DUMAS Le Grand Dictionnaire de Cuisine (08)

Gelinotte. - Cet oiseau est un peu plus gros que la
perdrix rouge et ressemble tellement à la poule qu'on
l'appelle vulgairement poule sauvage ou poule des bois; on
la trouve partout où il y a des bois et des buissons
épineux.
Varron dit qu'elle était si rare à Rome qu'on l'apportait
dans des cages où on la nourrissait de fruits sauvages, de
chatons de bouleau et de baies de genévrier.
Il n'y a qu'une opinion sur le goût exquis et la
délicatesse de sa chair, surtout en automne et même en
hiver; c'est peut-être le gibier dont on fait le plus de cas et
qui est le plus recherché. Les Hongrois l'appellent oiseau de
César pour dire morceau de roi, et en Allemagne la
gelinotte est le seul gibier qu'il soit permis de servir deux
fois de suite sur la table des princes.
Voyez pour son apprêt à l'article Canard sauvage.
Genièvre. - Nom que l'on donne aux baies du genévrier
qui est un arbrisseau fort commun, dont le bois est dur,
approchant de la couleur rougeâtre, revêtu d'une écorce
rude; il pousse quantité de branches, ses feuilles sont
étroites, toujours vertes et garnies d'épines; ses fleurs
forment de petits chatons qui ne laissent aucun fruit; ses
baies sont rondes, semblables à celles du lierre, vertes
d'abord, et noires quand elles mûrissent; elles renferment
trois ou quatre graines oblongues, et c'est ce que l'on
appelle genièvre.
On attribue beaucoup de propriétés à la graine de
genièvre. Elle conserve le cerveau, réconforte la vue,
nettoie la poitrine, chasse les vents et facilite la digestion;
aussi l'emploie-t-on assez souvent en médecine.
Sirop de genièvre. - Vous faites infuser chaudement
pendant neuf jours des baies de genièvre fraîchement
cueillies et bien mûres; vous les faites bouillir pendant peu
de temps, vous les écrasez et les refaites bouillir encore un
peu, puis vous passez la liqueur avec une forte expression.
Vous la remettez sur le feu avec une quantité suffisante de
sucre, et faites cuire le tout ensemble jusqu'à consistance de
sirop, laissez refroidir et mettez en bouteille.
Ratafia de genièvre. - Vous faites infuser dans l'eaude-
vie des baies de genièvre bien grosses et bien mûres,
vous y ajoutez du sucre en proportion et vous mettez en
bouteille.
Le ratafia ainsi que le sirop de genièvre sont cordiaux
et bons pour faciliter la digestion.
Génoises. - Sorte de pâtisserie fort agréable au goût, et
qui se fait généralement avec des amandes.
Génoises glacées à l'italienne. - Mettez dans un poêlon
d'office 150 grammes de sucre en poudre et cinq oeufs
entiers, mêlez-les comme pour un biscuit; joignez-y
ensuite un quarteron de farine et autant d'amandes douces
pilées, beurrez un plafond, mettez votre appareil dessus,
étendez-le et donnez-lui l'épaisseur d'une pièce de cinq
francs, faites cuire à un four vif jusqu'à belle couleur, puis
coupez-le et formez-en vos génoises soit en croissants, en
ronds ou en losanges; mettez le fond du vase dans l'eau,
puis fouettez cinq blancs d'oeufs, mêlez-y du sucre clarifié et
formez une glace dont vous couvrirez vos génoises;
mettez-les sécher un quart d'heure et servez-les.
Petites génoises. - Prenez de la pâte d'amandes,
abaissez-la et saupoudrez-la de sucre, puis coupez des
petits ronds comme pour des petits pâtés ordinaires de la
grandeur d'une pièce de deux francs à peu près, faites
ensuite avec cette même pâte, une abaisse de la grandeur du
plat que vous voulez servir, ajoutez-y un rebord de la
grandeur de vos petites génoises et faites autant de cette
génoise que votre abaisse peut en contenir; mettez-les
sécher et cuire en les mettant à l'entrée d'un four doux et
quand vous serez pour les servir, remplissez-les de
confitures de couleurs différentes en en formant un
quadrille ou tout autre dessin.
On peut servir les génoises comme dessert ou comme
petit entremet, à la volonté des personnes.
Génoises à l'orange. - Emondez 120 grammes
d'amandes douces, pilez-les, et mouillez -les avec la moitié
d'un blanc d'oeuf; quand elles sont pulvérisées, vous les
mettez dans une terrine avec 180 grammes de farine, 130
grammes de sucre, dont 75 grammes saturés de zestes
d'orange, 6 jaunes d'oeufs, 2 oeufs entiers, une cuillerée
d'eau-de-vie et un peu de sel, mélangez bien le tout
ensemble, battez ensuite 180 grammes de beurre que vous
aurez mis ramollir devant la bouche du four et vous le
mêlerez d'abord avec un peu d'appareil, puis vous
l'amalgamerez avec le reste. Vos génoises étant terminées,
vous beurrez un plafond à rebord, ou bien vous faites deux
caisses de papier dans lesquelles vous versez vos génoises
après les avoir terminées en y ajoutant pour les glacer 120
grammes de sucre très fin, du blanc d'oeuf et un peu de
marasquin et vous faites cuire à four et à feu modérés.
Génoises aux pistaches. - Vous émondez des pistaches,
la quantité qu'il vous plaît et vous les pilez avec un peu de
blanc d'oeuf, puis vous y joignez une cuillerée d'essence de
vert d'épinards passé au tamis de soie. Quand vos génoises
sont à point, vous les couvrez d'un glacé fait avec 120 gr.
de sucre travaillé dans un blanc d'oeuf, et la moitié d'un suc
de citron afin qu'il soit d'une blancheur parfaite, ce qui fera
très bien sur vos génoises qui doivent être d'un vert tendre.
Génoises aux avelines. - Vous pilez parfaitement 180
gr. d'avelines, vous en retirez un tiers et vous mêlez le
reste à votre composition que vous faites comme cidessus.
Vos génoises cuites, vous les coupez en petits
croissants sans les faire sécher comme d'habitude. Puis
vous mêlez le tiers d'avelines conservées avec 120
grammes de sucre très fin et le quart d'un blanc d'oeuf,
vous en marquez vos génoises en leur donnant une teinte
dorée (V COULEURS).
Génoises perlées au raisin de Corinthe. - Vous
procédez de la même façon que ci-dessus, vous placez
entre chaque perle un grain de raisin de Corinthe bien lavé et
en mettez un plus petit sur chaque perle.
Vous faites vos génoises de toutes formes possibles, en
carrés, en losanges ou en ronds.
Gésier. - Le gésier est l'estomac des oiseaux, la chair en
est dure, et complètement dépourvue de saveur.
Gibelotte. - Préparation faite sur des morceaux
d'oignon ou de lapin (V LAPIN).
Gibier. - Le mot gibier s'applique à tout ce qu'on a pris
en chassant, et qui sert à l'alimentation du chasseur. Les
sangliers les cerfs, les daims, les chevreuils, et autres
animaux semblables sont ce qu'on appelle le gros gibier, le
menu se compose des animaux plus petits tels que lièvres,
lapins, perdrix, etc. Le gibier, le poisson et la volaille se
conservent parfaitement au moyen d'un linge fin avec
lequel on les enveloppe. On le place dans un charbonnier
et on le couvre de charbon fin; ou bien on vide le corps du
gibier que l'on veut conserver et on le remplit de froment,
on coud la pièce et on la place dans un tas de blé de façon à
la recouvrir entièrement.
Gigot. - (V. AGNEAU, CHEVREUIL et MOUTON).
Gimblettes. - Pâtisseries dites de menu service ou de
petit four (V. CROQUIGNOLES et CROQUEMBOUCHE).
Glace. - L'usage de la glace dans les pays méridionaux
remonte à la plus haute antiquité; Sénèque reproche aux
Romains les soins qu'ils prenaient pour avoir des boissons
glacées, et Hippocrate parle de ses inconvénients ainsi que de
ceux de la neige. Les habitants des pays chauds, du reste,
ont de tous temps recherché les boissons fraîches et l'eau à
la glace fait les délices des orientaux, des Italiens et des
Espagnols qui se servent de cruches en terre poreuse et non
vernies qu'ils appellent alcarazas pour s'en procurer.
Au XVIe siècle, on ne connaissait pas encore en France
l'usage de la glace, et lorsque François Ier eut à Nice des
conférences avec le pape Paul III et l'empereur Charles-
Quint, son médecin fut très étonné de voir qu'on glaçait le
vin avec de la glace tirée des montagnes qui avoisinent
cette ville.
Mais les glaces proprement dites ne furent connues en
France que vers l660, où un Florentin nommé Procope fit
goûter le premier aux sujets de Louis XIV les attrayantes
douceurs de ces friandises. Le café qu'il fonda rue de
l'Ancienne-Comédie existe encore aujourd'hui.
Aujourd'hui les glaces sont très répandues, et on en
voit l'été sur toutes les bonnes tables.
On appelle aussi glace, en termes de confiserie, le suc
épaissi d'un fruit qu'on vient de confire et qu'on emploie
comme gelée translucide pour glacer ce fruit (V.
CONSERVES).
En terme d'office, la glace est la condensation d'un
liquide sucré au moyen de la congélation.
Glace de veau. - Vous coupez un cuisseau de veau en
quatre parties, vous le mettez dans la casserole et vous y
ajoutez trois poules, une bonne quantité de légumes
entiers, écumez-le de temps en temps, ajoutez dans la
cuisson quelques couennes de lard dessalées à l'avance: la
gélatine du porc aide beaucoup à la clarification et à la
consistance de la gelée, et remplissez la casserole de
consommé; vous faites mijoter trois ou quatre heures sur
un feu doux et vous passez votre glace à travers une
serviette afin de la rendre bien claire.
Glace de cuisson. - Tamisez le mouillement d'un
ragoût, faites-le réduire jusqu'à la glace et ajoutez au
moment de servir un peu de beurre frais.
Les glaces de fruits ou glaces sucrées se font dans une
sorbetière ou glacière; c'est un cylindre d'environ huit à dix
pouces de hauteur que l'on met dans un seau en bois, on
garnit l'intervalle qui existe entre les parois du seau et le
cylindre de glace pilée et de sel de salpêtrier plus pur et plus
actif que celui dont on se sert pour assaisonner les
aliments; vous mettez dans la sorbetière, c'est-à-dire dans le
cylindre, le liquide à glacer, vous le couvrez et vous le
faites tourner tantôt dans un sens, tantôt dans un autre au
moyen de la poignée qui doit se trouver sur le couvercle;
vous découvrez de temps en temps pour remuer le liquide
glacé en partie et ramener au centre ce qui se trouve près
des parois du cylindre, puis votre glace bien ferme, vous la
servez.
Glace de cerises. - Vous mettez dans un poêlon, et
après les avoir dépouillées de leurs queues et de leurs
noyaux, 1 kilogramme de cerises et 120 grammes de sucre,
vous faites jeter un bouillon. Vous faites infuser une
poignée de noyaux broyés avec du jus de citron et un peu
d'eau, vous ajoutez cette infusion et 500 grammes de sirop
clarifié à ce qui est passé des cerises, vous mêlez bien le
tout et le versez dans la sorbetière où vous procédez
comme il est dit ci dessus.
Les glaces de fraises, de framboises, de groseilles se
font de la même manière, en remplaçant les cerises par
celui de ces fruits que l'on veut mêler à la glace.
Glace à l'abricot. - (Méthode de M. Cohier de
Lompier, ancien chef d'office de la maison de Mesdames de
France). Prenez des abricots de plein vent bien mûrs,
pulpez-les sur un tamis; ajoutez pour chaque livre de sucre
une livre de sirop cuit au lissé. Pulvérisez une douzaine
d'amandes des noyaux, mettez-les infuser avec un peu
d'eau et le jus de deux citrons, passez cette infusion et
ajoutez-la à la pulpe, et procédez pour le reste comme à
l'ordinaire.
La glace aux pêches se fait de la même manière.
Glace à l'ananas. - Coupez un ananas par tranches,
couvrez-les de sucre en poudre et laissez macérer pendant
deux heures; versez alors sur le tout deux litres d'eau
bouillante et le jus de deux citrons, laissez infuser pendant
deux heures, passez au tamis et terminez comme ci- dessus.
Glace à la vanille. - Vous faites bouillir un litre de
crème et vous la versez toute bouillante sur la vanille; vous
laissez infuser le tout pendant deux heures environ et vous
tamisez.
Vous délayez huit jaunes d'oeufs dans cette crème et
vous mettez le tout sur le feu au bain-marie, en ayant soin de
toujours remuer jusqu'à ce que la crème ait pris une bonne
consistance; vous laissez refroidir et la terminez comme les
autres glaces.
Glace à la fleur de cédrat. (Formule du château de
Bellevue. ) - Prenez crème, 1 pinte; oeufs, 8 jaunes; sucre, 3
quarterons; fleurs de cédrat mises en poudre, 2 onces.
Mêlez le tout ensemble et faites cuire au bain-marie.
Passez et laissez refroidir.
On peut aussi employer toute autre fleur en procédant
comme il est prescrit.
Glace de crème aux pistaches. - Vous pilez le plus fin
possible 250 grammes de pistaches et vous mêlez avec un
peu de crème et de zeste d'un citron.
Votre pâte étant bien faite, vous la mêlez dans un
poêlon avec huit jaunes d'oeufs et du sucre en poudre, vous
y ajoutez petit à petit un litre de crème et vous faites cuire à
l'étamine, puis vous passez, vous laissez refroidir, vous
ajoutez trois cuillerées de suc d'épinards pour la colorer et
vous versez dans la sorbetière.
Glace au chocolat à la crème. - Vous faites cuire au
bain-marie une composition faite avec huit jaunes d'oeufs, un
litre de crème et 250 grammes de sucre en poudre que vous
aurez délayés, puis, vous mêlez à cette crème 250
grammes de chocolat fondu, vous passez à l'étamine et
glacez comme à l'ordinaire.
Glace au café. - Vous avez fait avec du café un peu
brûlé une forte infusion de café, vous le mêlez avec huit
jaunes d'oeufs et un litre de crème, vous délayez le tout et
vous faites cuire au bain-marie.
Fromage glacé. - Après avoir confectionné une
quantité de glace quelconque, vous en remplissez un moule
que vous plongez dans un mélange de glace et de sel.
Puis au moment de servir, vous plongez vivement le
moule dans de l'eau chaude afin que la glace s'en détache
facilement.
Vous pouvez former ce fromage de glaces de
différentes natures distinguées par leurs couleurs.
Pour diversifier les glaces, on n'a qu'à changer la
substance qu'on mêle à la crème. Voici les substances le
plus avantageusement employées.
Glace à la crème à la fraise des bois.
Glace à la crème aux framboises blanches.
Glace à la crème à l'abricot et aux merises.
Glace à la crème aux pêches mignonnes.
Glace à la crème aux poires de rousselet.
Glace à la crème aux liqueurs des îles.
Glace à la crème à l'esprit d'angélique.
Glace à la crème à l'essence de menthe.
Glace à la crème au ratafia de noyaux.
Glace à la crème au vin de Chypre.
Glace à la crème à la malvoisie d'Alicante.
Glace à la crème au melon suerin.
Glace à la crème aux jaunes d'oeufs de pinson.
Glace à la crème cuite et au pain de seigle.
Glace à la crème crue et au beurre frais.
On peut panacher ces différentes crèmes en les
disposant par couches alternées, soit en hauteur ou en
largeur. Voici les meilleures combinaisons de panachure,
telles que les donne le Préceptoral des menus royaux pour
l'année 1822.
N° 716. - On pourra panacher à volonté les glaces de
crème blanche avec toutes celles au suc des fruits, à la
réserve de celles au citron, à la bigarade et au verjus, non
plus qu'avec les glaces à l'épine-vinette qu'on servira
toujours sans mélange ou voisinage adhérents.
N° 717. - On devra, pour opérer les panachures,
avoir égard autant que possible au formulaire inscrit sur le
tableau suivant, et s'il arrivait par accident qu'on ne puisse
pas s'y conformer, on servira pour ce jour-là les fromages
glacés en sorbetière et sans panachures. Cette règle est
également pour les quatre premières tables et pour les trois
secondes tables en cour de France.
N° 718. - Tableau des glaces à la crème avec leurs
adjonctions ou panachures les plus satisfaisantes.
Crème blanche et abricot.
Crème blanche et orange.
Crème crue et fraises.
Lait d'amandes et verjus muscat.
Lait de chèvre et jus de mûres.
Crème pistache et suc de pêches.
Crème vanille et framboises.
Crème d'oeufs et poires de rousseselet.
Crème au thé vert et jus de cédrat.
Crème chocolat et ratafia de cassis.
Ananas et noix fraîches.
Crème à la cannelle et melon cantaloup.
Crème d'oeufs et vin de Schiraz.
Crème mousseuse et vin de Sétubal.
Crème d'avelines et liqueur de menthe.
Crème de noisettes vertes et Rossolis.
Crème de viry et mirobolan.
Crème de Sotteville et eau de rhum.
Crème double et purée de merises.
Crème de pain bis et beurre frais.
Pour faire des biscuits glacés, vous leur faites absorber
à chacun trois cuillerées de crème mêlées avec un peu de
ratafia de noyaux; glacez-les légèrement afin de ne pas les
déformer, mettez-les entre deux grands plats se joignant
bien, et entourez ces plats de glace et de salpêtre, ainsi
qu'il est indiqué pour la préparation des autres glaces. Dès
que vous les trouverez assez bien glacés, couvrez-les d'une
légère couche de gelée de framboises ou de glace aux
fruits rouges.
Les tranches de melon et les pastèques se glacent de
la même façon que les biscuits entre deux plats, on les fait
seulement macérer dans le vin de Madère, on les sucre à
blanc et on les fait congeler comme ci-dessus:
Sorbet au citron. - Vous préparez le suc du fruit
comme il est indiqué plus haut, et vous le faites prendre
dans une sorbetière sans attendre qu'il soit pris en masse;
vous détachez avec une houlette ce qui tient aux parois du
cylindre et brouillez le tout jusqu'à ce que vous obteniez
un mélange de glace solide qui doit être flottant dans un
breuvage de glace fondue.
Les sorbets à la fraise, à la merise, à la pêche, à
l'ananas, aux quatre fruits rouges, au melon verreux et à
l'épine-vinette, sont généralement les plus estimés.
On peut également en faire avec des aromates
exotiques et des fleurs indigènes dont on aura distillé les
eaux; les plus distingués sont ceux à l'eau d'héliotrope,
à l'eau de violette et à l'eau de jasmin.
Sorbet au marasquin. - Faites une préparation de glace
au jus de citron en en supprimant les zestes, glacez-la un
peu plus ferme qu'à l'ordinaire et brouillez-la bien en y
ajoutant un demi-verre de marasquin. On peut employer à
la confection de ce même sorbet d'autres liqueurs
étrangères ou françaises, ainsi que les vins sucrés et
liquoreux de Frontignan, de Lunel et de Rivesaltes.
Sorbet au rhum. - Vous faites un sorbet au citron et
vous y ajoutez un bon verre de sirop de rhum en le glaçant
plus fortement qu'à l'ordinaire.
Boissons froides sans être glacées. - Préparez les
divers sucs de fruits comme pour faire des glaces passezles
à travers une étamine serrée, clarifiez-les au blanc
d'oeuf et mettez-les dans des carafes que vous ferez
refroidir dans de l'eau de puits en les entourant de glace et
sans leur laisser le temps de se trouver frappées, ce qui
veut dire congelées aux parois, en terme d'office et de
limonadier. Emprunté à l'excellent livre de M. de
Courchamps. ( Dictionnaire de la cuisine française).
Godiveau. - On donne ce nom à un hachis de viande
dont on forme des espèces de boulettes avec lesquelles on
garnit les tourtes et les vol-au-vent.
Godiveau à la bourgeoise. - Vous retranchez les
tendons et les cartilages d'une noix de veau ou d'une
rouelle et vous la hachez avec 500 grammes de graisse de
boeuf, vous les mêlez ensemble en ajoutant du persil,
ciboules hachées, sel et épices mêlés, et vous pilez le tout
ensemble en y joignant successivement des oeufs entiers
jusqu'à ce que la pâte soit bien liée; vous mettez un peu
d'eau pour l'amollir et vous formez avec cette composition
des boulettes dont vous garnissez des pâtés chauds et
autres plats d'entrée.
Godiveau à la Richelieu (Venant du cuisinier de M. le
maréchal de Richelieu). - Parez une livre de noix de veau et
une livre huit onces de graisse de boeuf bien farineuse; le
veau étant bien haché, vous y mêlez la graisse et après
avoir tout haché bien fin vous y joignez une once de sel
épicé, une pointe de muscade et quatre oeufs; hachez
encore pendant quelques minutes; ensuite pilez ce
godiveau jusqu'à ce qu'aucun fragment de graisse ni de
veau ne puisse être aperçu; alors vous le relevez du mortier
pour le placer, une couple d'heures, à la glace ou dans un
lieu frais, vous le pilez en deux parties, le mouillez peu à
peu avec des morceaux de glace lavés et gros comme des
oeufs, ce qui rend le godiveau lisse et très lié, mais vous
devez faire attention de le mouiller très convenablement
afin qu'il soit de la consistance des farces à quenelles,
ensuite vous le relevez dans une grande terrine, et pilez le
reste de la même manière; vous mettez ensuite le tout dans
la terrine avec deux cuillerées de velouté et une de
ciboulette hachée très fin, puis vous l'employez de même
que la farce à quenelle.
