MAX HEINDEL
Cycle de conférences du Christianisme
de la Rose-Croix
1908
Quatorzième Conférence
LUCIFER, TENTATEUR, BIENFAITEUR OU TOUS LES DEUX ?
Quand nous regardons autour de nous, rien n'est plus évident que ce fait exprimé par le poète hébreu:
"L'homme, sa vie est courte, sans cesse agitée" (Job 14:1); et naturellement nous nous demandons pourquoi il en est ainsi.
C'est, nous dit le théologien, un décret de Dieu qui nous oblige à souffrir parce que nos premiers parents ont péché après avoir été tentés par le démon; et il essaie alors de justifier Dieu par une mauvaise formule comme celle-ci: "Par la chute d'Adam, nous avons tous péché". Mais il y eut toujours pour les commentateurs de la Bible un pénible problème à résoudre: comment le fait de manger une pomme, agissant comme cause, a-t-il pu déterminer comme effet le châtiment de l'enfantement dans la douleur? comment un Dieu sage, aimant et juste, a-t-il pu décréter tant de malheur pour toute l'espèce humaine à cause de la faute, si légère en apparence, d'un seul couple? C'est là une chose suffisamment difficile à comprendre pour excuser en partie l'exclamation du libre-penseur Robert Ingersoll:
"Un Dieu irréprochable est le plus noble travail de l'homme".
Cette anomalie apparente provient évidemment du manque de connaissances ésotériques, ce qui a pour conséquence l'interprétation matérialiste de la Bible, cette mine d'informations ésotériques.
Pour parvenir à l'explication vraie de la douleur et de la souffrance, nous prendrons d'abord l'enseignement ésotérique pur, puis nous verrons ensuite quelle lumière nous apporte la Bible.
Nous nous rappelons que quatre grandes Epoques ont précédé notre Epoque Aryenne: les Epoques Polaire, Hyperboréenne, Lémurienne et Atlantéenne.
Pendant l'Epoque Polaire, l'homme n'avait qu'un corps dense à peine organisé, il était aussi inconscient et immobile que les minéraux, actuellement constitués comme il l'était alors. Pendant l'Epoque Hyperboréenne, son corps dense fut revêtu d'un corps vital, et l'esprit flottait à l'extérieur de ces corps. Or, nous pouvons aujourd'hui retrouver les effets de cette disposition en examinant les plantes, dont la constitution actuelle est similaire: nous voyons là se produire une constante répétition, une construction en hauteur des tronc et feuillage en succession alternée, qui s'étendrait à l'infini sans l'intervention d'une autre influence. Comme la plante n'a pas de corps du désir propre, c'est le corps du désir de la Terre, le monde du désir, qui durcit la plante et entrave dans une certaine mesure son intense croissance en hauteur. La force créatrice qui ne peut plus s'exprimer en faisant grandir une plante donnée, cherche une autre voie: elle construit la fleur et s'enferme dans la semence de manière à pouvoir grandir dans une autre plante.
A l'Epoque Hyperboréenne, où l'homme était dans une situation semblable, son corps vital le faisait grandir jusqu'à une taille énorme. Sous l'action du monde du désir, il projetait hors de lui-même des semences semblables à des spores: les unes étaients utilisées par un autre Ego, les autres employées par les esprits de la nature à la construction de corps pour les animaux, qui commençaient à sortir du Chaos.
La vague de vie la plus élevée d'une Période apparaît en effet la première, et retourne en dernier dans le Chaos; les vagues de vie qui la suivent: animaux, plantes, minéraux, apparaissent plus tard et s'en vont plus tôt.
Donc, pendant cette Epoque Hyperboréenne où l'homme était semblable aux plantes par sa construction, son corps vital construisait vertèbre sur vertèbre: il aurait continué à le faire si le corps du désir individuel n'avait été donné à l'homme pendant l'Epoque Lémurienne. Ce corps du désir commença à solidifier les éléments déjà construits et limita cette croissance; il en résulta le début de la formation du crâne, fleur posée sur la tige de la colonne vertébrale.
Contrariée dans son effort pour construire une forme unique plus grande, la force créatrice du corps vital dut chercher une nouvelle voie lui permettant de continuer son développement dans un autre être humain: l'homme devint alors un hermaphrodite capable de créer un nouveau corps issu de lui-même.
