DUMAS Le Grand Dictionnaire de Cuisine (06)

Salade de céleri. - Le céleri plein, tendre et frais,
mangé en salade et assaisonné avec du vinaigre
aromatique, avec de l'huile de Provence et un peu de
moutarde fine, est vraiment délicieux; il réveille l'action de
l'estomac, donne de l'appétit et une sorte d'alacrité qui se
prolonge pendant quelques heures.
Ragoût de céleri. - Faites cuire du céleri haché comme
de la chicorée ou des épinards, vous l'assaisonnez de sel,
de poivre, de muscade et de bon bouillon, vous le servez
avec des croûtons dorés; vous pouvez même, si vous êtes
un peu friand, placer sur un lit bien douillet quelques
ortolans ou quelques filets de perdreaux rouges; essayez de
ce plat, vous en serez peut- être satisfait. (Dictionnaire des
plantes usuelles du docteur Roques).
Céleri au jus, à la bonne femme. - Nettoyez des pieds
de céleri en enlevant toutes les feuilles dures et vertes,
coupez les pieds d'égale longueur, faites blanchir; roux
léger; passez-y le céleri, mouillez de bouillon. Sel, gros
poivre, muscade râpée. Le céleri cuit, liez la sauce avec du
jus ou du beurre.
Céleri frit à la bourgeoise. - Après avoir épluché et
blanchi votre céleri (surtout choisissez pour le faire frire du
céleri bien plein), rognez les feuilles très près de la racine,
et fendez les pieds.
Céleri à la crème. - Epluchez du céleri, coupez-le
comme il est dit à l'article: Asperges aux petits pois. Faites
blanchir et égouttez dans une passoire; passez-le dans la
casserole avec un morceau de beurre, saupoudrez d'une
pincée de fécule, mouillez avec du consommé; cuit, réduit,
liez de jaunes d'oeufs délayés dans la crème, avec muscade,
et servez garni de croûtons.
Céleri au velouté. - Epluchez, lavez, coupez, faites
blanchir, salez et beurrez; après cuisson, faites rafraîchir,
coupez votre céleri à dix centimètres de long, mettez au feu
avec beurre, sel, poivre, muscade; mouillez avec du velouté
du bouillon, faites réduire et servez avec croûtons glacés.
Cèpes francs. - Champignons d'un volume
considérable, ayant leurs chapiteaux tombants et réguliers;
leur surface est sèche, entrouverte profondément, leurs
tiges fortes enflées du bec, leur substance blanche, légère,
leur parfum suave, et leurs qualités bonnes, dit-on, en font
distinguer deux espèces principales: le cèpe franc à la tête
rousse; et le cèpe franc à la tête noire. Le cèpe franc, tête
rousse, est sec de consistance; cependant il cède à la
pression du doigt, sa chair est fine, délicate, de bon goût,
d'une odeur agréable; elle ne change pas au contact de
l'air: on le trouve en septembre, en octobre, dans les beaux
environs de Paris, on le conserve très bien en le séchant;
on le fait revenir dans l'eau chaude. En Hongrie on en fait
des sauces et des coulis. Le cèpe franc est chaud et
aphrodisiaque; on ne doit jamais oublier de couper cette
plante, et si elle change de couleur au contact de l'air, il ne
faut pas en faire usage.
Le cèpe franc tête noire est un champignon haut
d'environ quatre pouces; le chapiteau a quatre centimètres
d'épaisseur et quatre centimètres de diamètre; sa couleur
devient marron foncé, sa substance est sèche, douce au
toucher, d'un parfum très suave et de la saveur des bons
champignons; c'est l'espèce la plus répandue dans le nord et
dans les parties tempérées de l'Europe; il est très recherché;
on l'apprête comme l'espèce ci-dessus.
C'est particulièrement dans le Midi et dans les
environs de Bordeaux que se recueille cet excellent
champignon; seulement, comme on ne le fait pas sécher
comme à Gênes ou en Italie, comme il a ou que l'on croit
qu'il a d'excellente huile, on le vend enfermé dans des
boites de fer-blanc.
Ne vous laissez prendre ni aux prospectus imprimés
ni au boniment oral: les cèpes de Bordeaux se gonflent
dans l'huile, deviennent de véritables éponges auxquelles il
est impossible de rendre leur fermeté première; il en résulte
que, soit sur le gril, soit frits, de quelque façon qu'on les
fasse cuire, enfin, ils deviennent presque impossibles à
manger.
Cèpe franc tête noire. - Ce cryptogame ne se trouve
pas seulement dans les environs de Bordeaux: ceux de la
forêt de Compiègne sont pleins de saveur parce qu’ils
naissent dans l'ombre des hautes futaies; c'est surtout en
août qu'ils pullulent.
Voici la recette dont j'ai moi-même constaté
l'excellence:
Coupez les queues, hachez-les, ajoutez persil haché,
mie de pain, échalotes, beurre frais, une pointe d'ail haché;
faites un pâté de tout, assaisonnez, sel, poivre et un peu de
piment, garnissez le dessous de vos cèpes, jetez un peu de
mie de pain dessus, gratinez à four chaud et servez.
(Recette Vuillemot).
On peut les faire à la provençale, sautés à l'huile
d'olive, persil, ail hachés; faites bien rissoler, ajoutez un
peu de glace de viande et servez bien chaud.
Céphalopode. - Les céphalopodes sont des
mollusques du plus haut rang. Empruntons les détails qui
le concernent à l'excellent livre de M. Meunier: Les grandes
pêches.
Figurez-vous un sac musculeux, épais, mollasse,
visqueux, sphérique chez les uns, cylindrique ou en fuseau
chez les autres, et de couleurs changeantes comme le
caméléon.
Renfermez-y des organes de respiration aquatiques,
un appareil circulatoire, un tube digestif, y compris un
estomac comparable au gésier des oiseaux.
Surmontez ce sac d'une tête ronde, munie de deux gros
yeux situés latéralement, entre lesquels débouchera un petit
tube représentant non pas un nez, mais l'anus (au milieu
du visage!).