«Quand je dis de piler de la glace avec la viande,
observe le cuisinier du maréchal de Richelieu, c'est parce
que la glace aide singulièrement à donner ce corps liant au
godiveau qui lui donne ce moelleux parfait et si désirable;
car lorsqu'il est tourné, il perd en partie sa qualité, et cela
arrive quelquefois en été, parce que les grandes chaleurs
empêchent que la graisse de boeuf puisse se lier
intimement avec le veau, attendu que celui-ci est un corps
humide, et l'autre un corps gras. C'est par cette raison qu'il
est de rigueur de le mouiller à la glace pendant les chaleurs
de l'été, tandis que dans l'hiver c'est inutile».
Godiveau de blanc de volaille aux truffes. - Vous
procédez absolument de la même manière que pour le
godiveau de veau, en employant seulement à sa place une
livre de filet de poulardes ou d'autres volailles et en y
mêlant quatre cuillerées de truffes hachées très fin à la
place de ciboulette.
Godiveau de gibier aux champignons. - Vous
procédez comme ci-dessus en faisant votre godiveau avec
une livre de chair de perdreaux gris ou de lapereaux de
garenne et quatre cuillerées de champignons bien blancs
hachés et passés dans du beurre à l'ail.
Godiveau maigre. - Vous procédez de la manière
accoutumée avec une livre de chair de carpe de Seine pilée
et passée au tamis et quatre onces de panade, puis quatre
cuillerées de fines herbes assaisonnées d'une pointe
d'échalotes, persil, champignons et truffes.
On en fait aussi avec de la chair de brochet, de turbot et
d’anguille, toujours en y incorporant de la panade.
Goguette. - Ancien mets populaire, complètement
perdu et ignoré de nos jours.
Goujon. - Il y en a de deux espèces; le goujon de mer
qui est blanc et vert et ressemble un peu au maquereau, et le
goujon de Seine, beaucoup plus estimé que le précèdent.
Goujons frits. - Vous écaillez, videz et essuyez des
goujons sans les laver, les trempez dans du lait, les
saupoudrez de farine, puis vous les embrochez dans des
hâtelets d'argent et les mettez dans la friture bien chaude,
retirez-les et servez-les avec du persil et un jus de citron.
Goujons à l'étuvée. - Vous préparez ces goujons
comme les premiers, puis vous mettez au fond du plat
dans lequel vous devez les servir, du beurre, du persil,
ciboules, champignons, des échalotes, du thym, basilic, le
tout haché très fin, sel et poivre; vous arrangez dessus les
goujons et les assaisonnez dessus comme dessous, vous les
mouillez d'un verre de vin blanc, vous couvrez le plat et
faites bouillir jusqu'à réduction presque complète de la
sauce.
Gras-double. (V. BOEUF.)
Grenade. - On appelle ainsi le fruit du grenadier, ce
fruit est peu recherché hors du pays où on le recueille et ne
sert qu'à garnir les corbeilles de dessert où il est d'un fort
bel effet.
Voici ce qu'en dit M. Cohier de Lompier:
«Il n'y a point de belles corbeilles de dessert sans
grenades, non plus que sans oranges; la grenade ouverte,
ainsi qu'un riche trésor de rubis ou de grenats brillants, est un
des plus beaux joyaux de nos grandes corbeilles. Quand on
n'aperçoit pas quelques-unes de ces grenades entrouvertes
aux flancs d'une pyramide de fruits, elles n'y sauraient être
remplacées par aucun autre, et bien qu'on y voie éclater le
vermillon des plus belles pommes et l'émail varié de nos
grosses poires, avec l'or de l'orange et la suprême beauté
de l'ananas, on dirait qu'il manque quelque chose dans
cette corbeille offerte par le dieu Vertumne à la cour de
Pomone. Mais aussi bien nous faut-il avouer qu'à
l'exception de ce beau rôle pour la décoration des tables ou
buffets, la grenade est un fruit qui n'équivaut seulement pas
à la groseille, elle ne vaut pas mieux que l'épine-vinette, et
c'est convenir qu'elle n'est presque bonne à rien dans les
pays tempérés où les quatre fruits rouges sont abondants et
par excellence.
On fait avec la grenade un sirop appelé grenadine, qui
est très bon pour la toux sèche ou l'irritation, il se fait avec
les grenades dites d'épine vineuse.
Une des plus belles villes, sinon la plus belle ville de
l'Andalousie, a tiré son nom de sa ressemblance avec une
grenade entrouverte. Chateaubriand a mis cette
comparaison dans la bouche de son dernier Abencérage.
Grenouille. - Il y a beaucoup d'espèces de grenouilles
qui diffèrent par leur grandeur, leur couleur et le lieu
qu'elles habitent.
Les grenouilles de mer sont monstrueuses et on ne
s'en sert pas comme aliment, non plus que des grenouilles
de terre; les grenouilles aquatiques seules sont bonnes à
manger, elles doivent avoir été prises dans une eau bien
claire, et choisies bien nourries, grasses, charnues, vertes et
ayant le corps marqué de petites taches noires.
Bien des médecins du Moyen-Age se sont opposés à
ce qu'on mangeât cette viande qui cependant est blanche et
délicate et contient un principe gélatineux plus fluide et
moins nourrissant que celui des autres viandes. Bernard
Palissy, dans son Traité des pierres de 1580, s'exprime
ainsi: «Et de mon temps, j'ai veu qu'il se fust trousvé bien
peu d'hommes qui eussent voulu manger ni tortues ni
grenouilles. »
Au seizième siècle pourtant, les grenouilles étaient
servies sur les meilleures tables, et Champier se plaignit de
ce goût qu'il regarda comme bizarre, et il y a un siècle à
peu près qu'un Auvergnat, nommé Simon, fit une fortune
considérable avec les grenouilles qu'on lui envoyait de
son pays, qu'il engraissait et qu'il vendait ensuite aux
premières maisons de Paris où cet aliment était fort à la
mode.
En Italie et en Allemagne on fait une grande
consommation de ces batraciens et les marchés en sont
couverts, et les Anglais qui en ont horreur et qui, pour cela
sans doute, faisaient il y a environ soixante ans des
caricatures représentant des Français mangeant des
grenouilles, n'ont qu’à lire ce passage de l'histoire de l'île de
Saint-Domingue par un Anglais nommé Atwood: «Il y a,
dit-il, à la Martinique beaucoup de crapauds que l'on mange,
les Anglais et les Français les préfèrent aux poules. On les
fricasse et on en fait des soupes».
Les grenouilles se mangent apprêtées de plusieurs
façons différentes, on en fait surtout des potages qui sont
fort sains et dont même quelques dames usent pour
entretenir la fraîcheur de leur teint.
Potage de grenouilles. - Prenez la quantité de
grenouilles qu'il vous faut, lavez-les bien, ôtez les os des
cuisses et réservez les plus grosses pour frire en les faisant
mariner avec verjus, sel, poivre et fines herbes; passez-les
ensuite dans une pâte à friture et faites-les frire de belle
couleur dans du beurre fondu bien chaud, elles vous
serviront pour faire un cordon autour de votre potage.
Avec les autres vous faites un ragoût avec laitances,
champignons et autres garnitures, le tout au blanc pour
masquer votre potage; vous le mouillez de bon bouillon et en
couvrez votre potage que vous servez garni des grenouilles
frites.
Grenouilles en fricassée de poulet. - Ecorchez vos
grenouilles, ne leur laissez que les deux cuisses et l'arête
du dos, et apprêtez-les ensuite en fricassée de poulet (V.
FRICASSEE DE POULET).
Griblette. - En terme de cuisine, c'est une tranche de
porc frais ou de mouton rôtie sur le gril; on les sert comme
les côtelettes, avec ou sans accompagnement.
Grillade. - On appelle grillades des tranches de viande
bien minces que l'on fait rôtir sur le gril. Quand on a
quelque dindon ou autre pièce pour en faire une entrée on
peut prendre les ailes, les cuisses et le croupion, les griller
avec du sel et du poivre, passer de la farine à la poêle avec du
lard fondu, y mettre des anchois, un filet de vinaigre, un
peu de bouillon, sel, poivre, faire mitonner le tout et servir
chaudement.
On peut aussi les servir grillées avec une essence de
jambon, ou un coulis clair par-dessus, ou encore avec une
sauce Robert.
Griottes. - Espèce de cerise à courte queue, grosse,
noirâtre et plus acide que les autres. On prépare avec ce
fruit de très bon ratafia, on en faisait aussi autrefois du vin en
Hollande, mais ce vin étant trop fort et trop chargé, on
préféra avec raison par la suite les raisins étrangers.
Grives et merles. - Les grives, les merles et
beaucoup d'autres oiseaux ne doivent être mangés qu'à la
fin de novembre; engraissés d'abord dans les champs et
dans les vignes, ils vont ensuite parfumer leur chair au
bord des bois avec des graines de genièvre. Si vous êtes trop
pressé de jouir, si vous les tuez avant le temps, vous ne
leur trouverez pas ce fumet, cet arôme incisif qui est tant
recherché des vrais friands.
Horace, Martial et même Gallien connaissent toute la
valeur des grives.
«Nil melius turdo», dit Horace.
Le favori d'Auguste et de Mécène en mangeait tant qu'il
voulait, non pas qu'il fût assez riche pour en acheter tous
les jours, sa médiocrité dorée n'allait pas jusque-là, mais il
était fêté partout.
Le pauvre Martial au contraire faisait souvent maigre
chère et lorsqu'une invitation à dîner venait le surprendre,
la joie éclatait en ses yeux et il se disait:
« - Il y aura probablement des grives».
Lucius Apicius et tous les grands gourmands de Rome
en faisaient le plus grand cas. Ils les engraissaient dans
d'immenses volières de compte à demi avec les merles.
Chacune de ces volières en contenaient trois ou quatre
mille; dans ces volières, les grives étaient privées de la vue
des bois et des champs afin que rien ne pût les distraire de
l'envie d'engraisser.
Varron cite une maison de campagne où l'on avait
engraissé cinq mille grives dans une année. On les servait
sur les tables les plus somptueuses et on les donnait aux
convalescents pour réparer leurs forces.
Pompée tomba malade et, étant entré en
convalescence, son médecin lui ordonna de manger des
grives, mais Pompée n'avait pas de volière.
«Allez en demander à Lucullus, il ne vous en refusera
pas, lui dit son médecin.
- Eh quoi! s'écria-t-il, c'est donc à dire que Pompée
ne pourrait pas vivre, si Lucullus n'était pas un
gourmand!»
En France, il y a un proverbe qui dit:
«Quand il n'y a pas de grives on mange des merles».
Les Corses ont retourné ce proverbe et disent:
«Quand il n'y a pas de merles, on mange des grives».
C'est que les merles de Corse et de Provence sont très
renommés parce qu'ils se nourrissent de graines de myrtes et
de genièvre.
L'oncle de Napoléon, le cardinal Fesch, archevêque de
Lyon, en faisait venir tout l'hiver de la Corse. On allait
dîner chez son Eminence pour ses nobles manières, pour
son gracieux accueil et surtout pour ses merles.
La saison des vendanges est la meilleure époque pour
prendre et manger des grives, car elles se sont nourries de
raisin et leur chair en est plus tendre et plus savoureuse.
Grives rôties. - Vous plumez vos grives et les faites
refaire sans les vider, puis vous les faites cuire à la broche et
les servez comme les mauviettes avec des rôties dessous.
Grives en ragoût. - Accommodez proprement les
grives, passez-les à la casserole avec lard fondu, un peu de
farine pour bien lier la sauce, un verre de vin blanc, sel,
poivre, bouquet garni, laissez mitonner un peu le tout et
servez avec un peu de citron.
Grives à l'eau-de-vie. - Epluchez bien vos grives,
écrasez-les un peu sur l'estomac, mettez-les dans une
casserole avec du lard fondu, deux petits oignons,
champignons, truffes, quelques morceaux de ris de veau,
faites-leur faire quelques tours, mouillez-les de deux verres
d'eau-de-vie, faites-les cuire à grand feu, allumez l'eau-devie
que vous avez versée sur vos grives, quand il est éteint,
ajoutez-y un peu de réduction et de coulis, achevez de les
faire cuire doucement, dégraissez-les et servez.
Entrée de grives au genièvre. - Vos grives étant
plumées, épluchées et retroussées, vous les couvrez de
bardes de lard et de papier beurré, puis vous les attachez
sur une broche et les faites cuire.
Mettez dans une casserole un peu de jus et de coulis, un
verre de vin blanc, faites bouillir, ajoutez un jus de citron et
une douzaine de grains de genièvre que vous aurez fait
blanchir.
Vos grives étant cuites, vous ôtez les bardes de lard et
le papier et les mettez mitonner dans le coulis, puis vous
les dressez sur un plat, les dégraissez et servez chaudement
pour entrée.
Grives à la polonaise. - Epluchez vos grives,
aplatissez-les sur l'estomac, passez- les quelques tours dans
une casserole avec lard fondu, truffes, champignons, cinq ou
six petits oignons, bouquet garni, un ris de veau blanchi,
une tranche de jambon, puis vous les mouillez d'un verre
de vin de Champagne et d'un peu de réduction et de coulis,
ajoutez sel et poivre, faites cuire à petit feu, dégraissez le
ragoût. Quand elles sont cuites, mettez-y un jus de citron,
ôtez le bouquet et la tranche de jambon, et servez à courte
sauce.
Pâté chaud de grives. - Videz vos grives, gardez-en
le foie, retroussez-les et battez-les sur l'estomac avec un
rouleau, piquez-les ensuite de gros lard et de jambon,
assaisonnez de sel, poivre, fines herbes et fines épices, et
fendez-les par le dos. Pilez ensuite les foies avec du lard
râpé, champignons, truffes, ciboules, persil, sel et poivre,
fines herbes et fines épices le tout bien pilé et farcissez-en le
corps de vos grives.
Hachez encore et pilez du lard, faites une pâte
composée d'un oeuf, de bon beurre, de farine avec un peu de
sel; formez deux abaisses, jetez-en une sur du papier
beurré, prenez du lard pilé dans le mortier, étendez-le sur
l'abaisse et rangez les grives dessus, ajoutez quelques
truffes, des champignons, une feuille de laurier, le tout
couvert de bardes de lard, couvrez avec votre seconde
abaisse, formez en les bords, dorez votre pâté et mettez-le au
four.
Quand il est cuit, retirez-le, ôtez le papier, ayez un
bon coulis, quelques ris de veau, champignons et truffes,
levez le couvercle du pâté, ôtez les bardes de lard qui sont
dessus, et avant de servir mettez-y votre ragoût en y pressant
un jus de citron, et servez chaudement pour entrée.
Grives à l'anglaise. - Epluchez et retournez vos grives
sans les vider, embrochez- les avec un hâtelet, posez ce
hâtelet sur une broche et fixez-la des deux bouts,
enveloppez vos grives de papier, faites-les cuire à moitié,
ôtez le papier, mettez un morceau de lard au bout d'un
hâtelet, faites prendre le feu à votre lard et durant qu'il
brûle, faites-le dégoutter sur vos grives, saupoudrez-les
d'un peu de sel fin et de mie de pain, donnez-leur une belle
couleur, dressez-les et servez à côté une sauce au pauvre
homme liée avec un morceau de beurre.
Groseille. - Il y a deux espèces de groseille, la groseille
verte, vulgairement appelée groseille à maquereau parce
qu'on l'emploie comme verjus dans le temps des
maquereaux frais, et la groseille rouge qui sert plus
particulièrement à faire les confitures, les gelées, les
compotes, etc.
Le sel acide dont les groseilles abondent est la cause
des principaux effets qu'elles produisent, elles excitent
l'appétit parce que ce sel picote légèrement les petites
fibres de l'estomac, elles rafraîchissent et conviennent à
ceux qui ont la fièvre parce que ce sel donne plus de
consistance aux humeurs et en arrête le mouvement trop
violent et trop impétueux.
Tout le monde connaît l'usage et les diverses
préparations de la groseille, le suc en est rafraîchissant et
mêlé à l'eau avec du sucre ou du miel, il forme une boisson
acidulée qui convient à tout le monde et qui, dans le Nord,
remplace la limonade, on pourrait aussi en retirer de l'eaude-
vie par la distillation.
Les roses ou blanches sont moins acides et plus
agréables que les rouges.
Nous avons indiqué à l'article Confitures les différentes
manières d'employer la groseille, en conserves, en gelée, en
compote, en sirop, nous y renvoyons le lecteur (V.
CONFITURES).
Grue. - Appelé oiseau de Palamède par les poètes qui
ont prétendu que, pendant la guerre de Troie, Palamède
avait appris des grues les quatre lettres grecques y.x.k.w.,
l'ordre de bataille et le mot du guet.
La grue est de la famille des échassiers, elle est de la
grosseur du dindon, son cou et ses jambes sont très longs;
comme la cigogne, elle est très grand destructeur des
reptiles, des vers, des insectes, dont elle se nourrit, ainsi que
de grenouilles et de petits poissons. Cet oiseau est regardé
par les Kalmoucks de Koulaguena comme un des plus purs
qui existent, et ils n'en tuent jamais.
Les grues se trouvent principalement dans les climats
tempérés; de là leurs migrations régulières dès que le froid ou
la chaleur commence à se faire sentir d'une manière
excessive dans les régions du Nord ou de l'Orient qu'elles
fréquentent; elles se réunissent alors par troupes pour
entreprendre les courses les plus lointaines et les plus
hardies et choisissent un chef pour les conduire dont le cri
les avertit de la route qu'elles doivent suivre; pour fendre
l'air plus aisément, elles se forment en triangle et même en
rond si le vent est trop violent. A terre, elles ont des
sentinelles qui veillent à la sûreté de la troupe pendant son
sommeil, et qui, pour éviter d'y succomber elles-mêmes,
tiennent en l'air une patte dans laquelle est une pierre dont le
choc les réveillerait si la fatigue venait à les endormir et à la
leur faire lâcher. C'est ce que nous appelons faire le pied
de grue pour indiquer une longue attente sur les jambes.
Varron rapporte que les Romains élevaient et
nourrissaient avec soin des grues dans des volières, pour
les manger ensuite à cause de la délicatesse de leur chair;
aujourd'hui encore, dans certaines parties orientales de
l'Europe où ces oiseaux sont communs, leur chair est servie
sur les tables. Arnaud de Villeneuve trouvait un grand
plaisir à la manger, et les Indiens s'en nourrissent, mais je
crois qu'il ne peut être question ici que des jeunes grues ou
gruaux, car la chair des vieilles est dure, coriace, insipide et
de difficile digestion.
Guignard. - Espèce de pluvier que l'on trouve surtout
dans le Loiret et dans la Beauce. Il est de la grosseur du
merle, le sommet de sa tête est cendré noirâtre, le dessus de
son corps teint de vert avec des cercles rougeâtres, sa chair
est très estimée et préférable à celle du pluvier; on en fait
des pâtés très recherchés. Ceux qu'on préparait pour le
célèbre Philippe de Chartres étaient faits avec des
guignards, que Collin d'Harleville immortalisa dans une
charmante épître, son premier ouvrage, lequel engagea
l'auteur à suivre la carrière des Lettres; d'où il résulte que
c'est aux guignards que l'on doit l'Inconstant et les
Châteaux en Espagne.
Guigne. - Espèce de cerise noire et très sucrée.
H
Hachis. - Lorsqu'il vous reste, du dîner de la veille, du
veau, du boeuf, du poulet, du gibier, des débris de viande
enfin, vous n'avez qu'à hacher proprement ces restes, et il
existe des instruments pour cela, jusqu'à ce que le tout
opère un mélange complet; vous achetez alors de la chair à
saucisses, un cinquième par exemple relativement à ce que
vous avez d'autre viande, et vous la poussez à part jusqu'à
une demi-cuisson; puis, dans la même casserole, vous
versez le reste de votre hachis, vous mettez un morceau de
beurre frais, vous tournez le tout sur le feu non seulement
jusqu'à ce qu'il y ait mélange, mais assimilation des
viandes; salez et poivrez; au fur et à mesure que le hachis
épaissira par trop, ajoutez une cuillerée ou deux de
consommé, joignez-y une pincée de poivre de Cayenne,
goûtez-y et jugez le degré de saveur auquel vous devez
cesser de tremper votre mélange de bouillon.
Hareng. - Tout le monde connaît le hareng; je dirai
même qu'il y a peu de personnes qui ne l'aiment pas;
vivant, il est vert sur le dos, blanc sur les côtés et le ventre;
mort, le vert du dos se change en bleu; c'est le fils du pôle;
depuis le lieu de sa naissance jusqu'au quarante- cinquième
degré de latitude, on le trouve dans toutes les mers,
formant, à partir du vingt-cinq juin où l'on commence à
apercevoir en Hollande ce qu'on appelle l'éclair du hareng,
des bancs longs et larges de plusieurs lieues, si épais que
les poissons qui les forment s'étouffent les uns les autres par
milliers sur les bas-fonds; parfois les filets qu'ils
remplissent, trop faibles pour soulever un tel poids, se
déchirent et laissent retomber la proie déjà moitié prise;
comme la colonne de feu et de fumée des Hébreux, on peut
suivre le jour et la nuit leur émigration: la nuit par l'éclat
phosphorescent qu'ils répandent, le jour par les bandes
d'oiseaux ichthyophages qui les suivent, plongeant de
temps en temps et remontant avec un éclair d'argent au bec;
des baleines, des requins, des marsouins, des bonites, des
dorades les suivent, mordent à même du banc, et en font
une immense consommation.
