette substance est placée
dans un sac qu'on croit être l'intestin coecum. Les baleines
à ambre sont maigres, engourdies et languissantes, il est
probable que cette matière est une cause de maladie.
«M. Dandrada, de Lisbonne, prétendit que l'ambre
n'était pas un excrément, parce qu'on l'avait assuré qu'on en
avait retiré de l'estomac des baleines. Quoi qu'il en soit il est
considéré comme une substance animale, à cause de son
odeur urineuse lorsqu'il est fraîchement rejeté sur le rivage,
et de l'avidité avec laquelle le recherchent les oiseaux de
mer qui ne vivent que de poissons. Aujourd'hui l'opinion de
Swediaur paraît être généralement adoptée.
«Il y a deux sortes d'ambre, le cendré et le noir. Le
meilleur est le cendré ou gris. Il doit être propre,
odoriférant et léger. Le noir est peu estimé. Les Orientaux
usent beaucoup de l'ambre comme d'un aphrodisiaque. Il
est plus certain qu'il fortifie et qu'il ranime l'esprit; les
femmes hystériques n'en supportent pas l'odeur. Il sert
aussi comme parfum. La plus odorante de ses préparations
est sa dissolution dans l'alcool et, selon Berzélius, c'est
sous cette forme qu'on doit l'employer.
«L'ambre est composé, selon le même chimiste,
d'ambéine, d'un extrait alcoolique rougissant le tournesol et
de saveur douceâtre, d’un extrait aqueux avec acide
benzoïque et de chlorure sodique.
«Pour savoir s'il est falsifié, il faut le percer avec une
aiguille chauffée, et s'il en sort un suc gras et odoriférant, il
est naturel. Jeté sur des charbons ardents, il exhale une
odeur très pénétrante et agréable, enfin il surnage sur l'eau et
n'adhère point au fer chaud.
«L'ambre frotté fortement a la propriété de l'aimant.
« Les huiles d'olive, de colza, celle de térébenthine à
chaud le dissolvent. L'éther le dissout à froid». (A. F.
Olagnier).
Passons maintenant à Brillat-Savarin. Nous laissons la
parole à l'illustre professeur, pour ne rien ôter ni ajouter à
son style:
«Il est bien que tout le monde sache que si l'ambre,
considéré comme parfum, peut être nuisible aux profanes
qui ont les nerfs délicats, pris intérieurement il est
souverainement tonique et exhilarant; nos aïeux en
faisaient grand usage dans leur cuisine et ne s'en portaient
pas plus mal.
«J'ai su que le maréchal de Richelieu, de glorieuse
mémoire, mâchait habituellement des pastilles ambrées, et
pour moi, quand je me trouve dans quelqu'un de ces jours
où le poids de l'âge se fait sentir, où l'on pense avec peine et
où l'on se sent opprimé par une puissance inconnue, je
mêle avec une forte tasse de chocolat, gros comme une
fève d'ambre pilé avec du sucre, et je m'en suis toujours
trouvé à merveille. Au moyen de ce tonique, l'action de la
vie devient aisée, la pensée se dégage avec facilité et je
n'éprouve pas l'insomnie qui serait la suite infaillible d'une
tasse de café à l'eau prise avec l'intention de produire le
même effet.
«J'allai un jour faire une visite à un de mes meilleurs
amis (M. Rubat); on me dit qu'il était malade et
effectivement je le trouvai en robe de chambre auprès de
son feu, et en attitude d'affaissement.
«Sa physionomie m'effraya; il avait le visage pâle, les
yeux brillants et sa lèvre tombait de manière à laisser voir
les dents de la mâchoire inférieure, ce qui avait quelque
chose de hideux.
«Je m'enquis avec intérêt de la cause de ce changement
subit; il hésita, je le pressai et après quelque résistance:
"Mon ami, dit-il en rougissant, tu sais que ma femme est
jalouse et que cette manie m'a fait passer bien des mauvais
moments. Depuis quelques jours, il lui en a pris une crise
effroyable et c'est en voulant lui prouver qu'elle n'a rien
perdu de mon affection et qu'il ne se fait à son préjudice
aucune dérivation du tribut conjugal que je me suis mis en
cet état. - Tu as donc oublié, lui dis-je, et que tu as
quarante-cinq ans, et que la jalousie est un mal sans
remède? Ne sais tu pas furens quid faemina possit?" Je tins
encore quelques autres propos peu galants, car j'étais en
colère.
«Voyons, au surplus, continuai-je: ton pouls est petit,
dur, concentré; que vas-tu faire?" - Le docteur, me dit-il,
sort d'ici, il a pensé que j'avais une fièvre nerveuse, et a
ordonné une saignée pour laquelle il doit incessamment
m'envoyer le chirurgien". - Le chirurgien! m'écriai-je,
garde t'en bien, ou tu es mort; chasse-le comme un
meurtrier, et dis-lui que je me suis emparé de toi, corps et
âme. Au surplus, ton médecin connaît-il la cause
occasionnelle de ton mal? - Hélas! non, une mauvaise
honte m'a empêché de lui faire une confession entière." - Eh
bien! il faut le prier de passer chez toi. Je vais te faire une
potion appropriée à ton état; en attendant prends ceci». Je
lui présentai un verre d'eau saturée de sucre qu'il avala avec
la confiance d'Alexandre et la foi du charbonnier.
«Alors je le quittai et courus chez moi pour y
mixtionner, fonctionner et élaborer un magistère
préparateur qu'on trouvera dans les Variétés avec les divers
modes que j'adoptai pour me hâter; car, en pareil cas,
quelques heures de retard peuvent donner lieu à des
accidents irréparables.
Je revins bientôt armé de ma aux joues, l'oeil était
détendu, mais la lèvre pendait toujours avec une effrayante
difformité.
«Le médecin ne tarda pas à reparaître; je l'instruisis de
ce que j'avais fait et le malade fit ses aveux. Son front
doctoral prit d'abord un aspect sévère; mais bientôt, nous
regardant avec un air où il y avait un peu d'ironie: -
«Vous ne devez pas être étonné, dit-il à mon ami, que je
n'aie pas deviné une maladie qui ne convient ni à votre
âge, ni à votre état, et il y a de votre part trop de modestie à
en cacher la cause, qui ne pouvait que vous faire honneur.
J'ai encore à vous gronder de ce que vous m'avez exposé à
une erreur qui aurait pu vous être funeste. Au surplus, mon
confrère, ajouta-t-il en me faisant un salut que je lui rendis
avec usure, vous a indiqué la bonne route; prenez son
potage, quel que soit le nom qu'il y donne, et si la fièvre
vous quitte, comme je le crois, déjeunez demain avec une
tasse de chocolat dans laquelle vous ferez délayer deux
jaunes d'oeufs frais».
«A ces mots, il prit sa canne, son chapeau, et nous
quitta, nous laissant fort tentés de nous égayer à ses
dépens.
«Bientôt je fis prendre à mon malade une forte tasse de
mon élixir de vie, il le but avec avidité et voulait
renouveler mais j'exigeai un ajournement de deux heures, et
lui servis une seconde dose avant de me retirer.
«Le lendemain, il était sans fièvre et presque bien
portant; il déjeuna suivant l'ordonnance, continua la
occupations ordinaires, mais la lèvre rebelle ne se releva
qu'après le troisième jour.
Peu de temps après l'affaire transpira, et toutes les
dames en chuchotaient entre elles.
«Quelques-unes admiraient mon ami, presque toutes le
plaignaient et le professeur gastronome fut glorifié.
«Voici la recette de cet élixir qu'il serait dommage de ne
pas livrer à la postérité:
«Prenez six gros oignons, trois racines de carottes, une
poignée de persil, hachez le tout et le jetez dans une
casserole, où vous le ferez chauffer et roussir au moyen
d'un morceau de bon beurre frais.
«Quand ce mélange est bien à point, jetez-y 180
grammes de sucre candi, 1 gramme d'ambre pilé, avec une
croûte de pain grillée et 3 litres d'eau, que vous ferez
bouillir pendant trois quarts d'heure en y ajoutant de
nouvelle eau pour compenser la perte qui se fait par
l'ébullition, de manière qu'il y ait toujours 3 litres de
liquide.
«Pendant que ces choses se passent, tuez, plumez et
videz un vieux coq, que vous pilerez, chair et os dans un
mortier avec le pilon de fer; hachez également 1
kilogramme de chair de boeuf bien choisie.
«Cela fait, on mêle ensemble ces deux chairs,
auxquelles on ajoute suffisante quantité de sel et de poivre.
«On les met dans une casserole, sur un feu bien vif, de
manière à les pénétrer de calorique, et on y jette de temps en
temps un peu de beurre frais, afin de pouvoir bien
sauter ce mélange sans qu'il s'attache.
«Quand on voit qu'il a roussi, c'est-à-dire que
l'osmazôme est rissolée, on passe le bouillon qui est dans la
première casserole. On en mouille peu à peu la seconde et
quand tout y est entré, on fait bouillir à grandes vagues
pendant trois quarts d'heure en ayant toujours soin
d'ajouter de l'eau chaude pour conserver la même quantité de
liquide.
«Au bout de ce temps, l'opération est finie, et on a une
potion dont l'effet est certain toutes les fois que le malade
quoique épuisé par quelqu'une des causes que nous avons
indiquées, a cependant conservé un estomac faisant ses
fonctions.
«Pour en faire usage, on en donne le premier jour, une
tasse toutes les trois heures jusqu'à l'heure du sommeil de la
nuit; les jours suivants, une forte tasse seulement le matin,
pareille quantité le soir, jusqu'à l'épuisement de trois
bouteilles. On tient le malade à un régime diététique léger,
mais cependant nourrissant, comme des cuisses de volaille,
du poisson, des fruits doux, des confitures; il n'arrive
presque jamais qu'on soit obligé de recommencer une
nouvelle confection. Vers le quatrième jour, il peut
reprendre ses occupations ordinaires et doit s'efforcer d'être
sage à l'avenir, s'il est possible.
«En supprimant l'ambre et le sucre candi, on peut par
cette méthode improviser un potage de haut goût et digne de
figurer à un dîner de connaisseur; on peut remplacer le
vieux coq par quatre vieilles perdrix et le boeuf par un
morceau de gigot de mouton, la préparation n'en sera ni
moins efficace, ni moins agréable.
«La méthode de hacher la viande et de la roussir avant
que de la mouiller peut être généralisée pour tous les cas
où l'on est pressé; elle est fondée sur ce que les viandes
traitées ainsi se chargent de beaucoup plus de calorique
que quand elles sont dans l'eau; on s'en pourra donc servir
toutes les fois qu'on aura besoin d'un bon potage gras,
sans être obligé de l'attendre cinq ou six heures, ce qui peut
arriver très souvent surtout à la campagne. Bien entendu
que ceux qui s'en serviront glorifieront le professeur».
(Brillat-Savarin).
Amie. - Poisson de mer qu'on trouve généralement
dans la Méditerranée et qui remonte les rivières pendant
l'été. Sa chair, que Gallien a placée parmi celles qui sont
tendres et bonnes, bien condimentée est assez agréable
quoique peu recherchée, mais nourrit peu.
Ammède. - Genre d'oseille qui croît dans les déserts
de l'Arabie et en Grèce. On mange cette plante comme
l'oseille dont elle a l'acidité et dont les propriétés sont les
mêmes.
Amourette. - Moelle épinière de certains quadrupèdes
et de certains poissons qui servent à la nourriture de
l'homme. Ce fut un vieux seigneur nommé le commandeur de
Froullay, pourvu d'une grande gourmandise et d'un fort
appétit, qui à propos probablement des fonctions de la
moelle épinière dans le genre humain, la baptisa en
gastronomie du nom d'amourette. Il n'y a guère qu'en
Russie où l'on fait de la moelle épinière des esturgeons, des
pâtés, que cette moelle épinière s'emploie en manière de
plat; sur les bords de la mer Caspienne, où l'on arrache avec
cette moelle le dernier soupir des esturgeons, elle porte le
nom de viziga comme les oeufs portent le nom de caviars.
Dans tout le nord de l'Europe, viziga et caviars ont une
grande célébrité près des gourmands.
Anacarde ou noix d'acajou. - La vieille droguerie
employait fréquemment ce fruit qui provient d'un grand
arbre nommé anacardium qui croît sur les bords des
fleuves dans l'Inde et en Amérique; on en mange les jeunes
pousses qui ont une saveur approchant de celle de la
pistache; les habitants les font rôtir pour leur enlever
l'âcreté et les confisent aussi au sucre. Elles sont nutritives,
mais fort échauffantes.
M. le docteur Virey dit qu'autrefois on regardait
l'amande orientale ou la fève de Malac comme utile pour
stimuler ou rappeler la mémoire, et M. Hoffmann raconte
l'histoire d'un homme stupide, incapable d'instruction, qui,
après avoir fait usage de l'anacarde, devint professeur en
droit; mais ensuite le vin altéra sa santé et il mourut d'une
manière misérable.
On se servit pendant longtemps, en Sicile, d'un miel
anacardin composé pour le même objet, mais comme on
reconnut que ceux qui s'en servaient n'étaient ni moins
bêtes, ni plus instruits, on abandonna ce philtre d’un
nouveau genre.
Ananas. - Fruit originaire du Pérou; sa couleur en
maturité tire sur le bleu, son odeur ressemble à celle de la
framboise; sa saveur est douce, le suc approche du goût de
vin de Malvoisie. Pour manger l'ananas, on le coupe par
tranches, on lui fait perdre son âcreté, en le laissant tremper
dans l'eau, et on le met dans le vin en y ajoutant du sucre.
Dans l'Inde, on fait du suc d'ananas mêlé avec l'eau une
boisson rafraîchissante préférable à la limonade. Au Brésil,
on récolte une immense quantité d'ananas sauvages. Ils
sont gros, juteux, aromatiques, on en tire de l'eau-de-vie,
qui ressemble au meskal. L'ananas sauvage atteint soixante
centimètres de hauteur, ses feuilles sont creuses et
renferment une eau claire souveraine pour l'étanchement
de la soif; quoique exposé aux rayons du soleil, cette eau
reste toujours fraîche.
Anchois. - Poisson de mer plus petit que le doigt, sans
écailles et qui a la tête grosse, les yeux larges et noirs, la
gueule très grande, le corps argenté et le dos rond. On le
trouve abondamment sur les côtes de Provence, et c'est de là
qu'il nous arrive confit ou mariné. La chair d'anchois a une
saveur délicate, on la fait griller et elle est de facile
digestion. On la confit aussi avec du vinaigre et du sel, ce
qui forme une saumure dans laquelle on le conserve.
L'anchois conservé ne figure sur nos tables que pour horsd'oeuvre,
ou il ne s'emploie que comme assaisonnement. Il
doit à sa nature et à sa préparation une propriété excitante
qui facilite la digestion quand on en use modérément. C'est
avec les anchois qu'on farcit les olives, il entrait dans la
préparation du garum des Romains. On pêche pendant la
nuit ce poisson sur les côtes occidentales de l'Italie, de la
France et de l'Espagne.
Anchois en salade verte. - Lavez des anchois dans du
vin, levez par filets et faites- en une salade avec du cerfeuil
et de la laitue.
Beurre d'anchois. - Pilez des filets d'anchois dessalés
avec de la crème, tamisez, mélangez avec 125 grammes de
beurre et servez comme hors-d'oeuvre.
Rôties d'anchois. - Faites frire dans l'huile des tranches
de pain longues et minces, préparez-les dans un plat en
versant par-dessus une sauce faite avec de l’huile vierge, du
jus de citron, du gros poivre, du persil, de la ciboule et de la
rocambole hachée. Couvrez à moitié les rôties avec des
filets d'anchois que vous aurez lavés avec du vin blanc.
Anchois farcis. - Les anchois seront entiers; nettoyez
les en les faisant glisser de toute leur longueur dans une
serviette, fendez-les en deux, ôtez-en l'arête, mettez à la
place une petite farce de chair de poisson, bien liée avec
des oeufs, trempez les dans une pâte à beignets, et faitesles
frire.
Canapé d'anchois. - Taillez une mince rondelle de
pain, faites-la frire à l'huile et placez-la sur un fond de
fromage parmesan; arrangez sur la rondelle de pain deux
douzaines d'anchois trempés dans du lait, arrosez d'huile de
Provence, couvrez de parmesan, mettez au four, et faites
servir.
Anchois à la parisienne. - Levez par filets des anchois
dessalés, hachez des oeufs durs avec du cerfeuil et de la
pimprenelle, disposez vos filets d'anchois en les
entrecroisant en losanges sur le fond d'une assiette, de
manière à laisser un peu de vide entre chaque losange.
Remplissez les intervalles et remplissez le tour de votre
assiette, avec votre hachis de jaunes d'oeufs, de vos fines
herbes et de vos blancs d'oeufs que vous placerez en les
alternant, de manière que leurs couleurs ne puissent se
confondre; battez ensuite de l'huile surfine, du verjus, de la
mignonnette avec quelques gouttes de soya de la Chine que
vous verserez sur le fond de votre plat, afin qu'ils
s'incorporent avec l'assaisonnement.
Andouilles de cochon. - Tirez des boyaux de cochon
propres à faire des andouilles, coupez-les de la grandeur et
de la grosseur de celles que vous voulez faire; nettoyez- les
bien pour leur ôter le goût de charcuterie, faites-les tremper
dans un peu de vin blanc pendant cinq à six heures, avec
thym, basilic et deux gousses d'ail; ensuite coupez en filets
du porc frais, de la panne et des boyaux; mêlez le tout,
assaisonnez-le de sel fin, d'épices fines, d'un peu d'anis pilé,
remplissez- en vos boyaux, prenez garde qu'ils ne le soient
trop (ce qui les ferait crever); ficelez-les et mettez-les cuire
dans un vase juste à leur longueur, avec moitié lait et moitié
eau, un bouquet de persil et ciboules, une gousse d'ail,
thym, basilic, laurier, sel, poivre, panne: vos andouilles
cuites, laissez-les refroidir dans leur assaisonnement;
retirez-les, essuyez-les bien, ciselez un peu, faites- les
griller et servez-les.
Andouilles de couenne. - Coupez en filets de la
couenne de jeune cochon, des boyaux et de la panne;
mêlez le tout et procédez, pour assaisonner et finir vos
andouilles, comme il est énoncé à l'article des Andouilles de
cochon.
Andouilles à la béchamelle. - Mettez un morceau de
beurre dans une casserole avec une tranche de jambon,
trois échalotes, du persil et de la ciboule, une gousse d'ail,
thym, basilic et laurier; posez votre casserole sur un feu
doux et laissez suer pendant environ un quart d'heure;
mouillez-la avec un demi-litre de lait; faites-la bouillir et
réduire à moitié; passez-la au tamis, mettez-y une bonne
poignée de mie de pain, et faites-la bouillir de nouveau,
jusqu'à ce que le pain ait bu le lait, ensuite coupez en filets
de la poitrine de porc frais, de la panne, du petit lard et une
fraise de veau, mêlez ces filets avec votre mie de pain et
six jaunes d'oeufs crus, des épices et du sel, remplissez des
boyaux de cette composition; et, ayant fermé vos
andouilles, faites-les cuire avec moitié lait et moitié
bouillon gras, du sel, du poivre, un bouquet de persil, des
ciboules; servez comme à l'article précédent.
Andouilles de boeuf. - Prenez chez le charcutier des
robes d'andouilles; faites- leur passer le goût de boyaux,
comme il est expliqué pour celles du cochon; faites cuire
aux trois quarts dans de l'eau du gras double et des palais de
boeuf; ensuite coupez-les en filets, ainsi que de la tétine de
veau et du petit lard; joignez à ces filets de l'oignon coupé
de même et que vous aurez fait presque cuire dans du
beurre ou du lard; mêlez le tout ensemble, en y ajoutant
quatre jaunes d'oeufs crus, des épices fines et du sel,
entourez cet appareil dans vos boyaux, ficelez- en les deux
bouts, et vos andouilles faites, mettez-les cuire dans du
bouillon gras où vous aurez mis un demi-litre de vin blanc,
un bouquet de persil et ciboules, une gousse d'ail, du
laurier, du thym, du basilic, trois clous de girolle, sel,
poivre, carottes et oignons. Vos andouilles cuites, laissezles
refroidir dans leur assaisonnement; et, pour les servir,
procédez comme il est dit pour les andouilles de cochon.
