DUMAS Le Grand Dictionnaire de Cuisine (09)

Ce fut mon chien d'arrêt qui le dénicha et qui, par la
fixité de son regard, me le dénonça.
Je tuai donc un lièvre branché, comme j'aurais fait d'un
faisan ou d'une gelinotte.
Levraut à l'anglaise. - Dépouillez un levraut jeune et
tendre sans lui couper les pattes, et, pour qu'il reste en son
entier, échaudez-lui les oreilles comme celles d'un cochon de
lait; retirez-lui, par une petite ouverture, les poumons et le
sang; prenez le foie, ôtez-en l'amer, hachez-le très menu,
faites une panade un peu desséchée avec de la crème,
pilez-la avec le foie, mettez autant de beurre qu'il y a de
panade, quatre jaunes d'oeufs crus, sel, poivre et fines
épices; coupez un gros oignon en petits dés, faites-le cuire à
blanc et joignez-le à votre farce, avec une pincée de petite
sauge que vous aurez passée au tamis; mêlez le tout et
incorporez-y le sang du levraut; goûtez cette farce si elle
est de bon goût, remplissez-en le corps de votre levraut,
cousez-le, cassez-lui les os des cuisses et fixez-lui les pattes
de derrière sous le ventre; donnez une attitude à la tête et
aux pattes de devant, comme s'il était au gîte; mettez-le à
la broche en lui conservant cette position; lardez-le,
enveloppez-le de papier, faites-le cuire environ cinq quarts
d'heure; avant de le retirer du feu, ôtez-lui le papier,
supprimez-en le lard, et servez-le avec une saucière
remplie de gelée de groseilles fondue au bain marie.
Lièvres et levrauts rôtis. - Dépouillez et éventrez votre
gibier, frottez-le de son sang et faites-le refaire sur la
braise; piquez-le ensuite de menu lard et mettez-le à la
broche, faites cuire et servez chaudement avec une sauce
douce faite avec du sucre et de la cannelle, ou une sauce au
vinaigre avec sel, poivre et oignons piqués de clous de
girofle.
Lièvre à la bourgeoise. - Prenez un lièvre dont vous
coupez les membres; mettez le sang à part, lardez la viande
avec du gros lard, faites-le cuire avec du bouillon, une
chopine de vin blanc, un bouquet de persil, ciboules, ail,
clous de girofle, muscade, thym, laurier, basilic, sel et gros
poivre; faites cuire le tout à petit feu. Pilez très fin le foie du
lièvre, passez-le au tamis avec une goutte de bouillon et
mêlez le sang avec. Quand ce ragoût est cuit à propos et la
sauce tout à fait réduite, mettez-y le sang et le foie passés,
faites lier la sauce sans qu'elle bouille, ajoutez-y un peu de
câpres entières, et servez.
Levrauts à la suisse. - Coupez-les par quartiers, lardezles
de gros lard, faites-les cuire avec du bouillon, un verre de
vin blanc, sel, poivre et bouquet de fines herbes. Quand la
sauce sera assez liée, ôtez-les du feu et servez-les avec un
jus d'orange, après les avoir assaisonnés d'un ragoût fait
avec le foie, le sang et un peu de farine mêlés, avec un peu
de vinaigre, quelques olives, et un peu de câpres entières.
Civet de lièvre. - Dépouillez et videz un lièvre, coupezle
par morceaux, en ayant soin de conserver le sang dans
un endroit frais. Faites un roux avec un peu de farine et de
beurre, faites revenir dans ce roux quelques morceaux de
petit salé ou de lard, mettez-y votre lièvre et mouillez-le
quand il sera chaud, avec moitié bouillon, moitié vin
rouge; ajoutez-y du sel, poivre, bouquet garni, une gousse
d'ail, un oignon piqué de deux clous de girofle et un peu de
muscade râpée. Quand le lièvre sera à moitié cuit, vous y
joindrez le foie et le poumon. Faites cuire à grand feu
jusqu'à réduction des trois quarts. Ayez alors deux
douzaines de petits oignons que vous glacez dans une
casserole avec un peu de beurre, un demi-verre de vin
blanc, jusqu'à belle couleur blonde; ajoutez aussi des
champignons et des fonds d'artichauts coupés en
morceaux; faites aussi, en même temps, frire à l'huile de
petits croûtons de mie de pain.
Toutes ces garnitures préparées, vous liez votre civet
avec le sang que vous aviez en réserve; dressez alors votre
lièvre sur le plat, couronnez-le avec les petits oignons
glacés, versez la sauce dessus, ajoutez les champignons, les
fonds d'artichauts, le petit salé; garnissez le tout avec vos
petits croûtons frits, et servez chaudement.
Levraut à la broche. - Prenez un levraut bien jeune et
bien tendre, coupez les deux pattes de devant près de la
jointure. Dépouillez-le, videz-le, passez votre doigt entre
ses quasis pour le mieux nettoyer, crevez les diaphragmes,
retirez les poumons et le foie et mettez-les avec son sang
dans un vase; coupez à moitié les pattes de derrière,
passez-en une dans le jarret de l'autre, rompez les cuisses
vers le milieu, refaites votre lièvre sur le feu, essuyez-le,
frottez-le entièrement de son sang avec votre main, piquezle
ou lardez-le, mettez-le à la broche, faites-le cuire environ
trois quarts d'heure, retirez-le et servez-le avec une sauce
poivrade que vous lierez avec son sang, en ayant soin de ne
pas la laisser bouillir.
Levraut au sang. - Prenez cinq pigeons en vie, tuezles,
mettez le sang sur une assiette, avec un jus de citron
pour empêcher qu'il ne tourne, échaudez les pigeons et
troussez- les, les pattes en dedans, faites-les blanchir et
passez-les avec du beurre, joignez-y un bouquet garni, une
tranche de jambon, un ris de veau blanchi, des
champignons, truffes. Mouillez avec un peu de réduction et
de bouillon, faites cuire et assaisonnez de bon goût, puis
liez-le avec le sang, en le remuant sur le feu pour
l'empêcher de tourner et sans le laisser bouillir. Laissez
refroidir, prenez ensuite un levraut que vous dépouillez et
videz en mettant son sang avec celui des pigeons avant que
le ragoût soit lié; levez la chair du levraut par filets,
hachez-la avec un peu de jambon cru, du persil, ciboules,
champignons, ail, liez cette sauce avec cinq jaunes d'oeufs et
mêlez cette farce avec autant de petit lard coupé en
morceaux et haché; foncez ensuite une poupetonnière de
bardes de lard, mettez-y la farce, faites un trou dans le
milieu pour y mettre le ragoût de pigeons, l'estomac en
dessous, recouvrez-le de la même farce et de bardes de
lard, mettez un couvercle sur la poupetonnière et faites
cuire au four; égouttez-le de sa graisse, dressez-le dans le
plat que vous devez servir, en prenant garde de la rompre, et
saucez avec un coulis au vin de Champagne.
Levraut sauté à la minute. - Dépouillez, videz et
coupez par morceaux un jeune levraut, mettez-le dans une
casserole avec beurre, sel, poivre, épices, faites cuire à un
feu vif en remuant tous les morceaux l'un après l'autre afin
qu'ils cuisent également. Lorsqu'ils sont fermes et qu'ils
résistent sous la pression des doigts, ajoutez d'abord fines
herbes, échalotes et persil hachés, quelques champignons,
puis une cuillerée à bouche de farine, un verre de vin blanc
et un peu de bouillon. Retirez votre ragoût quand il est sur
le point de bouillir, et servez.
Terrine de lièvre ou de levraut. - Dépouillez un lièvre,
ôtez-en la peau et levez-en les filets, piquez-les d'un moyen
lard bien assaisonné, mettez deux ou trois bardes de lard au
fond d'une terrine, et quelques tranches de jambon,
assaisonnez de sel, poivre, fines épices, arrangez les filets
de lièvre dans la terrine et assaisonnez dessus comme
dessous, ajoutez des truffes vertes et quelques
champignons, couvrez ces filets de tranches de boeuf bien
battues avec des bardes de lard, couvrez la terrine de son
couvercle, mettez de la pâte autour et faites cuire feu
dessus et dessous, sans que le feu soit trop vif. Le tout
étant cuit, vous découvrez la terrine, vous ôtez les tranches
de boeuf et de lard, dégraissez la sauce, voyez si elle est
d'un bon goût, jetez dedans une essence de jambon, et
servez chaudement.
Pâté de lièvre. - Désossez un lièvre par morceaux,
piquez les chairs avec des lardons assaisonnés de sel,
poivre, épices, échalotes et persil hachés, faites cuire à
moitié avec du beurre; hachez le foie avec une livre de lard
gras ajoutez un oignon, une échalote, le quart d'une gousse
d'ail, persil, thym et laurier hachés à part, épices, poivre,
sel, un petit verre d'eau-de-vie; faites une masse compacte
d'un lit de farce d'abord, puis de jambon et autres viandes,
de volailles, faites cuire deux heures ou mettez-le en
terrine à votre choix.
Pâté de levraut en fusée. - Désossez votre levraut et
levez-en tous les filets, hachez-les très fin, ajoutez persil,
ciboules, champignons, une pointe d'ail, une livre de lard
râpé, dix jaunes d'oeufs; faites une farce avec trois
quarterons de lard coupé en petits dés, du jambon coupé de
même, une chopine de crème, sel, fines épices mêlées,
maniez le tout ensemble, dégraissez votre pâté, mettez au
fond des bardes de lard, la viande dessus, couvrez de
bardes de lard et d'une abaisse de même pâte et faites cuire
environ deux heures.
Côtelettes de lièvre à la Melville. - (Recette
empruntée à M. Legogué, ancien chef des cuisines de lord
Melville, ministre de la marine anglaise).
«Si je donne la recette de ce mets, dit cet
excellent cuisinier, ce n'est point parce que j'en suis
l'inventeur, et que ces côtelettes portent le nom de
l'honorable seigneur à qui j'ai eu l'honneur de les servir
plusieurs fois; amour- propre d'autrui à part, les côtelettes
de lièvre, telles que je vais les décrire, méritent de paraître
sur une bonne table et c'est à ce titre qu'elles trouvent
naturellement leur place dans ce livre. Et qu'on ne s'imagine
pas que la confection de ce mets va exiger le sacrifice de
cinq ou six lièvres, comme je lis par exemple dans un livre
de haute cuisine que, pour une blanquette de lapereaux, il
faut lever les filets de dix lapereaux; non, il ne nous faudra
que deux moitiés de lièvre: il est vrai que ces deux moitiés
sont les parties de devant et qu'il est absolument nécessaire
de se procurer deux lièvres, mais les deux autres moitiés,
les parties de derrière ne seront point perdues, comme nous
le dirons tout à l'heure. Revenons maintenant à nos
côtelettes.
Dépouillez et videz deux lièvres dont vous conservez le
sang. Enfoncez le couteau le long de l'épine du dos jusqu'à la
cuisse et alors, glissant les doigts entre les os et le filet,
détachez le filet sans cependant séparer de la cuisse la
partie, c'est-à-dire le gros bout qui y tient; passez la pointe du
couteau sous cette partie, en appuyant le pouce sur la peau
nerveuse, et faites comme si vous tiriez à vous le filet, la
peau nerveuse reste et le filet se trouve aussi détaché et
paré tout à la fois. Lorsque vous avez levé de cette manière
les quatre filets, vous les étendez sur une table et vous les
partagez chacun en trois morceaux; vous les coupez en
biais, de telle sorte qu’ils aient un gros bout et un bout plus
fin et plus allongé; vous les aplatissez bien légèrement et
vous les parez en leur donnant la forme de côtelettes, ce qui
est facile, puisqu'ils sont coupés en biais.
Prenez alors le petit os qui se trouve dans l'aileron des
poulets, taillez-le en pointe par un bout et faites-le entrer
dans la côtelette. Faute d'os de poulet, servez-vous des
petits os qui sont sur les côtes du lièvre et qui imitent assez
bien les véritables os des côtelettes de mouton ou d'agneau.
Les côtelettes de lièvre étant ainsi préparées,
assaisonnez-les de poivre et de sel, passez légèrement sur
chacune d'elles un pinceau de plumes trempé dans un jaune
d'oeuf battu, panez-les de mie très fine. Ayez du beurre
fondu bien chaud; trempez-y les côtelettes, panez- les une
seconde fois, passez légèrement dessus la lame d'un
couteau pour les lisser; mettez du beurre fondu dans un plat
à sauter; placez-y les côtelettes de lièvre et faites- les sauter
comme des côtelettes ordinaires.
La sauce qui convient à ces côtelettes ainsi préparées
se fait de la manière suivante: foncez une casserole avec des
tranches d'oignons et des lames de carottes; prenez les
débris sur lesquels vous avez levé les filets, divisez avec le
couperet les morceaux qui seraient trop gros, et mettez-les
dans la casserole. Mouillez d'un verre de vin blanc et
ajoutez une gousse d'ail, deux clous de girofle et un
bouquet garni; faites suer le tout, quand il ne reste plus de
mouillement, vous y versez une cuillerée à pot de bouillon
pour obtenir l'essence qui s'est formée et que vous passez à
travers un tamis après une demi-heure de cuisson, si vous
avez de l'espagnole vous la travaillez avec cette essence; si
vous n'en avez pas, vous mouillez un peu plus les débris et
vous faites un petit roux. Au moment de servir, vous liez
l'une ou l'autre sauce avec le sang que vous avez mis en
réserve.
Quant aux quatre cuisses qui nous restent de nos deux
lièvres, elles ne seront pas perdues comme nous l'avons
dit; nous en ferons un civet ou nous les apprêterons de
toute autre manière, et vous voyez que notre plat de douze
côtelettes à la Melville peut se confectionner sans une
dépense bien considérable. Or, ce que nous voulons dans
notre cuisine, c'est que tout y soit aussi bon que possible
avec les moyens les plus simples et les moins dispendieux.
Filets de lièvre piqués. - (Recette du même). Après
avoir levé les filets comme il est dit ci-dessus, vous les
piquez entièrement, vous leur donnez une forme arrondie
ou en serpenteau, et vous les couchez dans une casserole
sur des bardes de lard minces. Vous les garnissez de lames de
carottes et de tranches d'oignons et les assaisonnez d'un peu
de thym, d'une feuille de laurier, de deux clous de girofle,
de poivre et de sel. Mouillez-les avec du bouillon, couvrezles
d'une feuille de papier beurré et faites-les cuire
doucement, feu dessus et dessous, pendant trois quarts
d'heure. Glacez-les, si c'est nécessaire, et servez dessous
soit une sauce poivrade ou piquante, soit une litière
quelconque, champignons ou chicorée.
Filets de lièvre marinés et sautés. - Les filets étant
piqués, mettez-les, pendant huit jours, dans une marinade
faite de la manière suivante: sel, poivre, deux feuilles de
laurier, thym, persil en branche, oignons coupés en
tranches, quatre clous de girofle, un verre de vin blanc sec et
un demi-verre de vinaigre à l'estragon. Quand vous voulez
employer ces filets, égouttez-les sur un linge blanc de
manière à les sécher, et faites-les sauter comme les
côtelettes sautées.
Limande. - Poisson plat, plus petit que la sole et le
carrelet et facile à reconnaître à sa couleur jaunâtre dessus et
blanche dessous. Sa chair est blanche et fort agréable,
moins délicate cependant que celle du carrelet.
La limande se prépare comme la sole et le carrelet. (V.
CARRELET)
Limon. - Genre de citron avec lequel on fait le plus
souvent la limonade et dont nous avons indiqué l'emploi à
l'article CITRON.
Suc de limon. - Prenez un demi-cent de limons,
coupez-les en deux, pilez-les, retirez-en avec soin tous les
pépins et écrasez-en la chair dans un vase quelconque;
vous laissez fermenter pendant vingt-quatre heures et vous
exprimez le jus que vous épurez en le passant à travers du
papier brouillard; vous le versez dans des bouteilles avec
un peu d'huile d'olive à l'orifice et vous le mettez à la cave où
il peut se conserver très longtemps, et vous vous en servez
au besoin en ayant bien soin d'extraire jusqu'à la moindre
goutte d'huile qui pourrait encore se trouver dans le goulot.
Liqueur. - On comprend en général sous cette
dénomination les boissons artificiellement extraites de
certains végétaux ou de leurs produits, tels que le raisin, la
cerise, etc., ou que l'on compose en combinant l'alcool avec
d'autres substances sucrées et plus ou moins aromatiques.
Ce furent les Arabes qui, les premiers, retirèrent par la
distillation des liqueurs fermentées, une substance
inflammable à laquelle ils donnèrent le nom d'arrak, parce
qu'ils commencèrent à la retirer du riz, et que nous
appelâmes alcool, qui désigne le produit inflammable de
toutes sortes de substances en fermentation.
On a prétendu que les liqueurs ne dataient que de la
vieillesse de Louis XIV, et que Fagon, son premier
médecin et en même temps chimiste fort distingué, les
avait inventées pour réconforter et rajeunir le vieux
monarque; il est avéré cependant qu'on fabriquait, sous le
règne de Louis XII, d'excellents ratafias et que les élixirs
étaient déjà connus du temps de Charles VII.
On consomme plus ou moins de liqueurs suivant le
climat ou la température du pays que l'on habite; dans le
Midi, par exemple, où une sensibilité extrême et une
chaleur excessive repoussent toute liqueur ou boisson
brûlante, on n'en consomme que de douces; dans le Nord, au
contraire, les habitants cherchent dans les liqueurs fortes et
très spiritueuses un moyen de se réveiller de
l'engourdissement dans lequel les plonge la température
froide de leur climat, où elles paraissent souvent faibles et
impuissantes à amener la chaleur intérieure du corps, c'est
ce qui fit dire à Montesquieu qu'il faut écorcher un
Moscovite pour exciter sa sensibilité. Cet abus, presque
nul dans la zone torride, augmente à mesure qu'on s'en
éloigne, et en Irlande et en Ecosse on consomme beaucoup
de liqueurs.
Il était même d'usage dans ce dernier pays de donner
tous les ans, le jour de la Sainte-Cécile, un grand concert
où l'on invitait par billet les plus belles dames de la ville.
Après le concert, les souscripteurs se réunissaient dans une
taverne et soupaient ensemble; on plaçait ensuite sur la
table une boîte qu'on appelait l'enfer et dans laquelle on
jetait l'un après l'autre les billets remis aux dames en
proclamant leur nom; les billets de celles qui ne trouvaient
aucun champion prêt à boire étaient jetés dans la boite, et
celui qui buvait le plus (pourvu qu'il pût terminer cet
exploit en avalant d'un seul coup un grand verre qui portait
le nom de sainte Cécile et qui à l'ordinaire renversait ivre
mort le buveur) était proclamé vainqueur et autorisé à aller,
le lendemain, chez celle dont il avait pris le parti, lui
présenter son billet en se glorifiant d'avoir eu l'honneur de
s'enivrer pour elle. J'ai connu, dit Odier, des dames en
l'honneur desquelles un de ces braves avait bu jusqu'à dixsept
ou dix-huit bouteilles de punch servant à cette débauche,
et elles en étaient toutes fières. Il résulte des observations
faites par les savants que ceux qui boivent avec excès des
liqueurs meurent très jeunes, ou arrivent à un degré
d'abrutissement, d'abattement, d'inquiétude et même de
folie encore plus à redouter que la mort.
Bien que la confection des liqueurs concerne plus
particulièrement la distillation et la pharmacie, nous avons
donné, à leur ordre alphabétique, des recettes de toutes
celles que des particuliers peuvent faire.
Loche. - Petit poisson de rivière de la taille d'un
éperlan, et qui s’apprête de même.
Longe. - On appelle ainsi la partie du veau à laquelle
le rognon adhère. (V. à l'article VEAU)
Lotte. - Excellent poisson d'eau douce tenant de
l'anguille et de la lamproie. On l'apprête dans les cuisines
comme l'anguille, et plusieurs personnes les confondent
avec les barbotes qui ne le valent point.
Lottes à la bonne femme. - Limonez des lottes et
faites-les cuire avec du vin blanc, de l'oignon coupé en
tranches, persil, ciboules, basilic et poivre, girofle et
beurre. Cuites, dressez et les servez dans leur courtbouillon.
Lottes à la Villeroi. - Limonez des lottes et videz-les
sans ôter les foies, foncez une casserole de tranches de
veau et de jambon, et faites-les suer trente minutes. A
moitié cuites, mettez-y vos lottes, avec sel, poivre, persil,
ciboules, champignons, gousse d'ail, citron, laurier, beurre;
faites cuire à petit feu. Vous trempez les lottes dans leur
sauce, les passez et leur faites prendre couleur au four;
passez ensuite la sauce au tamis, dégraissez-la, mettez-y
une cuillerée de coulis, faites-la réduire, dressez les lottes
dans un plat, la sauce dessus, et servez.
Lottes au vin de Champagne et aux crêtes. - Prenez
dix ou douze lottes, échaudez-les, limonez-les, videz-les et
gardez-en les foies, piquez-les d'un côté et faites-les cuire
dans une bonne braise avec du vin de Champagne; faites
une glace avec de la rouelle de veau et du bouillon, glacezen
vos lottes; ayez ensuite une bonne essence dans laquelle
vous aurez mis un verre de vin de Champagne, mêlez-y des
crêtes cuites dans un blanc, faites-leur prendre quelques
bouillons avec les foies de lottes, dressez-les sur un plat en
les entremêlant avec les crêtes, et servez chaudement avec
un jus de citron.
Lottes au lard glacées. - Limonez les lottes, laissezleur
les foies dans le corps, piquez-les d'un côté avec du
petit lard, coupez en petits dés une livre de rouelle de veau
que vous faites suer dans une casserole, mouillez-la de
bouillon, faites-la cuire et passez ce bouillon au tamis;
ajoutez-y les lottes, un bouquet garni, une tranche de
jambon, faites cuire le tout ensemble, glacez les lottes
comme un fricandeau, finissez-les de même, et servez avec
un jus de citron.
Louise-bonne. - Belle poire d'automne qu'on grille
qu'on met en compote ou qu'on mange crue.
M
Macaron. - Pâtisserie de menu service et de petit four
faite de sucre, de farine et d'amandes douces pilées, taillées
en petit pain plat et de figure ronde ou ovale.
Macarons aux noisettes avelines. - (Suivant la formule
de la maison de Madame, épouse de Monsieur, frère du
roi).
Mettez dans un grand poêlon d'office quatre onces
d'amandes d'avelines, qu'elles sortent de la coquille, et
torréfiez-les sur un feu modéré en les remuant
continuellement avec une grande cuiller d'argent; aussitôt
que les avelines commencent à se colorer, que la pellicule se
détache, vous les retirez du feu pour parer aussitôt les
amandes; cette opération faite, vous recommencerez trois
fois encore la dose d'avelines afin d'en avoir une livre.
Vous commencez par piler le quart d'avelines qui a été
préparé le premier, elles doivent se trouver froides, sans
cela, il faudrait attendre qu'elles le fussent; vous aurez
soin de les mouiller par intervalle avec un peu de blanc
d'oeuf pour les empêcher de tourner à l'huile, et
lorsqu'aucun fragment n'est plus aperçu, vous retirez les
amandes du mortier et vous les remplacez par un autre
quart pilé de la même manière et avec les mêmes attentions
que les premières. Vous recommencez la même opération
jusqu'à ce que la livre d'avelines soit entièrement et
parfaitement pilée; vous la réunissez dans le mortier et la
pilez avec une livre de sucre et deux blancs d’oeufs, pendant
dix minutes, ensuite vous y joignez deux livres de sucre
passé au tamis de soie que vous aurez travaillé pendant dix
minutes avec six blancs d'oeufs. Amalgamez parfaitement
le tout avec une spatule et après avoir remué cinq à six
minutes, l'appareil doit se trouver mollet; pourtant les
macarons ne doivent pas s'élargir lorsque vous les
couchez; s'ils se trouvent trop fermes, vous y mêlez le
blanc d'oeuf nécessaire pour qu'ils s'attachent au doigt en y
touchant.