Sur le sommet et au milieu de cette tête, placez une
bouche formée d'une lèvre circulaire, armée de deux
mâchoires verticales cornées (un véritable bec de
perroquet) et garnie à l'intérieur d'une langue hérissée de
pointes. Enfin, tout autour de cette bouche, implantez une
couronne d'appendices charnus, souples, vigoureux,
rétractiles, quelquefois beaucoup plus longs que le corps,
et le plus souvent armés à leur face externe de deux rangs
de ventouses.
Vous avez une idée approximative des céphalopodes,
ainsi nommés depuis Cuvier, parce qu'ils ont les pieds sur la
tête, car les appendices que nous venons de décrire sont des
pieds ou des bras, comme on voudra, vu qu'ils servent
indifféremment à la préhension et à la locomotion.
Ces céphalopodes comptent parmi les plus anciens
habitants de la mer; les masses nerveuses groupées autour
du tube digestif dans leur tête percée verticalement tendent
à se réunir en une seule masse, ce qui est un trait de
ressemblance avec les animaux vertébrés; leur infime
cerveau est protégé par un cartilage, rudiment de squelette
sur lequel s'insèrent les principaux muscles; la circulation a
du rapport avec celle des poissons; chez quelques-uns les
yeux sont presque des yeux de vertébrés. Ces caractères
leur assignent le premier rang parmi les mollusques, et la
noblesse d'une antique origine ne leur manque pas
davantage, ils datent des temps antédiluviens. Tous sont
marins et carnassiers, les uns habitent la haute mer, les
autres ne s'écartent point des côtes; celles de la
Méditerranée, celles de la Grèce surtout en sont infestées; ils
font un grand massacre de crustacés et de poissons; leur
domicile se reconnaît aux débris d'êtres vivants qui en
jonchent les approches; ils nuisent doublement aux
pêcheurs, d'abord en leur faisant concurrence, ensuite en
faisant fuir les animaux pour qui leur voisinage est
malsain. Les pêcheurs se vengent d'eux en les mangeant,
vengeance en général d'assez mauvais goût, culinairement
parlant.
Voulez-vous vous représenter les céphalopodes,
rampant, nageant ou saisissant leur proie, renversez l'image
qu'a offerte à votre esprit la description qui précède; la
bouche redressée verticalement, la tête en bas, les bras
étendus, vous donnent le poulpe (les calmars et les seiches
se tiennent horizontalement). Tous rampent en appliquant
sur le sol leurs bras armés de ventouses; c'est de la même
façon qu'ils saisissent leur proie, leur étreinte est
irrésistible; la victime, enlacée et comme aspirée, a bientôt
senti la morsure du redoutable bec de perroquet dont ces
longs appendices sont les pourvoyeurs. Il y a des exemples
d'hommes morts de ce supplice.
L'abondance des poulpes sur certains points du littoral
de la Grèce en rend la fréquentation dangereuse pour les
baigneurs; dans les îles de la Polynésie, ils sont l'effroi des
plongeurs. C'est que leur taille est souvent très grande; le
poulpe commun de la Méditerranée est long d'environ
0,64 m et il en existe une espèce trois fois aussi grande
dans l'océan Pacifique.
Aristote parle d'un calmar long de 5 coudées (2,71m).
Pline va plus loin et décrit un poulpe dont les bras avaient
30 pieds de long. Un auteur moderne renchérit et raconte le
cas d'un céphalopode qui, s'étant jeté sur un navire, manqua
de le faire sombrer. A partir de ce moment, le poulpe géant
fut mis par les naturalistes de niveau avec le serpent de mer.
Des découvertes récentes les ont cependant
convaincus qu'il existe des céphalopodes dont la taille
dépasse de beaucoup celle que les traités de zoologie
assignent aux animaux de cette classe. Ainsi Péron a
rencontré dans les parages de la Tasmanie un calmar dont
les bras avaient 6 à 8 pouces de diamètre et 6 à 7 pieds de
long. MM. Quoy et Gaymard ont recueilli dans l'océan
Atlantique, près de l'équateur, les débris d'un mollusque
de la même famille dont ils évaluent le poids à plus de
100 kilogrammes. Dans les mêmes eaux, Rang en a
rencontré un de couleur rouge qui était de la grosseur d'un
tonneau. M. Streenstrup (de Copenhague) a publié
d'intéressantes observations sur un céphalopode auquel il a
donné le nom d'Architeuthis dux et qui fut rejeté en 1853
sur le rivage du Jutland; le corps, dépecé par les pêcheurs
pour servir d'amorce à leurs lignes, fournit la charge de
plusieurs brouettes; le pharynx, qui a été conservé, a le
volume d'une tête d'enfant, un tronçon de bras montré à M.
Duméril a la grosseur de la cuisse. Enfin, en 1860, M.
Harting a décrit et figuré plusieurs parties d'un animal
gigantesque du même genre qui se trouvent dans le musée
d'Utrecht. Mais toutes ces observations le cèdent de
beaucoup en intérêt à celle qui a été communiquée à
l'Académie des sciences à la fin de l'année 1861 et que
nous allons rapporter.
Le 30 novembre de l'année susdite, à deux heures de
l'après- midi, l'aviso à vapeur l'Alecton, commandé par M.
Bouyer, lieutenant de vaisseau, se trouvant entre Madère et
Ténériffe, à 40 lieues dans le nord-est de cette dernière île,
fit la rencontre d'un poulpe monstrueux qui nageait à la
surface de l'eau.
Cet animal mesurait de 5 à 6 mètres, sans compter huit
bras formidables, longs de 1,80 m environ et couverts de
ventouses, qui couronnaient sa tête. Sa couleur était d'un
rouge brique, ses yeux à fleur de tête avaient un
développement prodigieux et une excellente fixité. Sa
bouche pouvait offrir 0,50 m. Son corps fusiforme et très
renflé vers le centre présentait une masse dont le poids a
été estimé à plus de 2 000 kilogrammes. Ses nageoires,
situées à l'extrémité postérieure, étaient arrondies en deux
lobes charnus et d'un très grand volume.