Bloch a assuré, dit Victor Meunier, que dans une seule
localité de la Suède on en pêche annuellement plus de sept
millions; mais la fécondité de ce poisson compense toutes
les causes de destruction qui s'attachent à lui. On a compté
dans une seule femelle soixante-six mille six cent six
oeufs. Ajoutons que l'on compte sept femelles pour deux
mâles.
La pêche du hareng est la plus importante de toutes,
tandis que la pêche de la morue baisse; et que le Havre qui
a envoyé jusqu'à quarante bateaux à la pêche de la morue,
n'en avait envoyé cette année qu'un seul. On compte huit
cent mille personnes que cette branche d'industrie fait
vivre; elle rapporte à l'Europe près de quatre millions de
francs.
C'est un nommé Bruckalz qui a inventé l'art de fumer
les harengs.
La plus belle et la meilleure espèce de harengs
frais qu'on mange à Paris est celle qui nous arrive des côtes
de Normandie; nous dirons plus loin de quelle manière on
peut les apprêter.
Le hareng pec et nouvellement salé doit toujours venir
de Rotterdam, de Leawarde ou d'Enkhuisen, en Hollande; on
le coupe par rouelles et on le mange tout cru, sans lui faire
subir aucun autre apprêt que celui d'une salade.
Les plus beaux harengs saurs, les plus grands, les plus
charnus, les plus dorés, les mieux fumés au genièvre sont
les saurets de Germuth, en Irlande.
Presque jamais les harengs salés ne paraissent sur la
table des maîtres; mais ils sont, dans les pays où ils
abondent, d'une grande utilité pour les ouvriers et les
pauvres.
On en fait alors dans certaines provinces une fricassée
très appétissante et confortable, en les faisant frire, en
petits morceaux, sans être dessalés, dans du saindoux avec
un amas de poireaux crus et hachés, que l'on mélange avec
des pommes de terre de la grosse espèce farineuse que l'on a
fait cuire à l'eau bien salée, avec quelques tiges de romarin.
Le hareng frais est un excellent poisson dont on ferait
le plus grand cas, s'il était cher et s'il était rare; il faut le
choisir avec des ouïes rouges, des écailles brillantes,
rebondi du côté du ventre, car alors il est plein, mais ce
n'est guère qu'à la fin d'août ou à la mi- septembre qu'on le
mange dans toute sa saveur.
Il subsistait encore au XVIe siècle un usage assez
bizarre parmi les chanoines de la cathédrale de Reims. Le
mercredi saint, après les ténèbres, ils allaient
processionnellement à l'église de Saint-Rémi, rangés sur
deux files, chacun d'eux traînant derrière soi un hareng
attaché à une corde. Chaque chanoine était occupé à
marcher sur le hareng de celui qui le précédait et à sauver le
sien des surprises du suivant. Cet usage extravagant ne put
être supprimé qu'avec la procession.
La pêche du hareng est, comme on le sait, une des
branches de commerce les plus productives pour
l'Angleterre qui en exporte surtout beaucoup en Italie pour la
semaine sainte. Dans le temps que le pape Pie VII fut
obligé de quitter Rome conquise par les Français en
révolution, le comité de la chambre des communes, à
Londres, s'occupant de la pêche des harengs, un membre fit
observer que le pape étant chassé de Rome, l'Italie allait
vraisemblablement se faire protestante: - «Dieu nous en
préserve! s'écria un autre membre. - Comment, reprit le
premier, seriez-vous fâché de voir s'accroître le nombre des
bons protestants? - Non, répondit l'autre, ce n'est pas cela
mais s'il n'y a plus de catholiques, que ferons-nous de nos
harengs?..».
Un gascon disait que, s'il était gouverneur d'une ville ou
d’une place assiégée, il tiendrait bon malgré la plus cruelle
famine. - « Je ne suis plus surpris, monsieur, lui dit son
valet, si vous tenez si longtemps table quand vous n'avez à
manger qu'un hareng saur».
Harengs frais (Sauce à la moutarde). - Prenez douze
harengs, videz-les par les ouïes, écaillez-les, essuyez-les,
mettez-les sur un plat de faïence ou de terre, versez un peu
d'huile dessus, saupoudrez-les de sel fin, ajoutez quelques
branches de persil, et retournez-les dans cet
assaisonnement; un quart d'heure avant de servir, mettezles
griller, retournez-les; leur cuisson faite, dressez-les sur
votre plat, et saucez-les d'une sauce blanche au beurre,
sauce dans laquelle vous aurez mis et délayé une grande
cuillerée à bouche de moutarde non bouillie; vous pouvez
servir vos harengs avec une sauce grasse, et si vous les
servez froids, saucez-les avec une sauce à l'huile de telle
nature que vous jugerez convenable.
Harengs frais au fenouil. - Fendez vos harengs par le
dos, frottez-les de beurre tiède et de sel, avec une plume ou
un pinceau; enveloppez-les de fenouil, faites-les griller, puis
servez- les avec une sauce rousse où vous ajouterez une
poignée de fines tiges, et de feuilles de fenouil que vous
aurez fait blanchir au vin blanc, et hachées fin.
Caisse de laitances de harengs. - Prenez les laitances
d'une trentaine de harengs, faites-les blanchir, et égouttezles;
mettez un morceau de beurre dans une casserole, avec
champignons, persil, échalotes et ciboules hachés très fin;
sel, poivre et fines épices; passez ces fines herbes
légèrement sur le feu, ajoutez-y vos laitances; faites-les
mijoter un instant dans cet assaisonnement; vous aurez fait
une caisse ronde ou carrée, dans laquelle vous aurez
étendu au fond un gratin, soit gras, soit maigre, de
l'épaisseur d'un demi-travers de doigt; huilez le dessus de
votre caisse et le dehors, mettez-la sur le gril, posez ce gril
sur une cendre chaude; faites cuire ainsi ce gratin; un
instant avant de servir mettez vos laitances dans cette
caisse, dégraissez-la, dressez-la, saucez-la d'une espagnole
réduite, dans laquelle vous aurez exprimé le jus d'un citron
et servez.
Harengs frais en matelote. - Mettez vos harengs dans
une casserole avec un morceau de beurre, persil,
champignons, ciboules, une pointe d'ail avec deux bons
verres de vin de Bourgogne ou de Bordeaux, sel, poivre,
poussez-les à grand feu, servez-les à courte sauce, et
garnissez de croûtons frits.
Harengs pecs pour hors-d'oeuvre. - Lavez une
douzaine de harengs, coupez-leur la tête, la queue et les
nageoires, dépouillez-les, mettez-les dessaler dans mi-lait et
mi-eau; lorsqu'ils seront à leur point, égouttez-les, mettezles
sur une assiette avec des tranches d'oignons et de
pommes de reinette crues; servez-les enfin avec une
marinade ou une vinaigrette bien battue, et mêlez de
cresson alénois.
Harengs saurs. - Prenez cinq ou six de ces harengs,
essuyez-les; coupez-leur la tête et le bout de la queue,
fendez-leur les vertèbres de la tête à la queue, ouvrez-leur le
dos; mettez-les sur un plat de faïence, arrosez-les d'huile,
laissez-les y mariner un instant; mettez-les sur le gril,
retournez-les, laissez-les cinq minutes à peine sur le feu,
dressez-les sur une assiette et servez-les.
Harengs saurs à la Sainte-Menehould. - Dessalez-les
dans la crème, faites-les cuire vingt minutes dans une
sainte- menehould que vous aurez composée ainsi: mettez
dans une casserole 30 grammes de beurre manié de farine et
de lait, du persil, de la ciboule, de l'ail, du thym, du laurier,
du basilic, un peu de poivre; faites bouillir et tournez
toujours; mettez-y les harengs, faites-les cuire, trempezles
dans du beurre fondu, passez-les et faites-leur prendre
couleur sous un four de campagne, dressez-les sur une
rémoulade à l'huile verte.
Préparation du hareng saur, pour en faire plus tard
bon emploi. - Faites dessaler dans du lait, et faites ensuite
griller de beaux harengs saurs d'Irlande; laissez-les
refroidir, et levez-en les filets dont vous vous servirez plus
tard pour en faire des sandwiches ou tartines au beurre
frais, pour en garnir des bateaux de hors-d'oeuvre en les
assaisonnant avec de l'huile fine et du jus de bigarade, pour
en couvrir des litières de nouilles ou de lazagnes au beurre
ainsi que des purées de pommes de terre, de marrons, de
patates d'Espagne, de haricots blancs à la crème; pour en
faire un gros hachis dont vous assaisonnerez des omelettes
à l'huile ou des oeufs brouillés en y mêlant des olives
picholines tournées, de la crème de Sotteville à demi-sel, et
un peu de brou de noix; il en résulte un plat d'entrée qui n'est
dépourvu ni de sapidité ni de distinction.
Recette de l'auteur des Mémoires de la marquise
de Créquy.
Haricot de mouton. - On ignore le temps auquel
remonte ce ragoût plébéien dont les deux éléments doivent
être des morceaux de poitrine de mouton et des haricots
rouges, ce qui nous est prouvé par une comédie de Jodelle et
par un passage de Cyrano de Bergerac; depuis, l'un des
deux ingrédients a été détrôné par les navets.
Les navets ont fait leur quatre-vingt-treize et les haricots
rouges ont eu leur vingt et un janvier. Quoi qu'il en soit,
voici comment se confectionne aujourd'hui ce plat
révolutionnaire:
Coupez le mouton par morceaux, faites-le roussir avec
très peu de farine, faites revenir dans une autre casserole
navets, pommes de terre, oignons; versez du bouillon de
manière que le tout baigne; faites cuire à très petit feu; et
mettez-y de l'ail plus ou moins, selon votre goût.
(Recette de Madame la comtesse Dash).
Haricot de mouton Vuillemot. - Il se fait à l'eau;
laissez suer le mouton avec deux verres d'eau; laissez
réduire; singez avec de la farine et assaisonnez: sel, poivre,
un bouquet de persil, deux pointes d'ail, thym, laurier;
mouillez à l'eau; laissez cuire; passez à la poêle, navets,
oignons; faites blondiner le tout avec un peu de sucre et sel
fin dans de la bonne graisse; ajoutez ces légumes à ce
ragoût; joignez-y vos pommes de terre; tournez aussitôt la
cuisson faite; dégraissez et servez bien chaud.
Haricots. - On mange les haricots de trois manières, et
à trois époques de leur développement. Avant leur
maturité, on les mange avec la gousse, on les appelle alors
haricots verts; un peu avant la maturité on en mange les
graines encore tendres, on les nomme alors flageolets;
enfin on fait une grande consommation de leurs graines
desséchées, et qui, de quelque part qu'elles viennent,
prennent impudemment le nom de haricots de Soissons.
Comme je suis du département de l'Aisne, c'est à moi de
faire valoir mes compatriotes; et en effet, jusqu'à mon
dernier voyage en Asie, j'avais déclaré que les haricots de
Soissons étaient les premiers haricots du monde; mais j'ai
été forcé de reconnaître que les haricots de Trébizonde leur
étaient supérieurs.
Mais de Trébizonde ou de Soissons, les haricots ont un
grave inconvénient; il y a des eaux dans lesquelles ils
s'obstinent à ne pas cuire; il faut alors que la science lutte
avec la nature; faites en ce cas un petit nouet de cendre de
bois neuf dans l'eau de leur cuisson, ou, mieux un peu de
carbonate de soude; le haricot le plus réfractaire se
reconnaîtra vaincu.
Haricots verts à la crème. - Passez vos haricots au
beurre dans la casserole ou avec du lard; quand ils ont un
peu bouilli, assaisonnez-les de sel, mettez un paquet de
ciboules et de persil; étant presque cuits, mettez-y de la
crème fraîche, ou du lait délayé avec des jaunes d'oeufs,
servez-les ensuite pour hors-d'oeuvre d'entremets; on peut y
ajouter du sucre.
Haricots à la bonne fermière. - Prenez des haricots
fort tendres, rompez-en les petits bouts et jetez-les, lavez
les cosses, et faites-les cuire dans de l'eau; quand ils sont
cuits, mettez dans la casserole un morceau de beurre, de
persil et de ciboule hachés. Quand le beurre est fondu,
mettez-y les haricots après leur avoir fait faire deux ou
trois tours sur le feu; ajoutez-y une pincée de farine, de
bon bouillon et du sel; faites-les bouillir jusqu'à ce qu'ils
aient absorbé presque toute leur sauce; quand on est prêt à
les servir, mettez-y une liaison de trois jaunes d'oeufs
délayés avec du lait, et ensuite un filet de verjus ou de
vinaigre; quand la liaison est prise, servez-les comme
entremets.
Haricots verts au blanc. - Otez-en les filets; s'ils sont
trop gros, coupez-les en deux, dans leur longueur, faitesles
cuire avec de l'eau, du sel, du beurre; quand ils sont
cuits, égouttez-les; les passez avec du beurre, persil,
ciboules hachées; saupoudrez-les, et les mouillez de
mitonnage, quand ils sont cuits, liez-les avec de la crème et
des jaunes d'oeufs, un jus de citron et servez.
Haricots verts au roux. - Après les avoir fait cuire
dans l'eau, mettez suer une tranche de jambon; quand elle a
sué, mettez dans la même casserole un morceau de beurre,
persil, ciboules hachées et les haricots; passez le tout
ensemble, mouillez de bouillon et de coulis, assaisonnez de
sel et poivre; faites cuire le tout une bonne heure; il faut que
la sauce ne soit pas trop claire, servez- les comme
entremets ou pour garnir quelques entrées.
Haricots tout à fait à l'anglaise. - Blanchissez, faites
cuire vos haricots qui devront conserver un ton vert clair,
passez-les, dressez vos haricots dans le plat sur du beurre,
garnissez de persil et servez le plat chaud.
Haricots à la bretonne. - Mettez vos haricots à la
casserole avec des oignons coupés en petits carrés et un
morceau de beurre. Faites roussir vos oignons au fourneau,
mouillez-les avec du consommé, puis avec du bouillon
quand ils seront roux. Salez, poivrez, faites cuire et réduire;
mettez-y vos haricots et laissez mijoter un peu moins d'une
demi-heure.
Haricots verts à la lyonnaise. - Coupez des oignons
en croissant, mettez-les dans une poêle avec de l'huile;
joignez vos haricots à votre oignon roussi. Faites frire
avec, saupoudrez de persil et de ciboule; salez, poivrez, et
après deux tours de poêle dressez avec un filet de vinaigre.
Haricots verts en salade. - Faites blanchir, cuire, et
égoutter vos haricots; mettez- les dans un saladier;
garnissez-les de quelques filets d'anchois, de quelques
oignons cuits dans la cendre, des betteraves, des
fournitures hachées; en outre, assaisonnez-les de sel, gros
poivre, huile et vinaigre, et servez-les.
Haricots verts et blancs à la maître d'hôtel. - Faitesles
cuire à l'eau de sel, égouttez-les; et arrosez d’un
morceau de beurre manié de fines herbes, salez, poivrez,
etc., et servez.
Haricots verts et blancs à la provençale. - Faites
d'abord, dans une casserole, une préparation se composant de
quelques cuillerées d'huile avec des câpres, des filets
d'anchois, une pointe d'ail et des rocamboles pilés; versez- y
des haricots cuits à l'eau de sel, assaisonnez avec persil et
ciboules, sel et gros poivre, sautez-les pendant quelques
instants, versez-les dans leur plat, et arrosez d'un filet de
vinaigre qui aura bouilli dans la casserole des haricots.
Haricots blancs nouveaux. - Lavez et mettez dans une
marmite avec de l'eau et du beurre vos haricots fraîchement
écossés; écumez, laissez mijoter et, à moitié de leur
cuisson, versez un verre d'eau fraîche; laissez achever de
cuire et, leur cuisson terminée, mettez dans une casserole
400 grammes de beurre avec persil et ciboules, sel et
poivre; faites égoutter vos haricots et jetez- les dans leur
assaisonnement; sautez-les, faites qu'ils se lient, et finissezles
avec un filet de verjus, ou le jus d'un citron.
Haricots au lard à la villageoise. - Il est à savoir que
MM. Descars de Livry, de Cussy, d'Aigrefeuille, de la
Reynière et autres hommes d'expérience ont toujours dit à
l'unisson que c'était la meilleure manière de manger les
haricots.
Commencez par avoir un bon estomac, et munissezvous
d'un bon appétit. Quand on n'est pas malade, on n'en
manque jamais que par le défaut de continence alimentaire,
ou le défaut d'exercice. Levez- vous de bonne heure et
sortez à jeun par un beau temps: promenez-vous à cheval
ou trottez à pied; mais on doit penser que vous vous portez
assez bien, puisque vous lisez des livres de cuisine; ainsi
donc faites cuire environ deux litrons de gros haricots
blancs avec un kilo de bon petit lard; coupez ce lard en
tranches, et que tous les morceaux en soient également
entrelardés; n'y mettez que la quantité d'eau nécessaire, afin
de ne rien devoir ajouter ni retrancher pendant leur cuisson.
Tout l'aqueux et tout l'onctueux de ce mouillement doivent
se trouver absorbés par ces farineux, de manière à ce qu'ils
soient infiniment cuits et parfaitement bien liés sans être en
bouillie; c'est là toute l'affaire. A buon corriere forte
minestra, dit Jean de Milan. (Dictionnaire général de la
cuisine française).
Haricots de Soissons à la moelle. - Faites cuire vos
haricots à l'eau de pluie filtrée, sautez-les avant de les
laisser refroidir avec cinq ou six onces de moelle fraîche et
nouvellement fondue; poivrez d'une forte pincée de
mignonnette; et mêlez-y, quelques moments avant de
servir, des grains de verjus épépinés et blanchis à l'eau
salée.
Haricots rouges à la bourguignonne. - Prenez des
haricots rouges de l'espèce cardinale, faites-les cuire dans
un bouillon de racines avec un morceau de beurre frais, un
bouquet aromatique, oignons et girofle, qu'on retirera après
vingt minutes d'ébullition. Ajoutez un quart de litre de vin
rouge avec une pincée de poivre; garnissez de petits
oignons glacés et servez. Ou bien encore garnissez votre
plat avec des queues d'écrevisses ou des rissolles de
poissons, des laitances de carpes ou de harengs, des huîtres
marinées, ou des moules frites.
Haricots grains de riz à la crème. - Faites cuire vos
haricots à l'eau de sel, avec un peu de beurre, et
assaisonnez- les de muscade; lorsqu'ils seront à peu près
cuits, ajoutez-y de la crème double pour les étancher;
saupoudrez de croquants, de céleris frits et égouttés et
servez.
Haricots de Soissons au beurre de piment. - Cuits, et
s'il est possible avec de l'eau de pluie filtrée, vous les faites
sauter avec un morceau du meilleur beurre que vous pouvez
vous procurer; du moment où ils sont sautés, ils ne doivent
plus bouillir, attendu qu'en bouillant le beurre perdrait les
trois quarts de son bon goût de crème fraîche; vous y
joindrez quelques grains de poivre de Cayenne en poudre.
Haricots grains de riz à l'intendance. - Faites-les
crever à l'eau de sel, mettez-y de la moelle, avec un peu de sel
et de muscade; au lieu de crème versez-y un verre de vin
de Madère, garnissez avec des croûtons grillés qu'on a
trempés dans le même vin légèrement salé et épicez de
muscade râpée.
Purée de haricots blancs. - Foncez et garnissez avec
cette purée, assaisonnée au fumet, les entrées ou les horsd'oeuvre
chauds.
La purée de haricots blancs pour entremets se
prépare à la crème; on l'assaisonne de muscade, on y mêle,
à l'instant de servir, de petits filets de persil bien frits et bien
croustillants.
Purée de haricots rouges. - Mêlée aux bisques et au
coulis d'écrevisses et garnissant des potages, on la prépare au
bouillon gras.
Herbes. - Les vingt-huit herbes qui servent pour la
cuisine sont divisées en herbes potagères, en herbes
d'assaisonnement et en herbes de fourniture à salade.
Les herbes potagères sont au nombre de six.
C'est à savoir: l'oseille, la laitue, la poirée, l'arroche,
l'épinard et le pourpier vert.
Les herbes d'assaisonnement sont au nombre de dix: le
persil, l'estragon, la cive, la ciboule, la sarriette, le fenouil, le
thym, le basilic, et la tanaisie.
Les herbes de fourniture à salade ou fines herbes sont
au nombre de douze: le cresson alénois, celui de fontaine, le
cerfeuil, l'estragon, la pimprenelle, la perce-pierre, la corne
de cerf, le petit basilic, le pourpier, les cordioles de fenouil,
le thym, le jeune baume et la ciboulette.