Ensuite, vous mettez au four six macarons d'épreuves
et après leur cuisson, vous mouillez l'intérieur de vos
mains, dans lesquelles vous roulez une cuillerée
d'appareil. Couchez les macarons de la grosseur d'une noix
muscade et continuez ainsi à former vos macarons, après
quoi, vous trempez vos mains dans de l'eau et les posez
légèrement sur les macarons, afin de les rendre luisants à
leur surface; vous les mettez au four que vous fermez
hermétiquement pendant trois quarts d'heure. Vous devez
les retirer de belle couleur et de bonne mine.
On doit avoir l'attention de coucher les macarons à un
pouce de distance entre eux et de les former aussi ronds
que possible. On couche également ces macarons en forme
de grosses olives, sur lesquelles on sème de gros sucre et
quelquefois mêlé de pistaches hachées. On les garnit
encore en forme de hérisson, en piquant à leur surface des
filets de pistaches.
Macarons d'amandes amères. - Prenez 500 grammes
d'amandes amères que vous moudrez et ferez sécher à
l'étuve, puis vous les pilerez avec trois blancs d'oeufs, afin
qu'elles ne tournent pas à l'huile, vous les mettez dans une
terrine avec 1 kilo 500 gr. de sucre en poudre; dressez vos
macarons comme il est indiqué ci dessus et mettez-les au
four à un feu très modéré.
Macarons d'amandes douces. - Vous émondez et
faites sécher 500 gr. d'amandes douces, comme il est
indiqué précédemment, vous les pilez de même et suivez
exactement les mêmes procédés, en y ajoutant seulement
une râpure de citron que vous mêlez avec le sucre et
l'amande, vous dressez et faites cuire de même.
Macarons soufflés aux noix vertes. - Vous épluchez
et coupez par filets 500 gr. de noix vertes que vous mêlez
avec 75 gr. de sucre et un peu de blanc d'oeuf que vous
faites sécher au four.
Laissez-les refroidir; préparez la glace avec deux
blancs d’oeufs et 1 kilo de sucre très fin; joignez-y les noix
vertes et terminez l'opération comme de coutume.
Tourons d'amandes. - Emondez une quantité
quelconque d'amandes douces en y ajoutant des pistaches et
quelques avelines émondées de même, vous pralinez le tout
dans 250 gr. de sucre. Refroidies, ajoutez-y trois blancs
d'oeufs, une pincée de fleur d'oranger et du sucre en
poudre; remuez jusqu'à liaison complète. Dressez comme
les macarons et cuisez à four modéré.
Massepains de Turin. - Faites une pâte maniable et
ferme avec douze cuillerées de fleur de farine, six de sucre en
poudre, deux oeufs, la râpure d'un citron et environ 25 gr.
de beurre bien frais; mêlez le tout ensemble, et dans le cas
où deux oeufs ne suffiraient pas, ajoutez-en un troisième.
Votre pâte étant bien faite, ni trop liquide, ni trop épaisse,
vous l'étendez sur une table et la maniez jusqu'à ce que
vous puissiez la rouler facilement avec la main; vous en
formez alors de petits dessins ou de petits pains très minces
que vous arrangez à mesure sur une feuille de papier
beurré; vous dorez les massepains avec deux jaunes d'oeufs
et vous les mettez à un four assez vif.
Macaroni. - Le macaroni a été apporté en France par
les Florentins, probablement à l'époque où Catherine de
Médicis vint épouser Henri II. Mais la mode n'en fit pas
fureur, tout le monde connaît ces longs tuyaux de pâte
semblables à de gros vermicelles creux et dont le nom
indique assez l'origine.
L'Italie, Naples surtout est la patrie du macaroni, où là,
comme chez nous les pommes de terre, préparé de mille
manières différentes, en potage, au gratin, toujours
accompagné de parmesan râpé, il figure sur toutes les
tables, celles des riches comme celles des pauvres: les
lazzaroni napolitains ne vivent guère que de macaroni, de
figues d'ail et d'eau glacée. Toutes les espèces de farine
avec lesquelles on fait le pain, peuvent servir également à
faire le macaroni; mais on emploie de préférence le blé à
petits grains serrés qui vient d'Odessa, réduit en semoule;
cette semoule convertie en pâte, pilée et écrasée, est mise
dans un cylindre métallique enveloppé d'un réchaud, au
fond duquel se trouve un crible percé de petites fentes de la
largeur qu'on veut donner aux lamelles du macaroni; au
moyen d'une pression la pâte est chassée de ce moule, et
sort en lanières dont on rapproche ensuite les bords qui se
collent et forment ainsi les tubes livrés à la consommation.
Les véritables gourmands introduisent dans ces tubes, à
l'aide d'une petite seringue, un jus de poisson ou de viande.
Maintenant, passons à la manière dont se préparent ces
tubes de pâtes.
Il ne faut pas choisir ces tubes trop gros, mais de la
grosseur d'un gros fétu de paille, on les met dans l'eau et le
sel ou plutôt dans le bouillon, on les fait cuire aux trois
quarts, de manière à ce qu'ils grossissent dans le corps, ché
cresca in corpo. Vous avez fait d'avance râper trois quarts de
fromage de parmesan qui attendent le jus de boeuf dont ils
doivent être arrosés.
Voici comment se prépare ce jus de boeuf:
Vous mettez trois livres de pointe de culotte dans une
grande casserole avec six tomates et six oignons blancs
d'Espagne, vous mouillez votre boeuf, vos oignons et vos
tomates avec un consommé fait de la veille; vous laissez
bouillir trois heures, vous passez votre bouillon à travers
une passoire; vous faites au fond d'une soupière un fond de
macaroni, sur ce fond de macaroni vous étendez en le
semant avec la main un fond de fromage de parmesan, sur
ce fond de parmesan vous étendez avec une cuiller à pot
une couche de bouillon mêlé de tomates et d'oignons
blancs, dans lequel vous aurez mis sel, poivre, gousse d'ail,
et un peu de piment rouge; vous recommencez à étendre une
couche de macaroni, sur la couche de macaroni une couche
de parmesan râpé, enfin une couche de bouillon aux tomates,
au jus de boeuf et aux oignons; vous continuez jusqu'à ce
que votre soupière soit pleine, et vous versez le reste de
votre casserole sur le haut de votre potage. N'oubliez pas
surtout de foncer la casserole de jambon de Mayence qui,
cuit et réduit lui- même en bouillie, passera pressé avec un
tampon à travers les trous de votre passoire, servira à lier
votre bouillon de boeuf de tomates et d'oignons.
Servez en guise de potage, avec un verre d'eau glacée
par-dessus.
A Naples, le verre d'eau glacée est de rigueur. (Recette
de Mme Ristori).
Que l'on ne se figure pas que les lazzaroni se donnent
toute cette peine pour faire leur macaroni, ils se contentent
de faire bouillir leurs pommes d'or avec de l'eau, du sel, du
poivre et un peu de piment, s'ils en ont.
Macaroni à la ménagère. - Vous faites bouillir
pendant trois quarts d'heure dans l'eau une livre de
macaroni avec un morceau de beurre, du sel et un oignon
piqué de girofle; vous le faites ensuite bien égoutter et
vous le mettez dans une casserole avec un peu de beurre,
un quart de fromage de gruyère râpé et autant de parmesan,
également râpé, un peu de muscade, de gros poivre,
quelques cuillerées de crème, et vous faites sauter le tout
ensemble; quand votre macaroni filera, dressez-le et servez.
Macaroni au gratin. - Votre macaroni étant préparé
comme il est dit ci-dessus, vous le saupoudrez de mie de
pain et de fromage râpé, et vous le faites gratiner sous un
four de campagne.
Timbale de macaroni. - Vous faites une abaisse un peu
mince avec de la pâte brisée, et vous la coupez par petites
bandes que vous roulez de manière à en faire de petites
cordes; vous beurrez ces cordes l'une après l'autre et les
déposez dans un moule en le garnissant entièrement; vous
remplissez ce moule de macaroni, sur lequel vous semez
moitié parmesan râpé et moitié mie de pain, et vous mettez
votre timbale à un four chaud; vous la laissez cuire trois
quarts d'heure, et vous la servez.
Macaroni à la Napolitaine. - Cuisez dans l'eau de sel,
dressez-le dans la soupière, en alternant les couches de
macaroni et de parmesan, arrosez avec du jus et versez sur la
dernière couche du beurre fondu dans la proportion d'une
demi-livre de beurre pour deux livres de macaroni, et faites
cuire le tout ensemble.
Les timbales de lazagnes, de nouilles et de macaroni
se préparent comme le macaroni à la napolitaine, seulement
on y ajoute une garniture composée de truffes,
champignons, crêtes de coq, carrés de jambon maigre et
tranches de langue à l'écarlate; le tout marié avec de bon
beurre frais, on garnit la timbale de pâte, comme il est dit cidessus,
et on la met cuire au four de campagne.
Macédoine. - On donne ce nom à un mélange de
comestibles dont nous avons déjà parlé à l'article
CHARTREUSE.
Macédoine de légumes printaniers. - Il faut toujours
choisir des légumes de première qualité: carottes, navets,
pointes d'asperges vertes, haricots verts, petits pois, petits
haricots blancs commençant à grossir; on peut y joindre
aussi quelques petites fèves de marais, des fonds
d'artichauts et des concombres; vous tournez les carottes et
les navets et leur donnez des formes variées et gracieuses,
vous coupez les haricots verts en losanges et les asperges
vertes en petits bâtonnets; vous faites blanchir tous ces
légumes, puis vous les égouttez; faites fondre dans une
casserole un bon morceau de beurre frais, et, quand il sera
fondu, jetez-y vos légumes, en y ajoutant un peu de sucre en
poudre; remuez doucement sur le feu; finissez la macédoine
avec quelques cuillerées de béchamel et dressez la en
pyramide sur le plat.
Cet entremets de légumes printaniers forme un des mets
les plus agréables et des plus excellents à manger.
Macédoine de fruits transparente (V. FRUITS).
Mache. - Herbe potagère que l'on mange en salade en
l'associant avec la betterave, le céleri, la chicorée blanche et
les endives de conserve. Cette salade, très tendre et très
savoureuse, est la première du printemps.
Macis. - C'est l'enveloppe intérieure membraneuse du
brou de la muscade. On l'emploie fréquemment comme
aromate dans la bonne cuisine; on s'en sert aussi
quelquefois dans les compositions de l'office.
Macreuse. - On peut appeler cet oiseau gibier de
carême, car tout le monde sait qu'il est classé parmi les
aliments maigres comme la sarcelle et le bécharut.
La macreuse participe du poisson; elle a l'apparence du
canard et demeure presque toujours sur la mer, où elle
plonge jusqu'au fond de l'eau pour aller chercher dans le
sable les petits coquillages dont elle se nourrit; elle vit
aussi d'insectes, de plantes marines et de petits poissons, ce
qui contribue beaucoup à donner à sa chair la saveur et le
parfum qu'elle possède: la meilleure est la macreuse noire;
la grise, qui est la femelle et que les mariniers appellent
bizette, est pourvue d'un certain goût sauvage et marin
qu'aucun assaisonnement ne saurait dominer. Le savoir des
plus habiles cuisiniers n'a jamais pu triompher dans cette
entreprise, et la macreuse au chocolat, qui est le chefd'oeuvre
de l'art, a trouvé peu d'appréciateurs.
Macreuse rôtie. - Après avoir plumé, vidé et fait
revenir votre macreuse, vous la mettez à la broche et
l'arrosez en cuisant avec du beurre, du poivre, du sel et du
vinaigre, puis servez-la, quand elle est cuite, avec une
sauce Robert, ou bien un ragoût fait avec le foie haché bien
menu, des champignons ou des mousserons, sel, poivre et
muscade; faites cuire le tout ensemble, ajoutez-y un jus
d'orange, et servez chaudement.
Macreuse en ragoût au chocolat. - Ayant plumé,
vidé, lavé votre macreuse, vous la faites blanchir, puis vous
l'empotez, avec sel, poivre, laurier, un bouquet de fines
herbes; jetez dedans un peu de chocolat que vous aurez
préparé comme si c'était pour boire. Préparez en même
temps un ragoût avec des foies, champignons, morilles,
truffes, mousserons, marrons, ou tel autre ragoût que vous
voudrez, et lorsque votre macreuse est cuite, vous la
dressez dans un plat, le ragoût par-dessus, et vous servez
avec telle garniture que vous jugerez à propos.
Macreuse à l'anguille. - Plumez et videz votre
macreuse, troussez-la comme un canard, faites-la refaire,
lardez-la de gros lardons d'anguille, assaisonnez de sel,
poivre, persil, ciboules, champignons, ail, le tout haché
bien menu; mettez deux noix dans le corps de votre
macreuse ainsi lardée, ficelez-la et faites-la cuire dans une
bonne braise avec un morceau de beurre, une demibouteille
de vin blanc, oignons, un bouquet de persil,
ciboules, ail, thym, laurier, basilic, sel, gros poivre; quand
elle est cuite, à petit feu, retirez-la de la braise, essuyez-la
avec un linge, et servez avec une sauce piquante
assaisonnée de bon goût.
Terrines de macreuses en maigre. - Vos macreuses
plumées et épluchées, videz-les; gardez-en les foies,
détachez la chair de l'estomac sans l'abîmer; ôtez-en
l'estomac; faites une farce avec les foies, champignons,
truffes, sel, poivre, un peu de fines épices, un morceau de
beurre frais, deux ou trois jaunes d'oeufs et un peu de
farine; remplissez de cette farce le corps de vos macreuses,
cousez- les par les deux bouts, mettez un peu de beurre
affiné dans une casserole sur le feu; quand il est chaud,
farinez vos macreuses et mettez-les dedans; retournez-les,
retirez les ensuite et arrangez-les dans une marmite.
Mettez un petit morceau de bon beurre dans une
casserole; quand il est fondu, mettez-y de la farine; étant
roux, mouillez-le de bouillon de poisson et videz-le dans la
marmite avec un demi-setier de vin blanc, sel, poivre, un
oignon piqué de clous, un peu de basilic et persil haché,
couvrez la marmite et faites cuire à petit feu. Quand elles
sont cuites, faites-les égoutter, dressez-les dans la terrine,
jetez-les dans un ragoût de laitances, de queues
d'écrevisses, de truffes, champignons et mousserons, et
servez chaudement.
Potage de macreuses aux navets. - Faites cuire les
macreuses à moitié, à la broche, et ensuite dans une
casserole avec un bon morceau de beurre; ratissez des
navets, coupez- les en dés ou en ronds, farinez-les et faites
les frire dans du beurre affiné. Lorsqu'ils ont une belle
couleur, retirez-les, égouttez-les, mettez-les cuire dans une
marmite avec du bouillon de poisson; mitonnez des croûtes
de bouillon de poisson, tirez les macreuses, égouttez-les.
Garnissez le potage d'un cordon de navets, dressez dessus
les macreuses, arrosez- les avec le bouillon de navets, et
servez chaudement.
Potage de macreuses. - Faites bouillir les macreuses
dans du bouillon de poisson; quand elles sont cuites, faites
mitonner votre potage du même bouillon; mettez ensuite un
bon hachis de poisson sur vos macreuses quand vous les
aurez rangées sur votre soupe et qu'elle sera suffisamment
mitonnée, et servez avec une bonne garniture d'écrevisses.
Madeleine. - Nom d'une sorte de poire estivale.
On donne aussi ce nom à une excellente espèce de
pêche autrement nommée paysanne et double de Troyes.
Deux particularités la distinguent, elle est sujette à devenir
jumelle, et les fourmis en sont très friandes.
Madeleine. - Quant à l'excellent gâteau qu'on appelle
aussi madeleine et qui mérite bien la grande réputation
dont il jouit, il est arrivé à un de nos amis une petite
aventure que nous allons raconter.
Il y a quelques années, un de nos amis se rendait à
Strasbourg, et comme il voyageait en touriste, il s'arrêtait
volontiers dans les villes et les villages qu'il traversait pour
s'y reposer d'abord, ensuite pour observer les différentes
moeurs et coutumes des habitants.
Un jour il s'était remis en route un peu tard, croyant
gagner avant la nuit la prochaine ville où il devait se
reposer, mais il avait beau se hâter, il n'apercevait aucune
trace indiquant une habitation quelconque; enfin, vers onze
heures, il aperçut au clair de la lune la flèche sombre et
élancée d'une église.
Tout était noir et silencieux, aucune lumière ne brillait
plus, et notre voyageur était assez embarrassé de savoir où il
trouverait une bonne table pour réconforter son estomac et
un bon lit pour reposer ses membres engourdis par la
fatigue.
Tout à coup il aperçut dans la nuit une lueur qui
semblait sortir du sol, il s'approcha de ce rayon de lumière,
le seul qu'il vît, qui représentait pour lui le salut. Il frappa à
une porte qui se trouvait à côté de lui et sous laquelle
glissait cette lueur qui lui avait fait battre le coeur; un
grognement lui répondit d'abord.
Il frappa une seconde fois, mais plus fort, et entendit
alors une voix étrange et qui semblait souterraine
demander.
- Qui est là et que voulez-vous?
- Je suis un voyageur harassé de fatigue et mourant de
faim, répondit le voyageur, ouvrez-moi au nom de Dieu,
vous ne vous en repentirez pas.
Puis il entendit des pas s'approcher de la porte, on tira
une énorme barre de fer, la porte s'ouvrit et il vit apparaître
un homme à figure farouche et toute barbouillée de farine
et dont les cheveux et la barbe hérissés contribuaient
encore à rendre l'aspect effrayant; cet homme était nu
jusqu'à la ceinture.
- Allons, entrez et dépêchez-vous, dit-il au voyageur de
sa même voix caverneuse.
Notre ami ne se sentait pas du tout rassuré, et un
moment il eut l'envie de retourner en arrière et d'aller
frapper à une autre porte, mais l'homme avait remis la
barre de fer, il n'y avait pas moyen de reculer, il en prit
donc bravement son parti et entra dans une grande
chambre où se trouvait un immense four allumé qui
suffisait à l'éclairer tout entière.
- Pardon, monsieur, dit le voyageur très poliment, je
viens de faire seize ou dix-huit lieues, à peu près sans
manger, pouvez-vous me procurer, moyennant de l'argent
bien entendu, de quoi apaiser ma faim et reposer mon
corps?
- Je n'ai que mon lit, répondit l'homme de sa voix rude;
quant à manger, nous n'en manquons pas ici, reste à savoir
si ça vous plaira.
- Tout me plaira pourvu que je mange; voyons, qu'avezvous
à me donner?
L'homme alla vers une armoire, l'ouvrit et en tira une
petite corbeille où se trouvait environ une douzaine de
gâteaux de forme ovale et d’une belle couleur dorée.
- Tenez, dit-il au voyageur, goûtez-moi ça et vous m'en
direz des nouvelles.
Il mit la corbeille sur une table près du voyageur, et
posant ses mains sur ses hanches il le regarda.
Notre ami prit un gâteau et mordit à pleines dents; en
une seconde il l'eut avalé tout entier; il en prit un
deuxième, puis un troisième, puis un quatrième et à chaque
gâteau qu'il avalait ainsi, l'homme qui le regardait toujours
souriait avec satisfaction.
Enfin, quand il n'en resta plus dans la corbeille, il lui
dit:
- Eh bien, que dites-vous de mes madeleines?
- A boire d'abord, fit le voyageur d'une voix étranglée.
L'homme se dirigea de nouveau vers son armoire et en
tira une bouteille couverte d'une vénérable couche de
poussière, il la déboucha, puis, prenant deux verres, il les
remplit, en tendit un à l'étranger.
- Buvez, lui dit-il, je ne voudrais pas vous voir étrangler
par mes amours de gâteaux.
L'étranger but d'un seul trait, c'était de l'excellent vin de
Bordeaux, puis tendant une seconde fois son verre:
- A votre santé, mon brave vous venez de me faire faire
un des plus délicieux repas que j'aie faits de ma vie. Mais,
dites-moi, comment appelez vous ces succulents gâteaux?
- Comment, vous ne connaissez pas les madeleines de
Commercy?
- Je suis donc à Commercy?
- Oui, et vous venez, sans vous en douter, de manger
les meilleurs gâteaux du monde.
Sans partager entièrement l'enthousiasme du brave
homme pour ses gâteaux, le voyageur fut forcé d'avouer
qu'ils étaient excellents, et que, le besoin aidant, il avait
fort bien soupé.
L'homme lui offrit alors son propre lit en disant que lui
se contenterait d'un matelas; le voyageur fit bien quelques
difficultés, mais enfin il accepta; il alla donc se coucher,
dormit d'une seule traite, et fit le lendemain en se réveillant
un déjeuner plus solide que son souper de la veille, ce qui ne
l'empêcha pas de se munir en partant d'une certaine quantité
de madeleines que le bonhomme le força d'accepter en
souvenir de la peur qu'il lui avait d'abord faite et de la
mauvaise nuit qu'il avait passée.
Les madeleines de Commercy ont en effet une
grande renommée. On croit que leur réputation fut faite par
le roi Stanislas Leczinski lorsqu'il vint en France.
Voici maintenant une recette qui vient de Madeleine
Paumier, pensionnaire et ancienne cuisinière de Mme
Perrotin de Barmond. - Râpez sur un morceau de sucre le
zeste de deux petits cédrats (ou de deux citrons ou
bigarades), écrasez ce sucre très fin, mêlez-le avec du sucre
en poudre, pesez-en neuf onces que vous mettez dans une
casserole, avec huit onces de farine tamisée, quatre jaunes et
six oeufs entiers; deux cuillerées d'eau-de-vie d'Andaye et
un peu de sel; remuez ce mélange avec une spatule. Lorsque
la pâte est liée, vous la travaillez encore une minute
seulement. Cette observation est de rigueur, si l'on veut
avoir de belles madeleines; autrement, le mélange étant
plus travaillé, il fait beaucoup trop d'effet à la cuisson, et
cela dispose les madeleines à être compactes, à s'attacher
aux moules, à être pelucheuses ou à se ratatiner, ce qui
rendrait cet entremets de bien pauvre mine.
Faites ensuite clarifier dans une petite casserole dix
onces de beurre d'Isigny; au fur et à mesure que le lait
monte dessus, vous avez le soin de l'écumer; lorsqu'il ne
pétille plus, cela indique qu'il est clarifié; alors vous le
tirez à clair dans une autre casserole, lorsqu'il est un peu
refroidi, vous en remplissez un moule à madeleines; vous
verserez ce beurre dans un autre moule et ainsi de suite
jusqu'au nombre de huit; après quoi vous reverserez le
beurre dans la casserole; vous garnissez ensuite de
nouveau un moule de beurre chaud et le versez tour à tour
dans huit autres moules; enfin vous recommencerez deux
fois cette opération, ce qui vous donnera trente-deux
moules beurrés.
Il ne faut pas renverser les moules après les avoir
beurrés attendu qu'ils doivent conserver le peu de beurre
qui s'égoutte au fond de chacun d'eux.
Après vous mêlez le reste du beurre dans le mélange et
puis vous les placez sur un fourneau très doux, vous
remuez légèrement ce mélange afin qu'il ne s'attache pas à
la casserole, et aussitôt qu'il commence à devenir liquide,
vous la retirez de dessus le feu pour qu'elle n'ait pas le
temps de tiédir, ensuite vous garnissez les moules avec une
cuillerée de cet appareil et vous les mettez au four, à une
chaleur modérée.
Maigre. - On a donné le nom d'aliments maigres à ceux
dont il est permis d'user pendant les jours de jeûne, en
opposition des aliments gras dont l'usage est interdit
pendant cette période.
Plusieurs personnes ont prétendu que l'abstinence de la
viande était incompatible avec la santé; c'est une erreur; et
il a été prouvé que ce régime n'avait rien de contraire à la
nature de nos corps, pourvu toutefois qu'on apporte
quelque attention dans le choix des aliments que l'on désire
manger et qu'on n'en pervertisse point la qualité par l'abus
des assaisonnements, qui très souvent est la cause de la
mauvaise influence des aliments maigres sur l'organisme
humain.