«Me trouvant, écrit M. Bouyer, en présence d'un de ces
êtres bizarres que l'océan extrait parfois de ses
profondeurs, comme pour porter défi à la science, je
résolus de l'étudier de plus près et de chercher à m'en
emparer».
Aussitôt, il ordonna de stopper. En toute hâte, les
fusils furent chargés, un noeud coulant disposé, les harpons
préparés. Malheureusement une forte houle qui imprimait à
l'Alecton, dès qu'elle le prenait en travers, des roulis
désordonnés, gênait les évolutions, en même temps que
l'animal, presque toujours à fleur de l'eau, se déplaçait avec
une sorte d'intelligence et semblait vouloir éviter le navire;
mais celui-ci le suivait toujours.
Aux premières balles qu'on lui envoya, le monstre
plongea, passa sous le navire et ne tarda pas à reparaître à
l'autre bord, en agitant ses grands bras; on le frappa d'une
dizaine de balles, plusieurs le traversèrent inutilement.
L'une d'elles produisit plus d'effet, car il vomit aussitôt une
grande quantité d'écume et de sang mêlé à des matières
gluantes qui répandirent une forte odeur de musc.
Ce fut alors qu'on parvint à l'accoster d'assez près pour
lui lancer un harpon avec un noeud coulant, mais la corde
glissa le long du corps élastique du mollusque, et ne
s'arrêta que vers l'extrémité à l'endroit des deux nageoires.
On tenta de le hisser à bord; déjà la plus grande partie du
corps se trouvait hors de l'eau, quand l'énorme poids de
cette masse fit pénétrer le noeud coulant dans les chairs et
sépara la partie postérieure qui, amenée à bord, pesait une
vingtaine de kilogrammes.
«Officiers et matelots me demandaient, dit le
commandant de l'Alecton, à faire amener un canot, à aller
garrotter l'animal et à l'amener le long du bord. Ils y
seraient peut-être parvenus, mais je craignais que, dans
cette rencontre corps à corps, le monstre ne lançât ses
longs bras garnis de ventouses sur les bords du canot ne le
fît chavirer et n'étouffât peut-être quelques matelots dans
ses fouets redoutables.
«Je ne crus pas devoir exposer la vie de ces hommes
pour satisfaire à un sentiment de curiosité cette curiosité
eût-elle la science pour base, et, malgré la fièvre ardente
qui accompagne une pareille chasse, je dus abandonner
l'animal mutilé qui, par une sorte d'instinct, semblait fuir
avec soin le navire, plongeait et passait d'un bord à l'autre
quand nous l'abordions de nouveau.
«Cette chasse n'a pas duré moins de trois heures».
M. S. Berthelot rapporte qu'ayant interrogé de vieux
pêcheurs canariens, ceux-ci lui ont déclaré avoir vu
plusieurs fois vers la haute mer de grands calmars
rougeâtres de 2 mètres et plus de long, dont ils n'avaient
pas osé s'emparer.
Cependant malgré les dimensions respectables du
poulpe rencontré par M. Bouyer, la réalité cède ici à la
fable.
«Les pêcheurs norwégiens, raconte Pontoppidan,
évêque de Berghem, affirment tous sans la moindre
contradiction dans leurs récits que lorsqu'ils poussent au
large à plusieurs milles, particulièrement pendant les jours
les plus chauds de l'année, la mer semble tout à coup
diminuer sous leurs barques, et s'ils jettent la sonde, au lieu
de trouver 80 ou 100 brasses de profondeur, il arrive
souvent qu'ils en trouvent à peine 30. C'est le Kraken qui
s'interpose entre les bas-fonds et l'onde supérieure.
Accoutumés à ce phénomène, les pêcheurs disposent leurs
filets, certains que là abonde le poisson, surtout la morue et
la lingue, et ils les retirent richement chargés, mais si la
profondeur de l'eau va toujours diminuant, et si ce basfond
accidentel et mobile remonte, les pêcheurs n'ont pas de
temps à perdre, c'est le serpent qui se réveille, qui se meut,
qui vient respirer l'air et étendre ses larges plis au soleil.
Les pêcheurs font alors force de rames, et quand, à une
distance raisonnable, ils peuvent enfin se reposer avec
sécurité, ils voient en effet le monstre qui couvre un espace
d'un mille et demi de la partie supérieure de son dos. Les
poissons surpris par son ascension sautillent un moment
dans les creux humides formés par les protubérances de
son enveloppe extérieure, puis, de cette masse flottante
sortent des espèces de pointes ou de cornes luisantes qui se
déploient et se dressent, semblables à des mâts armés de
leurs vergues. Ce sont les bras du Kraken, et quels bras!
Telle est leur vigueur, que s'ils saisissaient les cordages
d'un vaisseau de ligne, ils le feraient infailliblement
sombrer. Après être resté quelque temps sur les flots, le
monstre redescend avec la même lenteur et le danger n'est
guère moindre pour le navire qui serait à sa portée, car en
s'affaissant, il déploie un tel volume d'eau qu'il occasionne
des tourbillons et des courants aussi terribles que ceux de
la fameuse rivière Male (le Maëlstrom)».
Ellen nous montre ailleurs le poulpe donnant à son
corps la couleur du rocher sur lequel il repose. Le fait du
changement de couleur est réel; c'est un des traits les plus
curieux de l'histoire de ces animaux. Il a été observé à Nice
avec soin par M. Vérant sur des individus du genre
Elédone. Quand elle dort, l'élédone est d'un gris livide en
dessus, vineux en dessous avec des taches blanches.
Eveillée, mais tranquille, elle est jaunâtre, ses yeux sont
largement ouverts, sa respiration est régulière. Lorsqu'elle
marche elle est d'un gris perlé avec des taches lie de vin.
Lorsqu'elle nage, elle est d'un jaune clair livide avec de
très petits points rougeâtres et des taches claires. Enfin, si
on l'irrite, et rien n'est plus aisé, il suffit de la toucher
même légèrement, elle prend une belle couleur marron, se
couvre de tubercules, contracte les yeux, lance par son
entonnoir une colonne d'eau qui peut jaillir à un mètre de
distance, en même temps sa respiration s'accélère; elle
devient saccadée, irrégulière (Victor Meunier).
