Pie IX (Giovanni Ferretti) |
QUI PLURIBUS
Lettre encyclique de S.S. PIE IX du 9 novembre 1846
à tous les Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques
Sur les problèmes suscités par les rationalistes
Nous qui, depuis un nombre d’années assez considérable, Nous livrions comme Vous, selon toute la mesure de Nos forces, à l’accomplissement de cette charge épiscopale si pleine de travaux et de sollicitude de tout genre ; Nous, qui Nous efforcions de diriger et de conduire sur les monts d’Israël, aux bords des eaux vives, dans les pâturages les plus féconds, la portion du troupeau du Seigneur confiée à Nos soins ; Nous voici, par la mort de Grégoire XVI, notre très illustre prédécesseur, et dont la postérité, saisie d’admiration pour sa mémoire, lira les glorieux actes inscrits en lettres d’or dans les fastes de l’Église ; Nous voici porté au faîte du Suprême Pontificat, par un dessein secret de la divine Providence, non seulement contre toute prévision et toute attente de Notre part, mais au contraire avec l’effroi et la perturbation extrêmes qui alors saisirent Notre âme. Si, en effet, et à toutes les époques, le fardeau du ministère apostolique a été et doit être toujours justement considéré comme extrêmement difficile et périlleux, c’est bien certainement de nos jours et de notre temps, si remplis de difficultés pour l’administration de la république chrétienne, qu’on doit le regarder comme extrêmement redoutable. Aussi, bien pénétré de Notre propre faiblesse, au premier et seul aspect des imposants devoirs de l’Apostolat suprême, surtout dans la conjoncture si difficile des circonstances présentes, Nous nous serions abandonné entièrement aux larmes et à la plus profonde tristesse, si Nous n’avions promptement fixé toute Notre espérance en Dieu. notre salut, qui ne laisse jamais défaillir ceux qui espèrent en Lui, et qui, d’ailleurs, jaloux de montrer de temps à autre sa toute puissance, se plaît à choisir pour gouverner son Église les instruments les plus faibles, afin que de plus en plus tous les esprits soient amenés à reconnaître que c’est Dieu Lui-même, par son admirable Providence, qui gouverne et défend son Église. D’ailleurs, ce qui Nous console et soutient aussi considérablement notre courage, Vénérables Frères, c’est que, en travaillant au salut des âmes, Nous pouvons Vous compter comme Nos associés et Nos coadjuteurs, Vous qui, par vocation, partagez Notre sollicitude, et Vous efforcez, par Votre zèle et Vos soins sans mesure, de remplir Votre saint ministère et de soutenir le bon combat.
Assis, malgré Notre peu de mérite, sur ce siège suprême du prince des apôtres, à peine avons Nous reçu en héritage, dans la personne du bienheureux apôtre Pierre, cette charge si auguste et si grave, divinement accordée par le prince éternel au souverain de tous les pasteurs, de paître et de gouverner, non seulement les agneaux, c’est-à-dire tout le peuple chrétien, mais aussi les brebis, c’est-à-dire les chefs du troupeau eux-mêmes ; non, rien certainement n’a plus vivement excité Nos vœux et Nos désirs les plus pressants, que de Vous adresser les paroles qui Nous sont suggérées par les plus intimes sentiments de notre affection.
C’est pourquoi, venant à peine de prendre possession du suprême pontificat dans notre basilique de Latran, selon l’usage et l’institution de nos prédécesseurs, sur le champ Nous Vous adressons les présentes lettres dans le but d’exciter encore Votre piété, déjà si éminente ; et afin que, par un surcroît de promptitude, de vigilance et d’effort, Vous souteniez les veilles de la nuit autour du troupeau confié à vos soins, et que, déployant la vigueur et la fermeté épiscopales dans le combat contre le plus terrible ennemi du genre humain, vous soyez pour la maison d’Israël cet infranchissable rempart qu’offrent seuls les valeureux soldats de Jésus Christ.
Personne d’entre vous n’ignore, Vénérables Frères, dans notre époque déplorable, cette guerre si terrible et si acharnée qu’à machinée contre l’édifice de la foi catholique cette race d’hommes qui unis entre eux par une criminelle association, ne pouvant supporter la saine doctrine, fermant l’oreille à la vérité, ne craignent pas d’exhumer du sein des ténèbres, où elles étaient ensevelies, les opinions les plus monstrueuses, qu’ils entassent d’abord de toutes leurs forces, qu’ils étalent ensuite et répandent dans tous les esprits à la faveur de la plus funeste publicité. Notre âme est saisie d’horreur, et Notre cœur succombe de douleur, lorsque Nous nous rappelons seulement à la pensée toutes ces monstruosités d’erreurs, toute la variété de ces innombrables moyens de procurer le mal ; toutes ces embûches et ces machinations par lesquelles ces esprits ennemis de la lumière se montrent artistes si habiles à étouffer dans toutes les âmes le saint amour de la piété, de la justice et de l’honnêteté ; comment ils parviennent si promptement à corrompre les mœurs, à confondre ou à effacer les droits divins et humains, à saper les bases de la société civile, à les ébranler, et, s’ils pouvaient arriver jusque là, à les détruire de fond en comble.
