MAX HEINDEL
Cycle de conférences du Christianisme
de la Rose-Croix
1908
Dix-neuvième Conférence
LA FORCE DE L'AVENIR
On parle tant des mondes intérieurs du point de vue occulte, on insiste tellement sur le fait que nous possédons des véhicules supérieurs que nous pouvons développer et utiliser, qu'il semble nécessaire de mettre parfois en relief l'énorme valeur du corps dense et du monde visible avec lequel il nous met en relation, et de combattre le dédain de certaines personnes pour le monde dans lequel nous vivons actuellement.
Soyons certains qu'il y a derrière l'évolution de Grandes Intelligences exaltées qui ordonnent toutes choses avec une sagesse qui ne néglige aucun facteur, et essayons de comprendre l'objet et le but de notre mode actuel d'existence. Nous nous apercevrons bientôt que tout est bien, qu'il y a des raisons excellentes et suffisantes pour que nous soyons placés dans la phase actuelle de l'existence concrète, et que nous subissions les limitations qui en résultent.
Nous voyons qu'actuellement le monde occidental traverse une phase de développement matériel. Beaucoup d'entre nous, qui se préoccupent des choses de l'esprit, on tendance à regarder l'homme ordinaire avec le sentiment, d'ailleurs nullement fondé, d'être plus saints que lui.
De son côté, "l'homme ordinaire" si méprisé nous regarde d'un air méfiant, nous qui parlons familièrement du ciel et de l'enfer, mais qui n'avons pas la même connaissance des affaires matérielles. Il éprouve fortement le sentiment que notre premier et plus important devoir est de savoir quelque chose du monde matériel, pour que nous fassions notre devoir ici-bas au mieux de nos moyens, avant de prendre notre essor vers les nuages. Pour renforcer ses arguments, il nous montre l'Inde où le peuple meurt de faim parce qu'il est trop indolent pour travailler, où l'on rêve de "nirvana" en oubliant l'existence actuelle. L'homme ordinaire nous invite à regarder les conditions arriérées de la vie de ces Orientaux et les attribue à la croyance en la renaissance, qui les pousse habituellement à dédaigner leur présente existence; il prétend ensuite que le développement spirituel, particulièrement en dehors des églises reconnues, est nuisible au plus haut degré. Il a largement raison dans ses assertions, mais il y a aussi une façon plus profonde d'envisager les choses, comme nous le verrons plus loin.
Pour nous développer d'une manière sûre et saine, nous devons apprécier correctement la mission de ce monde dans le plan divin de développement que nous appelons l'évolution, et nous devons assumer toute notre part au travail de ce monde. Par contre, il faut dire aussi que le point de vue occulte donne une vision plus approfondie et un aperçu plus large de notre rôle utile, que la vue superficielle ordinaire. Examinons donc les voies du progrès dans le monde matériel selon les deux points de vue.
Dans la deuxième conférence, nous avons vu que toutes choses en ce monde matériel visible ne sont que des formes-pensées cristallisées; que par exemple un architecte forme une maison dans sa pensée, et qu'avec cette forme-pensée il trace ses plans et les ouvriers construisent la maison. L'imagination de Graham Bell s'est concrétisée dans le téléphone; celle de Fulton en navire à vapeur, etc.
Naturellement, ces idées n'étaient pas parfaites d'emblée; beaucoup de travail expérimental fut nécessaire avant que ces inventions fussent assez au point pour pouvoir être utilisées dans la vie journalière.
Imaginons que ce monde dans lequel nous vivons soit un Monde de Pensée dans lequel nous puissions former des images telles que les images mentales, mais où nous n'ayons aucun moyen de concrétiser ces images en objets de bois ou de métal comme nous le faisons actuellement: que serait-il alors advenu du téléphone et du bateau à vapeur? L'inventeur aurait terminé son invention en un instant, mais il n'y aurait eu aucune réalisation matérielle permettant de montrer les imperfections de sa pensée, et par conséquent il n'aurait pas appris à penser juste.
