FABRE DES ESSARTS Vintras - Boullan et la Religion du Carmel




VINTRAS, BOULLAN 
ET LA RELIGION DU CARMEL


Extrait de

Les Hiérophantes (1905)


Léonce Fabre Des Essarts



I.

Vers le milieu du XIXe siècle, un homme que Stanislas de Guaita qualifie de grandiose aventurier, se fit l’apôtre d’une secte religieuse des plus extraordinaires, au double point de vue de l’orientation morale et des pratiques cultuelles.

Nous avons nommé Eugène Vintras, en religion Pierre Michel, réincarnation du prophète Élie, et grand prêtre des Frères de la Miséricorde, autrement dit de l’Église du Carmel.

Nous tenons tous les détails biographiques que nous allons consigner ici de l’abbé Boullan, qui fut le prétendu continuateur de Vintras. On verra plus loin pourquoi cette réserve.

Eugène Vintras était né à Bayeux, en 1807, d’une modeste ouvrière, qui mourut, avant qu’il eût franchi les limites de la première enfance. Élevé aux frais de la charité publique, il entra, à l’âge de douze ans comme apprenti, chez un tailleur de Chevreuse. De Chevreuse, il se rendit à Paris, pour achever de se perfectionner dans l’art de la coupe et de l’assemblage.

À vingt ans, il épouse une petite lingère, mais les diverses entreprises commerciales qu’il tente à Paris échouent piteusement. Force lui est d’abandonner la capitale, et de venir prendre à Tilly-sur-Seulles la gérance d’une fabrique de cartons.

L’année 1830 marque une phase importante dans la vie de Vintras. C’est l’année où il fut missionné par l’Archange Saint-Michel, pour appeler les peuples au salut et prêcher l’Évangile de Miséricorde.

Il eut vers cette époque une série d’apparitions dont l’abbé d’Orelle, curé de Montlouis, nous a transmis la relation très fidèle, dans un ouvrage, intitulé le Livre d’Or.

Vintras exerçait, d’après tous ceux qui l’ont connu – d’après l’abbé André lui-même qui requit plus tard contre lui les foudres de l’Église romaine – une puissance de fascination, qu’on ne peut comparer qu’à celle du P. Enfantin.

En 1843, le Pontife du Carmel fut traduit en police correctionnelle et condamné à cinq ans de prison. Escroquerie ! dit le libellé de la sentence. Les disciples n’en croient pas moins à la complète innocence du Maître. Au fait, ils ont peut-être raison. La justice humaine nous a assez souventefois donné preuve de sa faillibilité.

Ce qui est certain, c’est que c’est durant ses jours de prison passés, partie à Caen partie à Rennes, qu’il obtint du Ciel les grâces les plus signalées, selon l’expression de Boullan.

De retour à Tilly-sur-Seulles, il ne tarde pas à recevoir par l’influx direct du Christ sa consécration au Ministère d’Élie. Or, ceci se passa dans la nuit de l’Ascension de l’année 1850, 8-9 mai ; sept prêtres et de nombreux laïques reconnaissent et sanctionnent cette faveur céleste. Vintras confère ensuite le sacerdoce à Mme d’Armaillé, en qui il salue la Jeanne d’Arc des temps nouveaux.

Dès lors Vintras perdra, pour ses disciples, sa personnalité civile. Il s’appellera tantôt Strathanaël, tantôt Pierre-Michel ou Élie. Vintras est mort en lui à tout jamais !

Cependant le clergé catholique et la police se sont émus. Vintras coupe court à d’ennuyeuses poursuites en passant la frontière belge. De là, il se rend à Londres, où viennent le rejoindre ses plus dévoués disciples. Il y fait un séjour de douze années puis revient en France dont il parcourt les grandes villes, y semant le bon grain, y appelant les âmes au salut par la Miséricorde. Il visite successivement l’Espagne, l’Italie, et vient se fixer définitivement à Lyon, où il meurt le 7 décembre 1875 (cf. Notre étude parue dans la Nouvelle Revue du 15 février 1902, le Quiétisme et ses divers Avatars).


II.