La plante n'a pas de corps du désir séparé, aussi n'éprouve-t-elle pas de passion: elle déploie chastement et sans honte vers le soleil son organe créateur, la fleur, élément de beauté et de joie. Dans l'homme, le corps du désir individuel détermine nécessairement passion et désir, et mauvaise utilisation de la force créatrice du corps vital, s'il n'est pas maîtrisé. L'homme est l'inverse de la plante, à la fois symboliquement et littéralement, car il est passionné et tourne vers la terre son organe créateur, dont il a honte. La plante se nourrit par la racine, la nourriture de l'homme entre dans son corps par la tête; l'homme respire l'oxygène générateur de vie et exhale le gaz carbonique mortel; celui-ci est absorbé par la chlorophylle de la plante, qui redonne ensuite l'oxygène, principe vitalisant, à l'homme.
Pour dominer la passion et empêcher le mauvais usage de la fonction créatrice, plusieurs mesures furent adoptées par les guides chargés de l'évolution.
L'homme d'aspect animal du milieu de la Lémurie, bien qu'affreux à regarder, n'en était pas moins un diamant à l'état brut, destiné à devenir un jour l'instrument parfait et le temple splendide d'un Esprit intérieur. Il lui fallait pour cela un organe qui puisse le guider: le cerveau et un second système nerveux commandé par la Volonté, qui est la force propre de l'Ego.
La force créatrice toute entière aurait pu être employée à cette réalisation. Mais tout instrument se fatigue à l'usage: il fallait donc aussi trouver un moyen de remplacer le corps usé, abandonné par l'Esprit au moment de la mort. La force créatrice fut donc divisée en deux dans chaque individu: on laissa une moitié monter comme avant, pour construire un cerveau et un larynx permettant à l'Esprit de contrôler son instrument et de s'exprimer en pensées et en paroles; l'autre moitié fut dirigée vers le bas, à travers les organes créateurs, pour la reproduction.
Cette disposition avait en outre le mérite d'empêcher les excès, car elle rendait plus difficile l'accomplissement de la génération. Avant que les sexes fussent séparés, chacun pouvait créer sans aide; avec la disposition actuelle, chacun doit d'abord chercher la coopération d'une autre personne possédant la moitié opposée de la force sexuelle utilisable pour la reproduction.
Le changement de la voix du jeune garçon au moment de la puberté montre la connexion entre les organes créateurs et le larynx. La moitié de la force sexuelle servant à construire le cerveau, ceux qui se livrent à des excès sexuels graves tombent dans l'idiotie; le profond penseur, au contraire, du moins celui dont les pensées sont orientées vers la spiritualité, éprouve moins d'inclination pour les rapprochements sexuels, car il utilise la plus grande partie de sa force créatrice dans son cerveau.
A l'Epoque Hyperboréenne, seuls les Anges travaillaient avec l'homme, qui possédait un corps physique et un corps vital.
A l'Epoque Lémurienne qui suivit et où fut ajouté le corps du désir, les Archanges aussi vinrent aider l'esprit Humain encore en enfance à contrôler ses véhicules. Ils neutralisèrent le corps du désir de manière à ce qu'il ne fût sexuellement actif qu'à certaines époques de l'année. Dans la dernière partie de cette Epoque et au commencement de l'Epoque Atlantéenne, le cerveau et le système cérébro-spinal étaient déjà suffisamment développés pour que le chaînon de l'Intellect puisse être donné; l'Ego commença à pénétrer lentement dans ses corps et devint, vers le milieu de l'Epoque Atlantéenne, un Esprit intérieur pleinement conscient de ce qui l'entourait. Avant que la pénétration fût complète, en particulier pendant la fin de l'Epoque Lémurienne, la conscience de l'homme était tournée vers l'intérieur, et il était surtout conscient dans le monde spirituel: de ce fait, la naissance et la mort du corps n'existaient pas davantage pour lui que la pousse et la chute d'une feuille pour la plante; sa conscience continuait ininterrompue dans le monde intérieur, qu'il eût un corps ou non, car il était inconscient d'en avoir un, ce qui ne l'empêchait pas de l'utiliser tout aussi bien, comme nous employons inconsciemment notre estomac et nos poumons.