Hocco. - Oiseau de la grosseur d'un petit dindon et qui
vit à l'état sauvage dans les bois de l'Amérique du Sud. Les
hoccos sont d'une nature très douce; ils se réunissent en
troupes nombreuses dans de vastes forêts, où ils se
nourrissent de fruits et de jeunes bourgeons; cet oiseau est
monogame; quand les femelles ne sont pas appariées, elles
recherchent les caresses du premier mâle qu'elles
rencontrent, et elles pondent leurs oeufs au premier endroit
venu et sans avoir même préparé un nid; le plus souvent le
soir, quand elles sont perchées. Celles au contraire qui sont
en puissance d'un mâle pondent toujours dans un nid, qu'en
galant époux et en père prévoyant, ce dernier a préparé à
l'avance.
Je dois ajouter, dit M. Pomme, dans une lettre
adressée à M. Geoffroy Saint-Hilaire, qu'il est rare, en
France du moins, que les femelles se livrent à l'incubation;
sur toutes celles que j'ai pu obtenir, une seule à voulu
couver. Cinq seulement ont donné des oeufs. La sixième
s'est accouplée pendant plusieurs années; elle recherchait le
mâle, mais jamais elle n'a donné d'oeufs. Les femelles qui
arrivent restent froides et insensibles pendant la première
année de leur importation. A la seconde année, elles
s'accouplent, mais pondent rarement, ou bien elles donnent
des oeufs sans coquille. A la troisième, la coquille existe,
mais fragile et imparfaite. Ce n'est guère qu'à la quatrième
que cette imperfection disparaît complètement. Chaque
femelle fait trois pontes par an lorsqu'elle ne couve pas; si
elle couve, elle n'en fait qu'une vers la fin du mois d'avril
ou au commencement de mai. L'incubation dure de trente
et un à trente-deux jours; les pontes ont été chez moi de
deux oeufs quelquefois, mais rarement de trois.
Le hocco s'apprivoise facilement; on en trouve dans les
rues de Cayenne qui, avec leur bec, heurtent aux portes
pour entrer; ils tirent par l'habit, suivent leur maître, et si
on les empêche, ils l'attendent et lui expriment de la joie en
le revoyant; leur démarche est fière et grave, leur vol
bruyant et lourd; ils font entendre un cri aigu et produisent
aussi quand ils marchent sans inquiétude une espèce de
bourdonnement sourd et concentré, une sorte de
ventriloquie qui consiste sans doute dans la solidité des
anneaux de la trachée artère et dans le repli qu'elle fait sur
elle-même avant d'entrer dans la poitrine.
Le général La Fayette fit venir deux de ces gallinacés,
qui s'acclimatèrent parfaitement aux environs de Paris. On
les déposa dans un grand poulailler fermé, en compagnie
de poules nombreuses, et ils prirent en peu de temps les
habitudes de la localité. On les voyait accourir aux heures
où le repas était offert aux canards, aux dindes, aux poules et
aux pintades; ils se mêlaient à ces nombreux commensaux,
prenaient leur part de la pâture, distribuaient des coups de
bec aux plus proches voisins, ou étaient bourrés euxmêmes
par quelque coq jaloux de maintenir les privilèges
anciens de ses odalisques et furieux de voir ces intrus non
seulement pénétrer dans son sérail, mais encore venir
partager sa nourriture. Ce qui n'empêcha pas les jeunes
hoccos de grandir et de se développer à merveille sous
l'influence des beaux jours de la saison d'été.
La chair des hoccos est blanche, tendre et savoureuse.
Quand le sujet est jeune et s'il a été bien nourri, s'il est bien
apprêté, nos fins gourmets le préfèrent au dindonneau, au
jeune paon, à la pintade; on le fait rôtir comme cette
dernière, après l'avoir vidé et bridé; on le pique avec du
lard et on le fait cuire à la broche pendant une heure
environ, en l'arrosant de temps en temps avec du beurre ou
du saindoux, puis on le sert avec le fond de la lèchefrite
mêlé avec un peu de glace fondue et passée au tamis.
Hochepot. - Prenez une queue de boeuf, coupez-la en
morceaux de deux pouces de long sur autant de large;
faites-les dégorger et blanchir; garnissez une braisière,
avec des tranches de boeuf; mettez-y ensuite les morceaux de
queue que vous venez de couper avec des carottes, des
panais, des salsifis quelques navets, des scorsonères, des
topinambours, trois pieds de céleri, et douze pommes de
terre violettes, ajoutez un morceau de jambon, un cervelas et
enfin une douzaine d'oignons; mouillez le tout avec du
bouillon, après l'avoir couvert avec des tranches de boeuf;
faites feu dessus, feu dessous; votre appareil étant cuit,
levez la viande et les légumes, passez le bouillon, et s'il est
trop long, faites-le réduire; faites dans une autre casserole
un roux peu chargé de farine, ne le laissez pas brunir,
mouillez-le avec votre fond de cuisson dégraissé et bien
assaisonné; ajoutez-y des quatre épices avec une bonne
pincée de persil haché; versez-le sur le hochepot; tenez le
tout chaudement, au moment de servir, dressez les
morceaux de viande avec tous ces légumes dans un grand
plat creux et s'il peut se faire dans un vieux vase d'ancienne
faïence ou de porcelaine orientale.
Homard. - Homard (Article où l'on traite en outre du
carrelet sauce normande, du poulet à la ficelle, etc)..
O mer, le seul amour auquel je fus fidèle.
Ce vers de Byron peut devenir ma devise, et j'aime la
mer comme une chose nécessaire au plaisir et même au
bonheur de notre existence; quand il y a quelque temps que
je n'ai vu la mer, je suis tourmenté d'un désir irrésistible, et
sous un prétexte quelconque, je prends le chemin de fer et
j’arrive soit à Trouville, soit à Dieppe, soit au Havre. Ce
jour-là, je m'étais dirigé vers Fécamp.
A peine y fus-je arrivé que l'on vint me proposer une
partie de pêche pour le lendemain.
Je connais ces parties de pêche, où on ne pêche rien,
mais où on achète le poisson qui fait le fond du dîner qui
succède à la pêche.
Cette fois, cependant, contre toutes les habitudes,
nous primes deux maquereaux et une pieuvre, mais nous
achetâmes un homard, un carrelet et une centaine de
crevettes.
Une marchande de moules que nous rencontrâmes sur
notre chemin y joignit une centaine de ces bivalves.
On avait longtemps discuté pour savoir chez qui l'on
rentrerait et chez qui par conséquent se ferait le dîner.
Enfin le choix s'était fixé sur un grand marchand de
vins de Fécamp qui avait mis sa cave tout entière à notre
disposition.
Il nous assurait en route que sa cuisinière avait mis le
pot -au-feu et que nous trouverions chez lui matière à deux
ou trois plats dont sa cuisinière avait dû réunir les éléments
pour son dîner.
Mais sa cuisinière, tout cordon bleu qu'il la prétendit,
avait été destituée à l'unanimité, et j'avais été élu à sa place.
Libre à elle de conserver le titre de vice-cuisinière, mais à
la condition qu'elle ne se permettrait aucune opposition
contre le cuisinier en chef.
Maintenant, que les maîtresses de maison veuillent bien
entrer avec moi dans la cuisine admirablement montée
comme batterie et ne plus perdre aucun détail de ce qui va se
passer, si elles veulent ajouter deux ou trois plats inconnus
à leur liste culinaire.
Comme on nous l'avait promis, nous trouvâmes un potau-
feu mijotant depuis dix heures du matin, ce qui lui
faisait près de huit heures de cuisson.
Avec huit heures de cuisson, un pot-au-feu atteint à sa
majorité.
La France, je l'ai déjà dit, est le seul pays qui sache
faire un pot-au-feu, et encore est-il probable que ma portière,
qui n'a rien à faire qu'à soigner le sien et à tirer le cordon,
mange de meilleure soupe que M. de Rothschild.
Pour en revenir à notre cuisinière elle avait donc son
pot- au-feu qui mijotait, deux poulets tout plumés qui
attendaient la broche, un rognon de boeuf ignorant encore à
quelle sauce il serait mis, une botte d'asperges commençant
à monter en graines, puis au fond d'un panier, des tomates
et des oignons blancs.
Je me fis étaler le tout sur la table de cuisine, je
demandai une plume et de l'encre, et je présentai à
l'approbation de mes convives la carte suivante:
Potage aux tomates et aux queues de crevettes.
Entrées.
Homard à l'américaine. Carrelet sauce normande. Maquereaux
à la maître d'hôtel.
Rognons sautés au vin de Champagne.
Rôts.
Deux poulets à la ficelle. Poulpe frit.
Entremets.
Tomates à la provençale.
Oeufs brouillés au jus de rognon.
Pointes d'asperges.
Coeurs de laitue à l'espagnole sans huile ni vinaigre.
Dessert de fruits.
Vins.
Château-d'Iquem, Corton, Pommard, Château-Latour.
Café.
Bénédictine. Fine champagne.
Je présentai, comme je l'ai dit, ce menu qui fut accueilli
avec un hurrah d'enthousiasme; seulement on me demanda
combien il faudrait de temps pour un pareil dîner.
Je demandai une heure et demie qui me fut accordée
avec étonnement. On avait cru qu'il me faudrait trois
heures.
Le grand talent du cuisinier qui veut arriver à l'heure,
est de faire préparer d'avance et d'avoir sous la main tous
les accessoires de ses plats.
Ceci, c'est l'affaire d'un quart d'heure.
Maintenant, comme il est impossible de faire marcher
avec la plume un potage, quatre entrées, deux rôtis, deux
entremets et une salade, on me permettra de prendre et
d'expliquer mon service plat à plat.
Potage aux tomates et aux queues de crevettes. -
Allumez en même temps deux fourneaux, mettez sur le
premier: eau salée pour vos crevettes, bouquet assorti,
deux tranches de citron; faites bouillir et jetez vos crevettes
dans l'eau bouillante.
Mettez sur le second douze tomates dont vous avez
exprimé l'eau, quatre gros oignons blancs coupés en
rouelles, un morceau de beurre, une gousse d'ail, un
bouquet assorti.
Vos crevettes cuites, retirez-les, passez- les dans un
tamis, gardez leur eau, faites éplucher vos crevettes et
mettez les queues à part.
Vos tomates et vos oignons cuits, passez-les à une fine
passoire, remettez-les sur le feu avec un morceau de glace de
viande, une pincée de poivre rouge et laissez épaissir en
purée.
Puis adjoignez le bouillon en portion égale, un demiverre
de l'eau dans laquelle vous avez fait cuire les
crevettes; laissez le tout se mélanger en bouillant; au
troisième ou quatrième bouillon, jetez-y vos queues de
crevettes et votre potage est fait.
Inutile de dire que, quoique je donne la recette de
chaque chose à part, il faut que le tout marche en même
temps.
Homard à l'américaine. - Parmi les différentes
méthodes de préparer le homard à l'américaine, nous
choisissons la méthode Vuillemot.
Nous réclamons toute l'attention de nos lecteurs et
surtout de nos lectrices, le plat étant très compliqué.
1° Préparez dans une casserole deux gros oignons
coupés en quatre, un bouquet assorti, deux pointes d'ail,
mouillez le tout avec une bouteille de bon vin blanc, un
demi-verre de cognac ordinaire, une cuillerée à pot de bon
consommé, sel, mignonnette et quelques grains de bon
piment d'Espagne. Jetez votre homard dedans, une demiheure
de cuisson suffit. Attendez! le plus difficile reste à
faire.
2° Laissez refroidir votre crustacé dans sa cuisson, si
l'on n'est pas pressé; moins on se pressera, mieux ça
vaudra. Enlevez la chair de votre homard et coupez-la en
filets avec le charnu des pattes; mettez le tout dans un plat
à sauce, mouillez avec un peu de bouillon dans lequel a cuit
votre homard, couvrez-le d'une feuille de papier beurré
dessus, et placez au chaud à l'étuvé. Attendez pour servir.
3° Prenez huit belles tomates, coupez-les en deux,
exprimez-en la partie aqueuse, que vous jetez; beurrez une
casserole et couchez vos tomates dessus, assaisonnez avec
sel, mignonnette, un peu de piment et beurre frais; mettez au
four; après cuisson, laissez le tout au chaud.
4° Prenez deux gros oignons, coupez-les en dés,
pressez- les dans un torchon afin d'en extraire le gluten;
faites sauter dans une casserole avec un peu de beurre,
laissez- les blondiner, ajoutez une cuillerée à bouche de
farine; mouillez avec la moitié de votre cuisson de homard,
laissez épurer votre sauce sur l'angle de votre fourneau,
réduisez cette sauce de moitié en y ajoutant deux fortes
cuillerées de tomates en purée; réduisez encore d'un tiers
avec de la glace de viande, ensuite passez votre sauce,
ajoutez un peu de jus de citron, une noix de beurre frais et
attendez.
5° Prenez enfin le corail du homard, les oeufs s'il en
a; pilez le tout avec un peu de beurre, passez au tamis,
ajoutez un grain de piment, prenez un plat à légumes;
dressez en couronne vos filets de homard, vos tomates
par-dessus, versez dans le puits, formé par vos filets, votre
beurre de homard, glacez avec du jus de viande et servez.
Ce mets étant un peu compliqué ne peut être essayé par
des praticiens novices; il faut des cuisiniers et des
cuisinières d'une certaine force pour l'attaquer.
Le tour du carrelet est arrivé.
Le carrelet est un poisson à chair très blanche, très
courte, qui tient un milieu estimable entre la sole et la
limande; mais qui s'efforce vainement d'atteindre la saveur
de la première et la réputation de la seconde.
Carrelet à la sauce normande. - Mettez votre carrelet
sur un plat d'argent, beurrez le plat, assaisonnez le poisson
avec sel, poivre, un verre de vin blanc et mettez au four.
Mettez un morceau de beurre dans une casserole,
tournez-le jusqu'à ce qu'il blondine; un peu de farine.
Mouillez-le avec le beurre et le vin blanc de votre carrelet à
qui vous n'en laissez que juste ce qu'il faut pour qu'il ne
dessèche pas; réduisez de moitié.
Faites cuire une trentaine de moules, dix ou douze
champignons. Jetez le jus des moules dans votre sauce;
réduisez le tout de moitié, liez avec quatre jaunes d'oeufs et
un demi-verre de crème fraîche, rangez autour de votre
carrelet les moules et les champignons; versez votre sauce
dessus.
Quelques petits morceaux de beurre très frais çà et là,
reposez le poisson deux minutes au four et servez.
Quant aux maquereaux à la maître d'hôtel et aux
rognons sautés au vin de Bourgogne, je n'ai rien à
apprendre à personne sur l'exécution de ces deux plats.
C'est l'A B C de la cuisine.
Seulement faites la sauce de vos rognons un peu longue
et mettez-en un demi-verre à part, au moment de servir,
afin que la sauce soit aussi complète que possible.
Vous allez voir pourquoi tout à l'heure.
Poulets à la ficelle. - Jusqu'à l'exécution de mes
poulets à la ficelle, j'avais subi les observations de ma
vice- cuisinière; mais arrivé à ce moment décisif,
l'observation se tourna en opposition.
Comme je n'avais pas de temps à perdre, je menaçai ma
vice-cuisinière d'un coup d'Etat qui tendrait à lui faire
payer ses gages et à la faire mettre immédiatement à la
porte.
Cette menace eut son effet, elle obéit passivement et
cinq minutes après, mes deux poulets tournaient côte à
côte, comme deux fuseaux.
Mais comme j'ai du temps aujourd'hui pour vous
dire mes raisons et pour vous expliquer la supériorité du
poulet à la ficelle sur le poulet à la broche, écoutez-moi.
Tout animal a deux orifices: l'orifice supérieur et
l'orifice inférieur; et le poulet, sous ce rapport, est l'égal de
l'homme.
Diogène l'a dit deux mille quatre cents ans avant moi,
le jour où il jeta un coq plumé sur l'Agora d'Athènes en
criant:
- Voilà l'homme de Platon!
Eh bien, il faut d'abord boucher un de ces orifices, le
supérieur.
Cet orifice se bouche à la manière belge, en fourrant
la tête de la volaille dans son estomac et en cousant la
peau par-dessus.
Passons au second orifice, bien plus important que le
premier, à l'orifice inférieur.
Vous en avez tiré, quand je dis vous en avez tiré, je
veux dire votre cuisinière en a tiré les intestins et le foie,
elle a jeté les intestins, haché le foie avec des fines herbes
ciboules et persil, elle a manié le tout avec un morceau de
beurre et à la place d'intestins, désormais non seulement
inutiles, mais nuisibles, elle lui a restitué ce hachis destiné à
le parfumer.
Maintenant quel doit être le but du cuisinier? De
conserver à l'animal qu'il fait cuire la plus grande quantité
de jus possible. Or si vous lui passez une broche en long et
pour le maintenir une brochette en large, au lieu de boucher
un des deux trous que la nature lui a faits, vous lui en
imposez deux autres par lesquels tout son jus va s'échapper.
Mais si au contraire vous lui liez les pattes avec une
ficelle, que vous le suspendiez verticalement avec cette
ficelle, l'orifice inférieur en l'air et l'orifice supérieur
bouché; si avec d'excellent beurre frais, manié de sel et de
poivre, vous arrosez votre poulet, en ayant soin de verser à
l'orifice inférieur avec la cuiller à arroser, alors vous avez
rempli toutes les conditions logiques pour avoir un poulet
excellent; il ne vous reste plus qu'à surveiller sa cuisson et
à couper la ficelle qui le soutient quand il se fait dans la
peau de petites ouvertures, d'où se dégage un jet de fumée.
Déposez-le alors dans son plat et versez sur lui le jus
de la lèchefrite.
Que jamais surtout une goutte de bouillon ne se mêle
au beurre qui doit arroser votre poulet; toute cuisinière, je
crois déjà l'avoir dit quelque part, toute cuisinière, dis-je,
qui met du bouillon dans sa lèchefrite, mérite d'être mise à
la porte ignominieusement et sans miséricorde.
Quant à la pieuvre frite, c'est simple comme le premier
poisson venu, merlan ou sole.
Pieuvre frite. - Coupez par morceaux, roulez dans la
farine; glissez dans la friture bouillante, tirez à point, et
vous aurez quelque chose de pareil à de l'oreille de veau
frite, avec un léger goût de musc.
Quant aux oeufs brouillés, au jus de rognons et aux
pointes d'asperges et aux tomates farcies à la provençale,
c'est l'enfance de l'art.
Vous cassez douze oeufs dans une soupière en laissant
six blancs seulement pour les douze oeufs.
Vous y mettez, après les avoir battus, un morceau de
beurre, des fines herbes, un demi-verre de bouillon (de
poulet si vous en avez) consommé, votre demi-verre de jus
de rognons que vous avez conservé et vous abandonnerez le
tout aux soins de la cuisinière qui n'a plus qu'à verser dans
une casserole, mettre la casserole sur le feu et tourner.
Recommandation essentielle: servir mollets les oeufs
brouillés continuant de cuire dans le plat. Quant aux
tomates, vous les coupez en deux, vous en faites couler
l'eau et tomber les graines, vous les posez côte à côte dans
un four de campagne, vous placez au centre de chacune
une pyramide se composant d'un hachis de poulet, de veau,
de gibier de la veille si vous en avez, et de champignons.
Vous versez sur le tout un verre d'huile d'olive, la
meilleure que vous pourrez trouver; puis vous parsemez le
tout de sel, de poivre, de persil et d'ail hachés ensemble; vous
ajoutez une pointe de piment; vous faites cuire entre deux
feux, en arrosant trois ou quatre fois vos pyramides de
viande avec l'huile dans laquelle cuisent vos tomates.
Quant à notre salade de coeurs de laitues, sans huile
ni vinaigre, c'est un souvenir de notre voyage en Espagne.
En Espagne, le vinaigre ne sent rien, mais en échange
l'huile infecte.
Impossible, par conséquent, de manger de la salade
quand la chaleur du ciel et la sécheresse de l'air vous
donnent les appétences les plus violentes vers l'herbe fraîche.
Eh bien, nous avions remédié à cela en remplaçant
l'huile par des jaunes d'oeufs et le vinaigre par du citron.
Ce mélange, suffisamment soutenu de sel et de poivre,
nous donnait une salade exquise dont nous avions fini par
préférer la saveur à nos salades de France.
Au bout d'une heure et demie, le dîner était sur la
nappe; seulement, quatre heures après nous étions encore à
table!
Aussi quelle réputation ai-je laissée à Fécamp, et
comme j'y fus reçu lorsque j'y arrivai la dernière fois que j'y
allai.
Permettez-moi d'ajouter encore une recette qui
pourrait parfaitement venir après celles ci-dessus sans y
être déplacée: celle des oeufs brouillés aux queues de
crevettes.
Prenez douze oeufs que vous cassez et dont vous
mettez dans un saladier tous les jaunes et huit blancs
seulement, les blancs trop nombreux ôtant de la délicatesse
au plat.
Faites bouillir dans une casserole à part les corps de vos
crevettes en y versant un verre de vin de Chablis.
Faites prendre deux ou trois bouillons et versez
ensuite le tout dans un mortier pour en faire une purée que
vous passez à travers un tamis fin pour en enlever le
moindre morceau de carapace.