C'est une erreur aussi de prétendre que l'usage des
aliments maigres est plus salutaire que celui de la viande,
parce qu'ils se digèrent mieux et sont plus nourrissants,
qu'ils engraissent et fortifient davantage; qu'ils produisent
un sang plus gras, plus laiteux, plus abondant, et donnent
par conséquent plus d'embonpoint; mais tout cela dépend
du plus ou moins de fermeté ou de faiblesse des estomacs. A
ce point de vue, l'aliment le plus parfait sera celui dont les
parties auront plus de disposition à se tourner en notre
substance: non en cette substance superflue qui ne tend
souvent qu'à grossir inutilement le volume du corps, et qui,
loin d'augmenter ou d'entretenir les forces, ne sert qu'à
les accabler, mais en cette humeur balsamique qui fait le
soutien de la vie et d'où les sucs qui nous composent tirent
toute leur vertu.
Un aliment, pour être propre à réparer en nous le
baume de la vie, ne doit être ni trop solide ni trop aqueux:
s'il est trop solide, il ne saurait fournir aux dissolvants de
notre corps des parties assez souples pour pouvoir être
mises en oeuvre; s'il est trop aqueux, il n'en saurait donner
qui aient assez de consistance pour recevoir les
impressions nécessaires.
Il ne doit pas non plus avoir des principes trop actifs,
autrement il agit lui-même sur les principes qui le doivent
changer; il ne passe en notre nature qu'après l'avoir
considérablement altérée.
Quoi qu'il en soit, il ne peut exister aucun rapport entre
le régime maigre et la maigreur du corps, et la preuve, c'est
que l'on voit des hommes très décharnés dévorer beaucoup
de viande sans acquérir de l'embonpoint, tandis que les
femmes molles et langoureuses subsistent grasses malgré la
nourriture végétale la plus légère, ce qui vient à l'appui de
ce que nous disions plus haut, que les aliments maigres
amènent presque toujours, quand les effets n'en sont pas
combattus par une vie agitée et affairée, une obésité
précoce et gênante.
On ne nie point cependant que la plupart des aliments
maigres, et surtout le poisson, ne soient de bons aliments,
mais il ne s'ensuit pas de là qu'ils soient meilleurs que la
viande et qu'ils nourrissent davantage: le savant Nonnius,
qui a fait un traité exprès pour justifier le poisson, convient
pourtant que la viande est l'aliment le plus sain et celui qui
produit le meilleur sang, parce que, dit-il, elle a plus de
rapports avec les principes de notre corps, et que les
principes qui la composent sont plus analogues aux nôtres;
les hommes, ajoute-t-il, n'ont abandonné les herbes et les
fruits, que parce qu'ils ont trouvé par expérience que la
chair des animaux les soutenait davantage.
Quant aux aliments dont il est permis d'user aux repas
de collation les jours de jeûne, il y en a tant et ils changent
tellement, suivant les climats et les habitudes, que nous ne
saurions les indiquer tous ici, et l'Eglise accorde si
facilement des dispenses, que nous y renvoyons nos
lecteurs gourmands.
Dans le département de la Seine, l'usage du beurre, du
laitage et de ses produits était généralement interdit:
« - Vous ne laisserez servir devant moi, disait Louis
XVIII, en 1815, vous ne laisserez servir, pour les collations
et les déjeuners de carême, au château, ni chairs, ni
poissons, ni résidus de chair ou de poisson, ni oeufs, ni lait,
ni beurre, ni fromage mou, cuit ou fondu, monsieur le
contrôleur, et du reste on nous fera manger tout ce qu'on
voudra. »
Mais aujourd'hui, l'archevêque de Paris a bien voulu
autoriser l'usage du laitage et des oeufs pour les repas de
carême, et c'est devenu une très grande ressource pour les
pauvres gens, qui n'ayant pas les moyens de s'offrir du
poisson très cher pendant tout le carême, se voyaient forcés
de manger gras, et par cela même se trouvaient menacés de
la colère du ciel.
Il est une autre décision qui s'applique à l'abstinence
ou continence des breuvages. On nous l'a donnée comme
provenant de la Grande-Pénitencerie romaine; nous la
reproduisons ici:
«Pour ce qui tient à l'abstinence de boire, afin de ne
point rompre son jeûne, on n'y saurait être obligé que pour le
jeûne sacramentel en bonne santé, pourvu néanmoins que
le malaise enduré par suite de l'altération puisse
occasionner une préoccupation qui gêne consécutivement
durant plus de dix minutes. C'est à cette règle d'hygiène à
déterminer cette relâche pénitentielle. Il n'est permis d'user
alors que de boissons purement désaltérantes et nullement
nourrissantes, à raison de ce qu'il ne s'agit que de se
préserver d'une inflammation d'intérieur. L'emploi du sucre
ou du miel est tolérable pour cet effet, mais non celui du
vin ou du lait, de la cervoise ou bière, et autres boissons
fermentées, sinon dans tous les cas d'incommodités
sérieuses, où nulle abstinence n'est de précepte, ainsi qu'il
est assez connu».
Maïs. - Sorte de grain, autrement appelé blé de Turquie;
il contient beaucoup d'huile et de sel essentiels; on en fait
du pain, qui se digère difficilement, qui pèse sur l'estomac,
et qui ne convient qu'aux personnes d'un tempérament fort
et robuste.
On fait avec de la farine de maïs, du sucre et du lait,
une bouillie qu'on appelle gaudes. Cet aliment est très
populaire en Bresse et en Franche-Comté. Lorsque les
gaudes sont refroidies, il est bon de les couper en tranches,
que l'on fait griller et que l'on saupoudre avec du sucre. On
peut introduire dans cette bouillie de la moelle de boeuf ou
du beurre frais, ce qui la rend plus savoureuse, et quand on
y joint des raisins de Corinthe, ou de l'écorce de cédrats
confits, on en fait un entremets assez agréable à manger.
Quiches au maïs pour garnitures. - Vous faites cuire
de la farine de maïs avec du lait, du sel, du beurre et de la
muscade râpée; cette bouillie une fois cuite, vous y
ajouterez quelques jaunes d'oeufs, que vous ferez lier sans
bouillir. Dressez alors de ce mélange à l'épaisseur d'un
travers de doigt, étendez-le sur une abaisse de feuilletage et
faites cuire le tout sous un four de campagne; vous
retirerez ensuite ledit appareil afin de le couper en
morceaux carrés de la même grandeur que la moitié d'une
carte, et vous vous en servez pour garnir différents plats,
tels qu'aloyaux rôtis, civets de lièvre et sautés de chevreuil,
matelotes d'anguilles, etc.
Maître d'hôtel (Sauce à la). - Sauce à la maître
d'hôtel (V. SAUCE).
Maquereau. - Un des plus beaux et un des plus
courageux poissons qui existent. Lorsqu'il passe vivant de la
ligne à la barque, il semble fait d'azur, d'argent et d'or.
Souvent le maquereau s'attaque à des poissons
beaucoup plus forts que lui et même à l'homme.
Un historien de la Norwége raconte qu'un matelot qui
se baignait disparut tout à coup, et, lorsqu'on le repêcha, dix
minutes après, il était déjà dévoré en grande partie par des
maquereaux.
Ces poissons se rassemblent annuellement pour faire de
grands voyages; vers le printemps, ils côtoient l'Islande, le
Hittland, l'Ecosse et l'Irlande, et se jettent dans l'océan
Atlantique, où une colonne, en passant par devant le
Portugal et l'Espagne, va se rendre dans la Méditerranée,
pendant qu'une autre colonne entre dans la Manche, en
avril et en mai, et passe de là, en juin, devant la Hollande et
la Frise. On les trouve dans toutes les mers en quantités
innombrables; ils passent l'hiver dans la mer Glaciale, la
tête enfoncée dans la vase et les fucus; voilà ce qu'on
croyait autrefois du moins; mais Bloch, Noël, Lacépède et
d'autres pensent qu'il en est de l'émigration des
maquereaux comme de celle des thons et des harengs, et
que ceux-là comme ceux-ci se retirent simplement dans la
profondeur des eaux, à la surface desquelles on les voit
reparaître au printemps.
Maquereaux à la maître d'hôtel. - Que vos
maquereaux soient bien frais; choisissez-les d'égale
grosseur, afin que les uns ne soient pas plus cuits que les
autres; coupez -leur le bout du bec et le bout de la queue;
mettez-les sur un plat de faïence ou de terre, saupoudrezles
d'un peu de sel fin, arrosez-les d'huile, avec du persil,
des ciboules, et retournez-les dans cette marinade une
bonne demi-heure avant de servir, ou davantage s'ils sont
très gros, et de crainte que leur ventre ne vienne à s'ouvrir,
couvrez-les d'une feuille de romaine; cette précaution est
pour éviter qu'ils ne perdent leur laite; retournez-les; pour
achever leur cuisson, posez-les sur le dos; leur cuisson
achevée, dressez-les avec une cuiller de bois, mettez-leur
une maître-d'hôtel (V. SAUCE) froide dans le dos, forcée de
citron, et saucez-les d'une maître-d'hôtel liée, et servez.
Maquereaux à l'anglaise. - Prenez trois ou quatre
maquereaux de la plus grande fraîcheur, videz-les par
l'ouïe, tirez-leur le boyau, ficelez-leur la tête, coupez le
petit bout de la queue, et ne leur fendez point le dos.
Mettez une bonne poignée de fenouil vert dans une
poissonnière qui ait sa feuille, et vos maquereaux dessus;
mouillez-les d'une légère eau de sel, faites-les cuire à petit
feu. Leur cuisson faite, tirez votre feuille, égouttez-les,
dressez-les sur votre plat, saucez-les d'une sauce de fenouil
(V. SAUCE), ou de celle dite à groseilles à maquereau.
Maquereaux à la flamande. - Préparez vos
maquereaux comme ceux à l'anglaise, sans leur fendre le
dos; maniez un morceau de beurre, avec échalotes, persil et
ciboules hachées, du sel et un jus de citron; remplissez- en le
centre de ces maquereaux, roulez-les chacun dans une
feuille de papier d'office beurrée, liez-la par les deux bouts
avec de la ficelle; mettez griller vos maquereaux sur un feu
doux et égal, environ trois quarts d'heure. Leur cuisson
faite, ôtez-les du papier, dressez-les sur votre plat, et servez.
Maquereaux à l'italienne. - Préparez et faites cuire
trois ou quatre maquereaux, comme les vives à l'italienne;
leur cuisson achevée, saucez-les d'une italienne blanche (V.
sauce italienne blanche), dans laquelle vous incorporerez
un morceau de bon beurre.
Filets de maquereaux à la maître d'hôtel. - Levez les
filets de trois maquereaux; coupez ces filets en deux,
parez-les; faites fondre du beurre dans une sauteuse, et
posez-y vos filets du côté de la peau; saupoudrez-les d'un
peu de sel, recouvrez-les légèrement de beurre fondu,
couvrez-les d'un rond de papier, mettez-les au frais, jusqu'à
l'instant de vous en servir, et préparez la sauce suivante:
Mettez deux cuillerées de velouté réduit dans une
casserole, persil et échalotes hachés et lavés; faites bouillir
votre sauce, ajoutez-y la valeur de trois petits pains
d'excellent beurre et un fort jus de citron; prenez vos
laitances, faites-les dégorger, blanchir et cuire avec un
grain de sel; au moment de servir, mettez vos filets sur le
feu, faites-les roidir, retournez-les. Leur cuisson faite,
égouttez-les, en épanchant une partie du beurre; dressez
vos filets en couronne sur un plat auquel vous aurez fait
une bordure de petits croûtons frits dans du beurre ou de
l'huile; passez votre sauce, et servez.
Maquereaux au beurre noir. - Préparez ces
maquereaux comme ceux à la maître-d'hôtel; faites-les
cuire de même. Leur cuisson faite, saucez-les d'un beurre
noir où vous aurez mis sel, vinaigre et persil frit.
Marcassin. - Jeune sanglier connu en vénerie sous le
nom de bête rousse. Le marcassin est excellent à toutes les
sauces où l'on met le sanglier, c'est-à-dire à la broche, sur le
gril aux oignons; les anciens ne les mangeaient point, mais
les châtraient et les lâchaient ensuite dans la forêt; ainsi
perfectionnés, c'est le nom que l'on donne aux chanteurs de
la chapelle Sixtine, ils deviennent plus gros, plus délicats et
moins sauvages.
Hure de marcassin, sauce berlinoise. - C'est à l'âge de
quinze ou dix-huit mois qu'il faut manger les jeunes
sangliers, qui jusqu'à cet âge peuvent être considérés
comme des marcassins; comme ce sont généralement les
chairs musculeuses du cou qui sont recherchées par les
amateurs, il faut faire couper la hure avec le cou, un peu
long et arrivant jusqu'à la hauteur des épaules. Il est vrai
qu'il reste celle des bajoues, peu volumineuse, mais
cependant très délicate.
Flambez la hure, pour en gratter les soies.
Quand la hure est flambée, la faire dégorger pendant
une heure, l'égoutter ensuite, fendre la peau du crâne
depuis le haut du front jusqu'à la hauteur des yeux, et juste
sur le milieu; afin de prévenir le déchirement de la peau,
dégager les chairs du bout du museau; scier
transversalement sur celui-ci un morceau d'os de trois à
quatre centimètres de long, et emballer la hure dans un
linge, en la ficelant, mais en ayant soin de ficeler les
oreilles en relief, afin de les maintenir droites; masquez le
fond d'une casserole longue avec des carottes, des oignons et
des racines de céleri grossièrement émincés; passez la hure
sur cette couche, la mouiller à hauteur avec moitié eau,
moitié vinaigre, ajouter du sel, des grosses épices, thym,
laurier, marjolaine, coriandre et genièvre; faire bouillir le
liquide, et cuire la hure à feu modéré pendant trois heures,
si l'animal est jeune; dans tous les cas, faisons observer que
la hure doit être bien cuite, car, en refroidissant, les chairs
musculeuses tendent à se raffermir.
Aussitôt que la hure est atteinte au point voulu, la
laisser refroidir hors du feu, et dans sa cuisson, la déballer
ensuite, parer droit les chairs du cou, vernir la peau sur
toutes les surfaces, avec du saindoux coloré à l'aide de
caramel bien noir; poser la hure sur un plat long, masquer la
déchirure du crâne avec une plaque de beurre, et décorer
avec des truffes, du blanc d'oeuf cuit et de la gelée; de
chaque côté du museau, imiter une défense en beurre;
poser alors la hure sur un pain vert, de forme ovale, et
masquer de graisse blanche, l'entourer à sa base avec une
couronne de feuilles de chêne ou d'oranger, et garnir le
tout avec des croûtons de gelée.
Cette pièce est dressée pour figurer sur la table;
pour la servir, il faut couper les chairs du cou en tranches
minces, les garnir de la gelée et faire présenter aux convives
la sauce suivante:
Avec trois jaunes d'oeufs et la valeur de deux
verres d'huile, préparer une sauce mayonnaise froide, en
procédant selon la méthode ordinaire, la finir avec deux
ou trois cuillerées à bouche de moutarde anglaise et du
bon vinaigre; lui incorporer ensuite un peu plus que son
volume de gelée de groseilles très ferme et coupée en
petits dés; mêler la gelée sans l'écraser et verser la sauce
dans une saucière. Cette sauce n'est pas belle à la vue;
mais, pour un amateur, elle a certainement un grand prix.
Quartier de marcassin, sauce aux cerises. - Choisir
un quartier de marcassin tendre, frais et sans couenne,
enlever l'os du quasi et couper droit le bout du manche,
saler le quartier, le mettre dans une terrine, l'arroser avec la
valeur d'un litre de marinade cuite et à moitié refroidie, le
faire macérer pendant deux ou trois jours, l'égoutter,
l'éponger sur un linge et le placer dans un plafond creux
avec du saindoux, le couvrir avec du papier graissé et le
faire cuire pendant trois quarts d'heure, en l'arrosant
souvent avec la graisse; lui additionner alors quelques
cuillerées de sa marinade, et le faire cuire encore pendant
une demi-heure, en l'arrosant toujours avec son fond.
Quand il est bien atteint, retirer le plafond du four, égoutter
le quartier et en masquer la surface avec une couche
épaisse de mie de pain noir râpée, séchée, pilée, passée et
mêlée avec un peu de sucre et de la cannelle, puis
humectée avec du bon vin rouge, mais seulement ce qui est
nécessaire pour la lier; saupoudrer cette couche avec de la
mie de pain non humectée, l'arroser avec la graisse du
plafond et remettre le quartier dans celui-ci, pour le tenir à
la bouche du four pendant une demi -heure. Au moment de
servir, le sortir, papilloter le manche, le dresser sur un plat,
et envoyez à part la sauce suivante:
Sauce aux cerises. - Faire ramollir deux poignées de
cerises noires et sèches, comme on en vend communément
en Allemagne, c'est-à-dire avec les noyaux, les faire
ramollir, les piler au mortier, les délayer avec un verre de
vin rouge, et verser l'appareil dans un poêlon non étamé,
ajouter un morceau de cannelle, deux clous de girofle, un
grain de sel et un morceau de zeste de citron; faire bouillir
le liquide pendant deux minutes et le lier avec un peu de
fécule délayée; retirer la casserole sur le côté du feu, la
couvrir, la tenir ainsi pendant un quart d'heure, la passer
ensuite au tamis.
Recette de M. Urbain Dubois, cuisinier de Leurs
Majestés Royales de Prusse.
Mastic. - Le mastic est à la fois, en Grèce, une liqueur
et une confiture; c'est une des productions les plus
importantes et les plus précieuses de l’île de Chio. Il est
donné par le lentisque, à qui on fait, pour l'obtenir, de
légères mais nombreuses incisions au tronc et aux
principales branches.
Cette opération se fait depuis le 15 jusqu'au 20 juillet.
Pendant ces cinq jours, il découle de ces incisions un suc
liquide qui s'épaissit insensiblement, et qui se forme et se
recueille en larmes. Vingt et un villages, situés au midi de
la ville, donnent cette résine; la plus belle qualité est
envoyée à Constantinople, pour le Grand Seigneur; la
seconde au Caire, pour le pacha d'Egypte.
Le mastic se ramollit dans la bouche, parfume l'haleine,
raffermit les gencives, contribue à conserver la blancheur
des dents, donne du ton à l'estomac et porte à la poitrine
des émanations balsamiques qui suffisent à vaincre la
phthisie pulmonaire prête à se déclarer.
La liqueur du mastic, qui se boit comme toutes les
liqueurs, est très agréable au goût et très digestive.
Melon. - Plante annuelle et rampante, de la famille des
concombres. Selon les espèces, le fruit est gros comme une
pomme ou comme un potiron. Celui de Honfleur pèse
parfois jusqu'à vingt-quatre livres; on dit qu'il croît
spontanément chez les Kalmoucks: j'y suis resté pendant
les mois d'octobre et de novembre, et n'ai jamais vu un seul
melon, quoiqu'à cinquante lieues de là on les récoltât au
bord de la mer Caspienne par milliers, et que les plus gros
et les meilleurs coûtassent quatre sous.
Il est probable qu'il est originaire d'Afrique; il est sûr
qu'il est né dans les pays chauds et qu'il n'est bon que
caressé par les rayons du soleil. Le meilleur melon est le
cantalou, rapporté de l'Arménie par les Romains; il fut
ainsi nommé du village de Cantaloupo, où on le cultiva.
Dans tout le midi de la France, nous avons le melon d'eau ou
le melon vert, qui, pour quelques gastronomes, égale le
cantalou. Naples a son melon national, que l'on appelle
cocméro, et qui est la nourriture presque exclusive, avec le
macaroni, du lazzarone. Sa chair est rouge, avec des
amandes noires; mais, en réalité, elle n'a aucune
consistance, et c'est de l'eau figée.
Pour rendre le melon digestible, il faut, disent quelques
gastronomes, le manger avec du poivre et du sel, et boire pardessus
un demi-verre de madère, ou plutôt de Marsala,
puisque le Madère a disparu.
Il n'y a pas d'autre manière de le manger que de le
couper par tranches et de le servir entre le potage et le
boeuf ou entre le fromage et le dessert.
Merisier. - C'est le prunier des oiseaux; sans être greffé,
il porte un petit fruit noir appelé merise. On greffe sur lui la
cerise, la guigne, le bigaro; c'est avec le fruit du merisier
qu'on fait le kirschenwasser, alcool marquant jusqu’à
vingt-six degrés, aussi transparent que l'eau la plus
limpide. C'est surtout en Alsace, en Franche-Comté, en
Suisse et en Souabe que l'on distille le meilleur kirsch.
Merlan. - On ignore l'étymologie de ce nom, tandis
qu'on s'explique facilement pourquoi, dans le dernier
siècle, on appelait les perruquiers des merlans; c'est qu'ils
étaient constamment couverts de poudre, comme sont
couverts de farine les merlans qu'on va faire frire. Il
appartient à la famille des morues, il se pêche en décembre,
janvier et février. Il est alors gras et ferme, et commence à
avoir des oeufs et de la laite vers la fin d'octobre. Il n'y a
pas de chair plus saine que celle du merlan; elle est friable,
tendre et légère. On la prescrit même aux convalescents.
Le meilleur se pêche dans la Méditerranée.
Merlans frits. - Ayez plusieurs merlans, écaillez-les, ou
plutôt essuyez-les en les pressant légèrement avec la
serviette; les écailles viendront toutes seules; coupez le
bout de la queue et les nageoires, videz-les, lavez-les,
remettez-leur les foies dans le corps, ciselez-les des deux
côtés, farinez-les, faites-les frire jusqu'à ce qu'ils soient
fermes et d'une belle couleur; égouttez-les, saupoudrez-les
d'un peu de sel fin, mettez une serviette sur le plat qui doit
les recevoir, dressez-les dessus, et servez.
Merlans à la hollandaise, à la flamande ou sur le
plat.
Merlans grillés. - Préparez vos merlans comme il est
dit aux merlans frits, ciselez-les, farinez- les, mettez- les
sur le gril, faites-les cuire sur un feu doux, et retournez-les;
à cet effet, servez-vous d'un couvercle de casserole que
vous poserez sur vos merlans et alors vous renverserez
votre gril sens dessus dessous, achevez de les faire cuire;
servez-vous encore du couvercle, comme il est dit plus haut,
pour les ôter du gril sans les casser; coulez- les sur votre
plat et servez dessus une sauce blanche au beurre avec
câpres.
Merlans aux fines herbes. - Ecaillez vos merlans
comme il est indiqué aux merlans frits; appropriez-les de
même, mettez-les dans un vase creux dans lequel vous
aurez étendu du beurre avec persil, ciboules, sel, muscade;
arrangez-les tête-bêche; arrosez- les de beurre fondu;
mouillez-les avec vin blanc et bouillon. Cuits des deux
côtés, versez leur mouillement dans une casserole, sans les
ôter de leur plat; ajoutez-y un peu de beurre manié avec de la
farine, faites cuire et liez votre sauce dans laquelle vous
exprimerez un jus de citron; mettez une pincée de gros
poivre, saucez vos merlans et servez-les.
Filets de merlans en turban. - Ayez quinze ou dix-huit
merlans, levez-en les filets; prenez les douze inférieurs,
levez-en les peaux, pilez-en les chairs, faites- en une farce à
quenelle; votre farce achevée, faites un fort bouchon de
pain, posez le bout le plus étroit sur votre plat; entourez ce
bouchon de bardes de lard et dressez autour votre farce en
talus; posez-y vos filets, donnez- leur la forme d'une bande
de mousseline qui enveloppe un turban: si c'est la saison,
garnissez le haut de petites truffes que vous aurez tournées
de la forme de grosses perles; humectez vos filets avec un
peu de beurre fondu; couvrez le tout de bardes de lard très
minces et par-dessus un papier beurré; faites cuire votre
turban au four, avec une légère paillasse dessous; sa
cuisson faite, supprimez le bouchon de pain et toutes les
bardes de lard; égouttez le beurre de ce turban; versez dans
son puits une bonne italienne, et servez. On peut y mettre
un ragoût.
