DUMAS Le Grand Dictionnaire de Cuisine (04)

Comme pendant à la pâte dont nous venons de donner
la recette, voici la pâte à la provençale.
Pâte à la provençale. - Prenez 360 grammes de farine,
deux jaunes d'oeufs, quatre cuillerées d'huile d'Aix,
délayez avec de l'eau froide; joignez-y deux blancs
fouettés et employez.
Beignets de brioches. - Trempez des tranches de
brioche dans du lait sucré, farinez et faites-les frire.
Beignets de crème. - Prenez un litre de lait, faites-le
réduire à près de moitié, laissez-le refroidir, délayez-y cinq
macarons dont un amer, six jaunes d'oeufs, une cuillerée de
fleur d'orange, deux cuillerées de fleur de farine et 125
grammes de sucre en poudre. Ajoutez à cette pâte épaissie
de l'écorce de citron râpée.
Beignets de pommes. - Vos pommes une fois pelées et
coupées en tranches, macérez-les deux heures dans de
l'eau-de-vie, du sucre et de la cannelle, égouttez, mettezles
dans une friture modérée. Lorsque les pommes seront
cuites, sucrez-les et glacez-les. (Même recette pour les
beignets de poires, de pêches, d'abricots et de brugnons).
Beignets à la Chantilly. - Prenez trois petits fromages
à la crème très frais, cassez dans le même vase trois oeufs et
joignez-y 60 grammes de moelle de boeuf hachée et pilée;
ajoutez 500 gr. de fleur de farine, détrempez et mêlez la
pâte avec du vin blanc, salez, sucrez avec 30 grammes
de sucre râpé, et condensez comme les beignets à la crème.
Beignets aux confitures. - Prenez des pains à chanter
de 4 à 5 centimètres de diamètre, ou même découpez-en de
plus grands, étendez sur chacun de la marmelade d'abricots
ou de prunes; couvrez avec un autre pain à chanter et
collez les bords; incorporez dans une pâte à frire au vin
blanc trois blancs d’oeufs à la neige; trempez- y les beignets,
faites frire, égouttez, poudrez-les de sel fin et glacez les.
Beignets soufflés à la bonne femme. - Mettez dans une
casserole 30 grammes de beurre, 125 grammes de sucre, un
citron vert râpé, un verre d'eau, faites bouillir et délayer en
pâte épaisse; remuez jusqu'à ce qu'elle s'attache à la
casserole; alors mettez-la dans une autre, et cassez-y
successivement des oeufs en remuant toujours pour les
bien mêler avec la pâte, jusqu'à ce qu'elle devienne molle;
mettez-la sur un plat et étendez-la de l'épaisseur d'un doigt;
faites chauffer de la friture, et quand elle est médiocrement
chaude, trempez-y le manche d'une cuiller, et avec ce
manche enlevez gros comme une noix de pâte que vous
faites tomber dans la friture en la poussant avec le doigt;
continuez jusqu'à ce qu'il y en ait assez dans la poêle, faites
frire à petit feu en remuant sans cesse; quand les beignets
sont bien montés et de belle couleur, retirez- les pour les
égoutter et saupoudrez-les de sucre fin. Ce mets, dont la
recette ne nous appartient pas, est peu en usage
aujourd'hui.
Autre crème faite au caramel et à la fleur d'orange.
- Mettez 30 grammes de sucre en poudre et une cuillerée à
bouche de fleur d'oranger pralinée dans un petit poêlon
d'office, tournez jusqu'à ce que le sucre soit devenu brun,
mettez-y un demi-décilitre d'eau pour dissoudre le caramel,
beurrez huit moules à darioles, mettez dans une terrine des
jaunes d'oeufs, 125 grammes de sucre en poudre et le
caramel; ajoutez une quantité de lait que vous mesurerez en
remplissant six fois un des moules à darioles; passez à
l'étamine après avoir mêlé parfaitement, remplissez les
moules à darioles avec l'appareil, faites pocher au bainmarie
à doux feu dessus et dessous, retirez les crèmes du
feu, laissez-les refroidir et démoulez-les; coupez chaque
crème par le travers en trois parties égales, trempez chaque
morceau dans la pâte à frire, faites frire, égouttez et
saupoudrez de sucre.
Beignets aux abricots, dits à la Dauphine. - Faites
500 grammes de pâte à brioche en y mettant 225 grammes
de beurre; mouillez avec oeuf et lait par parties égales,
laissez revenir la pâte pendant trois heures, rompez-la, et
repliez-la sur elle-même en plusieurs fois; mettez sur la
plaque dans un endroit froid, et lorsque la pâte sera
raffermie, faites une abaisse d'un demi-centimètre
d'épaisseur; coupez l'abaisse avec un coupe-pâte rond de 6
centimètres, mouillez les bords et mettez au milieu gros
comme une noix de marmelade d'abricots; couvrez avec
une autre abaisse comme pour les petits pâtés, faites frire à
friture modérée, égouttez et saupoudrez de sucre en
poudre. Dressez les beignets en rocher sur une serviette et
servez.
Beignets de céleri. - Epluchez des pieds de céleri
coupés à 8 ou 10 centimètres de la racine, faites-les
blanchir un quart d'heure, mettez rafraîchir à l'eau froide,
égouttez, ficelez par quatre entiers et achevez de cuire
dans une casserole foncée de lard avec bouquet de persil,
un peu de sel, bouillon; couvrez d'un rond de papier,
égouttez, pressez; mettez mariner avec sucre et eau-de-vie,
trempez dans la pâte dont la recette suit, faites frire,
saupoudrez de sucre et servez.
Pâte pour toute sorte de fritures. - Mettez de la
farine dans une terrine, faites un trou et versez-y un ou
deux jaunes d'oeufs, une cuillerée d'huile et une ou deux
d'eau- de-vie, plus du sel, remuez d'une main en tournant
toujours dans le même sens, et en versant de l'eau peu à
peu pour donner une bonne épaisseur. Au moment de vous
en servir, ajoutez et mêlez le blanc d'oeufs battu en neige,
mais ce blanc la rendrait trop claire; faite d'avance et même
la veille, elle devient plus légère.
Si c'est pour friture sucrée, telle que beignets, on met
très peu de sel et on ajoute de l'eau de fleur d'oranger.
Beignets de fruits à la royale. - Cueillez douze petites
pêches de vigne bien mûres et de bonne qualité, séparezles
par moitié, ôtez-en la pelure, sautez-les dans une terrine
avec du sucre en poudre et une cuillerée de liqueur de
noyaux; deux heures après vous les égouttez, les trempez
tour à tour dans la pâte ordinaire, les faites frire de belle
couleur et les glacez dans 120 grammes de sucre cuit au
caramel; à mesure que vous les glacez, vous semez dessus
une pincée de gros sucre cristallisé. Les beignets de brugnons
et d'abricots se préparent de même. Vous pouvez glacer
seulement au sucre en poudre et à la pelle rouge, les
beignets décrits ci-dessus; on en fait aussi de prunes de
mirabelle et de reine-claude, au moyen du même procédé.
(Courchamps).
Beignets garnis de fraises à la Dauphine. - Faites
votre pâte à brioche, superposez trois belles fraises roulées
dans du sucre en poudre, mouillez la pâte autour des fruits et
détaillez comme précédemment. Même observation pour
les beignets de framboises.
Beignets d'ananas. - Faites macérer vos tranches
d'ananas pendant deux heures dans du vin d'Alicante et
opérez comme ci-dessus.
Beignets garnis de raisins de Corinthe, à la
Dauphine. - Prenez 60 grammes de raisin de Corinthe,
épluchez et lavez; faites cuire deux minutes dans 60
grammes de sucre; vous versez le quart d'une cuillerée sur un
fond de pâte à brioche et procédez comme ci-dessus.
Beignets d'oranges de Malte, à la Régence. - Divisez
vos oranges par quartiers, jetez-les dans 120 grammes de
sucre pour six oranges, laissez mijoter, égouttez, baignez
dans la pâte ordinaire, colorez et glacez.
Beignets garnis de pommes d'api, à la d'Orléans. -
Tournez des pommes d'api, masquez-les par moitié et les
faites cuire dans un sirop; laissez refroidir, trempez chaque
moitié de pomme dans une abaisse de pâte à brioche; faites
frire, finissez et servez selon la règle.
Beignets de fruits à l'eau-de-vie à la Chartres. - Vous
égouttez vos abricots confits à l'eau-de-vie, vous les
coupez par moitié, vous les masquez de pain à chanter,
vous les faites frire dans la pâte et vous les saupoudrez de
sucre fin.
Beignets de pêches et de prunes. - Procéder de la
même façon.
Beignets soufflés à la vanille. - Mettez une gousse de
vanille dans trois verres de lait bouillant que vous laissez
réduire de moitié, vous ôtez ensuite la vanille et ajoutez au
lait 90 grammes de beurre d'Isigny. Faites bouillir, mêlez- y
assez de farine tamisée pour former une pâte molle que
vous desséchez pendant quelques minutes; changez de
casserole et délayez votre pâte avec 90 grammes de sucre
fin, six jaunes d'oeufs et un peu de sel; fouettez trois blancs
d'oeufs bien fermes et mêlez-les dans l'appareil avec une
cuillerée de crème fouettée, ce qui doit vous donner une
pâte consistante, presque molle; roulez-la alors sur le tour,
saupoudrez légèrement de farine, de la grosseur d'une noix
verte en la plaçant à mesure sur un couvercle de casserole.
La pâte étant ainsi détaillée et roulée, vous la versez dans
la friture peu chaude afin qu'elle boursoufle bien, et vous
rendez le feu plus ardent vers la fin de sa cuisson; des
qu’elle est colorée de belle couleur, vous l'égouttez sur une
serviette, vous la saupoudrez de sucre et vous servez de
suite.
«Vous variez les formes de cette pâte en croissants, en
carrés longs et en gimbelettes. » (Grimaud de la Reynière).
Beignets de blanc-manger-Gimblettes. - Même
procédé pour la crème. Vous la coupez quand elle est bien
froide avec un coupe-pâte et vous en formez des
gimblettes, en coupant le milieu avec un coupe-pâte plus
petit. Vous conservez les petits ronds que vous retirez des
gimblettes et vous les masquez de mie de pain très fine;
vous les trempez ensuite dans quatre oeufs battus, vous les
égouttez et les roulez de nouveau sur la mie de pain. Les
ronds doivent être préparés de la même manière, en plaçant
le tout sur des couvercles, et au moment de les servir, vous
les faites frire de belle couleur et les saupoudrez de sucre
fin.
Beignets de blanc-manger en gimblettes au caramel. -
Procédez comme ci-dessus, seulement vos beignets étant
colorés d'un beau blond, vous les égouttez parfaitement et
les glacez avec du caramel, vous pouvez, à mesure que
vous les retirez de la friture, les semer de gros sucre avec
des pistaches.
Beilche. - «On prend une sous-noix de boeuf assez
mortifiée pour être bien tendre, on en enlève toute la
graisse, on la coupe à distance égale en sept ou huit
morceaux sans détacher les tranches qui continuent de tenir
à un centre commun, on les entrouvre seulement de
manière à introduire dans chacune d'elles une bonne pincée
de sel mélangée de poivre fin; puis on place ladite sousnoix,
découpée et assaisonnée comme il est dit, dans une
grosse terrine à couvercle; on y met immédiatement sur la
viande, douze ou quinze pommes de terre crues qu'on a
pelées comme on pèle des pommes et qu'on a légèrement
saupoudrées de sel blanc; il est important de se procurer
pour que rien ne manque à ce plat, des pommes de terre
d'Irlande à pulpe farineuse, à forme ronde et de couleur
jaune paille. On recouvre la terrine, on en calfeutre le
couvercle avec de la pâte, et l'on établit cet appareil dans un
coin de cheminée sur un monceau de cendre chaude, sur
lequel on entretient pendant quatre heures un grand feu de
charbon ardent».
Les Westphaliens ont presque tous pour cet usage un
grand pot en vieille argenterie et qui s'appelle le plat aux
beilches. Il faut avoir goûté ce vieux mets teutonique pour
savoir combien il mériterait dans tous les pays du monde la
réputation qu'il n'a qu'en Westphalie.
Belette. - Ce petit mammifère de l'ordre des
carnassiers, n'a guère que 15 à 25 centimètres du museau à
l'origine de la queue; l'exiguïté de sa taille lui permet de
pénétrer partout, même dans les plus petits trous, aussi
fait-il une guerre acharnée aux jeunes poulets et aux
pigeons; il entre dans les poulaillers et dans les pigeonniers,
et ouvre le crâne des oiseaux qui les habitent, afin d'en
humer la substance cérébrale, dont il paraît être très friand.
Dans les champs, la belette vit de mulots, de souris et
d'oeufs d'oiseaux, qu'elle va prendre au nid, et malgré le
léger service qu'elle rend à l'agriculteur, en le débarrassant
des rats qu'elle peut poursuivre jusqu'au fond de leur trou,
elle n'en est pas moins un objet de haine pour celui-ci, qui ne
manque pas de la tuer chaque fois qu'il la rencontre.
Sa chair salée a, parait-il, le goût du lièvre et pourrait
servir à l'alimentation, mais dans les cas de nécessité
seulement, car elle n'est ni tendre, ni agréable.
Les peuples du Mexique mangent la belette, et
Fernand Lopez, dans son histoire de l'Inde, rapporte que
des soldats prenaient beaucoup de belettes, qu'ils faisaient
cuire à la broche et qu'ils mangeaient avec plaisir.
J'aime mieux un bon train de derrière de lièvre, cuit à la
broche, et vous?...
Bélier. - La chair du bélier n'a pas grande valeur en
cuisine et est considérée, pour l'alimentation, comme la
plus mauvaise après celle du bouc; elle est de difficile
digestion, ne nourrit pas et a une odeur fétide très
désagréable.
Il est donc préférable de le manger jeune, c'est-à-dire
quand il n'est encore qu'agneau, ou bien de le faire châtrer,
afin de l'avoir mouton; du moins pour l'alimentation.
Bénafouli. - Riz du Bengale, qui répand, lorsqu'il est
cuit, une odeur très agréable.
Ses propriétés alimentaires sont les mêmes que le riz,
il est plus léger que ce dernier.
Bénari. - Espèce d'ortolan, passager en Languedoc; il
devient très gras, aussi est-il servi sur les meilleures tables.
Benni. - Espèce de barbeau du Nil, possédant les
mêmes qualités que le barbeau ordinaire.
Benoîte. - Plante de la famille des rosacées, dont le
nom signifie herbe bénite et vient des vertus médicinales et
des propriétés merveilleuses qu'on lui attribue.
Elle passe pour vulnéraire, sudorifique et un peu
astringente; ses racines fraîches sont recommandées dans
les cas de catarrhes chroniques; sèches, on les emploie
contre les hémorragies et les fièvres intermittentes. Elle
pourrait, paraît-il, remplacer au besoin le quinquina dans
certains cas.
En Norvège, on emploie cette plante pour empêcher la
bière de devenir âcre; une très petite quantité, ajoutée au
houblon, suffit pour arriver à ce résultat et donner à la
bière un parfum fort agréable.
Berce. - Genre de plante de la famille des ombellifères,
dont l'espèce la plus répandue et la plus connue est la
fausse branche ursine. Cette plante est vivace, elle croît
dans les prés de l'Europe et est surtout très commune dans le
Nord.
Cette plante n'a d'autres qualités que de servir à faire
une espèce de bière, très forte et très enivrante, nommée
Raffle, qu'on obtient par la fermentation. Les Russes, les
Polonais et les Lithuaniens boivent, paraît-il, beaucoup de
cette liqueur qui occasionne la mélancolie; l'ivresse qu'elle
produit dure quelquefois vingt-quatre heures.
Bergforelle. - Ce poisson, dont la chair molle et tendre,
devient légèrement rouge en cuisant, est très estimé dans le
comté de Galles.
Bernard l'ermite. - Espèce de cancre dont la chair
est regardée comme un mets très friand; on le fait le plus
ordinairement griller dans sa coquille avant de le manger.
Rien de plus drôle que ce petit crustacé; la nature l'a fait
armé jusqu'à la ceinture, cuirassé, gants et masque de fer, de
ce côté il a tout; de la ceinture à l'autre extrémité, rien, pas
même de chemise; il en résulte que le bernard l'ermite fourre
cette extrémité où il peut.
Le créateur, qui avait commencé à l'habiller en
homard, a été dérangé ou distrait au milieu de la besogne
et l'a terminé en limace.
Cette partie, si mal défendue et si tentante pour
l'ennemi, est sa grande préoccupation; à un moment donné,
cette préoccupation le rend féroce. S'il voit une coquille qui
lui convienne, il mange le propriétaire de la coquille et
prend sa place toute chaude, c'est l'histoire du monde au
microscope. Mais comme au bout du compte la maison
n'est pas faite pour lui, au lieu d'avoir l'allure grave et
honnête du colimaçon, il trébuche comme un homme ivre, et,
autant que possible ne sort que le soir de peur d'être
reconnu.
Bétel. - Plante grimpante des Indes, qui fait le principe
du masticatoire de ce nom. Des masticatoires en usage
dans les pays chauds, le bétel est le plus énergique. Quatre
substances le composent ordinairement: premièrement, la
feuille brûlante du poivrier-bétel, qui donne son nom à
cette composition. Quelquefois aussi on se sert du fruit
jaune de la plante, ou d'une assez forte quantité de feuilles de
tabac, ou de chaux vive, beaucoup plus caustique que la
nôtre, ainsi que Vauclin s'en est assuré.
Le père Papin indique qu'il y a des individus qui
prennent de cette chaux gros comme un oeuf par jour.
La noix Dariquier, qui forme à elle seule plus de la
moitié du poids du bétel, est encore plus active parce
qu'elle contient une très forte proportion d'acide gallique, ce
que l'on reconnaît à la grande astriction qu'elle produit dans
tout l'intérieur de la bouche et de la gorge; l'action en est
d'autant plus forte qu'elle est mêlée à des substances
également irritantes. En effet, toutes les dents en sont
corrodées, dissoutes même, au point qu'il est rare de voir
chez les peuples mâcheurs de bétel des jeunes gens en
avoir encore. Elles ne tombent point, elles sont usées
jusqu'au bord des gencives. Et celles-ci sont bientôt
horriblement tuméfiées.
De tous les astringents connus, le bétel paraît être le
plus énergique, le plus fort, le plus propre à soutenir
l'estomac dans un degré de force et de ton nécessaire dans
un pays où les sueurs excessives occasionnent des
maladies redoutables; il stimule fortement les glandes
salivaires et les organes digestifs; il diminue la sueur et
prévient la faiblesse qui en résulte; enfin, il doit produire
au dedans l'effet salutaire que les bains froids, les frictions
huileuses déterminent au dehors.
L'instinct et l'expérience ont pu seuls suggérer à ces
nations brûlantes le courage de mâcher le bétel; aussi
malgré la destruction totale de leurs dents, est-il d'usage
général dans tous les climats chauds depuis les Moluques
jusqu'au rivage du fleuve Jaune, et depuis ceux de l'Indus et
du Gange jusqu'au bord de la mer Noire.
Une autre preuve de l'utilité de cet usage, c'est la
nécessité où se trouvent les Européens fixés dans ces
climats d'avoir recours à ce moyen, ou à d'autres
approchant de celui-ci, pour se préserver de l'influence
délétère du climat et de sa température.
Dans l'Inde, on offre le bétel à tous ceux qui font visite;
ce serait faire un affront si on n'offrait pas aux visiteurs la
boîte même qui le contient. Dans le royaume de Siam,
l'accordé le présente à son accordée, ainsi qu'à tous les
assistants, comme symbole de la fidélité que les nouveaux
époux se promettent l'un à l'autre, et de la bonne
intelligence qui doit toujours exister entre les deux
familles.
Le bétel de Tonquin est, dit-on, celui que l'on préfère
à tous les autres; c'est lorsqu'il est jeune, vert et tendre,
qu'on en fait le plus de cas, parce qu'il est alors juteux.
Dans les autres pays on l'emploie sec.
Betterave. - Espèce de bette ou poirée. Sa racine est
couleur de sang au dedans et au dehors, les feuilles surtout;
les pétioles sont d'un rouge foncé. La plante contient une
plus grande quantité de matière sucrée que toutes les
autres, ce qui fit venir, à l'époque du blocus continental,
l'idée aux chimistes de substituer le sucre de betterave au
sucre de canne. Je me rappelle avoir vu, en 1812, une
caricature représentant le petit roi de Rome et sa nourrice:
l'enfant pleurait et la nourrice lui présentait une betterave
en lui disant: «Suce, mon enfant, ton papa dit que c'est du
sucre». Comme de toutes les grandes découvertes, on avait
commencé par rire de celle-là qui nous affranchissait des
colonies.
Il y a cinq espèces de betteraves: la grosse rouge, la
petite rouge, la jaune, la blanche et la veinée; c'est celle-là
que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de betterave
champêtre. Le peuple, si longtemps fanatique de Napoléon
à cause de ses victoires, qui ont coûté à la France le tiers de
son sang et le sixième de son territoire, ne songe pas qu'il
lui est redevable d'un aliment devenu aujourd'hui d'un
usage général. On mêle ses feuilles à celles de l'oseille,
pour en adoucir la grande acidité; on estime ses feuilles
larges et blanches, que l'on nomme cardons et que l'on
mange avec plaisir. En hiver, il y pousse de petites feuilles,
qui se mangent en salade. On cuit la betterave au four ou
dans la cendre, puis on la conserve dans du vinaigre après
l'avoir fait cuire. Les Allemands la mangent avec le potage;
dans le Nord, on la fait fermenter et on s'en sert comme
préservatif du scorbut. Lorsqu'on fait cuire les betteraves au
four, et c'est la meilleure manière de les faire cuire, il faut
d'abord les laver avec de l'eau-de-vie commune; placez-les
ensuite dans le four sur des grils de cuisine, afin que par
aucun point elles ne touchent à la brique. Il faut que le four
soit chauffé comme pour un gros pain de pâte ferme.
Laissez- les dans le four jusqu'à ce qu'elles y refroidissent,
et le lendemain faites-les cuire de la même façon et au
même degré de chaleur. La betterave n'est véritablement
cuite ou plutôt bien cuite, que lorsque sa peau est presque
charbonnée.
Betteraves à la Chartreuse. - Coupez des rondelles de
betterave jaune, veillez à ce qu'elle soit bien cuite dans les
conditions que nous venons de dire, mettez sur chacune de
ces rondelles une rouelle d'oignon cru dont vous aurez
enlevé le coeur dans la circonférence d'une pièce d'un
franc, joignez-y de la pimprenelle, du cerfeuil, de la
muscade et du sel blanc, couvrez-les par une nouvelle
tranche de betterave de la même grandeur que la première;
forcez oignons et betteraves d'adhérer par la pression,
conduisez-la comme toute autre friture et servez-la garnie de
persil frit.