La mission du monde matériel concret consiste à mettre nos erreurs en évidence. Nous sommes en train de développer en nous-mêmes un énorme pouvoir; et nous trouvons dans le monde physique des conditions idéales pour développer les facultés nécessaires à son emploi correct. Sans ces facultés, et si les conditions de la matière étaient plus subtiles, ce pouvoir ferait énormément de mal. Ce qu'est cette force de l'avenir, nous allons le voir en jetant sur le développement du passé un coup d'oeil qui nous permettra de juger de la vraie perspective de l'avenir.
A l'aurore de son existence, l'homme travaillait surtout sur les solides: ses premiers outils étaient des pierres, rondes ou aiguisées, qu'il trouvait sous la main. Plus tard il commença à se confier aux liquides pour pousser sa première ébauche de barque ou faire tourner son moulin primitif. Plus tard encore, il apprit à employer les gaz, à utiliser le vent comme force de propulsion de ses navires et de ses moulins. Ce fut là un immense progrès, qui mit en communication les parties les plus éloignées du monde, en élargissant considérablement l'étendue des connaissances humaines. Mais même le progrès réalisé par l'emploi de l'air paraît insignifiant devant ceux que nous a valu l'emploi d'un gaz plus éthéré, la vapeur. Celle-ci fait tourner les roues du progrès à une vitesse qui nous laisse muets d'étonnement.
Et pourtant les merveilles accomplies par la vapeur ne sont rien en comparaison des mille et un progrès dans les communications et la science qu'a réalisé l'utilisation de cette force plus subtile encore, l'électricité, qui fait faire à un message le tour du globe en moins de secondes qu'il n'eût fallu autrefois d'années avec les anciens modes de propulsion.
Nous voyons donc que le progrès humain s'est accompli par l'emploi de forces de plus en plus subtiles; chaque fois que nous avons appris à utiliser une énergie plus subtile qu'auparavant, nous avons fait un immense pas en avant dans la civilisation. Cette façon de voir ne nous est pas habituelle: nous associons habituellement solidité et énergie comme si les deux termes étaient synonymes; mais un peu d'observation nous montrera la fausseté de cette idée.
Les vagues de la mer, qui sont liquides, peuvent en quelques instants raser le pont d'un navire, tordre ou plier les plus solides épontilles de fer comme de simples fils. Les vents peuvent en un clin d'oeil jeter par dessus bord les mâts d'un vaisseau, et pourtant les vents ne sont que de l'air, que des gaz. L'eau peut ronger les collines et niveler une cité plus vite que ne le feraient pic et pioche. Quand nous regardons les grandes locomotives et que nous admirons leur lourde masse, nous rendons-nous bien compte qu'elles sont si solidement construites parce qu'elles doivent être mues par un gaz élastique invisible: la vapeur?
La roue hydraulique était inutilisable comme producteur de force sans un contact direct avec la source d'énergie permanente d'une chute d'eau. La force des vents était meilleure, elle était utilisable pour la population du monde entier, mais elle était capricieuse et incertaine. La vapeur était plus près de l'idéal, puisqu'on peut la produire à volonté presque partout, mais elle nécessite une machinerie très lourde, transportable partout où sa force doit être employée, comme le montre bien la locomotive, matériel mobile si puissant. L'électricité peut être transmise à des milliers de kilomètres par un simple fil, et peut être utilisée n'importe où le long de cette ligne;
elle peut même être transmise de place en place sans aucun fil dans l'éther qui pénètre tout.
Nous venons de montrer que le progrès de l'homme dans le passé a été accompli par l'utilisation de forces de subtilité croissante - eau, air, vapeur, électricité - et que l'utilité croissante de chacune de ces forces est encore augmentée par la facilité avec laquelle elle peut être transmise et employée en différents endroits. Le dernier progrès est la transmission de l'énergie, d'un point central à des points variés, sans aucun matériel de connexion visible comme dans la télégraphie sans fil (conférence donnée en 1909).
Au vu ces perfectionnements passés, il est évident que les progrès à venir de la race humaine dépendent de la découverte et de l'utilisation d'une énergie encore plus fine, transmissible avec encore plus de facilité qu'aucune des forces actuellement connues.
Quelle est cette force nouvelle, que doit-elle accomplir pour le progrès de la race humaine, et dans quel sens devons-nous chercher pour la découvrir? Telle est la triple question qui se pose naturellement, et à laquelle nous allons essayer de répondre.