Car, Vous le savez bien, Vénérables Frères, ces implacables ennemis du nom chrétien, tristement entraînés par on ne sait quelle fureur d’impiété en délire, ont poussé l’excès de leurs opinions téméraires à ce point d’audace, jusque là inouï, qu’ils n’ouvrent leur bouche que pour vomir contre Dieu des blasphèmes ; qu’ouvertement et par toutes les voix de la publicité, ils ne rougissent pas d’enseigner que les sacrés mystères de notre religion sont des fables et des inventions humaines, que la doctrine de l’Église catholique est contraire au bien et aux intérêts de la société. Ils vont plus loin encore : ils ne redoutent pas de nier le Christ et jusqu’à Dieu Lui-même. Pour fasciner encore plus aisément les peuples, pour tromper surtout les esprits imprévoyants et les ignorants, et les entraîner avec eux dans les abîmes de l’erreur, ils osent se vanter d’être les seuls en possession de la connaissance des véritables sources de la prospérité ; ils n’hésitent pas à s’arroger le nom de philosophes, comme si la philosophie, dont l’objet est de rechercher et d’étudier la vérité de l’ordre naturel, devait rejeter avec dédain tout ce que le Dieu suprême et très clément, l’auteur de toute la nature, par un effet spécial de sa bonté et de sa miséricorde, a daigné manifester aux hommes pour leur véritable bonheur et pour leur salut.
C’est pour cela qu’employant une manière de raisonner déplacée et trompeuse, ils ne cessent d’exalter la force et l’excellence de la raison humaine, de vanter sa supériorité sur la foi très sainte en Jésus Christ, et qu’ils déclarent audacieusement que cette foi est contraire à la raison humaine. Non, rien ne saurait être imaginé ou supposé de plus insensé, de plus impie et de plus contraire à la raison elle-même.
Car, bien que la foi soit au-dessus de la raison, jamais on ne pourra découvrir qu’il y ait opposition et contradiction entre elles deux; parce que l’une et l’autre émanent de ce Dieu très excellent et très grand, qui est la source de la vérité éternelle. Elles se prêtent bien plutôt un tel secours mutuel que c’est toujours à la droite raison que la vérité de la foi emprunte sa démonstration, sa défense et son soutien les plus sûrs ; que la foi, de son côté, délivre la raison des erreurs qui l’assiègent, qu’elle l’illumine merveilleusement par la connaissance des choses divines, la confirme et la perfectionne dans cette connaissance.
Les ennemis de la révélation divine, Vénérables Frères, n’ont pas recours à des moyens de tromperie moins funestes lorsque, par des louanges extrêmes, ils portent jusqu’aux nues les progrès de l’humanité. Ils voudraient, dans leur audace sacrilège, introduire ce progrès jusque dans l’Église catholique : comme si la religion était l’ouvrage non de Dieu, mais des hommes, une espèce d’invention philosophique à laquelle les moyens humains peuvent surajouter un nouveau degré de perfectionnement.
Jamais hommes si déplorablement en délire ne méritèrent mieux le reproche que Tertullien adressait aux philosophes de son temps : « Le christianisme que vous mettez en avant, n’est autre que celui des stoïciens, des platoniciens et des dialecticiens ».
En effet, notre très sainte religion n’ayant pas été inventée par la raison, mais directement manifestée aux hommes par Dieu, tout le monde comprend aisément que cette religion, empruntant toute sa force et sa vertu de l’autorité de la Parole de Dieu Lui-même, n’a pu être produite et ne saurait être perfectionnée par la simple raison. Donc, pour que la raison humaine ne se trompe ni ne s’égare dans une affaire aussi grave et de cette importance, il faut qu’elle s’enquière soigneusement du fait de la révélation, afin qu’il lui soit démontré, d’une manière certaine, que Dieu a parlé, et qu’en conséquence, selon le très sage enseignement de l’apôtre, elle lui doit une soumission raisonnable. Mais qui donc ignore ou peut ignorer que, lorsque Dieu parle, on lui doit une foi entière, et qu’il n’y a rien de plus conforme à la raison elle-même, que de donner son assentiment et de s’attacher fortement aux vérités incontestablement révélées par Dieu, qui ne peut ni tromper ni se tromper ?
Et combien nombreuses, combien admirables, combien splendides sont les preuves par lesquelles la raison humaine doit être amenée à cette conviction profonde : que la religion de Jésus Christ est divine, et qu’elle a reçu du Dieu du ciel la racine et le principe de tous ses dogmes, et que par conséquent il n’y a rien au monde de plus certain que notre foi, rien de plus sûr ni de plus vénérable et qui s’appuie sur des principes solides. C’est cette foi qui est la maîtresse de la vie, le guide du salut, le destructeur de tous les vices, la mère et la nourrice féconde de toutes les vertus ; consolidée par la naissance, la vie, la mort, la résurrection, la sagesse, les prodiges et les prophéties de son divin auteur et consommateur, Jésus Christ; répandant de tous côtés l’éclat de sa doctrine surnaturelle, enrichie des trésors inépuisables et vraiment célestes de tant de prophéties inspirées à ses prophètes, du resplendissant éclat de ses miracles, de la constance de tant de martyrs, de la gloire de tant de saints personnages. De plus en plus insigne et remarquable, elle porte partout les lois salutaires de Jésus Christ ; et de jour en jour acquérant et puisant sans cesse de nouvelles forces dans les persécutions les plus cruelles, armée du seul étendard de la croix, elle conquiert l’univers entier, et la terre et la mer, depuis le levant jusqu’au couchant ; et, après avoir renversé les trompeuses idoles, dissipé les ténèbres épaisses de l’erreur, triomphé des ennemis de toute espèce, elle a répandu les bienfaisants rayons de sa lumière sur tous les peuples, sur toutes les nations et sur tous les pays, quel que fût le degré de férocité de leurs mœurs, de leur naturel et de leur caractère barbare, les courbant sous le joug si suave de Jésus Christ, et annonçant à tous la paix et le bonheur.