La betterave se mange souvent en salade, avec la
mâche, le céleri, la raiponce, mais la meilleure salade de
betterave se fait avec de petits oignons glacés, des tranches
de pommes de terre violettes, des tronçons de fonds
d'artichauts, des haricots de Soissons cuits à la vapeur; on
y met des fleurs de capucines, du cresson, ce qui constitue
une salade que l'on peut opposer comme sapidité à la
salade russe.
La betterave se peut servir encore comme hors-d'oeuvre,
avec les olives et les sardines, avec une sauce de vinaigre à
l'estragon, de fines échalotes, de sel et de poivre, avec un
cordon de jaunes et de blancs d'oeufs hachés. Dans ce cas
ajoutez un peu d'huile à l'assaisonnement de la betterave.
Betteraves à la Poitevine. - Faites cuire des oignons
hachés avec un bon morceau de beurre manié de farine que
vous conduisez jusqu'au roux brun, joignez-y une pincée
des quatre épices, faites-y réchauffer des tranches de
betterave assez épaisses, et mettez y au moment de
servir une demi-cuillerée de fort vinaigre d'Orléans.
Betteraves à la crème. - Coupez votre betterave en
tranches très minces, faites-les mijoter dans une Béchamel
(V. sauce Béchamel) où l'on aura soin d'ajouter un peu de
coriandre et un peu de muscade.
Betteraves à la casserole. - Mettez des tranches de
betterave dans une casserole avec du beurre, persil, ciboule
hachée, un peu d'ail et de farine, du vinaigre, sel, poivre;
faites-les bouillir un quart d'heure. On les sert encore à la
sauce blanche.
Beurre. - C'est une substance grasse, onctueuse qui se
forme de la crème de lait épaissie à force d'être battue.
Tous les laits donnent du beurre, le plus gras et le plus
riche vient du lait de brebis. Ce furent les Scythes et les
Paeoniens qui l'introduisirent en Grèce; Hippocrate ne
parle que de celui des Scythes; Horace et Virgile parlent de
fromage, mais ne parlent pas de beurre; Werther a rendu le
beurre poétique; c'est en voyant Charlotte faire des tartines
pour les enfants qu'il prend cet amour fatal, qui se termine
par un coup de pistolet. Goethe a raison: les enfants n'aiment
rien tant que les tartines de beurre, si ce n'est les tartines de
confitures. Dans quelque pays que j'aie voyagé, j'ai toujours
eu du beurre frais du jour même. Je donne ma recette aux
voyageurs, elle est bien simple et en même temps
immanquable.
Partout où je pouvais me procurer du lait soit de
vache, soit de chamelle, soit de jument, soit de brebis, et
particulièrement de brebis, je m'en procurais, j'en
emplissais une bouteille aux trois quarts, je la bouchais, je
la suspendais au cou de mon cheval, et je laissais mon
cheval faire le reste; en arrivant le soir, je cassais le goulot
et je trouvais à l'intérieur un morceau de beurre gros
comme le poing qui s'était fait tout seul. En Afrique, au
Caucase, en Sicile, en Espagne, cette méthode m'a toujours
réussi.
Plusieurs arbres fournissent une matière qui remplace
le beurre chez les peuples où la fabrication du beurre est
inconnue.
Beurre de Bambuk. - Les Maures et les nègres se
servent dans l'alimentation d'un extrait de la graisse
végétale que produit le fruit du bambuk. L'arbre est de
médiocre grosseur, ses feuilles sont petites et rudes,
rendent un suc huileux quand on les presse, le fruit est de la
grosseur d'une noix, rond et recouvert d'une coque de
couleur blanche, tirant sur le rouge et d'odeur aromatique.
Beurre de cacao. - On donne le nom de beurre aux
huiles végétales lorsqu'elles sont concrètes. On extrait ce
beurre, dont il est question ici, de l'amande du cacao,
surtout de celui des îles, légèrement torréfié et chauffé dans
l'eau bouillante. La chaleur de l'eau fond cette huile qui se
sépare de l'amande et surnage à la surface du liquide. Cette
huile se fige par le refroidissement et on purifie ce beurre
par deux refontes successives.
Beurre de coco. - Le coco fournit aussi une substance
onctueuse, grasse et concrète, qu'on a nommée beurre de
coco; il est doux, agréable et sert comme l'autre à
l'assaisonnement de certains mets.
Beurre de Galam. - C'est le produit d'un arbre appelé
shéa qui croît en Afrique. Il ressemble au chêne américain;
on en retire un beurre aussi savoureux que le meilleur
qu'on puisse extraire du lait animal; mais l'avantage qu'il a
sur tous les autres beurres, c'est de se conserver toute une
année sans qu'il soit besoin de le saler.
Beurre rôti à la Landaise. - Salez d'abord la bille de
beurre, cassez quatre oeufs entiers, battez-les en omelette,
préparez de la mie de pain blanche bien séchée, ajoutez un
peu de sel fin, roulez votre bille de beurre dans vos oeufs et
saupoudrez de mie de pain, recommencez l'opération
jusqu'à l'absorption des oeufs; mettez votre beurre en
broche; à la cuisson, la croûte devient ferme et vous en
formez une croustade que vous servez en place de pain
pour les huîtres. Buvez du vieux Barsac, mais n'arrosez pas
avec. (Formule de M. Vuillemot).
Bibe. - Poisson des mers d'Europe dont la chair est
excellente et de facile digestion.
Il ressemble au merlan et s'apprête comme lui.
Biblimbing. - Fruit originaire de l'île de Java dont
l'aigreur est tellement forte qu'on ne peut le manger seul;
aussi ne s'en sert-on que pour mettre par tranches, dans les
soupes, pour donner du goût ou bien encore pour en faire
avec du sucre une boisson rafraîchissante.
Bière. - La bière est une des boissons les plus anciennes
et les plus répandues; les Egyptiens passent pour l'avoir
connue les premiers.
C'est certainement après le vin la meilleure liqueur
fermentée, elle est infiniment plus répandue que ce dernier
et se fabrique dans tout l'univers.
On la prépare avec de l'orge germée et séchée, du
houblon sans lequel la liqueur s'altérerait promptement et de
l'eau; dans quelques pays, on la fait avec du froment, ou du
seigle, ou du maïs ou bien encore du millet, mais la plus
estimée est celle qui est préparée avec de l'orge qu'on a fait
germer pour y développer un principe sucré, et torréfier
afin de lui donner de l'amertume et de la couleur.
Plus on fait bouillir la bière et plus elle se conserve; le
houblon, qui y entre pour une grande partie, la rend par son
amertume plus savoureuse et l'empêche de s'aigrir.
Nous avons dit qu'il fallait employer de l'orge germée;
trois conditions sont nécessaires pour que la germination
ait lieu: de l'humidité, une certaine température et la
présence de l'air. Pour cela, on fait tremper une certaine
quantité d'orge dans un grand bassin en pierre ou en bois
dans lequel on a mis de l'eau suffisamment pour recouvrir
entièrement l'orge qu'on veut faire tremper jusqu'à ce que
les grains s'écrasent entre les doigts. On renouvelle deux
ou trois fois l'eau du bassin pendant le cours de l'opération
qui dure environ quarante heures, et quand les grains sont
arrivés au point convenable de gonflement, on soutire l'eau
et on en passe une dernière pour les laver; on laisse
égoutter les grains qui lentement continuent à se gonfler, et
au bout de huit heures en été et de quinze en hiver on retire
l'orge que l'on réunit en tas dans lesquels il se développe
bientôt de la chaleur et on voit peu de temps après de petits
points blancs se former à l'extrémité du grain, ce qui
dénote la germination; on remue ce tas de temps en temps
pour bien exposer toutes les parties à l'air, puis lorsque le
grain est bien sec on le met dans un endroit également sec,
où il se trouve exposé à une température suffisante pour le
torréfier légèrement; on passe ensuite l'orge dans des
cribles pour en séparer tous les germes desséchés et on la
broie ensuite sous des meules de façon à obtenir une
espèce de farine que l'on place dans des cuves en bois
faites exprès, on fait arriver dans ces cuves de l'eau chaude
à 40 en remuant bien toute la masse afin que l'orge se mêle
avec l'eau, puis on laisse reposer un peu et on ajoute encore
de l'eau plus chaude, de façon à faire monter la chaleur à
50, on continue d'agiter, on jette à la surface une certaine
quantité de farine de malt très fine, on couvre bien la cuve
et on abandonne la liqueur à elle- même pendant quelques
heures, puis on la retire et on la verse dans une chaudière
en y jetant du houblon à mesure que le moût de bière y
arrive, on porte ainsi la liqueur jusqu'à l'ébullition, puis on
la fait refroidir dans des bacs en prenant bien soin que le
moût ne s'aigrisse pas, et pour cela nous conseillons de
faire passer la liqueur dans un appareil où elle se trouve
refroidie à mesure par un courant d'eau froide qui circule
dans une double enveloppe en sens inverse du moût, ce qui
le fait refroidir très promptement et l'empêche de s'aigrir.
Le moût de bière abaissé à une température convenable,
on y ajoute de la levure; bientôt une fermentation s'y
développe plus ou moins rapidement, selon la température;
alors on soutire la bière dans les tonneaux où la fermentation
s'achève après qu'une écume épaisse formée par la levure
s'est déversée au dehors; arrivée à ce point, il suffit pour
que la bière puisse être bue, de la clarifier avec de la colle
de poisson et de la tirer en bouteilles.
Les bières les plus estimées aujourd'hui à Paris,
sont celles du Nord, de Lyon, de Strasbourg, et depuis
l'exposition, la fameuse bière de Vienne, fabriquée par M.
Dreher. Nous citerons aussi le porter de Londres, l'ale
d'Edimbourg, la bière rouge d'Amsterdam et de Rotterdam,
la bière brune de Cologne, le faro de Bruxelles, la bière de
Louvain, celle de Morlaix, etc.
La bière est une boisson qui demande à être tirée avec
beaucoup de soins; il ne faut pas manquer de bien rincer
chaque fois les bouteilles, de n'employer que des bouchons
neufs, de coucher les bouteilles au bout de trois jours et de
les laisser ainsi sept à huit jours, moyennant cela, votre
bière se conservera longtemps.
Dans tout le nord de l'Europe, on fait avec la bière une
soupe très substantielle et plus saine que la plupart des
aliments usités chez les paysans, et tout le monde sait que le
potage indigène et national de la Russie est cette fameuse
soupe à la bière que Carême, alors qu'il était maître d'hôtel
de l'empereur Alexandre, lui fit servir à tous les repas, lors
de son séjour à Paris.
Voir pour ce potage l'article (Soupe à la bière à la
berlinoise)
La bière, suivant le grain qu'on a employé pour la faire
et le degré de fermentation où elle est arrivée, est plus ou
moins bonne à la santé. La bière est en général nourrissante
et rafraîchissante, mais elle cause quelquefois des viscosités,
de la difficulté de respirer, des obstructions et des embarras
dans les reins; au reste cela dépend des tempéraments et
beaucoup de personnes qui font un usage fréquent de la
bière, s'en trouvent très bien.
Finissons par une petite anecdote qui nous a été
racontée par un ennemi acharné de la bière.
Un malheureux condamné à mort se sent sur
l'échafaud saisi d'une soif terrible et demande de quoi se
rafraîchir. On lui présente alors un verre de bière qu'il
repousse en disant:
- Non, pas de bière, elle engendre la gravelle!...
Avis aux condamnés à mort qui ont soif.
Bigarade. - Sorte de citron trop amer pour être mangé
cru. On en fait des confitures agréables; son suc, comme
celui du verjus, sert à assaisonner une foule de mets.
Bigarade (en compote).
- Aplatissez, dans un compotier, mais sans les écraser
tout à fait, 250 grammes de marrons glacés, exprimez le jus
de quatre bigarades grillées et mêlez-y un peu de sucre en
poudre, avec une demi-cuillerée de curaçao, tournez, faites
chauffer au bain-marie et versez sur les marrons, faites
refroidir cette préparation, mais il faut toujours que le sirop
soit bouillant quand on le transvase, afin que les marrons
s'en laissent imprégner.
Bigarreau. - Espèce de cerise bigarrée de rouge et de
blanc; sa chair est ferme, et quoique mûre elle reste
croquante. Le bigarreau donne dès la mi- juillet, et se
mange à demi rouge. Il n'est d'ailleurs d'aucun usage
culinaire.
Biscotin. - Pour opérer ce vieux mets de religieuse, on
prendra en proportion du sucre cuit à la plume, on y mêle
une pâte saupoudrée de sucre, pilée dans un mortier avec
blanc d'oeufs, eau de fleur d'oranger et un peu d'ambre; le
tout étant bien incorporé se roule en petites boules qu'on
jette dans une poêle bouillante; on les égoutte et on les cuit
à feu ouvert.
Biscottes. - Faites des brioches en couronnes plates,
coupées par tranches minces et faites dessécher au four à
petit feu, forcez un peu la levure et servez-les beurrées et
sucrées avec le thé.
Biscuits. - Pâtisseries fines et légères, composées
d'oeufs, dont les blancs doivent être battus jusqu'à lassitude
du poignet, avec du sucre, de la fleur de farine ou de fécule
de pommes de terre, et de quelques aromates ou d'autres
substances que l'on incorpore dans la pâte.
Biscuits de Savoie. - Prenez douze oeufs frais séparez
les jaunes des blancs en ayant soin d'enlever tout le germe de
l'oeuf, c'est-à-dire le blanc (ce qui vous donne sur douze
oeufs beaucoup de neige), mettez les jaunes dans une
terrine, ajoutez 500 grammes de sucre pilé bien sec, mettez
votre essence vanille ou citron zesté; prenez deux spatules,
battez bien vos jaunes jusqu'à ce qu'ils blanchissent et que
la pâte se boursoufle; après cette manipulation, ajoutez
200 grammes de farine de gruau, 100 grammes de fécule
de pommes de terre, faites bien sécher le tout ensemble;
passez au tamis de soie, amalgamez farine et fécule dans
vos jaunes et lissez la pâte.
Prenez vos blancs dans un bassin d'office; à l'aide d'un
fouet en buis, fouettez doucement pour commencer, et
lorsque vos blancs sont bien fermes, à l'état de neige,
ajoutez-les aux jaunes d'oeufs, ayant soin, avec une simple
spatule, de manier la pâte légèrement et de la rendre
malléable à entonner dans une bouteille; faites clarifier un
peu de beurre; à l'aide d'un pinceau, beurrez bien toutes les
parties du moule, laissez refroidir, saupoudrez avec de la
glace de sucre bien sèche l'intérieur du moule, incorporez
votre pâte dedans, à deux centimètres de la hauteur du
moule en le frappant sur votre genou pour que la pâte tienne
bien au moule, mettez à four doux; deux heures de cuisson
suffisent, démoulez, et la glace de votre sucre fera sortir du
moule un biscuit bien glacé et d'un jaune mat.
C'est ainsi que nous procédions avec MM. Alain et
Chrétien deux pâtissiers émérites, attachés à la maison du
feu roi Charles X. Tous deux m'ont donné les principes de
la pâtisserie. ( Vuillemot).
Biscuit manqué. - Le biscuit manqué se fait à seize
oeufs au lieu de douze; même procédé que ci-dessus,
seulement ajoutez, après une manipulation légère, 250
grammes de bon beurre d'Isigny fondu dans la pâte,
remuez le tout ensemble et beurrez une caisse carrée de
quatre centimètres de hauteur, renversez votre pâte dedans,
mettez à four doux. Après cuisson, prenez des amandes
hachées, sucrez-les, ajoutez deux blancs d'oeufs, faites-en
une pâte, mouillez le dessus du biscuit avec de l'oeuf battu
sur la surface, étendez votre appareil dessus d'égale
épaisseur, laissez praliner au four doux, découpez et
détaillez par petits gâteaux carrés ou ovales et dressez sur
une serviette. Cet entremets de pâtisserie est très bon.
On prétend que ce gâteau a pris le nom de manqué, de
ce que un apprenti ayant pris du beurre fondu pour de la
génoise, mit ce beurre dans la pâte à biscuit, distraction de
gâte-sauce qui devint une innovation culinaire. La part du
hasard est grande dans les inventions humaines.
(Vuillemot).
Biscuit aux pistaches. - Prenez 250 grammes de
pistaches bien fraîches, treize blancs d'oeufs, neuf jaunes,
50 grammes de farine séchée et passée au tamis, enfin 50
grammes du plus beau sucre que vous pourrez trouver.
Battez à part les jaunes avec le sucre, fouettez les blancs en
neige, mêlez les blancs et les jaunes, répandez la farine sur le
tout, ajoutez la pâte de pistaches et peignez ce mélange
avec du vert d'épinards; on verse dans des caisses de papier et
on en glace le dessus au sucre et à la farine on fait cuire dans
un four peu chaud ou sous un four de campagne.
Biscuit aux amandes. - Les biscuits aux amandes,
avelines, noisettes, se font par la même méthode, sinon
qu'il faut y ajouter un peu de fleur d'oranger pralinée en
poudre ou de la râpure de citron vert; en retrancher le suc
d'épinards.
Biscuits à la cuiller. - Faites une pâte plus légère que
pour le biscuit de Savoie, seize oeufs au lieu de douze,
500 grammes de sucre, maniez légèrement la pâte et
couchez sur le papier avec une chausse. Glacez les biscuits
et four doux pour laisser grêler le sucre dessus, attendez
deux minutes avant de mettre au four.
Biscuit au chocolat. - Prenez douze oeufs, 300
grammes de farine, 650 grammes de sucre, 90 grammes de
chocolat fin à la vanille, le tout en poudre, battez les jaunes
avec le chocolat et le sucre, ajoutez-y les blancs battus en
neige, incorporez-y la farine, en remuant sans cesse, mettez
la pâte en moule et glacez comme ci dessus.
Biscuits à couper. - Quand vous aurez battu dix jaunes
d'oeufs dans une terrine avec 500 gr. de sucre pulvérisé, un
peu de sel, de fleur d'oranger et de zeste de citron, vous les
mêlerez avec les blancs bien fouettés, passez dessus, en
maniant légèrement, 60 grammes de farine sèche dans un
tamis de crin, dressez vos biscuits dans une caisse de
papier, glacez-les et mettez-les dans le four à feu doux
pendant une heure au moins, retirez-les et quand ils seront
froids coupez-les; puis si vous voulez en faire des biscuits à
la bigarade, au cédrat, à l'orange, frottez votre fruit sur un
morceau de sucre en pain pour qu'il prenne le zeste; mettez
ce parfum dans la glace et glacez-en vos biscuits avant de
les mettre à l'étuve; on peut encore les glacer à la fraise, à la
framboise, à la groseille, en mêlant dans la glace les chairs
de ces fruits écrasées et tamisées.
Biscuits soufflés à la fleur d'oranger. - En mêlant du
sucre en poudre passé au tamis avec un blanc d'oeuf frais
séparé du jaune, faites une glace de suffisante consistance.
Quand elle sera à point, mêlez-y trois ou quatre grammes de
fleur d'oranger pralinée; remplissez de cette préparation de
très petits caissons de papier, faites cuire à feu doux et
retirez quand ils auront acquis de la consistance.
Petits biscuits soufflés aux amandes. - Faites praliner
250 grammes d'amandes douces coupées en petits dés,
mêlez- les avec une pincée de fleur d'oranger pralinée, dans
une glace royale, faite avec deux blancs d'oeufs bien frais,
encaissez et faites cuire vos biscuits comme ci- dessus. Les
petits biscuits soufflés au rhum, au vin d'alicante, aux
liqueurs des îles, à la crème, se préparent de la même
manière, c'est-à-dire au moyen de la même pâte.
Biscuits à la génoise. - C'est un biscuit croquant et le
type de tous les autres. Prenez 500 grammes de farine,
120 grammes de sucre, de la coriandre et de l'anis en
poudre, ajoutez quatre oeufs et quantité suffisante d'eau
tiède, pour faire une pâte levée; faites cuire dans la
tourtière, coupez ensuite en tranches et faites biscuire.
Biscuits à la mère Jeanne. - Faites une pâte de
médiocre consistance avec deux blancs d'oeufs, quatre
cuillerées de sucre en poudre, deux cuillerées de farine et
30 grammes de fleur d'oranger pralinée en poudre.
On prend de cette pâte plein une cuiller à café, et on la
couche sur des feuilles de papier en formant des ronds de
la grandeur d'une pièce de cinq francs.
On les met au four, et on les retire lorsque les biscuits
ont pris une belle couleur; pour les détacher du papier, on
mouille la feuille par derrière avec une éponge; on dépose
les biscuits sur un tamis pour les faire sécher et on les
conserve dans des bocaux.
Biscuits à l'ursuline. - Prenez seize blancs d'oeufs, six
jaunes, la râpure d'un citron, 180 grammes de farine de riz,
300 grammes de sucre en poudre, 60 grammes de
marmelade de pomme, 60 grammes d'abricots, 60 grammes
de fleur d'oranger pralinée.
Pilez dans un mortier les marmelades et la fleur
d'oranger, ajoutez-les ensuite aux blancs d'oeufs fouettés en
neige, battez les jaunes avec le sucre pendant un quart
d'heure, mélangez le tout et battez encore. Lorsque le
mélange est parfait, ajoutez la farine et la râpure de citron,
dressez dans des caisses et faites cuire à un feu très
modéré.
Avant de mettre les biscuits au four, saupoudrez-les de
sucre passé au tamis de soie. Et faites servir.
Biset. - Espèces commune de pigeon que l'on voit
tourbillonner par masses au-dessus des colombiers des
fermes et s'abattre dans la plaine si serrés les uns contre les
autres, qu'ils semblent faire des tapis bariolés; le biset
mangé jeune est beaucoup plus tendre que le ramier et plus
succulent que la grosse espèce appelée pigeon de pied. On
le mange à la crapaudine, rôti, aux pois, de la même façon
enfin que l'on mange les autres pigeons. A la broche, il est
important de l'envelopper d'un triple rang de feuilles de
vigne recouvert de bardes de lard.
Bishop. - Liqueur dont les Anglais réclament
l'invention et qu'ils ont appelés bishop, c'est-à-dire évêque.
On appelle ainsi l'infusion de suc d'orange et de sucre dans
un vin léger; c'est une boisson fort en usage en Allemagne.
Un Allemand a dit de ce mélange, quand on le fait
avec du vin de Bordeaux ou de Bourgogne, c'est une
liqueur d'évêque.
Si on le fait avec du vieux vin du Rhin, c'est une
liqueur de cardinal.
Si on le fait avec du vin de Tokai, c'est une liqueur de
pape.
(A.-F. Aulagnier. Dictionnaire des aliments et
boissons).
Bison. - Le bison, ou boeuf sauvage, habite dans
toutes les parties tempérées de l'Amérique septentrionale et
produit avec nos vaches.
Ce qui distingue le bison du boeuf est d'abord cette
bosse qui s'élève sur ses épaules et qui, comme celle du
zébu, n'est formée que d'une masse graisseuse, et varie
suivant la grandeur ou l'embonpoint de l'animal; il a aussi
une longue barbe de crin et un toupet pareil qui pend
échevelé entre ses deux cornes, presque sur ses yeux, ce
qui lui donne un air sauvage et féroce, quoiqu'il soit fort
doux et tout à fait inoffensif. Son poitrail est large, sa
croupe effilée, sa queue épaisse et courte, ses jambes
grosses et tournées en dehors, son poil roussâtre et long
s'élève sur ses épaules, et le reste du corps est couvert d'une
laine que les Indiennes tissent pour en faire des vêtements,
des sacs à blé et des couvertures.