A des époques déterminées de l'année, les Archanges retiraient la contrainte qu'ils exerçaient sur le corps du désir; et les Anges conduisaient l'humanité dans de grands temples où s'accomplissait l'acte de procréation, dans les moments où les constellations étaient propices: nos voyages de noces sont un souvenir atavique de ces migrations aux fins de reproduction, et montrent aussi une connexion avec les astres dans le terme même de lune de miel.
Quand l'acte de génération avait été accompli, le corps du désir était à nouveau neutralisé: en conséquence, il n'y avait pas plus de douleurs dans l'enfantement que chez les animaux d'aujourd'hui qui vivent dans des conditions analogues à celles de cette ancienne humanité.
C'était donc pour l'homme un état exempt de soucis, mais sa conscience était très limitée, et il était conduit et commandé, bon gré mal gré, par des êtres extérieurs.
Si cette tutelle avait continué, l'homme serait resté un automate guidé par Dieu: il ne peut pas devenir une Intelligence créatrice consciente, comme il doit le devenir, tant qu'il ne s'est pas soustrait à toute emprise et qu'il ne travaille pas à son propre salut.
De grands Instructeurs appartenant à une évolution plus avancée furent donc envoyés pour guider l'homme et éveiller en lui une certaine connaissance du monde extérieur matériel; bien entendu, de sévères mesures ont encore été nécessaires pendant de longs âges. Les garçons étaient entraînés à développer la Volonté qui est la contrepartie spirituelle de leur force créatrice positive. Ils apprenaient donc à s'endurcir et à porter d'immenses fardeaux. Ils se livraient des combats violents, leurs corps étaient brûlés, mutilés, empalés: tout cela tendait à éveiller l'Ego à la conscience de l'existence du corps physique et du monde extérieur.
Les filles étaient conduites dans d'immenses forêts de fougères, végétation luxuriante au sol humide et chaud. Elles étaient exposées à la fureur des tempêtes de la Lémurie balayée par les orages, et conduites à observer les éruptions volcaniques qui produisaient des images dans leur vision intérieure; enfin elles assistaient aux combats des hommes, tout cela pour développer leur Imagination. L'imagination, pôle spirituel de la force créatrice négative, reflétait les scènes du monde extérieur en images de rêve devant leur conscience intérieure. C'est ainsi que les femmes ont été les premières à devenir conscientes de l'existence du monde physique et du corps dense: elles se mirent à prêcher l'évangile du corps aux hommes, en leur parlant de cette existence physique qu'elles percevaient confusément. Certains d'entre nous, qui actuellement pressentent intuitivement l'âme, essaient de prêcher l'évangile du monde spirituel où vit l'Esprit: ils rencontrent incrédulité et ridicule, tels que les femmes de la Lémurie les rencontrèrent lorsqu'elles cherchèrent à convaincre leurs contemporains qu'ils possédaient un corps dense.
Parmi les observations faites par ces prophétesses se trouvait le fait que parfois un homme perdait son corps, qui ensuite se décomposait. Elles voyaient cet homme exactement comme auparavant dans le monde spirituel, mais il avait quitté le monde matériel, et cela les troublait. Des Anges, elles ne pouvaient obtenir aucune information; ils travaillaient avec le corps dense, mais pas directement: ils usent du corps vital comme intermédiaire, et ne peuvent donc se faire comprendre par un être raisonnant à l'aide d'un cerveau. Ils acquièrent leurs connaissances sans raisonner, en projetant tout leur amour dans leur travail et recevant en retour la connaissance cosmique. L'homme aussi crée par l'amour, mais son amour est égoïste: il aime parce qu'il désire une coopération en vue de la génération, mais il n'emploie pour elle que la moitié de sa force créatrice, retenant égoïstement l'autre moitié pour construire son propre organe de pensée, le cerveau. Et il emploie égoïstement cette moitié pour penser, parce qu'il désire la connaissance; il lui faut donc travailler et raisonner pour acquérir la sagesse. Mais un jour il atteindra un degré beaucoup plus élevé que les Anges ou les Archanges; il aura dépassé alors la phase où des organes créateurs inférieurs sont nécessaires. Il créera au moyen du larynx et sera capable de "faire le Verbe chair".