Certes, toutes ces magnificences resplendissent assez de toute part de l’éclat de la puissance et de la sagesse divines, pour que toute pensée et toute intelligence puissent saisir promptement et comprendre facilement que la foi chrétienne est l’œuvre de Dieu.
Donc, d’après ces splendides et inattaquables démonstrations, la raison humaine est amenée à ce point qui l’oblige à reconnaître clairement et manifestement que Dieu est l’auteur de cette même foi ; la raison humaine ne saurait s’avancer au-delà ; mais, rejetant et écartant toute difficulté et tout doute, elle doit à cette même foi une soumission sans réserve, puisqu’elle est elle-même assurée que tout ce que la foi propose aux hommes de croire et de pratiquer, tout cela vient de Dieu.
On voit donc manifestement dans quelle erreur profonde se roulent ces esprits qui, abusant de la raison et regardant les oracles divins comme des produits de l’homme, osent les soumettre à l’arbitrage de leur interprétation particulière et téméraire. Puisque Dieu Lui-même a établi une autorité vivante, laquelle devait fixer et enseigner le véritable et légitime sens de sa révélation céleste, et mettrait fin, par son jugement infaillible, à toutes les controverses soit en matière de foi, soit en matière de mœurs, et tout cela afin que les fidèles ne fussent pas entraînés à tout vent dans les fausses doctrines, ni enveloppés dans les immenses filets de la malice et des aberrations humaines. Cette autorité vivante et infaillible n’est en vigueur que dans cette seule Église que Jésus Christ a établie sur Pierre, le chef, le prince et le pasteur de toute l’Église, auquel il a promis que sa foi ne serait jamais en défaillance ; l’Église constituée de manière qu’elle a toujours à sa tête et dans sa chaire immuable ses Pontifes légitimes, lesquels remontent, par une succession non interrompue, jusqu’à l’apôtre Pierre, et jouissent comme lui du même héritage de doctrine, de dignité, d’honneur et de puissance sans rivale. Et comme là où est Pierre, là est l’Église ; comme Pierre parle par la bouche du Pontife romain, qu’il est toujours vivant dans ses successeurs, qu’il exerce le même jugement, et transmet la vérité de la foi à ceux qui la demandent, il s’ensuit que les divins enseignements doivent être acceptés dans le même sens qu’y attache et y a toujours attaché cette Chaire romaine, Siège du bienheureux Pierre, la mère et la maîtresse de toutes les Églises, qui a toujours conservé inviolable et entière la foi donnée par le Seigneur Jésus Christ ; qui l’a toujours enseignée aux fidèles, leur montrant à tous le chemin du salut et l’incorruptible doctrine de la Vérité.
Cette Église est donc l’Église principale où l’unité sacerdotale a pris son origine, elle est la métropole de la piété, et dans laquelle reste toujours entière et parfaite la solidité de la religion chrétienne ; toujours on y a vu florissant le Principat de la Chaire apostolique vers laquelle toute l’Église, c’est-à-dire tous les fidèles répandus sur la terre doivent nécessairement accourir, à raison de sa principauté suréminente, Église sans laquelle quiconque ne recueille pas, disperse.
Nous donc qui avons été placé, par un impénétrable jugement de Dieu, sur cette Chaire de Vérité, nous venons exciter très vivement dans le Seigneur votre piété si remarquable, Vénérables Frères, afin que Vous renouveliez tous vos efforts, Votre sollicitude et Vos soins, avertissant et exhortant continuellement tous les fidèles confiés à Votre vigilance, que chacun d’eux, fermement attaché à ces principes, ne se laisse jamais tromper ni attirer par l’erreur de ces hommes abominables dans leurs recherches, qui ne s’appliquent, en cette étude et dans la poursuite du progrès humain, qu’à la destruction de la foi, qui ne veulent, dans leurs efforts impies, que soumettre cette foi à la raison de l’homme, et ne reculent pas devant l’audace de faire injure à Dieu Lui-même, après qu’Il a daigné, dans sa clémence et par Sa divine religion, pourvoir au bien et au salut des hommes.
Mais Vous connaissez encore aussi bien, Vénérables Frères, les autres monstruosités de fraudes et d’erreurs par lesquelles les enfants de ce siècle s’efforcent chaque jour de combattre avec acharnement la religion catholique et la divine autorité de l’Église, ses lois non moins vénérables ; comment ils voudraient fouler également aux pieds les droits de la puissance sacrée et de l’autorité civile. C’est à ce but que tendent ces criminels complots, contre cette Église romaine, siège du bienheureux Pierre, et dans laquelle Jésus Christ a placé l’indestructible fondement de toute son Église. Là tendent toutes ces sociétés secrètes sorties du fond des ténèbres pour ne faire régner partout, dans l’ordre sacré et profane, que les ravages et la mort ; sociétés clandestines si souvent foudroyées par l’anathème des Pontifes romains nos prédécesseurs dans leurs Lettres apostoliques, lesquelles Nous voulons en ce moment même confirmer et très exactement recommander à l’observation par la plénitude de Notre puissance apostolique.