Dans les notes de Boullan, nous lisons que des miracles suivirent le grand événement de 1850. Malheureusement rien ne nous dit en quoi consistèrent ces miracles. Le plus grand fut à coup sûr de voir ce simple ouvrier, manquant de lettres au premier chef, pris soudain d’une fièvre de production qui lui fit écrire ou dicter en quelques années des monceaux de volumes et de brochures. Tout cela débordant d’un voluptueux mysticisme, haché, heurté, bizarre, apocalyptique, mais coupé çà et là de curieuses et poétiques envolées.

Ce même petit village de Tilly-sur-Seulles, où l’apôtre du Carmel avait trouvé l’assurance du pain quotidien, — village illustré depuis par les visionnaires de 1896, — fut le théâtre des premières manifestations ecclésiales du vintrasisme. Entouré de ses fidèles adeptes, qu’il intitulait les Fils de la Miséricorde, Vintras y célébrait en un modeste réduit un office, qui, si l’on en croit les déclarations assez suspectes d’Alexandre Geoffroy, exigeait que l’officiant et les assistants fussent complètement dévêtus. S’il en était ainsi, le culte carmélien rénovait purement et simplement les cérémonies de la Gnose de Markos. Mais un livre fort curieux, récemment publié, par M. Esquirol, Cherchons l’hérétique, et excellemment documenté, malgré son allure plaisantine, ne souille pas mot au sujet de cet office adamite.

Ce qui paraît moins discuté, ce sont les faits étranges qui se passaient au cours des cérémonies et qui reproduisaient presque identiquement les mystères de la liturgie markosienne.

« Des dessins bizarres, dit Stanislas de Guaita dans son Temple de Satan, et des symboles inconnus apparaissent en caractères de pourpre sur des hosties immaculées quelques instants auparavant ; un vin délicieux ruisselait dans les calices devant nombre de témoins, sans trêve, renouvelés ; d’un tableau représentant une descente de croix le sang s’écoulait rouge et vivant, à la grande surprise des magistrats chargés d’une enquête ».

Nous ayons eu entre les mains le Rituel du Saint Sacrifice. Les prières en sont d’une forme très pure, très élevée. Nous y trouvons cette même fougue mystique qui caractérise tous les écrits de Vintras. Si la pensée, du Pontife carmélite s’égara parfois en une malsaine et unisexuelle sentimentalité, ce n’est point dans sa liturgie qu’il faut chercher ces folles divagations. Voyons plutôt ses lettres, celles notamment qu’il adressait à Jehoraël (Geoffroy, de son nom profane), son disciple de prédilection, celui-là même qui devait devenir son Iscariote, et qui formula contre lui de si terribles accusations :

« Mon tout aimé Jého lorsque, mes affections cherchent les tiennes, tout est en feu, et je suis près de toi, et je plonge alors dans une mer de flammes, dont chaque lame est une vague bouillante. Les jouissances célestes, nous voyant dégagés de nos sens et de leurs rudesses, descendent sur nous ; elles nous enivrent d’une sainte volupté ! » (Temple de Satan)

Comme littérature, ce n’est pas sensiblement inférieur au Cantique des cantiques, mais, c’est plus immoral, étant donné le sexe de l’Aimé. Nous voulons croire néanmoins qu’en matière d’inversion Pierre-Michel ne franchit pas les bornes d’un décent platonisme. Toujours est-il qu’il fit un nombre considérable de prosélytes. Plusieurs d’entre eux furent recrutés au sein du clergé catholique. Bornons-nous à citer l’abbé Charvoz, le théologien Madrolle, et l’abbé Léopold Baillard.

À ces recrues il faut ajouter le Dr Soudan, qui fut consacré prélat de la petite église.

Vers 1876, un groupe carmélien existait à Rouen, assez sérieusement constitué. Notre ami Lessard, le vaillant directeur de la revue les Temps Meilleurs, se souvient d’avoir assisté en cette ville, à une cérémonie où l’officiant portait une chasuble rouge avec la croix sur la partie qui recouvre l’abdomen, symbole de la crucifixion du phallus. Les assistants y firent la communion sous les trois espèces du pain, du vin et du feu. Cette dernière consistait en un fragment d’hostie roussi à la flamme d’un cierge.