Vous pouvez vous servir de langues en place de palais
de boeuf.
Andouilles de veau. - Ayez une fraise et une tétine de
veau; faites-les blanchir un grand quart d'heure et coupezles
en filets; joignez-y 500 grammes de petit lard coupé de
même; maniez le tout dans une terrine, avec sel, épices
fines, quelques échalotes hachées, quatre cuillerées à
dégraisser de crème double et quatre jaunes d'oeufs:
procédez ensuite en employant des boyaux de cochon pour
faire vos andouilles, comme il est énoncé à l'article
Andouilles de cochon; faites-les cuire avec du bouillon, un
demi-litre de vin blanc, une gousse d'ail, du thym, du
basilic, du laurier et un bouquet de persil et ciboules,
laissez-les refroidir dans leur assaisonnement, retirez-les,
essuyez-les, et, après les avoir un peu ciselées, faites-les
griller et servez.
Andouilles de fraise de veau. - Prenez une fraise de
veau; faites-la blanchir et cuire; ensuite laissez-la refroidir:
ayez une tétine ou deux selon leur grosseur, faites-les cuire
comme la fraise, émincez le tout; mettez-le dans une terrine,
hachez des champignons, des échalotes, du persil et des
truffes, si c'est la saison, mettez ces fines herbes dans une
casserole avec du beurre, passez- les et mouillez-les avec
un verre de vin de Malvoisie ou de Madère: lorsque cela
sera réduit à moitié, mettez-y quatre ou cinq cuillerées
d'espagnole; faites-le réduire de nouveau comme pour une
sauce aux échalotes. De là mettez-y votre fraise de veau
votre tétine et six jaunes d'oeufs, le tout assaisonné de sel,
poivre et épices fines; assurez-vous si cet appareil est de
bon goût. Dans ce cas, mettez-le dans les boyaux que vous
avez préparés à cet effet, ayant toujours soin qu'ils ne
soient pas trop pleins. Liez-les par les deux bouts. Mettezles
deux minutes dans de l'eau bouillante pour leur faire
prendre leur forme, retirez-les, ensuite laissez-les refroidir;
mettez dans une casserole des lames de veau et de jambon,
carottes et oignons, arrangez dessus vos andouilles;
couvrez-les de bardes de lard, mouillez-les avec du vin
blanc et un peu de bouillon; faites-les cuire une heure et
doucement, pour qu'elles ne crèvent pas; laissez-les
refroidir dans leur assaisonnement pour qu’elles prennent
du goût; après retirez-les, parez-les et faites-les griller à la
façon des andouilles.
Andouilles de sanglier. - Elles se font de la même
façon que les andouilles de cochon. Seulement, elles sont
plus rares et plus recherchées. C'est un mets de haute
saveur, surtout quand elles ont été fumées dans l'âtre, avec du
bois de genévrier, pendant soixante-douze heures de suite.
Alors on les coupe en rouelle et on les fait griller pour les
servir sur une purée de pois verts ou de marrons; c'est un
plat d'entrée et non pas de hors-d'oeuvre.
Andouilles de lapin. - Désossez un bon lapin, coupezle
en filets, ainsi qu'une fraise d'agneau et de la tétine de
veau de Pontoise. Mêlez avec tous ces filets de l'oignon
haché; cuisez; moitié cuit assaisonnez le tout avec du sel,
fines épices, persil, ciboules, échalotes hachées, muscades,
basilic; mettez le tout dans des boyaux préparés à cet effet.
Faites-les cuire dans un consommé avec trois flûtes de
champagne et des fines herbes, laissez refroidir dans la
cuisson pour les paner et les faire griller. Servez-les pour
hors-d'oeuvre.
Les andouilles de faisan et de perdrix que l'on sert
d'ordinaire sur une purée de même gibier se préparent
d'une façon semblable.
Andouillettes. - Les meilleures andouillettes que j'ai
mangées, et je n'en excepte pas les andouillettes de Troyes,
sont les andouillettes de Villers-Cotterêts. Le charcutier qui
les fabrique se nomme Lemerré, et demeure en face de la
fontaine.
Ane. - Les goûts changent. Nous avons vu
dernièrement le cheval sur le point de détrôner le boeuf,
c'eût été toute justice, car le boeuf avait détrôné l'âne.
Mécène fut le premier chez les Romains qui mit en usage
la chair de l'âne domestique; il y a en Numidie et en Perse
quantité d'ânes sauvages qui, dans l'Antiquité, portaient le
nom d'onagres et qu'on appelle aujourd'hui zèbres. Ils sont
d'un gris souris clair, les épaules et le dos sont rayés de
noir, leur tête est grosse, leur démarche beaucoup plus
légère que celle des autres ânes, et leur caractère encore
plus têtu. Les Persans mangent cette chair qu'ils préfèrent à
celle de la gazelle. C'était aussi le goût de leurs ancêtres; le
docteur Olagnier dit, d'après Oléarius, que dans un grand
festin donné par Schah Abbas aux ambassadeurs, on tua et
mangea trente-deux ânes sauvages, que leur viande,
qu'ordinairement on réservait pour la table du monarque,
était exquise. On raconte encore que le roi de Perse se
plaisait énormément à cette chasse et qu'il envoyait à la
cuisine de sa cour ceux qu'il avait tués. Le lait d'ânesse, on
le sait, rend de grands services aux médecins dans le
traitement des maladies de poitrine et particulièrement
dans la phtisie pulmonaire. Il est essentiel que l'ânesse soit
jeune, saine, bien en chair, bien nourrie et privée de son
ânon depuis peu. On ne doit pas non plus laisser refroidir
ce lait et ne pas l'exposer trop longtemps à l'air qui l'altère
aussitôt.
On sait par les vers de Juvénal et par la prose de
Suétone que Poppée, femme de Néron, menait à sa suite
cinq cents ânesses, et se baignait dans leur lait. En outre si
on se rappelait que ce fut une ânesse qui transporta la
Sainte Famille lors de sa fuite en Egypte et que ce fut aussi
sur un animal de cette espèce que Jésus-Christ fit son
entrée triomphante dans Jérusalem, cela suffirait pour
diviniser la pauvre bête, que nos paysans au contraire
accablent de coups et de mauvais traitements.
Cependant quel animal après le cheval est plus utile que
l'âne! Il est sobre, patient, dur à la fatigue, et dans les îles de
Malte et de Sardaigne où on en a conservé et élevé avec
soin des races pures, il est souvent le rival heureux du
cheval qu'il remplace avantageusement dans certaines
localités à cause de son pied plus sûr et de sa vue, de son
ouïe, de son odorat plus développés.
Quant à la qualité de sa chair, il est vrai de dire que
celle de l'âne n'est pas très recherchée, mais celle de l'ânon,
au dire de tous ceux qui en ont mangé et qui l'ont trouvée
excellente, vaudrait certainement mieux que celle du cheval
la plus tendre et la plus savoureuse.
M. Isouard de Malte rapporte que, par suite du blocus
de l'île de Malte par les Anglais et les Napolitains, les
habitants furent réduits à manger tous les chevaux, chiens,
chats, ânes et rats: «Cette circonstance, dit-il, a fait
découvrir que la chair des ânes était très bonne; elle l'est en
effet, au point que les gourmands de la cité Valette l'ont
préférée à la viande des meilleurs boeufs et même des
veaux; aussi, lorsqu'on tuait un âne, c'était à qui pourrait en
avoir. En bouilli, en rôti et en daube surtout, le goût en est
exquis. Cette chair est noirâtre et la graisse tirant sur le
jaune; il faut cependant que l'âne n'ait que trois à quatre
ans et qu'il soit gras. J'observe que je ne constate que la
particularité des ânes de Malte, nourris avec de la paille
et de l'orge, ignorant si la chair des ânes étrangers aurait la
même qualité».
Mécène, ainsi que nous l'avons déjà dit plus haut, fut
le premier qui, chez les Romains, mit la chair de cet animal
en usage; il régalait ses convives avec de l'ânon mariné.
Depuis, en France, au XVIe siècle, le chancelier
Duprat, grand amateur, faisait élever et engraisser des
ânons pour le service de sa table, et, s'il faut en croire les
écrivains du temps, tous ses convives en faisaient leurs
délices; il faut croire que cette chair fut trouvée délicieuse
puisqu'elle fut en usage pendant quelque temps.
Quant aux ânesses, on sait de quelle utilité elles sont, et
combien leur lait est recherché pour différentes maladies de
poitrine. Il faut voir ces humbles bêtes se promenant le
matin dans Paris, s'arrêtant aux portes et attendant
patiemment qu'on vienne les traire; puis elles repartent
sans même se soucier du service qu'elles viennent de
rendre et vont porter ailleurs sinon la santé, du moins un
adoucissement aux douleurs humaines.
J'ai mangé en Kalmoukie de la chair d'ânon qui m'a
paru tenir le milieu entre le boeuf et le veau, et être
excellente.
Aneth. - Espèce de céleri sauvage ou ache. On en
distingue deux sortes; l'Aneth ordinaire dont la racine est
grêle, unique, blanche; les feuilles plus petites que celles du
fenouil, verdâtres et d'une odeur forte; ses fleurs sont
roses, ses graines d'un jaune pâle, la saveur en est douce,
quoique aromatique. On la croit originaire d'Allemagne ou
d'Italie; dans le premier de ces pays on en assaisonne les
aliments; en Italie, on mange ses jeunes feuilles en salade
comme le céleri.
L'Aneth odorant, originaire dit-on d'Espagne ou d'Italie,
a la tige un peu rameuse, ses feuilles sont finement
découpées, ses fleurs jaunes et petites; on cultive cette
plante dans les jardins. Son odeur est suave quoique forte, et
sa saveur aromatique; elle communique au poisson un goût
fort agréable.
Les Romains se couronnaient dans leurs festins avec
des feuilles d'aneth à cause de la bonne odeur de cette
plante, et les gladiateurs en mettaient dans leurs aliments
pour les rendre plus toniques.
Angélique. - Plante aromatique, originaire de Syrie, et
qui croît en général le long des rivières qui avoisinent les
montagnes. Cette plante est un grand régal pour les
Lapons; ils en mangent les feuilles et les racines bouillies
dans du lait; c'est en la mâchant et en mangeant les baies
qu'ils trouvent sous la neige qu'ils complètent leur dessert.
La meilleure angélique se fabrique à Niort, ou l'on a
pieusement gardé la tradition et les formules employées par
les religieuses de la Visitation de Sainte-Marie pour la
confection de cette excellente conserve.
Angelot. - Excellent petit fromage que l'on fabrique en
Normandie et en Lorraine.
Anglet. - Vin blanc fort estimé qui se fabrique à Anglet,
département des Basses- Pyrénées.
Angobert. - Grosse poire ressemblant au beurré; elle
se conserve pendant l'hiver; sa chair est ferme, douce,
excellente à manger en compote.
Anguille. - Les Egyptiens avaient mis les anguilles au
rang des dieux; ils leur rendaient un culte religieux, les
élevaient dans des viviers où des prêtres étaient chargés de
leur apporter tous les jours du fromage et des entrailles
d'animaux. Ils apprivoisaient ces anguilles sacrées et les
décoraient de bijoux en forme de colliers. Athénée appelle
l'anguille la fille de Jupiter. On cherche vainement
comment a pu conquérir cette célèbre généalogie un animal
qui vit constamment dans la vase, où il respire des gaz
infects qui le rendent parfois venimeux. Elle a les mêmes
inclinations que le serpent, s'efforce de mordre, et,
lorsqu'elle est de force, mord quelquefois cruellement. Son
corps est froid, visqueux et glissant, sans écailles, mais
seulement revêtu d’une peau dont on la dépouille
facilement; sa vie est si tenace que, coupée en dix ou douze
tronçons, chacun de ces tronçons coupés s'agite encore;
elle parvient à une grandeur énorme; en Italie et surtout
dans les marais de Comacchio, on en a vu de plus de deux
mètres de long, pesant jusqu'à dix kilogrammes. En
Albanie, leur grosseur égale parfois celle de la cuisse d'un
homme.
L'anguille, sur la génération de laquelle la science ne
nous a rien appris, est encore un mystère. On prétend que
les anguilles, dont, selon Pisanelli, on ne peut distinguer le
sexe, vont se faire féconder à la mer, et qu'il en passe près
des rives de la basse Seine, et particulièrement à Lécon,
près d'Elbeuf, des quantités si nombreuses qu'on peut en
remplir des baquets. Mais les pays où elles atteignent la
plus grande taille, c'est la Pologne et l'Ecosse; le peuple les
regarde comme des serpents et n'en mange point; les Juifs
s’en abstiennent par scrupule religieux. On en trouva une,
en Ecosse, qui avait 6 mètres de long sur 65 centimètres de
circonférence, les matelots qui l’avaient pêchée la
mangèrent et la trouvèrent d'une saveur très délicate. Les
anguilles de rivière sont les meilleures et les plus
recherchées par conséquent. Elles ont le dos brun mêlé de
bleu, le ventre d'un blanc argenté vif et pur, tandis que les
anguilles et étang de mare ou de fossé, sont toujours d'une
couleur terreuse. Chacun sait que ces animaux ont une telle
affection pour la vase que, lorsqu'on vide les étangs, on
n'arrive à les faire sortir de la boue qu'en tirant des coups
de fusil, pour les épouvanter, sur le bord de ces étangs.
Celles qu'on fait sortir ainsi de leur domicile sentent la
vase; c'est un inconvénient auquel il est facile de porter
remède, d'abord en achetant les anguilles vivantes et en les
faisant dégorger, pendant trois jours et trois nuits, dans un
filet d'eau courante ou simplement dans un baquet rempli
d'eau de source où on leur jettera quelques morceaux de
grains d'orge imbibés de vin rouge et de sel fondu. On peut
en faire autant pour les carpes et leur enlever ainsi le goût et
l'odeur de la vase. En général, nos cuisiniers et nos
cuisinières font autour du cou de l'anguille une incision
circulaire, et tirent la peau à eux; mieux vaut, pour
dépouiller l'anguille, l'exposer d'abord à un brasier de
charbon, sur lequel sa peau se plisse et se boursoufle; alors
on fait couler cette peau grillée en la tirant de la tête à la
queue avec un torchon; cette manière de faire perdre à
l'anguille son huile épidermatique la rend d'un meilleur goût
et plus facile à digérer.
Anguille à la broche. - Ayez une belle anguille,
dépouillez-la, limonez-la; à cet effet, mettez-la sur des
charbons ardents, retournez-la de manière qu'elle se grille
partout; essuyez-la avec un torchon, grattez-la avec votre
couteau, supprimez-en les nageoires dorsales et celles de
dessous le ventre, ôtez-lui toute la peau, coupez-lui la tête et
le bord de la queue; pour la vider, ouvrez-lui le haut de la
gorge et un peu le bas du nombril; introduisez-lui par le
nombril une lardoire, du côté du gros bout, et que vous
ferez sortir par le haut, ce qui emportera les intestins; faites
qu'il ne lui reste rien dans le corps; lavez-la, tournez-la en
rond comme une gimblette; passez au travers des petits
hâtelets d'argent (faute de ces hâtelets, servez-vous de
brochettes de bois), fixez-la ainsi avec de la ficelle; mettezla
dans une casserole, versez dessus une bonne mirepois (V.
Mirepois, et façon de la faire) faites cuire à moitié votre
anguille, égouttez-la, mettez-la sur la broche, emballez-la;
faites- la cuire, déballez-la; faites-la un peu sécher, glacezla,
dressez-la sur votre plat, ôtez-en les hâtelets, et servez
dessous une italienne rousse ou une ravigote.
Anguille à la Sainte-Menehould. - Préparez cette
anguille comme la précédente sous tous les rapports,
excepté qu'au lieu de la mettre à la broche, vous la poserez
sur une tourtière; couvrez toutes les parties de cette
anguille d'une Sainte-Menehould; panez-la, mettez-la au
four ou sous un four de campagne pour achever de la cuire
et lui faire prendre une belle couleur; ces deux objets
remplis, dressez-la sur votre plat; ôtez-en les hâtelets ou
les brochettes et la ficelle; servez dans son puits une
italienne blanche, bien corsée, ou une ravigote blanche.
Anguille à la poulette. - Prenez une anguille,
dépouillez-la, limonez-la comme les précédentes;
supprimez-en la tête et le bout de la queue; coupez-la par
tronçons égaux; lavez-la et laissez-la dégorger; ôtez bien le
sang qui se trouve proche l'arête, et grattez-la; mettez dans
une casserole un morceau de beurre ainsi que votre
anguille et des champignons tournés, passez-la un instant
sur le feu, singez-la avec de la farine passée au tamis,
mouillez-la avec du bouillon gras ou maigre et une demibouteille
de vin blanc; ayez soin de la remuer avec une
cuiller de bois jusqu'à ce qu'elle bout; une fois partie,
mettez-y un bouquet de persil et ciboules, garni d'une
demi-feuille de laurier, d'un clou de girofle, avec sel et
poivre; ajoutez-y, si vous le voulez, une trentaine de petits
oignons; laissez cuire et réduire votre ragoût; dégraissezle,
ôtez-en le bouquet, et liez-le avec deux ou trois jaunes
d'oeufs; délayez avec de la sauce de votre anguille et un jus
de citron; dressez-la sur votre plat, et masquez-la de sa
garniture.
Anguille à la Tartare. - Ayez une anguille, dépouillezla,
limonez-la, videz-la, comme il est dit ci- dessus;
coupez-la par tronçons de 15 à 20 centimètres; ôtez le sang
qui se trouve près de l'arête; lavez-la, mettez-la dans une
casserole, avec tranches d'oignons, zeste de carottes,
quelques branches de persil, deux ou trois ciboules
coupées en deux, du vin blanc, du sel, une feuille de
laurier, un ou deux clous de girofle et un peu de thym;
mettez au feu vos tronçons, faites-les cuire, et, leur cuisson
faite, égouttez-les, roulez-les dans de la mie de pain,
trempez-les dans une anglaise (V. Côtelettes de pigeons);
repanez-les; un quart d'heure avant de servir, faites-les
griller, retournez -les sur les quatre faces, pour qu'ils soient
d'une belle couleur; mettez dans votre plat une sauce à la
Tartare, dressez-les dessus et servez.
Matelotte d'anguille marinière. - Prenez une carpe de
Seine, une anguille, une tanche, une perche; coupez-les par
morceaux. Préparez un chaudron d'airain, récurez le fond
légèrement, coupez deux gros oignons en rouelles, mettez
vos têtes de poissons par-dessus, et ainsi de suite, en ayant
soin d'assaisonner de gros sel et poivre, un bon bouquet
garni et quelques pointes d'ail; mouillez le tout avec deux
bouteilles de vin de Narbonne, faites partir sur un grand feu
de cheminée; aussitôt l'ébullition, ajoutez un verre de
cognac, faites flamber, préparez vingt ou trente petits
oignons, que vous passez à la poêle avec un peu de beurre,
rissolez-les, jetez-les dans la matelote; faites, avec un quart
de beurre mêlé à deux cuillerées de farine, de petites
boulettes, parsemez-en le poisson et agitez l'anse du
chaudron pour lier le tout ensemble; dressez votre
matelote, garnissez avec vos croûtons et douze écrevisses
cuites au vin du Rhin, et servez chaud. (Recette Vuillemot).