Les bisons sont si nombreux dans les steppes du
Missouri, que leurs troupes mettent quelquefois plusieurs
jours à défiler quand ils émigrent, leur marche fait trembler
la terre et on en entend le bruit à plusieurs milles de
distance.
Les Indiens ont une danse, la danse du bison qui vient
de ce que pour faire la cour à sa génisse, cet animal danse
tout autour en galopant en rond. Immobile au milieu du
cercle que décrit son futur mari, la génisse mugit
doucement, semblant encourager de cette manière les
avances que lui fait le bison.
La viande du bison, coupée en larges et minces
tranches, se fait sécher au soleil, à la fumée, et devient alors
très savoureuse, elle se sale et se conserve plusieurs
années, comme celle du jambon. Elle a la même saveur que
celle du boeuf avec un petit goût âcre et sauvage qui la
rapproche de celle du cerf; dans les vaches, ce sont la
bosse et les langues que l'on estime le plus, elles sont très
bonnes à manger fraîches, soit bouillies soit rôties.
Cet animal est très utile aux Indiens; il les nourrit de sa
chair, les vêt de sa peau et de sa laine, et sa fiente même,
brûlée, donne une braise ardente dont ils se servent pour se
chauffer dans les savanes ou le manque de bois ne leur
laisse que cette seule ressource.
Le bison et le sauvage, a dit Chateaubriand, placés sur
le même sol, sont le taureau et l'homme dans l'état de
nature; ils ont l'air de n'attendre tous les deux qu'un sillon,
l'un pour devenir domestique, l'autre pour se civiliser.
Bisque. - S'il était nécessaire de rappeler à nos lecteurs
bien appris, dit l'auteur des Mémoires de Mme de Créquy,
quelles sont toutes les qualités et toutes les illustrations de la
bisque nous commencerions par citer, en guise
d'épigraphe, ces vers gaulois du vieux chapelain de
François Ier, Meslin de Saint-Gelais:
Quand on est fébricitant
Ma dame on se trouve en risque,
Et pour un assez long temps,
De ne jouer à la brisque
Et de mal disner, partant,
De ne point manger de bisque,
Si rude et si fascheux risque,
Que je bisque en y songeant!
Nous passerions ensuite à ce contemporain de l'austère
Boileau, à cet heureux gourmand:
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . dont la mine fleurie
Semblait d'ortolans seuls et de bisque nourrie.
Vincent de la Chapelle a déclaré que la bisque au bon
coulis était le plus royal des mets royaux; et M. de la
Reynière nous dit fièrement que c'est un aliment princier
ou financier. Brillat-Savarin, conseiller à la cour de
cassation et commandeur de la Légion d'honneur, a dit
dans sa physiologie du goût, que s'il restait dans ce monde
une ombre de justice, on rendrait publiquement aux
écrevisses cuites, un culte de Latrie.
Bisque d'écrevisses (potage). - Lavez cinquante
écrevisses: jetez-les dans ne casserole, ajoutez une
mirepoix composée de carottes émincées, oignons en
rouelle, un bouquet garni, assaisonnez de sel, poivre, un
peu de piment en poudre; mouillez avec une grande cuiller à
pot de consommé et un verre de madère, après cuisson,
retirez la chair des queues, coupez-les en dés et mettez-les à
part. Faites blanchir 125 grammes de riz, faites-le crever au
consommé, ajoutez-le aux carapaces d'écrevisses et à la
mirepoix; pilez le tout dans un mortier, mouillez et passez
le tout à l'étamine; ajoutez à votre purée le bouillon de vos
écrevisses, tournez-la sur le fourneau avec une cuiller de
bois, retirez-la avant son ébullition et enlevez la pulpe de
votre purée; ajoutez un morceau de beurre frais, mettez-le
avant de le servir au bain-marie, ajoutez avec vos queues
d'écrevisses des petits croûtons en dés passés au beurre,
mettez le tout dans une soupière, versez le potage dessus et
servez bien chaud. (Vuillemot).
Bisque à la normande (ou Potage aux pouparts). -
Faites cuire vingt minutes, avec de l'oignon, du persil et
des tranches de carottes, deux douzaines de petits crabes
dans une eau salée, laissez refroidir dans leur cuisson,
égouttez sans les éplucher, pilez-les dans un mortier en y
joignant gros comme un oeuf de mie de pain tendre ou
deux cuillerées de riz cuit à la vapeur; mouillez cette pâte
avec du consommé si c’est au gras, avec des quatre racines
si c'est au maigre; faites-la passer à l’ étamine, puis
faites-la bien chauffer au bain-marie en y ajoutant votre
bouillon gras ou maigre. Ces crustacés doivent être de ceux
qu'on appelle pouparts sur la côte de Normandie, ils
contiennent plus d'oeufs et de laitance que tous les autres
petits crabes connus sous d'autres noms.
Bistorte. - Espèce de renouée, ainsi nommée parce que
ses racines sont tortues et repliées en forme d'S.
La bistorte, quoique n'ayant pas du tout une apparence
farineuse, est très nourrissante et pourrait, dans un cas de
disette, servir à l’alimentation: on ne ferait en cela que
suivre l'exemple des Samoyèdes qui la mangent en place
de pain.
Blanc. - On appelle ainsi une composition dont l'usage
est souvent ordonné dans les formules culinaires: faites
bouillir dans une petite quantité d'eau du lard râpé, des
tranches de carottes, autant d'oignons, une feuille de
laurier, du persil en branche, et un nouet de toile fine où
vous aurez mis du poivre en grain et quelques clous de
girofle; il faut laisser bouillir le tout en le tournant sans
cesse jusqu'à ce que l'eau soit entièrement évaporée,
mouillez alors avec une plus grande quantité d'eau, faites
bouillir de nouveau, écumez avec soin et conservez cette
préparation dans une terrine pour vous en servir suivant la
formule.
Blanc-manger. - (suivant l'ancienne recette) On voit
dans les lettres de Mme de Maintenon, que Fagon
ordonnait cet aliment dans les cas d'affections ou
dispositions inflammatoires.
Pilez 125 grammes d'amandes mondées en y joignant
un peu d'eau, pour empêcher la séparation d'huile, ajoutezy
un litre de consommé fait sans légumes et complètement
dégraissé; à la place des légumes on met, dans le pot où se
fait le consommé, deux clous de girofle, un bâton de
cannelle et un peu de sel; quand le bouillon est bien mêlé
avec les amandes on y ajoute 60 grammes de blanc de
volaille rôtie, hachée et pilée, après qu'on en aura ôté la
peau, les tendons et les os; au lieu de volaille on peut se
servir de veau rôti, on peut ajouter aussi gros comme un
oeuf de mie de pain mollet, ce qui rendra le blanc-manger
plus épais. Le tout bien mêlé, on étamine en tordant, et on
reverse ce qui a passé sur le marc en tordant encore pour en
extraire tout ce qui peut en être extrait; on verse ce qui a
passé dans un poêlon en y ajoutant le jus d'une orange et
125 grammes de sucre; on met le poêlon sur un feu vif, on
remue d'abord pour que le blanc-manger s'épaississe, et on
le laisse un peu reposer, ensuite on le remue de temps en
temps avec une cuiller, il est cuit quand il est pris.
Blanc-manger (suivant la recette de M. Beauvilliers). -
«Ayez deux pieds de veau; fendez-les en deux, afin d'en
ôter les gros os; faites-les dégorger et blanchir;
rafraîchissez-les; mettez-les dans une marmite, avec une
pinte et demie d'eau; faites-les partir; écumez-les; laissez- les
cuire deux ou trois heures, dégraissez et passez leur
bouillon au travers d'une serviette mouillée; faites blanchir
et émondez un quarteron d'amandes douces avec six amères,
pilez-les, réduisez-les en pâte; ayez soin de les mouiller de
temps en temps avec un peu d'eau pour qu'elles ne tournent
point en huile; mettez dans une casserole un demi-setier
d'eau, un quarteron et demi de sucre, le zeste de la moitié
d'un citron et une bonne pincée de coriandre; laissez infuser
le tout une demi-heure; retirez-en la coriandre et le citron,
versez cette infusion sur vos amandes; passez-la plusieurs
fois à travers une serviette; ajoutez-y autant de gelée de
pieds de veau qu'il en faut pour que votre blanc-manger
soit délicat, et qu'il puisse prendre suffisamment, ce dont
vous vous assurerez en en faisant l'essai. Parvenu à son
degré et d'un bon goût, versez-le soit dans de petits pots,
soit dans un moule et faites-le prendre à la glace comme les
autres gelées. Vous pouvez faire ce blanc-manger, ainsi que
toutes les gelées possibles, avec de la colle de poisson, de
la corne de cerf ou de la mousse d'Islande».
La recette de M. Beauvilliers est excellente; elle défie
les innovations, on aurait tort de ne la point suivre.
Blanc-manger frit. - Prenez une casserole avec un
demi-litre de crème, un quart de farine de riz, des zestes de
citron hachés et un peu de sel, laissez sur le feu trois
heures en remuant par intervalles. Quand votre préparation
sera presque cuite, ajoutez-y du sucre, quatre massepains et
six macarons écrasés; achevez de faire cuire, cassez et
incorporez avec elle trois oeufs l'un après l'autre, faites lier
cette pâte, étalez-la sur un couvercle fariné, poudrez de
farine, et laissez-la refroidir. Divisez-la en petits carrés,
faites-en de petites boules, faites chauffer la friture dans une
poêle, et au moment de servir, mettez- la dans une passoire
dans laquelle vous aurez versé vos pâtes, remuez souvent
la passoire et dès que vos boules auront une belle couleur,
retirez-les, goûtez -les, dressez- les et saupoudrez de sucre.
On peut hacher des blancs de volaille rôtie et les incorporer
dans cette préparation.
Blond de veau. - Voltaire, qui était toujours non
seulement quelque part, mais chez quelqu'un, et qui
quelque part qu'il fût, écrivait des lettres pour être
imprimées, écrivait de Cirey à son ami Saint-Lambert:
«Venez à Cirey où Mme Duchatelet ne vous laissera pas
empoisonner; il n'y a plus une cuillerée de jus dans la
cuisine, tout s'y fait au blond de veau, nous vivrons cent
ans, et nous ne mourrons plus jamais». Or la recette de ce
blond de veau avait été donnée à Mme Duchatelet par le
célèbre Tronchin, dont le cours d'hygiène était renfermé
dans ces trois recommandations: «tenez-vous la tête froide,
les pieds chauds et le ventre libre». Voici donc la recette de
Mme Duchatelet.
Blond de veau à la Duchatelet. - «Garnissez le fond
d'une casserole avec des tranches de veau, ajoutez-y des
abatis de volaille avec un peu de beurre ou du lard fondu,
des oignons, des carottes et un bouquet garni; mouillez
avec une cuillerée de bouillon, laissez réduire sans laisser
attacher, mouillez encore avec du bouillon en suffisante
quantité pour que tout soit couvert, faites bouillir et
écumez, ensuite amortissez le feu et faites recuire
doucement pendant deux heures.
«Faites séparément un roux blanc, passez-y des
champignons pendant quelques minutes, et versez-y le jus de
la viande en remuant toujours, pour que le roux se mélange
intimement, faites bouillir et écumer, et tenez la casserole
sur un feu doux pendant une bonne heure, passez à
l'étamine après avoir dégraissé».
Blond de veau à la parisienne. - Prenez deux casis et
deux jarrets de veau, mettez-les dans une casserole avec
quatre oignons que vous mouillez avec deux cuillerées de
bon bouillon. Vous posez le tout sur un fourneau tout
allumé, quand le bouillon qui est dans la casserole est
réduit, vous transporterez la casserole sur un feu doux, où
votre veau devra suer sans que la glace ait le temps de
s'attacher. Quand la glace du fond de la casserole est de
belle couleur, vous la remplissez de bouillon
soigneusement écumé, et surtout n'assaisonnez pas.
Blond de veau à la Beauvilliers. - «Beurrez le fond
d'une casserole, mettez-y quelques lames de jambon, deux à
trois kilos de veau de bonne qualité, deux ou trois carottes
tournées, autant d'oignons, mouillez le tout avec une
cuillerée de grand bouillon, faites-le suer sur un feu doux,
et réduire jusqu'à consistance de glace; quand elle sera
d'une belle teinte jaune, retirez-la du feu, piquez les chairs
avec la pointe d'un couteau pour en faire sortir le reste du
jus, couvrez votre blond de veau, laissez-le suer ainsi un
quart d'heure, et mouillez-le de grand bouillon, selon la
quantité de vos viandes, mettez-y un bouquet de persil et
ciboule, assaisonné de la moitié d'une gousse d'ail et piqué
d'un clou de girofle, faites bouillir ce blond de veau,
écumez-le, mettez-le mijoter sur le bord d'un fourneau; vos
viandes cuites, dégraissez-le, passez-le comme il est dit à
l'article précédent, et servez-vous comme de l'empotage,
pour le riz, le vermicelle et même vos sauces». (Recette de
M. Beauvilliers). Non seulement avec cette recette on peut
faire d'excellents potages, mais un bon velouté et une
bonne espagnole. (V. SAUCES).
Bodian. - Poisson dont il existe plusieurs variétés
étrangères; sa chair est excellente.
Boeuf. - On se plaint de la décadence de la cuisine;
cette décadence est bien plutôt l'oeuvre des maîtres que des
serviteurs. Autrefois les grands gastronomes, comme le
maréchal de Richelieu, le duc de Nivernais et le comte
d'Escur, faisaient une fois au moins par semaine venir leur
maître d'hôtel, pour lui demander où on en était des
découvertes culinaires; les conversations savantes entre le
maître et le serviteur faisaient avancer à grands pas la
science gastronomique, en mettant le maître en face de la
grande pratique et le cuisinier en face de la grande théorie.
Quand M. le duc de Nivernais était obligé de changer ses
chefs de cuisine ou qu'ils avaient appris quelques
nouveautés qui lui paraissaient admissibles, il avait la
patience et la conscience de s'en faire servir et d'y goûter
huit jours de suite afin de conduire et de faire aboutir la
chose au point de sa perfection. Il avait le palais tellement
bien exercé qu'il pouvait distinguer si le blanc, d'une aile
de volaille provenait du côté du fiel. Quant à M. de
Richelieu, c'était le côté pratique surtout qu'il connaissait
mieux que le meilleur maître d'hôtel. Une anecdote est
parfois plus probante qu'une règle de trois.
C'était à la guerre de Hanovre, où le pays se
trouvait dévasté tout autour de l'armée française à plus de
quatre-vingts kilomètres à la ronde; on avait fait prisonnier
tous les princes et toutes les princesses d'Ostfrise, au
nombre de vingt-cinq personnes, auxquelles il est bon
d'ajouter une assez raisonnable suite de filles d'honneur et
de chambellans. Le maréchal de Richelieu avait résolu de
leur donner la clef des champs, mais avant de lâcher prise, il
imagina de leur offrir à souper, ce qui mit ses officiers de
bouche au désespoir.
Mais quand M. de Richelieu avait résolu quelque chose,
il fallait que la chose s'exécutât. Il réunit tous ses officiers de
bouche.
«Qu'avez-vous à la cantine, messieurs, leur demanda-til?
- Monseigneur, il n'y a rien.
- Comment rien?
- Rien du tout.
- Mais pas plus tard qu'hier, j'ai vu deux cornes passer
par la fenêtre.
- C'est vrai, monseigneur, il y a un boeuf et quelques
racines, mais que voulez-vous faire de cela?
- Ce que j'en veux faire, mais pardieu j'en veux faire le
plus beau souper du monde.
- Mais, monseigneur, on ne pourra jamais.
- Allons donc, on ne pourra jamais. Rudière, écrivez le
menu que je vais vous dicter, pour mâcher la besogne à ces
ahuris de Chaillot. Savez-vous comment on écrit le tableau
d'un menu, Rudière?
- Mais, monseigneur, j'avoue...
- Rendez-moi votre place et votre plume».
Et voilà le généralissime qui s'assied à la place de son
secrétaire et qui improvise un souper classique, un menu
qui a été recueilli dans la collection de M. de la
Poupelmière, et voici comment il est inscrit dans les
nouvelles à la main.
MENU D'UN EXCELLENT DINER TOUT EN BOEUF
DORMANT
Le grand plateau de vermeil avec la figure équestre du Roi;
Les statues de Duguesclin, de Dunois, de Bayard et de Turenne;
Ma vaisselle de vermeil avec les armes en relief écaillé.
PREMIER SERVICE
Une oille à la garbure gratinée au consommé de boeuf
QUATRE HORS-D'OEUVRE
Palais de notre boeuf à la
Sainte-Menehould.
Petits pâtés de hachis de filet
de boeuf à la ciboulette.
Les rognons de ce boeuf à
l'oignon frit.
Gras-double à la poulette au
jus de citron.
RELEVE DE POTAGE
La culotte de boeuf garnie de racines au jus
(Tournez grotesquement vos racines, à cause des Allemands).
SIX ENTREES
La queue du boeuf à la purée
de marrons.
Sa langue en civet (à la
bourguignonne).
Les paupières du boeuf à
l'estafoulade aux capucines
confites.
La noix de notre boeuf braisée
au céleri.
Rissolés de boeuf à la purée
de noisettes.
Croûtes rôties à la moelle de
notre boeuf. (Le pain de
munition vaudra l'autre).
SECOND SERVICE
L'aloyau rôti (Vous l'arroserez de moelle fondue).
Salade de chicorée à la langue de boeuf.
Boeuf à la mode à la gelée blonde mêlée de pistache.
Gâteau froid de boeuf au sang et au vin de Juranson (ne vous y
trompez pas).
SIX ENTREMETS
Navets glacés au suc de
boeuf rôti.
Tourte de moelle de boeuf à
la mie de pain et au sucre
candi.
Aspic au jus de boeuf et aux
zestes de citron pralinés.
Purée de culs d'artichauts au
jus et au lait d'amandes.
Beignets de cervelle de boeuf
marinée au jus de bigarades.
Gelée de boeuf au vin
d'Alicante et aux mirabelles
de Verdun.
Et puis tout ce qui me reste de confitures ou conserves.
Si, par un malheureux hasard, ce repas n'était pas très bon, je ferai
retenir sur les gages de Maret et de Rouquelère une amende de 100
pistoles. Allez, et ne doutez plus.
RICHELIEU.
M. Vuillemot, qui raconte volontiers cette anecdote, ne
manque jamais de l'accompagner de savants
commentaires. Selon cet habile opérateur, la tourte à la
moelle, demandée par le galant maréchal, est un mets
hérétique; le pied de boeuf à la poulette est oublié à tort sur
le menu; les beignets de cervelle sont un hors-d'oeuvre et ne
sauraient devenir, même de par le vouloir de l'irrésistible
duc, un entremets. M. Vuillemot fait observer que, pour le
malheur du menu bovin, le gras-double à la mode de Caen
était inconnu au XVIIIe siècle.
Sans le boeuf, dit Buffon, on aurait beaucoup de peine
à vivre; la terre demeurerait inculte, les champs et même
les jardins seraient secs et stériles; il est le domestique de la
ferme, le soutien du ménage champêtre; il fait toute la
force de l'agriculture; et aussi les anciens regardaient-ils
comme un crime de se nourrir de sa chair. Pline rapporte
qu'un citoyen fut banni pour avoir tué un boeuf. Valère-
Maxime dit la même chose. Les Grecs modernes n’en
mangeaient point, par respect pour l'animal laboureur.
Dans les villages indous, celui qui mange de sa chair est
regardé comme infâme. Les Egyptiens consultaient le
boeuf Apis comme un oracle. C'est peut-être par un reste de
cette vénération qu'à Paris on promène chaque année le
boeuf gras. Cet animal change de nom d'après son âge, il
est d'abord veau, puis bouvillon et enfin boeuf. Il y en a de
plusieurs espèces, de plusieurs grandeurs et grosseurs, et
ceux d'Egypte, par exemple, sont plus gros que ceux de la
Grèce; de même qu'en France, nos meilleurs boeufs sont
fournis par l'Auvergne et la Normandie. Lors de la
découverte de l'Amérique, on n'y trouva pas le boeuf; mais
importé par les Espagnols, il s'y multiplia
considérablement, et est devenu depuis un des mets favoris
des Américains qui, comme les Anglais, proclament en tout
et pour tout la supériorité du boeuf sur les autres viandes. Sa
chair est celle qu'on emploie le plus généralement, elle
nourrit bien et la digestion s'en fait facilement quand elle
est de bonne qualité. Elle n'est cependant pas aussi
bonne dans tous les pays, elle diffère aussi d'après les
pâturages. La viande est excellente quand l'animal est jeune
et gras, et convient, en général, à tout le monde, mais plus
encore à ceux qui ont un bon estomac, qui font beaucoup
d'exercice et qui ont besoin d'être bien nourris. Les
personnes sédentaires, les convalescents, les estomacs
faibles ne doivent en faire usage qu'après avoir consulté
leurs forces. La viande de boeuf est aussi celle qui donne
le meilleur bouillon.
Nous allons indiquer maintenant quelques-unes des
nombreuses manières d'accommoder le boeuf et de le
manger.
Les parties les plus recherchées sont la culotte,
l'aloyau, la noix, les entrecôtes, les côtes et la poitrine;
l'épaule, que les bouchers nomment paleron, est inférieure
aux parties élancées, le flanchet, le collier et la tête sont les
parties les moins estimées comme le filet mignon est ce
qu'il y a de plus délicat; laissons de côté la cervelle qui est
rarement bonne chez le boeuf, attendu l'habitude qu'on a en
France de les assommer. On fait de la langue et du palais
sous diverses formes des mets assez délicats, les rognons
sont ce qu'il y a de plus grossier dans le boeuf, quoique ce
soit souvent avec eux que l'on fasse des rognons au vin de
Champagne; comme il semble que la destination naturelle
du boeuf soit de faire du bouillon, commençons
l'énumération des plats qu'il fournit par celle de boeuf
bouilli.
Le boeuf bouilli est fort méprisé des gastronomes, qui
l'appellent de la viande sans jus; mais il est la providence
des pauvres gens et des petits ménages, à qui il fournit, non
seulement le dîner du jour, mais le déjeuner du lendemain.
Nous dirons plus tard, à l'article bouillon, la manière de
faire le bouillon le meilleur possible; ici nous ne nous
occupons que du boeuf.
La manière la plus habituelle de servir le boeuf et
hâtons- nous de dire que, dans ce cas, le morceau qui offre
le plus de sapidité est la pointe de culotte, la manière,
disons-nous, la plus habituelle de servir le boeuf, est, après
l'avoir fait égoutter, de le servir sur un plat entouré soit de
persil, soit de pommes de terre frites, soit d'une sauce
tomate, soit d'oignons glacés; vous trouverez tous ces
accompagnateurs fidèles du boeuf, chacun à sa lettre.