C’est encore le but que se proposent ces perfides sociétés bibliques, lesquelles, renouvelant les artifices odieux des anciens hérétiques, ne cessent de produire contre les règles si sages de l’Église, et de répandre parmi les fidèles les moins instruits les livres des saintes Écritures traduits en toute espèce de langues vulgaires, et souvent expliquées dans un sens pervers, consacrant à la distribution de ces milliers d’exemplaires des sommes incalculables, les répandant partout gratuitement, afin qu’après avoir rejeté la tradition, la doctrine des Pères et l’autorité de l’Église catholique, chacun interprète les oracles divins selon son jugement propre et particulier, et tombe ainsi dans l’abîme des plus effroyables erreurs. Animé d’une juste émulation du zèle et des saints exemples de ses prédécesseurs, Grégoire XVI, de sainte mémoire, et dont Nous avons été constitué le successeur, malgré l’infériorité de Notre mérite, a condamné par ses Lettres apostoliques les mêmes sociétés secrètes que Nous entendons aussi déclarer condamnées et flétries par Nous.
C’est encore au même but que tend cet horrible système de l’indifférence en matière de religion, système qui répugne le plus à la seule lumière naturelle de la raison. C’est par ce système, en effet, que ces subtils artisans de mensonge, cherchent à enlever toute distinction entre le vice et la vertu, entre la vérité et l’erreur, entre l’honneur et la turpitude, et prétendent que les hommes de tout culte et de toute religion peuvent arriver au salut éternel : comme si jamais il pouvait y avoir accord entre la justice et l’iniquité, entre la lumière et les ténèbres, entre Jésus Christ et Bélial.
C’est à ce même but encore que tend cette honteuse conjuration qui s’est formée nouvellement contre le célibat sacré des membres du clergé, conspiration qui compte, ô douleur ! parmi ses fauteurs quelques membres de l’ordre ecclésiastique, lesquels, oubliant misérablement leur propre dignité, se laissent vaincre et séduire par les honteuses illusions et les funestes attraits de la volupté. C’est là que tend ce mode pervers d’enseignement, spécialement celui qui traite des sciences philosophiques, et par lequel, d’une manière si déplorable, on trompe et l’on corrompt une imprévoyante jeunesse, lui versant le fiel du dragon dans la coupe de Babylone. à ce même but tend cette exécrable doctrine destructrice même du droit naturel et qu’on appelle le communisme, laquelle, une fois admise, ferait bientôt disparaître entièrement les droits, les intérêts, les propriétés et jusqu’à la société humaine ; là tendent aussi les embûches profondément ténébreuses de ceux qui cachent la rapacité du loup sous la peau de la brebis, s’insinuent adroitement dans les esprits, les séduisent par les dehors d’une piété plus élevée, d’une vertu plus sévère ; les liens qu’ils imposent sont à peine sensibles, et c’est dans l’ombre qu’ils donnent la mort ; ils détournent les hommes de toute pratique du culte ; quand ils ont égorgé les brebis du Seigneur, ils en déchirent les membres.
C’est là enfin, pour ne point énumérer ici tous les maux qui Vous sont si bien connus, c’est à ce but funeste que tend cette contagion exécrable de petits livres et de volumes qui pleuvent de toutes parts, enseignant la pratique du mal ; composés avec art, pleins d’artifice et de tromperie, répandus à grands frais dans tous les lieux de la terre, pour la perte du peuple chrétien, ils jettent partout les semences des funestes doctrines, font pénétrer la corruption, surtout dans les âmes des ignorants, et causent à la religion les pertes les plus funestes. Par suite de cet effroyable débordement d’erreurs partout répandues, et aussi par cette licence effrénée de tout penser, de tout dire, et de tout imprimer, les mœurs publiques sont descendues à un effroyable degré de malice ; la très sainte religion de Jésus Christ est méprisée ; l’auguste majesté du culte divin dédaignée ; l’autorité du saint Siège apostolique renversée ; le pouvoir de l’Église sans cesse attaqué et réduit aux proportions d’une humiliante servitude ; les droits de évêques foulés aux pieds, la sainteté du mariage violée, l’administration de l’une et de l’autre puissance universellement ébranlée ; tels sont entre autres, Vénérables Frères, les maux qui dévorent la société civile et religieuse, et que Nous sommes obligé de déplorer aujourd’hui en mêlant Nos larmes avec les Vôtres.
Au milieu donc de ces grandes vicissitudes de la religion, des événements et des temps, vivement préoccupé du salut de tout le troupeau divinement confié à Nos soins, dans l’accomplissement de la charge de Notre ministère apostolique, soyez assurés que Nous n’omettrons ni tentatives, ni efforts pour assurer le bien spirituel de la famille entière des chrétiens. Nous venons cependant exciter aussi dans le Seigneur toute l’ardeur de Votre piété, déjà si remarquable, toute Votre vertu et toute Votre prudence.