Délayez cette espèce de bouillie dans vos oeufs salés
et poivrés d'avance et légèrement guillochés de ciboules et
de persil hachés très fin.
Joignez-y ensuite les queues de vos crevettes que vous
battez avec les oeufs et versez le tout dans une poêle
beurrée de bon beurre frais, faites cuire et versez ensuite
sur un plat bien adroitement.
Voici un article qui, je crois, contient beaucoup de
cuisine, mais ne parle pas beaucoup du homard; revenons
donc à cet intéressant animal.
Homard. - Le homard est un crustacé fort employé
dans la cuisine. La langouste, moins savoureuse que le
homard, est moins prisée que lui. On en fait des
mayonnaises dans lesquelles on hache sa chair, et qui font
d'excellentes sauces blanches pour manger avec le bar et le
turbot.
Il faut autant que possible, à Paris, n'acheter que des
homards vivants; choisissez d'ailleurs le plus lourd que
vous pourrez trouver, et mettez-le cuire dans une chaudière
ou casserole avec de l'eau salée, un gros morceau de beurre
frais, une botte de persil en branches, un piment rouge et
deux ou trois tiges de poireau blanc; au bout d'un quart
d'heure de cuisson, vous ajouterez un gobelet de vin de
Madère ou de Marsala, et laissez refroidir votre poisson
dans son court-bouillon; il faut alors dans toute sa
longueur trancher les écailles de sa queue, et par avance
faire confectionner une sauce dont voici la meilleure
formule.
Enlevez en un seul morceau tout l'intérieur du homard
qu'on appelle tourteau, détachez-en toutes les chairs
blanches avec le bec d'une plume taillée, prenez-en la farce
ou la crème de laitance, qui se trouve adhérente à la grande
coquille, joignez-y les oeufs du poisson s'il est femelle, et
mêlez tout ce produit avec de l'huile verte, une pleine
cuillerée de bonne moutarde, dix ou douze gouttes de soya
de la Chine, plein le creux de la main de fines herbes
hachées, deux échalotes écrasées, une assez bonne quantité
de mignonnette; et finalement un verre de liqueur d'anisette
de Bordeaux, ou simplement de ratafia d'anis; vous battrez
le tout avec une fourchette comme on bat une omelette, et,
selon la grosseur de votre homard, vous mettrez dans cette
sauce deux ou trois citrons.
Homard à la broche. - Prenez un gros homard, ou une
langouste bien vivante, attachez-les sur un hâtelet solide
que vous ficellerez lui-même sur une broche; soumettez le
tout d'abord à un feu vif, en commençant par l'arroser avec
du vin de Champagne, du beurre fondu, du sel et du poivre;
la coquille du poisson deviendra très vite friable, c'est-àdire
que pareille à de la chaux, elle s'écrasera entre les
doigts; quand elle se détachera du corps, c'est qu'il sera
suffisamment cuit; il faut l'arroser avec le jus de sa
lèchefrite, que vous dégraisserez convenablement, et
auquel vous ajouterez le jus d'une bigarade, et une pincée de
quatre épices.
C'est un ragoût particulier en Normandie, qui ne
manque jamais de faire son effet en paraissant sur la table.
Hors d'oeuvre. - On appelle hors-d'oeuvre tous les
plats qui, sans être suffisants pour constituer un repas
substantiel, et qui cependant servis à part et dans des
assiettes d'une forme particulière, complètent l'élégance
d'un repas.
Houblon. - Plante grimpante à grandes feuilles dont
les fleurs et les fruits concourent à la composition de la
bière; en Belgique, où le houblon est très commun, où la
boisson ordinaire est de la bière, on mange au printemps les
jeunes pousses du houblon, dont la saveur se rapproche
énormément de celle des asperges; on les apprête de la
même manière, et leur effet est le même.
Huile. - On fait de l'huile principalement avec les
olives, mais encore avec une foule de graines, comme le
colza, comme les noix, comme la faîne, comme la navette.
La faîne, les noix, la navette donnent une huile très
supportable dans sa fraîcheur, mais qui rancit en
vieillissant.
La faîne, qui est le fruit du hêtre, donne la meilleure
huile après l'olive.
Parmi les huiles d'olive, il y a un choix à faire; à mon
avis, la plus fraîche, la plus claire, celle qui se conserve le
mieux, est l'huile de Lucques; puis vient l'huile vierge,
l'huile verte et l'huile fine d'Aix, de Grasse et de Nice.
Quoique l'Italie et l'Espagne soient couvertes
d'oliviers, c'est de ces deux pays que viennent les plus
mauvaises huiles; les propriétaires, pour faire double récolte,
laissent rancir leurs olives, et cet état avancé fait contracter
à l'huile qu'on en retire une odeur de pourriture
insupportable; il en est de même de l'huile que l'on récolte en
Grèce, en Syrie et en Egypte.
Huîtres. - L'huître est un des mollusques les plus
déshérités de la nature.
Etant acéphale, c'est-à-dire n'ayant pas de tête, elle n'a
ni l'organe de la vue, ni l'organe de l'ouïe, ni l'organe de
l'odorat; son sang est incolore; son corps adhère aux deux
valves de sa coquille par un muscle puissant, à l'aide duquel
elle l'ouvre et la ferme.
Elle n'a pas non plus d'organe de locomotion; son seul
exercice est de dormir, et son seul plaisir est de manger;
comme l'huître ne peut aller chercher sa nourriture, sa
nourriture vient elle-même la trouver, ou lui est apportée
par le mouvement des eaux; elle se compose de matières
animales en suspension dans l'eau. En 1816, M. Bedan a
prouvé qu'on pouvait amener graduellement les huîtres à
vivre dans l'eau des fleuves.
Les Grecs recherchaient celles de Sestos; j'en ai
mangé en traversant le Bosphore et ne leur ai rien trouvé de
particulier.
On a dit: les dieux s'en vont, et l'on a admiré cette
éloquente exclamation. Mais voilà que dernièrement un cri
s'est fait entendre: Les huîtres s'en vont! Il n'y a certes
aucun rapport entre le mollusque hermaphrodite qui vit au
fond de la mer, dans son écaille, attaché pour l'éternité à
son rocher, et les habitants de l'Olympe vénérable. Eh bien,
le fameux cri de Bossuet, ce fameux cri d'éloquence:
Madame se meurt! Madame est morte! n'a pas produit une
impression si terrible que cette voix gastronomique en
détresse, qui s'est écriée: Les huîtres s'en vont! Et de 60
centimes la douzaine, le premier effet de ce cri a été de les
faire monter à 1 franc 30 centimes.
La sensation a été profonde; l'huître, ce trésor des
gourmands, a été sur le point de leur échapper; l'huître qui,
dit le docteur Reveillé-Paris, est la seule substance
alimentaire qui ne donne pas d'indigestion.
Aussi l'huître est-elle un mets de tous les temps et
cherche-t-on inutilement l'époque à laquelle il a été
introduit sur la table des Indous, ces aïeux, et des
Egyptiens, ces grands-pères de la civilisation. Nous n'en
trouvons trace que chez les Grecs et la première fois, je
crois, à propos de la proscription d'Aristide.
«Je m'ennuie de l'entendre appeler le Juste», disait un
prud'homme athénien; et Aristide fut proscrit à la majorité
des huîtres, chaque écaille portant une sentence et
représentant un bulletin de vote.
Les Grecs les faisaient venir de l'Hellespont; on les
pêchait à la hauteur de Sestos, endroit où Léandre se jetait
à la mer pour aller faire sa visite nocturne à Héro.
L'endroit s'appelle aujourd'hui Boralli-Calessi.
Les Romains, bien autrement gourmands que les
Grecs, rendirent presque des honneurs divins à l'huître. Il
n'y avait pas de bon dîner sans huîtres crues frappées de
glace, ou sans huîtres cuites assaisonnées au garum, espèce
de saumure dont Pline nous a conservé la recette.
Les huîtres avaient chez les Romains leurs numéros
d'excellence. Les premières étaient celles du lac Lucrin,
ensuite celles de Tarente, ensuite celles de Circeï.
Plus tard, ils préférèrent les huîtres des côtes de la
Grande-Bretagne.
Apicius, ce gourmand célèbre, qui se coupa le cou
parce qu'il ne lui restait plus que six à huit millions de
sesterces, c'est-à-dire quinze cent mille francs ou deux
millions de notre monnaie, avait trouvé un moyen de
conserver les huîtres. De nos jours, il eût pris un brevet et
eût vécu de son brevet.
L'huître se pêche chez nous à la drague, et les pêcheurs
avaient l'habitude, afin de ne pas épuiser les bancs, de les
diviser en plusieurs zones qui étaient livrées
successivement à la pêche. Pendant que l'une de ces zones
était en exploitation, l'autre, c'est-à-dire la partie réservée, se
multipliait et atteignait la taille marchande.
Pendant les mois de mai, juin, juillet et août, la
pêche était interdite; les gourmands disent qu'il ne faut
pas manger d'huîtres dans les mois où il n'y a pas d'R.
Comme compensation, ce sont les mois où les moules
sont parfaites.
Les huîtres ne se mangent point en sortant de la mer.
Du moins un disciple de Lucullus et un apôtre de
Brillat-Savarin ne commettraient pas une pareille hérésie.
Il faut d'abord qu'elles soient parquées à un mètre de
profondeur sur du sable ou des galets.
Ce fut un Romain, nommé Sergius Orata, lequel
vivait deux cent cinquante ans avant Jésus-Christ, qui eut le
premier l'idée de mettre, pour les engraisser, les huîtres
dans le lac Lucrin. Il fit un commerce de ce mollusque
perfectionné par ses soins et s'enrichit.
Ce Sergius Orata était le grand-père de Sergius Catilina.
L'huître que nous mangeons est l'huître idule. L'huître
d'Ostende, l'huître verte, l'huître de Marennes, ne sont que
des variétés.
Nous avions des parcs aux huîtres à Marennes, à
Tréport, à Etretat, à Fécamp, à Dunkerque, au Havre et à
Dieppe.
Nous arriverons tout à l'heure à celui de Régneville.
L'oncle de Mirabeau a dit en parlant de la mer:
«Cette plaine qui se laboure toute seule».
Mais il n'a pas dit:
«La mer, cette plaine qui s'ensemence toute seule».
On a cru longtemps la mer inépuisable, mais à
commencer par la baleine, on s'aperçoit qu'elle se
dépeuple. Voici les baleines qui disparaissent; voici les
maquereaux qui faiblissent; voici les huîtres qui manquent.
Eugène Noël a dit:
«On peut faire de l'Océan une fabrique immense de
vivres, un laboratoire de subsistances plus productif que la
terre; fertiliser tout, mers, fleuves, rivières, étangs; on ne
cultivait que la terre, voici l'art de cultiver les eaux;
entendez vous, nations?»
Et en effet, le poisson, celui qu'on mange surtout, est
entre tous les êtres susceptibles de prendre avec très peu de
nourriture le plus grand accroissement.
De temps immémorial, la pisciculture est pratiquée en
Chine. Là, où il faut que vive une agglomération de quatre
cents millions d'hommes, on ne pouvait pas se fier à la
terre visitée par un hôte plein de caprices, le vent; par un
hôte plein de colère, la tempête; la moisson de la mer, au
contraire, grandit sous le vent, multiplie sous la tempête.
Aussi au mois de mai, se tient sur le grand fleuve le
marché du frai. On vient, de tous les coins de la Chine,
acheter du frai en gros pour le revendre en détail. Chacun a
son poisson dans son vivier, on y jette les débris du
ménage et tout ce peuple sous-marin vit et engraisse.
Les Romains étaient, sous ce rapport, les maîtres des
Chinois eux-mêmes; ils faisaient éclore dans l'eau douce
des poissons de mer.
C'est Jacobi, en Allemagne, qui a trouvé la fécondation
artificielle pratiquée en Angleterre, puis en France, par un
pêcheur de la Bresse, nommé Rémy.
Coste et Pouchet en ont fait une science.
Ce furent toutes ces expériences, ce fut cette première
science mise à la portée de tout le monde, qui déterminèrent
M. de Chaillé et Mme Sarah-Félix à faire leur établissement
d'ostréiculture de Régneville.
Ils demandèrent et obtinrent dix hectares de côtes.
Dix hectares de côtes, c'est beaucoup à Paris sur la
place de la Concorde ou dans la rue Richelieu ; en face de
l'Océan, c'est un point dans l'immensité.
Les deux concessionnaires commencèrent par fermer
de trois côtés leur concession par une digue insubmersible.
Le quatrième côté fut la plage; une grande vanne y
introduisit l'eau de la mer, puis on y jeta des milliers
d'huîtres, et on y déposa doucement des tuiles afin que les
huîtres s'y attachassent.
Il s'agissait de soustraire le frai de l'huître aux divers
accidents qui en pleine mer le détruisent.
Pour que l'on comprenne l'entreprise de M. de Chaillé
et de Mme Sarah-Félix, il est nécessaire de savoir comment
l'huître se reproduit.
L'huître, nous l'avons dit, est hermaphrodite. Ses deux
sexes s'épanouissent comme des fleurs au moment des
amours. C'est alors qu'elle se remplit d'une eau blanche qui
fait dire que les huîtres ne sont pas bonnes à manger parce
qu'elles sont laiteuses.
Cette eau blanche est le frai.
M. Davaine a trouvé jusqu'à 1 200 000 oeufs dans une
huître pied de cheval; et, comme elles font deux et même
trois pontes, on peut, en moyenne, évaluer à deux millions
la quantité d'oeufs que chaque huître livre aux caprices de
la mer.
Ces oeufs sont invisibles ou à peu près. Leuwenhoeck
a calculé qu'il en faudrait environ un million pour former le
volume d'une bille d'enfant. Les petites huîtres, lorsqu'elles
sortent de la coquille de la mère, ont la faculté de se
mouvoir. Cette faculté est donnée par la nature à toutes les
larves d'animaux fixes et leur permet de se fixer où ils
veulent; seulement, qu'ils choisissent bien leur gîte: une fois
fixés, ils en ont pour toute la vie.
Dans le parc de Régneville, ils eurent d'abord des tuiles
ordinaires et des fagots de bois; le choix entre le fond de la
mer et la suspension entre deux eaux.
Nos pisciculteurs s'aperçurent bien vite qu'ils avaient
fait une double erreur; les branches du fagot s'enduisaient
d'un mucus qui ne permettait plus à la petite huître de se
fixer.
Quant à la tuile, elle permettait au contraire à l'huître
de s'y fixer trop solidement; l'huître trouvait commode de
faire de la tuile une de ses coquilles, et quand on l'enlevait
de sa tuile bien- aimée, ou sa coquille était trouée, ou elle
restait sur sa tuile. Sa devise devenait celle du lierre: «Je
meurs où je m'attache».
Nos ostréiculteurs collèrent sur leurs tuiles de vieux
journaux adhérant à la tuile par les seules extrémités;
l'huître est collée au papier, c'est vrai, mais le papier n'est
collé à rien.
Maintenant, tous les journaux, à notre avis, ne sont pas
bons à cet emploi, j'en connais qui pourraient donner à ces
innocents mollusques les qualités toxicologiques que
contractent les huîtres de Venise en s'attachant aux cuivres
des vaisseaux.
Quelle est la durée de la vie des huîtres?
C'est encore un mystère! D'abord peu d'huîtres
meurent de vieillesse.
Et celles-là meurent inconnues.
Dans un excellent livre de M. Victor Meunier, intitulé:
les Grandes Pêches, je vois que les huîtres vivent une
dizaine d'années. C'est bien assez pour un animal qui n'a ni
yeux, ni nez, ni oreilles; quant à leur développement, les
pêcheurs disent qu'elles ont au bout de trois jours trois
lignes de diamètre, à trois mois la circonférence d'une
pièce de trente sous, à six mois la dimension d'un écu de
trois livres, à un an celle d'un écu de six.
L'huître se mange habituellement de la façon la plus
simple du monde; elle s'ouvre, on la détache, on exprime
sur elle quelques gouttes de citron et on la gobe.
Des gourmands les plus raffinés préparent une espèce
de sauce avec du vinaigre, du poivre et de l'échalote; on les
détache, on les trempe dans cette sauce et on les avale;
d'autres, et ce sont les vrais amateurs, n'ajoutent rien à
l'huître et la mangent crue sans vinaigre, sans citron, sans
poivre.
Maintenant accordons la lyre d'un cuisinier-poète, et
chantons sur le mode ionien.
Fêtons ces «truffes de la mer,»
Qu'en son siècle exaltait Horace,
Par d'immortels vers pleins de grâce.
L'huître, à Rome, est un mets si cher,
Qu'au dire de Pline et Macrobe,
Aux seuls pontifes on en sert...
- (Notre bouche aussi bien les gobe,
Ces huîtres qu'un moderne en us,
Nommait «Oreilles de Vénus,»
Pour leurs qualités excitantes…) -
On sait qu'un des Apicius
Eut, par ses notions savantes,
L'art d'en envoyer de vivantes
A Trajan, vainqueur belliqueux
Des Parthes... - Aux huîtres, chef-queux,
Me dit-on, offre-nous des fraîches.
C'est là le secret de leurs pêches:
L'huître est un hasard, un éclair
Qui passe avec les mois en R.
Huîtres à la poulette. - Ouvrez des huîtres, faites-les
blanchir dans leur eau sans les laisser bouillir, puis passezles
dans du beurre, avec du persil, des échalotes et des
champignons hachés; une cuillerée d'huile, poivre et
muscade râpée; panez- les de mie huilée, faites prendre
couleur avec une pelle rouge; au moment de servir
exprimez dessus le jus d'un citron.
Huîtres en hachis. - Faites-les blanchir sans les laisser
bouillir, mettez-les dans l'eau fraîche et égouttez-les,
séparez le milieu des bords, hachez ceux-ci finement avec de
la chair de carpe ou de tout autre poisson cuit à l'eau ou au
court-bouillon; mêlez le tout ensemble, assaisonnez de
poivre et de muscade râpée.
Mettez dans une casserole un bon morceau de beurre
avec persil, ciboules, champignons hachés; passez sur le
feu; mouillez avec moitié vin blanc, moitié bouillon gras
ou maigre, ajoutez le hachis, faites-le chauffer sans
bouillir, quand le hachis a bu presque toute la sauce, et liez
avec des oeufs.
Huîtres frites pour hors-d'oeuvre. - Ouvrez les
huîtres, mettez-les égoutter sur un tamis; mettez-les ensuite
dans un plat, avec du vinaigre, persil, ciboules, deux
feuilles de laurier, un peu de basilic, un oignon coupé par
tranches, une demi-douzaine de clous de girofle, et le jus
de deux citrons; saucez-les de temps en temps dans cette
marinade, faites une pâte à frire légère, essuyez et trempezy
les huîtres; faites-les frire, et servez- les avec du persil frit.
Potage d'huîtres. - Passez vos huîtres à la casserole
avec du bon beurre, mettez en même temps des
champignons coupés par morceaux et un peu de farine,
faites cuire le tout avec purée claire, sel et poivre; faites
mitonner le pain avec du bon bouillon de poisson, versez
dessus vos huîtres et vos champignons avec un jus de
champignons.
Huîtres farcies. - Vous faites une farce avec un
morceau d'anguille et une douzaine d'huîtres blanchies, un
peu de persil, ciboules, quelques champignons;
assaisonnez. de sel, poivre, fines herbes, fines épices et
bon beurre frais avec un peu de mie de pain trempée dans la
crème et deux jaunes d'oeufs crus, le tout haché et pilé
ensemble dans un mortier. Vous garnissez le fond de vos
coquilles avec cette farce et y mettez une huître en ragoût;
couvrez votre coquille de la même farce, frottez-la d'un
oeuf battu, jetez dessus un peu de beurre fondu, panez de
mie de pain bien fine et mettez-les cuire au four jusqu'à
belle couleur blonde et servez chaudement pour entremets ou
garniture d'entrée.
Huîtres au parmesan. - Mettez égoutter vos huîtres sur
un tamis, frottez le fond d'un plat avec du beurre frais,
arrangez les huîtres dessus, poudrez-les de gros poivre et de
persil haché, arrosez-les d'un demi-verre de vin de
Champagne, couvrez-les avec du parmesan râpé, mettez le
plat dans le four ou sous un couvercle de tourtière; quand
elles sont de belle couleur et bien glacées, retirez- les,
dégraissez-les, nettoyez le bord du plat, et servez
chaudement.
Huîtres à la daube. - Ouvrez des huîtres,
assaisonnez- les de fines herbes hachées fort menu avec
persil, ciboules, basilic, sel et poivre; mettez-en très peu
dans chaque huître, arrosez de vin blanc, recouvrez-les de
leur couvercle et mettez-les cuire sur le gril, passez de
temps en temps la pelle rouge dessus, dressez-les quand
elles sont cuites, et servez-les découvertes.
Huîtres en hâtelets. - Blanchissez les huîtres dans deux
eaux sans les faire bouillir, lavez-les bien et faites égoutter;
mettez dans une casserole, persil, ciboules, champignons
hachés, une pointe d'ail avec un quarteron de beurre,
ajoutez-y vos huîtres et faites-leur prendre deux ou trois
tours sans bouillir, liez avec des jaunes d'oeufs, enfilez-les
dans des hâtelets, panez-les, faites- les griller, et servez à
sec.