Ce poisson que, selon les différents pays ou il apparaît
sur le marché, on appelle poulpe, pieuvre ou calmar, est le
régal des Napolitains. Il se pêche avec une ligne
particulière qui s'appelle la palingolle. C'est un bout de
ficelle auquel pendent de petits morceaux de drap rouge, ce
drap rouge cache des hameçons; on les fait danser devant les
yeux du calmar, qui s'élance après eux et les saisit avec son
bec de perroquet.
Il est probable que le nom calmar leur vient de l'italien
et surtout de la liqueur noire qu'ils ont la faculté de
répandre autour d'eux au moment d'être pris. En Italie on
appelle Calamayo un encrier.
Cet affreux mollusque, si hideux à voir, se mange
cependant, comme nous l'avons dit, et particulièrement à
Naples; on le fait cuire dans l'eau avec une sauce aux
tomates, mais plus souvent encore, on le fait cuire d'abord
et frire ensuite. Nous avons voulu manger nous-même du
calmar pour nous rendre compte de cette chair qui
ressemble énormément à de l'oreille de veau frite.
Diogène le Cynique mourut, dit-on, pour avoir voulu
manger un calmar cru.
Cerise. - Fruit rouge à noyau du cerisier. Ce fruit est
aqueux et acide. Si on le consomme en petite quantité, il
ajoute à l'estomac un complément utile de sucs aqueux, de
sels alcalins et de matières sucrées.
Un poète didactique, l'excellent cuisinier J. Rouyer,
décrit dans les vers suivants les différentes variétés de cet
excellent fruit:
Les gobets de Montmorency
Sont originaires d'Asie;
Ce fruit rouge du cerisier,
Fut importé de Cérisonte
Par Lucullus, gourmand-guerrier,
Lequel (l'histoire le raconte),
Pour la cerise, en sa saison,
Alla combattre Mithridate
Roi, fameux mangeur de poison!...
Oui, de l'antique Rome, date
La cerise dans nos desserts;
Mais, jusqu'à nous, l'arbre-trophée
A vu chaque branche «greffée»,
Se produire en genres divers:
A part la merise sauvage,
Pour le kirschwasser en usage,
Et qui reste aux importateurs.
Nous, de la cerise-aigriotte,
Pour tourte, gelée et compote,
Nous pouvons nous dire inventeurs.
Que rapidement je désigne
Pour ratifia, cassis-liqueur,
Cette espèce noire, la guigne.
Quant à celle en forme de coeur,
(Le bigarreau, dur, indigeste),
Elle recèle un ver... Au reste
On vous la croque à belles dents,
Sans jamais regarder dedans!...
Soupe au cerises. - C'est un entremets sucré, d'un bon
usage. On saute des cerises noires entières avec leurs
noyaux, dans des cubes de mie de pain, préalablement
sautés au beurre. On mouille, on sucre, on arrose de kirsch,
on sert avec le sirop et les croûtes.
Soupe au cerises à l'allemande. - Nous ne citons que
pour mémoire ce détestable plat de cerises écrasées et de
noyaux pilés; le tout férocement épicé, noyé de vin et servi
froid.
Compote de cerises. - Faites cuire vos cerises entières,
la queue à moitié coupée, dans de l'eau sucrée; parfumez de
framboise et servez avec le jus. (V. Compote).
Cerises à l'eau de vie. - Pour cette préparation
universellement connue, écoutons encore les
enseignements lyriques de M. Rouyer:
Gobets, dont la queue est petite,
Et qu'il faut raccourcir encor,
Sont dans l'eau-de-vie un trésor.
En bocal, ranger tout de suite,
Noyé de spiritueux pur,
Le fruit qu'on a choisi peu mûr,
Jusqu'à deux doigts du bord; puis, vite,
Boucher très fortement avec
Liège, parchemin et ficelle;
Placer le bocal en lieu sec...
Après deux mois, qu'on le descelle
Pour la simple opération
D'y verser du sucre en liquide,
Afin de combler tout le vide
Qu'a fait l'évaporation.
Et qu'encor le bocal on bouche
Pour les huit jours d'infusion;
Surtout, qu'aucune main n'y touche
Avant la dégustation!
«Les cerises, dit le célèbre chimiste Payen, se
conservent bien lorsqu'on peut les soumettre à une cuisson et
à une évaporation rapide, en contact avec 25 à 33
centièmes de leur poids de sucre. Les préparations ainsi
obtenues non seulement sont agréables à manger et se
conservent bien, surtout dans les endroits secs, mais encore
elles sont plus nourrissantes et plus salubres en raison du
sucre qu'elles contiennent, car le sucre constitue l'un des
meilleurs aliments réparateurs, et en augmentant la masse
de substance solide, il rend d'autant moindre la proportion
d'acide, à poids égal de substance alimentaire».
Cerneau. - Une chose excellente et tout à fait
inconnue hors de France, c'est les cerneaux; je dis tout à
fait inconnue parce que les cerneaux ne sont bons qu'à
la condition qu'on les fera d'une certaine façon. Un proverbe
de bonne femme dit:
«A la Madeleine, les noix sont pleines,
«A la Saint-Laurent on regarde dedans».
Quelques jours après la Saint-Laurent, c'est-à-dire après
le 10 août, ou même quelques jours auparavant si l'année a
été hâtive, ouvrez les noix; si les cerneaux sont
parfaitement formés, si la liqueur qui doit les fournir est à
l'état de l'amande, c'est le moment de les détacher des noix.
Vous ouvrez les noix, vous les détachez d'un
mouvement circulaire du couteau; vous les laissez tremper
dans un saladier plein d'eau, dans laquelle vous aurez mis
une légère dissolution d'alun en poudre qui conservera à la
chair de vos noix sa blancheur; puis, quand il y en a le
nombre que vous en désirez, vous les lavez en les passant
dans un tamis ou dans une passoire pour que l'eau puisse
s'échapper, puis vous les remettez dans un saladier.