Dans sa "Race Future", Bulwer Lytton nous a donné une opinion sur ce que sera cette force de l'avenir. Comme toutes les histoires de ce genre, la sienne n'a pas été prise au sérieux, mais seulement considérée comme le produite de l'imagination fantastique d'un auteur habile. Les romans de Jules Verne ont également été accueillis par le public avec admiration pour sa vive imagination: mais quelle part de ses romans a-t-elle déjà été réalisée à ce jour? "Le Tour du Monde en quatre-vingt jours" est maintenant trop lent pour le globe-trotter du vingtième siècle; la navigation sous-marine et les vols aériens sont réalisés aujourd'hui. A la vérité, l'esprit humain est incapable d'imaginer quelque chose qui ne puisse être réalisé: cela semble une affirmation extravagante, mais n'est-elle pas justifiée en regard de tout ce qui a été fait?
Reprenons notre argumentation: quelque chose qui ressemble au "Vril" de Bulwer Lytton doit être découvert avant que l'homme puisse faire un nouveau grand pas dans la voie du progrès. De grandes et merveilleuses découvertes nous sont offertes par l'exploitation plus étendue des forces que nous possédons déjà; mais le prochain "grand pas" dépend de la découverte de la force nouvelle et de notre préparation à son emploi. Des essais pour réaliser une machine à vapeur ont été faits il y a plusieurs siècles par les anciens, avant que nous y réussissions récemment; ils connaissaient aussi un peu l'électricité; mais il a fallut un long temps pour mûrir ces idées au point de les rendre utilisables. De même, pendant que nous avançons dans l'exploitation des forces que nous connaissons, nous devons aussi nous préparer pour la force nouvelle; et si nous pouvons la trouver nous serons ainsi plus vite capables de trouver aussi les moyens de l'utiliser. Regardons de plus près le Vril de Bulwer Lytton: il est possible que sous des dehors fantastiques soit caché un indice de valeur.
Vril était une une force générée à l'intérieur de chacun des êtres de notre histoire. Elle ne dépendait pas d'un dispositif extérieur coûteux que seuls quelques privilégiés pouvaient obtenir à l'exclusion de la majorité. Tous les hommes sans exception possédaient ce pouvoir de la naissance à la mort.
C'est là certainement un idéal encore plus élevé même qu'une centrale d'énergie. Nul besoin d'ascenseurs lorsque tout le monde s'élève à volonté; nul besoin de voitures ou de chemins de fer lorsque chacun peut se déplacer rapidement et facilement par sa propre force inhérente; nul besoin de navires lorsque l'homme peut se déplacer dans l'air sans d'encombrantes machines comme celles qui se déplacent sur la terre ou sur les eaux; et combien moins de résistance à vaincre pour voler comme un oiseau que s'il faut user d'un avion ou de semblables artifices. Comme toutes les autres forces, Vril pouvait être employé comme moyen de destruction: en cela il était également prompt, aussi d'extrêmes précautions étaient-elles nécessaires pour s'en servir.
La plus grande maîtrise de soi était indispensable, car un accès de colère aurait entraîné d'effrayants désastres. Si jamais nous sommes appelés à user d'une telle force, nous voyons combien il sera absolument essentiel que nous soyons bons, doux et n'ayons pas d'ennemis: nos vies seraient dans les mains des autres à un point inconcevable actuellement.
Si nous regardons en nous-mêmes pour voir s'il est possible qu'une énergie de ce genre commence à s'y développer, nous n'irons pas loin avant d'y reconnaître l'existence d'un pouvoir qui possède de vastes possibilités: le pouvoir de la pensée. Nos idées prennent forme en tant qu'images mentales que nous formons avec une grande facilité, et concrétisons ensuite lentement et laborieusement en choses matérielles telles que cités, maisons ou meubles: tout ce qui est fait par la main de l'homme est de la pensée concrétisée.