Huîtres à la minute. - Mettez dans une casserole une
cuillerée de coulis, un verre de vin de Champagne, un
bouquet garni et faites bouillir; faites ouvrir en même
temps des huîtres que vous faites égoutter sur un tamis et
dont vous ajoutez l'eau à votre sauce, faites-la réduire,
mettez-y vos huîtres pour leur faire prendre quelques tours,
et servez avec des croûtons frits pour garniture.
Hydromel. - Pline dit qu'on attribue son invention à
Aristée, de Cyrène, fils du Soleil. L'hydromel simple est le
mélange d'une petite partie de miel avec beaucoup d'eau, il
est bon contre la toux et lorsque les crachats sont difficiles à
expulser, mais il n'est pas du goût de tout le monde.
L'hydromel vineux est composé d'une partie de miel
et de trois parties d'eau, il ne faut que très peu de chaleur
pour que la fermentation s'établisse, il devient aussi fort
que le vin d'Espagne et peut se conserver longtemps. Les
anciens Egyptiens l'estimaient beaucoup.
Il est, du reste, d'un goût fort agréable et fortifie
l'estomac à la dose d'un petit verre.
Cette liqueur parait avoir été généralement répandue
chez les peuples anciens, les Celtibères, les Taulentiens,
peuples de l'Illyrie; la Grèce, l'antique Egypte buvaient
largement le divin breuvage, et le douzième livre de
Columelle, l'agronome, est en grande partie consacré à
l'exposition des procédés dont les Romains faisaient usage
dans la préparation de cette boisson favorite; aujourd'hui
encore l'usage de l'hydromel est généralement répandu en
Russie et en Pologne, et les Abyssiniens en font une très
grande consommation.
Hypocras. - Breuvage célèbre au Moyen-Age; c'était
un mélange de vin et d'ingrédients doux et recherchés, et
voici une recette que Taillerent, le maître queux de Charles
VII, nous en a laissée.
«Pour une pinte, dit-il, prenez trois tréseaux (trois gros)
de Cinnamome fine et pure, un tréseau de mesche ou deux
qui veult, demi tréseau de girofle et de sucre fin six onces, et
mettez en pouldre, et la fault tout mettre en ung coulouoir
avec le vin et le pot, dessoulez et le passez tant qu'il soit
coulé et tant plus est passé et tant mieux vault, mais qu'il
ne soit esventé». On se servait pour le clarifier d'un filtre
qu'on appelait chausse d'hypocras.
Du temps de Louis XIV, ce breuvage était encore en
faveur, on le servait sur la table des grands, et la ville de
Paris devait en fournir chaque année un certain nombre
pour la table royale. Aujourd'hui ce breuvage est tout à fait
perdu et ignoré.
I
Impériale. - Prune qui ne mûrit qu'au mois d'août, elle
est longue et violette; il y en a trois autres variétés, qui
sont: l'impériale blanche, la verte hâtive et la jeune tardive.
Iris. - Sa racine est employée dans la pâtisserie de petits
fours, ainsi que dans plusieurs autres compositions d'office.
Réduit à l'état de fleur de farine on en fait des biscuits très
délicats, ainsi que d'excellentes frangipanes aux essences
de fleurs; la meilleure espèce d'iris est incomparablement
celle de la santissima trinita de Florence. On la distingue
aisément à la grosseur et à la blancheur de ses racines, qui
émanent une excellente odeur de violette.
Issue. - Abatis d'agneau et volailles.
Italienne sauce hachée. - Vous mettez dans une
casserole une cuillerée de persil, la moitié d'une cuillerée
d'échalotes, la moitié de champignons bien fins, une demibouteille
de vin blanc, 30 grammes de beurre; vous faites
bouillir le tout jusqu'à parfaite réduction, puis vous versez
dans la casserole deux cuillerées de blond de veau, une
pincée d'épices, vous faites bouillir sur un feu doux, vous
écumez et dégraissez, vous retirez du feu et vous tenez
chaud au bain-marie.
J
Jambon. - Cuisse ou épaule de porc ou de sanglier (V.
COCHON).
Jarret de veau. - Cette partie abonde en ligaments,
tendons et membranes qui, par une ébullition prolongée, se
résolvent en gélatine; c'est cette propriété qui fait qu'on
l'ajoute souvent aux braises pour y faire de la gelée, et
c'est, du reste, à peu près son seul usage.
Jasmin. - Le jasmin n'est guère employé dans la
cuisine que pour la fabrication des sorbets (V. SORBETS) et
dragées (V. DRAGEES).
Julienne. - On donne ce nom à un potage fait avec
plusieurs sortes d'herbes et de légumes, notamment de
carottes coupées menues. On est parvenu à conserver ces
légumes hachés au moyen de la dessiccation, ce qui permet
de faire de la julienne en tout temps.
On voit dans les recettes de Marc Heliot, que la julienne
d'autrefois ne se composait pas exclusivement de légumes; en
effet, elle avait pour éléments une éclanche de mouton
qu'on faisait à moitié rôtir et qu'on empotait dans une
marmite avec une tranche de boeuf, une rouelle de veau,
un chapon et quatre pigeons fuyards; on faisait cuire le tout
cinq ou six heures afin que le bouillon fût bien nourri; on y
voit aussi qu'on coupait en morceaux trois carottes, six
navets, deux panais, trois oignons, deux racines de persil,
deux pieds de céleri, trois bottes d'asperges vertes, quatre
poignées d'oseille, quatre laitues blanches, une forte pincée
de cerfeuil et, si la saison le permettait, un litron de petits
pois verts que l'on faisait cuire à part de la viande et dans
le bouillon de la grande marmite où l'on faisait aussi
mitonner les croûtes de pain dont cet ancien potage était
composé.
Jus. - On donne le nom de jus de viande à une
décoction concentrée de jus de veau, de mouton, de boeuf,
etc., formant les fonds de cuisine dans les grandes maisons.
Ces jus de viande, éminemment chauds et réparateurs,
conviennent aux tempéraments et aux estomacs fatigués
qui ont besoin d'être restaurés. Autrefois on servait
toujours à sec les viandes blanches rôties, aujourd'hui tous
les plats de rôti sont généralement passés avec un certain
jus de boeuf que les cuisiniers actuels appliquent à toutes
les viandes possibles, sans distinction. C'est un usage
révolutionnaire qui semble avoir prévalu sur la bonne
coutume d'autrefois.
Voir pour les différents jus les articles BOEUF,
MOUTON, etc.
K
Kanguroo. - Les kanguroos sont originaires de la
Nouvelle-Hollande et des îles environnantes;
essentiellement frugivores à l'état sauvage, ils deviennent,
lorsqu'ils sont acclimatés, très faciles à nourrir, se décident
à manger tout ce qu'on leur présente et boivent même, diton,
le vin et l'eau-de-vie qu'on leur donne.
Parmi les mammifères, le kanguroo est, sans contredit,
un des animaux qu'il serait le plus utile en même temps
que le plus facile de multiplier en Europe, soit à l'état libre,
soit à l'état domestique. En effet, l'acclimatation du
kanguroo, ainsi que plusieurs expériences l'ont déjà
prouvé, ne demande presque aucun soin, surtout à l'égard
des plus grandes espèces qui habitent les parties
méridionales de la Nouvelle-Hollande et de l'île de Van
Diemen; le climat de ces provinces, quoiqu'en général
tempéré, est souvent très froid et le poil abondant et chaud
dont le kanguroo est revêtu lui permettrait de supporter,
sans trop en souffrir, les hivers les plus rigoureux de la
France.
La chair du kanguroo est excellente, surtout lorsqu'il a
été élevé à l'état sauvage, et la croissance rapide de ces
animaux, jointe à leur taille élevée, produit en peu de
temps une quantité considérable de viande; de plus, la
conformation singulière de ces animaux, en donnant à leurs
membres postérieurs un volume beaucoup plus
considérable qu'aux membres antérieurs, est éminemment
favorable à la production d'une viande de bonne qualité,
bien préférable à celle de la vache et du mouton en ce
qu'elle est plus tendre que celle de la première et plus
abondante et nutritive que celle du second.
Les parties les plus estimées dans le kanguroo, comme
chez tous les autres mammifères, sont ce que l'on appelle
les filets qui sont chez lui bien plus volumineux et plus
puissants que dans aucune autre espèce de gibier où le
développement du muscle psoas ne dépasse pas la région
lombaire, tandis qu'il s'étend chez le kanguroo jusqu'à la
moitié de la région dorsale de la colonne vertébrale, ce qui
augmente de beaucoup cette partie si recherchée des
consommateurs.
Cet animal est timide, doux, et pas le moins du monde
destructeur comme l'ont prétendu plusieurs auteurs; on
peut, sous ce rapport, le comparer au lièvre; il est très
facile à nourrir et dans le Retiro de Madrid où on en élève
une certaine quantité, on leur donne à manger l'hiver de
l'orge, de l'avoine et du foin sec, et ils paissent l'herbe verte
dans les saisons où elle existe. C'est la même nourriture
que celle des chèvres nourricières. La durée de sa vie est de
10 à 12 ans. Dans la dernière période de son existence, très
souvent, il devient aveugle à cause des cataractes qui se
développent, alors ces malheureux, ne pouvant plus voir
leur chemin, vont parfois se précipiter et se mettre en
pièces contre les murs de leur enclos.
On fait avec la queue du kanguroo, très musculeuse et
très forte, une soupe qui l'emporte sur toute autre par sa
saveur et sa bonté.
La chair de kanguroo s'apprête comme celle du lapin de
garenne avec laquelle elle a beaucoup de rapport, mais elle
est plus aromatique, ce qui dépend sans doute de la nature
des plantes dont il fait sa nourriture et qui sont presque
toutes odorantes.
Filets de kanguroo sautés. - Levez les deux filets d'un
kanguroo, parez-les, assaisonnez et rangez-les dans une
casserole plate avec du beurre fondu. Préparez un peu de
jus avec les os et les débris de l'animal, passez-le,
dégraissez-le, versez-le dans une casserole avec quatre
cuillerées de vinaigre; ajoutez un bouquet garni, faites
réduire en demi-glace de façon à obtenir une sauce légère,
faites-la cuire pendant quelques minutes à feu vif, mêlez-y
deux cuillerées à bouche de gelée de groseilles et un
morceau de zeste de citron, ajoutez-y, dix minutes après,
une poignée de petits raisins de Corinthe ramollis à l'eau
chaude, laissez cuire le tout ensemble environ une heure,
puis pochez les filets au moment de servir, égouttez-les,
dressez-les et masquez-les avec la sauce. Et vous aurez un
plat rare et excellent.
Kari. - Sorte de préparation dont l'usage nous vient des
Indes. On l'emploie le plus souvent avec des tendrons de
veau, des poulets dépecés, des membres de lapins de
garenne et des tronçons d'anguille; et il faut avoir bien soin
de servir à proximité de ces plats du riz cuit à l'indienne,
c'est-à-dire à la vapeur.
On trouve de la poudre de kari toute préparée chez les
marchands de comestibles, mais pour le cas où on voudrait
la confectionner soi- même, en voici la recette empruntée à
l'Indian's Cook: La poudre de kari doit être composée de
quatre onces de piment enragé (c'est une espèce qui est
moins grosse qu'une olive et qui croît sous les tropiques, il
est beaucoup plus fort que le piment de Cayenne et que le
poivre rouge de nos climats), trois onces de curcuma ou
terra merita des Indes, une demi-once de poivre noir, un
gros de muscade et un scrupule de gingembre. On réduit
lesdites substances en poudre très fine en les broyant au
mortier de marbre et sous pilon de métal.
On l'emploie en l'immisçant dans un ragoût composé de
champignons, de fonds d'artichauts, de truffes coupées, de
quenelles, de jaunes d'oeufs cuits durs, de tranches de ris
de veau, de crêtes et de rognons de coq, ainsi que de
cervelles et de ris d'agneau, si la saison le permet, comme
pour l'emploi des truffes.
Kari indien. - Prenez un beau poulet, coupez-le comme
pour une fricassée; mettez-en les débris dans une casserole
avec tout ce que vous aurez de débris de viande, un
bouquet garni et de bon bouillon, si vous en avez. Faites
cuire une demi-heure et passez (il en faut au moins une
grande tasse). Prenez 125 grammes de saindoux, faites-y
jaunir trois oignons émincés, ôtez les oignons et mettezles
à part dans un peu de bouillon pour vous en servir plus
tard. Faites sauter vos morceaux de poulet dans votre
saindoux, laissez-les bien jaunir, ajoutez deux bonnes
cuillerées de farine, faites revenir pour ôter l'âcreté de la
farine; mettez alors votre tasse de bouillon et votre
bouillon d'oignons (en ôtant les oignons). Retournez votre
casserole jusqu'à ce que cela cuise, ajoutez deux cuillerées de
poudre de kari (ou une bonne cuillerée à café de poudre de
safran de l'Inde et une toute petite pincée de poudre de
piment), retournez votre casserole et surveillez-la.
Le kari se mange avec le riz à la créole.
Riz à la créole. - Mettez une demi-livre de riz bien lavé
dans une casserole, couvrez-le d'eau salée (deux doigts
plus ou moins), faites cuire et retirez quand il s'allonge.
Mettez-le dans une passoire et versez de l'eau fraîche
dessus, égouttez-le. Au moment de servir, mettez votre riz
dans une sauteuse sur un feu vif, tournez-le toujours
jusqu'à ce qu'il soit un peu desséché sans être brûlé.
Servez-le dans un plat, et le kari avec sa sauce dans un
autre plat. Quelques personnes mettent le kari au milieu
d'un grand plat, et le riz autour.
Kaviar. - Oeufs d'esturgeon salés (V. CAVIAR).
Ajoutons seulement ici que le kaviar ou caviar, par sa
propriété de disposer l'estomac à recevoir les aliments,
remplace le potage pour les amateurs. C'était du moins
l'avis de l'illustre Meyerbeer.
L
Laie (sanglier femelle). - Je pourrais presque dire,
comme Hippolyte, que c'est avec les sangliers que j'ai fait
mon apprentissage de chasseur; à douze ans, je savais
relever une trace, et pouvais dire si c'était celle d'une laie, si
elle était pleine, et de combien de mois elle l'était. J'ai
raconté plusieurs histoires assez dramatiques de cette
première partie de ma vie.
Il faut apprêter la laie comme son fils, le
marcassin, quand elle est jeune, ou comme son mâle, le
sanglier, lorsqu'une fois elle a mis bas.
Les andouillettes à la tétine de laie sont très dignes
d'estime; on les sert presque toujours sur un hachis de
truffes au jus, ou sur une purée de marrons à la crème et au
vin blanc.
Lait. - Substance animale blanche, liquide, douce,
sucrée, qui se forme dans les mamelles des femelles des
animaux, et qui est la première nourriture de l'homme.
Le seul lait dont nous fassions usage est celui de la
vache de la chèvre et de la brebis; et, comme remède dans
certains cas de phtisie, celui de l'ânesse.
J'ai eu occasion de boire du lait de chamelle et du lait de
jument, et ne l'ai trouvé en rien inférieur à celui de la
chèvre et à celui de la vache.
Lait de chèvre. - Le lait de chèvre est pourvu et une
densité plus grande que celui de la vache, il est moins gras
que le lait de brebis; il conserve même, en beurre ainsi
qu'en fromage, une saveur bouquetine se rapprochant de
l'odeur de l'animal de qui on le tire.
Les chèvres blanches et les chèvres sans cornes
fournissent un lait moins odorant.
Petit-lait. - C'est le nom que l'on donne à la partie
aqueuse du lait.
Laitances. - La laitance est la semence des poissons.
Les laitances des carpes, des harengs et des maquereaux
contiennent beaucoup de phosphore et sont un manger
fort délicat, mais très échauffant. Nous avons dit presque
toutes les préparations auxquelles peut être soumis cet
aliment. Mais, le plus souvent, on l'apprête en friture, en
caisse, en papillotes farcies, au gratin maigre, en garniture de
ragoût, et, pour foncer les tourtes, au vin blanc.
Les poissons laités sont plus estimés que les femelles
oeuvées.
Laitue. - Plante potagère, ainsi nommée, selon
Tournefort, parce qu'on lui attribuait la faculté d'augmenter
le lait des nourrices, et eunuchinus, selon Pythagore, parce
que ses qualités réfrigérantes équivalent à la castration.
Il y a en plusieurs espèces: la pommée, la cabuse, la
laitue crépue, la romaine à feuilles droites, la romaine
frisée, la laitue à feuilles de chêne, les laitues panachées et
les chicons blancs. Les deux meilleures espèces de laitue
sont la laitue impériale et la laitue de Silésie; elles peuvent
fournir des salades pendant toute l'année; en outre, on
les sert en ragoûts, farcies, braisées, à la crème, en
marinade, frites, et pour garniture de toutes les grosses
pièces de relevé.
Laitues farcies. - Epluchez, nettoyez et faites blanchir
vos laitues; égouttez, ôtez le coeur, remplacez-le par une
boule de godiveau ou de farce à quenelle; ficelez vos
laitues, faites-les cuire à la braise avec des tranches de
rouelle de veau, des bardes de lard, des racines, un bouquet
garni et un setier de bon consommé.
Autrement: ôtez-les de la braisière et faites-les mitonner
avec un coulis; liez avec des jaunes d'oeufs; servez au
blanc.
Laitues farcies à la dame Simonne. - Faites blanchir
des laitues pommées en leur faisant seulement sentir la
chaleur de l'eau; faites-les ensuite égoutter; prenez de la
chair de poulets ou des blancs de chapon cuits, hachez-les
avec quelques morceaux de jambon cuit et quelques
champignons, un peu de persil et de ciboule, une tétine de
veau et un peu de lard blanchi et de mie de pain trempée
dans de la crème, quatre ou cinq jaunes d'oeufs crus, avec
sel, poivre, fines herbes et fines épices; le tout bien haché,
pilez-le dans un mortier; prenez ensuite vos laitues,
pressez-les bien une à une, prenez la laitue du côté du pied,
étendez feuille par feuille sans les casser jusqu'au petit
coeur, que vous ôtez; mettez à la place un morceau de farce
et relevez les feuilles par-dessus jusqu'à la fin et ficelez-la
bien: continuez de les farcir toutes de même.
Coupez par tranches deux livres de rouelle de
veau; garnissez-en le fond d'une casserole avec des bardes
de lard, quelques tranches d’ oignon, et faites suer sur
un fourneau. Mettez-y un peu de farine quand cela
commence à s'attacher et remuez avec une cuiller sur le
fourneau, afin que cela roussisse un peu; mouillez de
moitié jus et moitié bouillon, assaisonnez de sel, poivre,
clous de girofle, feuilles de laurier, basilic, persil et ciboule
entière.
Arrangez vos laitues farcies au fond d'une marmite;
mettez- y cette braise, mouillez et faites cuire; quand elles
sont cuites, et si vous voulez les servir au blanc tirez-les de
la marmite, ôtez la ficelle, égouttez-les bien, et mettez- les
dans une casserole avec un coulis blanc aussi épais que
pour potage; faites mitonner vos laitues dans le coulis,
dressez-les proprement dans un plat, et servez chaudement
pour hors-d'oeuvre.
Laitues farcies frites. - Nettoyez, épluchez et faites
blanchir vos laitues, égouttez-les, battez quelques oeufs en
omelette, enlevez le petit coeur, mettez à sa place une
boule de godiveau ou une farce à quenelle; trempez vos
laitues une à une dans vos oeufs préparés en omelette,
passez-les, faites frire au saindoux, et quand elles auront
pris une belle couleur, servez sur une serviette garnie de
persil frit.
Laitues hachées. - Lavez-les, faites-les blanchir dans
une eau de sel, et comme vous n'aurez conservé que les
parties les plus tendres, mettez-les dans l’eau chaude, dans
l'eau froide quand elles seront refroidies, exprimez-en l'eau,
hachez-les et mettez-les dans une casserole avec 125
grammes de beurre, du sel et du poivre; quand elles seront
un peu frites, vous y ajouterez une quantité de farine
proportionnée à celle de vos laitues; mêlez, arrosez de
bouillon; après un quart d'heure d'ébullition, dressez avec
croûtons.
Laitues à l'espagnole. - Blanchissez dans l'eau salée,
faites bouillir vingt minutes; au bout de ce temps,
rafraîchissez vos laitues; mettez dans les coeurs un peu de
sel et du gros poivre; après les avoir ficelées, mettez-les
dans une casserole sur un lit de bardes de lard, avec
quelques tranches de veau, des carottes coupées par
tranches, trois oignons, deux clous de girofle, une feuille
de laurier; couvrez-les de lard, mouillez-les avec du
bouillon; faites mijoter pendant une heure; vos laitues une
fois frites, égouttez-les, pressez-les, glacez, garnissez de
croûtons.
Lamproie. - Poisson qui ressemble à l'anguille; il se
trouve dans les hautes mers, s'aventure dans les rivières au
printemps; il y en a qui pèsent jusqu'à sept livres; sa forme
est celle de la couleuvre, sa couleur d'un jaune verdâtre
marquetée de taches dorées et de points noirs; sa peau
moins foncée sur le ventre.
Le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, avait pour
confesseur un dominicain qu'il régalait chaque année d'une
lamproie, et lorsqu'on ne pouvait s'en procurer une, il faisait
payer quarante-cinq sous d'argent.