Un temple vintrasien exista longtemps au quartier Montplaisir, à Lyon. C’est là que le Pontife de la Miséricorde se plaisait plus particulièrement à officier, ayant pour acolytes un M. Soidekerck, ancien chasublier, et S. A. R. le Duc de Parme. L’oratoire était tendu de draperies de pourpre, et au fond, dans une mystérieuse pénombre se dressait l’autel où avait lieu le sacrifice provictimal de Marie (cf. Jules Bois, Petites Religions, pag. 128).

Il a été publié par Gaston Méry, dans son ouvrage sur la voyante et les apparitions de Tilly-sur-Seulles, ce que M. Souleillon appelle une contrefaçon de la photographie authentique de Pierre-Michel. On a placé dans les mains du prophète une espèce de sceptre surmonté d’une main dont le pouce et le petit doigt sont levés et les doigts intermédiaires fermés. Il semble que l’auteur ait voulu faire une sorte de compromis entre le vrai Vintras et l’abominable caricature que reproduit le Temple de Satan. Nous sommes heureux de pouvoir, grâce à la complaisance de M. Souleillon, offrir à nos lecteurs la reproduction fidèle de la véritable photographie (Cf. Alexandre Erdan, la France Mystique et Eliphas Lévi, Histoire, de la Magie).


III.

Avec Boullan, nous nous heurtons à un inextricable problème. La matière est d’ailleurs si délicate, et les arguments les plus contradictoires, les témoignages les plus opposés se superposent et s’enchevêtrent de telle façon que force nous sera de laisser à nos lecteurs le soin de conclure.

En 1876, un an, par conséquent, après la mort de Vintras, un docteur en théologie, qui avait longtemps dirigé les Annales de la sainteté, et qui avait eu l’occasion de tâter à Rome du régime pénitentiaire de l’Inquisition, pour des faits sur la nature desquels on est mal renseigné, vint à Lyon et se déclara le continuateur et le successeur légitime de l’Apôtre du Carmel. C’était l’abbé Boullan.

Le Maître s’étant donné comme la réincarnation du prophète Élie, le disciple ne voulut point trop déchoir et déclara qu’il était Jean-Baptiste ressuscité.

Mais comme, il arrive toujours le disciple exagéra la doctrine du Maître.

« C’est par un acte d’amour coupable que la chute édénale s’est effectuée, c’est par des actes d’amour religieusement accomplis que peut et doit s’opérer la rédemption. » Tel est le fond de l’élastique morale du nouveau Jean-Baptiste. On juge jusqu’où elle peut conduire.

Il s’est du reste chargé lui-même de nous indiquer les deux modes sous lesquels doit opérer cette universelle médication amoureuse. Nous devons nous unir aux êtres supérieurs pour monter ; c’est ce qui constitue l’union de sagesse. Nous devons nous unir aux êtres inférieurs pour les réparer c’est ce qui produit l’union de charité.

« Hors des unions, point de salut : tous les hommes dans la secte possèdent toutes les femmes et réciproquement. Ce communisme de l’Amour fait partie intégrante de la Religion ; l’autel est un lit ; l’hymne saint, un chant d’universel épithalame ; le baiser est un acte sacerdotal et qui s’étend à tous les êtres ; il se multiplie en s’épanouissant, comme une fleur vivace à travers toutes les sphères concentriques des natures visibles et invisibles. » (Temple de Satan)

Pour Boullan, « l’amour vrai approche tout, justifie tout, sanctifie tout. » Ne croirait-on pas entendre comme un écho renforcé de la Voix de Desmarets de Saint-Martin ?

Les réunions cultuelles du néo-vintrasisme avaient lieu dans la maison d’un architecte lyonnais, qui avait été fanatisé par le verbe suggestif de Bouilan.

Boullan avait en effet comme son maître, mais à un degré moindre, le don de la fascination. Il nous souvient de l’avoir rencontré une fois à Paris et d’avoir échangé quelques mots avec lui. Nous entendons encore cette parole sibylline, et nous voyons encore ce regard de feu qui semblait fouiller dans notre pensée.