Nous ne devons pas considérer le lent mode actuel de manifestation de la pensée dans la matière comme une indication des possibilités de cette pensée, ni nous laisser épouvanter par le fait qu'elle nous échappe ou nous trompe: il en a été de même pour les autres forces que nous avons déjà attachées au char du progrès. Pendant des temps innombrables, les vagues de l'océan ont gaspillé leur énergie à battre le rivage; mais aujourd'hui des inventeurs commencent à les subjuguer comme ils ont couplé la chute d'eau à la dynamo électrique. Pendant le même temps, les vents ont balayé la terre et la mer, avant que l'homme n'apprenne à leur faire porter tout le commerce du monde sur des navires. Pendant des siècles, la vapeur des marmites utilisées par l'homme s'est échappée dans l'air avant qu'il n'apprenne à concentrer son pouvoir et à l'employer dans des industries variées. De même qu'autrefois la vapeur s'échappait inutilement des marmites antiques, l'énergie radiante de la pensée s'échappe de l'humanité d'aujourd'hui.
La vapeur a été utilisée par concentration, et également nous pourrons concentrer le pouvoir de la pensée, plus subtil, mais beaucoup plus puissant. Nous l'utiliserons à faire le travail de l'homme avec une facilité impossible à concevoir même par comparaison avec les forces actuelles; celles-ci en effet sont seulement utilitaires, elles travaillent sur des choses qui existent déjà, tandis que le pouvoir de la pensée est une force créatrice.
Nous savons combien les autres forces sont dangereuses lorsque nous les concentrons pour les faire travailler. Pendant que la vapeur s'échappe des marmites, elle ne peut faire aucun mal sérieux; l'électricité produite par la friction d'une courroie ou d'un morceau d'ambre n'est dangereuse pour personne. Mais lorsque la vapeur est produite en quantité confinée dans une chaudière, elle peut éclater dans les mains d'un ouvrier incompétent; l'électricité sous tension dans un câble peut tuer l'ignorant qui se mêle d'y toucher. De même, nous pouvons en déduire que le pouvoir de la pensée mal dirigé ou employé avec ignorance aurait un effet beaucoup plus désastreux, parce qu'il constitue une force beaucoup plus subtile. Il est donc nécessaire que l'homme soit placé dans une école où il puisse apprendre à se servir de cette force énorme d'une manière sûre et efficace. Que l'on s'en rende compte ou non, les sages Guides invisibles, mais puissants, qui travaillent avec l'humanité, nous ont déjà offert cet enseignement, en nous plaçant dans l'existence concrète du monde physique: que nous le sachions ou non, chaque jour et à chaque heure nous apprenons à "penser correctement", et à force d'apprendre de mieux en mieux, nous deviendrons des êtres semblables à notre Père "qui est aux Cieux".
Nous voyons donc quelle grave erreur commettent ceux qui méprisent l'existence concrète, en vivant dans les nuages des espérances et des aspirations qui tendent vers la vie spirituelle et les mondes supérieurs, en négligeant leur devoir dans la vie présente matérielle et concrète.
Il est évident cependant qu'il est tout aussi mauvais de nous confiner dans la vie purement matérielle, en excluant le côté spirituel de notre nature: les extrêmes sont dangereux.
Si, reconnaissant les deux pôles de notre être, nous nous efforçons de guider notre vie matérielle par la lumière de nos perceptions spirituelles, nous apprendrons les leçons merveilleuses que nous offre l'école de l'expérience, dans un temps beaucoup plus court que si nous allons à l'un ou l'autre des extrêmes.
Les résultats obtenus en allant à l'un ou l'autre des extrêmes sont faciles à voir si nous comparons, du point de vue occulte, les Hindous au monde occidental.
Comme nous l'avons dit plus haut, les personnes à tendances matérialistes, pour justifier leur éloignement des choses spirituelles, nous montrent les pays et les peuples qui évoluent dans cette direction, et en particulier l'Inde; elles nous invitent à considérer l'état retardataire des Hindous et l'indolence des Orientaux, et elles les attribuent à leurs tendances religieuses. D'autres ont essayé de les défendre en alléguant qu'ils sont confinés par multitudes dans des contrées montagneuses et arides, aux ressources insuffisantes pour nourrir les millions d'habitants qui les peuplent, et que maladie et famine y sont donc inévitables; ils mentionnent le brûlant soleil et les pluies dévastatrices de l'Inde et les opposent à notre pays fertile et peu peuplé où règne l'abondance pour tous. Et cela implique presque pour eux une injustice de la part de Dieu que de donner aux uns ce qu'il refuse à d'autres qui leur sont supérieurs selon ces critiques.