Filets de merlans au gratin. - Levez des filets de
merlans, étendez-les sur la table les uns après les autres;
garnissez-les d'une farce cuite et roulez-les; foncez votre
plat d'une assise de votre farce, mettez-y vos filets,
couvrez-les de cette farce sur toutes les faces, unissez le
tout avec la lame de votre couteau trempée dans de l'eau
tiède; donnez à votre gratin une forme régulière, panez-le,
arrosez-le avec un pinceau trempé dans du beurre fondu,
mettez-le au four, ou sous un four de campagne, avec feu
dessus, feu dessous; laissez-les se colorer et arrosez d'une
italienne rousse.
Merlans à la Sylvio-Pellico. - (Recette de Ferdinando
Grandi). Prenez un gros merlan, préparez-le pour le farcir en
laissant la tête attachée aux filets; mettez-le mariner dans
du vin blanc pendant six heures, et farcissez-le ensuite
avec une farce de poisson que vous mettrez dans une
terrine après l'avoir passé et lui avoir donné le meilleur
goût possible; ajoutez-y un oignon moyen que vous aurez
lavé et passé au beurre à blanc, donnez un léger goût
d'ail et mettez une bonne quantité de fines herbes
blanchies; reformez votre merlan sur une grille à
poissonnière, faites-lui sur le dos une raie de queue
d'écrevisse épluchée et finissez de le garnir sur les côtés en
travers d'un rang d'écrevisses et d'un rang d'huîtres, et ainsi
de suite de la tête à la queue. Vous enfoncerez bien cette
garniture dans la farce pour qu'elle ne se détache pas. faites
cuire le merlan dans la poissonnière avec le liquidé de son
marinage que vous aurez passé, et vous ajouterez un
morceau de beurre frais et un bouquet garni. Quand vous
l'aurez dressé sur le plat, vous l'entourerez de petites
timbales faites avec la même farce dans des moules à
darioles dont vous aurez décoré le fond avec des truffes et de
la langue en forme de grillage. Ensuite vous garnirez le
moule, au fond et à l'entrée de ladite farce que vous
remplissez avec des truffes et des champignons masqués
avec une sauce. Ceci terminé, recouvrez le moule avec de la
farce que vous ferez pocher un quart d'heure avant de
servir; vous mettrez dans chaque timbale une belle
écrevisse, vous servirez une sauce veloutée où vous
mettrez une printanière de légumes que vous aurez passée au
beurre et fini de cuire avec du bouillon de volaille.
Servez le plat avec une demi-glace très claire, garnissez la
tête d'un hâtelet avec trois quenelles que vous ferez
blanche, verte et rouge.
Merlans frits à la provençale. - (Recette de M. Urbain
Dubois, chef de cuisine de S. M. le roi de Prusse). C'est un
mets très populaire en Provence et qu'on sert surtout la
veille de Noël. Verser quatre à cinq cuillerées à bouche de
bonne huile dans une poêle pour la chauffer, lui mêler
deux cuillerées de farine, cuire celle-ci tout doucement en la
tournant à la cuiller jusqu'à ce qu'elle soit de couleur
légèrement foncée; lui mêler alors deux cuillerées à bouche
d'oignon haché, cuire celui-ci pendant quelques secondes,
retirer la poêle du feu et mouiller le roux peu à peu avec
de l'eau chaude et du vin; tourner la sauce jusqu'à
l'ébullition, la tenir légère et la cuire pendant dix minutes
sur le côté du feu, lui additionner un bouquet de persil et
une feuille de laurier, l'assaisonner et la faire réduire en la
tournant jusqu'à ce qu'elle soit liée à point; en dernier lieu,
la finir avec deux cuillerées à bouche de Madère et la
passer au tamis dans une casserole plate.
D'autre part, couper cinq à six tranches de merlan frais,
les saler, les fariner et les faire frire à l'huile. Quand elles
sont de belle couleur, les égoutter et les mettre dans la
sauce pour les faire mijoter à feu très doux pendant dix
minutes. En dernier lieu, saupoudrer le ragoût avec une
pincée de persil haché et deux cuillerées à bouche de câpres
entières.
Dresser les tranches de merlan sur un plat chaud et les
masquer avec la sauce.
Queue de merlan à la mode de Cherbourg. - (Recette
du même). Prendre la queue d'un gros merlan, c'est-à-dire la
moitié du poisson, l'écailler, lui couper les nageoires, le
laver vivement, l'éponger avec un linge et le distribuer en
tranches épaisses. Beurrer grassement le fond d'une
casserole plate, saupoudrer le beurre avec deux poignées
de parures de champignons, sur celles-ci ranger les
tranches de merlan en les serrant l’une contre l'autre, les
saler légèrement, leur adjoindre un bouquet de persil garni,
les mouiller juste à couvert avec du vin blanc, le jus de deux
citrons et la cuisson de trois douzaines de grosses huîtres;
couvrir la casserole, la poser sur feu vif et cuire le poisson
pendant huit à dix minutes; quand il est à point, le fond doit
être réduit de moitié; dresser alors les tranches de merlan sur
un plat, retirer le bouquet et faire réduire le fond; s'il était
trop long, le lier avec un morceau de beurre manié de farine,
donner quelques bouillons à la sauce, la passer à l'étamine
et la finir en lui incorporant 100 grammes de beurre fin
divisé en petites parties; lui mêler alors les huîtres et avec
elles masquer le poisson.
Merle. - Dans toute la France il y a un proverbe qui dit:
«Faute de grives, on mange des merles»; la Corse
seule, après avoir lutté inutilement pour sa nationalité
politique, a lutté avec plus de bonheur pour sa nationalité
culinaire, et parmi nos départements, il est le seul qui
continue de dire: «Quand on n'a pas de merles, on mange
des grives».
C'est que les merles de Corse ont une saveur toute
particulière qu'ils doivent aux baies de genévrier, de lierre, de
myrte, de nerprun, aux graines de gui, aux fruits de
l'alisier, de l'églantier. Aussi la Corse ne se contente-t-elle
pas de manger ses merles, elle en envoie de pleines terrines
dans toutes les parties du monde; il suffit, pour les
conserver, de verser dans un vase de grès du saindoux fondu
et de jeter dans ce saindoux des merles plumés dont on a
enlevé les gésiers; le saindoux se prend sur eux, les
enveloppe d'une couche de graisse que l'air essaye
inutilement de percer, et qui les conserve pendant des
années.
M. le cardinal Fesch donnait de tort bons dîners dont les
merles de Corse faisaient le principal attrait
gastronomique.
Il est bon de tirer de cette graisse autant de merles
qu'on en veut manger, de les passer à l'eau chaude pour
leur enlever leur enduit huileux, après quoi on les
assaisonne comme les ortolans, comme les bec-figues, et
enfin comme tous les petits pieds.
Quant aux merles frais, ils subissent tous les modes de
cuisson qui s'appliquent aux grives.
Miel. - C'est la substance sirupeuse et sucrée que les
abeilles récoltent sur les fleurs, qu'elles élaborent, et
déposent ensuite dans les alvéoles de leurs ruches pour s'en
nourrir pendant l'hiver. Le miel se trouve dans presque
toutes les contrées de l'Europe, car presque partout il y a
des fleurs et des abeilles; dans l'Antiquité, c'était sur le
mont Hymette que l'on recueillait le plus estimé;
aujourd'hui c'est à Narbonne que l'on récolte le meilleur.
Pythagore, suivant le rapport de Laërce, ne vivait que de
pain et de miel; il vécut jusqu'à l'âge de quatre- vingt dix
ans et mourut en invitant ceux qui voudraient vivre
longtemps à se nourrir des mêmes aliments que lui. Le miel
a tenu lieu de sucre pendant très longtemps aux Gaulois
nos ancêtres, et aux Français nos aïeux. Le sucre n'était
connu, à cette époque, que sous le nom de miel de roseau:
il n'était alors d'usage qu'en médecine.
Le miel a pris sa place chez les apothicaires, et le
sucre a remplacé le miel sur nos tables.
Morilles. - C'est une espèce de champignon printanier,
qui ne diffère du champignon ordinaire qu'en ce qu'elle est
percée de plusieurs trous, au lieu que le champignon est
feuilleté; nous ne sachons pas qu'il soit jamais arrivé
d'accidents pour avoir mangé des morilles. Elles excitent
l'appétit, fortifient et restaurent l'estomac, et sont d'un
grand usage dans les sauces. Les morilles ont précédé de
beaucoup les champignons chez les chrétiens, que
l'exemple de Claude avait épouvantés.
Une certaine anecdote, dont nous ne garantissons pas
l'authenticité, quoique nous la lisions dans la vie de saint
Pardoux, vient à l'appui de notre assertion et raconte qu'un
jour, un certain paysan, ayant trouvé des morilles, voulait,
par respect pour le saint, lui en faire présent. Dans sa
route, il fut rencontré par un grand seigneur nommé
Raynacaire, qui les lui arracha, et se les fit servir à dîner;
mais, par une punition divine, dit le légendaire, elles lui
donnèrent des coliques affreuses dont il ne fut guéri
qu'avec de l'huile qu'on lui fit avaler et que saint Pardoux
avait bénie.
Morue. - Nous avons déjà dit, en parlant du cabillaud,
à peu près tout ce que nous avions à dire sur la morue.
Cependant il nous reste quelques détails à donner sur elle et
sur la manière dont elle s'apprête.
Je ne saurais, dit Anderson, m'empêcher de remarquer
ici en passant que ce poisson insatiable a reçu de la nature
un avantage singulier, que beaucoup de nos gourmands
souhaiteraient pouvoir partager avec lui. C'est que, toutes
les fois que son avidité lui a fait avaler un morceau de bois
ou quelque autre chose indigeste, il vomit son estomac, le
retourne devant sa bouche, et, après l'avoir vidé et bien
rincé à l'eau de la mer, il le retire à sa place et se remet à
manger.
Parmi les choses que nous avons cru devoir omettre
à l'article Cabillaud, voici une brandade de morue que nous
extrayons de la cuisine de tous les pays par Urbain Dubois.
Brandade de morue à la mode de Montpellier. -
Prendre la moitié d'une morue salée, épaisse et ramollie à
point, la diviser en carrés, mettre ceux-ci dans une
casserole avec de l'eau froide, poser la casserole sur le feu et
amener le liquide à l'ébullition; au premier bouillon, le
retirer. Un quart d'heure après, égoutter la morue sur un
tamis, en supprimer aussitôt toutes les arêtes, déposer les
chairs et la peau dans une terrine en les brisant.
Faire revenir à l'huile deux cuillerées à bouche d'oignon
haché et une gousse d'ail; quand l'oignon est de couleur
blonde, retirer la gousse d'ail et mêler la morue à l'oignon
dans la casserole, pour la chauffer; la verser aussitôt dans
un mortier pour la piler; quand elle est convertie en pâte, la
remettre dans la casserole et la travailler fortement avec une
cuiller, en lui incorporant peu à peu une demi- bouteille
d'huile d'olive; quand cette huile est absorbée, travailler
l'appareil encore quelques minutes, lui mêler le jus d'un
citron et lui incorporer également la valeur d'un verre
d'huile peu à peu. A ce point, l'appareil doit être bien lié et
crémeux. S'il était trop léger, lui mêler deux cuillerées à
bouche de béchamel un peu serré. dans le cas contraire
quelques cuillerées de bonne crème crue suffisent.
Assaisonner l'appareil avec du poivre et muscade, un peu
de sel, si c'est nécessaire, une pincée de persil haché; le
travailler encore pendant deux minutes et le finir avec le
jus d'un citron: il doit alors se trouver consistant, mais
délicat lisse et de bon goût. Le chauffer très légèrement,
sans cesser de le travailler, et le dresser en dôme sur le centre
d'un plat long, entre deux croustades en pain taillées à trois
quarts de rondeur et collées aux deux bouts du plat.
Saupoudrer l'appareil avec quelques lames de truffes, poser
sur le haut deux écrevisses entières et une truffe ronde entre
les deux; emplir les croustades avec des huîtres frites,
piquer deux hâtelets sur ces croustades, les entourer à leur
base avec des escalopes de poisson et de truffes, en les
alternant, remplir le vide du centre avec un buisson de
petites bouchées aux huîtres. Ce mets peut être servi comme
relevé de poisson dans un dîner.
Mouton. - Il existe dans les montagnes de la Grèce,
dans les îles de Chypre, de Sardaigne, de Corse, une race de
moutons devenue excessivement rare sous le plomb des
chasseurs, et que l'on croit être la race primitive de l'espèce
actuelle; elle est de la grandeur du daim, et porte des cornes
immenses; les moutons du Cap de Bonne- Espérance, ceux
de la mer Caspienne, ceux d'Astrakan ont la queue si grosse
qu'elle pèse jusqu'à vingt livres, quelques- uns traînent
après eux une petite brouette sur laquelle leur queue repose
pour que la laine ne soit pas gâtée en traînant à terre.
Ce fut à Don Pèdre, roi de Castille, que l'Espagne fut
redevable de l'introduction dans ce pays des moutons de
Barbarie, qui ont donné tant de renommée aux laines de
Castille; les profits que rapportèrent ces précieux animaux
engagèrent les nobles espagnols, à l'instar de leur roi, de
visiter et d'élever leurs troupeaux; les jours de la tonte
étaient célébrés par des fêtes. Ce fut pour cette cause que
les moutons, qui rapportaient à l'Espagne trente millions de
rente, étaient appelés les joyaux de la couronne; un bélier
de première race n'avait point de prix, et on en vit payer
jusqu'à 500 piastres.
Au XVe siècle, Edouard IV, roi d'Angleterre, obtint de
la munificence du roi d'Espagne trois mille animaux de
cette belle race de moutons, seulement le changement de
climat rendit la laine beaucoup plus longue et moins fine;
mais le soin extrême que les Anglais ont de leurs
troupeaux, et l'extermination entière des loups, leur
permirent de les tenir constamment en plein air. Les laines
anglaises furent dès lors généralement recherchées; c'est
afin de rappeler sans cesse à la nation de quelle importance
est ce commerce pour elle, que dans la chambre des lords
un sac de laine servait autrefois, et je crois sert encore
aujourd'hui, de siège à leur chancelier.
Ce fut encore l'Espagne qui fournit à la France
l'espèce nommée mérinos, qui se propagea de plus en plus
chez nous, concurremment avec la grande espèce dite des
moutons flandrins.
M. Moorcoft dit avoir trouvé, en 1822, en pénétrant
dans la Tartarie par les possessions anglaises de l'Inde, une
espèce de mouton qui doit être enviée par l'Europe. C'est
un animal domestique comme le chien, vivant dans la cour
ou sous les toits de son maître, se nourrissant de tout, et
partout s'engraissant des restes de la cuisine, mangeant
jusqu'aux os qu'on lui jette; il est de petite taille, mais ses
particularités, la bonté de sa chair, la finesse, le poids de sa
toison, le mettent de niveau avec les races supérieures. Il
donne deux agneaux et autant de tontes, qui rapportent trois
livres de laine. En France, les moutons dont la chair est la
plus estimée, sont ceux des Ardennes, de Langres, de La
Crau et de pré-salé; jeune, le mouton se nomme agneau; sa
chair est très tendre, mais moins succulente; plus tard, s'il
n'a pas subi la castration, sa chair est moins estimée que
celle de la brebis.
Le mouton est une grande ressource dans tous les
pays, mais particulièrement dans ceux où on ne trouve ni
auberges, ni cuisines; je veux parler de l'Espagne, des
bords du Nil et de l'Arabie. Lorsque l'on traverse des
parties de désert, avec quatre ou six Arabes, on convient
d'avance, et cela influe sur le prix, ou qu'on les nourrira, ou
qu'ils se nourriront eux-mêmes.
Quand on convient qu'on les nourrira, ils ont toujours
faim, et il est impossible de les rassasier; quand on
convient qu'on ne les nourrira pas, ils déjeunent avec une
datte, dînent avec deux, serrent leur ceinture d'un cran
après chaque repas, et tout est dit.
En 1833 j'allais de Tunis à un amphithéâtre romain
enfoncé de douze à quinze lieues dans le désert; je fis
marché avec quatre Arabes pour qu'ils me conduisissent à
Djem-Djem; c'est le nom de cette ruine. Les Arabes
s'étaient chargés de me fournir ma monture, c'est-à-dire un
chameau et de se nourrir eux-mêmes; j'avais emporté dans
une espèce de valise en fer -blanc un morceau de viande
rôtie, des dattes, du vin, de l'eau et de l'eau-de-vie. Arrivés à
la première halte où nous devions coucher, nous nous
installâmes pour dîner, et à mon grand étonnement, je vis
mes Arabes dîner avec quelques dattes et une banane; j'eus
honte de faire relativement à eux un si somptueux dîner
quand ils avaient mangé à peine; je leur donnai les trois
quarts de mon pain, toute ma viande rôtie, la moitié de mon
fruit, et ne gardai que mon vin et mon eau; je leur annonçai
alors que le lendemain nous déjeunerions tous ensemble
avec un mouton, qu'ils eussent donc à s'en procurer un, ce
qui me paraissait chose facile, ayant vu paître, cinq par
cinq ou six par six, des bandes de moutons dans tous les
endroits où il y avait de l'herbe. On se tromperait en croyant
que le désert commence au rivage de la mer; ce n'est que
douze ou quinze lieues plus loin que l'on trouve la solitude,
la famine et la soif. Le lendemain, je fus réveillé par le
bêlement d'un mouton. un de mes hommes s'était détaché
pendant la nuit et moyennant cinq francs, avait fait
l'acquisition d'un bel agneau d'une cinquantaine de livres;
deux heures après nous étions à Djem-Djem, où il était
convenu que l'on déjeunerait.
J'avais beaucoup entendu parler de la façon de préparer
le mouton au désert, je ne voulus donc rien perdre de ces
préparatifs; comme il ne devait être cuit que deux heures
après, qu'il ne fallait pas plus de deux heures pour visiter
l'amphithéâtre, j'assistai à tous les détails de la cuisson.
Les Arabes commencèrent par égorger l'agneau avec tous les
détails religieux recommandés par le Koran, puis ils lui
ouvrirent le ventre, jetèrent les intestins, conservèrent le
coeur, le foie et le poumon, puis ils fouillèrent dans le sac
aux provisions, lui remplirent le ventre avec des dattes, des
figues, du raisin sec, du miel, du sel et du poivre; après
quoi le ventre fut recousu avec le plus grand soin; pendant
ce temps, les deux Arabes qui n’étaient pas occupés après
l'agneau creusaient avec leur sabre une fosse de deux pieds
de profondeur, l'emplissaient de bois sec, auquel ils
mettaient le feu, après avoir prépare une autre brassée de
bois sec près de celui qui se réduisait en braise; puis ils
couchèrent sur ce lit de charbon ardent le mouton avec sa
peau, le recouvrant de la brassée de bois qu'ils avaient
préparée d'avance et qui prit feu aussitôt; lorsque cette
brassée de bois fut brûlée, le mouton se trouva enterré
comme une châtaigne sous les cendres; les Arabes alors
rejetèrent sur lui une partie de la terre qu'on avait tirée de la
fosse où il cuisait; puis ils me dirent d'aller voir
l'amphithéâtre tout à mon aise et que, dans une heure et
demie, le mouton serait cuit; au bout d'une heure et demie je
revins, car j'avais grand-faim et surtout grande envie de
goûter à la cuisine de mes guides; sans doute en avaient-ils
aussi grande envie que moi, car à peine me virent-ils avec
celui des Arabes qui parlait un peu l'italien et que j'avais
emmené avec moi, qu'ils se mirent à fouiller leur feu
souterrain, et qu'ils en tirèrent le mouton.
Il était rôti comme une pomme de terre dont la peau est
brûlée; en le grattant avec un poignard, sa peau prit la belle
couleur dorée d'un rôti rissolé dont la cuisson est arrivée à
son point; la laine brûlée disparaissait tout à fait, et l'on
devinait derrière cette peau, dont pas une gerçure n'avait
laissé échapper la graisse, une chair succulente et pleine de
sapidité. Je ne savais comment dépecer ce mouton, et je fis
signe au chef de notre escorte de l'attaquer le premier.
Celui-ci ne se fit pas prier; il réunit le pouce et l'index,
et, de même qu'un vautour eût donné un coup de bec, il
lança sa main en avant, il pinça et arracha un ruban de
chair; les autres en firent immédiatement autant, et comme
je vis que si je ne me pressais pas le mouton serait disparu
quand j'en demanderais ma part, je fis signe que je désirais
qu'on me laissât faire à mon tour.
Alors je détachai avec mon poignard une épaule de
devant, et, peu jaloux de prendre ma part de cette curée à
pleines mains, je déposai mon éclanche sur un des plats de
mon nécessaire, et comme un enfant en pénitence, je fis
mon repas à part; mon Arabe m'avait tenu parole et m'avait
rendu mon bidon plein d'eau fraîche.
Je dois dire que j'ai mangé du mouton dans quelquesunes
des cuisines les plus renommées d'Europe, mais
jamais je n'ai mangé de viande plus savoureuse que celle de
mon mouton cuit sous les cendres, que je recommande à
tous les voyageurs en orient.
Rosbif de mouton à la broche. - Coupez l'arrière-train
d'un mouton, brisez les os des cuisses; battez les deux
gigots avec le couperet; faites entrer les jarrets l'un dans
l'autre, rompez les côtes du côté du flanchet, roulez les
deux flancs et passez un hâtelet dans chaque; dégraissez
peu les rognons, enfoncez un petit hâtelet dans la moelle
allongée; couchez votre rosbif sur fer; attachez bien le petit
hâtelet d'un bout et les deux jarrets de l'autre; passez un
hâtelet dans les deux noix des gigots, mettez un autre grand
hâtelet qui se croise sur celui qui est passé entre les deux
noix, attachez-le fortement, enveloppez-le de papier huilé;
faites-le cuire une heure et demie ou deux heures, puis
servez-le avec du jus dessous ou des haricots à la bretonne.
Gigot de mouton à la broche. - Battez un gigot
mortifié, passez la broche dans le jarret sans toucher la
noix, faites-le cuire une heure et demie; puis coupez
l'extrémité du jarret, faites au bout de l'os un manche en
papier et servez votre gigot avec du jus ou son propre jus.
Gigot à la braise. - Désossez un gigot et une chair
noire et d'une graisse blanche, mais respectez le manche;
lardez-le de gros lardons, avec fines épices, sel, basilic,
poivre, persil, ciboules, ficelez-le et donnez-lui sa première
forme, cela fait, foncez une braisière avec quelques parures
de viande de boucherie, cinq ou six oignons et carottes;
superposez votre gigot, arrosez-le de consommé et d'un
peu d'eau-de-vie, avec feuilles de laurier, clous de girofle,
gousse d'ail et thym; faites-le partir; couvrez-le d'un
papier; faites-le aller doucement avec feu dessous et
dessus; laissez-le cuire quatre a cinq heures, égouttez-le,
glacez-le, et servez-le sur de la chicorée, ou avec son jus, ou
tous autres ragoûts qu'il vous plaira.
Gigot de mouton à l'anglaise. - Ayez un gigot comme
le précédent; coupez-en le bout du jarret et le nerf du
genou; battez-le; couvrez-en la superficie de farine;
enveloppez-le dans un linge noué aux quatre bouts; ayez
une marmite ou une braisière pleine d'eau, faites bouillir
cette eau, et mettez-y votre gigot avec du sel et une botte
de navets coupés en tranches; maintenez l'ébullition,
retournez le gigot, faites cuire pendant une heure et demie;
pendant la cuisson, retirez les navets et faites-en une purée,
desséchée et beurrée, salée, poivrée, etc.; mouillez-les peu
à peu avec de la crème, ou du lait que vous aurez fait
réduire; il faut leur donner assez de consistance pour les
dresser comme en pyramide; dressez- les; égouttez votre
gigot, posez-le sur le plat, masquez-le avec une sauce au
beurre, sur laquelle vous sèmerez des câpres, et servez-le.