Prenez alors. Ne jetez pas les hauts cris. Prenez alors
une poignée de sel de cuisine, jetez-la sur vos cerneaux,
hachez aussi fines que possible deux échalotes, jetez-les
sur vos cerneaux; pilez dans un petit pilon ou de marbre ou
de fonte une grappe de verjus, quand elle vous aura donné un
demi-verre de liqueur, versez ce demi-verre de liqueur sur
vos cerneaux, retournez-les non pas comme on retourne la
salade, c'est-à-dire avec une cuiller et une fourchette mais
par un simple mouvement du plat qui fait venir ceux qui
sont dessus, dessous, et qui fait passer ceux qui sont
dessous, dessus; prenez vos cerneaux un à un, trempez-les
dans leur jus, sucez d'abord, épluchez et mangez.
Je n'ai rencontré dans aucun pays du monde qu'à Paris,
et encore rarement, des cerneaux assaisonnés de cette
façon.
Cervelas. - Espèce de boudin ou saucisson gros et
court, fait avec de la chair de cochon hachée, assaisonnée de
sel, poivre et une pointe de rocambole. Le cervelas de
cochon a, du reste, toutes les mauvaises qualités de la chair
de cet animal, et la façon dont on l'apprête le rend encore
plus indigeste. On en fait aussi avec de la chair de poisson;
ceux-là sont moins indigestes, mais les épices entrant pour
beaucoup dans leur composition, ils ne sauraient être un
aliment salutaire, surtout si l'on en fait un fréquent usage.
Cervelas à la ménagère. - Dépouillez de ses nerfs et de
ses membranes de la chair de cochon, hachez-la en y
mêlant une quantité égale de lard, ajoutez-y persil,
ciboules, thym et basilic pilés, sel et fines épices; mêlez le
tout ensemble et formez-en des petites masses ovales que
vous enveloppez avec de la crépine après les avoir aplaties et
ficelées par les deux bouts.
Les saucisses rondes se préparent de la même manière,
avec cette différence qu'on les entonne dans des intestins de
volaille bien nettoyés, au lieu de les envelopper avec de la
crépine.
Pendez vos cervelas à la cheminée pour les faire fumer
pendant trois jours, faites-les cuire ensuite dans le bouillon
pendant trois heures avec sel, une gousse d'ail, du thym, du
laurier, du basilic et un bouquet de persil et ciboules,
laissez-les refroidir et servez au besoin.
Cervelas de Milan. - 3 kilogrammes de chair de porc
maigre, 500 grammes de bon lard, 120 grammes de sel, 30
grammes de poivre, hachez le tout, mêlez- le bien
ensemble, ajoutez-y un litre de vin blanc et 500 grammes de
sang de porc avec 15 grammes de cannelle et girofle pilés
et mêlés, et des morceaux en manière de gros lardons que
l'on fait de la tête de porc qu'il faut saupoudrer de ces épices
et larder dans les cervelas en les finissant; faites cuire et
servez.
Gros cervelas appelé saucisson de Lyon. - Que la
chair du cochon soit maigre et courte; ajoutez moitié de
filet de boeuf et autant de lard; hachez le cochon et le filet et
pilez-les, coupez le lard en dés et mêlez-le de manière qu'il
soit réparti également, assaisonnez avec sel, poivre fin,
poivre concassé moyen et gros poivre entier, nitre, ail et
échalotes, pétrissez le tout et laissez reposer pendant vingtquatre
heures, prenez ensuite de gros boyaux lavés à
plusieurs eaux; emplissez-les du mélange ci-dessus,
fermez-les et ficelez-les; mettez-les dans un saloir avec sel et
salpêtre pendant huit jours; faites-les sécher à la cheminée.
Quand ils sont devenus blancs, c'est-à-dire qu'ils sont assez
secs, vous resserrez les ficelles et vous les barbouillez d'une
composition de sauge, de thym et de laurier que vous avez
fait bouillir avec de la lie de vin. Secs, on les enveloppe de
papier et on les conserve dans la cendre.
Cervelas à trancher et pour garnir. - Hachez de la
chair de cochon bien tendre et entrelardée avec du persil et
un peu d'ail, assaisonnez de sel et épices mêlés; emplissez
de ce mélange des intestins de grosseur convenable, faites
cuire pendant deux ou trois heures et conservez au sec.
Cervelas mortadelles dits saucisson de Bologne. -
Hachez de la chair de porc grasse et maigre, ajoutez du sel,
du poivre entier, autant de vin blanc et de sang qu'il est
nécessaire pour lier la pâte, mêlez le tout ensemble,
pétrissez-le, remplissez-en des boyaux en serrant
fortement, faites les cervelas de la longueur que vous
voulez, nouez- les aux deux bouts, faites-les sécher à l'air
ou à la fumée.
Cervelas maigres à la bénédictine. - Hachez anguilles
et carpes avec beurre frais, persil, ciboules hachées,
échalotes, ail, sel, épices fines, oeufs; prenez des boyaux
de poisson bien nettoyés, emplissez-les de votre farce,
faites-les fumer à la cheminée pendant trois jours, et
mettez-les cuire dans du vin blanc avec oignons et racines
aromatiques.
Cervelas de plusieurs façons. - On procède comme cidessus,
on ajoute de plus des truffes, des pistaches, des
échalotes hachées ou des oignons; on les passe sur un feu
un peu ardent, on les incorpore dans leur enveloppe et on
procède comme pour les autres.
Champignon. - Nom générique d'un grand nombre de
plantes spongieuses, cryptogames, en chapiteau, sans
branches ni feuilles. Les champignons croissent dans les
lieux humides; il y en a beaucoup de vénéneux; les bons
sont eux -mêmes capables d'intoxiquer légèrement les
personnes qui, comme l'empereur Claude ou le Trimalcion de
Pétrone, seraient tentés d'en faire abus.