Boeuf garni aux choux. - Prenez deux ou trois choux,
coupez-les par quartiers, lavez-les, faites-les blanchir;
lorsqu'ils seront blanchis, rafraîchissez-les, ficelez-les,
mettez-les dans une marmite, mouillez-les avec du
bouillon, si vous avez une braise ou quelques bons fonds
servez-vous-en, ajoutez-y quelques carottes, deux ou trois
oignons, dont un piqué de trois clous de girofle, une gousse
d'ail, du laurier et du thym; de plus, pour que vos choux
soient bien nourris, ajoutez-y le derrière de votre marmite,
laissez mijoter trois ou quatre heures, égouttez vos choux
sur un linge blanc, pressez-les pour en faire sortir la graisse
en leur donnant la forme d'un rouleau à pâte, dressez-les
autour de votre pièce, masquez-la, ainsi que vos choux,
avec une espagnole réduite et servez.
Pièce de boeuf au pain perdu. - Si vous n'avez pas une
culotte de boeuf, prenez un aloyau ou seulement une
partie, levez le filet mignon, il vous servira pour faire une
entrée, dressez le reste, ficelez-le, roulez-le en manchon,
marquez-le comme une pièce de boeuf ordinaire et faites- le
cuire, coupez des lames de pain mollet en queue de paon
ou en coeur, cassez trois oeufs, battez-les comme une
omelette, assaisonnez d'un peu de sel et de crème,
trempez-y vos lames de pain, faites-les frire dans du
beurre, ayez soin de les retourner les unes après les autres;
lorsqu'elles seront d'une belle couleur, égouttez-les sur un
linge blanc, la cuisson de votre pièce de boeuf ou d'aloyau
étant achevée, égouttez-la, après l'avoir déficelée, vous la
poserez sur le plat, vous rangerez autour d'elle vos lames
de pain, faites sauter le tout, soit avec une espagnole, soit
avec une sauce hachée, et servez.
Pièce de boeuf à l'écarlate. - Prenez tout ou partie
d'une culotte de boeuf, laissez-la se mortifier trois jours ou
plus, désossez, lardez, avec assaisonnement: persil,
ciboules, poivre et épices, frottez de sel très sec tamisé
avec 30 ou 60 grammes de salpêtre purifié, mettez votre
pièce dans une terrine d'office, avec genièvre, thym,
basilic, ciboule, ail, clou de girofle et oignon, enveloppez
d'un linge et couvrez-la d'un vase, laissez-la ainsi huit
jours, retournez-la et recouvrez-la avec le même soin, et
laissez-la encore trois ou quatre jours, ensuite retirez-la et
faites-la égoutter, mettez dans une marmite de l'eau,
assaisonnée de carottes, oignons et d'un bouquet, faites-la
partir, et lorsque votre eau sera au grand bouillon, mettez- y
votre culotte, après l'avoir enveloppée d'un linge blanc, que
vous ficellerez; faites-la cuire ainsi pendant quatre heures
sans interruption, après retirez-la pour la placer dans une
terrine de sa forme, jetez dessus l'assaisonnement dans
lequel elle a cuit, et laissez-la refroidir, servez-la sur une
serviette comme un jambon, avec du persil vert autour.
Si vous la voulez servir chaude, mettez-la sur un plat
comme une pièce de boeuf, avec un bon jus de boeuf corsé,
et autour du raifort ou du cran râpé.
Culotte de boeuf à la gelée ou à la royale. - «Prenez
une culotte ou une partie, choisissez-la de bonne qualité et
qu'elle soit bien couverte, dressez-la, lardez-la de gros lard,
comme la culotte à l'écarlate, et assaisonnez ces lardons de
même, enveloppez-la dans un linge blanc, ficelez-la,
mettez-la dans une braisière, au fond de laquelle vous aurez
mis les os de votre culotte, cinq ou six carottes, quatre
oignons, deux gousses d'ail, un bouquet de persil et de
ciboules, deux feuilles de laurier, un jarret de veau, un verre
de vin blanc, du sel ce qu'il en faut pour qu’elle soit d'un
bon goût, deux ou trois cuillerées à pot de bouillon; faitesla
partir sur un bon feu, couvrez-la de trois épaisseurs de
papier beurré, couvrez votre braisière avec son couvercle;
faites-la aller doucement avec feu dessus feu dessous
environ quatre heures; lorsque votre culotte sera cuite,
retirez-la, laissez-la refroidir dans le linge, passez son
fond à travers une serviette que vous aurez eu soin de
mouiller afin que la graisse ne passe pas avec, laissez-la
refroidir, fouettez avec une fourchette deux blancs d'oeufs
avec un peu d'eau, jetez-les dans votre fond encore tiède,
remuez-le, mettez-le sur le feu jusqu'à ce qu'il commence à
bouillir, retirez-le, couvrez-le avec un couvercle sur lequel
vous mettrez quelques charbons ardents, laissez dans cet
état votre fond près d'un quart d'heure, levez le couvercle,
si votre fond est limpide, passez-le de nouveau à travers un
linge mouillé et tordu, faites refroidir votre gelée pour voir
si elle est trop forte ou trop légère. Dans le premier cas,
mettez-y un peu de bouillon; dans le second, faites-la cuire
de nouveau avec un jarret de veau et clarifiez-la encore,
ainsi qu'il est dit plus haut.
«Si elle n'était pas assez ambrée, vous pourriez y mettre
un peu de jus de boeuf; si vous voulez décorer votre pièce de
différentes couleurs, telles que rouge et vert, vous pouvez,
pour la première, employer un peu de cochenille, après
l'avoir fait infuser sur un feu doux, et en mettre seulement
quelques gouttes, jusqu'à ce que vous ayez atteint le rouge
que vous désirez: le mieux est que la couleur ne domine
pas. Si vous la désirez verte, prenez un peu de jus d'épinards
à cru, mettez-en également fort peu, afin de conserver la
limpidité de votre gelée. Si vous n'aviez pas de cochenille
et que ce fût en hiver, vous la remplaceriez aisément en
substituant un peu de jus de betteraves rouges, pilées à cru,
et en agissant comme pour la cochenille; vous coulez toutes
ces gelées dans des vases disposés de manière à pouvoir
couper vos gelées de l'épaisseur d'un pouce ou moins, et de
diverses façons, pour en décorer à volonté la pièce à servir,
comme si c'était des rubis ou émeraudes; ensuite déballez
votre pièce, parez-la sur tous les sens, ôtez légèrement la
peau de la première graisse qui la couvre, mettez-la sur un
plat, qu'elle soit d'aplomb, garnissez-la de gelée, faites une
bordure de couleurs, en les plaçant alternativement, l'une
rouge et l'autre verte, comme le sont les diamants d'une
couronne, et servez». (Recette originale et manuscrite de V.
de la Chapelle, à la Bibliothèque impériale).
Rosbif, rond-bif ou corne-bif. - Prenez un morceau
gras de cuisse de boeuf, coupez au-dessus de la culotte, de
façon que le gros os se trouve au milieu, sciez cet os, faites
sécher et piler 1 à 2 kilos de sel, tamisez ce sel, mêlez-y
un peu d'épices fines et d'aromates en poudre, frottez-en
toutes les parties de votre boeuf, mettez-le dans une grande
terrine de grès avec le restant de votre assaisonnement;
couvrez-le d'abord d'un linge, fixez ce linge avec de la
ficelle autour de la terrine et couvrez-le bien, mettez-le au
frais trois ou quatre jours; après, retournez dans son
assaisonnement votre pièce de boeuf, faites-en de même
tous les deux jours, durant huit ou neuf jours. Lorsque vous
voudrez vous en servir, retirez-la, laissez- la égoutter et
ficelez-la, mettez de l'eau dans une casserole ronde, avec
navets, carottes, oignons, quatre clous de girofle, quatre
feuilles de laurier; faites bouillir cet assaisonnement et
mettez-y votre pièce de boeuf, posez-la sur une feuille de
turbotière, afin de pouvoir l'enlever sa cuisson faite, sans la
casser, faites-la bouillir durant trois heures, retirez-la,
dressez-la sur votre plat, garnissez-la des légumes avec
lesquels elle aura cuit, et servez-la avec deux saucières, une
de sauce au beurre et l'autre de jus de boeuf. Surtout
n'oubliez pas deux pieds de veau désossés pour gélatine.
Boeuf à la mode, à la bourgeoise. - Prenez de
préférence le milieu de la culotte ou tranche grasse, lardezla
de gros lard, mettez-la dans une terrine avec deux
carottes, quatre oignons dont un piqué de deux clous de
girofle, ail, thym, laurier, sel et poivre, vous verserez sur le
tout un grand verre d'eau, un demi-verre de vin blanc ou
une cuillerée d'eau-de-vie, faites cuire jusqu'à ce que votre
viande soit très tendre, ensuite dégraissez, passez votre jus
au tamis, et servez; il faut cinq ou six heures pour faire un
bon boeuf à la mode.
Langue de boeuf, sauce hachée. - Il faut la mettre
pendant vingt-quatre heures dégorger à l'eau fraîche en la
changeant plusieurs fois d'eau, plongez-la plusieurs fois
dans l'eau bouillante pour la blanchir, rôtissez-la pour
enlever la peau et la parer, piquez-la de gros lardons,
assaisonnez-les de poivre, de sel, de muscade, persil,
échalotes hachées, faites-la cuire cinq heures dans une
braise.
Composition de la braise. - Garnissez une braisière ou
une daubière de bardes de lard, d’ un pied de veau
découpé, pour rendre la sauce gélatineuse, à défaut de
pied de veau, prenez un bon morceau de couenne de lard
salé, mettez sel, poivre, bouquet de persil, ciboule, thym,
laurier, clous de girofle, oignons et carottes, mettez sur cet
assaisonnement votre langue de boeuf, ajoutez un verre de
vin blanc, un demi- verre d'eau-de-vie, un verre d'eau ou de
bouillon, couvrez d’un papier beurré, recouvrez bien
hermétiquement votre casserole avec un couvercle afin
qu'il n'y ait point d'évaporation, faites cuire à petit feu
pendant plusieurs heures, puis retirez votre langue, fendezla
en long sans la séparer, dressez-la sur un plat, dégraissez
la cuisson, passez-la, mouillez-en un roux, faites réduire,
joignez-y un peu d'échalotes, de persil, de champignons, de
cornichons hachés fin, poivrez, faites bouillir pendant cinq
minutes et servez.
Langue de boeuf piquée rôtie. - Préparez votre langue
comme pour une braise, faites-la cuire avec deux cuillerées
de bouillon, tranches de lard, bouquet garni deux oignons
dont un piqué de deux clous de girofle; lorsqu'elle sera aux
trois quarts cuite, retirez- la, faites-la refroidir, piquez-la de
gros lard dans l'intérieur et de fin par-dessus, mettez-la
ensuite à la broche pendant une heure, servez ensuite une
sauce piquante dans une saucière.
Langue de boeuf au gratin. - Coupez en tranches très
minces une langue de boeuf cuite à la broche ou à la
braise, prenez le plat dans lequel vous comptez la servir sur
la table, mettez dans le fond un peu de bouillon, un filet
de vinaigre, des cornichons, persil, ciboules, échalotes, un
peu de cerfeuil, le tout haché très fin, sel, gros poivre,
chapelure de pain. Couchez en dessus cette préparation les
tranches de votre langue, assaisonnez-la dessus comme
vous avez fait dessous, finissez par la chapelure, mettez le
plat sur un fourneau à petit feu, faites bouillir jusqu'à ce qu'il
se gratine, et en le servant délayez- le d'un peu de bouillon.
Les restes de langue cuite à la braise ou à la
broche peuvent être coupés par tranches, panés à la Sainte-
Menehould, servis sur une sauce à volonté en papillotes
comme les côtelettes de veau.
Biftecks (cuits selon la méthode de M. Gogué). - Les
biftecks doivent être pris soit dans les côtes, soit dans le
filet du boeuf; après avoir choisi le morceau qui vous
convient, vous le parez en ayant soin de ne laisser aucune
partie nerveuse, puis vous le coupez en portions de la
même épaisseur (deux ou trois centimètres) et vous
aplatissez légèrement chacun des morceaux, auxquels vous
donnez la forme ronde. Trempez les biftecks dans de l'huile
d'olive, si vous voulez les rendre plus tendres ou bien dans
du beurre fin, que vous aurez fait fondre et dans lequel vous
aurez mis une pincée de sel.
Ayez alors une bonne braise, claire, ardente, sans
fumerons et sans autres corps étrangers qui puissent
produire de la fumée. Placez sur cette braise le gril bien
nettoyé, et sur le gril les biftecks préparés, ainsi qu'il a été
dit. Surveillez-les mais n'y touchez plus, jusqu'à ce que le
moment de les retourner soit arrivé, ce moment vous est
indiqué par des bulles qui se forment à la partie supérieure de
la viande. Une fois retournés, ils ne doivent plus être
maniés que pour être dressés sur le plat. C'est du bout du
doigt qu'il faut les interroger, et on reconnaît à une certaine
résistance que la cuisson est arrivée à point. Dressez-les
alors en couronnes sur le plat, assaisonnez de poivre et de
sel, et mettez dessous une sauce maître- d'hôtel qui est tout
simplement un morceau de beurre frais manié avec un peu
de persil haché et un jus de citron. Faites frire des pommes
de terre taillées en petits bâtons carrés de la longueur d'un
doigt, légèrement assaisonnés de sel, garnissez-en les
biftecks et servez chaud.
Les biftecks au beurre d'anchois ou à la tomate, se
préparent de la même manière que ci-dessus, à l'exception
de la maître-d'hôtel, que vous remplacez par un beurre
d'anchois ou par une sauce tomate. On peut également
remplacer si on veut, les pommes de terre, soit par du
cresson que l'on assaisonne d'un peu de sel et de vinaigre,
soit par de gros cornichons coupés en lames.
Remarque. - Il faut bien se garder d'assaisonner les
biftecks pendant leur cuisson, c'est une grave erreur dont
nous devons faire connaître les conséquences. Le sel, qui
sur le feu devient un dissolvant, fait saigner les viandes et
leur enlève ainsi le suc, qui est leur qualité la plus
précieuse. Vous remarquerez alors que la braise, sur
laquelle cuisent les viandes, se trouve toute arrosée de leur
cuisson, et c'est ce qui a donné l'idée, pour remédier à cet
inconvénient, d'établir des grils inclinés, avec réservoir,
destiné à recevoir le jus et la graisse provenant de la
cuisson; cette invention peut être un moyen d'éviter la
fumée, mais elle n'a aucun effet pour la cuisson, qui doit
être pratiquée comme nous l'avons dit.
Gardez-vous bien aussi, une fois que les biftecks sont
sur le gril, de les tourner et retourner plusieurs fois. Il
suffit d'avoir un peu d'expérience et de bon sens pour
s'abstenir d'un procédé routinier, dont le résultat est de
compromettre la bonne cuisson. Suivez à cet égard la
méthode que nous avons indiquée.
Filet de boeuf sauté. - Coupez par tranches de quatre
ou cinq doigts d'épaisseur votre filet de boeuf que vous
aplatissez légèrement, en lui donnant une forme ronde.
Placez les tranches sur du beurre que vous aurez fait
fondre dans un plat à sauter, saupoudrez de sel et de
poivre, mettez-les à un feu un peu ardent, quand ils ont
pris une belle couleur d'un côté, retournez-les, faites-leur
prendre couleur de l'autre, dressez-les en couronne sur le
plat, égouttez le beurre du sautoir, mettez-y un peu de jus
pour détacher la glace qui s'est formée au fond par la
cuisson des filets, ajoutez une cuillerée d'espagnole; faites
réduire et servez avec un jus de citron.
Le filet de boeuf sauté dans sa glace, le filet sauté au
madère, le filet sauté aux olives, le filet sauté aux truffes,
aux champignons, le filet sauté aux écrevisses ou au beurre
d'anchois, se préparent de la même façon, si ce n'est
qu'au filet sauté dans sa glace on ajoute un peu de glace
de veau et de jus pour détacher celle du sautoir.
Le filet sauté au madère en mettant au lieu de jus un
verre de madère et une cuillerée à bouche d'espagnole.
Le filet sauté aux olives en ajoutant lorsque le plat est
dressé un ragoût d'olives au milieu.
Le filet sauté aux truffes et aux champignons en
ajoutant à l'espagnole des champignons sautés au beurre ou
des truffes.
Le filet sauté au beurre d'écrevisse ou au beurre
d'anchois en ajoutant à l'espagnole l'un ou l'autre de ces
beurres, mais alors on ne remet plus le filet au feu; enfin
tous les filets se préparent et se font sauter de la même
manière, seulement les titres changent selon le légume dont
on les garnit.
Filet de boeuf à la broche. (V. ALOYAU)
Tourne-dos. - S'il vous reste une moitié ou un quart de
filet de boeuf, coupez-le par tranches, faites chauffer ces
tranches sans les faire bouillir, faites tailler des tranches de
pain de même grandeur, auxquelles vous faites prendre
couleur en les sautant dans le beurre, dressez en couronne
sur un plat, mettez alternativement un filet et un croûton, et
versez au milieu une ravigote de sauce piquante ou une
poivrade.
Côte de boeuf à la vieille mode. - Etant parée et piqués
de moyens lardons bien assaisonnés, faites-la sauter dans le
beurre et, lorsqu'elle sera à moitié cuite, vous couvrirez la
casserole et vous mettrez du feu sur le couvercle. Dressez
et versez dessus le liquide dégraissé contenu dans la
casserole.
Côte de boeuf aux épinards. - Mettez une côte de
boeuf à la broche, ôtez-la lorsqu'elle est cuite à l'anglaise,
c'est-à-dire un peu saignante et dressez-la sur des épinards au
jus.
Côte de boeuf à la Provençale. - Parez, piquez votre
côte de boeuf, faites-la sauter dans l'huile à grand feu et
jusqu'à moitié de la cuisson, puis couvrez la casserole en
mettant du feu sur le couvercle en diminuant celui du
fourneau: ces deux feux pourraient arriver à tarir la sauce et
à faire brûler la côte de boeuf; d'autre part, faites frire dans
l'huile des oignons coupés par tranches minces, et
lorsqu'ils seront bien jaunis vous ajouterez à l'huile dans
laquelle ils auront cuit, du sel et du poivre, un peu de
bouillon et un filet de vinaigre.
Côte de boeuf au vin de Malaga. - Parez une côte de
boeuf bien épaisse, piquez-la avec des lardons de moyenne
grosseur; quand vous l'aurez bien assaisonnée de sel, de
poivre, de fines herbes, vous verserez pour la faire cuire la
valeur d'une demi-bouteille de vin de Malaga et la valeur
d'une demi-bouteille de bouillon, après cela vous passerez
le mouillement au tamis de soie, ayez soin qu'il n'y ait
point de graisse, et faites réduire tout ce mouillement de
manière qu’il n'en reste qu'un verre pour mettre sur la côte,
et surtout ayez soin de ne pas trop saler votre mouillement.
Côte de boeuf à la Milanaise. - Parez, piquez avec
lardons, poivrez, salez votre côte de boeuf, faites cuire
dans deux verres de vin de Madère avec sel, gros poivre,
bouquet garni, carottes et oignons. La côte cuite, passez,
dégraissez et faites réduire le fond de cuisson, faites sauter
dans ce fond du macaroni que vous aurez fait cuire dans du
bouillon, ajoutez un peu de beurre, de fromage de Parme
râpé, faites mijoter le macaroni ainsi assaisonné, dressez la
côte, glacez et servez chaud.
Côte de boeuf aux concombres. - Préparez, cuisez une
côte comme braisée, surmontez-la et entourez-la de
concombres en morceaux, glacez et dressez. Vous pouvez
servir de même sur un ragoût de laitues farcies ou sur une
litière de choux rouges à la flamande.
Côte de boeuf aux oignons glacés. - Nous avons dit
tout à l'heure comment il fallait parer et braiser une côte de
boeuf, quand elle sera cuite, vous la déficellerez, vous
l'égoutterez, vous la dresserez entière sur un plat, vous
mettrez des oignons glacés à l'entour, et vous la servirez
sur une sauce claire, que vous aurez travaillée avec un peu de
mouillement de ce ragoût.
Côtes de boeuf couvertes aux racines. - Prenez les
côtes couvertes, lardez-les de gros lard comme la noix de
boeuf, assaisonnez-les et braisez-les de même, tournez des
carottes avec votre couteau ou emporte-pièce, une quantité
suffisante pour masquer vos côtes; faites-les blanchir,
mettez-les cuire dans une casserole avec une partie de
l'assaisonnement de vos côtes, ou du bouillon, faites-le
tomber à glace, cela fait, prenez la valeur d'une cuillerée à
bouche de farine, un peu de beurre, faites un petit roux,
mouillez-le, quand il sera bien blond avec les restants de
l'assaisonnement de vos côtes, faites cuire votre sauce,
dégraissez-la, tordez-la dans une étamine sur vos carottes,
remettez le tout sur le feu, afin que votre sauce et vos
carottes prennent du goût; mettez-y gros de sucre comme la
moitié d'une noix, pour en ôter l'âcreté, et un pain de beurre;
sautez bien le tout jusqu'à ce que le beurre soit
parfaitement fondu et incorporé, masquez vos côtes et
servez.
Queue de boeuf à la hoche-pot. - Prenez une queue de
boeuf, coupez-la par tronçons de point en point, faites-la
dégorger et blanchir, foncez une casserole de viande de
boucherie, placez dessus vos tronçons, ajoutez-y sel,
oignons, carottes, un bouquet assaisonné d'une feuille de
laurier, d'une gousse d'ail, de thym, de basilic et piqué de
deux clous de girofle, mouillez le tout avec du bouillon de
manière que vos tronçons ne fassent que tremper couvrezles
de bardes de lard, faites-les partir, mettez- y un rond de
papier, et les posant sur un feu modéré, couvrez-les avec
un couvercle, avec feu dessus, laissez-les cuire quatre à
cinq heures. Vous pourrez juger si votre queue est cuite,
lorsque l'ayant pressée entre vos doigts, la chair quittera
presque les os, alors égouttez-la, et servez-la avec le ragoût
de racines. (Voyez l'article côtes de boeuf aux racines)
Queue de boeuf à la Sainte-Menehould. - Faites cuire
d'abord votre queue de boeuf en hoche-pot, comme il est
dit ci-dessus, assaisonnez-la de sel, de gros poivre,
trempez-la dans du beurre tiède et mettez-la dans de la mie
de pain, panez-la deux fois, et faites-lui prendre
couleur au four ou sur le gril, vous pouvez dès lors la
servir comme vous voudrez, soit sur des choux rouges, soit
sur une purée de haricots blancs, soit sur une soubise, soit
enfin sur une sauce piquante et hachée à l'italienne.