Joignez votre plat de navets et une saucière, où vous aurez
mis une sauce aux câpres blanche. (Recette Vuillemot).
Gigot à l'eau. - Ayez un gigot comme ci-dessus;
mettez-le dans une braisière d'eau bouillante, assaisonnez- le
de carottes, oignons, persil et ciboules, deux clous de
girofle, laurier, thym, basilic, deux gousses d'ail; faites-le
cuire deux heures; égouttez-le, glacez-le, et servez-le avec
une sauce espagnole.
Gigot à la gasconne. - Ayez un gigot comme le
précédent, lardez-le d'une douzaine de gousses d'ail et
d'une douzaine d'anchois en filets, mettez-le à la broche; sa
cuisson faite, servez-le avec de l'ail blanchi cuit, jeté dans
l'eau fraîche, égoutté, dégraissé avec de l'espagnole réduite
et jus de boeuf.
Selle de mouton à la broche. - Coupez votre selle de
mouton au défaut des hanches, des gigots, et à la deuxième
ou troisième côte; braisez les côtes, roulez-en les flancs et
maintenez avec des hâtelets; couchez sur fer, comme il est
indiqué au rosbif. Faites cuire environ une heure et demie
et servez avec un jus clair.
Gigot en chevreuil. - Battez un gigot mortifié, levez la
première peau, piquez-le comme une noix de veau; mettezle
dans un vase de terre avec une poignée de graines de
genièvre et une pincée de mélilot; versez dessus une forte
marinade dans laquelle vous aurez mis du vinaigre rouge
en assez grande quantité; laissez mariner votre gigot cinq
ou six jours, égouttez-le, mettez-le à la broche et servez-le
à la poivrade.
Selle de mouton à la Sainte-Menehould. - Prenez et
faites cuire cette selle comme la selle à l'anglaise que vous
verrez plus bas; après en avoir levé les peaux, étendez
dessus une sainte-menehould, ensuite passez-la avec mie
de pain et parmesan râpé, couvrez de beurre, égouttez,
mettez au four. Faites prendre couleur, et servez avec un
jus clair.
Selle de mouton panée à l'anglaise. - Ayez une selle
de mouton et apprêtez-la comme la selle de mouton à la
broche: désossez les grandes côtes, roulez les flancs,
garnissez-les de quelques parures de mouton sans os,
retenez-les avec des brochettes de bois au lieu de hâtelets,
ficelez votre selle, foncez une braisière de quelques parures
de viande de boucherie, cinq ou six carottes, autant
d'oignons, deux ou trois clous de girofle, deux feuilles de
laurier, deux gousses d'ail, un peu de basilic et de thym,
posez sur ce fond votre selle, mouillez-la avec du bon
bouillon, faites-la partir, laissez-la cuire feu dessous et
dessus environ trois heures, égouttez-la, mettez-la sur un
plafond, ôtez les brochettes de bois, prenez quatre ou cinq
jaunes d'oeufs, faites fondre une demi-livre de beurre et
délayez-la avec vos jaunes d'oeufs. Mettez-y un peu de sel,
levez la peau de votre selle dans son entier, dorez-la avec
votre anglaise et passez-la bien également; faites fondre de
nouveau un peu de beurre, arrosez-la, faites-lui prendre
belle couleur au four, dressez-la après avoir enlevé le
plafond avec deux couvercles de casserole, posez-la sur
votre plat, mettez dessous un jus clair et servez. (Recette de
M. de Courchamps).
Petites selles de mouton en carbonnades. - Coupez
trois carrés de mouton, depuis la hanche jusqu'aux côtes
(ce qu'on appelle le filet), de ces trois parties faites six
morceaux égaux, donnez-leur la forme d'un coeur allongé, ce
qui se nomme queue de paon, ôtez les nerfs et les peaux de
vos filets, piquez-les, marquez-les comme la selle de
mouton à la sainte-menehould et faites cuire; égouttezles
ensuite, séchez-les en passant au-dessus une pelle rouge,
glacez-les et servez-les sous un ragoût de petites racines ou
sur de la chicorée, de la purée d'oseille ou une sauce
tomate.
Rouchis de mouton. - Prenez le quartier de devant d'un
mouton et dressez-le; levez les côtes du côté de la poitrine;
désossez-les jusqu'à l'échine que vous supprimez ainsi que le
collet, en épargnant les os de l'épaule; soutenez avec des
hâtelets dans le filet, embrochez comme une épaule de
mouton; faites cuire environ une heure et servez sur un
ragoût à la bretonne.
Epaule de mouton en ballon. - Désossez une épaule de
mouton, coupez de grands lardons, assaisonnez de sel,
poivre, fines épices, persil et ciboules hachés et aromates
passés au tamis, roulez vos lardons dans cet
assaisonnement; lardez les chairs de votre épaule sans en
percer la peau; passez avec une aiguille à brider une ficelle
tout autour de la peau de l'épaule, donnez-lui la forme d'un
ballon, foncez une casserole avec des carottes, des oignons,
une feuille de laurier, du thym, du basilic et les os cassés de
l'épaule, posez-la sur ce fond du côté de la ficelle,
mouillez-la de bouillon, couvrez-la de bardes de lard et d'un
rond de papier, faites-la partir; mettez-la cuire deux ou trois
heures sur la paillasse avec feu dessus et dessous;
égouttez-la, glacez-la; dressez-la sur une purée d'oseille ou
de chicorée blanchie, ou bien encore un ragoût de petites
racines, et servez.
Côtelettes de mouton au naturel. - Vous coupez dans
un carré de mouton des côtelettes d'égale grosseur, de
deux côtes en deux côtes; si ce carré est trop fort, vous en
supprimez une; ôtez l'os de l'échine, posez votre côtelette et
levez la peau qui la couvre du côté du filet; aplatissez-la
légèrement, parez-la, grattez le dedans de la côte; coupez le
bout de l'os de la longueur de trois pouces, suivant la
grosseur du mouton; supprimez les chairs de la pointe de
l'os, ratissez-le; faites fondre du beurre, trempez-y vos
côtelettes, mettez-les sur le gril, faites-les cuire en ne les
retournant qu'une fois, sans quoi vous perdez votre jus de
viande, et servez-les avec un jus clair.
Côtelettes de mouton panées. - Comme les
précédentes, et panez avant la cuisson.
Côtelettes de mouton à la Soubise. - Coupez vos
côtelettes un peu grosses, parez-les, aplatissez-les
légèrement, lardez-les de lard et de jambon, autant de l'un
que de l'autre, foncez une casserole avec les parures de ces
côtelettes, ajoutez-y trois ou quatre oignons, deux carottes,
un bouquet de persil et ciboules, bien assaisonnés, rangez
vos côtelettes dessus, mouillez-les largement avec du
consommé, couvrez-les de bardes de lard et d'un fort
papier beurre, faites-les partir, couvrez votre casserole,
mettez-la sur la paillasse avec feu dessus et dessous,
égouttez-les quand elles sont cuites, laissez-les refroidir,
parez-les de nouveau en égalisant la superficie des chairs et
supprimant ce qui dépasse des lardons, passez le fond de la
cuisson au travers d'un tamis de soie et faites-le réduire
jusqu'à consistance de glace; remettez vos côtelettes dans ce
fond, retournez-les afin de les glacer des deux côtés; dressezles,
versez dans le rond formé par elles une bonne purée
d'oignons au blanc, et faites autour de vos côtelettes une
garniture de petits oignons égarés, blanchis et cuits dans du
consommé, posez- les de manière à pouvoir planter dans la
queue de ces oignons une petite branche de persil, et
servez.
Côtelettes de mouton à la minute. - Coupez et parez
douze côtelettes comme il est dit ci-dessus, mettez-les dans
une sauteuse avec du beurre fondu et mettez cette sauteuse
sur le fourneau; faites cuire vos côtelettes en les retournant
souvent, égouttez le beurre qui se trouve dans la sauteuse
et remplacez-le par un peu de glace ou réduction de veau,
une cuillerée à dégraisser de bouillon, mettez-y vos
côtelettes, en les remuant, afin qu'elles s'imprègnent bien
de cette réduction; quand elles sont parfaitement glacées,
vous les dressez en cordon autour du plat et vous les arrosez
avec la glace que vous aurez liée avec une seconde
cuillerée de consommé et un peu d'excellent beurre.
Côtelettes de mouton à la jardinière. - Après avoir
préparé vos côtelettes et les avoir dressées comme il est
indiqué ci-dessus, vous faites un ragoût de toutes sortes de
légumes tournés, tels que petites carottes, petits navets,
champignons, haricots, petits pois verts cuits dans du
consommé et que vous mettez dans une casserole avec
trois ou quatre cuillerées à dégraisser d'espagnole; vous
faites mijoter et réduire en ragoût, le dégraissez et le
finissez avec un petit morceau de beurre et une pincée de
sucre en poudre, puis vous jetez ce ragoût dans le fond
formé par les côtelettes et arrangez dessus une tête de
chou-fleur.
Côtelettes de mouton à la chicorée. - Préparez une
côtelette et dressez-la de même que celles à la minute, puis
mettez dans le rond une bonne chicorée réduite, soit au
blanc, soit au roux.
Carrés de mouton à la servante. - Supprimez l'échine
de deux carrés de mouton, piquez-les comme les
carbonnades, un de lard et l'autre de persil vert en branche,
passez un hâtelet au travers, posez-les sur la broche et
faites-les cuire trois quarts d'heure en ayant soin de les
arroser, puis vous servez sur un plat, les filets en dehors,
avec un jus clair.
Carré de mouton en fricandeau. - Parez et piquez de
lard fin un carré de mouton, comme celui à la servante;
foncez une casserole des débris de votre carré et de
quelques parures de viande de boucherie, posez votre carré
dessus et joignez-y deux carottes, deux oignons et un
bouquet assaisonné; mouillez-le d'une cuillerée à pot de
bouillon, couvrez-le d'un papier bourré et faites cuire
comme les grenadins de veau; sa cuisson faite, égouttez- le,
levez la peau qui couvre les côtés, glacez le filet ou la
totalité du carré, servez-le sur une bonne purée d'oseille ou un
ragoût de chicorée.
Emincé de filets de mouton aux concombres. - Otez
les peaux et la graisse de la noix d'un gigot froid rôti,
coupez-la par filets, que vous émincerez et mêlerez sans
ébullition avec émincé de concombres réduits et bouillants
ou avec de la chicorée.
Filets mignons de mouton. - Levez les filets mignons
de douze carrés de mouton, parez-les, piquez-les, marquezles
tels que les carbonnades; leur cuisson faite, glacez-les
et dressez-les sur un ragoût de concombres au jus, et
servez.
Hachis de mouton à la portugaise. - Levez la noix et
la sous-noix d'un gigot rôti de desserte; supprimez nerfs,
graisse et peaux; hachez menu; mettez de l'espagnole
réduite dans une casserole et faites-la réduire à demiglace;
mettez-y vos chairs hachées, remuez-les sur le feu
sans les laisser bouillir, mettez-y un pain de beurre et un
peu de gros poivre, et, dans le cas où votre hachis ne serait
pas assez corsé, ajoutez-y un peu de glace de viande
dressez-le sur un plat auquel vous aurez fait une bordure
arrosez légèrement avec une espagnole réduite, posez
dessus six ou huit oeufs pochés, et servez.
Haricot de mouton.
Poitrine de mouton. - Parez deux poitrines de mouton
et coupez-en le bout du flanchet et l'os rouge de la poitrine,
ficelez-les et faites-les cuire dans une grande marmite après
les avoir assaisonnées de bon goût; quand elles sont cuites,
vous en levez la première peau, les parez de nouveau, les
arrondissez du côté du flanchet, les passez en les
saupoudrant avec de la mie de pain, assaisonnez de sel et de
poivre, faites-les griller ensuite, et servez avec une sauce
au pauvre homme.
Collets de mouton à la Sainte-Menehould. - Parez les
bouts saigneux de deux collets de mouton, blanchissez- les,
ficelez-les et marquez-les dans une braise faite avec des
parures de viande, des bardes de lard, trois carottes, autant
d'oignons, dont un piqué de deux clous de girolle, deux
feuilles de laurier, du thym, du basilic, deux gousses d'ail,
un bouquet de persil et ciboules et du sel; mouillez ces
collets avec du bouillon ou avec de l'eau, couvrez-les d'un
papier, faites-les partir et cuire ensuite deux ou trois heures
feu dessus et dessous; égouttez-les, posez- les sur un
plafond, parez-les, couvrez-les d'une sainte- menehould,
panez-les avec de la mie de pain mêlée de parmesan,
arrosez-les de nouveau, faites-leur prendre couleur dans un
four ordinaire, dressez-les et saucez-les avec une bonne
italienne rousse.
Collets de mouton grillés. - Ayez trois collets de
mouton, ôtez-en les bouts saigneux, faites blanchir et cuire
ces collets dans la marmite, panez-les ensuite, faites- les
griller de belle couleur, et servez-les avec une sauce
poivrade ou une sauce au pauvre homme.
Queues de mouton glacées à la chicorée. - Mettez
dans l'eau tiède cinq grasses queues de mouton;
blanchissez; faites cuire comme ci-dessus; une fois cuites,
égouttez, essuyez; ciselez, séchez avec une pelle rouge,
puis glacez, et servez sur chicorée, purée d'oseille ou tout
autre ragoût.
Queues de mouton en hoche-pot. - Faites blanchir six
queues de mouton et mettez-les cuire dans une braise avec
250 grammes de lard coupé en gros dés, auxquels vous
aurez laissé la couenne; faites blanchir quelques carottes,
navets, racines de céleri, oignons, et faites-les cuire à part
dans du consommé jusqu'à ce que le mouillement soit
tombé à glace; jetez ensuite ces légumes dans une casserole
où vous aurez mis une quantité suffisante d'espagnole
réduite, joignez-y votre petit lard retiré de la braisière et
faites cuire le tout ensemble avec une demi- bouteille de
vin blanc; dégraissez vos légumes, faites réduire à courte
sauce, égouttez les queues, glacez-les comme il est indiqué
plus haut, puis dressez vos légumes dans le plat, arrangez
les queues dessus, masquez-les avec le ragoût et servez.
Queues de mouton au soleil. - Vos queues de moutons
cuites dans une braise, vous faites une sauce aux hâtelets,
laissez refroidir le tout et en garnissez vos queues en ayant
soin de leur conserver leur forme; roulez-les dans la mie de
pain, faites une petite omelette assaisonnée de sel, trempezy
vos queues, panez-les, faites-les frire, dressez- les sur du
persil frit, la pointe en haut, et servez.
Terrine de queues de moutons. - Braisez six queues
de moutons, joignez-y 500 grammes de petit lard de
poitrine, ayez six ou huit ailerons de dindons, échaudezles,
désossez-les à moitié; flambez-les, épluchez-les et
poêlez-les. Prenez un cent de marrons pelés, mettez-les
dans une casserole avec un peu de beurre, sautez-les sur le
feu jusqu'à ce qu'ils aient quitté leur seconde peau, faitesles
cuire dans une casserole avec du consommé, puis
prenez tous ceux qui sont défectueux; vos queues de
moutons étant cuites, passez au tamis de soie une partie de
leur braise dont vous vous servirez pour mouiller votre
purée de marrons en la passant à l'étamine, puis faites-la
réduire en y ajoutant une bonne cuillerée d'espagnole,
dégraissez-la, égouttez vos queues ainsi que vos ailerons,
dressez-les dans la terrine avec votre petit lard coupé en
gros dés, ainsi que vos marrons entiers, finissez votre
purée avec un pain de beurre, goûtez si elle est de bon
goût, versez-la dans votre terrine et servez.
Vous pouvez employer, au lieu de marrons, selon la
saison, des lentilles ou des pois.
Rognons de moutons à la brochette. - Fendez douze
rognons de moutons pelés, passez-les dans une brochette
de bois, faites-les griller en les retournant de temps en
temps, puis retirez-les des brochettes; dressez-les sur un
plat, mettez dans chaque un peu de maître d'hôtel froide,
faites chauffer le plat et servez après avoir exprimé dessus le
jus d'un citron.
Rognons de moutons au vin de champagne ou à
l'italienne. - Pelez quinze rognons, émincez-les, faites
cuire à la casserole avec du beurre, faites aller à grand feu,
égouttez, mettez dans une italienne arrosée d'un verre de
champagne et réduite à glace, achevez de les faire cuire en les
remuant dans cette sauce sans ébullition, et servez avec jus
de citron.
Animelles de moutons. - Ayez deux paires d'animelles
dont vous supprimez les peaux, puis vous les coupez en
filets de la largeur du petit doigt en ne leur donnant que la
moitié de l'épaisseur; marinez-les dans du citron, sel,
poivre, quelques branches de persil et quelques ciboules,
égouttez-les quand vous aurez à vous en servir, farinezles,
faites-les frire de façon à ce qu'elles soient croquantes et
servez les.
Amourettes de moutons. - Comme celles de veaux.
Cervelles de moutons. - Elles s'apprêtent de même que
celles de veaux, mais elles sont moins délicates.
Langues de moutons en papillotes. - Nettoyez douze
de ces langues, faites-les dégorger, blanchissez d'un quart
d'heure, rafraîchissez, égouttez, pelez, marquez dans une
casserole avec bardes de lard, oignons, carottes, bouquet
de persil, ciboules, ail, feuille de laurier; mouillez avec du
bouillon, faites partir et cuire trois heures, laissez refroidir,
retirez sur un plat et faites autant de cornets de papier que
vous avez de langues; hachez des parures de champignons,
du persil et des ciboules, mettez le tout dans une casserole
avec 250 grammes de beurre, sel, poivre, épices fines, 75
grammes de lard râpé, passez ces fines herbes, faites-les
aller à petit feu, remuez-les, ajoutez-y à la fin de la cuisson
deux cuillerées à dégraisser d'espagnole ou de velouté,
faites mijoter le tout, liez-le avec trois jaunes d'oeufs et
versez cette sauce sur vos langues, laissez-les refroidir,
mettez-en une dans chaque cornet que vous avez préparé
en ayant soin de huiler le dehors, remplissez ces cornets de
fines herbes, fermez-les et mettez les griller sur un feu doux;
faites prendre couleur et servez.
Langues de moutons au gratin. - Prenez et faites cuire
dans une braise, comme ci-dessus, des langues de
moutons, laissez-les refroidir aussi pour qu'elles prennent
du goût, prenez de la farce cuite, garnissez de gratin le
fond d'un plat, ouvrez les langues en deux sans les séparer
afin qu'elles forment chacune un coeur et posez-les sur ce
plat garni; couvrez-les de la même farce en leur laissant
leur forme; garnissez-les de gratin tout autour, unissez-les,
passez-les, arrosez-les légèrement de beurre fondu; ayez
des bouchons de pain que vous tremperez dans ce beurre et
dont vous ferez une zone au bord du plat, afin que le gratin
conserve sa forme; mettez-le cuire dans un grand four feu
dessus et dessous, pour bien le faire gratiner, ayez bien soin
qu'il ne brûle pas et qu'il prenne une belle couleur; au
moment de servir, ôtez les bouchons de pain et mettez-en
d'autres passés dans du beurre et qui soient d'une belle
couleur, saucez d'une belle italienne rousse et servez.
Langues de moutons au parmesan. - Faites cuire vos
langues dans une braise, peu salée, laissez-les refroidir
dans cette braise, fendez-les en deux, mettez dans le fond
d'un plat de l'espagnole ou du velouté, saupoudrez le
dessus de parmesan râpé; arrangez les langues sur ce
parmesan, arrosez-les de votre espagnole, couvrez-les de
parmesan, joint à de la mie de pain à peu près la quantité
saupoudrée sur le fond du plat dont il est parlé plus haut,
arrosez-les d'un peu de beurre, mettez-les au four avec feu
dessus et dessous, faites prendre belle couleur et servez.
Pieds de moutons à la poulette. - Ayez une ou deux
bottes de pieds de moutons suivant la quantité que vous
voulez faire; prenez-les l'un après l'autre, supprimez-en le
bout des ergots, fendez le pied jusqu'à la jointure de l'os,
ôtez-en l'entre-fourchon, où il se trouve une petite pelote
de laine appelée vulgairement le ver; parez le haut du pied,
flambez-le, épluchez-le, supprimez-en le gros os, ensuite
faites blanchir ces pieds, essuyez-les avec un linge, mettezles
dans une braisière, mouillez- les avec un blanc, laissezles
cuire cinq ou six heures, égouttez-les, mettez-les dans
une casserole avec une cuiller à pot de velouté, faites-les
mijoter, assaisonnez de sel, gros poivre, persil blanchi; au
moment de les servir, liez- les avec trois jaunes d'oeufs
environ; finissez-les avec un filet de verjus, de vinaigre ou
d'un jus de citron, et servez.
Dans le cas où vous n'auriez pas de velouté, faites un
petit roux blanc.
Pieds de moutons à la sauce Robert. - Préparez ces
pieds comme ceux à la poulette, et leur cuisson achevée,
mettez-les dans une sauce Robert, faites-les mijoter,
assaisonnez- les, finissez-les avec un peu de moutarde,
qu'ils soient de bon goût, et servez.
Pieds de moutons à la ravigote. - Préparez ces pieds
de moutons comme ci-dessus, faites-les cuire dans un
blanc, sautez-les dans une ravigote froide, dressez-les et
servez.
Hachis de mouton à la mousquetaire. - Hachez la
viande; faites sauter dans le beurre des champignons,
également hachés, jusqu'à ce que le beurre soit tourné en
huile; on y ajoute alors quelques cuillerées de consommé,
autant de sauce espagnole, et on fait réduire le tout à
moitié; on verse cette sauce: sur le hachis, on mêle le tout, et
on le dresse avec des croûtons à l'entour. A défaut de sauce
espagnole, on jette un peu de farine sur les champignons;
ajoutez bouillon, sel, poivre, laurier, et on fait réduire.
Mulet. - Petit poisson qui se trouve dans les étangs et
dans les rivières.
Mûre. - Fruit du mûrier. Il y a deux espèces de mûriers:
le mûrier blanc, dont les fruits sont utilisés pour la
nourriture des oiseaux de basse-cour, qui les mangent avec
plaisir, et dont nous n'avons pas à nous occuper ici, et le
mûrier noir, qui porte de gros fruits suaves appelés mûres,
dont le parfum et la saveur sucrée charment les gourmets.
On le croit originaire de la Perse ou de la Chine; mais
depuis longtemps il s'était propagé en orient, d'où il passa
sans doute en Italie.
Les poètes anciens ont chanté ce végétal, dont le
feuillage les aura séduits: Ovide, dans la fable de Pyrame et
Thisbé, fait périr ces deux infortunés sous un de ces arbres,
et la fiction dit que leur sang, en arrosant ses racines,
communiqua une teinte pourpre noire aux fruits, qui
précédemment étaient blancs, et qu'à la prière de Thisbé,
les dieux leur conservèrent cette couleur sinistre pour
rappeler la catastrophe des deux amants. Virgile s'est plu à
peindre dans une de ses églogues une naïade barbouillant
la face de Silène avec le suc empourpré des mûres. Horace,
dans ses vers, donne pour précepte de manger des mûres à
la fin du repas, afin de se bien porter pendant les jours
brûlants de l'été. Pline, au contraire, les dit malsaines à ce
moment du repas, et rapporte que le mûrier est appelé le
plus sage des arbres, parce qu'il ne végète que quand le
froid est passé, et qu'alors son expansion a lieu avec bruit et
s'exécute dans l'espace d'une nuit.