En Angleterre, lorsque ce poisson est rare, on le paye
jusqu'à une guinée. La ville de Gloucester présente
chaque année, la veille de Noël, un pâté de lamproie
au roi ou à la reine.
Platine reproche aux papes et aux seigneurs romains de
régaler leurs convives de lamproies, qu'ils payent jusqu'à
vingt pièces d'or, et qu’ils font mourir en les plongeant
dans du vin de Chypre avec une muscade dans la bouche, et
un grain de girofle dans chaque ouverture des branchies;
après cette préparation, elles étaient mises dans une casserole
où on les faisait cuire avec des amandes pilées et toutes
sortes d'épices; ses petits, nommés lamprillons, sont un
mets recherché; et son frai, qu'on appelle sept-oeil, est un
hors-d'oeuvre d'une délicatesse extrême; on le reçoit
principalement de Rouen et de Barfleur, d'où l'on expédie la
sept-oeil toute préparée dans des pichets, avec un mélange
de beurre frais, de purée d'oseille et de fines herbes.
C'est à tort qu'on a accusé les anciens Romains de
nourrir leurs lamproies avec des esclaves.
Auguste ayant fait prévenir Pollion qu'il irait dîner chez
lui, un esclave cassa un vase de verre dont il comptait se
faire honneur devant l'empereur.
Védius Pollion ordonna qu'il fût aussitôt jeté aux
lamproies, mais ce malheureux courut à Auguste et lui
demanda la vie; non seulement Auguste la lui accorda,
mais encore il fit casser tous les vases de verre qui se
trouvaient chez son hôte et combler tous les viviers.
Les grosses lamproies reçoivent encore aujourd'hui les
mêmes préparations qu'au XVIe siècle; on appelle la
manière de les préparer à l'angevine.
Lamproie à la sauce douce. - Saignez-la par la gorge
et gardez son sang; limonez-la dans l'eau bouillante et
passez-la dans un roux; après l'avoir coupée par tronçons,
vous la mouillerez aussi avec du vin de Bourgogne rouge, en
y ajoutant de la cannelle, un bouquet de fines herbes où vous
ajouterez une branche de sauge, ainsi qu'une écorce de
citron vert, vous établirez dans le fond du plat un large
croûton de pain de seigle ainsi qu'il est indiqué pour les
matelotes à l'anguille.
Lamproie à la matelote bourguignonne. - (V.
MATELOTE BOURGUIGNONNE)
Lamproie à la tartare. - Suivez exactement les mêmes
procédés pour ce poisson que pour l'anguille à la tartare,
excepté qu'il faut échauder les lamproies pour les limoner au
lieu de les écorcher.
Lamproie aux champignons. - Cuisez à la casserole
des tronçons de lamproie avec moelle de boeuf,
champignons, fines herbes, macis, piment de Cayenne et
vin blanc; faites réduire le mouillement et garnissez votre
plat d'entrée avec des ceps ou des oranges.
Langouste. - Crustacé qui diffère du homard en ce qu'il
est d'une saveur moins fine, et qu'il est dépourvu des
grosses pattes que les pêcheurs appellent des mordants; la
langouste se fait cuire au court-bouillon et se mange avec
une rémoulade aux câpres ou une mayonnaise au citron et à
l'huile d'olive.
Langue. - Presque tous les praticiens qui ont écrit sur
la cuisine ont avancé que la langue était la partie de
l'animal qui dépassait les autres pour son goût excellent; ils
font exception pour la langue de boeuf, et cependant elle
était tellement estimée sous Louis XII, qu'il existait un droit
féodal dans certaines parties de la France par lequel toutes
les langues de boeufs tués appartenaient au seigneur du
lieu.
Langue fumée. - Ayez autant de langues de boeuf que
vous le jugerez à propos, supprimez-en le gosier et faitesles
tremper trois heures dans l'eau; grattez-les, mettez-les
égoutter; frottez-les avec du sel fin et environ deux onces de
salpêtre; ayez un pot de grès, mettez-y vos langues, et à
mesure que vous les arrangerez, joignez-y quelques
feuilles de laurier, du thym, du basilic, du genièvre, du
persil, de la ciboule, quelques gousses d'ail, des échalotes et
des clous de girofle; ayez soin que vos langues soient bien
serrées les unes contre les autres, afin qu'il n'y ait nul vide
entre elles: les ayant salées convenablement, couvrez votre
pot de manière qu'elles ne prennent pas l'évent; laissez-les
au sel huit jours; après retirez-les, attachez-les par le petit
bout à un grand bâton et mettez-les fumer dans la cheminée
jusqu'à ce qu'elles soient sèches; quand vous voudrez les
employer, lavez-les, ratissez-les et faites-les cuire dans un
bon assaisonnement. Vous pouvez faire du petit salé avec
la saumure assaisonnée de vos langues.
Langue de boeuf fourrée. - Vous ferez dégorger des
langues et nettoyer des boyaux de boeuf; ayant fait tremper
quelques heures dans de l'eau et des herbes aromatiques
ces boyaux, mettez vos langues dedans et liez-en les
extrémités; ayez une saumure assez considérable, mettez-y
du salpêtre en petite quantité, macis, clous de girofle,
gingembre, poivre long, laurier, thym, basilic, genièvre et
coriandre; faites bouillir cette saumure une demi-heure, à
petit feu; passez-la au tamis; laissez-la reposer; tirez-la au
clair; mettez-y tremper ces langues pendant douze jours;
après, retirez-les, faites-les sécher à la cheminée; pendant
qu'elles sèchent, brûlez dessous, si vous le voulez, des
herbes de senteur et faites cuire ces langues dans une
braise, telles que les langues fumées.
Langue de boeuf à la braise. - Ayez une langue de
boeuf, coupez-en le cornet; mettez-la dégorger deux ou
trois heures et plus; retirez-la de l'eau; ratissez-la bien avec
votre couteau pour en ôter la malpropreté; faites-la
blanchir dans un chaudron ou dans une grande marmite
avec oignons et carottes; mouillez-la avec du bon bouillon et
un verre de vin blanc; joignez-y quelques parures de
viande de boucherie, de volaille ou de gibier, afin de lui
donner du goût; faites-la partir; après, mettez-la sur un feu
modéré, couvrez-la d'un papier et d'un couvercle avec feu
dessus; laissez-la mijoter quatre heures et demie; dressez -
la sur un plat; arrangez autour des légumes avec lesquels
vous l'avez fait cuire; passez son fond à travers un tamis de
soie; saucez votre langue avec ce fond, dans lequel vous
ajouterez une ou deux cuillerées d'espagnole, et servez.
Langue de boeuf en papillotes. - Faites cuire cette
langue comme la précédente, sans la larder: quand elle sera
cuite, laissez-la refroidir dans son assaisonnement; après,
coupez-la par lames de l'épaisseur d'un demi-pouce; ayez
soin de la couper en bec de sifflet, pour qu'elle représente à
peu près la largeur d'une côtelette de veau; parez tous les
morceaux avec propreté; faites qu'ils soient de même
grandeur, et mettez-les en papillotes de la manière
suivante: hachez autant de persil que de ciboules et deux
fois plus de champignons; en hachant ces derniers,
exprimez dessus un jus de citron pour les maintenir blancs,
mettez-les dans le coin d'un torchon et pressez-les;
supprimez le jus; ensuite, jetez le tout dans une casserole
avec un morceau de beurre; mettez-y sel, gros poivre et un
peu de muscade râpée; faites cuire le tout à petit feu; selon
la quantité de vos fines herbes, versez-y une cuillerée ou
deux d'espagnole réduite ou de velouté; faites réduire le
tout de nouveau, en sorte que l'humidité ne fasse pas crever
vos papillotes: taillez votre papier en forme de coeur, en
coupant un peu la pointe; étendez votre papier; huilez-le
légèrement avec le doigt à l'endroit où vous devez poser
votre morceau de langue et vos fines herbes; ensuite mettez
une petite barde de lard sur le papier, et sur ce lard la
valeur d'une cuillerée à bouche des mêmes herbes. Ensuite
posez votre morceau de langue, et, dessus, faites la même
opération que dessous: vous aurez soin de rogner votre
papier avec des ciseaux, au cas où il serait trop grand pour
la côtelette: ployez-le de manière à ce que les bords se
trouvent égaux; videz la papillote tout autour le plus serré
que possible, en sorte que la partie coupée de ce papier se
trouve rentrée en dedans du bord: pour y parvenir, vous
pincerez votre papier avec le pouce et l'index et le
rentrerez en dedans, comme si vous vouliez faire une
corde: à l'égard de la pointe du haut, vous la tordez
comme une papillote; cela fait, huilez vos papillotes en
dehors, soit avec la main, soit avec un doroir; mettez-les sur
un gril, avec feu doux, environ dix minutes; avant de
servir, retournez-les, cinq minutes après les avoir posées sur
le feu; que le papier soit d'une belle couleur; lorsque vous
les verrez gonfler, c'est une preuve qu'elles sont atteintes;
servez-les tout de suite.
Langue de boeuf à l'italienne ou au parmesan. -
Faites cuire cette langue dans une braise, comme la
précédente; laissez-la refroidir de même; coupez-la par
lames très minces; mettez du parmesan dans le fond d'un
plat creux; couvrez votre parmesan de vos tranches de
langue, ainsi de suite; faites trois ou quatre lits de langue et
de fromage; arrosez chaque lit d'un peu du fond dans
lequel aura cuit la langue dont il s'agit, et finissez par un lit
de fromage que vous arroserez d'un peu de beurre fondu;
mettez le plat au four ordinaire ou de campagne; donnez à
votre parmesan une belle couleur, et servez.
Lapin. - Les lapins sont originaires d'Afrique, d'où ils
passèrent en Espagne, puis en France. Pline et Varron
racontent qu'à Tarragone, ville d'Espagne, le nombre
considérable de lapins qui avaient creusé leurs terriers sous
les maisons de cette ville causèrent l'éboulement de vingtcinq
ou trente de ces maisons. Bazilazzo, l'une des îles
Lipari, fut privée de toutes ses récoltes et réduite à la
famine par le grand nombre de ces animaux. Ils étaient si
abondants dans les provinces méridionales de la France,
que Beaujeu raconte qu'en 1551 un gentilhomme provençal
étant allé à la chasse aux lapins avec quelques- uns de ses
vassaux et trois chiens, il en rapporta le soir six cents. Dans
les îles qui sont auprès d'Arles, dit-il, il y en a tant que,
quand un chasseur n'en tue pas cent dans la journée, il
revient mécontent. Le lapin était regardé comme un
emblème de la fécondité; elle est si prodigieuse que l'on a
calculé que dix hases pouvaient produire dans une année
jusqu'à huit ou neuf cents lapins. Elles portent trente ou
trente et un jours, et fournissent annuellement au commerce
de la chapellerie pour quinze à vingt millions de peaux.
L'hiver est le meilleur temps pour le manger, et, pour le
manger bon, il faut qu'il ne soit ni trop jeune ni trop vieux;
pour distinguer le lapin du lapereau, on tâte en dehors des
pattes de devant en dessus de la jointure, et si l'on sent
dans cette partie une saillie grosse comme une lentille, c'est
une preuve que l'animal est complètement jeune. On
reconnaît les lapins de garenne à ce qu'ils ont le poil des
pieds et celui qui est sous la queue de couleur rousse; on
imite cette couleur dans les lapins de clapier en faisant
roussir le poil de ces parties au feu; on reconnaît
facilement cette fraude à l'odeur, ou bien en lavant ces
parties si elles ont été teintes; la chair du lapereau vient
immédiatement, sous le rapport de la digestibilité, après
celle des volailles qui ne sont pas trop grasses et avant
celle des volailles qui le sont trop.
Lapereaux rôtis et servis en accolade. - Dépouillez
deux lapereaux, videz-les en leur laissant le foie, faites-les
refaire sur la braise, ensuite piquez-les de menu lard sur le
dos et les cuisses, enfin, mettez-les à la broche. On ajoute
beaucoup au fumet des lapins en leur mettant dans le
ventre quelques feuilles du prunier de Sainte-Lucie ou un
bouquet de mélilot, plante très commune dans les prairies
sèches.
Gibelotte de lapin à l'ancienne mode. - Coupez un
lapin par morceaux et une moyenne anguille en tronçons,
faites un roux, et passez-y votre lapin et vos tronçons
d'anguille. Quand il sera d'une belle couleur café au lait;
faites-y revenir alors des champignons et des petits
oignons; quand le tout sera bien revenu, mouillez avec un
tiers de vin blanc, deux tiers de bouillon; assaisonnez de
sel, de poivre, de persil, de ciboules et de thym; ôtez les
tronçons d'anguille et les oignons, faites cuire à grand feu;
lorsque le mouillement sera réduit à un tiers, remettez les
tronçons d'anguille et les oignons, finissez à feu doux,
dégraissez et servez.
Sauté, ou escalopes de lapereaux. - Prenez deux
lapereaux, dépouillez-les, levez-en les filets, prenez la
chair et les cuisses, ôtez les filets mignons et les rognons,
supprimez les nerfs et les peaux de ces chairs, coupez-les en
petits morceaux d'égale grosseur, aplatissez-les avec le
manche de votre couteau, que vous tremperez dans de
l'eau, parez-les; faites fondre du beurre dans une sauteuse,
arrangez-y vos escalopes les unes après les autres,
saupoudrez-les légèrement d'un peu de sel et de gros
poivre; mettez dessus un peu de beurre fondu, couvrez-les
d'un rond de papier et laissez-les ainsi jusqu'au moment de
servir; coupez vos carcasses de lapereaux par morceaux,
mettez-les dans une petite marmite, avec une carotte, deux
oignons, dont un piqué d'un clou de girofle, un bouquet de
persil et ciboules, une feuille de laurier, une lame de jambon
et quelques débris de veau; mouillez tout cela avec du
consommé, faites-le bouillir, écumez-le et laissez-le cuire
environ une heure; dégraissez ce consommé et passez au
tamis; faites-le réduire aux trois quarts; ajoutez-y deux
cuillerées à dégraisser d'espagnole réduite; faites revenir de
nouveau votre sauce en la travaillant, à consistance d'une
demi-glace; au moment de servir, sautez vos escalopes,
faites-les roidir des deux côtés, égouttez-en le beurre en
conservant leur jus, mettez- les dans votre sauce, sautez-les,
dressez- les dans un plat, et servez.
Vous pouvez, dans la saison, couper des truffes en
liards, les passer dans du beurre, les égoutter, et au moment
de servir, les sauter avec vos escalopes.
Lapereaux aux petits pois. - Faites un petit roux;
coupez vos lapereaux par membres; votre roux étant bien
blond, passez-les dedans, ajoutez-y quelques dés de
jambon et mouillez le tout avec du bouillon, faites que
votre roux soit bien délayé, mettez-y un bouquet de persil et
ciboules garni d'un clou de girofle, d'une feuille de laurier
et d'une demi-gousse d'ail; lorsque votre lapin sera en train
de bouillir, mettez-y un litre de petits pois et faites cuire le
tout que vous assaisonnerez de sel en suffisante quantité;
quand votre ragoût sera bien réduit, supprimez- en le
bouquet et servez.
Lapereaux roulés aux pistaches. - Habillez deux
lapereaux dont vous garderez les foies, désossez-les sans
couper la peau, étendez dessus une farce faite avec les
foies, blanc de poularde, graisse, lard blanchi, persil,
ciboules, champignons, une pointe d'ail, sel, poivre,
muscade, jaunes d'oeufs pour liaison, le tout bien mêlé et
pilé ensemble et de bon goût, mettez également de cette
farce partout, unissez avec un couteau trempé dans de
l'oeuf battu, roulez les lapereaux, enveloppez-les de bardes de
lard et d'une étamine, ficelez-les et faites- les cuire à la
braise, puis développez-les, dégraissez-les et servez-les
avec une bonne essence de pistaches.
Filets de lapereaux piqués et glacés. - Ayez six
lapereaux dont vous levez les filets, parez-les, supprimez- en
la peau et les nerfs, piquez-en six des plus gros de menu
lard, et faites des incisions de distance en distance aux six
autres; prenez des truffes, arrondissez-les, cannelez-les,
c'est-à-dire donnez-leur la forme d'une petite crête, coupezles
de l'épaisseur d'une pièce de deux francs, arrangez-les
dans toutes les incisions de vos filets; rangez ces filets dans
une sauteuse dans laquelle vous aurez fait fondre un peu de
beurre; donnez-leur la forme que vous jugerez à propos,
saupoudrez-les de sel, arrosez-les de beurre fondu et au
moment de servir faites cuire avec feu dessus et dessous,
tâtez s'ils sont cuits, saucez-les avec un fumet réduit et
servez.
Lapins en casserole. - Coupez vos lapins en quatre,
gardez-en les foies, piquez les morceaux de gros lard
assaisonné et de lardons de jambon, garnissez le fond d'une
casserole de bardes de lard et de tranches de veau avec sel,
poivre, fines herbes, fines épices, oignons, ciboules persil,
carottes et panais, arrangez les membres de lapin dans la
casserole, assaisonnez-les dessus et dessous et faites cuire
au four feu dessus et dessous.
Faites un coulis avec un morceau de veau et de
jambon que vous coupez par tranches, battez-les,
garnissez-en le fond d'une casserole, mettez-y un oignon,
un morceau de carotte et des panais coupés par tranches,
couvrez votre casserole, mettez suer à petit feu et ajoutez-y
quand cela commence à s'attacher un peu de lard fondu et
de farine, remuez le tout ensemble, mouillez de jus et de
bouillon, moitié l'un, moitié l'autre, assaisonnez de
champignons, truffes, ciboules entières, persil, trois ou
quatre clous de girofle, ajoutez quelques croûtes de pain et
faites mitonner le tout ensemble.
Prenez vos foies de lapin, pilez-les dans le mortier,
délayez-les avec un peu de jus de votre coulis, videz-les
ensuite dans la casserole où est ce coulis, faites- les un
peu chauffer, passez ce coulis à l'étamine et mettez-le
dans une autre casserole.
Puis vos lapins étant cuits, vous les retirez et les mettez
dans votre coulis; laissez mitonner un peu avant de servir,
dressez-les dans un plat, jetez votre coulis par-dessus et
servez chaudement pour entrée.
Hachis de lapereaux à la portugaise. - Ayez trois
lapereaux, faites-les cuire à la broche et levez-en les chairs,
ôtez les peaux et les nerfs, hachez ces chairs, mettez-les
dans un vase jusqu'au moment de vous en servir, prenez
vos carcasses de lapereaux, concassez-les, mettez-les dans
une casserole avec cinq cuillerées à dégraisser d'espagnole,
deux de consommé et un verre de vin blanc de Champagne;
faites cuire le tout, passez cette farce à l'étamine, faites-la
réduire jusqu'à consistance de demi-glace, mettez-y vos
chairs avec un peu de gros poivre et un pain de beurre, liez
bien le tout sans le laisser bouillir et dressez votre hachis
sur un plat auquel vous aurez fait une bordure avec des
petits croûtons de pain frits; mettez sur votre hachis huit ou
neuf oeufs pochés et glacés. Ce hachis doit se trouver entre
les oeufs avec un peu de votre essence que vous aurez
réservée à ce sujet. Vous pouvez aussi mettre des filets
mignons entre vos oeufs en sautoirs, décorés de truffes et
piqués.
Lapereaux à la Saingarac. - Piquez proprement vos
lapereaux et faites-les rôtir, ayez des tranches de jambon
battues, passez-les avec un peu de lard et de farine, mettezy
un bouquet de fines herbes, du bon jus qui ne soit pas
salé, faites cuire le tout ensemble et mettez-y un filet de
vinaigre, liez cette sauce avec un peu de coulis et de pain;
coupez les lapereaux en quatre, dressez-les sur un plat, jetez
la sauce dessus avec les tranches de jambon, dégraissez-la
et servez chaudement.
Lapins aux truffes. - Faites cuire des lapins en
casserole, comme il est dit plus haut, passez les truffes
avec un peu de beurre fondu, mouillez-les de moitié jus de
veau, moitié essence de jambon, laissez-les mitonner
pendant un quart d'heure, dégraissez- les et liez d'un coulis,
retirez ensuite vos lapins, égouttez-les, mettez-les dans le
ragoût de truffes, dressez-les, jetez le ragoût par- dessus et
servez pour entrée.
Lapins en brezoles. - Habillez deux gros lapereaux,
coupez-les en quatre, dressez-les, levez-en la chair que
vous mettrez à part et conservez-en la peau, faites une
farce avec cette chair, les foies, de la graisse de boeuf, de
veau, de lard blanchi, assaisonnez de sel, poivre, fines
herbes, fines épices, câpres hachées, pilez le tout dans un
mortier, ajoutez-y deux ou trois jaunes d'oeufs pour lier le
tout; étendez les peaux de vos lapins sur la table, étendez
de la farce dessus, roulez-les, ficelez-les, puis garnissez
une casserole de tranches de boeuf et de bardes de lard,
avec sel, poivre, fines herbes, fines épices; arrangez les
brezoles dessus, assaisonnez comme dessous, ajoutez-y un
bouquet garni, carottes, panais, oignons, laurier, coriandre;
mouillez de deux cuillerées de bouillon, couvrez la
casserole et faites cuire à petit feu. Vos brezoles étant
cuites, égouttez-les dans une autre casserole, mettez dedans
une essence jambon, des mousserons hachés et mitonnés,
passez les brezoles de la casserole où elles ont cuit dans
celle où est l'essence, sans trop les remuer, laissez attacher
le jus de votre braise, mouillez encore de jus, dressez-les
dans un plat, et servez avec une échalote et jus de citron
pour entrée.