Champignons à la bordelaise. - Prenez les plus gros
cèpes que vous pourrez, préférez les plus secs, les plus
épais et les plus fermes, surtout qu'ils ne soient pas vieux
cueillis; lavez-les, égouttez-les, ciselez légèrement le
dessous en losange, mettez-les dans un plat de terre,
arrosez-les d'huile fine, saupoudrez-les d'un peu de sel et
de gros poivre, laissez mariner deux heures, faites-les
griller d'un côté. Leur cuisson achevée, ce dont vous
jugerez facilement s'ils sont flexibles sous les doigts,
dressez-les sur votre plat à servir, saucez-les avec la sauce
suivante:
Mettez dans une casserole de l'huile en suffisante
quantité pour saucer vos champignons, hachez très fin dans
votre huile du persil, de la ciboule, une pointe d'ail; faites
chauffer le tout, saucez-en vos champignons, pressez le jus
de deux citrons ou arrosez-les de verjus, ce qui vaudrait
mieux.
Champignons à la bordelaise sous la tourtière. -
Préparez ces champignons comme les précédents, laissezles
mariner une heure ou deux dans de l'huile fine, du sel, du
poivre et un peu d'ail; hachez les queues et les parures de
vos champignons, pressez-les dans un linge pour en ôter
l'eau, mettez-les dans une casserole avec de l'huile, du sel, du
gros poivre, du persil, de la ciboule hachée et une pointe
d'ail. Passez ces fines herbes un instant sur le feu, posez
vos champignons sens dessus dessous sur la tourtière,
mettez dans chaque une portion de ces fines herbes,
faites cuire vos champignons ainsi préparés dans un four ou
sous un four de campagne, avec feu dessus, feu dessous.
Leur cuisson faite, dressez-les sur le plat, saucez- les avec
l'assaisonnement dans lequel ils ont cuit, exprimez dessus
le jus d'un citron, arrosez-les d'un filet de verjus et servez.
Champignons à la tourtière. - Comme ceux à la
bordelaise, posez-les sur votre tourtière, assaisonnez-les
d'un peu de sel et de gros poivre, passez vos fines herbes
dans du beurre, au lieu d'huile, garnissez-en vos
champignons, faites-les cuire, soit au four, soit sous un
four de campagne; leur cuisson faite, dressez-les sur votre
plat, arrosez-les de l'assaisonnement dans lequel ils ont
cuit, exprimez dessus le jus d'un citron et servez.
Croûtes aux champignons. - Tournez, faites cuire,
mettez dans une casserole avec un morceau de beurre un
bouquet de persil et des ciboules, posez votre casserole sur un
fourneau, sautez, singez d'une pincée de farine, mouillez
au consommé-bouillon, faites partir, laissez mijoter,
assaisonnez de sel, de gros poivre et d'un peu de muscade
râpée, prenez de la croûte d'un pain râpé, beurrez, mettez
sur un gril, sur une cendre rouge, laissez sécher ainsi, liez
les champignons avec des jaunes d'oeufs délayés dans de la
crème, versez un peu de sauce dans le creux de votre
croûte, dressez et servez.
Croûtes au morilles. - Epluchez, fendez, lavez, faites
blanchir, égouttez, mettez à la casserole vos morilles avec
beurre, persil, ciboules, passez-les sur le feu, sautez,
farinez, mouillez avec consommé, faites cuire, réduisez,
supprimez le bouquet, liez avec jaunes d'oeufs délayés,
sucrez et servez avec garniture de truffes noires ( V.
CEPES).
Avis. - J'avoue que rien ne m'effraye plus que
l'apparition de champignons sur une table, surtout lorsque
je me trouve par hasard dans une petite ville de province.
Je vois cet entrefilet dans un journal:
«Hier M. X., sa femme et sa fille aînée ayant été
se promener dans la forêt de...., en ont rapporté un plat de
champignons qu'ils ont mangé à leur dîner; ce matin le
mari et la femme étaient morts empoisonnés, et l'on
désespérait de leur fille».
Le grand malheur de l'empoisonnement par les
champignons, c'est que, quand les premiers symptômes
d'intoxication se font sentir, il est déjà trop tard, l'aliment
vénéneux étant déjà à moitié digéré.
Il n'existe donc pas, à proprement parler, de contrepoison
pour les champignons vénéneux; on commencera
par administrer un vomitif, puis, si le vomitif n'agit pas
suffisamment, on donnera un purgatif doux: 30 grammes
d'huile de ricin, 60 grammes de manne, des lavements avec
de la casse, 60 grammes, sulfate de soude et de magnésie,
15 grammes; on donnera en outre quelques cuillerées
d'une potion éthérée avec de l'eau de fleur d'oranger;
pendant ce temps le médecin arrivera et appréciera la
situation.
Chapelure. - Croûte de pain râpée qui se vend chez
tous les épiciers, et qui, unie à de fines herbes, à du sel et à
de la muscade, sert à couvrir les côtelettes, les jambons, etc.
Chapon. - Nous avons déjà dit dans notre préface que
c'était les habitants de l'île de Cos qui avaient appris aux
Romains l'art d'engraisser les volailles. Dans les lieux clos et
sombres la profusion qui s'en faisait à Rome obligea le
consul Caïus Fanius à rendre une loi qui défendait d'élever
les poules dans les rues. Que firent alors les Romains pour
éluder la loi? Ils apprirent à châtrer des coqs qu'ils
élevèrent comme des poules. Ainsi nous devons
l'introduction des chapons sur les tables modernes à la
défense faite aux Romains de manger des poulardes.
Chapon au gros sel. - Ayez un chapon, videz,
flambez, épluchez, troussez les pattes en dedans, bridez,
bardez et faites-le cuire dans le consommé; égouttez,
dressez, salez, saucez au jus de boeuf réduit et servez.
Chapon au riz. - Préparez comme ci-dessus; faites
blanchir environ 375 grammes de riz, égouttez-le, mettez
dans la marmite, mouillez le tout avec deux cuillerées à pot
de consommé, faites partir et couvrez, laissez mijoter sur la
paillasse, ayez soin de remuer de temps en temps votre riz.
La cuisson faite, dressez, dégraissez votre riz, finissez
d'assaisonner avec beurre, sel, gros poivre, un peu de
réduction, si vous en avez, et masquez-en votre chapon.