Comme Nous, appuyés sur le secours d’en haut, défendez avec Nous et valeureusement, Vénérables Frères, la cause de l’Église, fermes au poste qui Vous est confié, et soutenant la dignité qui Vous distingue. Vous comprenez que la combat sera rude, car Vous n’ignorez point le nombre et la profondeur des blessures qui accablent l’Épouse Immaculée de Jésus Christ, et quelles dévastations terribles ses ennemis acharnés lui font éprouver.
Or, Vous savez parfaitement que le premier devoir de Votre charge est d’employer Votre force épiscopale à protéger et à défendre la foi catholique, à veiller avec le soin le plus extrême à ce que le troupeau qui Vous est confié demeure ferme et inébranlable dans la foi, sans la conservation entière et inviolable de laquelle il périrait certainement pour l’éternité. Ainsi ayez donc le soin le plus grand de défendre et de conserver cette foi selon Votre sollicitude pastorale, et ne cessez jamais d’en instruire tous ceux qui Vous sont confiés, de confirmer les esprits chancelants, de confondre les contradicteurs, de fortifier les faibles, ne dissimulant ou ne souffrant rien qui puisse paraître, le moins du monde, blesser la pureté de cette foi. Avec le même courage et la même fermeté, Vous devez favoriser l’union et l’attachement de tous les cœurs à cette Église catholique, hors de laquelle il n’y a point de salut ; la soumission à cette Chaire de Pierre sur laquelle repose, comme sur le plus inébranlable fondement, tout le majestueux édifice de notre très sainte religion. Employez la même constance à veiller à la conservation des très saintes lois de l’Église, par lesquelles vivent et fleurissent parfaitement la vertu, la religion et la piété.
Mais comme c’est une preuve incontestable de grande pitié que de signaler les ténébreux repères des impies et de vaincre en eux le démon, leur maître, Nous Vous en conjurons, employez toutes les ressources de Votre Zèle et de Vos travaux à découvrir aux yeux du peuple fidèle toutes les embûches, toutes les tromperies, toutes les erreurs, toutes les fraudes et toutes les manœuvres des impies ; détournez avec grand soin ce même peuple de la lecture de tant de livres empoisonnés, et enfin exhortez assidûment le peuple fidèle à fuir, comme à l’aspect du serpent, les réunions et les sociétés impies, afin qu’il parvienne ainsi à se préserver très soigneusement du contact de tout ce qui est contraire à la foi, à la religion et aux bonnes mœurs.
Pour obtenir de tels résultats, gardez Vous bien de cesser un instant de prêcher le Saint Évangile ; car c’est une telle instruction qui fait croître le peuple chrétien dans la science de Dieu et dans la pratique de plus en plus parfaite de la très sainte loi du christianisme ; par là, il sera détourné du mal et marchera dans les voies du Seigneur.
Et puisque Vous savez que Vous remplissez la charge de Jésus Christ, lequel se déclara doux et humble de cœur, qui vint sur la terre, non pour appeler les justes, mais les pécheurs, nous laissant son exemple, afin que nous imitions sa vie et marchions sur ses pas ; ne négligez jamais, toutes les fois que Vous découvrirez quelques délinquants dans la voie des préceptes du Seigneur, et lorsque Vous les verrez s’éloigner du sentier de la justice et de la vérité, ne négligez jamais d’employer auprès d’eux les avertissements de la tendresse et de la mansuétude d’un père ; et, afin de les corriger, reprenez les par de salutaires conseils ; dans vos instances, comme dans vos reproches, employez toujours les officieuses ressources de la bonté, de la patience et de la doctrine ; car il est démontré que, pour corriger et réformer les hommes, la bonté a souvent plus de puissance que la sévérité, l’exhortation l’emporte sur la menace, et la charité va plus loin que la puissance.
Joignez encore tous Vos efforts, Vénérables Frères, pour obtenir un autre résultat important, savoir, que les fidèles aiment la charité, fassent régner la paix entre eux et pratiquent avec soin tout ce qui sert à l’entretien de cette charité et de cette paix. Par là, il n’y aura plus de dissensions, d’inimitiés ni de rivalités, mais tous se chériront dans une mutuelle tendresse ; ils seront parfaitement unanimes dans le même sentiment et la même vérité, la même parole, le même goût en Jésus Christ Notre Seigneur.
Appliquez Vous à inculquer au peuple chrétien le devoir de la soumission et de l’obéissance vis-à-vis des princes et des gouvernements ; enseignez lui, selon le précepte de l’Apôtre, que toute puissance vient de Dieu ; que ceux-là résistent à l’ordre divin et méritent d’être condamnés, qui résistent à la puissance, et que ce précepte d’obéissance vis-à-vis du pouvoir ne peut jamais être violé sans mériter de châtiment, excepté toutefois lorsqu’il exige quelque chose de contraire aux lois de Dieu et de l’Église.
Cependant, comme rien n’est plus propre à disposer continuellement les âmes à la pratique de la piété et au culte de Dieu, que la vie et les actes exemplaires de ceux qui se sont consacrés au ministère divin, et que tels sont les prêtres, tels sont ordinairement les peuples, Vous comprenez dans Votre éminente sagesse, Vénérables Frères, que Vous devez employer tous Vos soins à ce que chaque membre de Votre clergé brille par la gravité des mœurs, par la sainteté et l’intégrité de la vie, et par la doctrine ; et à ce que les prescriptions des saints canons et de la discipline ecclésiastique soient exactement gardées, et que là où la discipline a succombé, on lui rende son antique splendeur.