Les fruits du mûrier sont alimentaires,
rafraîchissants, laxatifs. Les Romains en faisaient un
médicament qui s'administrait pour tous les maux.
Aujourd'hui, on en fait le sirop de mûres, que les médecins
conseillent en général dans les maladies inflammatoires, et
dont nous allons donner la recette.
Sirop de mûres. - Prenez un panier de mûres pour en
retirer à peu près un litre de jus; mettez-les sur le feu dans un
poêlon avec un litre d'eau environ, et faites-leur prendre
plusieurs bouillons jusqu'à ce que les trois demi- setiers
soient réduits à une chopine; égouttez les mûres sur un tamis;
clarifiez trois livres de sucre que vous ferez cuire au
boulet; jetez-y votre jus de mûres, faites-lui donner un
bouillon et écumez-le; vous prendrez la cuisson qui est la
même que pour les autres sirops, au petit perlé, en y
ajoutant un peu d'eau si elle était trop forte, afin qu'elle se
trouve au degré qu'elle doit avoir, videz ensuite votre sirop
dans une terrine, laissez-le refroidir et mettez- le en
bouteilles.
Muscade. - On appelle noix muscade, ou simplement
muscade, le noyau ou partie centrale du fruit du muscadier
aromatique. On obtient de la noix muscade deux huiles:
une huile concrète, que l'on appelle beurre de muscade, et
que l'on retire des muscades en les faisant bouillir dans
l'eau, et une huile volatile, quelquefois prescrite dans
certains médicaments.
On emploie de préférence dans les compositions
sucrées de la cuisine le macis, espèce de brou qui
enveloppe la noix muscade, dont la saveur est plus
délicate.
Muscat. - Espèce de raisin dont le suc et la pellicule
ont un arôme violent. Les meilleures espèces de muscat
sont ceux de la Provence et du Languedoc, c'est-à-dire de
Frontignan, de Rivesaltes, de Lunel et de la Ciotat. Il en
existe plusieurs variétés qui croissent dans les jardins et
dans les vignes.
On donne aussi ce nom à plusieurs espèces de poires.
Compote de raisin muscat. - Otez les pépins et les
peaux, et faites prendre deux bouillons dans un sirop cuit à
la grande plume.
Vous colorez la compote suivant la couleur du fruit que
vous avez employé; si c'est du muscat rouge ou violet,
vous mettez dans votre sirop une demi-cuillerée de teinture
de cochenille, si c'est du muscat vert, vous employez du
suc d'épinards cuit et blanchi, afin de donner à votre
composition une belle couleur vert tendre.
Muscat confit au liquide. - Vous prenez du muscat
encore un peu vert, vous en ôtez les peaux et les pépins, et
vous le mettez reverdir dans un peu d'eau sur de la cendre
chaude; au bout d'une heure, vous le passez au sucre cuit à
la plume, et vous faites bouillir à grand feu pendant sept à
huit minutes, puis vous le laissez refroidir et le versez dans
les tasses où vous devez le conserver.
Muscat confit au sec en grappes. - Vous faites cuire
du sucre à la grande plume et vous y rangez le fruit; faiteslui
prendre quelques bouillons couverts, écumez-le bien, et,
votre sucre étant venu au perlé, tirez le fruit, égouttezle,
dressez-le sur des feuilles d'office et laissez-le sécher à
l'étuvée.
Muscat confit à l'eau-de-vie. - Vous faites tremper
huit jours dans l'eau-de-vie du raisin sec de Damas; vous
mettez trois quarts de cette eau-de-vie sur un quart de sirop
ordinaire, passez ce mélange à la chausse, et le versez sur
votre raisin.
Ratafia de muscat. - Ecrasez de ce raisin bien mûr,
pressez-en le jus dans un linge fort et bien net, passez-le à
la chausse, mettez-y fondre du sucre, ajoutez autant d'eaude-
vie que de jus de fruit, et, pour l'assaisonner un peu
d'esprit de macis et de muscade distillé; laissez infuser ce
mélange avant de le clarifier, et joignez-y, pour le parfumer,
un grain d'ambre.
Gelée de raisin muscat. - Exprimez-en le jus, tamisezle,
coulez-le dans du sucre cuit ou cassé, faites-lui prendre
quelques bouillons, et votre gelée sera faite quand vous la
verrez tomber en nappes de l'écumoire.
Conserve de muscat. - Ecrasez le raisin, passez-en le
jus au tamis, faites-le dessécher, et délayez-le avec du
sucre cuit à la grande plume. Il faut une livre de sucre
pour une livre de fruits.
N
Navets. - Navets Les légumes eux-mêmes ont leur
aristocratie et leurs privilèges: il est reconnu que les trois
meilleures espèces de navets qu'on peut cultiver sont ceux de
Cressy, de Belle-Isle-en-Mer et de Meaux; mais, soit
intrigues, soit adresse, ce sont les navets de Freneuse et de
Vaugirard qui fournissent aujourd'hui à la consommation de
Paris. La première recette qui nous tombe sous la main est
celle des navets à la d'Esclignac. Qui a pu valoir à M.
d'Esclignac l'honneur de donner son nom à un plat de
navets? Il n'y a rien de plus curieux à étudier, sous ce
rapport, que les livres des cuisiniers et les étranges
fantaisies qu'il leur prend de saucer, de mettre sur le gril et
de faire rôtir nos grands hommes.
Voilà ce que nous trouvons dans un seul, à
l'article POTAGE:
Potage à la Demidoff.
- à la John Russell.
- à l'Abd-el-Kader.
- à la ville de Berlin.
- à la Cialdini.
- au 15 septembre 1864.
- au héros de Palestro.
- à la Lucullus.
- à la Guillaume Tell.
Potage au mont Blanc.
- à la Magenta et à la Solferino.
- aux Dardanelles.
- à la Dumas.
- à la Thérésa.
- à la mère l'Oie.
- à la Rothschild.
Si nous passons du potage aux hors-d'oeuvre,
nous trouvons, sans nous rendre compte du motif:
Fritures sibériennes
Petits soufflés au Caire.
Petits pâtés à la Turbigo.
Petits pâtés Inkermann.
Filets de merlans à la Durando.
Petites timbales à la Garibaldi.
Friture au prince impérial.
- à la Louisiane.
- à la Capodimonte.
- à l'Africaine.
Friture au nouveau monde.
- à la fleuriste florentine.
Petites timbales à la Titus.
Soufflés à la Marc Aurèle.
Pâtés Omer-Pacha.
Petites bouchées aux vrais amis.
Bâtons à la Palmerston.
Petits soufflés à la Cellini.
Petits soufflés au désir.
Relevés
Turbot à la lord Byron.
Esturgeon à l'Arioste.
Truite à l'union universelle.
Pièce de boeuf à la Napoléon III.
Gigot de mouton à la Jean-Jacques Rousseau.
Matelote à la botanique.
Filet de turbot au prince Humbert.
Esturgeon aux flottes réunies.
Culotte de boeuf à la Dante Alighieri.
- à la Napoléon Ier.
Filet de boeuf à la Jules César.
Poulet aux cinq journées de Milan.
Bécasse au quadrilatère vénitien.
Pyramide à la rentrée des armées.
Poularde aux Florentins du 27 septembre 1859.
Poularde à la Dame aux camélias.
Dindonneau à la paix européenne.
Oie à la don Carlos.
Cochon de lait à la Washington.
Jambon à la reine Victoria.
Filets de volaille au grand poète.
Tortue à la Saïd-Pacha.
Poulet nouveau à la Nélaton.
Tête de veau à la Girardin.
Filets de faisan à l'impératrice Eugénie.
Rognons de chapon à l'amitié.
Filets mignons de dindonneau au souvenir.
Entrées chaudes
Suprême de volaille à la Lucullus.
Poularde à la Scipion l'Africain.
Caille à l'aigle romaine.
Ortolan à l'indépendance.
Poularde au prince Albert.
Bécasse au prince de Galleds.
Lièvre à la Dante de Castiglione.
Perdrix rouge à la maréchal Ney.
Croustade de gibier aux Trois mousquetaires.
Mauviettes aux frères Bandiera.
Saumon à la don Juan.
Poularde au premier soldat de l'indépendance italienne.
Perdreau à la Cimarosa.
Côtelette de veau au doge de Venise.
Froides
Galantine de dindonneau au roi de Perse.
Pain de caneton à la Michel Ange.
Pâté de gibier au grand Frédéric.
Cochon de lait de Gemma.
Chaud-froid de caille à la Charles-Albert.
Timbale d'huîtres à la Raphaël.
Filet de turbot à la lettore Fieramosca.
Mayonnaise de homard à la Nicolo dei Lapi.
Mayonnaise de thon à la Vespucci.
Chaud-froid de ris d'agneau à la Brunellesco.
Homard à la Borgia.
Mayonnaise de poisson aux quatre ports de mer.
Galantine de chapon à la Persano.
Hure de sanglier à la Machiavel.
Rots
Oie à la Nelson.
Dindonneau à la Tibère.
Ortolan à la sultane
Poulet au roi de Rome.
Nous pourrions pousser plus loin la liste de ce cuisinier
historique, qui est en même temps un excellent cuisinier,
auquel nous ne nous priverons pas, en le citant, bien
entendu, d'emprunter quelques-unes de ses étranges
recettes.
Revenons à nos navets.
Navets glacés au jus. - Choisissez des navets égaux de
taille et propres à être taillés en poires, faites-les blanchir,
égouttez-les, et beurrez le fond d'une casserole qui puisse
les contenir les uns à côté des autres; arrangez-y ces
navets, faites-les blondiner au beurre et au sucre, mouillezles
d'excellent bouillon, saupoudrez-les de sucre écrasé,
mettez-y un grain de sel et un peu de cannelle en bois,
faites-les partir, couvrez-les d'un fond de papier beurré,
posez-les sur le bord du fourneau avec du feu dessous,
mettez sur votre casserole son couvercle avec du feu sur le
couvercle, et, la cuisson de vos navets achevée, découvrezles,
faites-les tomber à glace, dressez-les sur votre plat,
versez un peu de bon bouillon dans votre casserole pour en
détacher la glace; retirez-en la cannelle et saucez vos
navets de cette glace, comme si c'était une compote.
Je m'aperçois que j'ai eu l'injustice de sauter pardessus
les navets à la d'Esclignac, qui ont été la cause de la
longue parenthèse à laquelle nous nous sommes livrés,
mais je m'empresse de réparer cette injustice.
Navets à la d'Esclignac. - Ayez des navets longs de
quatre ou cinq pouces, coupez-en les deux bouts, fendezles
en deux et tournez chaque moitié pour lui donner la
forme d'une corde, taillez avec le bout du couteau deux
petites rainures telles qu'il en est à ces dernières, faites-les
blanchir, mettez-les dans une casserole comme les
précédentes, assaisonnez-les et faites-les cuire de la même
manière; seulement, n'y mettez pas de cannelle. Leur
cuisson terminée, mettez un peu d'espagnole dans votre
casserole pour en détacher la glace, joignez-y un peu de
beurre et saucez vos navets.
Navets à la picarde. - Tournez des navets dans la
forme que vous voudrez, mettez-les dans une casserole
avec des oignons, du sel et un morceau de beurre, faitesles
cuire, égouttez-les, confectionnez une bonne sauce
blanche, liez-la de farine de manioc ou de tapioca, mettez- y
une pincée de muscade râpée, ainsi qu'une demi- cuillerée
de fine moutarde, et faites prendre sauce à vos navets.
Ragoûts de navets pour litière ou garniture. - Après
avoir coupé régulièrement et proprement des navets, faitesleur
faire un bouillon dans de l'eau, mettez-les cuire ensuite
avec du bouillon ou du coulis et un bouquet de fines
herbes; quand ils sont cuits, assaisonnez de bon goût et
dégraissez votre ragoût.
On sert assez souvent des navets avec des viandes cuites
à la braise; mais une façon plus simple est celle-ci: quand la
viande est à moitié cuite, on y met des navets pour faire
cuire le tout ensemble, et quand on a bien assaisonné le
ragoût, on le dégraisse avant de le servir.
Navets en ragoût vierge. - Tournez trente ou quarante
navets en boules de la même grosseur, faites-les blanchir
dans l'eau bouillante et légèrement salée; après les avoir
rafraîchis, vous les ferez cuire dans un consommé de
volaille avec de la moelle et du sucre, après quoi vous
ajouterez un morceau de beurre bien frais, et vous
achèverez ce ragoût en le liant avec des jaunes d'oeufs au
bain-marie.
Purée de navets pour garnir les potages. - Mettez un
quart de boeuf dans une casserole, avec une douzaine de
gros navets coupés par morceaux; placez votre appareil sur
un feu très vif, en ayant soin de le manipuler fréquemment;
lorsque les navets commencent à fondre, vous y mettrez du
blond de veau, vous ferez réduire le tout à consistance de
purée, vous passerez à l'étamine et vous vous en servirez
d'après l'indication.
Bouillon pectoral aux navets. - Faites bouillir 1
kilogramme de jarret, avec 1 kilo 500 grammes de mou de
veau, dans quatre setiers d'eau de pluie bien filtrée,
joignez-y une demi-once d'amandes douces concassées;
laissez réduire à moitié. Pendant ce temps-là, vous aurez
fait cuire vingt-quatre navets dans les cendres rouges,
après les avoir enveloppés dans une triple feuille de papier
d'office, et lorsque les navets auront formé leur sirop, vous
les tirerez de leur enveloppe, afin de les mettre dans le
bouillon, où vous les laisserez se consommer jusqu'à
réduction d'un quart. Joignez-y 2 gros de sucre candi, 3
gros de gomme arabique en poudre; mélangez le tout
jusqu'à solution parfaite, et maintenez ce bouillon tiède au
bain-marie pour être administré par tasse ou bien par
cuillerée, suivant le cas. (M. de Courchamps).
Nèfle. - Fruit du néflier; la meilleure espèce de nèfle est
celle qu’on appelle la nèfle de Saint-Lucas, parce qu'on
doit la cueillir à la Saint-Luc. C'est un fruit que l'on ne
saurait manger que lorsqu'il a bletti sur la paille; on en fait
des compotes, et voici la manière de procéder à cette
ancienne préparation:
Otez la couronne et les ailes des nèfles; faites fondre
du beurre frais, et lorsqu'il est roux, mettez-y vos nèfles, et
laissez-les bouillir. Cuites, arrosez d'un quart de litre de vin
rouge, et faites consommer le tout en sirop; retirez les
nèfles, dressez dans un compotier, saupoudrez de sucre
blanc et servez.
Néroli. - Huile des fleurs de l'oranger; on l'emploie
dans la fabrication des dragées et dans la préparation des
liqueurs fines; le meilleur néroli est celui qui se fabrique à
Rome.
Nitre et salpêtre. - Deux noms qu'on applique à la
même substance; cependant par nitre on entend plus
particulièrement le sel purifié, tandis que le salpêtre est
toujours mélangé de sel marin; le nitre rougit les viandes
qu'il sale; et c'est pour cela qu'on l'emploie dans la salaison
des noix de boeuf, des langues et des jambons.
Nivernaise. - Sorte de ragoût qui consiste à faire cuire
dans du consommé des morceaux de carottes tournés en
forme d'olive, jusqu'à ce que ce mouillement soit épaissi.
Nivette. - Nom d'une espèce de pêche qui succède
immédiatement à la pêche Admirable; la chair en est molle,
mais savoureuse. Elle cuit mal.
Noisette. - Fruit du coudrier que l'on cueille en
automne et dont il existe trois variétés dont la meilleure est
l'aveline rouge.
Noix. - Lorsque les semences du noyer sont
desséchées, elles ne peuvent être employées pour la cuisine;
cependant on leur rend une certaine fraîcheur en les faisant
tremper dans du lait tiède où on les laisse refroidir. (Pour
les noix vertes, V. CERNEAUX).
Nonpareilles. - On nomme nonpareilles de petites
dragées de la grosseur d'une tête d'épingle, dont on couvre
certaines pièces de pâtisserie fine; ces dragées ne sont pas
sans quelque danger, il faut s'informer des substances qui
ont servi à les teindre, surtout les vertes.
Nougat. - Le nougat blanc, dit de Marseille, est un
composé de filets d'amandes douces et de pistaches
mondées que l'on fait cuire avec du miel de Narbonne; le
nougat blanc se sert et se mange au dessert. Le nougat brun
avec lequel on bâtit des temples, des dômes, des portiques,
se compose de la manière suivante: vous mondez, vous
lavez, vous faites égoutter sur un linge blanc 500 grammes
d'amandes douces. Coupez chacune de ces amandes en
filets, que vous ferez jaunir à un four très doux; faites
fondre sur un fourneau, dans un poêlon, 75 grammes de
sucre pulvérisé; quand il sera bien fondu, jetez-y vos
amandes chaudes, et mêlez bien le tout; après avoir retiré
votre poêlon du feu, mettez vos amandes dans un moule
essuyé et huilé; montez-les autour du moule à l'aide d'un
citron que vous appuierez sur vos amandes, elles
resteraient collées à vos doigts si vous vous en serviez;
montez-le le plus mince possible, démoulez-le, dressez-le,
et servez.
Nouilles. - Pâte d'origine allemande. Espèce de
vermicelle extrêmement délié dont on garnit quelquefois
les vol-au-vent.
Lorsque vous voudrez faire des nouilles au lieu de les
acheter toutes faites, vous prendrez un demi-litre de farine,
vous y ajouterez quatre ou cinq jaunes d'oeufs, un peu de
sel et un peu d'eau; vous ferez du tout une pâte bien mêlée
et un peu ferme, vous l'étendrez avec un rouleau jusqu'à
l'épaisseur de cinq millimètres; coupez-la alors en filets que
vous saupoudrez de farine, pour que vos nouilles ne
s'attachent pas les unes aux autres; jetez cette pâte dans du
bouillon bouillant, vous laisserez cuire pendant un quart
d'heure et vous colorerez avec une cuillerée de jus ou un
peu de caramel; si vous craignez que la pâte ne se dissolve
en cuisant, employez les oeufs entiers au lieu de ne
procéder qu'avec les jaunes. Ajoutez un peu de safran
infusé dans la pâte.
Potage aux nouilles à l'allemande. - Délayez un demilitre
de farine avec trois jaunes d'oeufs et deux oeufs
entiers; ajoutez du sel et versez assez de bouillon pour que la
pâte liquide passe à travers une écumoire creuse comme une
cuiller à pot, assaisonnez avec muscade et gros poivre;
passez dans du bouillon brûlant, surtout que le feu soit vif.
Pour apprêter des nouilles à la maître d'hôtel, au
parmesan, au coulis de jambon, au jus maigre, faites-les
cuire comme nous venons de l'indiquer.
Noyau. - Graine solide de certains fruits renfermée
dans une partie charnue solide et aromatique; on fait
différentes liqueurs et ratafias avec les différents noyaux.
O
Oeufs. - Corps organique que pondent les femelles des
oiseaux et qui renferme les développements d'un germe.
Ce sont les oeufs de poule qui s'emploient le plus
souvent pour la nourriture de l'homme.
«Il est évident, dit M. Payen, que cette substance
alimentaire contient tous les principes indispensables à la
formation des tissus des animaux, puisqu'elle suffit, sans
autre aliment externe, à l'évolution du germe, qui par degré
se transforme en un petit animal composé de muscles, de
tendons, d'os, de peau, etc».
On trouve, en effet, dans l'oeuf des substances azotées,
des matières grasses et sucrées, du soufre, du phosphore et
des sels minéraux.
Le blanc est formé d'albumine.
Les oeufs sont un des aliments qu'on a le plus de peine
à se procurer frais l'hiver; or tout le monde sait qu'il n'y a
pas de goût plus désagréable que celui d'un oeuf qui n'est
pas frais. Presque tous les livres de cuisine vous
conseilleront de faire votre provision d'oeufs entre les deux
Notre-Dame, c'est-à-dire entre le 15 août et la miseptembre.
La meilleure manière de les conserver alors est de
les enterrer dans des cendres de bois neuf auxquelles on a
mêlé des branches de genévrier, de laurier et d'autres bois
aromatiques; il est bon de mélanger avec cette cendre du
sable très sec et très fin.
Au reste, il y a une façon très simple de savoir si
l'oeuf est encore bon: posez-le dans une tasse pleine d'eau,
s'il se soulève d'un des côtés et tend à se tenir debout, c'est
que l'oeuf est au tiers vide, et par conséquent n'est pas
mangeable; s'il pose d'aplomb sur son milieu, c'est qu'il est
frais.
Quand l'oeuf est frais, nous ne dirons pas que la seule
manière de le manger, mais que la meilleure manière de le
manger est à la coque; il ne perd rien alors de sa finesse;
son jaune est savoureux, son blanc est en lait, et si l'on a eu
le sybaritisme de le faire cuire dans du bouillon, qu'il ne
soit ni trop ni pas assez cuit, vous mangerez votre oeuf dans
la perfection.
Il y a des personnes pour lesquelles un oeuf est un
oeuf; c’est une erreur; deux oeufs pondus à la même heure,
l'un d'une poule qui court par les jardins, l'autre d'une
poule qui mange de la paille dans une basse- cour, peuvent
présenter une grande différence dans le goût et dans la
sapidité.
Je suis de ceux qui veulent que l'oeuf soit mis dans l'eau
froide et cuise dans l'eau, échauffé peu à peu; de cette
façon, tout dans l'oeuf est cuit au même point. Tout au
contraire, si vous laissez tomber votre oeuf dans de l'eau
bouillante, il est rare qu'il ne se casse pas, puis il pourrait
arriver que le blanc soit dur et que le jaune ne fût pas cuit.
Lorsque les oeufs sont frais, on éprouve une grande
difficulté à les écailler, il faut alors les fendre en deux
avec un couteau et les enlever avec le dos d'une fourchette;
souvent il arrive qu'on vous apporte des oeufs à la coque
trop cuits, employez ce moyen: broyez vos oeufs dans
votre assiette avec du sel et du poivre, un morceau de
beurre, saupoudrez-les de quelques-unes de ces ciboulettes
qu'on appelle appétits, et si vous n'avez pas le temps de faire
cuire d'autres oeufs, vous n'aurez pas trop perdu au change.
Oeufs pochés. - Voici la recette du Cuisinier impérial
de 1808, et du Cuisinier royal de 1839. Libre à vous de
l'adopter:
Ayez quinze oeufs pochés, tirés de l'eau et attendant sur
un plat, vous avez douze canards à la broche; lorsqu'ils
seront cuits verts, c'est-à-dire presque cuits, vous les
retirerez de la broche; vous cisèlerez jusqu'aux os, vous
prendrez le jus, l'assaisonnerez de sel et de gros poivre et,
sans le faire bouillir, vous le verserez sur vos quinze oeufs
pochés.
Douze canards pour quinze oeufs! Qu'en dites- vous?
Oeufs pochés sans jus de canard. - Faites bouillir de
l'eau salée et vinaigrée, évitez l'évaporation trop grande;
cassez les oeufs sur la casserole et versez-les doucement
sans rompre le jaune; quand ils seront cuits et qu'ils vous
paraîtront assez consistants, parez-les en enlevant la
portion de blanc qui peut s'être étalée. Il n'y a que les oeufs
très frais qui puissent se pocher facilement. On sert les
oeufs pochés avec du jus au fond de leur plat.
Oeufs brouillés. - Faites fondre du beurre dans une
casserole, cassez-y des oeufs, et assaisonnez-les avec sel,
poivre, muscade râpée; remuez; au moment de servir,
ajoutez un peu de verjus, ou de jus de citron.
Les oeufs brouillés aux pointes d'asperges se font de la
même façon; on ajoute des pointes d'asperges cuites,
lorsque les oeufs sont déjà mêlés avec le beurre.
Pour les oeufs brouillés au jus, ajoutez jus ou bouillon.
Si, par hasard, vous aviez fait pour le même dîner ou
le même déjeuner des rognons sautés au vin de Champagne,
les rognons cuits, enlevez quatre ou cinq cuillerées de leur
sauce, et mêlez-les à vos oeufs brouillés.