Langue de boeuf à l'italienne et au parmesan. -
Prenez une langue de boeuf, coupez-en le cornet, mettez- la
dégorger deux ou trois heures et plus, retirez-la de l'eau,
râtissez-la bien avec votre couteau pour en ôter la
malpropreté, faites-la blanchir dans un chaudron ou dans
une grande marmite, retirez-la sur un linge blanc, ôtez-en la
peau, lardez-la de gros lard que vous aurez assaisonné avec
sel, poivre fin, épices fines, persil et ciboule, mettez- la cuire
dans une marmite avec oignons et carottes, mouillez-la
avec un verre de vin blanc ou du bon bouillon, retirez-la,
laissez-la refroidir dans son assaisonnement, coupez-la par
lames très minces, mettez du parmesan dans le fond d'un plat
creux, couvrez votre parmesan de vos tranches de langue,
ainsi de suite, faites trois ou quatre lits de langue et de
fromage, arrosez chaque lit d'un peu du fond dans lequel
aura cuit la langue dont il s'agit, et finissez par un lit de
fromage que vous arroserez avec un peu de beurre fondu,
mettez le plat au four ordinaire ou de campagne, donnez à
votre parmesan une belle couleur et servez. «Il est fâcheux
que l'on fasse rarement cette entrée, car étant bien soignée et
telle que l’indique la recette ci- dessus, elle est délicieuse.
Chez MM. Véry, du Palais- Royal; Grignon, du passage
Vivienne; Borel, rue Montorgueil, au Rocher de
Cancale; dans les grands dîners de 1825 à 1835, cette
entrée était très recherchée, je tiens à mentionner cela. Les
Langlet, les Michel, les Lennevaux, tous bons cuisiniers,
ne sont plus. J'ai eu l'idée de recueillir leurs bons principes
et je m'en suis bien trouvé». (Note de M. Vuillemot).
Palais de boeuf au gratin. - Procurez-vous trois ou
quatre palais de boeuf que vous mettrez sur un gril du côté de
la peau et sur de la cendre rouge; faites-les griller de façon
que vous puissiez facilement enlever la peau avec le
couteau, grattez la partie blanche qui se trouve sous
cette peau afin qu'il n'en reste aucun vestige, supprimez le
bout du mufle et celui du côté de la gorge, ainsi que la
partie noire qui se trouve au milieu, sans trop l'altérer,
faites-les dégorger et blanchir, mettez-les cuire dans un
blanc, ainsi que vous verrez à l'article (Tête de veau en
tortue) pendant trois ou quatre heures, égouttez-les, faitesles
refroidir à moitié, séparez-les en deux avec votre
couteau comme si vous leviez une barde de lard, garnissezles
d'une farce cuite; pour cela, étendez vos morceaux de
palais, mettez avec la lame d'un couteau de cette farce
dessus, à peu près de l'épaisseur desdits morceaux, roulezles
sur eux-mêmes, parez-les des deux bouts, égalisez-la,
mettez au fond de votre plat à peu près l'épaisseur d'un
travers de doigt de la farce ci-dessus, rangez vos petits
cannelons debout sur votre fond de farce, en laissant un
puits dans le milieu, garnissez de farce au dedans et au
dehors les intervalles de vos cannelons, il faut que votre
entrée ait la base d'une tour, garnissez ce puits de bardes
de lard bien fines et remplissez la capacité d'un morceau de
mie de pain, de façon à maintenir les cannelons dans la
position que vous leur aurez donnée; faites fondre du
beurre, dorez-les avec un doroir, mettez-les sous un four de
campagne avec feu dessus et dessous, faites cuire et
prendre belle couleur, ôtez votre bouchon de pain et les
bardes de lard, égouttez le beurre, saucez dans le puits avec
une italienne et servez.
Palais de boeuf à l'italienne. - Même préparation que
les précédents; faites-les cuire de même, égouttez-les,
coupez-les en escalopes ou en petits carrés, coupez-les
ensuite en ronds de la grandeur d'une pièce de 5 francs,
mettez dans une casserole cinq cuillerées à dégraisser
d'italienne rousse que vous ferez réduire au deux tiers de
son volume, jetez vos palais dedans, laissez-les mijoter un
peu, sautez-les, mettez un jus de citron et servez.
Palais de boeuf à la poulette. - Préparez comme cidessus,
coupez vos palais en ronds ou en filets, mettez-les
dans une casserole avec trois cuillerées à dégraisser de
velouté, laissez-les mijoter, faites une liaison de deux
jaunes d'oeufs, délayez-la avec un peu de lait ou de crème,
retirez vos palais du feu, liez-les avec vos oeufs, remettezles
sur le feu en agitant toujours afin de bien faire cuire
votre liaison, mettez un demi-pain de beurre, un filet de
verjus ou un jus de citron, un peu de persil haché et servezles.
Si vous voulez faire une bordure à votre plat, mettez
des croûtes de pain tournées en bouchons et frites dans du
beurre.
Les palais de boeuf à la ravigote se font de la même
manière, on les fait seulement sauter dans une sauce
ravigote froide ou chaude.
Croquettes de palais de boeuf. - Faites cuire dans un
blanc trois palais de boeuf, laissez-les refroidir, coupez- les
en petits dés avec des champignons et des truffes si c'est la
saison; faites réduire quatre cuillerées d'espagnole ou de
velouté à demi glacé, jetez dedans tous vos petits dés avec
un peu de persil haché; retirez votre casserole du feu, liez
votre salpicon avec deux jaunes d'oeufs et du beurre gros
comme une noix, versez le tout sur un plat, étendez-le
avec la lame d'un couteau en lui conservant une bonne
épaisseur, laissez-le refroidir, lorsque votre salpicon sera
froid, coupez-le par carrés égaux et donnez- lui la forme
qu'il vous plaira: soit en côtelettes, soit en cannelons, soit
en petites boules. Cassez trois oeufs que vous battrez
comme une omelette, mettez-y un peu de sel fin; trempez
vos morceaux l'un après l'autre dans cette omelette, mettezles
dans de la mie de pain en maintenant la forme que vous
leur avez donnée et mettez-les sur un plat au feu et à mesure
que vous les aurez passés; repassez votre mie de pain au
travers d'une passoire, trempez une seconde fois vos
croquettes dans l'omelette, passez-les de nouveau.
Saupoudrez votre plat de mie de pain, rangez-les dessus et
couvrez-les avec le reste de la mie de pain pour qu'elles ne
sèchent point; au moment de servir, retirez-les de cette mie
de pain, posez-les sur un couvercle, mettez votre friture
sur le feu, faites-la bien chauffer sans la brûler; glissez
toutes vos croquettes à la fois, afin qu'elles aient toutes la
même couleur, retirez-les, faites-les égoutter un moment;
rangez-les sur votre plat et servez avec un bouquet de
persil frit dont vous couronnerez vos croquettes.
Palais de boeuf en cracovie. - Préparez trois palais de
boeuf comme les précédents, laissez -les refroidir, coupez- les
en quatre, fendez chaque morceau en deux comme si vous
leviez une barde de lard, ce qui vous donnera vingt- quatre
morceaux. Faites blanchir dans l'eau ou cuire dans la
marmite une tétine de veau, coupez-la comme vos palais,
faites également un salpicon comme celui des croquettes cidessus,
étendez-en gros comme le pouce sur chaque
morceau de vos palais, roulez-les, enveloppez-les avec
votre morceau de tétine, passez-les comme les croquettes,
ou trempez-les dans une pâte à frire, faites-les frire comme
les croquettes, dressez-les de même et servez.
Palais de boeuf à la lyonnaise. - Faites cuire cinq
ou six palais dans un blanc, ainsi qu'il est indiqué à l'article
précédent, coupez cinq ou six oignons en tranches, passezles
dans le beurre, qu'ils soient d'une belle couleur;
lorsqu'ils seront cuits, mouillez-les avec une cuillerée ou
deux d'espagnole, si vous n'en avez pas, singez-les et
mouillez-les avec un peu de bouillon, faites cuire le tout,
coupez vos palais en carrés ou en filets, jetez-les dans votre
sauce, mettez-y un peu de sel, de gros poivre et finissez
avec un peu de moutarde.
Gras-double. - Prenez la partie la plus épaisse du grasdouble,
mettez-la dans de l'eau tiède, râtissez-la bien,
enlevez avec soin la partie spongieuse, remettez-la dans
l'eau beaucoup plus chaude, faites-lui jeter un bouillon et
nettoyez-la de nouveau, frottez-la avec du citron, faites
qu'elle soit aussi blanche que possible, mettez cuire ce
gras-double, dans un blanc, sept à huit heures; sa cuisson
faite, coupez-le en losanges ou en filets. Si vous voulez le
servir à la poulette, voyez l'article Palais de boeuf à la
poulette; si vous le voulez à l'italienne, voyez aussi cet
article.
Gras-double à la mode de Caen. - Prenez une panse
de boeuf avec sa mulette et sa caillette, faites-la blanchir,
après qu'elle a été bien nettoyée, jetez-la dans l'eau fraîche
pendant une heure, coupez le tout par morceaux,
assaisonnez avec sel et poivre, quatre épices; coupez en
gros dés du lard maigre et mettez le tout ensemble. Prenez
une grande jatte en terre, foncez-la avec carottes et oignons
coupés, un bouquet garni à pointes d'ail, mettez par-dessus
douze pieds de mouton blanchis, un pied de veau désossé,
mettez votre gras-double pardessus, ajoutez deux carottes
coupées, un pied de céleri et douze poireaux entiers, ce qui
sert à tenir toujours durant la cuisson du gras-double
l'humidité convenable pour ne pas le sécher, ajoutez une
bouteille de vin blanc, un bon verre de cognac, deux litres
d'eau et trois cents grammes de moelle de boeuf, couvrez le
tout avec une feuille de papier beurré, puis, fermez le tout
avec une pâte de farine et eau, faites partir sur le feu et
laissez mijoter, entourez la jatte de braise, et douze
heures après, sondez la cuisson et servez bien chaud en
ayant soin d'enlever les ingrédients du dessus. (Vuillemot).
Cervelles de boeuf. - Elles se préparent exactement de
la même façon que les cervelles de veau (V. VEAU).
Cependant nous l'avons déjà fait observer, comme on
foudroie le boeuf d'un coup de masse, il y a presque
toujours dans la cervelle un épanchement de sang qui la
rend moins délicate.
Crépinettes de palais de boeuf. - Faites revenir dans
du beurre des oignons coupés en petits carrés, mettez-y un
peu de muscade, d'ail, de laurier, du sel et du poivre. Les
oignons étant cuits, vous verserez dessus le bon jus que
vous aurez battu avec des jaunes d'oeufs, jetez dans cette
préparation des palais de boeuf bien cuits, et coupez en
morceaux carrés longs; laissez refroidir le tout, chaque
morceau de palais se trouvant enduit de cette pâte, vous les
envelopperez, chacun à part, de crépinette de cochon, puis
vous les ferez griller au feu doux sur un gril, ou vous les
mettrez sous un four de campagne, et vous les servirez sur
une purée de tomates ou sur une soubise.
Emincé de palais de boeuf. - Coupez des oignons en
tranches aussi minces que possible, faites-les revenir dans le
beurre jusqu'à ce qu'ils soient bien dorés, versez dessus un
demi-verre de consommé, autant de sauce espagnole, faites
mijoter le tout, ajoutez-y un peu de beurre bien frais et trois
ou quatre pincées de sucre, d'autre part vous aurez émincé
les palais de boeuf, vous les mettrez dans cette
préparation, après quoi vous ferez encore mijoter le tout
pendant deux ou trois minutes, puis vous dresserez votre
émincé, vous ferez autour de lui un cordon de croûtons
bien jaunes, vous pouvez aussi, arrivé la, faire votre
émincé de palais de boeuf aux champignons, il s'agit pour
cela de substituer des champignons aux oignons et la sauce
allemande à la sauce espagnole.
Le pied de boeuf poulette. - Faites blanchir un pied de
boeuf comme un pied de veau; laissez-le dégorger vingtquatre
heures à l'eau froide, prenez deux mètres de bord de
fil (lavez-le pour lui enlever son goût d'apprêt), ficelez votre
pied comme une momie, mettez-le dans une marmite avec
grande eau, sel, gros poivre, bouquet garni, carottes et
oignons avec clous de girofle et laissez bouillir le tout
doucement, jusqu'à ce que le nerf du pied se brise, relâchez
ensuite votre bord de fil jusqu'à ce que le pied, par son
gonflement, devienne émollient.
Préparez une bonne allemande (V. aux sauces),
ajoutez des champignons tournés et persil hachés,
citronnez la sauce et, avec un bon morceau de beurre frais,
liez-la bien. Mettez votre pied bien chaud sur un plat et
saucez dessus. Ce plat par son confortable, est très
recherché.
Un pied de boeuf poulette suffit à six personnes ayant
bon appétit. Voilà un plat que le bon praticien, M. de
Richelieu, n'a probablement pas pu indiquer à ses officiers
de bouche. (Vuillemot).
Pièce de boeuf à l'anglaise. - Prenez une culotte de
boeuf de quatre kilos, assaisonnez-la de sel et poivre,
prenez une serviette, beurrez-la; enveloppez votre pièce de
boeuf dedans, prenez une marmite, emplissez-la d'eau que
vous faites bouillir, une bonne poignée de gros sel, huit
navets, six gros oignons dont un clouté de deux clous de
girofle, une pointe d'ail, quand votre eau sera en pleine
ébullition, plongez votre pièce de boeuf dedans, fermez
hermétiquement la marmite; pour 4 kilos de boeuf, il faut
deux heures de cuisson, soit, pour 500 grammes, un quart
d'heure, après ce temps, retirez vos légumes, passez-les au
tamis à quenottes, mettez-les dans une casserole avec un
bon morceau de beurre frais, assaisonnez sel et poivre,
mettez cette purée dans un légumier, retirez votre pièce de
boeuf de la marmite, dressez-la sur un plat garni de persil et
servez. Ce relevé de potage en vaut bien un autre.
(Vuillemot).
Roolpins. - (Article traduit du Hollandais par M. de
Courchamps). «Prenez 3 kilos de viande de boeuf, celle
des côtes découvertes est la meilleure; ayez soin qu'elle
soit bien marbrée, faites en sorte qu'il y ait autant de gras
que de maigre. Hachez le tout ensemble, à peu près comme
une farce à pâtés; assaisonnez de sel, poivre, épices,
muscade.
Vous vous serez procuré de la panse de boeuf bien
nettoyée, coupez-la en morceaux carrés, de la grandeur de
vingt centimètres ou à peu près; remplissez- en l'intérieur
de votre farce; rapprochez les extrémités de l'enveloppe et
cousez- les avec une grosse aiguille.
Tous vos morceaux préparés ainsi, ayez un chaudron
bien étamé, faites bouillir de l'eau avec une bonne poignée de
sel et un litre de vinaigre; faites bouillir ces morceaux
pendant une heure (vous aurez un grand pot en grès);
égouttez vos morceaux sur un linge blanc, versez du
vinaigre, ce qu'il en faut pour les couvrir, ne couvrez votre
pot que lorsque le tout sera refroidi; vous pourrez vous en
servir au bout de quinze jours. Si vous n'en faites pas
l'emploi en totalité, laissez-les dans le vinaigre, seulement
après ce temps il faut les mettre dans de l'eau tiède une
heure, afin que le vinaigre soit absorbé.
Cuisson de roolpins. - Prenez ce qu'il vous faut de
morceaux, coupez-les en tranches, telles que des biftecks;
posez-les dans un plat à sauter où vous aurez mis du
beurre, donnez cinq minutes de cuisson à feu vif, en ayant
soin de les retourner de temps en temps; vous aurez
préparé autant de tranches de belles pommes de reinette,
faites-les frire comme les morceaux ci-dessus; dressez ce
hors-d'oeuvre en couronne, en posant alternativement un
morceau de chaque sorte; servez le plus chaud possible.
Bolet. - Genre de la famille des champignons dont le
chapeau est conique et la surface inférieure garnie de pores
ou tubes arrondis.
Le bolet comestible, le seul de cette espèce que l'on
puisse manger, se trouve par toute la France, dans les bois et
les lieux couverts. Il a un pédicule assez gros, cylindrique et
quelquefois ventru, blanchâtre ou jaune avec des lignes en
réseau; son chapeau est large, voûté, d'une couleur
ferrugineuse tirant sur le bleu, quelquefois d'un rouge de
brique rembruni ou bien d'un rouge cendré, ou bien encore
blanc et jaunâtre, souvent d'une teinte vineuse sous la
peau; les tubes sont d'abord blancs, ensuite jaunâtres et
verdâtres.
M. Dennezil, à qui nous empruntons cette désignation
ajoute que les boeufs, les cerfs, les porcs, le mangent avec
avidité, et il est très recherché comme aliment et comme
assaisonnement dans le midi de la France; mais on n'en fait
pas usage à Paris, quoiqu'il se trouve communément aux
environs de cette ville, principalement dans les bois de
Ville-d'Avray et de Meudon. On le connaît dans le Midi
sous le nom de ceps, cep, girole, giroule, bruguet. En
Lorraine on le mange sous le nom de champignon
polonais, parce que ce sont des Polonais de la suite du roi
Stanislas Leczinski qui montrèrent qu'on en pouvait
manger sans danger.
Bonite. - Poisson de la famille des maquereaux, mais
plus gros que ces derniers; il ressemble beaucoup au thon, et
se nourrit comme lui de poissons et d'algues, mais sa chair
est plus délicate, et les gourmets l'estiment autant que celle
du maquereau. Le nom qu'il porte indique d'ailleurs
suffisamment quel genre de mérite on leur a reconnu et
prouve assez la bonté de sa chair.
Ce poisson vit dans la Méditerranée, on en trouve aussi
sur les côtes de France et d'Espagne; mais il abonde entre
les tropiques, et se plaît, dit-on, à suivre les vaisseaux.
Ces poissons vivent à la surface de l'eau et s'élancent
même dans l'air pour y saisir les poissons volants qui
constituent leur principale nourriture, il est donc facile de
les pêcher, et voici le moyen qu'on emploie:
On se sert d'une ligne volante à laquelle on attache deux
plumes blanches près du hameçon, afin de simuler le
poisson volant, puis on laisse pendre cette ligne en l'agitant
de temps en temps à quelques pouces au-dessus de l'eau, la
bonite se précipite alors pour saisir sa proie et se trouve
saisie elle-même.
Ce qui donne une certaine importance à la pêche de ce
poisson, c'est qu'on le sale comme le thon et qu'on
l'expédie comme tel dans des barriques, dans tous les pays du
monde; bien souvent quand on croit se régaler de thon, on ne
mange que de la bonite, qui du reste est tout aussi bonne.
Bonitol. - Fils de la précédente; il est presque de la
grosseur du maquereau, sa chair est d'un excellent goût.
Bonnet de Turquie. - Espèce de pâtisserie ancienne,
faite dans un moule ayant la forme d'un bonnet turc, avec
des côtes. On le fait de pâte de gâteau de Savoie ou de
gâteau d'amande, on peut aussi le faire de pâte croquante.
On fait une grande abaisse de cette pâte, dont on fonce le
moule en en marquant bien le dessus; puis on le met au
four, après l'avoir piqué avec la pointe d'un couteau, afin
qu'il ne cloche point. On peut faire la pâte plus fine et
même la foncer de pâte de massepains blanche, faite avec
des amandes douces bien pilées ensemble; on met le tout
sur le feu dans une casserole avec une poignée de sucre, et
on remue constamment avec la spatule; quand la pâte est
cuite, on en fait une abaisse comme pour une croquante et
on la met cuire d'une belle couleur. Lorsque ce gâteau est
cuit, on y met des confitures de plusieurs sortes de
couleurs; on fait une côte d'une couleur, une autre côte
d'une autre couleur, et cela fait un fort bel effet; on le met
ensuite sur un fond garni de confiture, on l'enjolive le plus
qu'il est possible, et on le sert comme entremets.
Bonnet de Turquie à la Triboulet. - Mettez 500
grammes de pistaches pilées avec 250 grammes de sucre
fin, un peu de citron vert haché, quinze jaunes d'oeufs afin
que la pâte ne soit pas trop liquide, battez le tout ensemble
comme les biscuits, fouettez les blancs d'oeufs en neige et
mêlez-les avec le reste, joignez-y 250 grammes de farine
passée au tamis, et remuez le tout légèrement; beurrez
votre moule en bonnet turc avec du beurre fin, mettez-y
votre biscuit, et faites cuire au four à feu doux, et
légèrement saupoudré de sucre. Au bout de deux heures il
est cuit, alors retirez-le du feu, glacez une bande blanche
avec une glace blanche et une bande rougeâtre avec de la
glace faite avec de la cochenille.
Bonnet de Turquie coloré. - Echaudez et pilez 250
grammes de pistaches, quand elles seront bien pilées,
mettez-y 375 grammes de sucre fin, du citron confit aussi
pilé, un peu de citron vert haché très fin, et douze jaunes
d'oeufs; battez bien le tout ensemble avec deux cuillers de
bois, puis fouettez les douze blancs en neige en les faisant
bien monter, et mêlez-les avec le reste; ajoutez-y aussi
250 grammes de farine très fine,. mélangez bien le tout
ensemble avec les verges; vous beurrez ensuite avec du
beurre fin votre bonnet turc, vous mettez votre pâte
dedans, vous faites cuire au four pendant trois heures, puis,
lorsqu'il est bien cuit, vous le couvrez d'une couche épaisse
de confitures de quatre couleurs: vous faites un quart avec
de la glace blanche, un deuxième avec la confiture de
groseilles, un troisième avec de la marmelade d’abricots,
puis un quatrième avec du verjus confit ou des pistaches
pilées.
Vous servirez ensuite cet entremets qui fait très bien
sur la table.
Bonnet de Turquie en surprise. - Vous prenez de la
pâte d'amandes, que vous avez faite avec des amandes
douces pilées, arrosées d'un peu de blanc d'oeuf fouetté
avec un peu d'eau de fleurs d'oranger et réduites en pâte
avec du sucre en poudre; vous pilez cette pâte d'amandes
dans un mortier avec du bon beurre frais, de l'écorce de
citron vert hachée, quelques confitures, du sucre, quatre ou
cinq jaunes d'oeufs; puis beurrez le moule avec du beurre
très fin, mettez au fond et autour de la pâte d'amandes
préparée comme il est dit ci-dessus, et faites cuire au four,
vous le laissez trois heures, puis quand le gâteau est cuit,
vous le levez, le mettez sur un plat, le couvrez de
confitures de différentes couleurs comme ci-dessus, et
servez.
Bora. - Poisson des mers du Japon, ressemblant au
brochet, sa chair est blanche et délicieuse et a les mêmes
propriétés alimentaires que celle du brochet, c'est-à- dire
de bon goût et de facile digestion. On marine et on fume la
chair du bora comme celle du brochet, et cette chair
marinée et fumée est l'objet d'un très grand commerce pour
les Hollandais et les Chinois qui la transportent dans toutes
les parties de l’empire.
Bordelière. - Poisson de rivière et de lac, ressemblant
à la brême; son nom lui vient de ce qu'il se trouve toujours au
bord des fleuves. La chair de ce poisson est du goût de celle
de la carpe, elle s'apprête de même.