Anguille en matelote aux oeufs ou aux laitances de
carpes. - J'ai toujours remarqué la préoccupation des
gastronomes qui mangent une matelote faite avec du
barbillon, de la carpe, de la perche et de la tanche; cette
préoccupation est la crainte de s'étrangler; on n'ose pas
tremper son pain dans cette sauce, si excellente, que c'est
elle, la plupart du temps, qui fait passer le poisson. On a
peur qu'une arête ne s'y dérobe et ne se révèle tout à coup à
votre oesophage. Je vais vous offrir un moyen bien simple:
c'est de faire votre matelote avec des objets dans lesquels il
n'entre point d'arêtes, c'est-à-dire avec l'anguille dont les
arêtes sont impalpables, et avec des laitances et des oeufs
où les arêtes sont absentes; les préparations sont les mêmes,
l'assaisonnement est le même, l'adjonction des vingt ou
trente petits oignons est aussi importante que dans la
matelote ordinaire; seulement vous pouvez faire frire, l'un
après l'autre, quatre ou cinq oeufs à qui la capacité de la
poêle permette de prendre toute leur extension, puis vous
garnirez le fond de votre plat de vos quatre ou cinq oeufs,
vous déposerez dessus, avec la pointe d'une fourchette, vos
tronçons d'anguille ainsi que vos oeufs ou vos laites, vous
verserez sur le tout votre sauce, sur laquelle vous
épancherez un petit verre de rhum ou d'eau-de-vie, auquel
vous mettrez le feu et que vous servirez chaud.
Accolade d'anguille à la broche. - L'accolade
d'anguille était un des grands plats que l'on servait toujours
à la reine Anne d'Autriche, à ses dîners du samedi. Pour
faire un beau plat de relevé, il faut avoir de fortes anguilles,
d'égale grosseur, à qui l'on coupera la tête et le bout de la
queue; on les ficellera dos à dos sur un hâtelet de fer, en
contrariant leur accolade, c'est-à-dire en mettant la queue
de l'une à la tête de l'autre, afin que le volume en soit égal
aux deux extrémités; ensuite on les mettra dans une
poissonnière avec un bon jus de racine, mêlé d'un demilitre
de vin d'Espagne, et on les fera cuire au four pendant
une demi-heure; au bout de ce temps, il faut les retirer pour
les paner et les mettre à la broche, toujours bien attachées
sur leur hâtelet, ayant soin de les entourer d'un fort papier
beurré; vingt minutes suffiront pour achever la cuisson. On
servira cette accolade rôtie, sur un grand plat ovale, avec
une sauce composée de jus des quatre racines réduites en
glace, un quart de litre de vin de Paqueret sec ou de vieux
xérès, après avoir épicé ladite sauce avec du poivre blanc,
de la fleur de muscade et de la coriandre. Nous avons suivi
l'ancienne formule textuellement, mais on peut remplacer
les deux vins indiqués par du vin de Madère.
Anguille à la minute. - Dépouillez une anguille,
coupez-la par morceaux, faites-la cuire à gros sel pendant
dix ou quinze minutes, selon sa grosseur, et servez-la
dressée sur un plat, avec une sauce maître d'hôtel chaude,
aiguisée avec du verjus ou du citron; entourez le plat d'un
cordon de pommes de terre bouillies ou frites, et servez
pour entrée au déjeuner.
Anguille à la Suffren. - Prenez une anguille, piquez-la
avec des filets d'anchois et de cornichons, roulez-la en
cercle avec une ficelle beurrée, mettez-la ensuite sur un
sautoir, avec une marinade cuite, et puis sur le four de
campagne. Une fois cuite, versez une sauce aux tomates
relevée de poivre rouge.
Anguille aux montants de laitues romaines. - Coupez
votre anguille, faites-la cuire en fricassée de poulet; quand
elle est presque cuite, épluchez des montants de laitues
romaines, cuites à l'eau, salées et beurrées, mettez-les
égoutter, faites-leur prendre goût avec l'anguille, vous liez
avec trois jaunes d'oeufs et le jus d'un citron, sur le feu, et
servez entouré de croûtes frites.
Anguille au soleil. - Quand vous aurez coupé une
anguille par tronçons, faites-la cuire dans une marinade,
laissez-la refroidir et égoutter, trempez-la dans des oeufs
battus, assaisonnez de sel et de poivre, roulez-la dans de la
mie de pain et mettez-la dans de la friture bien chaude;
lorsqu'elle est arrivée à une belle couleur dorée, entourez- la
d'olives farcies sur une ravigote verte.
Pâté d'anguille. - Dressez une caisse de pâtes,
garnissez-en le fond d'un peu de quenelles de carpe, de
champignons, de culs d'artichauts et de tronçons d'anguille,
que vous aurez fait cuire dans un bon assaisonnement (voir
ci-dessus); achevez de remplir votre pâté de quenelles de
carpe, que vous aurez roulées dans de la farine et desquelles
vous aurez formé des andouillettes; couvrez votre pâté,
mettez-lui un faux couvercle; faites-le cuire, et, aux trois
quarts de sa cuisson, cernez le couvercle, lorsque votre
pâté sera cuit, découvrez-le, saucez-le d'une bonne
espagnole maigre et réduite, dans laquelle vous aurez mis
quelques laitances de carpe.
Bastion d'anguille. - Prendre une belle anguille de
Seine, la dépouiller, la désosser, préparer une farce fine de
poisson, composée de merlans, carpes; pilez les chairs dans
un mortier, assaisonnez de sel, poivre, muscades, épices;
faites tremper un peu de mie de pain dans un consommé,
laissez-le sécher sur le feu, joignez-y quatre jaunes d'oeufs
crus, un peu de beurre, assaisonnez le tout. Garnissez votre
anguille avec un peu de truffes hachées dans la farce,
mettez la galantine d'anguille dans un torchon beurre,
faites-la cuire dans une mirepois, ajoutez- y vin blanc,
aromates, bouillon; laissez cuire une heure et refroidir.
Faites une infusion de cerfeuil, estragon, cornichons, un
demi-verre de vinaigre, un peu de gelée de viande; passez le
tout après infusion, ajoutez du beurre frais, faites avec
quelques feuilles d'épinards un peu de vert que vous passez
au torchon, laissez prendre sur le feu, passez de nouveau et
versez avec votre beurre. Coupez votre anguille par
tronçons, cinq d'égale hauteur, mettez sur un plat froid du
beurre de Montpellier, dressez-les droit sur le plat,
masquez- les de beurre, faites quatre autres morceaux
d'anguille, que vous superposez sur les autres plus petits,
masquez-les également. Prenez de la bonne gelée de viande
bien clarifiée, coupez-la par petits croûtons, garnissez votre
plat de ces croûtons, hachez de la gelée que vous mettez
par-dessus vos morceaux d'anguille, et servez bien froid.
Anis. - Plante aromatique, de la famille naturelle des
ombellifères; elle est abondante dans toute l'Europe, en
Egypte et en Syrie, en Italie et à Rome surtout; elle fait le
désespoir des étrangers, qui ne peuvent fuir ni son goût ni
son odeur; on en met dans la pâtisserie, dans le pain; les
Napolitains en mettent dans tout. En Allemagne, elle est le
principal condiment de ce pain, que l'on trouve en
compagnie des figues et des poires tapées, et qui a
conservé le nom de pompernick, qui lui vient de
l'exclamation de ce cavalier qui, en ayant goûté une
bouchée, porta immédiatement le reste à son cheval
nommé Nick, en disant: «Bon pour Nick» c'est-à-dire,
avec l'accent allemand, Pompernick.
Anisette. - Malgré notre amour-propre national, nous
sommes forcés d'avouer que la première anisette du monde
vient de chez Fokung, à Amsterdam; celle de Bordeaux ne
vient qu'après et longtemps après. Il faut boire l'anisette de
Fokung après le café, et employer l'anisette de Bordeaux
pour des entremets.
Anon. - Petit poisson ressemblant beaucoup au
merlan, et très abondant dans la Manche, en janvier et en
février. La chair est blanche, ferme, feuilletée, de bon goût
et de facile digestion. Il a les mêmes propriétés alimentaires
que le merlan, et les pêcheurs des côtes en font un très
grand cas; on l'apprête comme le merlan, soit rôti sur le gril
soit frit dans le beurre.
Ansérine. - Vulgairement appelée patte d'oie à cause de
ses feuilles palmées, qui, en effet, ont une grande
ressemblance avec une patte d'oie. Plante annuelle de la
famille de l'oseille et de l'arroche, cultivée soigneusement au
Chili et au Pérou.
Il y a plusieurs sortes d'ansérines: l'ansérine bon-
Henri, encore appelée toute-bonne, épinard sauvage, est
une grande plante potagère, qui croît dans les lieux incultes,
le long des murs et des chemins; dans plusieurs pays on
mange ses jeunes pousses comme des asperges, et ses
feuilles en guise d'épinards; elle passe pour émolliente,
résolutive et détersive.
L'ansérine polysperme, ainsi nommée à cause de la
grande quantité de graines qu'elle produit; l'ansérine à
balais, appelée vulgairement belvédère, et dont les tiges
grêles, chargées de rameaux dressés, servent en Italie à
faire des petits balais; l'ansérine botride, l'ansérine
ambroisie, l'ansérine vermifuge, l'ansérine hybride,
l'ansérine fétide, qui servent à des préparations
pharmaceutiques; et, enfin, l'ansérine quinoa, qui est
l'espèce la plus digne de toutes; elle abonde sur les
plateaux élevés des Cordillères et est pour le Pérou un
objet considérable de culture et de consommation: en
potage, en gâteaux, hachée comme les épinards, associée à
d'autres mets; cette ansérine est un aliment très sain et de
facile digestion; fermentée avec le millet, on en obtient une
espèce de bière très bonne et très rafraîchissante. La
volaille recherche la graine de la variété blanche, et le
quinoa produit encore un fourrage vert excellent pour les
vaches.
Les essais faits en France et en Angleterre pour sa
naturalisation ont parfaitement réussi.
Apar. - Petit animal du Brésil dont la chair est aussi
blanche, aussi bonne et aussi nourrissante que celle du
cochon de lait; ses propriétés alimentaires sont aussi les
mêmes, et on l'apprête de la même manière.
Aphye. - On l'appelle aussi loche de mer; c'est un
poisson de la Méditerranée que l'on trouve aussi dans les
mers de Nice et jusque dans le Nil. Ce poisson était très
estimé des anciens; cependant sa chair est de difficile
digestion, surtout quand on en mange avec excès.
Api. - Petites pommes dont un des côtés exposé au
soleil devient très rouge, tandis que l'autre reste blanc; la
peau en est fine; la chair, quoique sucrée, est dure, ce qui la
rend pesante et indigeste.
Apogon. - C'est le roi des rougets; sa chair est exquise
et fort recherchée; on le trouve dans les environs de la mer de
Malte.
Apos. - Oiseau plus gros que l'hirondelle, mais ayant
beaucoup de ressemblance avec elle. L'apos n'a pas de
pattes; aussi est-il obligé de voler continuellement et de se
nourrir d'insectes qui sont dans l'air. Cet oiseau est fort
recherché et se vend très cher en Italie, et surtout à
Bologne, à cause de la bonne saveur de sa chair qui
nourrit bien et se digère facilement.
Appétit. - Il y a trois sortes d'appétit: le premier, celui
que l'on éprouve à jeun, sensation impérieuse qui ne
chicane pas avec les mets et qui nous fait venir l'eau à la
bouche à l'aspect d'un bon ragoût; le second, celui que l'on
ressent lorsque s'étant mis à table sans faim on a déjà
goûté d'un plat succulent, et qui consacre le proverbe:
«l'appétit vient en mangeant»; le troisième appétit est celui
qu'excite un mets délicieux qui paraît à la fin d'un repas,
lorsque, l'estomac satisfait, les convives sans regret allaient
quitter la table.
Le peuple de Paris, les fruitiers et les maraîchers de la
banlieue donnent aussi le nom d'appétit à la tige verte de la
ciboule et de l'oignon nain, qui font toujours le principal
assaisonnement des ragoûts et des salades populaires.
Apple's cake. - Ayez des pommes de Locart (franche
reinette) ou d'autres également rouges et très acides. Après
avoir retiré les coeurs de ces fruits, faites-les fondre sur le
feu avec 90 grammes de moelle, pour six pommes environ.
Ajoutez un bâton de cannelle, et tamisez. Mettez- les alors
dans une bassine, avec deux cuillerées de poudre de Salep et
d'arrowroot, substances orientales que l'on pourra
remplacer par une forte cuillerée de fécule. Joignez- y 375
grammes de beau sucre et faites bouillir à petit feu pendant
sept à huit minutes, retirez alors de la bassine et laissez
refroidir cette marmelade. Quand elle sera froide, vous y
mêlerez six jaunes d'oeufs et deux autres oeufs avec leurs
blancs; placez-la dans un moule graisse de moelle, et
faites cuire au bain-marie pendant quarante minutes. Vous
renverserez ce gâteau dans un plat d'entremets, assez
profond pour pouvoir contenir un chaudeau dont voici la
formule:
Délayez quatre jaunes d'oeufs frais avec de l'eau
distillée, sucrez suffisamment du sucre candi pulvérisé;
joignez-y une cuillerée de fine liqueur des îles à la
cannelle, faites cuire au bain-marie, en remuant sans
relâche et sans laisser durcir, jusqu'à ce que cette crème soit
bien liée et qu'elle ait acquis une juste épaisseur.
Autre Apple's Cake dit de la reine Anne - Faites une
marmelade de belles pommes que vous passerez deux fois au
tamis et que vous mettrez à refroidir. Mêlez-y pour lors le
sucre nécessaire, en y joignant des zestes de citron confits,
roulés et pralinés. Ayez six blancs d'oeufs que vous battrez
jusqu'à ce qu'ils soient en neige; mélangez peu à peu votre
purée de fruits avec ces blancs d'oeufs battus, et continuez
à fouetter ce mélange jusqu'à lui donner toute la légèreté
possible. Dressez cette mousse en forme de rocher, sur un
plat d'entremets qui sera foncé d'une gelée transparente au
ratafia d'écorces de citron. Il ne faudra pas donner à cette
gelée beaucoup de consistance.
Il est à noter que ces deux jolis entremets ont été
perdus de vue chez nous, et qu'ils n'en sont pas moins
d'origine française; car on trouve exactement ces deux
mêmes recettes dans nos dispensaires du XVIIe siècle et
notamment dans le Menu royal des dîners de Marly. Les
Anglais n'ont fait autre chose que d'en conserver la
tradition et de leur imposer le nom qu’ils portent.
(Dictionnaire de la cuisine française de M. de
Courchamps).
Apron. - Poisson d'eau douce dont la chair est
agréable et de bon goût; on le pêche dans le Rhône et dans
quelques autres rivières de France et d'Allemagne.
Ce poisson ressemble beaucoup au goujon, mais il a la
tête plus large et se terminant en pointe; on le fait frire
comme ce dernier.
Arachide. - Appelée aussi Pistache de terre, parce
qu'elle présente une singularité très remarquable: à mesure
que les gousses succèdent aux fleurs, elles se courbent vers
la terre et y entrent pour y achever leur maturité.
Cette plante est originaire du Mexique. Apportée dans
leur pays par les Espagnols, elle y donne aujourd'hui de
très grands produits. Elle fut introduite en 1802 dans le
département des Landes et y réussit parfaitement. Mais le
défaut d'écoulement de ses produits fit bientôt tomber
complètement cette culture, tout à fait abandonnée
aujourd'hui.
L'arachide produit un fruit qui n'est pas plus gros
qu'une noisette, et ressemble à la pistache; son amande, à
la fois alimentaire et oléagineuse, se mange crue ou cuite;
elle fournit la moitié de son poids d'une excellente huile
comestible, saine, économique, et que ses propriétés
siccatives permet d'employer utilement dans les arts. La tige
de cette plante est très agréable au bétail, et ses racines ont
un goût de réglisse.
Les Américains appellent ce fruit Mani; ils en font des
pralines, des tartes au sucre, et ils trouvent sa saveur plus
délicate et plus agréable que celle de la pistache.
L'arachide mangée crue occasionne, paraît-il, des maux
de tête et de gorge violents; la cuisson et la torréfaction lui
ôtent ces propriétés malfaisantes.
Les Espagnols lui donnent le nom de Cacohuette,
parce qu'elle a le goût du cacao, et la font entrer, en la
mêlant avec un peu de cacao, dans la confection d'un
chocolat pour les pauvres, dont l'usage n'est pas malsain.
Arbenne. - Oiseau appelé aussi perdrix blanche,
quoique ce ne soit qu'une gélinotte; il est de la grosseur
d'une perdrix et a les plumes très blanches, excepté celles de
la queue qui sont en général noires; on le trouve en Savoie.
Les Romains estimaient fort sa chair, dont la saveur et les
propriétés sont les mêmes que celles de la gélinotte; elle
s'apprête de même.
Arbousier. - Appelé aussi Arbre à fraises ou
Fraisiers en arbres, est fort répandu dans l'Europe australe,
les îles Canaries, l'Amérique boréale, le Mexique et le Chili.
C'est un arbre toujours vert, dont les fruits sont sphériques,
charnus, d'un beau rouge dans leur maturité, de la grosseur
d'une cerise et de la forme d'une fraise; ils ont une saveur
aigrelette très agréable.
On en cultive aussi dans le Languedoc, et leurs fleurs
blanches et rosées, disposées en grappes terminales
paniculées, font un très bel effet dans les jardins.
Arbre à pain. - Cet arbre, qui croît spontanément aux
Moluques, aux îles de la Sonde et aux archipels de la
Polynésie, est ainsi nommé à cause du fruit qu'il produit et
que l'on appelle fruit à pain.
La hauteur de cet arbre atteint de 13 à 17 mètres; son
tronc est très gros, sa cime est ample, arrondie et composée
de branches rameuses. Le fruit qu'il produit est jaune
verdâtre à l'extérieur et blanc en dedans, il est plus ou
moins gros, suivant l'espèce à laquelle il appartient, mais
son diamètre excède rarement 21 centimètres; il contient
une pulpe qui d'abord est très blanche, comme farineuse et
un peu fibreuse, mais qui dans la maturité devient jaunâtre
et succulente ou d'une consistance gélatineuse. Lorsque ce
fruit est mûr, toute la préparation qu'on lui donne consiste à
le faire rôtir ou griller sur des charbons ardents, ou bien à le
faire cuire en entier au four ou dans l'eau. On le ratisse
alors et on mange le dedans, qui est blanc et tendre comme
de la mie de pain frais et qui constitue un aliment très
agréable et très sain. Sa saveur approche de celle du pain de
farine de blé, avec un léger goût d'artichaut ou de
topinambour, et il peut conserver sa fraîcheur pendant sept
ou huit mois consécutifs.
On assure que deux ou trois de ces arbres remarquables
suffisent à la nourriture d'un homme pendant une année
entière. Quant à sa culture, elle exige peu de soins, et les
Français, puis ensuite les Anglais l'ont introduit à l'île de
France, à la Guadeloupe, à la Jamaïque, où les habitants se
nourrissent de son fruit, se fabriquent des vêtements avec
la seconde écorce de l'arbre et enveloppent leurs aliments
avec ses feuilles, qui atteignent quelquefois jusqu'à 1 mètre
de longueur et 40 à 50 centimètres de largeur.
L'équipage de l'amiral Anson, se trouvant relâché dans
une anse des îles Mariannes et complètement dépourvu de
vivres, ramassa une cinquantaine de ces fruits qui étaient
tombés à terre, et vécut avec pendant quelques jours. Il s'en
trouva très bien, et ces fruits amassés là par la main de la
Providence vinrent à propos le sauver des horreurs de la
faim.
On prépare avec le fruit de l'arbre à pain différents
mets dont les habitants pauvres de l'île de France et de la
Guadeloupe se nourrissent; ils en font une très grande
consommation.
Le célèbre voyageur anglais, capitaine Cook, ne tarit
pas sur les éloges qu'il donne à l'arbre à pain; il dit qu'il lui
fut d'un très grand secours, surtout dans les cas de
maladies, et prétend qu'il guérissait tous ses malades avec le
fruit de cet arbre.