Si vous avez, par hasard, du bouillon de poulet, mêlez
à vos oeufs moitié de cette sauce au vin de Champagne et de
bouillon de poulet; vous aurez alors des oeufs qui
atteindront tout à la fois le degré de délicatesse et de
sapidité auquel ils peuvent arriver.
Oeufs frits. - On emploie, pour faire frire les oeufs, le
beurre, le saindoux ou l'huile; préférez le beurre: l'huile
frite a toujours un goût désagréable.
Faites frire du beurre jusqu'à ce qu'il roussisse, cassez
vos cinq, six ou huit oeufs, tous ensemble dans un plat;
quand vous verrez que votre beurre pétille, versez dans la
poêle, en prenant garde de briser les jaunes, vos oeufs;
salez et poivrez, avec quelques petits appétits; laissez-les
frire, jusqu'à ce qu'ils soient d'une belle couleur, versez-les de
la poêle dans leur plat, faites frire du vinaigre à l'estragon;
jetez-y une poignée de persil, et versez votre vinaigre et
votre persil sur vos oeufs.
Oeufs au gratin. - Mêlez de la mie de pain, du beurre,
un anchois haché, persil, ciboules, échalotes, trois jaunes
d'oeufs, sel, gros poivre et muscade; mettez dans un plat
qui aille au feu une couche de muscade au fond; faites
attacher sur un petit feu, cassez sur le gratin la quantité
d'oeufs que vous voulez servir; faites cuire doucement,
promenez au-dessus du plat une pelle rouge, pour faire
prendre les blancs; lorsqu'ils sont cuits, saupoudrez-les de
sel, poivre et muscade.
Oeufs à la tripe. - Passez au beurre des oignons coupés
en tranches; ne faites pas roussir, mêlez une demi- cuillerée
de farine avec les oignons, et ajoutez un grand verre de
crème, sel, poivre et muscade; quand le tout est un peu
réduit, mettez-y des oeufs durs coupés en tranches et faites
chauffer sans ébullition.
Oeufs au beurre noir. - Cassez sur un plat douze
oeufs, salez, poivrez, et mettez dans une poêle à courte
queue 75 grammes de beurre; faites-le noircir sans brûler,
écumez-le et tirez-le au clair dans un autre vase; remettez le
beurre dans la poêle et faites-le chauffer de nouveau;
arrosez-en vos oeufs, coulez-les dans la poêle, mettez-les
sur de la cendre rouge, et servez-vous d'une pelle ardente
pour les faire prendre par-dessus. Leur cuisson achevée,
coulez-les sur votre plat, faites chauffer dans la poêle un
peu de vinaigre; lorsqu'il sera bouillant, versez-le sur vos
oeufs, et servez sans donner le temps de refroidir.
Oeufs sur le plat dits au miroir. - Etendez de beurre
avec sel votre plat, cassez vos oeufs et posez-les sur ce
plat à côté l'un de l'autre, de manière à n'en pas crever les
jaunes. Arrosez-les de quatre ou cinq cuillerées de crème,
mettez-y çà et là quelques petits morceaux de beurre,
saupoudrez-les d'un peu de sel fin, de gros poivre, de
muscade râpée; posez votre plat sur une cendre chaude,
faites-les prendre à la pelle rouge, afin que les jaunes ne
durcissent pas.
Oeufs à l'aurore. - Faites durcir et refroidir douze
oeufs, enlevez-les de leur coquille, par la méthode que j'ai
indiquée, séparez-en les jaunes des blancs, mettez les
jaunes dans un mortier; ajoutez-y 75 grammes de beurre
fin, sel, muscade, fines épices, jaunes d'oeufs crus, pilez le
tout, émincez vos blancs, mettez-les dans une béchamel
réduite et chaude, soit grasse ou maigre, peu importe;
sautez-y vos oeufs sans les laisser bouillir; faites qu'ils
aient une certaine consistance, dressez sur le plat que vous
devez servir, retirez vos jaunes du mortier, mettez-les sur le
fond d'un grand tamis, posez ce tamis au-dessus de votre
plat, faites-les passer également sur l'appareil, qui est
dressé sur ce plat; servez-vous d'une cuiller de bois,
garnissez le bord de votre plat avec des bouchons de pain,
trempés dans une omelette battue, mettez vos oeufs sous
un four de campagne, et faites-leur prendre une belle
couleur.
Oeufs à la polonaise. - (Recette de M. de la Reynière).
Faites durcir un quarteron d'oeufs, fendez-les en deux,
séparez les jaunes des blancs, pilez les jaunes dans un
mortier; ajoutez-y gros comme deux oeufs de beurre, du
sel, des fines épices, un peu de muscade râpée et cinq à six
jaunes d'oeufs crus. Lorsque votre farce sera bien mêlée
sans grumelots, saupoudrez-la de persil haché très fin,
mêlez-y deux ou trois blancs d'oeufs fouettés; prenez votre
plat, garnissez-en le fond de votre farce à peu près de
l'épaisseur de trois ou quatre lignes, remplissez vos moitiés
d'oeufs de cette préparation, en leur donnant la forme d'un
oeuf entier; dressez-les, dorez-les, mettez-les sous un four
de campagne, avec feu dessus, feu dessous. Faites qu'ils
aient une belle couleur, nettoyez le bord de votre plat, et
servez.
Oeufs à la provençale. - Versez un verre et huile dans
une petite poêle, vous la mettez au feu; quand l'huile est
bien chaude, cassez un oeuf dans un vase à part, mettez-y
du sel, du poivre, versez-le dans l'huile, affaissez avec une
cuiller votre blanc qui bouillonne. vous le retournez et,
lorsqu'il a une belle couleur des deux côtés, vous l'égouttez
avec un tamis de crin, vous répétez la même opération
autant de fois que vous avez d'oeufs; vous les parez, vous
les dressez en couronne, vous mettez un croûton glacé
entre deux oeufs, vous versez dessous une espagnole
réduite dans laquelle vous mettez un zeste de citron.
Oeufs en filets. - Délayez sur un plat huit jaunes
d'oeufs, avec une cuillerée d'eau-de-vie, ajoutez un peu de
sel; étant cuit et froid, coupez-le en filets pour tremper
dans une pâte à frire légère; faites frire et servez avec du
persil frit.
Oeufs farcis. - Vous faites durcir dix ou douze oeufs,
fendez-les par le milieu de la longueur, enlevez les jaunes et
mettez-les à part dans un mortier pour les piler; vous les
passez ensuite au tamis à quenelle, laissez tremper une mie
de pain dans du lait, vous la presserez bien pour en extraire
le lait jusqu'à la dernière goutte; vous la pilerez et vous la
passerez au tamis, ainsi que les oeufs, vous ferez piler
autant de beurre que vous aurez de jaunes pilés; vous mettrez
portion égale de mie, de beurre et de jaunes d'oeufs; vous
broierez le tout ensemble, et quand votre farce sera bien
pilée et confondue, vous y mettrez un peu de ciboules et de
persil haché bien fin et lavé; vous y ajouterez du sel, du
gros poivre, de la muscade râpée; vous pilerez de nouveau
votre farce, vous y ajouterez trois jaunes d'oeufs entiers,
vous conserverez la farce maniable en y mettant de l'oeuf
à mesure. Lorsqu'elle sera finie, vous la mettrez dans un
vase. Vous ajouterez épais d'un doigt dans le fond du plat,
vous farcirez vos moitié d'oeufs, vous tremperez la lame
d'un couteau dans du blanc d'oeuf pour unir le dessus, vous
mettrez les oeufs avec ordre sur la farce qui est dans le plat,
vous poserez le plat sur la cendre rouge avec un four de
campagne par- dessus. Vous la servirez ayant de la couleur,
arrosée de jus de veau mêlé de crème double.
Oeufs à la béchamel. - Mettez dans une casserole
quatre ou cinq cuillerées de béchamel grasse ou maigre,
coupez quinze oeufs durs comme il est dit ci-dessus,
mettez-les dans votre béchamel très chaude, sans les
laisser bouillir; finissez avec du beurre et de la muscade;
dressez-les et entourez-les de croûtons.
Oeufs à la sauce Robert. - Epluchez six gros oignons,
enlevez-en les coeurs, coupez-les en rouelles, mettez-les
dans une casserole avec un morceau de beurre, posez votre
casserole sur un feu vif, faites roussir vos oignons,
mouillez-les avec du bouillon gras ou maigre, salez,
poivrez, laissez cuire et liez votre sauce; au moment de
servir, coupez en rouelles douze oeufs durs, mêlez-les bien
avec elle; ajoutez-y, pour les achever, une cuillerée à
bouche de moutarde.
Oeufs à la pauvre femme. - Cassez douze oeufs sur du
beurre tiède, et vous les mettrez sous la cendre chaude;
coupez alors de la mie de pain en petits dés, vous la
passerez au beurre quand elle est bien chaude, bien blonde;
vous l'égoutterez et vous la sèmerez sur vos oeufs; mettez un
four de campagne chaud par-dessus; lorsque les oeufs seront
cuits, versez sur eux une sauce espagnole réduite. Ajoutez
aux oeufs du jambon bien tendre ou du rognon.
Oeufs au blanc de perdrix. - Prenez une perdrix qui
ait du fumet, videz, bardez et faites cuire à la broche;
étant cuite, pilez-la dans un mortier, mettez dans une
casserole une demi-cuillerée à pot de coulis clair, de veau et
de jambon, et une autre demi- cuillerée de veau, avec un
peu de sel, de poivre, et de muscade; faites chauffer un peu,
délayez-y un peu la perdrix pilée, six jaunes d'oeufs frais;
passez le tout à l'étamine; mettez un plat sur les cendres
chaudes, videz les oeufs dedans, couvrez-les d'un couvercle,
qu'il y ait du feu sur le couvercle; lorsqu'ils sont pris,
servez-les chaudement.
Oeufs au blanc de poularde et au blanc de faisan. -
Faites ces oeufs de la même manière que ceux au blanc; le
fond change, mais la façon reste la même.
Oeufs aux amandes ou à la demoiselle. - Prenez des
biscuits d'amandes, des macarons, un peu de citron confit;
pilez le tout ensemble, arrosez le tout avec un peu d'eau de
fleur d'oranger, mettez-y un morceau de sucre; quand tout
est pilé, mettez-y une petite pincée de farine, quatre oeufs
frais, une mesure de crème, passez le tout à l'étamine et
faites cuire au bain-marie.
Oeufs au basilic. - Faites durcir douze oeufs, fendezles
en deux, ôtez-en les jaunes, pilez-les avec persil,
ciboules, champignons, une pointe d'ail, un peu de basilic,
le tout haché avec de la mie de pain desséchée dans de la
crème; un bon morceau de beurre assaisonné de sel, poivre
et lié avec six jaunes d'oeufs crus; mettez de cette farce au
fond du plat que vous devez servir, remplissez de farce tous
les blancs d'oeufs cuits, emplissez-les comme s'ils étaient
entiers; arrangez-les sur la farce et passez par-dessus avec de
la mie de pain; mettez-les cuire au four ou sous un
couvercle de tourtière; qu'ils soient de belle couleur; quand
ils seront cuits, égouttez-les de leur beurre, essuyez le bord
du plat et servez.
Oeufs brouillés à la chicorée. - Faites blanchir de la
chicorée, pressez-la et la coupez en quatre; passez-la avec un
morceau de beurre, deux oignons coupés en petits dés;
singez cette chicorée et la mouillez; assaisonnez-la de bon
goût, et la laissez cuire jusqu'à ce qu'il ne reste plus de
sauce; quand elle est cuite prenez dix oeufs, cassez-les
dans une casserole et les assaisonnez de bon goût; mettez la
chicorée dedans avec un morceau de beurre, brouillez- les
sur le feu et les servez garnis de mie de pain autour.
Oeufs à la chicorée en gras. - Pochez à l'eau des
oeufs frais, servez dessous un ragoût de chicorée; prenez
quatre ou cinq pieds de chicorée, suivant qu'ils sont gros,
faites- les blanchir et mettez-les cuire dans une braise;
quand ils sont cuits, égouttez-les de leur graisse, coupez-les
en trois, mettez-les faire un bouillon dans une essence;
quand vous êtes près de servir, mettez l'échalote hachée
dans le ragoût, et servez dessous les oeufs.
Oeufs aux champignons. - Pochez huit oeufs frais à
l'eau; prenez des champignons, ce qu'il en faut pour faire
un ragoût; épluchez, lavez, coupez en dés et les mettez
cuire avec de l'eau, un bouquet, un morceau de beurre
manié de farine, un peu de sel; quand ils seront cuits et
toute la sauce réduite, liez-les de quatre jaunes d'oeufs et
avec de la crème; mettez-y un jus de citron et servez autour
des oeufs. On peut faire de même des oeufs aux
mousserons et aux morilles.
Oeufs au céleri. - Prenez trois ou quatre pieds de céleri.
Faites-les cuire dans une eau blanche, qui se fait avec de
l'eau, de la farine, du beurre et du sel; étant cuits, retirezles
et les mettez égoutter; coupez-les par morceaux, mettezles
dans une casserole avec un peu de coulis clair de
poisson, faites mitonner pendant une demi-heure; achevez
de le lier avec un coulis d'écrevisses et un petit morceau de
beurre gros comme une noix, en le remuant toujours sur le
feu.
Si cette préparation est de bon goût, mettez-y un peu de
vinaigre, dressez dans un plat, et mettez-y les oeufs pochés
par-dessus, et les servez chaudement pour entrée ou horsd'oeuvre.
Lorsqu'on ne veut pas se servir d'oeufs pochés,
on peut se servir d'oeufs durs, qu'on coupe par moitié; en
ce cas, servez le ragoût de légumes au fond du plat, et
garnissez le tour du plat de vos oeufs durs coupés par
moitié.
Oeufs aux écrevisses. - Faites un ragoût de queues
d'écrevisses, avec des truffes, des champignons, quelques
fonds d'artichauts coupés par morceaux; passez-les dans
une casserole avec un peu de beurre et le mouillez d'un peu
de bouillon de poisson; assaisonnez de poivre et de sel,
d'un bouquet de fines herbes; étant cuit, dégraissez-le bien
et liez d'un coulis d'écrevisses; pochez des oeufs frais à l'eau
bouillante et les parez bien; dressez-les dans un plat
proprement, et si votre ragoût est de bon sel, jetez-le sur les
oeufs, et servez-le chaudement pour entrée.
Oeufs au pain d'écrevisses. - Prenez un demi-cent
d'écrevisses, faites-les blanchir, ou plutôt rougir; épluchezles,
gardez-en les queues, pilez toutes les coquilles, tirez
une essence avec du veau et du jambon, mouillez-la,
moitié jus, moitié bouillon; quand elle est faite, délayezla
avec des écrevisses bien pilées et les passez à l'étamine,
comme un autre coulis d'écrevisses; vous aurez un petit
pain rond d'une demi-livre; qu'il soit chapelé; ôtez la mie
de dedans sans rompre la croûte, passez sur le feu, avec
du beurre, dans une casserole; égouttez-le et le
remplissez d'un ragoût de ris de veau, de champignons, et le
liez de coulis à l'ordinaire; pochez huit oeufs frais à l'eau,
faites chauffer le pain rempli de ragoût, avec du jus et un
peu de coulis d'écrevisses; quand il est chaud, dressez-le
sur un plat rond, les oeufs autour, les queues d'écrevisses
entre les oeufs et au-dessus du pain; versez le reste de
votre coulis d'écrevisses, le tout assaisonné de bon goût.
Oeufs aux truffes. - Faites un ragoût de truffes vertes
de cette façon: Pelez les truffes, coupez-les par tranches,
passez-les dans une casserole avec un peu de beurre;
mouillez-les d'un peu de bouillon de poisson, laissez-les
mitonner un quart d'heure à petit feu, dégraissez-les et les
liez d'un coulis de poisson; les oeufs étant pochés au
beurre roux, nettoyez- les proprement tout autour; dressezles
dans un plat, jetez votre ragoût de truffes par-dessus, et
servez chaudement vos oeufs aux truffes pour entrées ou
hors -d'oeuvre.
Oeufs à l'estragon. - Faites blanchir de l'estragon,
hachez-le très fin, cassez les oeufs dans une casserole
mettez de l'estragon blanchi, sel et poivre; battez les oeufs,
mêlez-y un verre de crème; faites trois petites omelettes,
que vous roulerez et dressez- les dans le plat où vous
devez les servir; s'il n'y a point de coulis maigre, faites un
petit roux de farine avec du beurre, mouillez avec de bon
bouillon, un verre de vin; dégraissez la sauce faites-la cuire
à petit feu; quand elle est cuite et assaisonnée de bon goût,
passez-la au tamis et servez vos oeufs dessus.
Oeufs au lard à la Coigny. - Prenez huit oeufs frais
et les pochez un à un dans du saindoux; qu'ils soient de belle
couleur; faites autant de petits croûtons de la grandeur d'un
écu; prenez du petit lard que vous couperez en dés; quand
les oeufs seront frits, faites aussi frire des croûtons de pain
et le petit lard; prenez le plat que vous devez servir, mettez
les croûtons de pain dessus, les oeufs sur les croûtons et le
petit lard sur les oeufs; ayez une essence ou simplement un
filet de vinaigre, et servez chaud.
Oeufs au parmesan. - Mettez ce que vous voudrez
d'oeufs dans une casserole, avec du parmesan, un peu de
poivre, point de sel; battez vos oeufs avec un fouet comme
une omelette; faites-en cinq petites omelettes; à mesure
qu'elles sont faites, étendez-les sur un couvercle,
saupoudrez-les ensuite de parmesan râpé; roulez l'omelette et
la mettez dans le plat que vous voulez servir; arrangez ces
cinq omelettes, et jetez par-dessus un peu de parmesan,
essuyez le plat, et le mettez au four ou sous un couvercle; il
ne faut qu'un bon quart d'heure pour glacer et cuire le
parmesan; mais surtout il faut le servir chaudement.
Oeufs frits à la sauce Robert. - Prenez une friture;
pochez-y des oeufs un à un sur un fourneau; servez
dessous une sauce Robert, prenez des oignons coupés en
dés, passez au beurre, mettez-y la moitié de la cuisson, une
pincée de farine, faites-la roussir en tournant toujours,
mouillez de bouillon et d'un verre de vin blanc; si on a de la
sauce à l'étuvée, on doit en mettre un peu; faites cuire la
sauce, et quand tout est prêt à servir, mettez-y de la
moutarde et servez dessous les oeufs.
Oeufs en timbales. - Prenez huit oeufs, ôtez les blancs
de quatre, passez-les à l’étamine avec un peu de jus et de
coulis; assaisonnez-les de sel et de poivre, beurrez les
timbales avec du beurre affiné; mettez les oeufs dedans
jusqu'à moitié des timbales et mettez les timbales dans une
casserole avec de l’eau, qu'il n'y en ait que jusqu'à moitié
des timbales; faites ainsi cuire au bain-marie; quand ils
sont cuits, retirez-les sans les rompre, dressez- les et servez
avec un peu de jus dessous.
Oeufs à la Philippsbourg. - Si c'est en maigre, prenez
de la farce maigre qui soit faite d'un poisson cuit; mettez- en
dans le fond du plat que vous voulez servir, cassez des oeufs
dessus cette farce comme si vous vouliez faire des oeufs au
miroir; il n'y faut point de sel; ayez du parmesan râpé,
mettez-en dessus les oeufs. Pendant que les oeufs cuisent
sur un fourneau, passez une pelle rouge dessus le parmesan
pour le glacer; prenez garde que les oeufs ne durcissent.
Si c'est en gras, prenez une farce grasse, que la viande
en soit cuite, et les faites de même.
Oeufs à la duchesse. - Mettez dans une casserole un
quarteron de sucre, un demi-setier d'eau, des zestes de
citron, un morceau de cannelle; faites bouillir le tout
ensemble jusqu'à ce que le sucre soit réduit en sirop; retirez
les zestes de citron et la cannelle, mettez-y un peu d'eau de
fleur d'oranger; prenez douze ou quinze jaunes d'oeufs,
passez-les au tamis avec une chopine de crème, mettez les
oeufs et la crème dans la casserole au sirop avec un peu de
sel; faites cuire ces oeufs en les tournant toujours. Quand
ils sont pris comme une crème, mettez-y un peu de jus de
citron et servez.
Oeufs à la Robert. - Prenez deux ou trois gros oignons,
coupez-les en dés, et passez sur le feu avec un morceau de
beurre, mettez-y une pincée de farine et mouillez avec du
jus, un verre de vin de Champagne, faites-les cuire à petit
feu. Quand ils seront cuits, faites durcir une douzaine
d'oeufs, pelez-les et les coupez en quatre comme pour des
oeufs à la tripe; faites-leur faire quelques bouillons avec
des oignons, assaisonnez le tout de sel et de poivre, et,
quand on est prêt à servir, mettez-y de la moutarde.
Oeufs en filets. - Prenez deux champignons, deux
oignons; coupez-les en filets, passez-les avec un morceau de
beurre, mettez-y une pincée de farine, mouillez avec un verre
de vin de Champagne, du bouillon et du coulis; faites cuire
à petit feu, prenez ensuite une douzaine d'oeufs durcis,
séparez les blancs d'avec les jaunes, laissez les jaunes
entiers, coupez les blancs en filets, mettez-les faire
quelques bouillons avec le ragoût, assaisonnez avec sel,
gros poivre. Quand vous êtes prêt à servir, mettez les jaunes
entiers dans le ragoût pour les faire chauffer, et servez à
courte sauce.
Oeufs au père Douillet. - Cassez dans une casserole
sept oeufs frais, mêlez-les avec une cuillerée de coulis, une
de réduction, autant de jus de veau, sel et poivre, passez
ces oeufs dans une étamine un quart d'heure avant de servir;
prenez le plat que vous devez servir, mettez-le sur un feu
modéré; quand il est chaud, mettez les oeufs, passez pardessus
une pelle rouge à mesure qu'ils cuisent, servez-les
cuits et encore tremblants.
Oeufs à la bonne femme. - Coupez quatre gros oignons
en dés, passez-les sur le feu jusqu'à ce qu'ils soient cuits
avec un morceau de beurre; faites-les cuire à petit feu et les
remuez souvent pour qu'ils ne se colorent point. Quand ils
sont cuits, mettez-y une bonne pincée de farine, mouillez
avec de la crème double; assaisonnez de sel, gros poivre et
muscade; tenez le ragoût bien lié.
Prenez ensuite deux oeufs, fouettez-en les blancs,
mettez les jaunes avec le ragoût, mêlez les blancs avec tout
le reste, battez bien le tout ensemble. Mettez dans le fond
d'une petite casserole deux morceaux de papier blanc,
frottez partout de beurre, versez les oeufs dedans et les
faites cuire au four; quand ils sont cuits, versez-les sens
dessus dessous dans le plat, ôtez le papier, mettez dessus
ces oeufs une bonne essence claire, et servez.
Oeufs à la carpe, sauce à la persillade. - Ecaillez et
videz une petite carpe, levez-en la peau, hachez la chair
très fin, mettez-la dans une casserole avec un morceau de
beurre, persil, ciboules, champignons, une pointe d'ail; le
tout haché très fin, passez la carpe et les fines herbes sur le
feu, mettez-y une pincée de farine, mouillez avec deux
verres de vin de Champagne, un peu de bouillon;
assaisonnez de sel, poivre; faites cuire le hachis; quand il
est cuit et la sauce réduite, mettez-y quelques jaunes
d'oeufs pour le bien lier; mettez dans une casserole quinze
oeufs, sel, fines épices, une cuillerée de crème; battez bien les
oeufs, prenez-en la moitié pour faire une omelette,
étendez-la sur un plat, mettez-y la moitié du hachis, roulezla
et la coupez en trois; faites-en autant de l'autre moitié,
arrosez les six morceaux avec du beurre, panez-les moitié
mie de pain et moitié parmesan, mettez-les sur une tourtière
pour leur faire prendre couleur au four, ou sous un
couvercle de tourtière; mettez-les dans le plat que vous
devez servir et mettez dessous une sauce à la persillade.