A ce degré, la femme ne pouvait pas non plus raisonner, car l'Intellect, ayant été donné par les Pouvoirs des Ténèbres, n'était pas clair; et il devait être illuminé avant de pouvoir servir à établir la corrélation entre les faits: c'est seulement après cela que l'homme put projeter sur ses problèmes "la Lumière de la Raison".
C'est ici qu'apparaît pour la première fois "Lucifer", "celui qui apporte la Lumière". Il parle à la femme et l'aide à résoudre l'énigme en lui montrant comment, avec l'aide de l'homme, elle peut exercer la fonction créatrice indépendamment des Anges; comment elle peut ainsi faire naître des corps lorsqu'ils ont été perdus, et de cette façon éluder la mort.
Lucifer demande si Dieu leur a interdit de manger du fruit de l'arbre, et on lui dit qu'il leur a été défendu de manger du fruit de l'Arbre de la connaissance du Bien et du Mal, sous peine de mort.
Que l'arbre de la connaissance soit une expression symbolisant la fonction de reproduction devient évident si nous nous rappelons à quel point la conscience de l'homme était limitée en ces temps; il n'avait connaissance ou n'était conscient de rien en dehors de lui-même; ses yeux n'étaient pas encore ouverts. Sa conscience n'était qu'intérieure, semblable aux images conscientes de nos rêves, sauf qu'elle n'était pas confuse. Mais il n'avait pas plus de connaissance du monde et des Etres extérieurs que nous n'en avons normalement du monde spirituel, sauf aux époques où il était conduit dans des Temples et mis en contact sexuel intime avec un autre être: à cet instant, l'Esprit perçait le voile de la chair; à cet instant, l'homme et la femme se connaissaient dans leurs corps. Pour la personne initiée, la Bible rapporte ces faits d'une manière singulièrement lumineuse, et continue à employer cette même expression en maints endroits, tels que: "Adam connut sa femme" ou dans la question de Marie: "Comment pourrais-je concevoir, puisque je ne connais point d'homme?" La douleur de l'enfantement semble aussi une sanction mieux appropriée à la violation d'une défense concernant la sexualité, qu'au fait de manger une pomme.
Le serpent dit: "Vous ne mourrez sûrement pas, car Dieu sait bien que le jour où vous aurrez mangé de ce fruit, vos yeux seront ouverts, et vous serez comme les dieux, vous connaîtrez le bien et le mal". Ce dernier était alors inconnu de l'homme.
Agissant selon cet avis, la femme s'assura la coopération de l'homme et, par le pouvoir de la volonté, ils libérèrent leur corps du désir. Cette faculté était alors beaucoup plus grande qu'aujourd'hui, car une loi naturelle veut que chaque nouvelle faculté doive toujours être achetée au prix de l'affaiblissement d'un pouvoir antérieur, comme lorsque la faculté de penser fut achetée au prix de la moitié de la force créatrice.
Or à ce moment, le pouvoir de volonté de l'homme était tel que l'anxiété de Dieu, craignant que "l'homme ne mangeât aussi du fruit de l'arbre de Vie et ne devînt immortel", était parfaitement justifiée; car si l'homme s'était emparé du secret qui lui eût permis de renouveler le corps vital aussi bien que le corps physique, il eût été à la fois capable de créer un corps et de lui donner la vie pour toujours. En vérité, il n'y aurait alors plus eu de mort. Mais il n'y aurait plus eu non plus d'évolution, car l'homme ne savait pas alors, et ne sait pas encore, construire un corps parfait; c'eût été la plus grande des calamités. La mort n'est pas une malédiction: elle est une amie lorsqu'elle vient naturellement, parce qu'en nous libérant d'un milieu que nous avons dépassé et d'un corps qui nous lie, elle nous permet de trouver une nouvelle chance d'apprendre des leçons nouvelles dans un corps neuf et meilleur.