Que les conditions d'existence des Hindous soient telles qu'on les a dépeintes, et pires encore que nous n'arrivons à le savoir, c'est certain. A considérer la vie d'après le point de vue occidental habituel d'une vie unique, ces peuples peuvent en effet être pris en pitié, comme victimes du caprice d'un Dieu injuste; mais lorsque nous comprenons les Lois de cause à effet et de renaissance, ainsi que les activités exécutées au deuxième ciel, nous comprenons aussi les raisons spirituelles qui commandent les conditions différentes des nations aussi bien que des individus.
Le soleil brûlant, l'aridité du sol et les pluies dévastatrices de l'Inde sont seulement les effets dans le monde matériel des causes appartenant aux mondes spirituels, comme tous les autres actes de la Nature et de l'homme. Il y a pour chaque phénomène une explication spirituelle qui va plus profondément à la racine des choses que les faits matériels; il y a une raison spirituelle à la pauvreté et aux conditions climatiques de l'Inde, de même qu'il y a une cause profonde à notre prospérité. Pour trouver cette cause, il est nécessaire de bien garder dans l'esprit la distinction entre le corps et l'Esprit qui l'habite. Tous les Esprits sont semblables, mais certains se sont développés plus vite que les autres. Les races sont seulement des corps créés par les Esprits, et à mesure qu'une catégorie d'Esprits évolue, elle passe d'une race à l'autre. Les plus avancés font le travail des pionniers et portent la race à son plus haut degré de perfectionnement; lorsque ce degré est atteint par tous, ils forment une race nouvelle et les corps qu'ils ont abandonnés sont pris à leur tour par des Esprits moins développés et, de ce fait, commencent à dégénérer. Ces corps deviennent ensuite inutilisables également pour ces Esprits qui avancent à leur tour et laissent les corps de la race à une autre classe d'Esprits encore moins avancés. Sous l'influence de ces derniers, la race continue à dégénérer et enfin, lorsqu'il n'y a plus d'Esprit suffisamment arriéré pour pouvoir acquérir de l'expérience en utilisant ces formes dégénérées, les femmes deviennent stériles et la race s'éteint: elle a rempli son rôle.
Les Esprits incarnés dans les nations occidentales ont, autrefois, habité des corps hindous: c'était au moment où l'Inde était dans toute sa gloire et où la race évoluait à la fois physiquement et spirituellement. Cela se passait dans ce qui fut appelé l'Age d'Or, où apparurent les écrits sacrés et furent bâtis les grands temples, et où l'évolution matérielle et spirituelle de l'Inde atteignit son apogée.
Mais l'homme était destiné à maîtriser complètement le monde matériel. Lorsqu'il pensait qu'il était avant tout un Esprit, et qu'il avait de ce fait une foi absolue et inébranlable dans la continuité de la vie, qu'il savait positivement que la naissance suit la mort aussi sûrement que la mort suit la naissance, il sentait aussi qu'il avait devant lui une éternité pour progresser; aussi ne faisait-il que peu d'efforts pour développer les ressources du monde matériel.
C'est pour cela qu'il fut nécessaire que l'homme oublie pendant quelque temps la doctrine de la renaissance, en considérant la vie qu'il vivait comme sa seule vie: il a ainsi concentré ses efforts pour tirer le meilleur parti de ses possibilités de progrès matériel. La voie suivie a été décrite dans les précédentes conférences et plus complètement dans la "Cosmogonie Rosicrucienne".
Les Esprits qui habitent maintenant les races occidentales ont donc quitté les corps hindous et ont construit les corps des races qui leur ont succédé, atteignant ainsi graduellement des niveaux de plus en plus élevés de développement matériel pendant leurs vies sur terre; et comme la vie dans le ciel, entre les incarnations sur terre, est le produit de l'incarnation qui vient de s'achever, et la préparation de la suivante, préparation au cours de laquelle nous construisons nos futurs corps et notre futur pays sous la direction de grandes Hiérarchies Créatrices (voir sixième Conférence), c'est évidemment de cette façon que nous avons graduellement construit nos corps actuels si hautement organisés, et notre pays si riche et si beau avec ses ressources naturelles magnifiques et son climat si propice. Nous jouissons là des fruits de notre travail dans nos existences antérieures au ciel et sur terre.