À cet effet, ainsi que Vous le savez très bien, Vous devez éviter avec le plus grand soin d’imposer les mains à aucun aspirant, avec trop de précipitation, et contre l’avis de l’Apôtre ; mais Vous n’admettrez à l’initiation des ordres sacrés, et Vous n’élèverez à la puissance redoutable de consacrer les saints mystères, que les lévites auparavant éprouvés et examinés scrupuleusement, que ceux qui se distingueront par l’ornement de toutes les vertus, et qui auront mérité la juste louange d’une sagesse intacte ; de telle sorte qu’ils puissent être d’utiles ouvriers, et la gloire de l’Église, dans chacun de Vos diocèses, et enfin ceux qui, s’éloignant soigneusement de tout ce qui est contraire à la vie cléricale, s’adonnant plutôt à l’étude, à la prédication, et à la connaissance approfondie de la doctrine, sont, en effet, le parfait exemple des fidèles, dans leur parole, dans leur conduite, dans la charité, dans la foi, dans la chasteté ; de telle sorte qu’à leur approche tous éprouvent le sentiment d’une vénération méritée ; que par eux, de plus en plus, le peuple chrétien se forme, s’excite et s’enflamme à l’amour de notre divine religion. Car il est mille fois préférable, selon l’avis si parfaitement sage de Benoît XIV, l’un de Nos prédécesseurs d’immortelle mémoire, qu’il y ait un nombre restreint de prêtres, pourvu qu’ils se montrent excellents, capables et utiles, plutôt que d’en avoir un grand nombre, incapables de toute manière de procurer l’édification du corps de Jésus Christ, qui est l’Église. Vous n’ignorez pas non plus qu’il faut examiner avec le plus grand soin quelles sont spécialement les mœurs et la science de ceux à qui sont confiées la charge et la conduite des âmes, afin que, ministres fidèles et dispensateurs des diverses formes de la grâce de Dieu, dans l’administration des sacrements auprès du peuple qui leur est confié, ils sachent le nourrir et l’encourager par la prédication de la parole divine et le soutien continuel du bon exemple ; qu’ils sachent le former à tous les enseignements et à toutes les pratiques de la religion, et le maintenir dans le chemin du salut. Vous savez parfaitement que c’est à l’ignorance des pasteurs ou à la négligence des devoirs de leur charge qu’il faut attribuer perpétuellement le relâchement des mœurs parmi les fidèles, la violation de la discipline chrétienne, l’abandon, puis la destruction totale des pratiques et du culte religieux, enfin le débordement de tous les vices et des corruptions qui pénètrent alors facilement dans l’Église. Voulez-Vous que la parole de Dieu, qui est toujours vivante et efficace et plus pénétrante qu’un glaive à deux tranchants, établie pour le salut des âmes, ne s’en retourne pas inutile et impuissante par la faute de ses ministres ; ne cessez jamais, Vénérables Frères, d’inculquer dans l’âme des prédicateurs cette parole divine, et de leur recommander la méditation spirituelle, profonde, des devoirs de cette auguste et si grave fonction ; dites leur qu’ils ne doivent point employer dans le ministère évangélique cet apparat et cet artifice que l’habileté mondaine enseigne pour persuader sa fausse sagesse, non plus que ces vaines pompes et ces charmes ambitieux qui caractérisent l’éloquence profane, mais qu’ils s’exercent plutôt et très religieusement dans la démonstration de l’esprit et de la vertu de Dieu. Traitant ainsi convenablement la parole de vérité, ne se prêchant pas eux-mêmes, mais Jésus Christ crucifié, qu’ils annoncent aux peuples simplement et clairement les dogmes de notre sainte religion selon la doctrine de l’Église catholique, d’après l’enseignement des Pères, et en une élocution toujours grave et majestueuse ; qu’ils expliquent exactement les devoirs particuliers et spéciaux de chacun ; qu’ils inspirent à tous l’horreur du vice et une vive ardeur pour la piété afin que les fidèles, salutairement imbus et nourris de la parole divine, fuyant tous les vices, pratiquant toutes les vertus, et évitant ainsi les peines éternelles, puissent arriver à la gloire du ciel.
Selon les devoirs de Votre charge pastorale, et d’après les inspirations de Votre prudence, avertissez sans cesse tous les ecclésiastiques placés sous Vos ordres, excitez les à réfléchir sérieusement à l’auguste ministère qu’ils ont reçu de Dieu ; que tous soient exacts à remplir avec la plus grande diligence la part de fonction qui leur est échue ; que, pénétrés des sentiments les plus intimes d’une véritable piété, ils ne cessent leurs prières et leurs supplications au Seigneur ; que, dans cet esprit, ils accomplissent le précepte ecclésiastique de la récitation des heures canoniales, afin de pouvoir obtenir pour eux-mêmes les divins secours si nécessaires pour s’acquitter des devoirs si graves de leur charge, et rendre le Seigneur toujours apaisé et favorable à tout le peuple chrétien.