L'emploi sans entrave de la fonction sexuelle eut comme résultat de rendre les hommes de plus en plus conscients de leur corps. "Leurs yeux furent ouverts" et leur attention se concentra de plus en plus sur le monde physique. Par degrés, ils oublièrent ainsi en même temps les mondes supérieurs; et beaucoup ont même cessé de croire qu'il existe un Esprit immortel dans l'homme; pour ceux-là, la mort du corps est une chose terrible, une affreuse calamité en dépit de toutes les assertions, car ils pensent que c'est un anéantissement. Ainsi, bien que la parole de Lucifer fût vraie et que l'homme puisse se pourvoir de nouveaux corps, la parole de l'Ange était encore plus vraie, car il n'y avait rien de cruel dans la mort jusqu'à ce que l'homme eût perdu la conscience des mondes supérieurs.
Quant à la malédiction: "Tu enfanteras dans la douleur", elle n'était nullement une malédiction, mais le simple exposé des effets qui devaient inévitablement résulter de l'emploi excessif ou ignorant de la fonction créatrice. Tant que celle-ci était sous la sage direction des Anges, à certaines époques de l'année où les lignes de force interplanétaires étaient propices, l'enfantement pouvait s'accomplir sans douleur; mais l'homme était et est encore ignorant de ces facteurs, d'où sa transgression et la douleur qui en résulte.
En résumé, le cerveau et le larynx ont été achetés au prix de la moitié de notre force créatrice; l'émancipation des règles des Anges, le pouvoir de prendre l'initiative et de choisir entre le bien et le mal, la conscience du monde matériel sont devenus nôtres au prix de la douleur, de la souffrance et de la mort.
Mais tout doit travailler pour le bien dans le royaume de Dieu qui est le Monde: même ce qui est mal est transmué par la plus subtile alchimie spirituelle en un bien supérieur à celui qui aurait pu être réalisé sans ce mal.
L'homme avait été exilé du Jardin d'Eden, qui est la Région Ethérique, lorsqu'il avait appris à connaître le monde matériel par l'usage déréglé de la fonction sexuelle qui a concentré son attention ici-bas: or, cet usage plus intense du corps du désir a durci le corps dense, qui commença à avoir besoin de nourriture et d'abri. L'esprit d'invention de l'homme fut alors mis à l'épreuve pour les procurer au corps: la faim et le froid furent le coup de fouet dont se servit le mal pour faire naître l'ingéniosité; ils ont forcé l'homme à penser et à agir pour se procurer le nécessaire. Il apprend ainsi progressivement la sagesse; il se prémunit contre ces maux avant qu'ils ne viennent, parce que les affres de la faim et du froid lui ont appris à se protéger: la sagesse est de la douleur cristallisée. Nos souffrances, lorsqu'elles sont passées et que nous pouvons les envisager calmement et en extraire les leçons qu'elles contiennent, sont des mines inépuisables de sagesse; elles sont en même temps grosses de joies futures, car nous apprenons par elles à régler correctement nos vies et à cesser de pécher: l'ignorance est le seul péché, et la connaissance appliquée est le seul salut. Cela peut paraître une affirmation risquée; mais si nous méditons profondément sur elle, nous la trouverons aussi vraie et facile à démontrer que deux fois deux font quatre.
Quant à savoir qui sont ces "Lucifériens" (car bien que la Bible ne semble parler que d'un seul être, ce singuler est aussi inexact que lorsqu'elle l'emploie pour Dieu au premier chapitre de la Genèse), ils sont une classe d'Etres qui ont atteint pendant la Période de la Lune un degré d'évolution bien au-dessus de celui de notre humanité, mais au-dessous de celui des Anges. Ce sont des demi-dieux; ils ne pouvaient pas prendre un corps dense comme l'homme, mais ne pouvaient pas non plus acquérir de l'expérience à la manière des Anges. Ils avaient besoin d'un cerveau et d'une moelle épinière; aussi trouvèrent-ils avantageux, lorsque l'homme eut construit ces instruments, de le pousser à s'en servir.
A ce moment, la conscience naissante de l'homme était tournée vers l'intérieur; il voyait ses organes internes et les construisait au moyen de la même force qu'il utilise aujourd'hui vers l'extérieur pour construire des maisons, des navires, etc., et aussi les muscles externes de son corps. La femme qui était plus avancée parce que son imagination était entraînée, voyait donc qu'une intelligence était incorporée à son propre système cérébro-spinal; et, lors d'une phase ultérieure, quand l'homme enregistra cette expérience de la femme, l'image du serpent lui apparaissait comme une fidèle description de ce qu'il voulait exprimer.