Chapon aux truffes. - Préparez comme ci-dessus;
videz par la poche, épluchez environ un kilogramme de
bonnes truffes, hachez-en quelques-unes, coupez par dés et
pilez environ 500 grammes de lard gras, mettez-le dans une
casserole avec vos truffes, du sel, du poivre, un peu de
muscade râpée et des fines épices, faites mijoter environ
une demi-heure, laissez refroidir, remplissez-en votre
chapon jusqu'à la poche, et cousez-la, bridez-le, les pattes
en long, conservez- le, et si vous pouvez attendre deux ou
trois jours, bardez-le, embrochez-le après l'avoir enveloppé
d'un papier, faites-le cuire à peu près une heure et demie,
déballez-le si vous l'employez pour relevé, supprimez la
barde, servez- le à la peau de goret et mettez dessous une
sauce aux truffes (V. TRUFFES). Cette recette est honorée de
l'approbation de l'excellent Villemot.
Chapon à l'indienne ou en pilau. - Après avoir troussé
un chapon les pattes en dedans, vous le bridez; mouillez
une casserole avec du bon consommé, couvrez-la d'une
barde de lard et mettez-y votre chapon, joignez-y 250
grammes de riz bien lavé quand vous verrez votre chapon
aux trois quarts cuit; retirez-le ensuite, quand vous verrez
que le grain de votre riz ne se délayera pas; égouttez votre
chapon, dressez-le sur un plat, mettez autour votre riz,
safrané et pimenté.
Chapon poêlé à la cavalière. - Videz, parez, bridez un
chapon, mettez-le au feu avec bouillon, oignons, carottes,
céleri et bouquet d'herbes; laissez cuire une heure, égouttez
et servez dans une purée d'écrevisses, ou purée de tomates
aux anchois, ou sauce Robert à la moutarde, ou crème à la
Béchamel aux huîtres, ou sauté de champignon, etc.
Cari de chapon à l'indienne. - Dépecez un ou
plusieurs jeunes chapons, faites-les dégorger vingt
minutes, épongez-les bien dans un linge, assaisonnez-les,
hachez quelques oignons bien fin, beurrez grassement
votre casserole; couchez vos chapons les membres en
dedans, ajoutez un bouquet garni, faites suer quinze
minutes, jusqu'à réduction complète d'humidité, en ayant
soin toutefois de ne pas laisser prendre trop de couleur à
votre volaille; ajoutez ensuite les oignons hachés que vous
avez préparés, faites passer le tout à feu doux sans obtenir
couleur, égouttez-les de leur graisse, ajoutez quelques
cuillerées de sauce suprême ou velouté de volaille; à défaut
de cette sauce, vous pouvez en faire une de la façon suivante:
lorsque votre chapon et vos oignons seront à revenir,
ajoutez dans la casserole quelques cuillerées de farine et du
bon bouillon sans que votre sauce soit trop consistante.
Laissez cuire le tout pendant vingt minutes ou plus suivant la
tendreté de votre volaille; quand la cuisson sera parfaite,
faites dissoudre dans un vase quelconque deux ou trois
cuillerées de poudre de cari à l'indienne, soit avec du
consommé froid, soit avec de l'eau, versez cette dissolution
dans votre fricassée et laissez cuire encore un moment afin
qu'elle s'imprègne dans toutes les parties de votre chapon et
retirez vos membres; passez la cuisson à travers une
étamine, faites réduire jusqu'à consistance d'une bonne
allemande, ajoutez-y un bon morceau de beurre fin, afin
d'en corriger l'âcreté et passez après avoir goûté si c'est de
bon goût, relevez bien le tout, et dressez dans un grand plat
d'entrée.
Pendant ces préparations, faites cuire à l'eau de sel
seulement 500 grammes de riz de la Caroline, à grande eau
surtout; faites-le bouillir pendant 12 ou 15 minutes sans
discontinuer, égouttez-le, mettez dans un plat un fort
morceau de beurre fin, faites sauter votre riz et mettez-le
sécher à l'étuve ou au four à température modérée, de façon
à le bien faire égoutter de toutes les eaux que le riz contient
et à le faire gonfler. Il doit après ces opérations se détacher
grain par grain, et vous le servez avec votre cari dans un
autre vase. Vous pouvez aussi , si cela vous plaît, passer
votre riz au beurre noisette. (Recette de M. Verdier, Maison
d'or).
Charbonnées. - On donne ce nom aux morceaux d'un
petit aloyau tiré des fausses côtes tendres; on les fait cuire
sur le gril après les avoir saupoudrées de chapelure et
trempées dans une marinade, vous les faites cuire à la
braise en les dressant sur une purée de haricots rouges au
vin de Bourgogne ou un ragoût des quatre racines au jus.
Vous pouvez aussi les servir à la maître d'hôtel.
On donne aussi le nom de charbonnées à des tranches
maigres de veau, de porc et de venaison.
Charcuterie. - L'art de préparer la chair de porc. On
fait à la charcuterie les honneurs d'une foire, que l'on
appelle Foire aux jambons et qui a lieu à Paris dans la
semaine sainte; son nom lui vient de ceux qui l'exercent et
qu'on appela chaircuitier (cuiseur de chair) et depuis
charcutier. Les produits qu'ils tirent du cochon, cet animal
immonde, dont depuis les pieds jusqu'à la tête tout est
bon, sont immenses: jambon, saucisson, saucisses, pieds,
hure, hachis, oreille, langue, couenne, fromage de cochon,
fromage d'Italie, lard, boudin, petit salé, côtelettes, etc.
La vente du porc n'est exclusive aux charcutiers que
depuis 1475, où ils se réunirent en communauté; par leurs
statuts, que confirma un édit du roi, la vente du porc cuit
leur fut attribuée, mais cette vente devait cesser pendant le
carême, et alors ils pouvaient la remplacer par celle du
hareng salé et du poisson de mer; aujourd'hui on trouve
chez la plupart des charcutiers un grand nombre de mets
froids dont la base est le veau, la volaille et le gibier et
dans lesquels la chair de porc n'entre que comme
accessoire.