Lapereaux en fricassée de poulet. - Ayez deux
lapereaux bien tendres, coupez-les en morceaux, essuyez- en
le sang, mettez-les dans une casserole avec de l'eau,
quelques tranches d'oignon, une feuille de laurier, du persil
en branche, quelques ciboules et un peu de sel; faites-leur
jeter un bouillon, égouttez-les, essuyez-les et parez-les de
nouveau; mettez-les dans une autre casserole avec un
morceau de beurre, sautez-les, saupoudrez-les légèrement
de farine, mouillez-les avec l'eau dans laquelle ils ont
blanchi, en ayant soin de les remuer pour que la farine ne
fasse point de grumeaux; faites-les bouillir, mettez des
champignons, des mousserons et des morilles, laissez cuire,
faites réduire la sauce convenablement; votre ragoût cuit,
liez-le avec quatre jaunes d'oeufs délayés, soit avec un peu
de lait, soit avec de la crème ou un peu de la sauce
refroidie, et finissez-les en y mettant un jus de citron, un
filet de verjus, ou bien encore un filet de vinaigre blanc, et
servez.
Lapereau au gratin. - Habillez et coupez par membres
un lapereau; foncez une casserole de tranches de veau,
bardes de lard, cinq ou six tranches de jambon coupées
bien égales; mettez vos morceaux de lapereau dessus,
presque pas de sel, couvrez de bardes de lard et mettez
cuire à la braise en y mettant un bouquet garni avec clous de
girofle, basilic et laurier.
Hachez le foie, avec persil, ciboules, champignons,
liez avec deux jaunes d'oeufs, ajoutez lard râpé, sel et
poivre, mettez de cette farce sur un plat et laissez-la
gratiner sur un très petit feu, retirez-la ensuite et égouttezla.
Puis le lapereau étant cuit, vous le tirez avec le jambon,
vous dégraissez la sauce, la mouillez d'un peu de coulis et
de jus, vous faites prendre un bouillon. Dégraissez et
passez au tamis, dressez les morceaux de lapereau sur la
farce, une tranche de jambon entre chaque morceau, vous
échauffez le plat sur un fourneau, la sauce par-dessus, et
servez chaudement.
Timbale de lapereaux. - Ayez deux lapereaux que
vous coupez par membres, passez-les dans une casserole
avec sel, poivre, fines herbes hachées, ciboules,
champignons et truffes, épices fines et laurier; mêlez le
tout et mouillez avec un verre de vin blanc et deux
cuillerées à dégraisser d'espagnole, faites mijoter, et quand
vos lapereaux seront cuits, laissez-les refroidir, ôtez la
feuille de laurier, puis beurrez une casserole de grandeur
convenable, foncez-la de petites bandes de pâte roulées en
commençant par le milieu du fond de cette casserole et
tournant la pâte en forme de limaçon jusqu'à ce que vous
arriviez au rebord de la casserole; moulez ensuite un
morceau de pâte, qui vous servira à faire un double fond,
abaissez-la, donnez-lui l'épaisseur d'une pièce de 5 francs,
pliez-la en quatre, puis mouillez un peu les bandes avec un
doroir, posez dessus votre double fond en appuyant
légèrement afin qu'il ne reste aucun vide entre les bandes et
l'abaisse, roulez du godiveau avec un peu de farine,
formez-en de petites quenelles, garnissez-en le fond de
votre timbale, mettez-en tout autour, presque jusqu'au
bord, remplissez-en le vide des membres de vos lapereaux,
joignez-y quelques champignons tournés et passez dans du
beurre. Faites une seconde abaisse pour couvrir votre
timbale, mouillez-en les bords, posez dessus votre
couvercle de pâte, soudez-le et videz-le; mettez-la au four
environ une heure et demie; lorsqu'elle sera cuite de belle
couleur et que vous serez prêt à servir, renversez-la sur le
plat, levez-en un couvercle de la grandeur que vous
voulez, mettez dans votre timbale une bonne espagnole
réduite, et servez.
Si vous n'avez pas le temps de faire ces bandes, beurrez
votre casserole, saupoudrez-la de vermicelle, mettez votre
abaisse dessus, et procédez pour le reste comme il est
indiqué ci-dessus.
Lapereau piqué aux navets. - Habillez un lapereau et
coupez-le par membres; piquez-le de petit lard, mettez-le
ensuite dans une casserole avec une tranche de jambon, un
bouquet, du bouillon, faites-le cuire et glacez-le; tournez
des navets en amandes, faites-les blanchir et cuire avec du
bouillon, du jus et un peu de sel. Quand ils sont cuits, vous
les mettez dans une bonne essence; mettez un peu de
bouillon dans la casserole où vous avez glacé le lapereau,
détachez tout ce qui reste, passez-le au tamis et mettez-le
dans l'essence; puis vous dressez votre lapereau avec le
ragoût de navets autour.
Lapereaux en papillotes. - Prenez des lapereaux,
videz-les, coupez-les en morceaux, désossez-les, passezles
dans de fines herbes hachées, faites-les cuire une demiheure,
et préparez-les, du reste, comme les côtelettes de veau.
Marinade de lapereaux.- Ayez deux lapereaux cuits à la
broche, laissez-les refroidir, coupez-les par membres,
faites-les mariner; lorsqu'ils le seront suffisamment,
égouttez-les, mettez-les dans une pâte à frire, faites-les
frire de belle couleur, et servez.
Salade de lapereaux. - Faites cuire un ou deux
lapereaux à la broche, coupez-les par membres, parez-les,
dressez-les sur un plat, décorez-les avec des filets
d'anchois, des oeufs durs coupés par quartiers, des
betteraves - si c'est la saison -, des coeurs de laitue, des
câpres, de petits oignons cuits, de la fourniture hachée, et
servez avec un huilier.
Cuisses de lapereaux à la Mailly. - Prenez les cuisses
de deux forts lapereaux, élargissez le dedans le plus que
vous pourrez sans percer, prenez ensuite les filets du reste
des lapereaux, que vous coupez en dés, et que vous maniez
avec du persil, ciboules, champignons, sel, gros poivre;
remplissez de cette farce l'intérieur des cuisses de vos
lapereaux, cousez-les bien; mettez dans une casserole des
tranches de veau et des bardes de lard, arrangez
dessus les cuisses de vos lapereaux et couvrez-les de
bardes de lard; ajoutez-y du sel, gros poivre, bouquet garni
et les os de lapereaux; mouillez avec du bouillon et un
verre de vin de Champagne, et faites cuire à petit feu.
Quand les cuisses sont cuites à propos, dressez-les sur
un plat, passez la cuisson au tamis, dégraissez la sauce,
mettez-y une cuillerée de coulis, et servez avec les cuisses
des lapereaux.
Lapin cuit dans sa peau. - (Recette de M. Vuillemot
de la Tête-Noire). Prenez un lapin de garenne qui ait été
pris au furet afin que la peau ne soit pas perforée; faiteslui
une petite incision au bas-ventre et une semblable à la
peau; écartez la peau, enlevez avec le doigt, aussi
légèrement que possible, les intestins et le foie, sans les
crever jusqu'à la couronne; préparez ensuite une farce fine de
truffes et champignons, introduisez cette farce à la place
des intestins, écartez légèrement la peau afin de donner de
l'air entre cuir et chair; recousez cette chair, coulez entre
cuir et chair une cuillerée à bouche d'huile d'olive et
recousez également la peau. Tout ceci fait, vous suspendez
le lapin pendant six heures par les pattes et autant de temps
par la tête, puis vous l'embrochez bien soigneusement et le
faites cuire à grand feu de broche sans l'arroser, en nettoyant
de temps en temps sa peau avec une petite brosse de
chiendent; puis, vous le débrochez, vous faites une incision
à la queue de votre lapin, et vous ôtez la peau, qui doit se
détacher très facilement en soufflant dessus. Vous dressez
sur un plat et servez avec une bonne sauce à la Périgueux.
Ayez bien soin que les pattes de devant soient
jointes aux épaules.
Lapereaux en caisse. - Ayez deux ou trois jeunes
lapereaux: préparez-les, refaites -les, posez-les à un feu nu
pour les roidir; faites une caisse de la grandeur de vos
lapereaux, frottez-la d'huile, posez-la sur le gril et rangez- y
les lapereaux; passez dans du beurre des fines herbes
hachées, telles que persil, ciboules, champignons, que vous
mettrez dans un linge blanc et que vous tordrez pour en
supprimer le jus, qui pourrait ramollir votre caisse;
assaisonnez ces fines herbes de sel, poivre, fines épices et
versez-les dans la caisse; mettez-la sur un feu doux, ayez
soin d'y tourner les lapereaux, et, leur cuisson faite, servezles.
Mayonnaise de lapereaux. - Faites cuire deux
lapereaux à la broche, laissez-les refroidir, coupez-les par
membres, parez-les proprement, mettez-les et sautez-les
dans une mayonnaise, et servez.
Lard. - La chair de cochon est généralement lourde et
indigeste surtout pour les personnes qui ne font pas
beaucoup d'exercice; mais lorsque le sel l'a endurcie et
qu'elle a séché à la fumée, elle est encore plus malfaisante.
Tel est le lard.
La graisse de lard, d'ailleurs, devenant ordinairement
rance et acrimonieuse, ne peut produire que de mauvais
effets sur l'estomac, et quelquefois excorier la bouche et le
gosier.
On appelle lard un morceau de cochon où il y a un peu
de chair qui tient à la couenne et qu'on met au pot. Le lard
des cochons nourris de glands est plus ferme que le lard de
ceux qui ne mangent que du son, et par conséquent
meilleur.
Nous avons dit à l'article du Cochon tout ce qu'il y a à
dire du lard et la manière de le faire.
Larder. - Terme de cuisine qui exprime l'action de
passer des lardons à travers une viande avec une lardoire.
Pour larder proprement une viande, il faut que les lardons
soient gros comme la moitié du petit doigt et bien
assaisonnés de sel et de poivre; pour larder à la surface
seulement, on n'emploie que de très fins filets de lard, qui,
dans ce cas, sont disposés avec symétrie, et quelquefois
figurent des dessins.
Lardons. - Petits morceaux de lard dont on se sert pour
larder.
Laurier. - On ne se sert à la cuisine que du laurier
franc, ou d'Apollon, dont on fait un fréquent usage. On en
met dans tous les bouquets garnis, assaisonnement obligé de
tous les ragoûts; mais on doit l'employer avec modération,
et sec de préférence, afin que la saveur en soit moins forte et
qu'il ait moins d'âcreté.
Lèchefrite. - Ustensile de cuisine long et plat,
possédant à chacune de ses extrémités un bec, ou espèce de
petite gouttière afin de recueillir plus facilement le jus
qu'elle contient. La lèchefrite est destinée à recevoir la
graisse et le jus des viandes rôties, et il est indispensable
de la tenir toujours dans un état de propreté parfaite, ce qui
ne peut s'obtenir que par un écurage au sable, dont on se
dispense trop souvent dans les cuisines.
Légumes. - On entend par légumes les grains qui
viennent en gousse et qu'on cueille avec la main. On a
donné à tort ce nom à une foule de végétaux qui servent à
la nourriture de l'homme et des animaux; on ne l'a pas
seulement appliqué aux fruits, mais à toutes les parties du
végétal, racines, tiges, feuilles, etc.
Ce nom cependant ne doit s'appliquer qu'aux seules
plantes de la famille des légumineuses; telles que les pois,
les lentilles, les fèves, les haricots, etc.; mais parmi ces
légumes, qui tous servent à la nourriture de l'homme, les
uns sont sains et d'une digestion facile; les autres, au
contraire, d'une digestion laborieuse; on ne doit donc pas
en faire sa nourriture exclusive, car cet aliment est lourd et
indigeste et ne convient guère qu'aux estomacs les plus
vigoureux, aux ouvriers et aux gens de la campagne,
accoutumés à une vie laborieuse et pénible.
Nous indiquons à chaque article particulier la façon
d'apprêter et de manger les différents légumes.
Lentilles. - Les lentilles sont de deux sortes: il y a la
grosse et la fine; celle-ci se nomme lentille à la reine, c'est la
plus estimée. Les lentilles s'apprêtent comme les haricots;
mais il faut avoir bien soin de les choisir d'un blond clair et
cuisant bien, car il y en a qui ne peuvent cuire aisément,
même dans les eaux les plus pures.
On en fait des purées pour garnir des potages ou
masquer des viandes cuites à l'étuvée.
Léporide. - Il y a quelque chose comme six mille ans
que l'on reproche aux savants de lutter contre Dieu sans
être parvenus à inventer le plus petit animal.
Fatigués, ils se sont mis à l'oeuvre, et, en l'an de grâce
1866, ils ont répondu en inventant le léporide.
Cette fois, non seulement ils faisaient une niche à Dieu,
mais encore à M. de Buffon. M. de Buffon avait dit, en
voyant l'antipathie qui existe entre les lièvres et les lapins,
malgré la ressemblance qu'il y a dans les deux espèces:
«Jamais les individus ne se rapprocheront». M. de
Buffon se trompait.
L'antipathie qui existe entre le lièvre et le lapin n'était
point une antipathie de race, mais une simple antipathie de
caractère. Si rien ne se ressemble plus physiquement qu'un
lièvre et qu'un lapin, moralement rien ne se ressemble
moins. Le lièvre est rêveur, ou plutôt songeur; il a fixé sa
demeure à la surface de la terre: il ne quitte son gîte qu'avec
les plus grandes précautions, après avoir tourné dans tous
les sens l'entonnoir mobile de ses oreilles. C'est le jour plus
particulièrement qu'il fait ses expéditions, ne revenant plus
à son gîte quand il en a été chassé deux ou trois fois.
Le lapin, au contraire, va chercher le repos dans un
long souterrain creusé par lui, et dont lui seul connaît les
détours. Il en sort imprudemment, ne s'inquiétant pas du
bruit qu'il fait en en sortant, et c'est presque toujours à la
tombée de la nuit qu'il risque ses imprudentes sorties.
Puis, comme il est très friand de trèfle, de blé vert,
d'odorant serpolet, il va chercher dans la plaine ces horsd'oeuvre
élégants qui lui manquent dans la forêt: c'est là
que le chasseur l'attend à l'affût et lui fait payer son
imprudence. On a dit que l'antipathie des lapins et des
lièvres était telle, qu'une garenne envahie par des lapins
était abandonnée par les lièvres, et vice versa. C'est
parfaitement vrai; mais cela tient à ce que le lapin, libertin
et tapageur, dort le jour et veille la nuit, tandis que le lièvre
dort la nuit et veille le jour. Il est évident qu'une pareille
différence entre les habitudes doit rendre impossible une
même habitation par des êtres si différents l’un de l'autre
dans leur manière de vivre.
C'est, au contraire, là-dessus que les savants ont
compté. Ils ont réuni une portée de lapins et une portée de
lièvres, avant que les uns ni les autres eussent les yeux
ouverts, et ils les ont nourris du lait d'un animal, de la
vache, qui, n'ayant aucun rapport avec eux, ne pouvait leur
inculquer, par la nourriture première, des haines
préconçues.
Ils mirent ces deux portées dans une pièce sombre où,
lorsque les yeux de leurs nourrissons s'ouvrirent, ils ne
purent remarquer la légère différence qui existait entre
leurs deux espèces.
Les animaux se crurent tous de la même famille, et,
bien nourris, n'ayant aucun motif de querelle, vécurent
dans une amitié toute fraternelle jusqu'au moment où les
premiers besoins de l'amour se firent sentir chez eux, et se
substituèrent aux tendresses fraternelles.
Les savants, qui se relayaient pour ne rien perdre du
rapprochement jugé impossible par M. de Buffon, virent
un jour avec grand plaisir une hase de lapin et un bouquin
de lièvre se rapprocher dans des tendresses plus que
fraternelles, puis la petite colonie promit bientôt de
s'augmenter dans des proportions qui ne laisseraient plus
aucun doute sur le croisement de ces deux races qui ne
devaient jamais se rapprocher.
Une vingtaine de petits furent le résultat de ce travail
mystérieux de la science; seulement la nature tint bon: les
lapins femelles mirent toujours bas huit ou dix petits,
tandis que les femelles de lièvre ne mirent au jour que
deux levrauts.
Il s'agissait de continuer l'expérience et de donner un
démenti complet à M. de Buffon.
M. de Buffon avait dit: «Si, par suite d'une erreur,
d'une faiblesse ou d'une violence, il y avait rapprochement
entre les deux races, il en naîtrait des métis impuissants à
se reproduire».
On isola de tous autres êtres de leur espèce cette portée
anormale, et, à la grande satisfaction des savants, les
enfants suivirent l'exemple des pères et se croisèrent entre
eux.
Il s'agissait de donner un nom à cette espèce nouvelle:
on l'appela léporide; et on veilla à ce que le croisement se
continuât.
Aujourd'hui, nous avons des animaux complètement
nouveaux, qui font la joie des savants leurs créateurs, qui
leur ont donné le nom de léporides. Ils tiennent à la fois du
lièvre et du lapin; seulement, ils sont plus gros que leurs
générateurs et pèsent jusqu'à treize ou quatorze livres.
Leur chair est plus blanche que celle du lièvre et
moins blanche que celle du lapin; on les met
indifféremment à toutes les sauces où l'on met les deux
quadrupèdes qui ont pris part à leur création, et l'on ne
doute pas que, d'ici à deux ou trois ans, ils ne deviennent
assez communs pour prendre une place honorable dans nos
forêts et sur nos marchés. On m'a même assuré que déjà
plusieurs avaient été vus sur les marchés du Mans et de
l'Anjou.
Un de ces animaux m'a été envoyé par la Société
d'acclimatation, à la condition expresse que je le
mangerais. Je puis affirmer que, soit qu'il fût le fils d'un
lapin et d'une hase, ou d'une lapine et d'un bouquin, il
n'avait dégénéré ni de son père ni de sa mère.
Levain, levure. - Le levain est un morceau de pâte
aigrie ou imbibée de quelque acide qui fait lever, enfler et
fermenter l'autre pâte avec laquelle on le mêle. Le pain
ordinaire doit sa légèreté au levain. La levure est l'écume
que forme la bière lorsqu'elle commence à fermenter; on
égoutte cette écume, on la presse, on la réduit en pâte, et
elle se conserve très longtemps. On l'emploie très souvent
dans la pâtisserie.
Levraut. - Jeune lièvre. (V. LIEVRE)
Liaison. - Se dit en cuisine des sauces épaisses ou liées
par le moyen de la farine frite, des jaunes d'oeufs ou des
coulis.
Lièvre. - Quadrupède trop connu pour que nous ayons
besoin de faire sa description matérielle; j'ajouterai
seulement quelques observations sur son intelligence, qui
met parfois en défaut celle des chasseurs et même des
chiens.
Le lièvre se chasse au chien d'arrêt, mais surtout au
chien courant; si on le chasse au chien d'arrêt, il part
devant vous: c'est au chasseur, selon son adresse ou sa
maladresse, de le tuer ou de le manquer.
Si on le chasse au chien courant, il fait deux tours dans
la plaine ou dans la forêt, un qui dure vingt-cinq minutes à
une demi-heure, l'autre qui dure trois quarts d'heure à une
heure et demie: c'est ce que l'on appelle son petit et son
grand parti.
Par quelle fatalité le lièvre revient-il toujours à son
lancer, soit après son premier, soit après son second parti, ce
qui fait que c'est presque toujours près de l'endroit où il a
pris chasse qu'il revient se faire tuer ?
Il fait assez franchement et sans ruser sa première
randonnée; mais à la seconde il ruse, et, quoique son
répertoire ne soit pas aussi complet que celui du renard, il
arrive parfois à dérouter les chiens et à désappointer le
chasseur. Une de ses premières ruses est, arrivé à un
endroit où de grandes herbes ou des ronces lui offrent un
refuge, qu'il trace aussi exactement qu'avec un compas un
cercle de vingt-cinq ou trente pas de diamètre; fait trois ou
quatre tours sur le premier tracé de son cercle; puis,
réunissant toutes ses forces, fait un bond de côté et se rase.
Les chiens, arrivés au point où il a quitté la ligne droite
pour prendre la ligne courbe, en font autant que lui et
suivent sa trace en tournant en rond; mais là, toute piste
leur échappe. Le bond prodigieux qu'a fait l'animal a
interrompu la voie; les chiens, déroutés, continuent de
hurler, mais comme des animaux qui appellent le chasseur à
leur aide. Le chasseur arrive, en effet; mais aussitôt que le
lièvre l'entend, il repart, reposé et tout prêt à une course plus
longue qu'aucune de celles qu'il vient de faire.
J'ai vu un lièvre employer les mêmes ressources; mais,
au lieu de sauter à terre et de chercher un refuge dans les
ronces, sauter sur un arbre courbé et aller se dérober dans
une touffe de feuilles.

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