Toutefois, Vénérables Frères, que Votre sagesse ne l’oublie pas, on ne peut obtenir d’excellents ministres de l’Église qu’en les formant dans les meilleurs instituts cléricaux ; le reste de leur vie sacerdotale se ressent ainsi de la forte impulsion dans la voie du bien qu’ils ont reçue dans ces pieux asiles. Continuez donc à porter toute l’énergie de Votre Zèle vers cette exacte préparation des jeunes clercs ; que par Vos soins on leur inspire, même dés l’âge le plus tendre, le goût de la piété et d’une vertu solide ; qu’ils soient initiés sous Vos yeux à l’étude des lettres, à la pratique d’une forte discipline, mais principalement à la connaissance des sciences sacrées. C’est pour cela que rien ne doit Vous être plus à cœur, ni Vous paraître plus digne de tous Vos soins et de toute Votre industrie que d’accomplir l’ordre des Pères du saint Concile de Trente, s’il n’est déjà exécuté, en instituant des séminaires pour les clercs ; que d’augmenter, s’il le faut, le nombre de ces institutions pieuses, d’y placer des maîtres et des directeurs excellents et capables, de veiller sans repos, et avec une ardeur toujours ferme, à ce que dans ces saints asiles les jeunes clercs soient constamment formés dans la crainte du Seigneur, à l’étude, et surtout dans la science sacrée, toujours conformément à l’enseignement catholique, sans le moindre contact avec l’erreur, de quelque espèce que ce soit, selon les traditions ecclésiastiques et les écrits des Pères ; qu’ils y soient exercés très soigneusement aux cérémonies et aux rites sacrés, afin que plus tard Vous trouviez en eux des coopérateurs pieux et capables, doués de l’esprit ecclésiastique, sagement fortifiés par la science, et qu’ils puissent dans l’avenir travailler avec fruit le champ de Jésus Christ et combattre vaillamment les combats du Seigneur.
Or, comme Vous êtes Vous-mêmes très convaincus que, pour conserver et maintenir la dignité et la sainte pureté de tout le sacerdoce ecclésiastique, rien n’est plus efficace que l’institution des pieux exercices spirituels ; d’après les impulsions de Votre zèle et de Votre charité épiscopale, ne cessez point d’exhorter, d’engager, de presser même très vivement tous Vos prêtres à s’adonner à la pratique d’une œuvre aussi salutaire ; que fréquemment, tous ceux qui sont engagés dans la sainte milice sachent choisir une solitude favorable à l’accomplissement de ces saints exercices ; que là, séparés absolument de toute espèce de préoccupation extérieure, uniquement absorbés par la redoutable considération des vérités éternelles, et par la profonde méditation des choses divines, ils puissent ainsi s’épurer des taches qu’auront pu laisser sur leur âme sacerdotale la poussière et le contact des affaires du monde, se renouveler dans l’esprit ecclésiastique, et que, se dépouillant entièrement du vieil homme et de tous ses actes, ils se revêtent de l’éclatante pureté de l’homme nouveau qui fut créé dans la sainteté et la justice. Ne Vous plaignez point si Nous avons si longuement insisté sur cette nécessité de l’institution et de la discipline cléricale.
Car Vous ne pouvez ignorer qu’il y a à notre époque un grand nombre d’esprits qui, fatigués à la vue de l’innombrable variété, de l’inconsistance et du mouvement désordonné de l’erreur, éprouvent intérieurement la nécessité de croire à notre sainte religion, et qui seront enfin, par le secours de la grâce divine, amenés d’autant plus facilement à embrasser la pratique de la doctrine et des prescriptions de cette religion divine, qu’ils verront le clergé briller au-dessus des autres par plus de piété, de pureté, de sagesse et de vertu.
Enfin, Frères bien aimés, Nous ne pouvons douter que Vous-mêmes ne soyez animés d’une ardente charité envers Dieu et pour tous les hommes, enflammés de l’amour le plus vif pour tous les intérêts de l’Église, munis de vertus presqu’angéliques, armés et fortifiés du courage et de la prudence si nécessaires à l’épiscopat, pénétrés par le même désir de la volonté divine, marchant d’un pas constant sur les traces des pas des apôtres, et imitant, comme il sied à des pontifes, l’exemplaire divin des pasteurs, le Seigneur Jésus Christ, dont Vous représentez la personne ; devenus, par le zèle et par les sentiments les plus unanimes, les types spirituels du troupeau fidèle ; par l’éclat resplendissant de la sainteté de Votre vie, illuminant à la fois le clergé et le peuple et ayant acquis des entrailles de miséricorde, Vous sachiez toujours, compatissant aux misères de l’ignorance et de l’erreur, à l’exemple du Pasteur de l’Évangile, courir avec tendresse après les brebis perdues ; malgré leurs égarements, les chercher longtemps jusqu’à ce que Vous les rencontriez et, paternellement émus quand Vous les avez retrouvées, les placer affectueusement sur Vos épaules et les rapporter au bercail. N’omettez jamais ni soins, ni réflexions, ni travaux de tout genre pour arriver à l’exact et religieux accomplissement de tous les devoirs de Votre charge pastorale ; et après avoir défendu des attaques, des embûches et de la fureur des loups ravisseurs toutes les brebis si chères au cœur de Jésus Christ, puisqu’Il les a rachetées au prix inestimable de son sang divin ; après les avoir gardées dans les saints pâturages, soigneusement éloignées de la contagion, Vous puissiez, et par Vos paroles, et par Vos actions, et par Vos exemples, les ramener toutes ensemble au port du salut éternel.