Arbre de la vache. - Nom donné à un arbre
originaire de l'Amérique méridionale qui fournit
abondamment un suc laiteux et qui a rapport par ses
propriétés avec le lait des animaux et surtout de la vache;
on l'emploie du reste au même usage.
Les parties constituantes sont la cire, la fibrine, un peu
de sucre, un sel magnésien, de l'eau et point de caséum.
Le premier de ces arbres qu'on ait connu fut nommé
par les Espagnols palo-de-vaca et fut décrit par M. de
Humboldt sous le nom de galactodendron utile. C'est un
grand et fort bel arbre dont les feuilles oblongues et
pointues atteignent jusqu'à 3 mètres de longueur. Dès
qu'on entaille cet arbre, on en voit aussitôt s'écouler
abondamment un lait d'une belle couleur qui se trouve
entre l'écorce grisâtre et le bois de cet arbre. Ce lait, d'une
saveur agréable, d'une odeur balsamique et qui n'a d'autre
inconvénient que d'être un peu gluant, sert à la
consommation des gens du pays. On les voit venir le matin,
sous l'arbre, boire une tasse de lait et même en faire un
déjeuner plus complet en y émiettant des morceaux de
cassare ou des arepas, sorte de galette de maïs.
On retire aussi de cet arbre une cire très blanche et
très bonne à brûler.
Arche barbue. - Coquillage de la Méditerranée qui
se mange indifféremment cru ou frit.
Arche de Noé. - Petit coquillage de la mer Rouge qui
sert à l'alimentation des Arabes pendant l'hiver; on le
mange indifféremment cru ou frit.
Arec. - Nous ne parlerons ici que de l'arec-cachou
qui mêlé avec d'autres substances sert à faire le bétel.
L'arec, genre de la famille des palmiers, croit
principalement aux Moluques et à Ceylan; son fruit, connu
sous le nom de noix d'arec, est de la grosseur d'un oeuf de
poule et jaune doré à l'intérieur, l'amande ressemble à la
noix muscade, elle est dure, blanche, variée de pourpre; on
la fait sécher pour la manger, mais elle conserve toujours
une saveur âcre et désagréable.
Il y a aussi l'arec d'Amérique qui est un des arbres les
plus élégants du Nouveau Monde, présentant au centre de
son feuillage une espèce de bourgeon auquel on a donné le
nom de chou palmiste dont les Américains des Antilles se
montrent très friands, et qui se mange accommodé de
différentes manières.
Areng. - Genre de palmier fort commun aux Moluques.
Les fruits de cet arbre, cueillis avant leur maturité et
confits au sucre, sont très estimés en Cochinchine et se
servent sur les tables des gens riches; sa moelle donne une
espèce de sagou, dont les habitants des Célèbes font un
grand usage dans leur nourriture; enfin on tire de sa sève,
par le moyen de la fermentation, du sucre et une liqueur
très agréable.
On prétend que le suc de ces fruits, lorsqu'ils sont
mûrs, cause des démangeaisons insupportables, de sorte
qu'il faut bien faire attention de n'y point porter les lèvres
sans les avoir préalablement dépouillés de l'enveloppe
charnue dans laquelle est contenue ce suc, si on ne veut
point avoir les lèvres enflées.
On rapporte que les habitants des Moluques,
connaissant cette propriété démangeante, se défendirent
victorieusement en jetant du haut des murailles sur les
assiégeants des baquets d'eau dans laquelle ils avaient fait
tremper la chair de ces fruits.
Nous recommandons ce système aux futurs habitants
des futures villes assiégées; ils verront bientôt leurs
ennemis jeter leurs armes et fuir en se grattant à qui mieux
mieux.
Arésah. - Excellent fruit des Indes, très sain et très
rafraîchissant, d'un goût un peu piquant, mais très agréable
et bon pour les convalescents. Ce fruit est de la grosseur
des guignes et a la forme des poires-Catherine.
Argali. - Espèce de bélier sauvage, vivant dans les
haies des montagnes et aux steppes de la Sibérie. La taille de
cet animal est celle du daim dont il a la légèreté et la force,
son corps est couvert de poils courts, son pelage est d'un
gris fauve, traversé au milieu du dos par une raie
jaunâtre.
Sa chair a les mêmes propriétés alimentaires et le
même goût que celle du chevreuil; elle est très recherchée
des habitants à cause de la difficulté qu'ils éprouvent à
s'en procurer.
Argentine. - Plante ayant la saveur et les propriétés du
panais; les Anglais en mangent la racine en hiver à la place
de ce légume et composent avec le suc une liqueur qu'ils
mêlent au vin d'Espagne, y font infuser du blé en herbe, y
délayent des jaunes d'oeufs et assaisonnent le tout avec du
sucre et de la noix muscade.
Armadille. - Petit animal tenant du cochon de lait par
sa forme et de la tortue par la carapace qui le recouvre
entièrement et le met à couvert des insultes des autres
animaux plus gros qui seraient tentés de lui faire des
misères; il vit dans des trous profonds qu'il creuse avec ses
ongles.
Cet animal a la chair très tendre et délicate mais elle
ne plaît guère à cause de son odeur musquée; les Indiens
cependant l'aiment beaucoup.
Arondelle de mer. - Petit poisson ainsi nommé parce
qu'il ressemble un peu à l'hirondelle et qu'il s'élance hors
de l'eau pour éviter d'être la proie des autres poissons plus
gros. La chair est dure, sèche et de difficile digestion.
Arow-Root. - Fécule que l'on retire de la racine du
maranta indica râpée dans l'eau. On s'en sert pour faire des
bouillies, et on en fait aussi des crèmes, dont les Anglais
sont friands.
Arracacha. - Plante légumineuse de la famille des
ombellifères, ressemblant à l'ache et très probablement
originaire de la Nouvelle-Grenade, où sa culture est très
répandue et où elle est cultivée comme plante alimentaire.
Cette plante présente la plupart des avantages
reconnus dans les pommes de terre, et se développe dans les
mêmes conditions de terrain et de climat. Les insulaires de
la Jamaïque la préfèrent même aux pommes de terre et
l'apprêtent de même.
Râpée et macérée dans l'eau, elle dépose une fécule qui
fournit un aliment substantiel, léger, et que l'on peut
donner même aux convalescents.
Arroche. - Plante potagère connue aussi sous le nom
de belle-dame, bonne-dame et follette.
Les feuilles de l'arroche, mêlées à des plantes d'une
saveur prononcée, telles que la menthe, le cresson, la
marjolaine, etc., composaient autrefois des salades dont on
faisait un grand usage en France et qui sont encore
aujourd'hui recherchées par les autres peuples de l'Europe.
Elles constituent avec l'oseille et l'épinard le mélange
connu sous le nom d'herbe cuite et entrent aussi dans la
composition du bouillon aux herbes.
L'arroche nourrit fort peu, elle est rafraîchissante et un
peu laxative, mais ne convient pas aux estomacs froids, à
moins qu'on ne l'assaisonne avec sel, poivre et vinaigre,
c'est-à-dire en salade, comme il est dit plus haut.
Artichaut. - Plante potagère dont les feuilles sont
longues, larges, découpées, sans uniformité, de couleur
verte ou blanchâtre; de leur milieu s'élève une tige
cannelée, cotonneuse, moelleuse en dedans, d'où sortent
plusieurs rameaux qui soutiennent un calice renfermant les
organes de la floraison et de la fructification. Autrefois cette
plante ne poussait qu'en Italie. Aujourd'hui nos jardiniers
l'ont acclimatée, et nous avons des artichauts blancs, verts,
violets, rouges et sucrés. Le blanc, le violet et le vert sont
pleins de saveur; les petits, nommes artichauts à la
poivrade, se mangent crus.
On peut conserver les artichauts de la manière
suivante pour l'hiver:
On les fait cuire à demi, on en sépare les feuilles et le
foin pour n'en avoir que le fond. On les jette dans l'eau
froide lorsqu'ils sont encore chauds, on les met ensuite sur
des claies pour les essuyer; enfin on les enfourne jusqu'à
quatre fois lorsqu'on a retiré le pain; ces parties deviennent
minces, dures et transparentes, mais elles reprennent leur
forme lorsqu'on les remet dans l'eau chaude et qu'on veut
les employer à des assaisonnements.
Artichauts à la barigoule au maigre. - Coupez les
feuilles à moitié, ôtez le foin et nettoyez-le. Hachez menu
échalotes, ail, persil; mélangez avec une grosse mie de pain
émiettée. Faites fondre du beurre, faites-y revenir les herbes
et la mie de pain. Mettez sur chaque artichaut un bon
morceau de beurre; garnissez-en aussi le fond de la
tourtière, mettez la farce dans les artichauts, sur le fond et
entre les feuilles, couvrez avec un four de campagne, feu
dessus et dessous. Arrosez de temps en temps jusqu'à ce
qu'ils soient cuits.
Artichauts à la barigoule au gras. - Prenez des
artichauts de moyenne grosseur bien tendres, parez, ôtez le
foin, faites blanchir, hachez persil, parez avec 125 gr. de
beurre et 125 gr. de lard pour quatre artichauts environ.
Garnissez-en l'intérieur de l'artichaut et fixez le tout pour
que rien ne se déforme. Mettez dans une tourtière entre
deux bardes; faites cuire lentement, feu dessus feu dessous;
huilez légèrement; faites réduire un verre de vin blanc dans
une sauce italienne, et servez sur cette sauce.
Artichauts à la Duxelle. - Prenez des champignons
hachés, passez au torchon pour en enlever la partie
aqueuse; ajoutez échalotes hachées, persil, pointe d'ail, au
maigre du beurre, au gras du lard râpé. Ayez bien soin,
après avoir paré la tête de l'artichaut, d'en enlever le foin, et
faites rissoler la tête des feuilles dans la friture; préparez
une mie de pain, faites-les revenir dans une casserole avec
lard dessus et papier bourré, mouillez avec consommé et vin
blanc, braisez comme le fricandeau, jetez votre fond dans
votre sauce italienne. Dressez et servez.
Artichauts frits. - Enlevez les trois ou quatre premières
rangées de feuilles d'artichaut; faites dix ou douze
morceaux de chacun; enlevez le foin, rognez le bout des
feuilles, sautez-les dans une marinade d'huile, de sel, de
poivre, avec un filet de vinaigre; composez la pâte
suivante, qui vous servira pour toutes sortes de friture:
Mettez de la farine dans une terrine, faites un trou,
versez -y un ou deux jaunes d'oeufs, une cuillerée d'huile,
un ou deux verres d'eau-de-vie, du sel; remuez d'une main en
tournant toujours dans le même sens et en versant de l'eau
peu à peu, pour donner une bonne épaisseur; au moment de
vous en servir, ajoutez et mêlez le blanc de vos oeufs
battus en neige; mais faites attention que ce blanc la rendra
trop claire, si votre sauce n'est pas trop épaisse; si vous
voulez que votre pâte soit plus légère, faites-la la veille.
Si c'est pour friture sucrée, telle que beignets, mettez-y
très peu de sel et ajoutez de l'eau de fleur d'oranger.
Revenons à notre pâte. Lorsqu'elle est faite, mettez-y vos
artichauts et mêlez le tout ensemble, votre friture étant bien
chaude, prenez avec votre écumoire des artichauts que
vous laisserez tomber morceau par morceau dans cette
friture, tant qu'elle en pourra contenir; remuez-les, détachez
ceux qui se collent les uns contre les autres, lorsqu'ils sont
d'une belle couleur blonde, retirez-les de la friture sur une
passoire, jetez une bonne poignée de persil en branche dans
la friture, et, lorsque la friture cessera de faire du bruit,
sortez-le et égouttez-le sur un linge; saupoudrez-le d'un
peu de sel, dressez vos artichauts en pyramide, et
couronnez-les de persil frit.
Artichauts à la sauce. - Coupez les bouts des feuilles,
la queue, les feuilles dures ou filandreuses de dessous,
placez-les au fond d'un chaudron, dans de l'eau bouillante
qui les couvre aux trois quarts; salez, faites cuire, de trois
quarts d'heure à une heure, tirez une feuille; si elle se
détache facilement, vos artichauts sont cuits; retirez-les de
l'eau, mettez-les égoutter sens dessus dessous; si vous
voulez qu'ils se conservent verts, mettez gros comme un
oeuf de cendre de bois dans un petit sac de toile ou de
calicot; versez sur cette cendre l'eau qui doit servir à les
faire cuire. Ce moyen s'applique aussi aux haricots chauds;
les artichauts cuits de la façon que nous venons de dire se
mangent à la sauce blanche, à la sauce blonde ou à la sauce
hollandaise.
Artichauts sautés. - Coupez en quatre des artichauts
moyens et tendres, ôtez le foin et parez-les en leur laissant à
chacun trois feuilles, lavez et essuyez. Mettez du beurre
dans une casserole où vous arrangerez vos artichauts et les
mettez sur un feu doux seulement vingt minutes avant de
servir. Dressez sur le plat en turban, mettez une cuillerée de
chapelure dans le beurre, autant de persil haché et un jus de
citron, un peu de sel; servez cette sauce dans le milieu des
artichauts. Il ne faut pas les faire blanchir.
Artichauts à la provençale. - Entremets. Prenez des
artichauts que vous appropriez dessus et dessous; faitesles
cuire dans l'eau assez pour pouvoir enlever le foin;
mettez-les sur une tourtière avec l'huile, gousses d'ail, sel,
poivre. Faites cuire sur la cendre chaude avec bon feu
dessus; quand ils sont cuits, ôtez les gousses d'ail, et servez
à sec avec un jus de citron.
Artichauts farcis, demi-barigoule. - Entremets.
Préparez comme ci-dessus; le foin enlevé, farcissez-les de
hachis de viande ou de mie de pain assaisonné de fines
herbes et champignons.
Mettez dans une casserole un fort morceau de beurre ou
de graisse, et faites- les revenir; ôtez-les, faites un roux que
vous mouillez de bouillon, ou d'eau faute de bouillon;
remettez les artichauts; achevez de cuire, feu dessus et
dessous, en les arrosant de temps en temps avec leur
cuisson. Servez sur cette cuisson pour sauce.
Artichauts farcis à la vraie barigoule. - Parez trois
artichauts, coupez droit les feuilles du dessus, faites
blanchir assez pour retirer le foin après les avoir rafraîchis à
l'eau froide. Remplacez le foin par une farce de lard
gras, champignons, persil, échalotes, le tout haché fin,
poivre; liez-les en croix avec du fil. Faites chauffer un peu
d'huile d'olive dans une poêle et rissoler les artichauts
dessus et dessous; placez-les dans une casserole sur une
tranche de lard dessalé, ou de veau, ou du beurre et un
verre de bouillon ou d'eau; faites cuire, feu dessus et
dessous. Servez sans les tranches et sur une sauce faite du
fond de la cuisson liée de farine.
Artichauts à l'huile et à la poivrade. - Les gros se
servent cuits à l'eau, refroidis et accompagnés de la sauce
suivante dans une saucière. Les petits se servent crus avec la
même sauce, ou simplement du sel, en hors-d'oeuvre.
Artichauts sauce à l'huile et au vinaigre. - Ecrasez un
jaune d'oeuf dur dans une saucière et délayez-le avec une
cuillerée de vinaigre, sel, poivre, fourniture de salade
hachée très menu, ou avec une échalote aussi hachée menu;
ajoutez deux cuillerées d'huile, délayez et servez.
Artichauts au gras. - Coupez en deux de gros
artichauts, ôtez-en le foin et les parez, faites-les blanchir à
l'eau et sel, mettez dans une casserole des tranches de lard
gras, deux oignons, une carotte, un clou de girofle, une
petite branche de thym; arrangez les artichauts sur des bardes
de veau, mettez-les sur un feu doux; quand le veau a pris
couleur, mettez un peu d'eau, faites mijoter; servez les
artichauts en turban avec la sauce que vous avez liée de
fécule au milieu.
Artichauts à la lyonnaise. - Coupez-les en six
morceaux, faites blanchir, ôtez le foin ainsi que le dessous,
et ne laissez que trois feuilles à chaque partie; mettez- les
dans une casserole avec du beurre étendu au fond,
saupoudrez-les de sel fin, faites-les cuire feu dessus feu
dessous, faites roussir dans une autre casserole de l'oignon
haché, et saucez-y vos artichauts au moment de servir.
Artichauts farcis. - Faites cuire à demi dans l'eau, puis
farcissez de viande, de persil, de ciboule; achevez la
cuisson; servez avec fines herbes, huile et jus de citron.
Artichauts à la Grimod de La Reynière. - Coupez de
l'oignon en gros dés, passez-les au beurre jusqu'à ce qu'ils
soient bien colorés, assaisonnez de sel et d'épices, et
laissez refroidir dans le beurre, mais dans une assiette à
part, hors de la casserole; faites cuire des fonds d'artichauts
séparés de leurs feuilles; après les avoir fait égoutter,
remplissez- les avec l'oignon, couvrez avec de la mie de pain
et du fromage râpé, faites prendre couleur au four de
campagne, et servez à sec.
Ce nouveau plat, inventé par l'auteur de l'Almanach
des gourmands, nous arrive avec une apostille de l'auteur
des Mémoires de Mme de Créqui; deux recommandations
valent mieux qu'une.
Artichauts à l'italienne. - Coupez trois artichauts en
six morceaux pareils, dépouillez- les de leur foin, parez en
les feuilles, lavez-les; mettez-les dans une casserole avec un
peu de beurre; assaisonnez de jus de citron, d'un verre de
vin blanc, d'un demi-verre de bouillon. Faites cuire,
égouttez, dressez et faites, pour les saucer, une sauce
blanche à l'italienne.
Arum. - Plante de la famille des aroïdées. Il y a
différentes espèces d'arums, mais nous n'avons à signaler
que celle qui sert à l'alimentation des Indiens, qui mangent
ses feuilles comme celles des choux.
L'arum est d'une grande ressource pour les peuples des
Canaries, des Açores et même du Brésil, qui la mangent en
guise de pain; il en est dont c'est la seule nourriture. On en
fait des pâtés, des gâteaux, du pain, en en mêlant la farine à
celle du froment.
Asperge. - Il est inutile de décrire cette plante que tout
le monde connaît. Il y a la blanche, la violette et la verte.
La blanche est la plus hâtive, sa saveur douce est agréable,
mais elle contient peu de substance; celles de Marchiennes,
de la Belgique et de la Hollande ont eu beaucoup de
renommée. La violette est la plus grosse et la plus
substantielle, c'est l'asperge par excellence d'Ulm et de
Pologne. La verte est moins grosse, mais on la mange
presque toute; elle a une bonne saveur. En Italie, où les
goûts sont plus étranges que raffinés, on préfère l'asperge
sauvage. Les animaux carnivores, les chats, les chiens
aiment beaucoup ce légume. La meilleure manière
aujourd'hui de préparer les asperges, c'est de les faire cuire à
la vapeur. Il y avait un proverbe à Rome relatif aux
asperges; quand on voulait que quelque chose se fît vite:
«Faites- la, disait-on, en moins de temps qu'il n'en faudrait
pour faire cuire des asperges». Les blanches sont celles qui
appartiennent plus particulièrement à la France.
Après les avoir lavées, ratissées et coupées de même
longueur, liez-les par bottillons, faites-les cuire croquantes
dans l'eau et le sel, et servez-les toutes chaudes sur une
serviette pliée qui égoutte leur eau.
On mange l'asperge au beurre ou à l'huile. Nous allons
raconter à ce propos une anecdote sur Fontenelle.
Fontenelle aimait beaucoup les asperges, surtout
accommodées à l'huile; l'abbé Terrasson, qui au contraire
aimait les manger au beurre, étant venu un jour lui
demander à dîner, Fontenelle lui dit qu'il lui faisait un
grand sacrifice en lui cédant la moitié de son plat
d'asperges, et ordonna qu'on mît cette moitié au beurre.
Peu de temps avant de se mettre à table, l'abbé se trouva
mal et tomba bientôt en apoplexie. Fontenelle alors se lève
précipitamment, court vers la cuisine et crie:
«Tout à l'huile, maintenant; tout à l'huile!..».