Borquien. - Poisson de l'océan Atlantique, il est très
vorace et saisit avec avidité tout ce qu'on lui jette, sa chair est
bonne, mais peu recherchée.
Bouc. - Le bouc est le mâle de la chèvre; jeune il se
nomme chevreau ou cabri, et doit être mangé, pour que sa
chair soit tendre et délicate, avant six mois; mais après ce
temps, c'est-à-dire lorsqu'il est devenu bouc, elle a un goût
désagréable et porte une odeur très forte.
Le bouc a été de tout temps sacrifié; il n'y a que les
Egyptiens et d'autres peuplades de l'Asie qui, par respect
pour le dieu Pan, ses pieds fourchus et ses cornes, aient
laissé le bouc paître en paix et courtiser sa femelle; mais il
est universellement condamné en Europe; et tout cuisinier
qui se respecte méprise profondément cet animal: qui pue,
dit-il, et qui n'est bon tout au plus qu'à faire le chevreau.
Les Grecs immolaient un bouc sur les autels de
Bacchus, parce que les ravages commis dans les vignobles
par cet animal excitaient le courroux du dieu des buveurs;
c'est sans doute en mémoire de cela que dans les fêtes de
Bacchus, en Grèce, on préludait toujours par le sacrifice
d'un bouc aux chants joyeux, aux mascarades et aux
autres divertissements auxquels on se livrait aux champs
comme à la ville, divertissements qui furent, comme on le
sait, l'origine très peu reconnaissable de la tragédie.
Enfin, le Lévitique donne la description de la
cérémonie du bouc émissaire, en ces termes: «Dieu parla à
Moïse et lui dit:
«Puis Aaron jettera un sort sur les deux boucs: un sort
pour l'Eternel et un sort pour le bouc qui doit être
Hazazel... Et Aaron, posant ses deux mains sur la tête du
bouc vivant, confessera sur lui toutes les iniquités des
enfants d'Israël et toutes leurs fautes, selon tous leurs
péchés, et il les mettra sur la tête du bouc, et l'enverra au
désert par un homme exprès... Et le bouc portera sur soi
toutes leurs iniquités dans une terre inhabitable; puis cet
homme laissera aller le bouc dans le désert».
Pauvre bouc, va! heureusement qu'il a bon dos,
heureusement aussi qu'il n'est pas resté dans le désert; que
seraient devenues nos chèvres?...
Boucage. - Plante de la famille des ombellifères, ainsi
nommée à cause de la forte odeur de bouc qu'elle exhale. Il
s'en fait un commerce considérable, car on s'en sert pour la
composition de certains ratafias et de quelques pâtisseries.
Les confiseurs s'en servent en place d'anis pour mettre dans
des dragées, et l'on en retire encore une huile essentielle
bleue, qui sert dans quelques contrées, à Francfort, par
exemple, pour teindre l'eau-de-vie en cette couleur, mais ce
mélange lui donne une âcreté désagréable.
Les semences du boucage ont les mêmes propriétés
que celles de l'anis; elles sont stomachiques, facilitent la
digestion et chassent les vents.
Boucher, boucherie. - Autrefois, le privilège de vendre
la viande dite de boucherie comprenait aussi celle du porc;
mais quelques rôtisseurs et quelques aubergistes s'étant
avisés de vendre du porc cuit et des saucisses, on leur
donna le nom de charcutier venant de chair cuite, et s'étant
institués en communauté, les bouchers leur cédèrent cette
branche de leur commerce. (V. Charcutier).
L'institution de la boucherie, et par conséquent des
bouchers, remonte à la plus haute antiquité: dès qu'on put
faire de la viande du bétail une alimentation constante et
régulière, on forma des établissements, appelés étaux ou
boucheries, pour vendre au public de la viande fraîche et
aussi pour servir d'abattoirs avant que des établissements de
ce dernier genre fussent fondés.
Les Romains avaient leurs abattoirs nommés lanionia et
leurs étaux ou boucheries nommés macella; ces
établissements furent d'abord épars dans différents
quartiers, puis ils finirent par se réunir en société, et on
leur affecta un quartier tout entier qui prit la dénomination de
macellum magnum après qu'on y eut transporté aussi les
marchés où se vendaient les autres substances comestibles.
L'accroissement de la population romaine nécessita bientôt
la construction de deux grandes boucheries qui, par leur
magnificence, ne le cédaient en rien aux bains, aux cirques,
aux amphithéâtres, etc. Les Romains avaient aussi une
police spécialement affectée à l'examen des viandes
fraîches qui entraient au marché, cette police empêchait
les marchands, sous peine d'une forte amende, de vendre
de la viande qui eût été tuée depuis plus de quarante huit
heures en hiver et de vingt quatre heures en été.
Dès les premiers temps de l'histoire de France,
nous retrouvons à Paris des boucheries établies sur le
modèle de celles des Romains. La corporation des
bouchers existait déjà sous la haute surveillance d'un chef
nommé par eux; ce chef devait vider tous les différends qui
pouvaient exister dans la corporation et ne relevait que du
prévôt de Paris, en ce qui concernait le métier et
l'administration des biens de ses sociétaires. La possession
de ces biens était commune à tous les membres, à
l'exclusion des filles, et les familles qui ne laissaient pas
d'héritiers mâles cessant d'appartenir à la communauté,
celle-ci profitait des héritages.
Il n'y eut pendant longtemps qu'une seule boucherie à
Paris, dont la tour Saint-Jacques-la-Boucherie seule nous
indique aujourd'hui l'emplacement; puis on en institua une
seconde: la boucherie du Parvis; mais elle fut abandonnée, en
1122, par Philippe-Auguste à l'évêque de Paris; enfin les
Templiers, sur une charte de Philippe le Hardi, établirent
aussi une boucherie dans le voisinage de leur maison; la
vieille corporation et la grande boucherie gardèrent leurs
antiques usages et conservèrent seules le privilège de
délivrer des patentes à ceux qui voulaient ouvrir d'autres
étaux.
Par une ordonnance de Charles VI, datée de 1481, tout
boucher qui se faisait recevoir maître à Paris était obligé de
donner un aboivrement et un past, c'est-à-dire un déjeuner
et un festin. Or, pour l'aboivrement, le nouveau maître
devait au chef de la communauté un cierge de 750 grammes
et un gâteau pétri aux oeufs; à la femme de celui-ci, quatre
pièces de viande à prendre dans chaque plat; au prévôt de
Paris, un demi- litre de vin et quatre gâteaux; au voyer de
Paris, au prévôt du Fort-L'Evêque, aux célerier et concierge
du Parlement, un quart de litre de vin pour chacun et deux
gâteaux.
Pour le past ou festin, il devait au chef de la
communauté: un cierge de 500 grammes, une bougie
roulée, deux pains, un demi-chapon et 15 kilos Yz de
viande; à la femme du chef, douze pains, un litre de vin et
quatre pièces à prendre dans chaque plat; au prévôt, un
demi-litre de vin, quatre gâteaux, un chapon et 30 kilos Yz
de viande, tant en porc qu'en boeuf (car à cette époque les
bouchers vendaient encore la viande de porc, ce ne fut
qu'au XVIe siècle que les charcutiers s'emparèrent de cette
vente); enfin, au voyer de Paris, au prévôt du Fortl'Evêque,
au célerier et au concierge du Parlement, un
demi-chapon pour chacun, deux gâteaux et 15 kilos Yz de
viande de boeuf, plus 60 grammes de porc.
Les différentes personnes qui avaient droit à ces
rétributions étaient obligées, quand elles les envoyaient
prendre, de payer un ou deux deniers au ménétrier qui
jouait des instruments dans la salle.
Cela n'était pas cher se nourrir.
Quelques bouchers devenus riches, ayant mis des
locataires dans leurs étaux à des prix exagérés, le
Parlement décida qu'un conseiller de la cour présiderait
chaque année à leur adjudication. Puis enfin, Henri III, par
lettres patentes du mois de février 1587, réunit en une
seule et unique communauté tous les bouchers de la ville,
qu'il érigea en corps de métier juré et leur donna des
statuts.
La révolution de 1789, époque à laquelle il y avait
environ à Paris 310 boucheries, vint apporter un grand
trouble dans ce corps de métier; la perturbation étant
générale, une foule de gens se mirent à vendre de la viande
de boucherie fraîche ou non, partout où ils se trouvaient et
jusque dans les caves, et il en résulta les abus les plus
pernicieux pour la santé publique; enfin le désordre et le
gaspillage devinrent tels que l'autorité se vit obligée de
prendre des mesures pour réprimer cet état de choses. Un
arrêté du 9 germinal an VIII porta que «nul ne pourrait
exercer la profession de boucher sans être commissionné
par le préfet de police»; puis le 8 vendémiaire an XI, un
décret rétablit en corporation la boucherie parisienne,
institua un syndicat, et exigea de tout boucher,
indépendamment de l'autorisation du préfet de police, le
versement d'un cautionnement qui variait de 1 000, 2 000,
à 3 000 francs, selon l'importance des établissements.
Le décret impérial du 8 février 1811 fut plus restrictif
encore: il réduisit à trois cents le nombre des boucheries de
la capitale, affecta au rachat des étaux dépassant ce nombre
les intérêts des cautionnements dont le capital alimentait la
caisse de Poissy et réorganisa sur des bases nouvelles cette
caisse, sorte de banque chargée déjà depuis plusieurs
années de servir d'intermédiaire entre les bouchers et les
marchands de bestiaux et de faire à ceux-ci l'avance des
payements jusqu'à concurrence du cautionnement des
acheteurs.
Depuis cinquante ans la boucherie a fait
d'immenses progrès; d'abord il s'est fondé des abattoirs qui
ont fait disparaître toutes les tueries des boucheries,
effrayants foyers d'infection, que l'usage avait jusque-là
tolérées, aux dépens de la salubrité publique, dans les rues
étroites du centre de Paris; on en institua trois principaux:
l'abattoir Montmartre, l'abattoir Popincourt et l'abattoir du
Roule, qui se fondirent en un seul établi il y a un ou deux
ans à La Villette; c'est là maintenant, dans cet immense et
magnifique établissement que viennent s'approvisionner
tous les bouchers qui vendent ensuite aux consommateurs, à
des prix limités, la viande nécessaire à leur usage
journalier; cette vente augmente tous les jours
d'importance, et il se vend quotidiennement à Paris plus de
400 000 kilos de viande de boeuf, de veau ou de mouton.
Le nombre des bouchers a aussi considérablement
augmenté, et l'on n'en compte pas moins de 300 disséminés
dans tous les quartiers de Paris, et qui, chaque matin, se
trouvent presque tous réunis à l'abattoir de La Villette, où la
viande du bétail tué pendant la nuit leur est débitée; d'autres
ont leur voiture qui, à deux ou trois heures du matin et bien
avant que la clientèle soit éveillée, apporte la viande
fraîchement dépecée; c'est presque sinistre de voir la nuit
des voitures voyageant avec rapidité, afin de livrer leur
marchandise le plus promptement possible, et portant ces
corps sanguinolents, entourés de linge sanglants et laissant
après eux une longue traînée de sang, l'imagination se livre
alors aux plus lugubres réflexions.
Depuis quelques années, il s'était aussi établi à Paris
quelques boucheries de viande de cheval, quelques
amateurs hippophages avaient essayé de faire passer cet
aliment dans la consommation: des banquets furent donnés
dont les comptes rendus furent publiés dans les journaux,
puis des prospectus furent distribués, offrant aux
consommateurs bon marché et bonne qualité; mais rien n'y
fit et l'on vit peu à peu ces boucheries disparaître; c'est à
peine aujourd’hui s'il en reste deux ou trois établies dans
les quartiers les plus pauvres de Paris et dont le bon
marché soutient seul l'existence.
La viande de cheval, du reste, n'est pas précisément
mauvaise, mais elle a besoin d'être fortement assaisonnée; et
surtout d'être mangée sans préjugés.
Rappelons qu'à Rome, les bouchers avaient des
boutiques dans toutes les rues jusqu'au moment où ces
boutiques furent réunies dans un seul quartier qui s'appela,
comme nous l'avons dit: Macellum magnum. Il y en avait
surtout au Forum, cette grande exhibition quotidienne des
produits de Rome et de ses environs.
Il y avait un étal de boucher en face du tribunal des
Décemvirs puisque c'est à un étal de boucher que Virginius
arracha le couteau avec lequel il tua sa fille.
Peut-être s'étonnera-t-on que Virginius qui était
centurion, par conséquent capitaine dans l'armée romaine,
prit un ignoble couteau de boucher pour tuer la jeune et
belle enfant dont Appius était amoureux et qu'il voulait lui
enlever.
D'abord, il y a des moments où l'histoire fait du
pittoresque mieux que les romanciers; l'histoire, en faisant
plonger dans le coeur de cette gracieuse créature
l'immonde couteau qui servait à égorger les derniers
animaux, faisait une splendide opposition des formes les
plus élégantes avec l'arme la plus basse.
Puis il fallait bien que ce fût ainsi, puisqu'à cause des
disputes qui avaient lieu à tous moments, il était défendu à
tous les citoyens, même aux soldats, d'entrer au Forum
avec leurs armes.
Virginius, quoique centurion, avait donc dû subir la loi
générale et, venant plaider pour sa fille, y plaider désarmé.
Voilà ce qu'ignorait Alfieri qui fait tuer Virginie d'un
coup d'épée, attendu, dit-il, que l'épée est une arme plus
noble qu'un couteau.
L'arme est plus noble, c'est vrai; mais à notre avis, elle
est moins dramatique; puis elle indique chez l'auteur une
ignorance des moeurs et des lois du temps qu'il n'est pas
permis à un auteur d'avouer.
On sait que c'est à la suite de l'émeute qui accompagna
la mort de Virginie que le tribunal des Décemvirs fut
renversé.
On lui doit la loi des Douze Tables, qui fut longtemps
le code romain.
Les bouchers, du reste, semblaient destinés à être
illustrés par des événements dans le genre de celui que nous
venons ci- dessus de raconter et à s'illustrer eux-mêmes,
mais toujours dans de sanglantes circonstances; ne sont-ils
pas hommes de sang, et par conséquent aimant le sang?
On sait quelle part active les bouchers prirent sous
Charles VI à la querelle sanglante des Armagnacs et des
Bourguignons. On sait que Caboche, un des leurs, leur
chef, devint aussi le chef du peuple parisien. Les
Armagnacs victorieux firent démolir la grande boucherie et
celle du Parvis et abolirent tous leurs privilèges; mais leurs
adversaires s'étant à leur tour retrouvés les plus forts, les
rétablirent et relevèrent les ruines des étaux du Châtelet.
Bouclier. - Poisson vivant sur les côtes de l'Islande et
en Danemark. La chair du mâle, trouvée excellente par les
habitants, se mange fraîche, cuite sur le gril et quelquefois
dans un potage de petit lait; c'est, paraît-il, une nourriture
saine et agréable; on sèche aussi la chair, on la sale et on la
mange dans le pays, comme nous mangeons les harengssaurs.
Boucon. - Espèce de ragoût de veau. Pour faire ce
ragoût, vous prenez de petites tranches de rouelle de veau,
un peu longues et minces, vous les aplatissez sur une table,
vous rangez l'un après l'autre sur ces tranches un gros
lardon de lard cru et un de jambon; poudrez le tout d'un
peu de persil et de ciboule; assaisonnez de fines épices et
de fines herbes.
Puis vos tranches ainsi garnies, vous les roulez
proprement comme des filets mignons et les mettez dans
un pot pour les cuire à la braise. Quand elles sont bien
cuites, vous les égouttez et les servez avec un bon coulis et
ragoût de champignons, truffes et autres garnitures.
Boudelière. - C'est un des meilleurs poisson d'eau
douce, sa chair nourrit et se digère facilement.
Bouillants. - Ancien pâté d'entremets qui se sert encore
aujourd'hui sur les meilleures tables.
Pour faire des bouillants, prenez l'estomac de poulets
ou chapons rôtis, avec un peu de moelle, gros comme un
oeuf de tétine de veau blanchie, autant de lard et un peu de
fines herbes, hachez et assaisonnez bien le tout et
mettez-le sur une assiette.
Faites un morceau de pâte fine, tirez-en deux abaisses,
minces comme du papier, mouillez-en une légèrement avec
de l'eau, mettez de votre farce dessus par petits tas un peu
éloignés les uns des autres. Couvrez-les ensuite avec l'autre
abaisse en l'étendant avec le bout de vos doigts; enfermez
chaque morceau bien hermétiquement entre les deux pâtes,
coupez-les avec un fer propre à cela, dressez- les ensuite
proprement sur un plat comme des petits pâtés et faites-les
cuire au four; quand ils sont de belle couleur, vous les
servez chaudement pour hors-d'oeuvre ou garnitures
d'entrées.
Cela ressemble beaucoup à ce que nous appelons volau-
vent à la financière.
Bouilli. - On entend par bouilli toute pièce de viande
cuite dans l'eau.
Le président Hénault, raconte qu'un homme d'esprit du
temps de la Restauration, dînant chez madame du Deffand,
disait d'une poularde trop bouillie qu'elle était comme un
rayon de miel ou il ne restait que de la cire, et madame du
Deffand, chez laquelle on dînait, trouva que le président
avait raison; le bouilli n'est que de la viande cuite, moins
son jus, disait Mme de Créquy. Il y avait une chose à
répondre à ces illustres gourmands: «Avez vous goûté du
boeuf ou des poulets de la marmite éternelle?
- Non!
- Eh bien, goûtez-en et vous reviendrez sur votre
opinion.
- Qu'est-ce que la marmite éternelle?»
La marmite éternelle est ou plutôt était, attendu que
cette illustre institution gastronomique a cessé de
fonctionner depuis longtemps, la marmite éternelle était un
récipient qui ni jour ni nuit ne quittait le feu, dans laquelle
on mettait un poulet dès qu'on en retirait un poulet; un
morceau de boeuf dès qu'on en tirait un morceau de boeuf;
et un verre d'eau dès qu'on en tirait une tasse de bouillon;
toute espèce de viande qui cuisait dans ce bouillon gagnait
en sapidité plutôt que d'y perdre, car elle héritait des sucs
qu'avaient laissés dans ce bouillon où elle venait à son tour
laisser une partie des siens, les sucs des viandes qui avaient
cuit avant elle; il ne fallait laisser dans la marmite éternelle
le morceau de viande qu'on y faisait cuire que le temps
absolument nécessaire à sa cuisson; il ne perdait aucune de
ses qualités.
Maintenant que la marmite éternelle nous manque, il
faudra se contenter de faire un grand bouilli.
Pour faire un beau plat de relevé, achetez une culotte
de boeuf de 12 à 15 kilos, faites-la désosser, ficelez-la de
manière à ce que votre relevé de potage ait la forme d'un
carré long, bombé; faites-la cuire dans un bouillon que
vous aurez fait la veille, et dans lequel vous aurez mis tous
les restes des rôtis de la veille, poulet rôti, dinde rôtie,
lapin rôti, etc., etc. Mettez autour de votre pièce de boeuf
une garniture à la Chambord ou à la Godard, décorez -la
d'une quantité d'hâtelets garnis de rissolles, et fichés dans
les chairs en manière de porc-épic; si la garniture de votre
bouilli n'est ni à la Chambord ni à la Godard, garnissez-le
de petits pâtés d'oignons glacés, de choucroute, de nouilles
ou de légumes à la flamande.
Bouilli froid. - Faites avec le bouilli froid des tartines
au beurre et aux fines herbes, ou mangez-le en salade.
Mais comme notre goût peut n'être pas celui de tout le
monde, nous allons dire tout le parti qu'on en peut tirer.
Poitrine de boeuf encharbonnée. - Coupez-la froide
en longs morceaux; panez-la, faites-la griller lestement et
servez-la sur une purée de tomates ou sur une sauce
piquante aux échalotes et aux cornichons.
Miroton Saint-Honoré. - Versez sur un plat qui aille
sur le feu de bon bouillon gras avec persil, estragon,
ciboule, cerfeuil et câpres; couchez sur cet
assaisonnement votre boeuf coupé en tranches les plus
minces possible, assaisonnez comme dessus, couvrez le
plat, et laissez cuire doucement trente ou quarante minutes.
Miroton à la mode de l'île Saint-Louis. - Coupez le
boeuf en tranches minces, en travers, hachez des oignons,
faites-les roussir à la graisse de boeuf, ajoutez farine,
bouillon, sel, poivre et vinaigre, laissez bouillir un quart
d'heure, versez sur votre boeuf disposé dans un plat;
laissez mijoter pendant trente ou quarante minutes.
Chapelurez et faites prendre couleur au four, s'il vous
convient.
Bouilli au pauvre homme. - Coupez votre bouilli en
tranches, couchez ces tranches sur un plat, semez pardessus
du sel, du poivre, du persil, de la ciboule hachée, un
peu de graisse du pot, une pointe d'ail, versez un verre de
bouillon, un peu de chapelure de pain; faites-les mitonner
sur de la cendre chaude pendant un quart d'heure.
Quand on était plus de huit jours sans donner à Louis
XV son boeuf au pauvre homme, il était le premier à le
redemander.
Hachis de boeuf à la ménagère. - Vous hachez des
oignons avec du persil, des ciboules et un peu de thym,
passez-les au beurre jusqu'à ce qu'ils soient bien cuits; vous
y ajouterez un peu de farine et vous tournerez jusqu'à ce
qu'elle ait pris couleur; vous la mouillerez avec du bouillon
et un demi-verre de vin blanc. Assaisonnez de sel, de
poivre, et quand l'oignon sera cuit, la sauce réduite, mettez-y
le boeuf haché et laissez-le mitonner sur un feu très doux
pendant une demi-heure.
Bouilli en persillade. - Mettez au fond d'un plat de la
graisse de rôti ou du beurre étendu, semez dessus du persil
très fin et des champignons hachés, saupoudrez le tout de
chapelure, superposez des tranches de boeuf cuit dans le
pot-au-feu, graisse, persil, champignons, et alternez;
mouillez de bouillon, faites bouillir quarante-cinq minutes,
ayez soin de rafraîchir de temps en temps, puis, lorsque le
tout a bouilli, dégraissez-le et servez-le avec un cordon de
pommes de terre sautées.
Bouilli en quenelles. - Hachez du boeuf bouilli avec
des pommes de terre cuites dans la cendre, ajoutez-y du
beurre ou de la graisse de potage et quelques oeufs entiers,
maniez bien le tout et faites-en des boulettes que vous
passerez au beurre dans une casserole, servez avec une
sauce à la ravigote ou une sauce piquante.
Bouilli en matelote à la bourgeoise. - Mettez des
petits oignons dans une poêle avec un peu de beurre,
faites-les roussir sur un feu doux, mettez-y une cuillerée à
bouche de farine; lorsque la sauce aura pris une certaine
couleur, mettez un verre de vin rouge, un demi-verre de
bouillon, faites-y sauter vos oignons, quelques
champignons, du sel, du poivre, une feuille de laurier, un
peu de thym; lorsque le ragoût sera cuit, vous le verserez
sur les tranches de bouilli que vous aurez mises sur un plat,
faites-le mijoter une demi-heure afin que le bouilli se pénètre
de la sauce et servez.