Un point nous paraît devoir être élucidé ayant tout. Boullan fut-il, qui ou non, le successeur légitime et reconnu de Vintras ?

M. Souleillon, hiératiquement désigné sous le vocable de Pontife de Sagesse, actuellement fixé à Tilly-sur-Seulles qui a assidûment fréquenté Vintras pendant vingt-sept ans, nous a déclaré que Boullan n’est pas même un vulgaire dissident ; il est selon lui, complètement étranger à la Religion du Carmel.

C’est à Bruxelles que Vintras reçut sa visite, mais jamais, au grand jamais, il ne lui confia aucune mission.

En 1876, Boullan se rend à Lyon et va trouver Souleillon, qui venait d’y fixer sa résidence. Il lui déclare, sur la foi d’une vision, qu’il est Jean-Baptiste, successeur d’Élie. Souleillon lui ayant manifesté quelque méfiance sur la véracité de ses dires, Boullan promit d’apporter des preuves. Souleillon ne le revit plus.

Boullan n’en fut pas moins assez bien accueilli par plusieurs frères de la Miséricorde ; c’est vraisemblablement avec leur appui qu’il parvint à organiser son église.

Souleillon insiste avec la dernière véhémence sur les audacieux mensonges de Boullan, qui n’est pour lui qu’un imposteur. Pierre-Michel n’a pas et ne pouvait avoir de successeur. Lui, Souleillon, et ses amis ne sont que ses collaborateurs. Il n’y a pas de hiérarchie, pas de primauté dans la religion du Carmel. Il n’y a pas non plus de sanctuaire spécial. La maison du dernier disciple devient un temple, quand il le faut. La vêture sacerdotale se compose d’une robe blanche avec manteau bleu ou rouge, ou d’une robe rouge avec manteau blanc, selon la nature de l’office qu’on célèbre. Les disciples n’ont pas de noms spéciaux, mais des titres qui sont en rapport avec la vertu qu’ils se proposent de pratiquer plus spécialement. De là des pontifes de Sagesse, de Piété, de Ferveur, de Mansuétude, de Miséricorde, etc., etc.


IV.

Mais que Boullan ait été ou non missionné par Vintras, qu’il soit un imposteur plus ou moins audacieux, c’est un point de minime importance au regard des horreurs, des actes de révoltant sadisme, des immondes promiscuités que lui attribue Stanislas de Guaita, dans son Temple de Satan. On a vu plus haut à quels lamentables écarts de langage se laissait aller le nouveau Pontife du Carmel à propos de ses « unions de charité. » Mais des paroles aux actes, il y a loin parfois. Et d’ailleurs, ces doctrines même mises en pratique n’ont rien de commun avec les actes monstrueux qui sont prêtés à Jean-Baptiste.

Certes, nous ne suspectons pas la bonne foi de Guaita, mais ce délicat écrivain, ce profond penseur qui se doublait d’un exquis poète, a parfaitement pu être induit en erreur. Nous savons en effet que c’est sur les déclarations du brave Oswald Wirth chargé par de Guaita d’une enquête à ce sujet, que ce dernier écrivit son livre. Or Wirth n’a jamais assisté à aucun office, à aucune manœuvre goëtique.

Sa documentation tout entière se base sur le témoignage très discutable d’une pauvre hystérique, que nous vîmes nous-mêmes à Lyon, et qui nous tint un langage diamétralement opposé.

Le réquisitoire de Stanislas de Guaita devient, de ce chef, singulièrement caduc.

Examinons maintenant les témoignages à décharge.

C’est d’abord celui de Jules Bois. Voici ce qu’il dit dans ses Petites Religions : « En fait, M. Huysmans me l’a conté et j’ai pu vérifier ces faits, il soulagea des âmes tourmentées de satanisme, guérit des possédés et même dès bestiaux, enleva comme avec la main des dilatations d’estomac, et à l’aide de bougies et de sel, empêcha très souvent le fil des tisseurs de se passer. » Tout cela n’est guère l’œuvre d’un homme tourmenté de magie noire et voué aux pratiques immondes.

Quant aux unions de charité dont parlait Boullan, J. Bois croit qu’il ne s’agissait là que de ces sortes de mariages mystiques si chers à sainte Thérèse et à Marie d’Agreda.