La race Hindoue fut la première race de l'Epoque Aryenne. Depuis que les Occidentaux actuels ont quitté cette race, elle a toujours dégénéré; elle est maintenant habitée par les Esprits les plus arriérés qui soient nés dans des corps aryens. Comme nous avions implanté dans ces corps de fortes tendances spirituelles, l'hérédité a maintenu cette caractéristique dans les corps des Hindous; ils sont donc plus sensibles aux impulsions spirituelles que les corps plus denses des races récentes.
Mais ce n'est pas une spiritualité aussi élevée qu'au temps où les Occidentaux actuels habitaient les corps hindous; les corps ont dégénéré et les esprits sont moins évolués qu'autrefois, et la race hindoue actuelle se caractérise plus par un intellect hautement analytique que par une vraie spiritualité.
Les Hindous ont conservé une conception exacte de la doctrine de la renaissance, perdue temporairement par les Occidentaux; leur foi en elle est absolue et, étant arriérés, ils sont naturellement indolents et ne cherchent pas à améliorer leur condition matérielle ni pendant la vie sur terre, ni entre les incarnations. En conséquence, le pays a dégénéré comme les corps; les souffrances qui en résultent ont pour but de les éveiller à la nécessité de se concentrer sur les choses matérielles, pour qu'ils apprennent à conquérir la Terre comme nous le faisons: ils doivent suivre nos traces et oublier pour un temps leur être spirituel, de manière à apprendre les importantes leçons de ce monde matériel. Le manque de biens matériels les conduira à abandonner le côté spirituel de leur développement et à en réaliser la phase matérielle indispensable. Notre abondance et notre prospérité matérielles ont un but opposé; elles doivent nous en donner le dégoût par satiété, nous conduire à saisir le manque de valeur des biens matériels, nous faire nous tourner à nouveau vers la spiritualité. Dans la mesure même où les inventions nouvelles et les moyens supérieurs de distribution rendront la vie plus facile, le désir de la vie supérieure finira par surpasser celui du succès matériel.
Pour le moment, notre concentration sur les choses matérielles et le progrès qui en résulte ici-bas nous ont donné graduellement un tel élan vers le matérialisme que nous en oublions notre nature spirituelle comme étant une superstition condamnée par les faits scientifiques.
Notre attitude "scientifique" et ultra-matérialiste est exactement l'opposé de l'attitude des Hindous.
Comme les extrêmes se touchent, l'ultra-matérialisme de la pensée occidentale détruit les pays occidentaux, de même que l'indolence orientale a dévasté les Indes Orientales. Il y a en effet un rapport entre le matérialisme, les séismes et autres perturbations.
Dans la "Cosmogonies Rosicrucienne" un chapitre est consacré à la description des différentes couches de la Terre, dans la mesure où il est possible de dévoiler cette connaissance sans initiation; il suffit ici de dire qu'il existe neuf couches de différentes épaisseurs, et que le centre forme la dixième partie, qui est le siège de la conscience de l'Esprit de la Terre.
C'est un fait évident pour l'investigateur en science occulte que l'Esprit de la Terre ressent tout ce que nous faisons. Lorsqu'à l'automne le moissonneur fauche le blé mûr, Il éprouve une sensation de plaisir et de joie d'avoir produit; une sensation pareille à celle qu'éprouve la vache lorsque le jeune veau tète son pis gonflé. Il en est de même lorsque des fleurs sont cueillies, mais lorsque des arbres ou des plantes sont arrachés par les racines, l'Esprit de la Terre en éprouve de la douleur, parce que le règne végétal est pour lui comme les cheveux pour notre corps.