Cette idée se retrouve dans la Bible. Dans Isaïe 14, il est appelé Lucifer (étoile du jour), roi de Babel-On (porte du soleil), cité située sur sept collines et qui domine le monde. Là, l'humanité cessa d'agir dans l'union et fut séparée en nations qui guerroyèrent: c'est là l'origine de tous les maux imaginables; et Babylone est appelée la "prostituée" dans l'Apocalypse, où sa chute est décrite.
Tout à l'opposé, il est question un peu plus loin d'une "Lumière du Monde", d'une "brillante étoile du matin", vraie lumière (Christ) qui doit se lever après la chute de Babylone et régner à jamais sur une cité de paix, Jer-u-Salem, appelée l' "épouse".
Elle descend du ciel, elle a douze portes qui ne sont jamais fermées, bien qu'elle renferme le précieux Arbre de vie; il n'y a pas de lumière extérieure, la lumière est intérieure et il n'y a pas de nuit.
C'est là, en vérité, une merveilleuse cité, la plus grande antithèse possible de l'autre. Que signifie tout cela? car il ne peut être question d'interprétation littérale ni dans un cas ni dans l'autre. Bien qu'une cité du nom de Babylone ait existé, elle n'est évidemment pas décrite ici littéralement; et la future "Nouvelle Jérusalem" est contraire à toutes les lois de la nature connues de nous. Ces deux cités doivent donc être des symboles.
Pour en démêler la signification, notons d'abord que ces cités sont situées sur sept collines ou montagnes, position qui offre des avantages particuliers pour l'observation: Moïse se retira "dans (into, en anglais) la montagne" où "il vit et entendit", comme d'autres sur "le mont" de la transfiguration. Daniel compare Babylone à la tête que Nabuchodonosor vit dans son rêve; or la tête humaine possède sept points d'observation: deux yeux, deux oreilles, deux narines et la bouche; au-dessus d'eux siège le cerveau, où la Raison, "donneuse de Lumière", gouverne ce petit monde, le microcosme, de même que Dieu, le Grand donneur de Lumière, gouverne le macrocosme.
La Raison est le produit de l'égoïsme. Elle est générée par l'intellect, don des "Pouvoirs des Ténèbres" dans un cerveau construit par la conservation égoïste de la force sexuelle et inspiré par les égoïstes Lucifériens. Elle est donc la "semence du serpent" et quoique transmuée en sagesse par la douleur et la souffrance, elle doit faire place à quelque chose de plus élevé, à l'Intuition, qui signifie "enseignement de(puis) l'intérieur". Celle-ci est une faculté spirituelle, également présente dans tous les Esprits, qu'ils soient incarnés dans des corps masculins ou féminins. Mais elle s'exprime surtout dans les esprits incarnés dans un organisme féminin, car dans ceux-ci la contrepartie de l'Esprit de Vie, le corps vital, est masculin et positif.
L'intuition, faculté de l'Esprit de Vie, peut donc être justement appelée "la semence de la femme", d'où proviennent toutes les tendances altruistes, et par laquelle toutes les nations sont lentement mais sûrement réunies en une Fraternité Universelle d'amour, sans considération de race, de sexe ou de couleur.
Notre cerveau n'est pas cependant un tout homogène; il est divisé en deux moitiés, et c'est un fait bien connu des physiologistes que nous utilisons principalement un seul des hémisphères cérébraux, le gauche; la moitié droite de notre cerveau n'est que partiellement active. Le coeur aussi est du côté gauche du corps, mais il commence à se déplacer vers la droite; le cerveau "droit" deviendra lui aussi de plus en plus actif: et par suite de ces deux changements physiologiques, le caractères entier de l'homme apparaîtra différent. Le côté gauche est sous la domination des Esprits Lucifer et se voue à l'égoïsme, mais l'Ego l'emportera de plus en plus à mesure que le "côté droit" du cerveau sera investi du pouvoir d'agir sur le corps avec un jugement "droit".