Asperges à l'huile. - On les fait cuire comme pour la
sauce blanche. Elles se mangent froides avec la sauce à
l'huile indiquée pour les artichauts.
Asperges au beurre. - Mettez dans une casserole deux
cuillerées de farine, un peu d'eau, assaisonnez de sel, gros
poivre, muscade; faites cuire la farine mouillez avec le
bouillon d'asperges. Préparez quatre jaunes d'oeufs, 125
grammes de beurre fin, liez votre sauce, en ayant soin que le
jaune d'oeuf soit cuit. Passez votre sauce à l'étamine; un jus
de citron, et servez.
Asperges cuites à la Audot. - Cuites à l'eau, trempezles
pour toute sauce dans le jus d'un quasi de veau cuit
dans son jus et un peu dégraissé.
Asperge en petits pois. - On emploie les plus petites et
on coupe tout ce qui est tendre par petits morceaux. Faitesles
cuire croquantes dans l'eau salée, égouttez-les
promptement sur une passoire, faites-les sauter dans une
casserole avec beurre, sel, poivre et fines herbes, ou bien
mettez-les dans la casserole saupoudrées d'un peu de farine
et d'un peu de sucre, ajoutez un peu de bouillon ou d'eau,
sautez-les un moment et servez.
Pointes d'asperges au jus. - Coupez des pointes
d'asperges, faites fondre du lard, faites-y sauter vos pointes
d'asperges, ajoutez persil, cerfeuil haché, sel, poivre blanc,
muscade, faites fondre le tout à petit feu dans du
consommé, dégraissez ensuite, servez chaud et arrosé de
jus de mouton.
Asperges frites. - Enlevez la partie dure, faites-les
blanchir à l'eau et au sel, retirez-les de l'eau pour les
remettre dans de l'eau fraîche, ce qui conserve leur
verdeur; retirez- les de cette eau fraîche, farinez-les, liezles
avec du fil par petites bottes de six ou sept, passez-les
dans de l'oeuf battu, et faites frire.
Asperges à la Monselet. - Faites blanchir comme cidessus
la partie tendre, achevez de cuire dans un jus clair
de veau et de jambon, puis liez avec un morceau de beurre
manie de farine.
Ragoût de pointes d'asperges. - Coupez le vert des
asperges que vous avez fait blanchir, mettez-les en
casserole avec confis de veau, cuisez à petit feu jusqu'à
réduction de la sauce à laquelle vous ajouterez un peu de
beurre et de farine, et liez en remuant. Un peu de jus de
citron donnera une pointe d'acide.
Asperges au jus. - Ayez du jus de mouton rôti, de
gigot, par exemple; tranchez des asperges et n'en prenez
que les pointes; sautez-les avec du lard fondu; ajoutez-y
persil, cerfeuil haché, sel, poivre blanc et muscade; faites
mitonner le tout à petit feu dans du consommé, dégraissez
ensuite et servez chaud en y mêlant votre jus de mouton
rôti.
Oeufs brouillés aux pointes d'asperges. - Profitez d'un
jour où vous aurez du bouillon de poulet; salez et
poivrez vos oeufs battus avec les pointes d'asperges;
mêlez-y, pour six oeufs un demi- verre, pour douze oeufs un
verre entier de ce bouillon. Puis achevez la cuisson de vos
oeufs comme d'habitude, et vous reconnaîtrez que
l'adjonction de ce verre ou de ce demi-verre de bouillon
donne à vos oeufs un velouté extraordinaire.
Asperges à la Pompadour. - M. de Jarente, ministre
d'Etat pendant la faveur de Mme de Pompadour, a laissé à
notre célèbre gourmand Grimod de la Reynière, digne
neveu de son oncle, la prescription suivante:
«Choisissez trois bottes des plus belles asperges du gros
plant de Hollande, c'est-à-dire blanches avec le bout violet;
faites parer, laver et cuire en les plongeant comme à
l'ordinaire, c'est-à-dire dans de l'eau bouillante; tranchezles
ensuite en les coupant en biais du côté de la pointe, à la
longueur du petit doigt. Ne vous occupez que des morceaux
de choix, et laissez de côté le reste de leurs tiges. Mettez ces
dits morceaux dans une serviette chaude afin de les égoutter
en les maintenant chaudement, pendant que vous
confectionnerez leur sauce. Videz un moyen pot de beurre
de Vanvre ou de la Prévalais, en prenant le contenu par
cuillerées et le mettant dans une casserole d’argent;
joignez-y quelques grains de sel avec une forte pincée de
macis en poudre, une forte cuillerée de fleur de farine
d'épeautre, et de plus, deux jaunes d'oeufs frais bien
délayés avec quatre cuillerées de suc de verjus muscat.
Faites cuire ladite sauce au bain-marie, en évitant de
l'alourdir en lui laissant prendre trop d'épaisseur; mettez
vos morceaux d'asperges tranchés dans ladite sauce, et
servez le tout ensemble, en casserole couverte et en extra,
pour que cet excellent entremets ne languisse point sur la
table et puisse être apprécié dans toute sa perfection».
Aspic. - C'est ainsi que l'on nomme les filets de
volaille, de gibier ou de poisson, qui sont enfermés avec
des truffes, des oeufs durs et des tranches de champignons
dans une masse de gelée transparente et solidifiée au
moule. L'aspic est une entrée froide, mais les grands
maîtres dans l'art de cuisine nient qu'il existe des entrées
froides; aussi recommande-t-on de servir les aspics avec le
rôti. Il ne faut jamais les laisser paraître à table qu'au
second service et destinés à relever le rôti. Un gastronome de
l'ancien régime nous apprend qu'au Palais- Bourbon on les
présentait à la ronde entre les deux services, et puis on les
déposait sur le buffet des en-cas, avec les soupes à la russe
et autres préparations exotiques.
L'auteur du Dictionnaire général de la cuisine, qui
n'accorde pas qu'il puisse y avoir des entrées froides, donne
le nom d'aspic chaud à la préparation suivante:
Aspic chaud. - «Empotez dans une marmite environ
deux jarrets de veau, une vieille perdrix, une poule et deux ou
trois lames de jambon; ficelez le tout, joignez-y deux
carottes et deux oignons, avec un bouquet bien combiné,
mouillez d'un peu de consommé; faites légèrement suer;
quand la préparation tombera en consistance de glace et
prendra une teinte colorée, mouillez avec du bouillon (ou
avec de l'eau), en observant alors de laisser réduire
davantage; faites repartir, écumez et mettez le sel
nécessaire. laissez cuire encore trois heures, et au bout de ce
temps passez à travers une serviette mouillée et laissez
refroidir; cassez deux oeufs, avec blancs, jaunes et
coquilles; fouettez-les en mouillant un peu de votre
bouillon; mettez-y une cuillerée à bouche de vinaigre
d'estragon, ainsi qu'un verre de bon vin blanc, et versez le
tout dans votre aspic, que vous remettez sur le feu; agitez- le
avec un fouet de buis, et, quand il commencera à repartir,
retirez-le sur le bord du fourneau, afin qu'il ne fasse que
frémir légèrement; couvrez-le et mettez du feu sur son
couvercle. Quand vous verrez que l'aspic est bien clair,
passez-le une seconde fois au travers d'une serviette
mouillée et tordue que vous attacherez aux quatre pieds
d'un tabouret; quand il sera passé, servez-vous-en pour les
grands et petits ragoûts, où cette préparation doit être
employée».
Assa-foetida. - Gomme-résine, roussâtre, obtenue par
l'incision de la tige et du collet de la racine de cette plante
ombellifère.
L'assa-foetida, puissant antispasmodique, a une odeur
repoussante, qui affecte beaucoup les Européens; les
Asiatiques, au contraire, la mangent avec plaisir et en font un
si grand usage, que parfois l'air qu'on respire, dans un
endroit où il s'en est consommé, en est infecté.
Les anciens s'en servaient pour relever le goût de
certains mets, et encore aujourd'hui en Orient, et malgré son
odeur fétide, l'assa-foetida est un condiment des plus
recherchés.
Assaisonnement. - Nous croyons que c'est le moment
de placer ici l'histoire du chevalier d'Albignac, qui a fait sa
fortune à Londres en assaisonnant de la salade. Nous
empruntons ce récit à l'illustre philosophe auteur de la
Physiologie du goût:
«M. d'Albignac était émigré et s'était retiré à Londres.
Quoique sa pitance fût fortement restreinte par le mauvais
état de ses finances, il n'en était pas moins un jour invité à
dîner dans une des plus fameuses tavernes de Londres; il
était de ceux qui ont ce système qu'on peut bien dîner avec
un seul plat, pourvu que ce plat soit excellent. Tandis qu'il
achevait un excellent roastbeef, cinq ou six jeunes gens, des
premières familles de Londres, se régalaient à une table
voisine, et l'un d'eux, s'étant levé, s'approcha et lui dit d'un
ton poli:
«Monsieur le Français, on dit que votre nation excelle
dans l'art de faire la salade; voudriez-vous nous favoriser et
en accommoder une pour nous».
«D'Albignac y consentit après quelques hésitations,
demanda tout ce qu'il crut nécessaire pour faire le chefd'oeuvre
attendu, y mit tous ses soins, et eut le bonheur d'y
réussir.
«Pendant qu'il étudiait ses doses, il répondait avec
franchise aux questions qu'on lui faisait sur sa situation
actuelle; il dit qu'il était émigré, et avoua, non sans rougir
un peu, qu'il recevait les secours du gouvernement anglais,
circonstance qui autorisa sans doute un des jeunes gens à
lui glisser dans la main un billet de cinq livres sterling,
qu'il accepta après une molle résistance.
«Il avait donné son adresse; et, à quelques temps de là,
il ne fut pas médiocrement surpris de recevoir une lettre
par laquelle on le priait, dans les termes les plus honnêtes, de
venir accommoder une salade dans un des plus beaux
hôtels de Grosvenor-square.
«D'Albignac, commençant à prévoir quelque avantage
durable, ne balança pas un instant, et arriva
ponctuellement, après s'être muni de quelques
assaisonnements nouveaux, qu'il jugea convenables pour
donner à son ouvrage un plus haut degré de perfection.
«Il avait eu le temps de songer à la besogne qu'il
avait à faire; il eut donc le bonheur de réussir encore, et
reçut pour cette fois, une gratification telle qu'il n'eût pas
pu la refuser sans se nuire.
«Les premiers jeunes gens pour qui il avait opéré
avaient, comme on peut le présumer, vanté jusqu'à
l'exagération le mérite de la salade qu'il avait assaisonnée
pour eux. La seconde compagnie fit encore plus de bruit, de
sorte que la réputation de d'Albignac s'étendit
promptement: on le désigna sous la qualification de
fashionable salad-maker; et, dans ce pays avide de
nouveautés, tout ce qu'il y avait de plus élégant dans la
capitale des trois royaumes se mourait pour une salade de la
façon du gentleman français: I die for it, c'est l'expression
consacrée.
« Désir de nonne est un feu qui dévore,
« Désir d'Anglaise est cent fois pire encore.
«D'Albignac profita en homme d'esprit de l'engouement
dont il était l'objet; bientôt il eut un carrick pour se
transporter plus vite dans les divers endroits où il était
appelé, et un domestique portant, dans un nécessaire
d'acajou, tous les ingrédients dont il avait enrichi son
répertoire tels que des vinaigres à différents parfums, des
huiles avec ou sans goût de fruit, du soya, du caviar, des
truffes, des anchois, du catchup, du jus de viande, et même
des jaunes d'oeufs, qui sont le caractère distinctif de la
mayonnaise.
«Plus tard, il fit fabriquer des nécessaires pareils, qu'il
garnit complètement et qu'il vendit par centaines.
«Enfin, en suivant avec exactitude et sagesse sa ligne
d'opération, il vint à bout de réaliser une fortune de plus de
quatre-vingt mille francs, qu'il transporta en France quand
les temps furent devenus meilleurs.
«Rentré dans sa patrie, il ne s'amusa point à briller sur
le pavé de Paris, mais s'occupa de son avenir. Il plaça
soixante mille francs dans les fonds publics, qui pour lors
étaient à cinquante pour cent, et acheta, pour vingt mille
francs, une petite gentilhommière située en Limousin, où
probablement il vit encore, content et heureux, puisqu'il
sait borner ses désirs».
Assiette. - Les assiettes sont ainsi nommées parce
qu'elles marquent les places où l'on doit s'asseoir à table.
Leur usage n'est pas très ancien en France. Autrefois,
des tranches de pain coupées en rond servaient d'assiettes; et
Virgile les dépeint ainsi dans le repas des compagnons
d'Enée. On parle encore de cette pratique dans le
cérémonial du sacre de Louis XII. Après le repas, on
donnait ce pain aux pauvres.
Astragalus boeticus. - Nom d'une graine ressemblant
au café et que l'on peut mêler à ce dernier.
Atchar de l'Inde. - On donne ce nom à plusieurs
espèces de sommités de végétaux et de fruits confits dans la
sève des palmiers, qui, d'abord sucrée, devient bientôt un
vinaigre fort limpide qui remplace, dans l'Inde, le vinaigre
de vin encore inconnu. Les atchars tiennent chez les Indiens
le même rang que les cornichons et les câpres parmi nous;
ils les emploient aussi pour relever la saveur de certains
aliments.
Atherine ou bande d'argent. - Espèce d'anchois de
la taille de 20 à 25 centimètres, ayant une raie large et
argentée de chaque côté du corps.
Les atherines sont de petits poissons d'un goût délicat;
lorsqu'ils sont jeunes, ils se tiennent longtemps en troupes
serrées. On les mange sur les côtes de la Méditerranée.
Leur chair est très savoureuse, et leurs propriétés
alimentaires sont analogues à celles de l'anchois; on les
mange de même.
Atinga. - Poisson qui vit dans les mers du Brésil et du
cap de Bonne- Espérance; il a 48 centimètres de long et
peut acquérir plus de grosseur en se boursouflant comme
un ballon; il se nourrit de petits poissons, de crustacés et
de coquillages.
La chair de ce poisson est dure et coriace; on la mange
cependant, après avoir pris soin d'en séparer le fiel, qui est
un poison violent.
Atte. - Fruit de l'anone squammeuse, abondante entre
les deux tropiques. La chair de ce fruit est de saveur
agréable et semblable à de la crème sucrée; elle renferme
une grande quantité de pépins noirs qu'on prendrait pour
des noyaux, tant leur peau est dure.
Attelet, ou mieux hâtelet. - Petite lame métallique
terminée en pointe et qui fixe les grosses pièces à la
broche. On s'en sert également pour réunir de petits
oiseaux rôtis qu'on sert ainsi enfilés, ainsi que les petits
poissons qu'on enfile par les ouïes. Nous expliquerons plus
tard comment, pour les petits oiseaux, mieux vaut encore
s'en passer, en les faisant cuire soit à la ficelle, soit à la
laisse.
Attereau à la bretonne. - Au fond d'une terrine
placez une sorte de claie formée par de petites branches
d'osier, établissez sur cette claie une poitrine de veau salée
et poivrée; placez sur cette pièce de veau un carré de porc
frais qui n'ait que deux jours de sel; placez au four et
laissez pour le cuire aussi longtemps que vous le feriez
pour un gros pain de ménage. Faites rissoler le porc pour
que la partie supérieure ne se dissolve pas.
Aubergine. - Fruit d'une espèce de solanée. Ce fruit a
la forme d'un gros oeuf. Les blanches et les violettes sont
les meilleures. On peut les manger en salade ou cuites, et
voici les meilleures manières de les apprêter:
Aubergine à la languedocienne. - Fendez en long vos
aubergines, ôtez-en la graine et découpez-en la chair;
salez, poivrez, mettez de la muscade, grillez-les à petit feu et
arrosez d'huile fine.
Salade d'aubergines à la provençale. - Pelez les
aubergines, émincez-les, faites-en macérer les tranches
pendant deux heures avec vinaigre, saumure de noix, sel
gris, poivre noir et un peu d'ail, puis étanchez-les en les
pressant pour en extraire l'eau. Ensuite faites-en salade
avec du cresson de fontaine et des raiponces, des oeufs
durs, des olives farcies et quelques filets de thon.
Aubergine à la parisienne. - Enlevez les chairs de
quatre aubergines violettes, mais en respectant la peau;
hachez avec blanc de volaille ou chair d'agneau rôti, ou
maigre de cochon de lait, ou toute autre viande blanche et
bien cuite; mettez dans ce hachis 180 grammes de moelle,
ou, si vous le préférez, assaisonnez le tout avec une pincée de
muscades, 180 grammes de gras de lard, un peu de sel.
Faites entrer dans votre hachis de la mie de pain rassis,
délayez avec quatre jaunes d'oeufs, remplissez vos moitiés
d'aubergines avec cette farce, et faites-les cuire sur la
tourtière, en les arrosant avec de la moelle ou du lard
fondu.
Autruche. - Comme oiseau, c'est le plus grand et c'est
aussi un des plus célèbres et des plus anciennement connus
sous le rapport alimentaire, puisqu'il en est question dans
l'Ancien Testament, en particulier dans le Deutéronome, où
Moïse interdit aux Hébreux de manger sa chair, qui devint
fort en usage chez les Romains. On rapporte
qu'Héliogabale se fit servir dans un repas les têtes de six
cents autruches pour en manger les cervelles.
La chair de l'autruche n'est pas très bonne; elle est
dure et sans aucun goût; cependant l'aile, qui en est la partie
la plus tendre, et les filets bien assaisonnés peuvent encore
se manger.
Les oeufs de l'autruche sont très gros; on en a vu qui
pesaient autant que trente oeufs de poule, et quelques
voyageurs qui ont mangé de ces oeufs les ont trouvés très
bons; on fait au cap de Bonne-Espérance un commerce
considérable de ces oeufs; on en prépare même des
omelettes gigantesques; on les accommode encore avec de la
graisse; enfin on les emploie à clarifier le café.
Les Arabes de nos jours, comme les Hébreux
d'autrefois, s'abstiennent de manger la chair de l'autruche,
mais ils recherchent beaucoup la graisse de cet oiseau dont
ils se servent pour apprêter leurs mets, et aussi pour se
frictionner le corps dans les cas de rhumatismes et autres
maladies. On vend cette graisse fort cher, peut-être à cause
de sa rareté.
Avelines. - Sorte de grosse noisette pourprée. On dit
que la meilleure espèce d'aveline est celle qui nous vient du
pays de Foix et du Roussillon, mais je serais tenté de croire
que c'est celle qui vient d'Avellines et qui a donné son nom
à l'espèce. Les avelines poussent sans culture dans les
ravins et dans les ruines qui environnent Avellines. Victor
Hugo enfant a failli se tuer en tombant dans un de ces
ravins en cueillant des avelines.
Avoine. - Genre de la famille des graminées. La
semence torréfiée de l'avoine réduite en farine prend le
nom de gruau de Bretagne et a un goût qui se rapproche de
celui du café.
Awabi. - Coquillage des mers du Japon et qui est un
symbole pour les habitants de ce pays qui, lorsqu'ils
donnent un repas, font toujours servir un plat de ce mets,
afin, disent-ils, de se rappeler que ce fut la nourriture
ordinaire de leurs ancêtres pauvres. C'est aussi un usage
parmi ce peuple de joindre à tous les présents qu'ils font un
morceau de la chair de ce coquillage, comme étant de bon
augure.
Axis. - Espèce du genre cerf qui se reconnaît à son
pelage, et se distingue surtout par la forme svelte de ses
bois; cet animal change deux fois par an de poil sans
changer de couleur.
Au Bengale, l'axis est élevé dans une demi-domesticité,
et on l'engraisse pour la table. Sa chair est excellente et
supérieure à celle du chevreuil, non seulement pour le
goût, mais aussi parce qu'elle peut être consommée aussitôt
que l'animal a été abattu.
On l'apprête de même que le chevreuil.