L'Esprit de la Terre n'est pas seulement affecté par nos actes: il ressent aussi notre attitude mentale. Il y a dans la Terre une couche particulière qui reflète nos passions, nos sensations et nos émotions avec une extrême sensibilité, et qui les fait réagir sur nous sous forme d'orages, d'inondations et de tremblements de terre. Le matérialisme est la cause des éruptions volcaniques; plus la vie spirituelle prendra de l'importance, plus ces évènements disparaîtront de la surface de la Terre.
C'est là une affirmation difficile à vérifier pour l'homme ordinaire, aussi n'aurait-elle pas été faite s'il n'était pas possible de donner au moins une certaine preuve indirecte de son exactitude. Cette évidence est tirée de l'étude des tendances générales de la pensée aux époques où eurent lieu les éruptions du Vésuve. La liste des cataclysmes de notre ère commence avec l'éruption qui détruisit Herculanum et Pompéi, où périt Pline l'Ancien, en 79 avant J.-C.; puis viennent les éruptions de 203, 472, 512, 652, 982, 1036, 1158, 1500, 1631, 1737, 1794, 1822, 1855, 1872, 1885, 1891 et 1906.
Il y a eu 18 éruptions en 1900 ans. La première moitié s'est produite en 1600 ans, pendant la période dite de "l'âge de l'obscurantisme" où l'homme était assez ignorant et superstitieux pour croire en Dieu, en les elfes, les fées, et autres "sottises".
Depuis que l'avènement de la science moderne a apporté ses éclaircissements au monde occidental, a démontré la superfluité de Dieu et nous a appris que nous sommes la plus haute intelligence dans le cosmos,
que "le cerveau est une glande qui secrète la pensée comme le foie secrète la bile", que "nous marchons avec la même force que celle qui nous sert à penser", etc., les réactions cataclysmiques ont été beaucoup plus nombreuses. Il y a eu neuf éruptions depuis 300 ans que la science moderne travaille à nous éclairer, contre neuf autres catastrophes en 1600 ans pendant les "âges des ténèbres"; les six premières se sont produites pendant les mille premières années de notre ère, les cinq dernières en une période de 51 ans. Si nous tenons compte des progrès de la science dans le dernier siècle et particulièrement depuis soixante ans, il devient évident qu'avec l'extension du matérialisme, les éruptions volcaniques deviennent plus nombreuses; plus il s'étendra, plus il y aura de points touchés sur la Terre par ces éruptions.
Il ne faut pas déduire de ces explications que la science soit préjudiciable aux yeux de l'occultiste: elle a sa place légitime dans l'éducation de la race humaine; mais lorsqu'elle divorce d'avec la religion et devient matérialiste, comme ce fut le cas dans les temps modernes, elle devient une menace pour l'humanité. Il fut un temps où religion, art et science étaient unis et enseignés ensemble dans les temples des mystères, ceci même jusqu'au temps de la Grèce; mais comme nous en sommes au stade de la séparativité et de la spécialisation, ils ont été séparés pour un certain temps, afin de leur permettre d'atteindre une perfection plus grande qu'il n'eût été possible s'ils étaient restés unis. En temps voulu, ils seront à nouveau réunis tous les trois; c'est alors, et alors seulement, que nous trouverons la satisfaction complète du coeur, de l'intelligence et des sens. Le coeur goûtera l'aspect religieux cérémonial, l'intellect sera satisfait par le côté scientifique, et le sens esthétique de la nature humaine appréciera les différents arts tels qu'ils seront employés dans le service du temple de l'avenir.
Quand l'homme aura spiritualisé son être sous l'influence de la religion artistique et scientifique de l'avenir, il aura appris la maîtrise de soi et sera devenu secourable pour ses semblables; il sera alors un gardien sûr du Pouvoir de la Pensée, grâce auquel il sera capable de former des idées justes qui seront immédiatement concrétisées en choses utiles. Cela s'accomplira au moyen du larynx qui prononcera le Verbe créateur.
Toutes choses dans la Nature ont été appelées à l'existence par le Verbe qui s'est fait chair (Jean 1). Le Son (Verbe) ou Pensée parlée sera la prochaine force de l'homme en manifestation, une force qui fera de nous des hommes-dieux créateurs, lorsque par notre actuel apprentissage, nous nous serons rendus aptes à utiliser un pouvoir si énorme, pour le bien de tous, sans égard à notre intérêt personnel.