Travaillez donc courageusement, Vénérables Frères, à procurer la plus grande gloire de Dieu ; et, par un déploiement extraordinaire de sollicitude et de vigilance, comme par un même effort, faites en sorte d’arriver à ce qu’après l’entière destruction des erreurs et l’extirpation absolue des vices, la foi, la piété, la vertu acquièrent de jour en jour, et par toute la terre, un admirable accroissement ; que tous les fidèles, repoussant avec dédain les œuvres de ténèbres, marchent dignement comme des fils de la lumière céleste sous les yeux de Dieu, auquel leurs actions sont toujours agréables ; et, dans les angoisses, les difficultés et les périls extrêmes, qui sont inséparables, aujourd’hui principalement, de l’accomplissement de Vos si graves fonctions du ministère épiscopal, gardez Vous bien de jamais succomber à la craintive ; mais plutôt fortifiez Vous dans le Seigneur, et fiez Vous à la puissance de Celui qui, nous considérant du haut du ciel, engagés dans la lutte que nous soutenons pour son nom sacré, encourage ceux qui s’enrôlent, soutient les combattants et couronne les vainqueurs.
Mais comme rien ne saurait être pour Nous plus agréable, plus doux à Notre cœur, plus désirable pour le bien de l’Église, que de Vous aider tous, ô Vous que Nous chérissons tendrement dans les entrailles de Jésus Christ, et que Nous désirons environner de Notre amour, de Nos conseils, que de pouvoir travailler de concert à la défense et à la propagation de la gloire de Dieu et de la foi catholique, et que même Nous sommes prêt, pour le salut des âmes, à donner s’il le faut, Notre propre vie, ô Nos Frères, venez, Nous Vous en prions et supplions, approchez Vous avec grand cœur et en toute confiance de cette Chaire du bienheureux prince des Apôtres, de ce centre de l’unité catholique, ce sommet suprême de l’Épiscopat, d’où découle toute l’autorité de ce nom ; accourez donc auprès de Nous toutes les fois que Vous éprouverez la nécessité d’avoir recours à l’aide, au soutien et à la force que renferme pour Vous l’autorité de ce Siège apostolique.
Or, Nous aimons à espérer que Nos très chers fils en Jésus Christ, les princes, guidés par leurs sentiments de piété et de religion, auront toujours présente à leur mémoire cette vérité : que l’autorité suprême ne leur a pas seulement été donnée pour le gouvernement des affaires du monde, mais principalement pour la défense de l’Église ; et Nous-même, qu’en donnant tous Nos soins à la cause de l’Église, Nous travaillons paisiblement au bonheur de leur règne, à leur propre conservation et à l’exercice de leurs droits ; Nous aimons à espérer, disons Nous, que tous les princes sauront favoriser, par l’appui de leur autorité et le secours de leur puissance, des vœux, des desseins et des dispositions ardentes au bien de tous, et que Nous avons en commun avec eux. Qu’ils défendent donc et protègent la liberté et l’entière plénitude de vie de cette Église catholique, afin que l’empire de Jésus Christ soit défendu par leur puissante main.
Pour que tous ces projets arrivent à des résultats heureux et prospères, recourons avec confiance, Vénérables Frères, au trône de la grâce ; et tous ensemble, par un concert unanime et persévérant de ferventes prières, avec toute l’humilité dont notre cœur sera capable, supplions le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation, afin que, par les mérites de Son Fils unique, Il daigne répandre sur notre faiblesse, l’ineffable abondance de toutes les faveurs célestes ; que par la vertu de sa toute puissance, il repousse Lui-même ceux qui s’opposent à Nous ; qu’Il répande et augmente partout la foi, la piété, la dévotion, la paix ; par où la sainte Église, après avoir été délivrée des adversités et de toutes les erreurs qui l’assiègent, puisse jouir enfin du calme désirable et nécessaire, et qu’il n’y ait plus désormais qu’un seul bercail et un seul pasteur. Mais, pour que le Seigneur très clément incline plus efficacement son oreille divine vers nos prières, et accueille plus favorablement nos vœux, ayons toujours auprès de Lui, comme intercession et intermédiaire puissante, la très sainte et très immaculée Mère de Dieu, qui est toujours notre plus douce Mère, notre médiatrice, notre avocate, notre espérance et notre confiance la plus parfaite et dont le patronage maternel est ce qu’il y a auprès de Dieu de plus fort et de plus efficace.
Invoquons aussi le prince des Apôtres, auquel Jésus Christ lui-même a confié les clés du royaume des cieux, qu’il a constitué lui-même la pierre fondamentale de l’Église, contre laquelle les portes de l’enfer ne pourront jamais prévaloir. Invoquons saint Paul, le compagnon de son apostolat ; tous les saints du ciel, qui possèdent déjà la palme et la couronne, afin que tous nous aident à obtenir, pour l’universalité du peuple chrétien, l’abondance si désirable de la divine miséricorde.
Enfin, Vénérables Frères, comme gage de tous les dons célestes et surtout comme un témoignage de Notre ardente charité pour Vous, recevez Notre bénédiction apostolique que Nous Vous accordons du fond intime de Notre âme, ainsi qu’à tous les membres du clergé et à tous les fidèles laïques confiés à Vos soins.
Donné à Rome, près Sainte Marie Majeure, le 9 novembre de l’année 1846 et l’an premier de Notre pontificat.
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LES DECLARATIONS DE L'EGLISE CATHOLIQUE AU SUJET DE LA FRANC-MAÇONNNERIE