Bouilli à la poulette et à la bourgeoise. - Mettez un
morceau de beurre avec du persil et de la ciboule hachée
dans une casserole, faites-les revenir, mettez une cuillerée de
farine, agitez le tout ensemble, versez un verre de
bouillon ajoutez sel, poivre, et muscade; faites bouillir cinq
ou six minutes, mettez-y votre boeuf que vous aurez taillé
en petites tranches, sautez-le dans votre sauce et liez avec
trois jaunes d'oeufs.
Bouillie. - Espèce de potage, composé de farine, de blé
ou de fécule que l'on fait cuire dans du lait, ou dans du
bouillon, ou dans une émulsion d'amandes. C'est la
première nourriture que l'on donne aux enfants qui quittent
le sein; la bouillie la plus légère se fait avec la fécule de
pomme de terre; c'est celle également qui a besoin de rester
le moins longtemps sur le feu pour arriver à son entière
cuisson. Pour rendre la farine de froment plus alimentaire
que celle de fécule il faut qu'elle soit séchée au four jusqu'à
être légèrement roussie. La bouillie au reste se fait avec
toutes sortes de farines: avec la farine de sagou, de salep, de
tapioca, d'arrow-root, d'orge et d'épeautre; la bouillie de
farine d'avoine se nomme gruau; la bouillie de mie de pain,
s'appelle panade.
Nota. Pour cette dernière sorte de bouillie, observe M.
Vuillemot, ayez grand soin de ne mettre le beurre qu'au
moment de la liaison, pour lui conserver toute sa suavité.
Bouillon. - Il n'y a pas de bonne cuisine sans bon
bouillon; la cuisine française, la première de toutes les
cuisines, doit sa supériorité à l'excellence du bouillon
français; cette excellence résulte d'une espèce d'intuition
donnée je ne dirai pas à nos cuisinières, mais à nos femmes
du peuple.
Rivarol disait à des gourmands de Lubeck et
d'Hambourg en laissant son assiette de potage aux trois
quarts pleine:
«Messieurs, il n'y a pas en France une garde-malade ni
une portière qui ne sache faire du meilleur bouillon que le
plus habile cuisinier de vos trois villes hanséatiques.
Dans ma jeunesse j'habitais ma ville natale, Villers-
Cotterêts; elle est entourée d'une magnifique forêt où le duc
de Bourbon venait faire de très belles chasses au sanglier;
mon cousin était inspecteur de la forêt; ayant entendu un
jour le duc de Bourbon me dire chez lui:
«Monsieur Dumas, votre père et moi avons échangé
quelques bons coups de sabre dans notre jeunesse», il
m'invita désormais à dîner chez lui toutes les fois que le
duc de Bourbon y dînait c'est-à-dire toutes les fois qu'il
venait chasser à Villers-Cotterêts.
Un jour le prince racontait qu'en sortant de France en
89, il était allé demander l'hospitalité au prince-évêque de
Passau; ce dernier la lui avait donnée avec la fastueuse
hospitalité des prélats souverains; au premier dîner le
prince de Condé s'écria:
«Ah! par ma foi voilà de bonne soupe, passez-moi
encore quelques cuillerées.
- Monseigneur, répondit le prince-évêque, je ferai
ordonner que pendant tout le temps que vous passerez chez
moi, on y soigne beaucoup les potages; la nation française
est une nation soupière.
- Et bouillonnante, monseigneur, répondit le vieil
émigré et de son dernier bouillon elle m'a flanqué à la
porte».
Nous allons donc en recueillant toutes les autorités, dire
quels sont les principes de la viande auxquels le bouillon
emprunte sa sapidité; ces principes sont la fibrine, la
gélatine, l'osmazôme, la graisse, et l'albumine.
La fibrine. - La fibrine est insoluble, la fibre est ce qui
compose le tissu de la chair et ce qui se présente à l'oeil
après la cuisson; la fibre résiste à l'eau bouillante, et
conserve sa forme quoique dépouillée d'une partie de ses
enveloppes; quand un morceau de viande a longtemps
bouilli dans un grand volume d'eau, ce qui en reste est à
peu près de la fibrine pure.
La gélatine diminue à mesure qu'on avance en âge, à
90 ans les os ne sont plus qu'une espèce de marbre
imparfait; c'est ce qui les rend si cassants, et fait une loi de
prudence aux vieillards d'éviter toute occasion de chute.
Les os sont principalement composés de gélatine et de
phosphate de chaux.
L'osmazôme est cette partie éminemment sapide de
viande qui est soluble à l'eau froide et qui se distingue de la
partie extractive en ce que cette dernière n'est soluble que
dans l'eau bouillante; c'est l'osmazôme qui fait la valeur
des bons potages, c'est lui qui en se caramélisant forme le
roux des viandes, c'est par lui que se forme le rissole des
rôtis, enfin c'est par lui que sort le fumet de la venaison et
du gibier.
L'osmazôme se tire surtout des animaux adultes à chair
noire qu'on est convenu d'appeler chair faite; on n'en
trouve point ou presque point dans l'agneau, le cochon de
lait, les poulets, et même dans le blanc des plus grosses
volailles; c'est la présence de l'osmazôme, dit Brillat-
Savarin, qui a fait chasser tant de cuisiniers convaincus de
distraire le bouillon, c'est elle qui a fait adopter les croûtes au
pot comme confortatif dans le bain et qui a fait inventer au
chanoine Chevrier des marmites fermant à clef; c'est le
même à qui on ne servait jamais des épinards le vendredi
qu'autant qu'ils avaient été cuits le dimanche et remis
chaque jour sur le feu avec une nouvelle addition de beurre
frais. Enfin c'est pour ménager cette substance, quoique
encore inconnue, que s'est introduite la maxime que pour
faire de bon bouillon, la marmite ne devait que sourire.
L'albumine. - Se trouve dans la chair et dans le sang,
elle ressemble au blanc de l'oeuf, elle se coagule à une
chaleur au-dessous de 40 degrés, c'est ce que l'on rejette du
pot au feu, sous le nom d'écume.
La graisse est une huile insoluble dans l'eau, elle se
forme dans les interstices du tissu cellulaire, et s'agglomère
quelquefois en masse dans les animaux prédisposés,
comme les cochons, les volailles, les ortolans, et les becfigues;
si dans un pot-au-feu on ne voulait tirer que le
bouillon, on pourrait tout simplement la hacher, la manier
dans l'eau froide et la faire chauffer lentement jusqu'à
ébullition; par là on dépouillerait la viande de tous ses
principes solubles, et on obtiendrait en moins d'une demiheure
un véritable consommé; c'est ce que nous invitons à
faire les personnes chez lesquelles il arrive des convives
inattendus, et qui veulent donner un potage a ces convives.
C'est une erreur de croire que les volailles ajoutent, à
moins qu'elles ne soient très vieilles ou très grasses,
quelque chose à l'osmazôme du bouillon. Le pigeon
lorsqu'il est vieux, la perdrix et les lapins rôtis d'avance, le
corbeau, en novembre et décembre, ajoutent beaucoup à la
sapidité et à l’arôme du bouillon. En général la chair de ces
animaux contient tout leur sang, et c'est ce qui fait qu'elle
ajoute à la sapidité et à l'arôme du bouillon dans lequel on
la met.
Maintenant comme on ne met pas seulement le pot au
feu pour avoir du bouillon, mais pour avoir de la viande
mangeable qui non seulement peut le premier jour se servir
bouillie, mais le lendemain reparaître sous un autre aspect,
nous allons indiquer la marche à suivre pour avoir toujours
du bon bouillon sans épuiser la viande.
Prenez toujours le plus fort morceau de viande que
comporte votre consommation habituelle, plus le morceau
sera fort, frais et épais, plus le bouillon se ressentira de ces
trois qualités sans compter l'économie de temps et de
combustible. Ne lavez pas la viande, ce qui la dépouillerait
d'une partie de ses sucs, ficelez-la après en avoir séparé les
os, afin qu'elle ne se déforme pas, et mettez dans la
marmite un litre d'eau par cinq cents grammes de viande.
Faites chauffer la marmite avec lenteur, il en résultera
que l'albumine se dissoudra d'abord, se coagulera ensuite, et
comme dans ce premier état elle est plus légère que le
liquide, elle s'élèvera à la surface en enlevant les impuretés
que votre viande peut contenir; l'albumine coagulée, ce
sont les blancs d'oeufs que l'on emploie pour clarifier les
autres substances. L'écume a été d'autant plus abondante que
l'ébullition a été plus lente. Il doit s'écouler une heure entre
le moment où la marmite a été mise sur le feu et celui où
l'écume se rassemble à sa surface.
L'écume bien fournie, il faut l'enlever à l'instant même,
l'ébullition de la marmite précipiterait l'écume, ce qui
troublerait la transparence du bouillon; si le feu est bien
conduit, on n'a pas besoin de rafraîchir la marmite pour
faire monter une nouvelle écume; lorsque la marmite est
bien écumée et qu'elle jette ses premières vagues, on y met
les légumes qui consistent en trois carottes, deux panais,
trois navets, un bouquet de poireaux et de céleri ficelés
ensemble; n'oubliez pas d'y ajouter trois gros oignons
piqués, l'un d'une demi- gousse d'ail et les deux autres
d'un clou de girolle; dans la cuisine de second ordre, mais de
second ordre seulement, on donne la couleur au bouillon
avec la moitié d'un oignon brûlé, une boule de caramel ou
une carotte desséchée; n'oubliez pas de briser avec un
couperet les os qui prennent part à la composition de votre
bouillon, qu'ils soient achetés en même temps que le boeuf,
ou qu'ils soient des restes du rôti de la veille; plus ils sont
brises en nombreux fragments, plus ils rendent de gélatine.
Il faut sept heures d'ébullition lente et toujours
soutenue pour donner au bouillon les qualités requises;
devant un feu de cheminée, régler cette ébullition est une
chose presque impossible, mais on y parvient facilement au
contraire en employant un fourneau qui doit chauffer
constamment le dos de la marmite; pour diminuer autant
que possible l'évaporation, il faut que la marmite reste
couverte; il faut regarder deux fois à la remplir, même
lorsqu'on en retire du bouillon, cependant si la viande était
à découvert, il faudrait y verser de l'eau bouillante jusqu'à
ce que la viande soit baignée, le bouilli en sortant du pot au
feu a perdu la moitié de son poids.
Nous comprenons, dit Brillat-Savarin, sous quatre
catégories les personnes qui mangent du bouilli.
l - Les personnes qui en mangent parce que leurs
parents en mangeaient, et qui suivant cette pratique avec
une soumission implicite espèrent bien aussi être imités par
leurs enfants.
2 - Les impatients qui abhorrent l'inactivité à table et
ont contracté l'habitude de se jeter avidement sur la
première matière qui se présente.
3 - Les inattentifs qui, n'ayant pas reçu du ciel le feu
sacré, regardent les repas comme les oeuvres d'un travail
obligé, mettent sur le même niveau tout ce qui peut les
nourrir et sont à table comme l'huître sur son banc.
Enfin, les dévorants qui, doués d'un appétit dont ils
cherchent à dissimuler l'étendue, se hâtent de jeter dans
leur estomac une première victime pour apaiser le feu
gastrique qui les dévore et servir de base aux divers envois
qu'ils se proposent d'acheminer vers la même destination.
Passons maintenant aux différentes variétés de
bouillon.
Bouillon consommé à la régence. - Prenez à nouveau
un morceau de boeuf, un morceau de poitrine de mouton,
passez-les dans une casserole et faites-les suer, mouillez
avec du bouillon, mettez le tout dans la marmite avec des
râbles de lapin, une vieille poule, une ou deux perdrix,
achevez de remplir votre marmite avec du bouillon,
écumez et faites mijoter pendant quelques heures.
Bouillon consommé à l'ancienne mode . (qui peut,
réduit à moitié, remplacer le jus dans toutes les sauces). -
Dégraissez une épaule de mouton, faites-la cuire à moitié à
la broche, mettez-la dans la marmite avec un bon morceau
de boeuf, un vieux chapon bien en chair, quelques carottes,
oignons, navets, un panais et un pied de céleri, mouillez avec
du bouillon de la veille.
Bouillon consommé à la moderne. - Mettez à la
marmite un morceau de tranche de boeuf, un jarret de
veau, une poule, un vieux coq, un lapin de garenne ou une
vieille perdrix, mouillez le tout avec un peu de bouillon,
faites bouillir encore ce consommé, écumez-le,
rafraîchissez-le de temps en temps, mettez des légumes:
carottes, oignons, céleri, persil, ciboules, ail et clous de
girofle; faites bouillir cinq heures à feu doux. Tamisez dans
un linge fin.
Grand bouillon. - Si vous avez un grand dîner, il vous
faut avoir du bouillon en assez grande quantité pour
mouiller vos sauces et confectionner vos potages; mettez
alors dans une grande marmite une pièce de boeuf, culotte ou
poitrine, joignez-y les débris ou parures de toutes vos
viandes de boucherie, boeuf, veau, mouton, tous les abatis,
carcasses, cou, volaille et gibier dont vous aurez levé les
chairs pour faire des entrées; mettez sur un feu modéré
cette marmite qui doit être aux trois quarts seulement
remplie d'eau, écumez-la doucement, rafraîchissez-la
chaque fois que vous enlèverez l'écume, jusqu'à ce que le
bouillon soit parfaitement limpide; mettez-y sel, navets,
carottes, oignons, trois clous de girolle, poireaux,
conduisez-le aussi lentement que possible, et passez dans
un linge fin.
Bouillon conservé. - Faites bouillir votre bouillon soir
et matin dans les plus fortes chaleurs, et le bouillon se
conservera. - Faites bouillir avec adjonction d'un morceau
de charbon de bois, qui empêchera le consommé de surir.
(Note de M. Vuillemot).
Tout bouillon dans lequel il n'entre pas de viande n'est
pour nous qu'un potage. Nous renvoyons donc tous les
bouillons maigres et tous les bouillons de santé au mot
Potage.
Bouillon. (cuisine italienne). - Nous avons dit que
tous les peuples, excepté le peuple français, ignoraient l'art
de faire du bouillon; les Italiens, nos plus proches voisins,
vont nous donner la preuve de ce que nous avons avancé;
nulle part on ne mange de plus mauvais potage qu'en Italie,
mais cependant comme nous nous sommes engagés à donner
des spécimens de toutes les cuisines, donnons quelques
recettes sur la manière de faire ce bouillon en Italie.
Le but que l'on doit se proposer lorsqu'on veut faire du
bon bouillon est d'abord de se procurer trois choses qui sont
nécessaires à sa confection: une chair saine et entremêlée
de gras et de maigre, un feu ménagé pour toujours faire
marcher le pot au feu d'un mouvement pareil, enfin, de ne
jamais allonger avec de l'eau le bouillon que l'on
confectionne. Quand le bouillon est bon, il doit être de
couleur blonde dorée, il faut en enlever la graisse, passer le
reste par l'étamine et avec ce bouillon tremper la soupe.
Vous voyez que le cuisinier milanais ne vous fatigue
pas de détails; les diverses parties alimentaires que fournit
la viande et la quantité qu'elle en fournit, il n'en est pas
même question.
Maintenant, quelle est la viande que recommande
d'abord ce cuisinier pour faire de bon potage? C'est la
viande de veau.
Prenons donc et offrons à nos lecteurs le bouillon de
veau qui ne sert chez nous qu'aux malades.
Prenez un morceau de veau, mettez-le dans une
casserole avec un morceau de lard, et laissez-le une demiheure
sur les charbons ardents, ayant soin de le tourner sur
tous les côtés, au point qu'il ait pris une couleur d'or; pour
l'aider à prendre cette couleur, accompagnez-le d'un
morceau de lard, après quoi préparez le pot au feu plein
d'eau bouillante, jetez-y votre veau roussissant, adjoignez- y
des carottes, des oignons, un morceau de boeuf pour
donner une certaine puissance au bouillon et faites-le
frissonner lentement.
Quand le bouillon sera destiné à des malades, n'y mettez
pas de lard, mais du beurre.
Bouillon de poulet. - Prenez la carcasse d'un poulet
maigre, brisez-en les os, faites-le bouillir dans un vase
avec une quantité d'eau, une pincée de sel; le
bouillonnement ne durera pas plus d'une heure et vous
aurez un bouillon rafraîchissant qui raffermira un estomac
débilité.
Bouillon pectoral. - Prenez un poulet, nettoyez-le,
mettez dans l'intérieur de celui-ci 31 grammes de semences
de melon et de citrouille, 15 grammes d'orge mondé, autant
de riz et de sucre, faites bouillir le tout dans deux litres
d'eau, prolongez le bouillonnement jusqu'à ce que les deux
litres soient réduits à un, faites-le passer par l'étamine, ce
bouillon produira des effets excellents sur tous ceux qui
sont atteints de faiblesse d'estomac et d'étisie.
Bouillon à la minute. - Il est quelquefois nécessaire, en
se trouvant à la campagne, de se procurer immédiatement
du bouillon; voilà une recette pour en faire d'excellent en
une demi-heure.
Prenez 600 grammes de viande de boeuf, coupez-la en
trois morceaux, ajoutez-y une carotte de demi-grosseur, un
oignon, du céleri, des clous de girofle, et mêlez le tout à la
viande que vous hacherez en petits morceaux, mettez le tout
dans une casserole, versez dessus de l'eau salée, faites
bouillir pendant une demi-heure, enlevez l'écume, faites
passer dans une étamine, et avec ce bouillon vous pouvez
faire un potage au riz de la plus grande sapidité.
Bouillon consommé. - Pour faire ce genre de bouillon,
il faut beaucoup de viande, et que, lorsqu'il devient froid, il
se réduise en gélatine. Ordinairement les consommés se font
avec le reste du gibier et d'autres bonnes chairs qui se
préparent pour un grand repas; vous mettez ces restes dans
un pot au feu et vous versez dessus une quantité suffisante
de bouillon commun; puis vous l'écumez promptement,
vous mettez dans le pot au feu des carottes, des oignons,
quelques clous de girolle, vous faites mijoter votre bouillon
et vous le passez à l'étamine sans y mettre de sel.
Bouillon de lapin. - Les chairs du lapin jeune et tendre
contiennent toutes les qualités nécessaires pour faire de
l'excellent bouillon; dans quelques pays il est très utile et
ne le cède en rien pour la graisse et la salubrité aux
meilleurs bouillons de volaille. Le lièvre lui-même n'offre ni
la même substance, ni la même salubrité. Le bouillon du
lièvre est noir, pesant et indigeste.
Clarifiez le bouillon de lapin avec un pied de veau
bien cuit. Vous obtenez ainsi une gelée claire comme un
rubis.
Bouillon de perdrix. - Bouillon excellent et chaleureux
qui se peut faire avec de bonnes perdrix bouillies
lentement pendant trois ou quatre heures dans deux litres
d'eau avec un peu de veau pour en adoucir la saveur; on lui
adjoint alors des légumes préparés, puis on le fait passer au
tamis et l'on trempe la soupe.
Bouillon de coq. - Pour faire un bouillon de coq, il faut
d'abord prendre un coq jeune encore, le faire cuire
lentement dans très peu d'eau avec la moitié d'une poule,
deux oignons piqués, deux clous de girofle et le laisser sur le
feu huit ou dix heures jusqu'à ce que la chair commence à se
détacher elle-même des os. On achève alors d'en séparer
cette chair, on la met dans un mortier, on en exprime tout le
jus au tamis, et l'on en boit un verre chaque heure.
Ce bouillon est restaurant, mais il a le défaut
d'échauffer le sang.
Tout cela, vous le voyez, est de la cuisine de
pharmacien plutôt que de la cuisine de cuisinier.
Boulanger, boulangerie. - Il y avait trop de
simplicité chez les Anciens pour qu'ils apportassent à la
préparation du pain un soin dont ils ne pouvaient même
avoir idée; aussi la profession de boulanger leur était-elle
complètement inconnue. Ils mangeaient le blé en substance
comme les autres fruits de la terre, et très longtemps
encore même après avoir découvert le moyen de le réduire
en farine, ce qu'ils faisaient en broyant le blé entre deux
pierres, ils se contentaient d'en faire de la bouillie.
Plus tard, quand ils furent parvenus à en pétrir du pain
et à en faire leur nourriture principale, ils le faisaient dans
chaque ménage et seulement à l'heure du repas. C'étaient
les femmes qui étaient chargées de ce soin, et les plus
grandes dames, les plus qualifiées, ne dédaignaient pas
elles-mêmes de mettre la main à la pâte.
L'Ecriture nous dit, à l'appui de cette vieille coutume
des peuples anciens, qu'Abraham, entrant dans sa tente, dit
à Sarah: «Pétrissez trois mesures de farine et faites cuire
des pains sous la cendre».
Ils n'apportaient pas du reste dans la fabrication de
leur pain le raffinement que la gourmandise des peuples,
augmentant à mesure que le progrès avançait, leur fit
introduire dans cette préparation; c'était tout simplement des
espèces de galette, ou de gâteaux dans lesquels on faisait
entrer, avec la farine, du beurre, des oeufs, de la graisse, du
safran et autres ingrédients. On ne les cuisait pas non plus
dans un four, mais sur l'âtre chaud, sur des pierres, sur une
sorte de gril ou dans une espèce de tourtière.
Mais le plus souvent, c'était sur des pierres plates
posées sur la cendre chaude qu'on faisait cuire ces pains
dans lesquels le sel n'entrait pas, ce condiment n'ayant pas
encore été découvert.
Le plus difficile à trouver fut, on le comprend, le moyen
de convertir le blé et les autres grains en farine; ce travail
étant très pénible, attendu que la trituration du blé se fit
d'abord avec des pilons et des mortiers, ce qui était très
long et très fatigant, fut employé comme châtiment; on y
condamnait les esclaves pour les fautes les plus légères;
puis vinrent les moulins à bras moins difficiles, mais aussi
fatigants, et pour se faire une idée de la force qu'exigeait ce
pénible travail, on n'a qu'à se rappeler que Samson, après
avoir eu les cheveux coupés par Dalila qui le livra aux
Philistins et avoir eu les yeux crevés par ces derniers, fut
condamné à tourner la meule.
Quant à la cuisson des pains dans des fours, elle vint
plus tard encore, et ce n'est qu'à partir de la découverte de
ces derniers que la boulangerie devint une profession.
Ce furent les Grecs qui les premiers eurent des moulins
à bras et des fours à côté l'un de l'autre; c'est-à-dire des
boulangeries organisées; ce ne fut guère que vers le VIe
siècle de la fondation de Rome que cette coutume passa
chez les Romains. Ils conservèrent à ceux qui avaient la
direction de ces établissements leur ancien nom de
pinsores ou pistores, dérivé de leur première occupation,
celle de piler le blé dans des mortiers, et ils donnèrent la
dénomination de pistorix aux lieux où ils travaillaient.