Un autre témoignage en faveur de l’inculpé, c’est celui de Mme Lucie Grange, l’éminente directrice du journal la Lumière qui le compta longtemps parmi ses collaborateurs. Pour elle, le récit du Temple de Satan est un tissu de mensonges. Elle est allée à Lyon, très prévenue contre Boullan, mais elle a rapidement conclu qu’il n’était rien moins que sataniste. Il n’envoûtait personne, c’est lui au contraire qu’on envoûtait. Il était, ajoute-t-elle, d’esprit tout divin. Elle reconnaît cependant que pour exprimer certaines vérités d’un ordre délicat, il employait volontiers les mots crus, qui pouvaient donner le change sur la nature de ses intentions…

Elle a du reste assisté à un office carmélien, mais il ne s’y est rien passé, que de très convenable.

Nous allons donner maintenant la parole à l’accusé.

En 1892, nous lui écrivîmes en vue d’obtenir de lui quelques éclaircissements sur le Credo et le Rituel de la Religion du Carmel.

Les lettres, au nombre de quatre, portent sa signature profane Dr J. A. Boullan, soulignée de son monogramme mystique J. B. qu’accompagne le triple Tau, surmonté du sceptre augural. Voici ce qu’il dit, dans la plus intéressante, celle qui est datée du 25 juillet 1892 :

« Les calomnies dirigées contre moi ont ouvert des yeux qui préfèrent la vérité au mensonge, et à Paris, on commence à se rendre compte où est le danger… Il n’y a pas sûr terre quelqu’un qui soit plus en opposition que je le suis à la puissance du mal, je n’en veux à aucun prix et je la combats partout. C’est de là qu’ont trouvé une base les calomnies dont j’ai eu et j’ai encore à souffrir. Mais la calomnie est comme tout mal et toute maladie, chose guérissable. Il suffit d’avoir le courage de la souffrir et elle est vaincue ! »

D’après ce qu’on vient de lire, Boullan est donc un calomnié, c’est aussi un résigné.

Une importante observation doit équitablement s’ajouter au faisceau des témoignages à décharge, c’est que ni Souleillon, ni Breton, qui furent ses adversaires, sinon ses ennemis, qui n’hésitent pas à le considérer comme un imposteur, ainsi qu’on l’a vu plus haut, n’apportent rien dans les lettres très explicatives, qu’il nous put adressées, rien, rien absolument qui ressemble à un écho, même affaibli, des monstrueuses accusations du Temple de Satan.

Nos lecteurs ont en main toutes les pièces du procès. À eux maintenant de prononcer le verdict.


V.

A s’en rapporter à Jules Bois, à J. K Huysmans, au peintre Lauzet et à maints autres témoins oculaires et auriculaires, Boullan aurait passé une partie de son existence à se colleter avec d’invisibles ennemis. Ils ont vu, les uns et les autres, sur différentes parties de son corps les marques indiscutables des coups qu’il recevait dans l’ombre.

Huysmans nous dit avoir gardé de ces abracadabrants Waterloos les souvenirs les plus étourdissants 

« Les envoûteurs se vengeaient en ne le laissant jamais tranquille. Il me montra sa jambe traversée jusqu’à l’os par des effluves sataniques, et les balles des pistolets fluidiques avaient creusé davantage encore son ascétique poitrine ! » (J. Bois, les Petites Églises).

Les sceptiques accueilleront certainement ces détails avec des haussements d’épaules, mais les catholiques qui acceptent les récits de la vie du curé d’Ars, ne sauraient, sans là plus surprenante des inconséquences, révoquer en doute les luttes de Boullan contre le Malin.

Peut-être est-ce au fort de quelqu’une de ces terribles batailles qu’il succomba.

Le fait est qu’il rendit l’âme à l’issue de sa hiérurgie, entre les mains de ses fidèles disciples, sans que les médecins se soient nettement prononcés sur la nature du mal qui le terrassa.

Ainsi finit dans le mystère, celui dont l’existence se déroula à travers une série de troublants problèmes, qui ne seront peut-être jamais complètement résolus.



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