Axonge. - Axonge (V. GRAISSE).
Aya-pana. - Plante du genre des eupatoires, originaire
des îles de France et de Bourbon; ses feuilles contiennent
un arôme infiniment suave et souverainement fortifiant par
diffusion, elles sont stomachiques, apéritives et
sudorifiques; c'est M. l'amiral de Sercey qui l'a introduite en
France. Son infusion se fait comme celle du thé; mais,
comme son arôme est très puissant, douze ou treize feuilles
suffisent pour une théière de six tasses. La meilleure façon
d'employer ce nouvel aromate est d'abord de le prendre
comme on prend le thé, et ensuite d'en parfumer des
soufflés, des moufles et des glaces à la crème L'aya-pana
s'allie admirablement avec les jaunes d'oeufs et la crème.
M. de Courchamps nous apprend qu'on a payé l'ayapana
près de 300 francs les trente grammes, et cela dans
l'invasion du choléra, pour lequel il était un excellent
topique; à présent, on paye le demi- kilo 80 ou 90 francs.
Azerole. - Espèce de nèfle des pays chauds où on
l'appelle pommette; ses feuilles ressemblent à celle de
l'aubépine, quoique plus grandes; les fleurs sont en grappes
de couleur verte; c'est le zazor des Arabes; le fruit est rond,
charnu, rouge lorsqu'il est mûr, de saveur aigrelette,
agréable et recherché surtout par les femmes enceintes.
Sa pulpe contient trois osselets de semence fort durs;
l'azerole est astringente, on la mange crue ou confite.
L'azerolier de Virginie mérite d'être cultivé à cause de ses
fleurs brillantes et de son fruit éclatant.
B
Baba. - «Le baba est un gâteau d'origine polonaise, qui
doit toujours présenter assez de volume pour être servi
comme grosse pièce et entremets, et pour pouvoir figurer
pendant plusieurs jours sur les buffets d'en-cas. Réunissez
1500 gr. de la plus belle farine que vous pourrez trouver, 45
grammes de levure de bière, 30 grammes de sel fin, 120
grammes de sucre, 180 grammes de raisin de Corinthe, 180
grammes de raisin muscat de Malaga, 30 grammes de
cédrat confit, 30 gr. d'angélique confite, 3 grammes et demi
de safran; un verre de crème, un verre de vin de Malaga,
vingt-deux oeufs et 1 kilo du beurre le plus fin. Quand votre
farine sera tamisée, prenez-en le quart pour le levain, et,
après avoir préparé cette farine en fontaine, vous verserez
au milieu un verre d'eau tiède avec la levure, puis vous
détremperez votre levain, en y apportant tous les soins que
la fermentation réclame. Ensuite vous faites une fontaine
avec le reste de la farine, vous versez au milieu 30 gr. de
sel fin, 120 grammes de sucre en poudre, un verre de
crème, vingt à vingt-deux oeufs, 1 kilogramme de beurre
d'Isigny, manié en hiver; faites votre détrempe, et, après
avoir mêlé le levain qui doit être levé à point, vous battez
bien cette pâte que vous élargissez un peu; faites un creux
au milieu, dans lequel vous versez un verre de vin de
Malaga et l'infusion de votre safran que vous aurez fait
bouillir quelques minutes dans le quart d'un verre d'eau,
puis vous jetez sur la pâte 180 grammes de raisin de
Corinthe, 180 grammes de muscat dont vous aurez ôté les
pépins en séparant chaque grain en deux parties; ces
raisins doivent être préparés d'avance; puis 30 grammes
de cédrat confit, coupé en petits filets ainsi que de la
conserve d'angélique; remuez bien ce mélange, afin que le
raisin soit bien mêlé dans toutes les parties de la masse
entière; vous séparez ensuite un huitième de la pâte que
vous rendez lisse pardessus, vous en ôtez les plus gros
raisins qui se trouvent à la surface, et vous la posez de ce
côté dans un moule beurré.
«En plaçant la détrempe dans le moule, retirez-en les
gros grains de raisin, parce que le sucre qu'ils contiennent
les attacherait au moule pendant la cuisson».
Pour la fermentation, vous aurez les mêmes attentions
que pour le gâteau de Compiègne (V. Gâteau de
Compiègne), et pour la cuisson vous y donnerez une heure et
demie; la vraie couleur du baba doit être rougeâtre, c'est la
cuisson mâle, mais elle n'est pas facile à saisir, parce que le
safran, par sa teinte jaunâtre, porte à la couleur, et que le
sucre et le vin d'Espagne y contribuent pour le moins
autant de leur côté; c'est par ces raisons que cette cuisson
réclame beaucoup de soins; un quart d'heure de trop
suffirait pour changer cette belle nuance pourprée en une
teinte indécise et rembrunie.
«Il paraît, quant à l'origine de ces gâteaux, que c'est
réellement le roi Stanislas Leczinski, beau-père de Louis
XV, qui les a fait connaître en France. Chez les augustes
descendants de ce bon roi (ce n'est pas moi qui parle, c'est
Carême), on fait toujours accompagner ce service des
babas par celui d'une saucière où l'on tient mélangés du vin
de Malaga sucré avec une sixième partie d'eau distillée de
Tanésie. On a su par Mme la comtesse Risleff, née comtesse
Potoka et parente des Leczinski, que le véritable baba
polonais devait se faire avec de la farine de seigle et du vin
de Hongrie.
«On voit quelquefois à Paris de petits babas qui ont été
formés dans de petits moules, mais alors ils se dessèchent
trop aisément pour que l'on puisse approuver cette méthode
économique, qui n'est usitée du reste que par les marchands
pâtissiers.
«Avec des tranches de baba bien imbibées de vin de
Madère et trempées dans de la pâte à friture, on fait un plat
de beignets très confortable et très bien accueilli dans un
déjeuner de garçons».
(D'après les traditions de la cour de Lunéville et
suivant la méthode de M. Carême, auteur du Cuisinier
pittoresque).
Si vous voulez confectionner un baba dans de plus
petites proportions, et qui suive de moins près les
traditions de la cour de Lunéville, dont ne pouvaient
s'écarter un pâtissier comme Carême et un gastronome
comme M. de Courchamps, prenez cette recette au livre de
pâtisserie d'Audot: Servez-vous du même levain que pour
la brioche et des mêmes proportions pour la pâte, en la
tenant un peu plus claire; le mélange étant fait, on
assemble la pâte, on fait un trou où l'on ajoute 15 gr. de
sucre en poudre, 30 grammes de vin de Madère, Malaga ou
rhum, 45 grammes de raisin muscat égrenés et coupés en
deux, autant de raisin de Corinthe, 8 grammes de cédrat
confit coupé en petits filets et un peu de safran en poudre;
ce mélange doit avoir la même consistance qu'avait le
levain, soit en y ajoutant un oeuf ou de la crème; mettez
cette pâte dans un moule beurré deux ou trois fois plus
grand que le contenu de la pâte, faites en sorte que le raisin
ne touche pas aux parois du moule où il se collerait, laissez
reposer en lieu chaud jusqu'à ce qu'il soit bien gonflé,
faites cuire une heure et demie à une chaleur très douce, et
le baba est parfait quand il prend une couleur rougeâtre. On
sert chaud de préférence.
Babeurre. - Babeurre (Lait de beurre) Liqueur séreuse
et blanche que laisse le lait quand on l'a battu.
Cette liqueur forme un aliment très estimé en Hollande,
au point que les domestiques, dans leurs engagements avec
leurs maîtres, mettent pour condition qu'on leur en donnera
une ou deux fois par semaine. On se sert aussi du babeurre
pour faire du potage; il est nourrissant et rafraîchissant, et
cependant l'usage n'en convient point à tous les estomacs.
Babiroussa. - Espèce de sanglier avec lequel l'Europe
vient de faire connaissance et que les curieux trouveront au
Jardin des plantes. Pline a dit de lui: «Aux Indes, il y a une
espèce de sanglier qui a sur son front deux cornes comme
celles d'un veau et des défenses comme celles d'un sanglier
commun»: Elien en fait aussi mention sous le nom de
Quatre-cornes.
«Ah! mon Dieu, mon ami, demandait une dame à son
mari, qu'est-ce donc que cet animal qui, au lieu de deux
cornes, en a quatre?
- Madame, dit un passant, c'est un veuf remarié; et il
continua son chemin».
La couleur du babiroussa est cendrée ou sale, ses poils
sont laineux et courts, ses oreilles peu étendues, son train de
derrière plus élevé que celui de devant; sa peau est mince
et ne contient pas de lard, sa chair a un goût fort
agréable. On le mange comme le sanglier.
Lorsqu'on chasse l'animal, il se jette à la mer, et, comme
les îles de l'archipel de l'Inde sont très rapprochées, il passe
de l'une dans l'autre. Celui qui est au Jardin des Plantes et
qui vient manger dans la main prouve que cet animal peut
s'apprivoiser.
Bacile. - Plante du genre des ombellifères. Cette plante
croît sur les bords de la mer, au milieu des rochers; j'en ai
cueilli sur toutes les côtes de la Normandie; les tiges sont
dures, vertes, garnies de feuilles charnues, les folioles sont
étroites, les fleurs blanches, la saveur salée, piquante,
aromatique, mais avec tout cela très agréable, on confit les
tiges dans le vinaigre et on les mange comme les
cornichons et comme les achards.
Bagassier. - Arbre de la famille des artocarpies,
originaire de la Guyane. Il produit un fruit de la grosseur de
l'orange moyenne, de couleur jaunâtre et recouvert d'une
peau grenue; sa chair est ferme, succulente, de bon goût, et
rafraîchit. Les créoles et les indigènes la mangent avec
plaisir.
Bain-marie. - Manière de faire prendre certaines
sauces qui, posées directement sur le feu, se coaguleraient
trop vite. Le procédé est si connu que nous jugeons inutile
d'en donner l'explication.
Baku. - Poisson du Japon, recherché à cause de la
délicatesse de sa chair; les habitants en jettent la tête, les
intestins, les os, le lavent et le nettoient avec beaucoup de
soin, et, malgré ces précautions, plusieurs personnes en
meurent empoisonnées. Lorsqu'un Japonais est dégoûté de
l'existence, il se sert de ce poisson de préférence à tout
autre moyen de destruction. Scheutzer, dans son Histoire du
Japon, dit que cinq personnes de Nangasaka, ayant mangé
un plat de baku, s'évanouirent, furent prises de
convulsions, de délire et d'un vomissement de sang
tellement violent, qu'elles en moururent en peu d'heures.
Malgré cela, les Japonais ne veulent pas s'abstenir d'un
aliment qu'ils trouvent très délicat. Un édit de l'empereur
défend expressément aux soldats et aux employés de
l'Empire d'en manger; ce poisson se vend beaucoup plus
cher que les autres.
Balachan. - Le balachan est une pâte qui se fait à Siam
et à Tonquin, avec des crevettes; on les pile avec du sel
pour en former une espèce de saumure épaisse, qu'on fait
cuire au soleil pendant plusieurs jours; on a soin de la
remuer de temps en temps, ce qui répand au loin une odeur
affreuse. Cette pâte supplée au beurre, fortifie l'estomac,
excite l'appétit. A Tonquin on lui donne le nom de nuxman,
on la mange avec le riz et on en assaisonne aussi les
viandes.
Balaou. - Poisson de la forme et de la longueur de la
sardine; sa mâchoire inférieure a un bec assez fort, mince et
pointu comme une aiguille. La chair de balaou est ferme,
délicate, de bon goût, et de facile digestion. Ce poisson est
abondant à la Martinique, où on le pêche aux flambeaux.
Baleine. - La baleine est le plus grand des
mammifères; il y a des baleines qui ont jusqu'à 65 mètres
de longueur; l'intérieur de son corps ressemble à celui des
animaux terrestres; son sang est chaud; elle respire par le
moyen des poumons, ce qui fait qu'elle ne peut rester plus
d'un quart d'heure sous l'eau; elle s'accouple comme les
vivipares, et elle nourrit son caffre de lait. Caffre est le
nom que les baleiniers donnent au petit de la baleine. La
baleine n'a qu'une mamelle, placée juste au milieu de la
poitrine. On ne sait comment le caffre fait pour boire.
Nage-t-il sur le dos et boit-il en faisant la planche? Le
procédé dont il se sert est bien plus simple que ça, il
pousse la mamelle de sa mère d'un violent coup de museau,
la mamelle laisse alors sortir un long jet de lait, il se
précipite sur ce lait, l'avale avec l'eau à laquelle il est mêlé,
puis rend immédiatement l'eau par les ouïes ou par les
évents et ne garde que le lait. Il est assez curieux que la
baleine, le plus pesant des poissons, voyage aussi
rapidement que le pigeon, l'un des oiseaux les plus légers:
tous deux font soixante-quatre kilomètres à l'heure.
C'est une baleine qui a résolu ce problème difficile de
savoir s'il y avait au-dessous de l'isthme de Panama un
passage de l'Atlantique au Pacifique. Une baleine, frappée
d'un coup mortel dans le golfe du Mexique, était trouvée
deux heures après morte dans l'océan Pacifique. Comme
elle n'avait eu le temps de passer ni par le cap Horn, ni par le
détroit de Lemaire, ni par celui de Magellan, attendu qu'il
lui eût fallu faire près de trois mille lieues, on fut bien
obligé de convenir qu'elle avait dû trouver un passage sousmarin.
On put reconnaître le moment où elle avait été
blessée, par l'inspection du harpon qui l'avait frappée à
mort et qui était demeuré fixé dans la plaie. Ce harpon,
comme tous les harpons de baleinier, portait son numéro,
et, sur le registre de bord, on put voir quel jour et à quelle
heure il avait été lancé; le harpon avait été lancé dans le
golfe du Mexique, et vingt-quatre heures plus tard la baleine
était trouvée morte dans le Pacifique.
La peau de la plupart des baleines est noire, la chair
est rouge et ressemble à celle du boeuf. Cette chair et
surtout celle du cébillot, la plus grosse de toutes les baleines,
est tellement bonne et saine que les pêcheurs et le commun
peuple maritime lui attribuent la santé parfaite dont ils
jouissent.
Baliste. - Baliste (le caper de Pline) Poisson
cartilagineux dont les couleurs sont vives et brillantes; il
fait, quand on le prend, un bruit semblable au grognement du
porc; sa chair est excellente, ce poisson était à Athènes d'un
prix exorbitant.
Bambou. - Grand roseau indien dont on fait des
cannes. Il contient un suc dont les Indiens sont friands;
c'est de chacun de ses noeuds que découle une liqueur
saccharine, qui par l'action de la chaleur solaire se convertit
en larmes de sucre. Les anciens ne connurent que le sucre
de canne et le sucre de bambou. Les jeunes rejetons du
bambou forment une espèce de composition au vinaigre
et à la moutarde, qui a pris le nom de son inventeur,
Achar.
Bananier. - Plante des Indes orientales et occidentales.
En Orient, la banane passe pour être le fruit défendu dans
lequel mordit notre grand-mère Eve. Elle rend aux pauvres
gens le même service que chez nous la pomme de terre aux
ouvriers. Aux Antilles et à Cayenne on en fait un vin, qui
porte le nom de vin de bananes.
Bangue. - Chanvre des Indes, qu'Adanson croit être le
népenthès des anciens et qui est le haschisch des modernes.
Baobab. - Arbre qui produit un fruit connu au Sénégal
sous le nom de pain de singe, parce que cet animal s'en
nourrit beaucoup; on ne s'en sert guère que pour faire une
boisson rafraîchissante en exprimant son suc et le mêlant
avec du sucre.
Bar. - Poisson de mer qui ressemble à notre mulet; très
délicat lorsqu'il ne dépasse pas le poids de deux à trois
kilos, il devient dur et désagréable à manger lorsqu'il
atteint le poids de quinze à vingt kilos. J'ai pêché à
Trouville un bar qui pesait vingt-trois kilos; il était coriace et
avait perdu presque toute sa sapidité.
Il n'y a guère qu'une façon de manger ce poisson; c'est
de l'apprêter avec un court-bouillon, composé de 125
grammes de beurre salé, de cinq ou six grandes tiges de
persil auxquelles on aura laissé leurs racines, et on le
mangera avec une sauce hollandaise.
Baragouin. - Beaucoup de nos lecteurs vont s'étonner
de trouver ce mot dans notre dictionnaire de cuisine; mais,
quand ils auront lu l'anecdote qui suit, ils comprendront et
nous pardonneront sûrement d'y avoir intercalé le mot
baragouin.
Deux Bretons, qui voyageaient, se trouvèrent dans une
ville où l'on ne parlait que français. Pressés par la faim, ils
s'évertuaient à crier dans leur vieille langue celtique baraguin
sans que personne les comprit; enfin, ils firent tant de
gestes qu'on finit par deviner qu'ils avaient faim et soif, et on
s'empressa de les nourrir.
Et voilà comment le mot français baragouin, qui
signifie langage incompréhensible, a été formé de bara qui
veut dire pain, et de guin qui veut dire vin en langue
bretonne.
Baraquille. - Espèce de pâtisserie, composée d'une
farce faite avec des filets de perdrix, de poulardes, des ris de
veau, des champignons, des truffes vertes, hachés
ensemble, et dans laquelle on ajoute un bon morceau de
beurre bien frais et des fines herbes; on enferme le tout
dans une pâte de feuilletage très légère; c'est un horsd'oeuvre
de pâtisserie de la nature des rissoles.
Barbe de bouc. - Clavaire coralloïde de Linné, plante
ressemblant au salsifis et se mangeant cuite à l'eau ou frite,
comme ce dernier.
Il y a une autre espèce de barbe de bouc, plus petite,
dont on mange les jeunes pousses comme les asperges. On
dit que c'est avec cette racine que Jules César nourrit son
armée lorsqu'elle se trouva dénuée de vivres et entourée de
toutes parts par celle de Pompée.
Barbe de capucin. - Chicorée sauvage, variété de
l'endive, dont on mange les feuilles en salade.
La barbe de capucin est une des salades les plus
estimées, très saine, et l'une des plus nourrissantes, la
meilleure peut-être de toutes, quoique légèrement amère;
c'est la seule que les médecins permettent quelquefois
aux malades convalescents.
On la mange le plus ordinairement avec des rouelles de
betteraves et assaisonnée de sel, poivre, huile, vinaigre, et
sans herbes.
Barbe de chèvre. - Fleur en rose, espèce de
champignons que l'on trouve au pied des arbres; il a
différentes couleurs, rouge ou violet, ou grenat, et n'est pas
vénéneux, quoique en général un peu coriace et par
conséquent de difficile digestion.
On les emploie comme les champignons ordinaires dans
les sauces; les barbes de chèvre se confisent aussi au
vinaigre, après les avoir passées à l'eau bouillante.
Barbeau, barbillon. - Poisson doué de deux noms,
mais qui ne fait qu'un; il est oblong, de grandeur moyenne,
couvert de légères écailles, et doit son nom à quelques
filaments de chair qui lui servent de moustaches. Ses oeufs
sont un purgatif assez violent; il n'y a donc pas de mal à les
lui tirer du corps avant de le faire cuire, car leur seule
présence dans l'animal pourrait amener des inconvénients.
Prenez un barbillon de moyenne grandeur, où il y ait à
manger pour quatre personnes, videz, écaillez, et essuyez
avec soin; mettez-le dans un plat de terre, ajoutez quatre
cuillerées à bouche d'huile, trois pincées de sel et trois prises
de poivre; une demi-heure après, faites- le griller à feu
modéré; mettez-le sur le plat, couvrez-le avec un hecto
de maître-d'hôtel, arrosez de citron, et servez.
Vous pouvez manger le barbillon en matelote en
l'ajoutant à la carpe et à l'anguille; il est indispensable à la
matelote marinière.
Barbillon à l'étuvée. - Après avoir écaillé et vidé les
barbillons, faites cuire au vin rouge, le bourgogne est le
meilleur, avec sel, poivre, girofle, bouquet garni, et un gros
morceau de beurre; quand ils sont cuits, liez la sauce avec
un peu de beurre manié de farine ou de farine de riz.