Les physiologistes savent qu'il se produit dans le coeur un changement qui en fait une véritable anomalie. Nous possédons deux types de muscles. Les uns sont commandés par la volonté, comme par exemple les muscles du bras ou de la main; ils sont striés à la fois longitudinalement et transversalement. Les autres, muscles involontaires, qui sont adaptés à des fonctions indépendantes de la volonté, et qui ne peuvent être mis en mouvement par le "désir", ne sont striés que longitudinalement. "Seul, le coeur fait exception": il n'est sous la domination du désir, et cependant "il montre des stries transversales comme un muscle volontaire".
Avec le temps, ces stries transversales se développeront entièrement et le coeur sera sous notre domination, si bien que nous pourrons même diriger le sang là où nous voudrons l'envoyer. Nous pourrons alors refuser de l'envoyer à l'hémisphère cérébral gauche, et "Babylone, la cité de Lucifer, tombera".
Lors que le sang sera envoyé surtout dans l'hémisphère droit, nous construirons la Nouvelle Jérusalem. En attendant ce moment, nous construirons les stries transversales sur le coeur au moyen d'idées altruistes, ou, dans le cas de l'aspirant, en envoyant le courant sexuel à travers la partie droite du coeur.
Nous rappelons que les Chérubins ont éveillé l'Esprit de Vie, siège de l'amour divin, dont l'ombre matérielle est le corps vital, agent de la reproduction; lorsque l'homme fut exilé de la région éthérique,, ou jardin d'Eden avec ses quatre fleuves d'éther, pour avoir mésusé de la force sexuelle, les Chérubins furent placés à son entrée avec des épées flamboyantes (Genèse 3:24). "L'usage correct de la force sexuelle construit un organe qui donnera à l'homme la clé des mondes intérieurs" et qui l'aidera à créer par la pensée: douleur et souffrance cesseront alors et l'homme sera entré dans la cité de pais Jer-u-Salem.
La Lémurie périt par le feu, de terribles cataclysmes la transformèrent en Atlantide; plus tard celle-ci fut enfouie sous les flots et laissa la place à l'Aryana, la Terre telle que nous la voyons à l'époque Aryenne actuelle, mais celle-ci touche à sa fin. Les salamandres commencent à attiser les feux dans la forge pour faire "un ciel nouveau et une terre nouvelle" (Apocalypse 21:1), que l'Ecole de la Sagesse Occidentale appelle la "Nouvelle Galilée".
Dans les deux premières Epoques, l'homme développa le Désir; l'époque Atlantéenne produisit la Ruse; et le fruit de l'époque Aryenne est la Raison. Dans la Nouvelle Galilée, l'homme aura un corps beaucoup plus fin et plus éthéré que maintenant; la Terre aussi sera transparente. Il en résultera que ces corps réagiront mieux aux impulsions spirituelles de "l'Intuition"; un tel corps ne subira jamais la fatigue, aussi n'y aura-t-il "plus de nuit"; et les douze nerfs crâniens sensitifs, qui sont les portes du siège de la conscience, ne seront jamais "fermés" (Apocalypse 21:12, 21). Par ailleurs, la Nouvelle Galilée sera formée d'éther lumineux et transmettra la lumière du Soleil. Elle sera une terre de paix (Jer-u-Salem), car la Fraternité (Brotherhood) universelle liera tous les êtres de la Terre dans l'Amour.
Il ne pourra y avoir de mort, car l'arbre de vie, la faculté de générer la force vitale, sera rendue possible par l'emploi de l'organe éthérique intracrânien déjà mentionné: cet organe évoluera chez ceux qui dès maintenant sont choisis comme guides pour l'humanité de cette Epoque qui vient.
Cette race est mentionnée sous le nom de "Race du Christ". Cependant il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'un Christ extérieur, mais que les hommes de cette race développeront "intérieurement, en eux-mêmes", le Principe Christique: ils agiront comme le leur dictera l'Esprit au moyen de l'Intuition, et tout ce qu'ils feront sera fait "dans l'Amour". C'est seulement par cette élévation individuelle que pourra s'accomplir le salut de l'humanité car, comme l'a dit Angelus Silesius,
Le Christ serait-il né mille fois à Bethléem
S'il ne naît en toi, ton âme est solitaire.
La Croix du Golgotha tu contemples en vain
Si toi-même en ton coeur tu ne l'élèves point.