Oeufs en surtout. - Prenez quatre oeufs, mettez les
blancs à part, hachez une pincée de câpres, deux anchois,
persil, ciboules; le tout haché très fin, mêlez-les avec les
jaunes d'oeufs; mettez dans le plat que vous devez servir
du beurre bien étendu, cassez dessus dix oeufs; fouettez les
quatre blancs d'oeufs que vous avez mis à part, mettez- y les
jaunes d'oeufs délayés avec les câpres et les anchois,
fouettez bien le tout ensemble mettez-y un peu de sel, gros
poivre et muscade; mettez ces oeufs sur les autres qui sont
dans le plat, faites-les cuire feu dessus et dessous; ces
oeufs ne doivent pas durcir il ne faut qu'un moment pour
leur cuisson.
Oeufs à la Monime. - Cassez quinze oeufs dans une
casserole, mettez-y une cuillerée de crème, persil, ciboules
sel, fines épices; battez bien les oeufs pour en faire des
omelettes. Prenez de la viande cuite à la broche et
refroidie, soit volaille ou gibier; faites un hachis de cette
viande. Quand le hachis est fini et assaisonné de bon goût,
mettez-y quelques jaunes d'oeufs, pourvu que le hachis soit
bien lié; prenez ensuite la moitié des oeufs battus, faitesen
une omelette; étant cuite, étendez-la sur un plat; mettez
par-dessus la moitié du hachis. Roulez l'omelette et la
coupez en trois, en figure de paupiette; arrosez le dessus
avec du beurre et panez de mie de pain; faites-en autant de
ce qui reste d'oeufs et de hachis. Mettez ces six morceaux
d'oeufs sur une tourtière, faites-les cuire au four sous un
couvercle de tourtière pour leur faire prendre couleur; ayez
une bonne sauce à la Monime, mettez-la dans le fond du
plat que vous devez servir, dressez les morceaux d'oeufs
dessus.
Oeufs à ma commère. - Cassez dix oeufs dans une
casserole, mettez un peu de sel fin, du sucre en poudre,
quelques pistaches en filets, deux biscuits d'amandes
amères écrasées, de la fleur d'oranger grillée, hachée, du
citron confit haché, un peu de cannelle en poudre, du
beurre frais fondu; battez bien le tout ensemble. Prenez le
plat que vous devez servir, mettez-le sur un feu modéré,
versez vos oeufs dedans, couvrez-les avec un couvercle de
tourtière et du feu dessous. Quand ils sont cuits à moitié,
glacez-les avec du sucre et la pelle, et les servez un peu
tremblants.
Oeufs à la paysanne. - Mettez dans un plat un demisetier
de crème double; quand elle a bouilli, cassez-y huit
oeufs frais; assaisonnez-les de sel, gros poivre; à mesure
qu'ils cuisent, passez la pelle rouge par-dessus. Prenez
garde que les jaunes ne durcissent et servez-les dans le
moment.
Oeufs au sang. - Mettez tout chaud le sang de dix
pigeons dans une casserole avec le jus d'un citron. De
crainte qu'il ne tourne, passez le sang au travers d'un tamis,
mettez-le avec douze oeufs, les blancs fouettés, sel, poivre,
une cuillerée de crème, des petits morceaux de beurre.
Battez bien vos oeufs; mettez un quarteron de bon beurre
dans une poêle, faites-en une omelette; quand elle est cuite,
roulez-la dans le plat que vous devez servir.
Oeufs au foie. - Otez l'amer de tel foie que vous
voudrez, volaille ou gibier; lavez et hachez ces foies;
passez-les sur le feu avec un morceau de beurre, persil,
ciboules, champignons, pointe d'ail, le tout haché très fin;
quand les foies sont passés et refroidis, cassez-y une
douzaine d'oeufs assaisonnés avec sel, fines épices, une
cuillerée de crème, battez bien le tout ensemble; mettez un
quarteron de bon beurre dans une poêle; faites une
omelette avec les oeufs, et servez.
Oeufs à la Périgord. - Pelez trois truffes, coupez-les en
petits dés et du jambon par tranches; passez l'un et l'autre
avec un peu de beurre, mouillez avec un verre de vin de
Champagne, deux cuillerées de coulis; mettez-y un
bouquet de fines herbes, du gros poivre, dégraissez le
ragoût. Faites-le cuire à petit feu; quand il est cuit et bien
lié, prenez sept oeufs frais, faites-les frire un à un dans du
saindoux, prenez garde que les oeufs ne durcissent.
Mettez-les égoutter de leur graisse, piquez-les par-dessous
avec la pointe du couteau pour en faire sortir le jaune,
remplissez le dedans des oeufs avec le ragoût de truffes et de
jambon; dressez-les dans le plat que vous devez servir, de
façon qu'ils paraissent dans leur naturel. Faites-les chauffer
entre deux plats sur la cendre chaude; quand on est prêt à
servir, mettez par-dessus une sauce de vin de Champagne.
Oeufs à la moelle. - Echaudez des amandes douces,
pilez-les et les arrosez de temps en temps avec de la moelle
de boeuf, du citron confit haché, de la fleur d'oranger
grillée et hachée, deux abricots confits ou secs; pilez le tout
ensemble, mettez-y un peu de sel et de sucre. Prenez douze
jaunes d'oeufs, mettez-les aussi dans un mortier avec un
demi-setier de crème. Quand le tout est bien mêlé, fouettez
les douze blancs à la neige, et les mettez avec tout le reste.
Frottez une poupetonnière de beurre, mettez-y dedans les
oeufs, faites- les cuire au four. Quand ils sont cuits,
renversez-les dans le plat que vous devez servir, glacez avec
du sucre et la pelle rouge, et servez.
Oeufs à la sicilienne. - Pochez les oeufs frais à l'eau
bouillante, un peu plus fermes que pour les manger au jus;
les ayant mis dans l'eau fraîche, coupez-les proprement
tout autour et en long par le milieu, de manière qu'il y ait
un côté plus profond que l'autre, ôtez-en le jaune et lavez
les blancs dans de l'eau tiède; remplissez-les ensuite d'une
crème de pistaches cuites, trempez légèrement dans l'oeuf
battu la moindre moitié et la collez sur l'autre; arrangezles
dans le plat où ils doivent être servis, le petit côté en
dessous, et les tenez chaudement. Faites un sirop avec du
vin de Champagne, sucre et cannelle.
Quand le sirop est fait, versez-le sur les oeufs et y
jetez ensuite de la nonpareille, et servez pour entremets.
Quand ces oeufs sont remplis de crème, on peut les
mettre sur une tranche de biscuit, faire cuire du sucre au
caramel, et avec une fourchette trempée dedans, faire sur
les oeufs de petits filets de caramel en secouant la
fourchette dessus. On y poudre ensuite de la nonpareille,
on les dresse dans un plat, et on sert à sec pour entremets.
Oeufs à la régence. - Coupez en petits dés gros comme
deux doigts de petit lard; à défaut de petit lard faites suer
du jambon dans une casserole, mettez-y de petits carrés
d'oignons et de champignons de la grosseur du petit lard
coupé; mouillez cela d'une cuillerée de bon jus pour les
faire cuire; étant cuits, liez cette sauce avec une essence de
jambon; cassez huit oeufs frais dans le plat sur le fourneau
avec un peu de feu dessous. Faites chauffer d'autre lard
fondu bien chaud, que vous jetterez sur les oeufs, réitérez
plusieurs fois jusqu'à ce que les oeufs soient cuits dessus et
dessous; étant cuits, égouttez tout le lard fondu, essuyez
proprement le plat, jetez la sauce dessus. Mettez un filet de
vinaigre qui pique, servez pour entremets.
Tourte d'oeufs. - Faites durcir une douzaine d'oeufs;
étant durs, pelez-les et les mettez dans de l'eau fraîche,
retirez-les et les mettez essuyer entre deux linges. Coupezles
par la moitié et en ôtez les jaunes. Prenez les blancs et
les mettez sur une table avec un peu de persil, hachez-les
bien ensemble. Foncez une tourtière d'une abaisse de pâte
feuilletée. Mettez au fond un peu de beurre frais, arrangezy
les jaunes d'oeufs et y mettez de l'écorce de citron vert
confite hachée entre deux. Mettez-y pardessus les blancs
d'oeufs hachés; assaisonnez d'un peu de sel, mettez du
sucre en poudre dessus à proportion de ce qu'il en faut, et
du beurre frais. Couvrez la tourte d'une abaisse de
feuilletage. Faites un bord autour, dorez-la d'un oeuf battu
et la mettez cuire; dressez-la dans un plat, et la servez
chaudement.
Oeufs en rocher. - Faites un sirop de sucre et de vin
blanc; mettez-y des jaunes d'oeufs autant que vous
souhaiterez en accommoder ainsi; laissez-les cuire jusqu'à ce
qu'ils quittent le poêlon. Etant cuits, mettez-y un peu d'eau
de fleur d'oranger, un jus de citron; passez-les à l'étamine
sur un plat, et les servez en rocher, avec des morceaux
d'écorce de citron confite.
Oeufs en toute saison. - Ayez quelques ris de veau
blanchis, des foies gras, des truffes vertes, des crêtes à
moitié cuites, des petits champignons, un demi-quarteron de
pistaches des plus belles; passez le tout ensemble dans une
casserole avec lard fondu; étant passé, mouillez-le de jus de
veau et le laissez mitonner trois quarts d'heure; étant
cuit, liez-le dans une essence de jambon pour faire de
petits oeufs; faites durcir une douzaine d'oeufs frais; quand
ils sont durs, pressez les jaunes et les pilez dans un mortier,
et les assaisonnez de sel, poivre, muscade et blanc de
ciboules hachés, un peu de lait et de crème douce, de la
mie de pain bien blanche; pilez bien le tout ensemble,
formez vos petits oeufs, en les roulant dans la main, de
différentes grosseurs, et les mettez cuire dans un bon
assaisonnement ou dans de l'eau bouillante. Lorsqu'ils sont
cuits, mettez-les égoutter dans une passoire ou sur un tamis,
vous les rangerez dans un plat et jetterez votre ragoût
dessus.
Oeufs à l'huile au vert. - Pochez des oeufs à l'huile les
uns après les autres. Etant frits, dressez-les dans leur plat;
ayez une sauce verte au persil, jetez dessus et servez. On en
fait de verts qu'on poche dans une eau verte faite exprès, et
une sauce blanche à la crème dessous, et l'on sert.
Oeufs au soleil. - Faites frire huit oeufs au saindoux,
faites ensuite une pâte à beignets, mettez-y du petit lard
coupé en dés à demi-passés; trempez les oeufs dans cette
pâte; prenez du lard avec les oeufs et les faites frire de
belle couleur, et servez avec persil frit.
Oeufs au fromage fondu. - Mettez un plat sur un
fourneau de feu modéré, où il y aura une demi-livre de
fromage de Gruyère râpé, un demi-verre de vin de
Champagne, persil, ciboule, gros poivre, un peu de
muscade, du bon beurre; remuez le tout ensemble sur le
feu. Quand le fromage est fondu, mettez-y trois oeufs;
quand les oeufs sont cuits, faites un cordon de mouillettes de
pain; passez au beurre et servez.
Oeufs en panade. - Prenez des mies de pain,
arrondissez-les de la grandeur d'un liard; faites-en une
trentaine, passez-les sur le feu avec du bon beurre, mettez
dans une casserole quinze oeufs, les croûtons de pain,
persil, ciboules, deux cuillerées de bonne crème, des petits
morceaux de beurre, sel, gros poivre. Battez vos oeufs,
faites-en une omelette avec de bon beurre; quand elle est
cuite, roulez la dans le plat et la servez.
Oie. - Les oies furent longtemps sacrées à Rome, parce
que, pendant que les chiens dormaient, une oie, qui était
restée éveillée, l'histoire ne dit pas pourquoi, entendit le
bruit que faisaient les Gaulois en escaladant le Capitole.
Elle réveilla ses amies, qui, tout effarées, se mirent à crier si
haut et si bien, qu'à leur tour elles éveillèrent Manlius.
Lafosse, qui a fait une tragédie du Capitole sauvé, a eu
l'ingratitude de ne pas dire un mot des oies dans les deux
mille alexandrins qui composent cette tragédie.
Qui n'a pas vu et entendu Talma dire ces deux vers:
C'est moi qui, détruisant leur attente frivole,
Renversai les Gaulois du haut du Capitole,
n'a point idée des hauteurs où peut tonner la parole
d'un tragédien.
Mais au moment où Jules César eut conquis les Gaules,
on commença de manger des oies dans l'armée romaine, à
l'exemple des Gaulois, qui n'avaient aucune raison de
respecter les alliés de Manlius, cause de leur défaite.
Bientôt le bruit se répandit, même à Rome, que les oies
de Picardie étaient un délicieux manger, et l'on vit dès lors le
Picard, né naturellement commerçant, conduire
pédestrement à Rome des troupeaux d'oies qui dévoraient
tout sur leur route.
Les anciens Egyptiens regardaient l'oie comme un
mets des plus délicats. Le roi de Lycie, Rhadamante, leur
portait tant d'estime, qu'il ordonna que partout, dans ses
Etats, on cessât de jurer par les dieux, pour jurer par les
oies. C'était aussi le serment habituel en Angleterre, lorsque
Jules César en fit la conquête.
C'est un consul romain, nommé Metellus Scipion, qui
inventa, selon Pline, l'art d'engraisser les oies et de rendre
leur foie délicat.
Le médecin Jules César Scaliger, célèbre érudit, a pour
les oies une tendresse toute particulière: il les admire non
seulement au physique, mais encore au moral.
Nous ne pouvons mieux faire que de copier ce qu'il dit
de l'oie:
«L'oie, dit-il, est le plus bel emblème de la prudence; les
oies baissent la tête pour passer sous un pont, si élevées
que soient ses arches; elles sont pudiques et raisonnables à
ce point, qu'elles se purgent elles-mêmes sans médecin
lorsqu'elles sont malades.
«Elles sont si prévoyantes que, lorsqu'elles passent sur
le mont Taurus, qui est rempli d'aigles, elles ont soin,
connaissant leur humeur bavarde, de prendre chacune une
pierre dans leur bec, pour éviter, en se gênant ainsi, de
former des sons qui les feraient découvrir de leurs
ennemis».
Les oies sont susceptibles d'une certaine éducation. Le
chimiste Mémery a vu une oie tournant une broche où
rôtissait un dindon. Elle tenait l'extrémité de la broche par le
bec, et son cou, en s'allongeant et en se rétrécissant, faisait
l'effet d'un bras. De temps en temps seulement on avait
soin de lui donner à boire.
Oie à la chipolata. - Prenez un bel oison d'une graisse
bien blanche, videz-le, retournez-lui les pattes en dedans,
flambez-le légèrement, épluchez-le, bridez-le, bardez et
ficelez-le; foncez une braisière de bardes de lard, mettez
dans le fond une mirepoix et quelques débris de viande de
boucherie, deux lames de jambon, les abatis de votre oison,
un bouquet de persil et ciboules, trois carottes tournées,
deux ou trois oignons, dont un piqué de clous de girofle; une
gousse d'ail, du thym, du laurier, un peu de basilic et du
sel. Posez votre oie sur ce fond, mouillez-la avec un bon
verre de vin de Madère, une bouteille de vin blanc, cognac,
une cuillerée à pot de bon consommé de volaille. Mettez-la
sur le fourneau, faites suer la braise de votre oie, faites-la
cuire environ une heure, égouttez-la, dressez-la et
masquez-la avec une chipolata (V. CHIPOLATA), et servez.
Oie rôtie (de la Saint-Martin). - Désossez et farcissez
une belle oie grasse de Normandie avec une purée
d'oignons cuits à la graisse de lèchefrite, ajoutez à cette
farce d'oignons le foie de votre volaille haché, douze
chipolatas et quarante ou cinquante marrons grillés ou
rôtis, bien épluchés et assaisonnés de sel et de quatre
épices; servez-la sur une longue et large rôtie, bien imbibée
de son rôtissage et légèrement assaisonnée de gros poivre
et de citron.
Oison à la broche. - Ayez un oison dont la graisse soit
bien blanche et la chair bien tendre, supprimez-en les ailes,
épluchez-le, flambez-le, refaites-lui les pattes et coupez-lui
les ongles, essuyez-les avec un linge blanc, bridez votre
oison, laissez-lui les pattes en long, mettez-le à la broche;
faites-le cuire vert, de façon à ce que le jus en sorte en le
piquant; citronnez autour et servez. (Avec le canard, jamais
de cresson).
Oie à l'anglaise. - Préparez un oison comme ci-dessus,
hachez-en le foie, épluchez trois gros oignons, coupez-les en
petits dés, faites-les cuire à blond dans du beurre, ajoutez-y
une pincée de sauge hachée, ainsi que le foie de l'oison, du
sel et du poivre fin. Mêlez bien le tout et emplissez-en
l'oie; cousez-la, embrochez-la et faites-la cuire comme cidessus
et servez-la avec un jus de viande.
M. Vuillemot fait judicieusement observer que les
viandes creuses doivent être citronnées sortant de la
broche.
Oie à la choucroute. - Vous faites cuire une oie à la
broche, vous lavez la quantité de choucroute nécessaire,
que vous faites cuire dans une casserole avec des tranches de
petit lard, du cervelas et des saucisses, mouillez avec du
bouillon et la graisse de l'oie; faites cuire à petit feu
pendant deux heures, dressez la choucroute bien égouttée
autour de l'oie avec les saucisses et le cervelas dépouillé de
sa peau et coupé par lames, et glacez avec une glace de
viande.
Ailes et cuisses d'oie à la façon de Bayonne. - Levez
les ailes et les cuisses de plusieurs oies, désossez ces
cuisses, frottez- les, ainsi que les ailes, de sel mêlé avec 15
grammes de salpêtre pilé. Rangez toutes vos ailes et vos
cuisses dans une terrine. Interposez laurier, thym, basilic,
couvrez-les d'un linge blanc, macérez-les vingt-quatre
heures dans leur assaisonnement, retirez-les, laissez-les
égoutter, dégraissez entièrement, faites-les cuire à un feu
modéré. Lorsque vos membres sont cuits, vous les
égouttez, les laissez refroidir et les arrangez aussi serrés
que possible dans des pots; vous y coulez votre saindoux
aux trois quarts refroidi, et, au bout d'un jour, vous couvrez
hermétiquement les pots avec du papier ou du parchemin;
vous les mettez dans un endroit frais, mais non humide, et
vous vous en servez au besoin.
Cuisses ou quartiers d'oie à la lyonnaise.
- Faites chauffer et un peu frire, dans leur saindoux,
quatre quartiers d'oie, coupez six gros oignons en anneaux,
faites-les frire dans une partie du saindoux, dans lequel
auront chauffé ces cuisses; quand ils sont cuits et de belle
couleur, égouttez-les, ainsi que les quartiers d'oie, dressezles,
mettez vos oignons frits par-dessus et servez avec une
sauce quelconque.
Cuisses d'oie à la purée. - C'est une entrée. Vous
préparez et faites chauffer ces cuisses comme les
précédentes, puis vous les dressez et les masquez d'une
purée de pois verts ou de marrons que vous aurez finie
avec un pain de beurre.
Oie sauvage. - Les oies sauvages s'accommodent de la
même manière que les albrans, les canardeaux et les
canards sauvages. On peut aussi en faire des boudins, des
civets à l'ancienne mode et des escalopes au sang.
Leur passage dure environ deux mois, à moins que
l'hiver ne soit très doux, et dans ce cas elles prolongent
leur séjour jusqu'à trois mois.
Aiguillettes d'oie sauvage. - Vous faites cuire trois
oies à la broche. Au moment de servir, vous levez en filets,
vous faites réduire de l'espagnole jusqu'à ce qu'elle soit très
épaisse, et vous y versez le jus des oies; ajoutez un peu de
zeste de citron ou d'orange, et un peu de gros poivre sur la
sauce chaude, non en ébullition.
Petite oie. - Faites cuire en hoche-pot.
Foie gras. - Nous avons parlé des pâtés de foie gras à
l'article Foie. Nous y renvoyons nos lecteurs.
Oignon. - Si pour bien parler d'un sujet, il faut avoir ce
sujet sous les yeux, c'est providentiellement que j'ai été
conduit à Roscoff au moment où le mot oignon allait se
présenter sous ma plume.
En effet, plus que l'ancienne Egypte, cette pointe de
l'Armorique donne à croire que, lors de la guerre des dieux
contre Jupiter, les vaincus, poursuivis jusqu'au bout du
continent, voyant que la terre leur manquait pour aller plus
loin, se sont changés en oignons pour fuir la colère de
Jupiter; dans aucune localité de la France, ce bulbe, si vanté
de l'Antiquité, que les poètes ont chanté, et auquel les
Egyptiens ont rendu les honneurs divins, ne se trouve réuni
en pareille quantité.
Il y a des années où Roscoff envoie jusqu'à trente ou
quarante vaisseaux chargés d'oignons en Angleterre.
Ce fut un homme du pays qui eut le premier l'idée de
faire cette spéculation; mais, pour acclimater du premier
coup l'oignon français en Angleterre et affirmer sa
supériorité sur le bulbe britannique, il fallait un coup
d'audace qui eut du retentissement.
Ce Roscovite vint un jour trouver M. Corbière, auteur
de plusieurs romans maritimes et officier au long cours,
demeurant à Roscoff, et lui demanda comment on disait en
anglais: L'oignon anglais n'est pas bon.
Celui à qui l'on venait de demander ce renseignement
répondit: The English onion is not good.
- Soyez assez bon pour me mettre cela sur un papier,
monsieur, demanda le Roscovite.
M. Corbière prit une plume et écrivit la phrase
réclamée. Le Roscovite remercia.
Trois jours après on le vit partir pour Londres avec un
sloop chargé d'oignons.
Arrivé dans la capitale de l'Angleterre, il alla droit au
marché le plus fréquenté, déploya une pancarte sur
laquelle était écrite en grosses lettres la maxime suivante:
The English onion is not good. Et puis, au-dessous de sa
pancarte, il amena une petite charrette pleine d'oignons
français.
On connaît les Anglais; ils n'étaient point hommes à
supporter un pareil affront. L'un d'eux s'approcha et
adressa la parole au marchand étranger; celui-ci, qui ne
savait pas un mot d'anglais, se contenta de répondre:
The English onion is not good.
Cette réponse exaspéra l'Anglais; il s'approcha du
Roscovite en étendant vers lui ses deux poings.
Le Roscovite ne savait pas ce que l'Anglais voulait dire,
mais voyait bien qu'il était menacé. Il prit l'Anglais par le
coude, et, lui imprimant le mouvement d'une toupie, lui fit
faire trois tours sur lui-même; au bout du troisième tour,
l'Anglais tomba; il se releva furieux, et revint sur son
adversaire, toujours en garde.
Le Roscovite avait près de six pieds; il était vigoureux
comme son dieu Teutatès; il le prit à bras le corps, l'enleva
entre ses bras, et le jeta à plat ventre.
C'était contre toutes les règles de la lutte; il faut que les
épaules touchent la terre pour que l'un des combattants soit
déclaré vaincu.
Aussi le Roscovite reconnut-il qu'il avait eu tort.
- C'est vrai, c'est vrai, dit-il, en faisant signe de la tête
qu'il s'était trompé; et il se remit en garde, à peu près
comme avait fait l'Anglais.
L'Anglais revint sur lui, et, cette fois, le marchand
d'oignons le prit par le col de sa chemise et par la peau du
ventre, le coucha doucement à terre, de manière à ce que
non seulement une épaule, mais les deux épaules,
touchassent bien carrément le sol; il répéta plusieurs fois
le mouvement, en redoublant de violence chaque fois,
jusqu'à ce que l'Anglais eût crié:
Assez! assez!

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