Barbillon au court-bouillon. - Prenez le plus beau
barbillon que vous pourrez trouver, videz; n'écaillez pas,
mettez dans un grand plat, avec sel et poivre, et arrosez de
vinaigre bouillant, puis faites partir à grand feu, dans une
poissonnière, vin, verjus, sel, poivre, clous de girofle,
laurier, oignons blancs, zeste de citron et bouquet garni;
après ébullition, faites cuire dans la poissonnière jusqu'à
suffisante réduction du bouillon. Ecaillez, dressez sur une
serviette et garnissez de cresson.
A part la quantité d'arêtes dont sa chair est
hérissée, c'est alors un excellent plat.
Barbeau sur le gril. - Videz, écaillez, incisez sur le dos
le poisson, frottez avec beurre et sel fin, et grillez. La
chose faite, dressez avec une sauce aux anchois. On peut y
ajouter des huîtres marinées. Toutes les sauces, d'ailleurs,
vont à ce poisson d'excellent caractère.
Sauce verte (avec des anchois et une pointe d'ail),
sauce hollandaise, sauce blanche avec des câpres et des
olives tournées.
Barbote. - Poisson de rivière et de lac. Les barbotes
qui vivent dans un lac sont moins délicates que celles que
l'on pêche dans la rivière, attendu que leur chair sent la
vase et se digère difficilement. Le foie, au contraire, a une
saveur très agréable; il est fort gros relativement au volume
du poisson; quelques gourmands prétendent même qu'il n'y
a que le foie de bon à manger.
Limonez votre barbote à l'eau bouillante pour la
nettoyer, videz-la et jetez les oeufs; faites votre courtbouillon
d'avance, parce qu'il ne leur faut qu'une vague de
bouillon pour cuire. Petites, les barbotes entrent comme
garniture de matelote, bouille-à-baisse, bouride et autres
ragoûts de poisson; elles font d'excellentes fritures, et leur
foie, dont j'ai déjà parlé, se compare comme finesse à celui
de la lotte.
Barbote à la royale. - Videz, écaillez, farinez, faites
frire les barbotes; faites pendant ce temps un roux dans une
casserole avec des anchois fendus, sel, poivre, muscade,
jus d'oranges amères, câpres, grains de verjus; faites cuire
doucement, entourez de persil et écorces de citron, si vous
n'avez pas de bigarades.
Barbote à la casserole. - Apprêtez comme à la royale;
mettez le foie à la casserole avec du beurre et une demicuillerée
de farine; mettez-y vos poissons, arrosez-les de
vin blanc, salez, poivrez, laissez tomber un bouquet de
fines herbes, un peu de citron vert, des champignons;
cuisez à point, garnissez de champignons et entourez- les
de croûtons frits. Ajoutez-en d'autres cuits de la même
façon si vous jugez à propos; pressez un citron vert et
entourez vos barbotes de leur foie, que vous alternerez
avec des croûtons passés à la friture.
Barbue. - La forme de ce poisson est rhomboïde; sa
peau est revêtue d’écailles ovales et unies; le côté gauche est
marbré de jaune, de brun et de rouge. A Paris, on donne
souvent à la barbue le nom de carrelet; elle est fort
abondante dans la Méditerranée, sur les côtes de
Sardaigne, ainsi qu'autour des îles Açores; elle pèse parfois
jusqu'à 10 kilos. Sa chair est ferme et exquise: les amateurs
la préfèrent à celle du turbot; on ne doit cependant pas en
faire excès, étant d'assez difficile digestion.
Dans le fleuve Saint-Louis de la Louisiane, on trouve
deux espèces de barbue, la grande et la petite; la première a
presque 1 mètre à 1 m. 30 de long; sa tête est très grosse, son
corps se termine en pointe; elle n'a d'écailles que celles du
milieu. Sa chair ressemble à celle de la morue fraîche du
pays, qui est excellente; on la sale aussi. La petite est d'une
longueur de 60 à 70 centimètres; sa tête est large, son corps
n'est pas aussi rond que celui de la première, et ne se
termine pas en pointe, mais la chair en est encore plus
délicate.
Videz, lavez, nettoyez l'intérieur de votre barbue;
faites une incision du côté droit jusqu'au milieu du dos,
relevez les chairs des deux côtés et enlevez un morceau
d'arêtes de trois joints ou noeuds, ce qui donnera de la
souplesse et empêchera qu'elle ne se fende; mettez de l'eau
dans un chaudron en assez grande quantité pour que cette
eau, versée du chaudron dans la turbotière, enveloppe
entièrement votre barbue; joignez-y une poignée de gros
sel, deux feuilles de laurier, du thym, du persil, six à dix
oignons coupés par tranches; faites bouillir le tout un quart
d'heure, passez au tamis et laissez reposer; versez sur la
barbue que vous aurez placée le ventre en dessus, et dont
vous aurez frotté le ventre avec du sel et du jus de citron,
versez le court-bouillon bien éclairci et laissez-lui donner
quelques vagues; laissez mijoter une heure sans bouillir,
plus si le poisson est très gros. En été, il faut le faire partir à
feu vif, car à feux doux il pourrait se corrompre; couvrez-le
pendant la cuisson d'une serviette ou d'un papier pour
empêcher de noircir; quand il fléchit sous le doigt, il est
cuit. La cuisson faite, vous le retirez cinq minutes avant de
servir, vous le laissez égoutter; vous le parez sur un plat, le
ventre en dessus; vous coupez les extrémités des barbes et
le bout de la queue; masquez les déchirures, s'il y en a,
avec le persil dont vous l'entourez; servez dans une
saucière une sauce aux câpres, une autre à l'huile, et une
autre, si vous voulez, à la hollandaise; on peut la mettre
cuire dans l'eau avec 500 gr. de sel blanc, un litre de lait et
une pointe de citron; s'il n'est pas très frais, mettez-le dans
l'eau salée bouillante, et laissez mijoter une heure pour le
raffermir.
Barbue marinée à la tomate ou à l'oseille. - Après
l'avoir vidée, l'avoir incisée sur le dos pour lui faire
prendre la marinade pendant deux heures, avec sel, poivre
verjus, ciboule, citron, poudrez-la de mie de pain et de
fine chapelure, faites cuire au four dans une tourtière, et
servez sur une purée de tomates ou d'oseille.
Barbue à la béchamel. - Faites bouillir votre courtbouillon
à part pendant vingt minutes, tamisez, frottez de
citron votre barbue, versez sur elle et dans la turbotière le
court- bouillon composé avec moitié lait, moitié eau, avec
des oignons coupés en tranches, du sel, des ciboules, du
thym, du laurier, du persil, de l'ail, du girofle et du gros
poivre. Faites cuire sans gros bouillons et couvrez d'une
béchamel au maigre.(V. BECHAMEL)
Barbue à la parmesane. - Levez les chairs d'une
barbue après qu'on l'a desservie, faites-les chauffer dans
une béchamel épaisse, arrangez le tout sur un plat en
unissant bien le dessus, panez, saupoudrez de parmesan,
faites prendre couleur sous un four de campagne ou avec
une pelle rougie; beurre fondu et mie de pain par dessus.
Barbue à la provençale. - Marinez et faites frire une
barbue, levez la chair en filets, et servez avec une sauce
aux anchois et des olives. On sert les petits turbots et les
petites barbues au gratin, comme on fait pour les merlans et
les limandes.
Bardane. - Genre de la famille des flosculeuses, plante
ressemblant au chardon, dont elle se distingue par son
involucre presque globuleux, formé d'écailles allongées et
droites, terminées à leur sommet par une pointe recourbée en
crochet.
Les jeunes pousses de la bardane, cueillies au
printemps, offrent une saveur assez agréable, ressemblant à
celle de l'artichaut et sont quelquefois recherchées, par les
habitants des campagnes, comme aliment.
En Ecosse, les jeunes pousses, et même la racine
écorcée, servent à l'alimentation; on l'accommode comme
les cardons ou bien on mange ses feuilles en salade.
Cet aliment est sain, de saveur agréable, mais il
nourrit peu.
Bardes. - Tranches de lard très minces dont on couvre
une pièce qu'on met rôtir. On garnit aussi souvent de
bardes le fond des casseroles.
Barder. - Envelopper de bardes de lard: «On barde une
volaille, mais on fonce une casserole». (Courchamps).
Barge. - Oiseau aquatique, ressemblant au courlis, il
est fort commun en Egypte, où il est fort estimé à cause de
l'excellente saveur de sa chair, qui nourrit et se digère bien.
On trouve aussi des barges sur les bords des mers du
Nord.
Barnache. - Espèce d'oie de passage, qui habite
généralement les côtes de la mer. Sa chair est assez bonne à
manger, quoique de difficile digestion.
Elle ne convient donc pas aux estomacs fatigués ou
affaiblis.
Bartavelle. - Un des noms de la perdrix grecque. Cet
oiseau est plus gros que la perdrix rouge, à laquelle il
ressemble beaucoup; le dos est d'un gris roussâtre, la
poitrine est grise, le ventre est roux; cet oiseau, répandu
dans tout l'orient, ainsi qu'en Sicile et à Naples, ne descend
jamais dans la plaine; sa chair est blanche, fort estimée,
quoique d'une saveur résineuse un peu amère, on la trouve
principalement dans les Alpes, quelquefois dans les vallées
du Grésivaudan, du Viennois et du Valentinois. Elle est
d'origine attique; c'est le bon roi René d'Anjou qui a doté sa
chère province de ce fin gibier. Un des Scaliger ajoute que
la bartavelle est originaire du mont Olympe et qu'elle a
conservé le sentiment de sa grandeur, vu qu'elle ne se plaît
que dans les hauts lieux, pour y régner en souveraine. Le
père Poiré a dit qu'il y avait la même distance entre les
bartavelles et les perdrix qu'entre les pêches et les
châtaignes; Cyrano de Bergerac estime que les bartavelles
sont aux perdreaux ce que les cardinaux sont aux simples
moines mendiants. Enfin, M. de La Reynière a dit que les
bartavelles méritaient un si profond respect, qu'on ne
devrait les manger qu'à genoux; l'auteur des Mémoires de
madame de Créquy conseille de les piquer de lardons très
fins, ou encore de les barder, s'ils sont très jeunes, et de les
servir en superbe plat de rôti. Mais M. Vuillemot a posé ce
principe, qu'il ne fallait jamais piquer le gibier, et nous
nous inclinons devant cette autorité.
Bâtons royaux. - Nous citons ce mets, qui remonte à
Charles VII, plutôt à cause de son antiquité que comme
hors-d'oeuvre culinaire. C'est une farce très fine, faite avec de
la chair de volaille et du gibier. Vous roulez ce hachis, vous
l'enveloppez dans des abaisses de pâte fine et vous les
faites frire. On les enfile souvent avec des hâtelets, et on
les emploie à garnir une pièce de boeuf.
Baudroie. - Poisson fort commun sur les côtes de
Gênes, dans la Manche et dans l'océan; il ressemble au
têtard et est très habile à la pèche des autres poissons plus
petits, ce qui l'a fait surnommer grenouille pêcheuse.
Sa chair est blanche et bonne comme celle de la
grenouille; les habitants du Languedoc le mangent, comme
cette dernière.
Bavaroise. - Boisson chaude, qui se fait avec du sirop
de capillaire, délayé dans une infusion de thé; selon la
substance avec laquelle elle se confectionne, on l'appelle
bavaroise à l'eau, bavaroise au thé, bavaroise au chocolat.
Boisson adoucissante et soporifique.
Bécasse, bécassine et bécasseau. - C'est le premier
des oiseaux noirs et la reine des marais. Pour son fumet
délicieux, la volatilité de ses principes et la finesse de sa
chair, elle est recherchée par les gourmets de toutes les
classes. Ce n'est, hélas! qu'un oiseau de passage. Mais on en
mange pendant plus de trois mois de l'année. Les bécasses
à la broche sont, après le faisan, le rôti le plus distingué.
On vénère tellement ce précieux oiseau, qu'on lui rend les
mêmes honneurs qu'au grand lama; des rôties mouillées
d'un bon jus de citron, reçoivent ses déjections et sont
mangées avec respect par les fervents amateurs.
Eléazar Blaze, grand chasseur et en même temps grand
cuisinier, donnait en ces termes son opinion sur la bécasse:
«La bécasse est un excellent gibier lorsqu'elle est grasse; elle
est toujours meilleure pendant les gelées; on ne la vide
jamais. En pilant les bécasses dans un mortier, on fait une
purée délicieuse; si l'on met sur cette purée des ailes de
perdrix piquées, on obtient le plus haut résultat de la
science culinaire. Autrefois, quand les dieux descendaient
sur la terre, ils ne se nourrissaient pas autrement. Il ne faut
pas manger la bécasse trop tôt, son arôme ne serait pas assez
développé, vous auriez une chair sans goût et sans saveur;
apprêtée en salmis, son parfum se marie très bien avec
celui des truffes. Mise en broche avec une cuirasse de lard;
elle doit être surveillée par l'oeil du chasseur; une bécasse
trop cuite ne vaut rien. Mais une bécasse cuite à point,
placée sur sa rôtie dorée et onctueuse, est un des morceaux
les plus délicats et les plus savoureux qu'un galant homme
puisse manger; et lorsqu'il a la précaution de l'arroser
d'excellent vin de Bourgogne, il peut se flatter d'être un
excellent logicien.
«Un président du tribunal d'Avignon, avait dîné chez le
préfet. En sa double qualité de gourmand distingué, de
chasseur intrépide, il officiait toujours en conscience.
Après avoir pris sa tasse de café pour faciliter la digestion, il
en était à son troisième petit verre pour faciliter le passage
du café, lorsque son amphitryon l'aborde et lui demande s'il
a bien dîné. - Mais... oui... - Cette réponse semble
accompagnée de restrictions. - J'ai assez bien dîné. -
Assez bien ne signifie pas bien. - Si, si, j'ai bien dîné. - Je
vous devine monsieur le président, vous regrettez ces
deux belles bécasses qui n'ont pas été découpées. - Ma foi,
j'en aurais bien mangé ma part. - Attendez un instant on
va vous les servir. - Après le café?... après la liqueur?...
c'est impossible. - Rien n'est impossible aux estomacs
comme le vôtre.
«Le préfet donna l'ordre, une petite table est
dressée dans le cabinet voisin, on sert les deux bécasses et
le bienheureux président les mange».
On croit que les anciens n'ont pas connu la bécasse; elle
est de la grosseur de la perdrix, le bec est fort long, le
plumage agréablement varié, l'oeil fort large. La bécasse
est répandue dans tout l'ancien continent, on la trouve aussi
en Amérique. En été, elle va en Suisse, en Savoie, sur les
Pyrénées et les Alpes; on en prend le matin sur la lisière
des bois, son vol est soutenu, elle vole très vite, elle est
stupide et ne voit, dit-on, rien qu'au crépuscule. La chair de
cet oiseau aux pattes noires est excellente comme celle des
oiseaux sauvages, elle n'est cependant pas du goût de tout
le monde, elle ne convient ni aux mauvais estomacs, ni aux
bilieux, ni aux mélancoliques, mais à ceux qui font de
l'exercice. Elle est meilleure en automne. On dit que dans la
bécasse tout est bon; c'est le gibier dont les chasseurs font le
plus de cas, l'odeur et la saveur de cet oiseau déplaisent aux
chiens auxquels on a beaucoup de peine à faire rapporter
une bécasse.
Bécasse, bécasseau ou bécassine à la broche. -
Prenez quatre bécasses, flambez-les, épluchez-les et retirez
la peau de la tête, retroussez les pattes et percez-les avec leur
propre bec. Piquez les maigres, bardez les grasses,
traversez-les d'un hâtelet fixé des deux bouts. Disposez
sous la broche des rôties de pain, qui recevront la graisse et
devront être assaisonnées avec mignonnette, huile verte et
citron. La cuisson des bécasses sera d'une demi-heure. Les
bécasses seront dressées sur les rôties.
Autre manière de les servir à la broche. Videz-les
entièrement par le dos et remplissez-les à moitié de lard
râpé, avec persil, échalotes, ciboule, gros poivre et sel;
farcissez ainsi vos bécasses, recousez-les, le reste comme cidessus.
Si c'est pour les Anglais, servez-les avec une sauce
au pain.
Salmis de bécasses. - Embrochez trois bécasses, levezen
les membres, procédez pour ce salmis comme pour
celui de perdreaux, c'est-à-dire finissez-le un quart d'heure
avant de servir, mettez les membres de votre gibier à part,
ajoutez à votre sauce une cuillerée à dégraisser de gelée
d'aspic, posez-le à plat sur la glace ou sur l'eau sortant du
puits, remuez bien cette sauce jusqu'à ce qu'elle prenne;
une fois à son degré trempez-y les membres des bécasses,
les uns après les autres, dressez-les sur votre plat de
service, couvrez-les du reste de la sauce, garnissez votre
entrée de croûtons passés dans du beurre, décorez-la tout
autour avec de la gelée taillée à facettes.
Salmis de bécasse à la royale. - Préparez trois
bécasses, lardez-les, faites-les cuire à la broche, laissez-les
refroidir, levez-en les membres, ôtez-en la peau, parez-les,
rangez-les dans une casserole avec un peu de consommé,
posez-les sur une cendre chaude et faites en sorte qu'elle ne
bouillent pas. Coupez six échalotes, un peu de zeste de
citron, mettez-les dans une autre casserole avec du vin de
champagne, faites bouillir, concassez vos carcasses de
bécasses, mettez -les dans votre casserole, ajoutez-y quatre
cuillerées de consommé réduit ou de glace de viande, faites
réduire le tout à moitié, passez cette sauce à l'étamine,
mettez entre ses membres des croûtons de pain passés dans
du beurre, ajoutez à la sauce un jus de citron». (Méthode de
M. de Courchamps).
Salmis de bécasses de table à l'esprit de vin. - Faites
rôtir vos bécasses, dépecez-les; mettez-les dans un plat sur un
réchaud. Salez, poivrez, ajoutez un peu d'échalote, un verre
de vin blanc, du citron, du beurre, panez avec de la
chapelure et laissez mijoter dix minutes.
Salmis de bécasses au chasseur. - Vos bécasses sorties
de la broche, vous les dépecez, vous les mettez à la
casserole avec l'intérieur et le foie haché, de la ciboule, des
échalotes, du vin blanc, du sel, du poivre fin; vous faites
bouillir deux ou trois fois et vous servez sur des croûtons.
A M. Alexandre Dumas, à Paris.
«Cher maître,
«A propos de votre grand ouvrage sur l'Art culinaire,
vous me demandez si je pourrais vous enseigner quelques
recettes originales de la cuisine de mon pays? Que
pourrais-je vous apprendre, à vous le grand savant qui
possédez depuis bien longtemps le peu de science que ma
jeunesse m'a permis d'acquérir?... Rien! Ce que mon
inexpérience remarque n'attire seulement pas votre
attention.
«Cependant, voici un plat fort apprécié chez moi et que
je n'ai vu figurer sur aucune carte de restaurant, ce qui ne
veut pas dire qu'il ne soit pas dans un recueil complet de
cuisine bourgeoise. Enfin, je vous le fais connaître à tout
hasard, dans l'espoir de pouvoir vous être agréable.
«Bécasses brûlées au rhum à la bacquaise: - Les
bécasses, après avoir été dressées comme il convient,
embrochées sous les ailes afin de ne pas léser les intestins,
sont placées devant un feu assez vif. La viande de ces
oiseaux, de même que celle des palombes, a besoin d'être
saisie si l'on veut qu'elle conserve son fumet.
«Dans la lèchefrite qui doit recevoir le jus, vous placez
une rôtie de pain fortement frottée d'ail; cette rôtie,
manière d'éponge, boit les déjections et le jus de l'animal.