Ces boulangeries, qui s'étaient augmentées et qui
étaient distribuées dans plusieurs quartiers différents,
étaient presque toutes tenues par des Grecs qui étaient les
seuls qui sussent faire du bon pain. Peu à peu ils firent des
apprentis qui, à leur tour, devinrent maîtres, s'établirent, et
bientôt après on s'occupa de former un corps comme celui
des bouchers, corps auquel eux et leurs enfants furent
attachés; on leur accorda plusieurs privilèges; on les mit en
possession de tous les lieux où l'on s'occupait de moudre le
blé auparavant, ainsi que des meubles, des esclaves, des
animaux et de tout ce qui appartenait aux premières
boulangeries. On y joignit des terres et des héritages, et
l'on n'épargna rien de tout ce qui pouvait contribuer à
soutenir et à encourager leurs travaux et leur commerce;
pour qu'ils pussent vaquer sans relâche à leurs fonctions et
ne fussent pas obligés de laisser en suspens un travail dont
tout le monde aurait souffert, ils furent déchargés de
tutelles, curatelles et autres charges onéreuses; il n'y eut
pas de vacances pour eux, ce qui ne leur allait pas
toujours; enfin les tribunaux leur étaient ouverts en tout
temps, ce qui leur permettait de vider immédiatement les
différends qu'ils pouvaient avoir entre eux.
Les conditions de ces avantages étaient peut-être un peu
fortes, comme on va le voir, mais elles étaient formelles et
exposaient les rebelles aux peines les plus sévères.
Ils furent soumis à certaines restrictions et obligations,
telles que celle de demeurer ensemble et de s'allier presque
exclusivement entre eux. Ils ne pouvaient surtout se
mésallier, c'est-à-dire marier leurs filles, soit à des
comédiens, soit à des gladiateurs, sans s'exposer à être
fustigés, bannis et privés de leur état. Ils ne pouvaient non
plus léguer leurs biens à d'autres qu'à leurs enfants ou à
leurs neveux, qui devaient nécessairement faire partie de la
corporation des boulangers, et si un étranger, pour une
cause ou pour une autre, les acquérait, ils lui étaient de fait
agrégés.
L'institution des boulangers fut à son tour introduite
dans les Gaules par les Romains; ils avaient choisi pour
patron Mercure-Artius, ainsi nommé du grec Artos, qui
signifie pain, et lui avaient bâti un temple dont on voyait
encore dans ces derniers siècles des ruines avec un pavé en
marqueterie dans un petit village nommé Artas, près de
Grenoble, département de l'Isère.
Il y eut en France des boulangers dès le commencement
de la monarchie. Une ordonnance du bon roi Dagobert,
celui-là même que la chanson a illustré, datée de l'année
670, nous apprend que les meuniers ou mouleurs de
grains réunissaient à leur état de moudre le grain celui de
cuire le pain pour les particuliers qui voudraient acheter
leur farine chez eux; on les nomma par la suite panetiers,
talmeliers et boulangers.
A leur imitation, les fourniers s'emparèrent de cette
industrie, se firent marchands de farine et vendirent du
pain. Charlemagne, au siècle suivant, s'occupa de la police
d'une profession qui devenait tous les jours plus
importante, et il ordonna dans ses Capitulaires que le
nombre de ces artisans, si utiles pour chaque ville, fût
toujours complet et que, pour cela, «ils aient à former des
apprentis qui puissent remplacer au besoin les maîtres dans
les cas de grande nécessité»; de plus, qu'ils tinssent avec
ordre et propreté le lieu de leur travail, que leur conduite
soit irréprochable, et il chargea spécialement des juges et
autres officiers de bien faire observer ce dernier et
important statut.
Saint Louis fit plus encore, et, pour mieux reconnaître
les véritables services que cette institution rendait à tout le
monde, en même temps que pour les dégager de toutes
charges et rendre leur stabilité plus grande, il exempta tout
boulanger du service militaire, et cette grâce était d'autant
plus importante que, dans ces temps de guerre, tous les
sujets, à moins d'un privilège particulier, étaient obligés de
se rendre à l'armée quand le seigneur l'ordonnait.
Il y eut bientôt dans Paris quatre sortes de boulangers,
ceux des villes, ceux des faubourgs et banlieue, les
privilégiés et les forains.
La maîtrise s'achetait du roi, mais, pour être reçu
maître boulanger, il se pratiquait une cérémonie bien
singulière; cérémonie dont il est fait mention dans les
statuts que leur donna Saint Louis.
L'aspirant, accompagné des anciens maîtres et jurés
de sa communauté, venait présenter au lieutenant du grand
Panetier un pot de terre neuf, rempli de noix et de nieules
(fruit inconnu aujourd'hui); toute l'honorable assemblée,
composée de cet officier, des autres maîtres et des geindres
(mitrons), sortait dans la rue et allait casser ce pot contre la
muraille; puis tout le monde rentrait et était tenu de payer
un denier au lieutenant, lequel devait en échange leur
fournir du feu et du vin que l'on buvait ensemble.
Cette bizarre cérémonie était un hommage public de
dépendance envers les autorités préposées, signifiant
qu'elles pouvaient vous punir aussi aisément que l'on
cassait ce pot, si votre gestion était répréhensible et si vous
ne vous conformiez pas aux statuts.
Cette cérémonie se modifia dans les siècles suivants. Au
commencement du XVIIe siècle, le nouveau maître, à la
troisième année de sa réception, était obligé de venir, le
premier dimanche après les Rois, présenter au grand
Panetier un pot neuf rempli de pois sucrés (dragées), avec un
romarin, aux branches duquel étaient suspendus diverses
sucreries, des oranges et les fruits que comportait la saison.
Cette offrande fut changée ensuite en une rétribution d'un
louis d'or.
Le grand Panetier de France avait la maîtrise des
boulangers et talmeliers en la ville et banlieue de Paris,
avec droit de justice. Ce fut Saint Louis qui donna cette
juridiction sur eux et sur leurs compagnons, à son maître
panetier, pour en jouir tant qu'il plairait au prince, comme on
l'apprend du recueil des usages de la police des boulangers
fait par Etienne Boileau. Cette juridiction ne fut supprimée
qu'en 1711.
Les boulangers, privilégiés deux siècles plus tard,
n'étaient plus que de deux sortes: l les boulangers suivant la
cour, établis par Henri IV, au nombre de dix, en 1601, et
augmentés de deux par Louis XIII; ils avaient tous
demeure à Paris et avaient mission de suivre la cour
partout où elle allait; 2 ceux qui habitaient en lieu de
franchise. Les boulangers forains étaient ceux qui
exerçaient hors de la ville et des faubourgs, et qui
fabriquaient le pain pour la plus grande partie de la
population.
A partir du VIIIe siècle et pendant plusieurs autres, une
maladie terrible, la lèpre, s'était répandue et multipliée en
France d'une façon effrayante. Les boulangers, leurs
femmes et leurs enfants, toujours privilégiés, avaient
l'avantage d'entrer à l'hôpital Saint-Lazare pour s'y faire
soigner et guérir, ce qui était considéré dans ce temps
comme une des plus grandes faveurs; il est vrai que pour
acquérir ce droit, chaque maître boulanger était obligé de
donner toutes les semaines un pain à l'hôpital. Sur la fin du
XVIe siècle, on substitua au pain un denier parisis qui fut
appelé le denier Saint-Lazare ou denier Saint-Ladre.
Des boulangers faisant concurrence aux marchands de
grains ayant acheté et revendu du blé et de la farine sous ce
dernier titre, les Romains instituèrent des lois qui
défendirent aux boulangers, sous peine des plus fortes
peines, à servir en qualité de pilotes sur les vaisseaux qui
amenaient les blés à Rome.
Plus tard, en France, on fut obligé de faire la même
chose, et un arrêt du Parlement, suivi d'autres ordonnances,
défendit également aux boulangers d'être mesureurs de
grains ou meuniers.
Les boulangers furent d'abord nommés boulangers,
talmeliers, ainsi que nous l'avons dit plus haut, puis le
premier nom leur resta seul; il vient, dit Ducange dans son
Histoire de Paris, de ce que le pain qu'ils firent dans le
commencement avait la forme d'une boule. Cette coutume,
du reste, d'arrondir le pain, existe encore aujourd'hui en
France, et dans tous les villages où les ménagères font
généralement leur pain elles-mêmes, c'est la seule forme
qu'on lui donne, en l'aplatissant cependant comme une
galette et même, dans certains pays, en lui laissant cette
forme primitive de boule qui lui faisait donner, sous les
premiers rois de la première race, le nom de tourte ou
tourteau.
Quant au nom de talmeliers, aujourd'hui tout à fait
oublié, c'est une corruption de celui de tamisiers; le bluteau
n'étant point encore inventé, chacun était obligé de passer
sa farine au tamis, celui qui ne voulait pas se donner cette
peine appelait un boulanger qui, tenu par sa profession
d'avoir des tamis, venait la passer pour une mince
rétribution.
La corporation des boulangers est aujourd'hui une des
meilleures institutions et une des mieux organisées; nul ne
peut exercer cette profession sans l'autorisation du préfet de
police, et cette autorisation ne lui est accordée qu'autant
qu'il est justifié par lui qu'il est de bonnes moeurs, qu'il a
fait un apprentissage et qu'il connaît les bons procédés de
son art.
En outre, chaque boulanger, une fois autorisé et reçu,
ne doit jamais manquer d'approvisionnement; il doit avoir
constamment en réserve, dans son magasin, une quantité
suffisante de farine pour pourvoir à la consommation
journalière pendant un mois; de plus, sa boutique doit
toujours être garnie de pains.
Depuis la liberté de la boulangerie, le nombre des
boulangers a considérablement augmenté dans Paris, et il se
débite quotidiennement plusieurs millions de kilogrammes
de pain fabriqués la nuit par ces êtres étranges, presque
nus, qu'on aperçoit à travers les soupiraux des caves et
dont les cris pour ainsi dire sauvages, sortant de ces antres
profonds, causent presque toujours une impression pénible.
Le matin, on rencontre ces hommes pâles, encore tout
blancs de farine et portant sous le bras le pain d'un kilo et
demi dont on les gratifie, allant se reposer et prendre des
forces pour recommencer le soir leur utile et pénible
labeur.
Pour moi, j'estime beaucoup ces braves et humbles
travailleurs qui fabriquent la nuit ces jolis petits pains bien
tendres et bien croustillants, ressemblant bien plutôt à des
gâteaux qu'à des pains.
Bourrut. - On appelle vin bourrut, et non pas
bourru, un vin qu'on a empêché de fermenter et qui a encore
toute sa lie. Prenez une décoction de froment bien chargé,
mettez-en deux litres avec un sachet de fleurs de sureau
dans 5 hectolitres de vin blanc, pendant qu'il fermente
encore. Du temps de Mme de Sévigné et de Mme de
Grignan, c'était le régal des domestiques.
Boutargue. - Espèce de caviar de surmulet qui se fait
en France, aux Martigues et à Terrin; et en Italie, à Gênes et
à Porto-Ferrago.
Braise. - Garnissez une braisière de bardes de lard,
d'un pied de veau découpé ou d'un bon morceau de couenne
de lard à demi salé pour rendre la sauce gélatineuse; joignezy
sel, poivre, bouquet de persil, thym, laurier, clous de
girofle, oignons et carottes; mettez sur cet assaisonnement la
pièce que vous voulez faire cuire, que ce soit une dinde ou
une oie, ajoutez un verre de vin blanc, un demi-verre
d'eau-de-vie, un verre de bouillon, faites cuire à petit feu
pendant plusieurs heures, en couvrant l'objet que vous
faites cuire d'un papier beurré et en couvrant également en
outre votre casserole afin qu'il ne puisse y avoir
d'évaporation. (Recette de la cuisinière de la ville et de la
campagne).
Braise à la Condé. - Enveloppez la pièce à braiser avec
des tranches minces de veau ou de mouton, et pardessus
des bardes de lard, le fond de votre braisière aura dû être
couvert de bardes et de viandes amincies. Mouillez avec un
verre de Madère, assaisonnez, poivre, sel et muscade,
ajoutez quelques truffes coupées en tranches, cuisez
lentement à feu doux. Cette braise est excellente pour les
faisans et les perdrix, préalablement farcis. Le vin blanc
convient pour mouiller les viandes noires.
Brandade. - Brandade (Recette de Grimod de la
Reynière) «Parmi les ragoûts de Provence ou de
Languedoc qui ont pris singulièrement faveur à Paris, il
faut distinguer surtout les brandades de merluche. On sait
qu'un restaurateur du Palais-Royal a fait sa fortune par sa
manière de les préparer, et qu'on envoie journellement en
chercher chez lui, parce qu'il a la réputation de les faire
excellentes.
Comme plus d'un de nos lecteurs serait peut- être bien
aise de faire exécuter chez lui ce ragoût méridional dont la
recette ne se trouve imprimée nulle part (au moins ne
l'avons-nous trouvée dans aucun des nombreux
dispensaires qui nous ont passé entre les mains, pas même
dans le cuisinier gascon, ce qui doit paraître assez
étrange), nous pensons qu'on nous saura gré de la publier
telle qu'elle nous a été communiquée dans une ville du
Languedoc, qui, sous le rapport de la bonne chère, jouit
d'une réputation éclatante et méritée.
Nous remarquerons d'abord que le nom singulier de
brandade donné à cette préparation, et qu'aucun dictionnaire
n'a pris le soin de recueillir ni de définir, dérive sans doute
du vieux verbe brandir, qui signifie remuer, agiter, secouer
avec force et pendant longtemps; et cette action, presque
continue, est en effet indispensable pour que ce ragoût soit
ce qu'il doit être; c'est ce qui surtout en rend la facture
difficile et ce qui l'empêchera probablement d'être adopté
généralement dans nos cuisines, car tout ce qui exige
beaucoup de patience n'est pas du goût de tous les
cuisiniers. Le mouvement qu'on imprime à la casserole
dans cette circonstance est un mouvement d'un genre
particulier; il exige une sorte d'étude et demande beaucoup
de dextérité. Quoi qu'il en soit, voici la recette des
brandades:
Il faut prendre un morceau de belle merluche et la faire
tremper dans l'eau pendant vingt-quatre heures pour la
dessaler et la ramollir.
Ensuite vous la mettez dans un pot, sur le feu, avec de
l'eau, en observant qu'il faut la retirer quand l'eau
commence à bouillir.
Vous mettez du beurre, de l'huile, du persil, de l'ail,
dans une casserole, que vous faites fondre sur un feu doux.
Pendant ce temps, vous épluchez la merluche que vous
rompez en très petits morceaux, puis vous la mettez dans la
casserole, et de temps en temps vous ajoutez de l'huile, du
beurre et du lait, quand vous voyez qu'elle épaissit.
Vous remuez très longtemps la casserole sur le feu, ce
qui fait que la merluche se réduit en une espèce de crème.
Si vous la voulez verte, vous pilez des épinards dont
vous y joignez le suc.
Cette recette est, comme on voit, fort simple; mais nous
ne cesserons de le répéter, la perfection des brandades
dépend surtout du mouvement imprimé pendant très
longtemps à la casserole et qui seul opère l'extrême
division de toutes les parties du poisson, naturellement
coriace, et le métamorphose en une espèce de crème. Il ne
faut donc pas se lasser de remuer, autrement vous n'auriez
qu'une béchamel au lieu d'une brandade.
Au reste, une brandade bien faite est un ragoût
délicieux, et, quoique la merluche soit de sa nature fort
indigeste, elle devient, sous cette forme, aussi facile à
digérer qu'une panade à la cannelle.
Brême. - On pêche ce poisson dans les rivières et dans
les grands lacs de presque toute l'Europe; il est l'objet
d'une pêche importante, qui se fait d'habitude dans les mois
glacials.
En 1749 d'un seul coup de filet, on en prit dans un lac
de Suède cinquante mille, qui ensemble pesaient plus de 9
000 kilogrammes. La brême a quelque ressemblance avec
la carpe, seulement son corps n'a pas la même épaisseur, il
est plus large et aplati latéralement; sa tête est noire, sa
gueule petite, ses lèvres grosses. Comme l'alose, dont elle
n'a point la finesse, sa chair contient beaucoup d'arêtes. On
peut, en la couvrant de neige, en lui mettant dans la gueule
un morceau de pain trempé dans de l'eau-de-vie, la
transporter vivante à une grande distance. On la mange
avec une sauce piquante à l'échalote.
Brésolles. - Le valet de chambre du marquis de
Brésolles inventa ce ragoût, tandis que son maître faisait la
guerre de Sept Ans. Voici la recette comme la reproduisent
les gastronomes autorisés:
Vous foncez une casserole avec une tranche de jambon,
de l'huile, du persil, des ciboules, des champignons, une
pointe d'ail, le tout haché fin et battu avec de l'huile; vous
mettez sur ce fond une couche de filets de rouelle de veau
coupés très minces, puis une seconde, puis une troisième,
tant que l'huile ne la surmonte pas; à chaque couche vous
assaisonnez de poivre et de sel; quand les brésolles sont
cuites, vous en faites autant de couches que vous voulez.
Seulement il est important que chaque couche soit arrosée
avec de l'huile mêlée avec des fines herbes comme la
première; vous les levez une à une, vous les mettez dans
une casserole à part; dégraissez la sauce et liez-la avec un
peu de farine ou, ce qui vaut mieux, avec quelques
marrons cuits et pilés, versez sur les brésolles cet
assaisonnement et faites chauffer sans bouillir. Le veau, le
mouton et la chair de l'agneau surtout peuvent être
préparés en brésolles.
Brignoles. (Prunes de) - Prunes que l'on fait sécher au
soleil et qui portent le nom de Brignoles, ville du
département du Var, où on les prépare. Ces prunes sont
agréables à l'oeil et au goût, on en fait d'excellente
compote, et l'on peut les employer hachées dans les babas.
Brioche. - Le nom de brioche vient à cette pâtisserie
du fromage de Brie, qui entrait autrefois dans sa
composition.
Brioche fine ou royale. - Prenez 1 kilo 500 grammes
de farine de gruau. Prenez le quart de la farine, formez-en un
bassin sur le tour à pâte; délayez 60 grammes de bonne
levure bien sèche dans de l'eau tiède, la quantité suffisante
pour user votre farine et en faire une pâte légère; tournez-la,
fendez-la en quatre et laissez revenir dans une sébile à
température modérée; de la farine qui vous reste, formez
un autre bassin dans lequel vous ajoutez 30 grammes de
sel fin et 120 grammes de sucre en poudre; ajoutez un peu
d'eau pour faire fondre le tout; maniez bien 1 kilo 500
grammes de beurre fin, ajoutez-le aux 30 ou 36 oeufs frais
que vous aurez jetés dans votre puits, ondulez légèrement
votre pâte afin qu'elle soit en harmonie avec votre levain,
maniez légèrement le tout ensemble; mettez le tout dans
une sébile farinée, laissez reposer la pâte, et, de temps en
temps, rompez-la légèrement au bout de douze heures de
fermentation, en évitant de la laisser surir.
Moulez votre pâte selon la grosseur de votre brioche,
mettez-la dans un moule cannelé en fer-blanc; dorez-la en
ayant soin de dégager la tête de la brioche, chiquetez-la assez
largement si la pâte est ferme, et mettez-la au four très
chaud. Aussitôt sa couleur prise, couvrez-la d'un papier
mouillé, en dégageant la tête de la brioche qui lui fait faire
le cou de cygne. Sondez sa cuisson et servez.
On l'appelle en terme de pâtisserie: brioche mousseline.
Nota. Si c'est une grosse brioche pour pièce de fond,
faites-la cuire dans une laisse de papier de beurre. (Recette
de M. Vuillemot).
Brioche au fromage. - Faites un quart de pâte à
brioche, et laissez-la revenir; mêlez-y alors 750 grammes de
bon fromage de Gruyère coupé en dés; séparez votre pâte
en deux parties, l'une du quart de la totalité; roulez- les
toutes deux; posez la plus forte du côté de la moulure sur
un fort papier beurré, aplatissez-la dans le milieu avec la
paume de la main, roulez l'autre petite partie et ensuite la
grosse, soudez-les ensemble en les rapprochant et en les
appuyant l'une sur l'autre, la plus petite au-dessus; cassez
deux oeufs, battez-les comme pour une omelette, dorez-en la
brioche, coupez du fromage de Gruyère en lames ou en
coeurs, faites-en une rosette sur la tête de cette brioche,
mettez-la à un four bien atteint, laissez-la cuire trois heures
environ, retirez-la, ôtez-en le papier, dressez-la sur une
serviette et servez-la comme grosse pièce à l'entremets.
(Recette de M. de Courchamps).
Briochines vertes. - Briochines vertes (Entremets
saxon) Versez une demi-bouteille de lait bouillant sur la
mie de deux petits pains; laissez cette mie de pain environ
une heure dans cet état; mettez-y ensuite, pour lui donner
un peu de saveur, du jus de tanaisie; vous ajouterez alors
du jus d'épinards pour la colorer d'un beau vert, puis une
cuillerée d'eau-de-vie; râpez-y la moitié d'une écorce de
citron, battez quatre jaunes d'oeufs, mêlez le tout ensemble
et sucrez à volonté. Mettez ensuite cette préparation dans
une casserole avec 125 grammes de beurre frais sur un feu
doux et tournez jusqu'à ce qu'elle soit épaissie. Retirez-la
du feu, laissez-la reposer deux ou trois heures et versez-la
par cuillerée dans du saindoux bouillant. Dès que vos
briochines sont faites, vous râpez du sucre dessus, et vous
les servez avec du vin blanc, du rhum bien sucré, dans une
saucière chaude. (Recette du baron de Mülbacher).
Broche. - Le spirituel auteur des Mémoires de la
marquise de Créquy, arrivé dans son dictionnaire à l'article
Broche, dit: «Ustensile assez connu pour que sa
description soit inutile». On voit bien que le comte de
Courchamps écrit pour des Français; s'il eut écrit pour des
Espagnols, il eût fait une longue description de cet
instrument culinaire, espérant donner aux compatriotes de
Don Quichotte le désir de faire connaissance avec lui.
En effet, excepté dans le dictionnaire, je n'ai pas
trouvé une seule broche dans toutes les Espagnes; il en
résulte qu'on y fait d'exécrables rôtis, attendu qu'il n'y a de
vrai rôti qu'à la broche et au feu de bois ou, à la rigueur, au
feu de charbon de terre. C'est d'autant plus fâcheux qu'on y
rencontre à chaque pas des lièvres que les Espagnols ne
mangent pas, parce que, disent-ils, cet animal gratte la terre
pour déterrer les cadavres, et des perdrix de toutes couleurs
que, faute de broches, on est obligé de manger à l'olla
podrida, c'est-à-dire à l'huile ponte.
Dans les anciens livres de cuisine on voit que, sous le
règne des Valois et même sous Louis XIII, toutes les
broches et les brochettes des cuisines royales étaient
d'argent. On donnait alors le nom de brochettes à ce que
nous appelons aujourd'hui des hâtelets.
Les broches et les hâtelets doivent être tenus avec une
extrême propreté, car, lorsqu'ils se rouillent, ils
communiquent aux parties qu'ils traversent une saveur
ferrugineuse.

LISTE DES DOCUMENTS ° LIST OF DOCUMENTS