«Les bécasses cuites à point, la chair doit être
légèrement rouge, on les livre au dépeceur qui, après avoir
enlevé délicatement les quatre membres, retire avec une
petite cuiller tout l'intérieur; il cherche soigneusement le fiel
afin de l'ôter, et, ayant écrasé avec le dos d'une fourchette
les intestins dans un plat creux, il les étend sur la rôtie
poivre, sale, et vide sur le tout un bon verre de vieux rhum.
Aussitôt la liqueur enflammée, pendant que l'opérateur,
ordinairement le plus vieux chasseur, agite d'une main le
rhum avec la cuiller afin d'augmenter la violence de la
flamme, de l'autre main, armée de la fourchette, il prend et
promène chaque morceau de gibier sur la flamme bleuâtre.
«Le sacrifice accompli..., la rôtie divisée, placée sous
chaque quartier, est aussitôt passée aux gourmets qui se
disputent les dernières gouttes de cette sauce merveilleuse.
«L'accessoire dans ce plat vaut mieux que le
principal. C'est d'ailleurs un mets on ne peut plus délicat et
savoureux.
B. S.
Bécasses aux truffes. - Prenez des bécasses, flambezles,
videz-les par le dos, ôtez -en les intestins. Vous aurez eu
le soin d'éplucher d'avance des truffes selon la quantité de
bécasses que vous aurez. Ayez soin de faire cuire ces
truffes dans du lard râpé avec sel, poivre, fines épices,
ciboule et persil hachés; laissez bien refroidir aux trois
quarts, hachez les intestins, mêlez-les avec vos truffes,
remplissez de ce hachis le corps de vos bécasses cousezleur
le dos, retroussez-les, bardez-les, mettez-les à la
broche ou dans une casserole et faites cuire feu dessus et
dessous.
Bécasses à la minute. - Vous les flambez et parez, vous
les mettez dans une casserole avec un gros morceau de
beurre sur un feu ardent, des échalotes hachées, de la
muscade râpée, du sel et du gros poivre, puis, quand vous
les aurez fait sauter pendant huit ou dix minutes, vous y
mettrez le jus d'un citron, un demi-verre de vin blanc, un
peu de chapelure de pain. Vous les laissez cuire jusqu'à ce
qu'elles aient jeté un ou deux bouillons et vous servez.
Bécasses à la Périgueux. - Bridez trois bécasses pour
entrée, mettez-les dans une casserole, couvrez-les d'une
barde de lard, puis mouillez-les avec deux décilitres de vin
de Madère et quatre décilitres de Mirepoix; faites cuire les
bécasses, égouttez-les et débridez-les. Dressez-les en triangle
sur le plat et saucez- les avec une sauce de Périgueux à
l'essence de bécasse. (Recette de Jules Gouffé).
Hachis de bécasses en croustades. - Faites cuire trois
bécasses à la broche; lorsqu'elles sont froides, levez-en les
chairs, hachez le plus fin possible après avoir supprimé les
peaux, ôtez le gésier du corps de vos bécasses, pilez-en les
débris ainsi que les intestins, versez dans une casserole un
bon verre de vin de Champagne avec trois ou quatre
échalotes coupées. Lorsque ce vin aura jeté un bouillon ou
deux, mêlez-y quatre cuillerées à dégraisser pleines
d'espagnole réduite; faites bouillir, retirez vos carcasses du
mortier, mettez-les dans votre sauce et délayez-les sans les
faire bouillir; passez-les à l'étamine à force de bras,
ramassez le tout. Mettez dans une casserole votre purée,
tenez-la chaudement au bain-marie. Faites d'égale grosseur
et longueur sept ou neuf croûtons en coeur ou en rond, le
tout de l'épaisseur de trois travers de doigts; faites-les frire
dans du beurre, qu'ils soient d'une couleur agréable, vous
leur aurez fait du côté où vous voudrez les servir une petite
incision convenable à leur forme; videz- les comme vous
feriez d'un pâté chaud, mettez votre hachis dans votre
sauce, incorporez bien le tout ensemble ajoutez-y un pain
de beurre, goûtez si ce hachis est d'un bon goût,
remplissez-en vos croustades, dressez les, mettez sur
chacune un oeuf frais poché et servez.
Sauté de filets de bécasses. - Prenez quatre, six ou huit
bécasses, selon le nombre de vos convives, levez leurs
filets, mettez-les sur un sautoir avec du beurre à demi
fondu, du sel, du gros poivre et du romarin en poudre. Au
moment de servir, faites passer sur un feu ardent; égouttez,
dressez en couronne, séparez par un croûton chaque
morceau. Mettez un verre de vin blanc pour huit bécasses,
une feuille de laurier, un clou de girofle; laissez réduire.
Cela fait, ajoutez un demi-verre de vin blanc, une tasse
de bouillon, tamisez et versez sur vos filets.
Terrine de bécasses à l'ancienne mode. - Piquez de
gros lard, sans les vider, mais après avoir ôté le gésier,
quatre bécasses; garnissez le fond d'une braisière de bardes
de lard et de tranches de boeuf battues, ajoutez-y sel,
poivre, bouquet garni, oignons coupés par tranches,
carottes, panais, ciboules entières et persil haché, un peu
de basilic et d'épices; couchez-y les bécasses lestement
dessous; assaisonnez sur le dos comme vous avez fait sur
l'estomac; ajoutez des tranches de boeuf ou de veau et des
bardes de lard. Couvrez la braisière de charbon et faites
cuire feu dessus et dessous. Mettez dans une casserole un
peu de jambon et de lard coupé en dé. Laissez roussir un
peu, ajoutez persil, ciboules, champignons hachés; passez le
tout ensemble, mouillez avec du jus, ou à défaut avec du
bon bouillon, et, lorsque tout est cuit, liez la sauce en y
ajoutant un peu de coulis de veau et de jambon, ou du
beurre d'anchois manié de farine et une demi-cuillerée de
câpres. Quand les bécasses sont cuites, retirez-les de la
braisière, égouttez-les, dressez-les dans la terrine et versez
par-dessus la sauce ci-dessus; c'est ce qu'on nomme sauce
hachée. C'est, à un détail près, la méthode de l'auteur des
Mémoires de la marquise de Créquy.
Salmis de bécassines des Bernardins. - «On prend
quatre bécassines (on se réglera quant aux doses sur le
nombre et la grosseur des pièces) rôties à la broche mais
peu cuites; on les divise selon les règles de l'art, ensuite on
coupe en deux les ailes, les cuisses, l'estomac et le
croupion; on range à mesure ces morceaux sur une assiette.
«Dans le plat sur lequel on a fait la dissection, et qui
doit être d'argent, on écrase les foies et les déjections des
oiseaux et l'on exprime le jus de quatre citrons bien en
chair et les zestes coupés très minces d'un seul. On dresse
ensuite sur ce plat les membres découpés qu'on avait mis à
part; on les assaisonne avec quelques pincées de sel blanc
et de poudre d’épices fines (à défaut de cette poudre on
mettra du poivre fin et de la muscade), deux cuillerées de
l'excellente moutarde de Maille et Aclocque ou de Bordin
et un demi-verre de très bon vin blanc. On met ensuite le
plat sur un réchaud à l'esprit-de-vin et l'on remue pour que
chaque morceau se pénètre de l'assaisonnement et qu'aucun
ne s'attache.
«On a grand soin d'empêcher le ragoût de bouillir; mais,
lorsqu'il approche de ce degré de chaleur, on l'arrose de
quelques filets d'excellente huile vierge. On diminue le feu
et l'on continue de remuer pendant quelques instants.
Ensuite on descend le plat et l'on sert de suite et à la
ronde, sans cérémonie, ce salmis devant être mangé très
chaud.
«Il est essentiel de se servir de sa fourchette en cette
occasion, dans la crainte de se dévorer les doigts, s'ils
avaient touché à la sauce. (Almanach des gourmands,
année 1806).
Bec-croche. - Nom vulgaire du jeune ibis ou courlis
rouge. Oiseau de la grosseur du chapon, et dont la chair a le
goût de celle de l'écrevisse.
Son nom lui vient de la forme de son bec. Ce bec lui
sert à prendre les écrevisses dont il se nourrit, et qui
donnent à sa chair un goût caractéristique.
Cet oiseau est originaire de la Louisiane.
Bec-croisé ordinaire. - Genre d'oiseau de l'ordre des
passereaux et de la grosseur du bouvreuil et du dur-bec.
Cet oiseau a le bec comprimé et les deux mandibules
recourbées de manière que leurs pointes se croisent tantôt
d'un côté, tantôt de l'autre, selon les individus. Il se sert de ce
bec si extraordinaire pour grimper, chercher, ouvrir et
fendre les pommes de sapin et tous les fruits des arbres
conifères, même les pommes et les poires d'où il retire les
pépins, les semences et amandes dont il est très friand.
Cet oiseau habite le nord de l'Europe, sa chair a une
saveur aromatique agréable ressemblant à la térébenthine
comme odeur et est très bonne à manger.
Bec-figue. - Les anciens l'appelaient Avis Cypria,
oiseau de Chypre, parce que, en Grèce et à Rome, on le
faisait venir de Chypre, confit dans la saumure.
«Le bec-figue, comme la caille et l'ortolan, cuit dans du
papier beurré, sous la cendre, ne laisse rien à désirer pour la
saveur. » ( Vuillemot).
Brillat-Savarin, qui possède pour le bec-figue une
grande affection, dit:
«Parmi les petits oiseaux, le premier, par ordre
d'excellence, est sans contredit le bec-figue.
«Il s'engraisse au moins autant que le rouge-gorge et
l'ortolan; la nature lui a donné, en outre, une amertume
légère et un parfum unique si exquis qu'ils engagent,
remplissent et béatifient toutes les puissances digestives. Si
un bec-figue était de la grosseur d'un faisan, on le payerait
certainement à l'égal d'un arpent de terre.
«C'est grand dommage que cet oiseau privilégié se voie
si rarement à Paris, où il en arrive quelques-uns; mais il
leur manque la graisse qui fait tout leur mérite, et l'on peut
dire qu'ils ressemblent à peine à ceux qu'on voit dans les
départements de l'Est et du Midi de la France.
J'ai entendu parler à Belley, dans ma jeunesse, du
Jésuite Faby, né dans ce diocèse, et du goût particulier
qu'il avait pour les bec- figues. Dès qu'on entendait crier:
«Aux bec-figues! aux bec-figues!» - le bec-figue est,
comme on sait, un oiseau de passage, - on disait: «Le père
Faby va arriver».
Le premier janvier, sans faute, il paraissait avec un ami
et venait s'en régaler pendant tout le passage; chacun se
faisait un plaisir de les inviter.
Ils partaient vers le vingt-cinq, quand les becfigues
étaient partis, bien entendu.
Tant que le père Faby resta en France, il ne manqua pas
une seule fois son voyage gastronomique. Par malheur, il
fut envoyé à Rome où il mourut grand pénitencier.
Sa plus grande pénitence, à lui, fut bien certainement de
ne plus pouvoir manger de nos bec-figues de Provence.
Peu de gens savent manger de petits oiseaux: ortolans,
bec-figues, fauvettes, rouges-gorges; en voici la recette,
telle qu'elle m'a été confidentiellement transmise par le
chanoine Charcot, gourmand par état, puisqu'il était
chanoine, mais qui, à force d'études, s'était élevé de la
gourmandise jusqu'à la gastronomie.
Recette du chanoine Charcot, transcrite par Brillat-
Savarin pour manger des ortolans, fauvettes, bec-figues et
rouges-gorges:
«Commencez par ôter le gésier, puis prenez par le bec
un petit oiseau bien gras, saupoudrez-le d'un peu de sel et de
poivre; enfoncez- le adroitement dans votre bouche, sans le
toucher des lèvres ni des dents, tranchez tout près de vos
doigts et mâchez vivement. Il en résulte un suc assez
abondant pour envelopper tout l'organe et dans cette
mastication, vous goûterez un plaisir inconnu du vulgaire. »
Le roi Ferdinand de Naples, grand chasseur et grand
gourmand, ayant reconnu que, à leur passage sur l'antique
Parthénope, les bec-figues s'abattaient particulièrement
sur la colline de Capodimonte, il y fit bâtir un château qui
lui coûta cinq millions.
L'ordre était donné, lorsqu'un vol de bec-figues
s'abattrait à Capodimonte, de venir chercher le roi partout
où il était, même au conseil.
Le jour où fut portée au conseil la question de la
guerre contre la France, guerre que la reine voulait, mais
que le roi ne voulait pas, le roi se rendit au conseil avec la
ferme résolution de s'opposer à cette triste fanfaronnade
par un vigoureux veto.
Mais, à peine la question était-elle engagée, que l'on
vint prévenir le roi qu'un magnifique vol de bec-figues
venait de s'abattre à Capodimonte.
Le roi essaya de tenir ferme contre lui-même, mais ne
pouvant y réussir, il se leva et sortit de la salle du conseil en
criant:
« Faites ce que vous voulez et allez au diable!»
La guerre fut décrétée et les bec-figues qui avaient déjà
coûté au roi cinq millions, faillirent lui coûter encore son
trône.
Bécharu. - Oiseau de la famille des palmipèdes; de la
taille de l'oie, il habite le Midi, les côtes d'Espagne et
fréquente les rivages de la Méditerranée, il s'apprivoise
facilement quoique sauvage.
La chair du bécharu était très estimée des anciens; on la
servait même assez souvent sur les tables, et on rapporte
qu'Héliogabale en fit chercher et s'en régala.
Les nègres considèrent cet oiseau comme sacré.
Bécune. - Espèce de brochet de mer, très vorace et très
gourmand; ce poisson, que sa voracité porte à tout avaler,
mange quelquefois jusqu'à des pommes de mancenillier,
poison caustique et violent, ce qui rend l'usage de sa chair
assez dangereux.
Autrement, la chair du bécune est blanche, ferme, assez
grasse et possède les mêmes propriétés alimentaires que
celle du brochet. Mais il faut avoir bien soin de s'assurer
avant de l'apprêter s'il a les dents bien blanches et le foie
très sain, afin de ne pas risquer d'en être empoisonné.
Beef-steak ou bifteck à l'anglaise. - Je me rappelle
avoir vu, après la campagne de 1815 où les Anglais
restèrent deux ou trois ans à Paris, naître le bifteck en
France; jusque-là, notre cuisine avait été aussi séparée que
nos opinions. Ce ne fut donc pas sans une certaine crainte
que l'on vit le bifteck essayer de s'introduire sournoisement
dans nos cuisines; cependant, comme nous sommes un
peuple éclectique et sans préjugés, à peine nous fûmesnous
aperçus que, quoique venant des Grecs le présent
n'était point empoisonné, nous tendîmes nos assiettes et
nous donnâmes au bifteck son certificat de citoyenneté.
Pourtant, il y a toujours quelque chose qui sépare le bifteck
anglais du bifteck français. Nous faisons notre bifteck avec
un morceau de filet d'aloyau, tandis que nos voisins
prennent pour leurs biftecks ce que nous appelons la sousnoix
du boeuf, c'est-à-dire le rumpsteak; mais chez eux cette
partie du boeuf est toujours plus tendre qu'elle ne serait
chez nous, parce qu'ils nourrissent mieux leurs boeufs que
nous et qu'ils les tuent plus jeunes que nous ne les tuons en
France. Ils prennent donc cette partie du boeuf et la
coupent par lames épaisses d'un demi-pouce, l'aplatissent
un peu, la font cuire sur une plaque de fonte faite exprès et
la font cuire avec du charbon de terre au lieu d'employer le
charbon de bois. Le bifteck vrai filet doit se mettre sur un
gril bien chaud avec une braise ardente, ne le retourner
qu'une fois, afin de conserver son bon jus qui se lie avec la
maître-d'hôtel.
Cette partie du boeuf anglais (et, pour m'en rendre
compte, toutes les fois que je vais en Angleterre, j'en
mange avec un nouveau plaisir) est infiniment plus
savoureuse que la partie avec laquelle nous faisons nos
biftecks; il faut la manger aux tavernes anglaises, sautée au
vin de Madère ou au beurre d'anchois, ou sur une litière de
cresson bien vinaigrée. Je conseillerais de la manger aux
cornichons, s'il y avait un seul peuple au monde qui sût
faire les cornichons. Quant au bifteck français, la sauce à la
maître-d'hôtel est la meilleure parce qu'on y sent dominer la
saveur des fines herbes et du citron; mais il y a une
observation que je me permettrai de faire: Je vois nos
cuisiniers aplatir leurs biftecks sur la table de cuisine, à
coups de plat de couperet; je crois que c'est une profonde
hérésie qu'ils commettent et qu'ils font ainsi jaillir hors de
la viande certains principes nutritifs qui joueraient très bien
leur rôle dans la scène de la mastication. En général les
animaux ruminants sont meilleurs en Angleterre qu'en
France, parce qu'ils y sont traités vivants avec un soin tout
particulier. Rien n'est pareil à ces quartiers de boeuf cuits
tout entiers, et que l'on roule sur une petite voiture dans les
chemins de fer qui séparent les uns des autres les habitués
des tavernes anglaises; ces morceaux de boeuf veinés de
gras et de maigre, que l'on coupe soi-même comme on
l'entend, sur une portion de l'animal pesant cent livres,
n'ont rien de pareil, comme excitation à l'appétit. On arrive
à faire des boeufs si gras qu'ils ont l'air de ne plus avoir
d'articulations aux jambes et de marcher sur leur ventre.
Les éleveurs, les engraisseurs d'animaux arrivent pour
engraisser un boeuf jusqu'à lui faire boire 80 litres d’eau
par jour. Quant aux moutons, nourris d'herbe plus fraîche
que la nôtre, ils ont des saveurs qui nous sont inconnues.
Où la cuisine fait complètement défaut aux Anglais,
c'est à l'endroit des sauces, mais les gros poissons, mais la
viande de boucherie est infiniment plus belle à Londres
qu'à Paris.
Befroi. - Nom de deux espèces de grives ainsi nommées
parce que leur cri ressemble au son d'une cloche qui sonne
l'alarme.
On les trouve à la Guyane, leur chair a le même goût et
jouit des mêmes propriétés alimentaires que la grive. Elles
s'apprêtent de même.
Bégone. - Plante de la famille des bégoniacées, appelée
aussi oseille sauvage dans les colonies françaises, à cause de
sa ressemblance avec cette herbe.
Elle est très rafraîchissante et on la mange à cause de
son acidité agréable.
Pendant que nous en sommes aux mets étrangers,
qu'on me permette, puisque nous voilà arrivés à la lettre B
d'emprunter à la cuisine allemande un mets populaire qu'on
appelle beilche en Westphalie, et qui n'avait pas échappé à
l'érudition culinaire de M. de Courchamps et dont voici la
recette.
Beignets. - D'un mot celte qui signifie enflure ou
tumeur. C'est aux croisades que nous avons fait la
connaissance des beignets. Le sire de Joinville nous
apprend qu'en rendant la liberté à Saint Louis, les Sarrasins
lui présentèrent des beignets.
Le beignet est une sorte de pâte frite à la poêle et qui
enveloppe ordinairement une tranche de quelque fruit.
Nous empruntons à Carême la manière de faire cette pâte:
Pâte à faire la Carême. - «Mettez dans une petite
terrine 360 grammes de farine tamisée que vous délayez
avec de l'eau à peine tiède, où vous aurez fait fondre 60
grammes de beurre fin; vous inclinez la casserole et vous
soufflez sur l'eau afin de verser le beurre le premier. Vous
versez assez d'eau de suite pour délayer la pâte de
consistance mollette et sans grumeaux; autrement lorsqu'on
la rassemble trop ferme, la pâte se corde et fait toujours
mauvais effet à la poêle: elle est grise et compacte; ensuite
vous ajoutez assez d'eau tiède pour que la pâte devienne
coulante et délice, quoique pourtant elle doive masquer les
objets susceptibles d'y être trempés. Enfin, elle doit quitter
la cuiller sans effort. Vous y mêlez une pincée de sel fin,
deux blancs d'oeufs fouettés bien ferme et l'employez tout
de suite».

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