Comme la charcuterie ne se fait qu'avec du cochon,
nous indiquerons à cet article les différentes manières de le
préparer et de le servir.
Charlotte. - Plat d'entremets à la crème et aux fruits.
Charlotte de pommes aux confitures. - Coupez des
pommes en morceaux après les avoir pelées et en avoir
retranché les coeurs, faites-en une marmelade, après avoir
ajouté du sucre à peu près le tiers des pommes un peu de
cannelle en poudre et la moitié d’un zeste de citron, laissez
réduire cette marmelade.
Coupez des tranches de pain le plus mince possible,
les unes en carré long, les autres en triangle, trempez-les
dans le beurre tiède, couvrez le fond d'une casserole
beurrée avec les triangles et revêtissez les bords de ladite
casserole avec les carrés longs, jusqu'à la hauteur à laquelle
vous voulez la remplir et mettez au milieu de cette
marmelade une forte cuillerée de groseille framboisée ou de
confiture d'abricots.
La casserole préparée, vous y mettez de la marmelade
de pommes, bien unie par-dessus et panée avec de la mie de
pain trempée dans du beurre; la casserole mise sur des
cendres rouges, vous couvrez avec un four de campagne un
peu chaud ou un couvercle sur lequel vous mettez du feu et
laissez prendre une belle couleur.
Charlotte de poires à la vanille. - Pelez des poires de
Messire Jean, ôtez les coeurs, coupez- les en morceaux, et
les mettez avec un verre d'eau dans une casserole que vous
couvrez, faites-les cuire jusqu'à amollissement, écrasez,
tamisez, ajoutez du sucre, une gousse de vanille pilée sous
marbre et faites cuire.
Charlotte de poires à la Condé. - Comme ci-dessus,
en y ajoutant vingt-quatre petits citrons chinois. (Façon de
Provence).
Charlotte d'abricots. - Prenez vingt-quatre abricots de
plein vent un peu rouges et pas trop mûrs; vous coupez
chacun d'eux en huit quartiers après avoir ôté la pelure,
sautez- les ensuite dans une casserole avec 120 grammes de
sucre fin et 60 grammes de beurre tiède pendant dix
minutes à petit feu; foncez la Charlotte comme celle aux
pommes d'api, versez-y les abricots bouillants, recouvrez la
Charlotte et faites-la cuire jusqu'à coloration blonde, puis
glacez de marmelade d'abricots et servez.
Charlotte de pêches. - Vous opérez comme ci-dessus
après avoir coupé vingt pêches de vigne un peu fermes,
que vous faites blanchir dans un sirop; quand elles sont
égouttées, vous coupez chaque moitié en trois quartiers
d'égale grosseur et vous les sautez dans la casserole avec
120 grammes de sucre en poudre et 60 grammes de beurre
tiède. Vous versez cette marmelade dans la charlotte que
vous avez foncée comme la précédente, vous la dressez sur
le plat en la masquant dessus et autour avec le sirop qui
vous a servi à cuire le fruit et vous servez.
Procédez de même pour les charlottes de prune de reineclaude
et de mirabelle.
Charlotte de pommes d'api. - Epluchez quatre-vingts
pommes d'api, coupez-les par petits quartiers minces,
sautez-les dans une grande casserole avec 120 grammes de
sucre en poudre et autant de beurre tiède, ajoutez le zeste
d'une orange ou d'une bigarade jaune. Placez ensuite les
pommes couvertes sur un feu modéré et sautez-les de
temps en temps, afin de les cuire bien également et le plus
entières possible. Mêlez un pot de belles cerises égouttées de
leur sirop. Pendant qu'elles cuisent, vous coupez la mie d'un
pain mollet de 1 kilo avec un coupe- racine de 18
millimètres de diamètre; trempez ces colonnes de mie dans
du beurre tiède et garnissez-en le fond et le tour de votre
moule. Versez les pommes dans la charlotte, couvrez-les de
mie de pain trempée dans du beurre, et un peu avant de la
servir, mettez-la au four gai ou sur des cendres rouges et
entourez-la de braises ardentes. Après une demi-heure de
cuisson, vous observez la charlotte, si elle est colorée bien
blonde, vous la renversez sur un plat sinon, vous
renouvelez le feu jusqu'à ce qu'elle soit cuite, enlevez alors
le moule, masquez légèrement la charlotte avec un doroir
imbibé de marmelade d'abricots, de gelée de pommes ou
de groseilles rouges et donnez-lui une physionomie
brillante.
On glace le moule avec du sucre en poudre avant de s'en
servir; mais il est préférable de le beurrer, parce que le
sucre est susceptible de donner en cuisant une couleur
trop foncée à la charlotte. (Recette de M. de Courchamps).
Charlotte russe au café. - Foncez un moule
d'entremets uni avec des biscuits à la cuiller, faites infuser
100 grammes d'excellent café dans un litre de lait et
laissez cette infusion une heure dans un endroit chaud.
Mettez 8 jaunes d'oeufs et 3 hectogrammes de sucre en
poudre dans une casserole; mettez 25 gr. de grenetine
tremper dans l'eau froide, passez la crème sur les oeufs et le
sucre, mêlez parfaitement et faites lier sur le feu. Lorsque
votre crème est liée, égouttez la grenetine, mettez-la dans le
moule et remuez jusqu'à ce qu'elle soit dissoute, passez
ensuite au tamis et faites prendre sur la glace. Ajoutez 15
décilitres de crème fouettée ferme, emplissez votre moule,
et couvrez la charlotte d'un plafond glacé, laissez une heure
dans la glace et servez.
Charlotte russe aux amandes grillées. - Hachez des
amandes, faites fondre du sucre en poudre, mêlez vos
amandes au sucre et pralinez-les au feu. Mettez-les sur un
couvercle et laissez refroidir; pilez-les ensuite, passez-les
dans un tamis fin pour en ôter la crème, mêlez-les dans
une casserole avec des jaunes d'oeufs et du sucre finissez et
servez comme ci-dessus.
Charlotte froide à la Brunoy. - Emincez des biscuits
et garnissez-en un moule uni en faisant dans l'intérieur
plusieurs compartiments, remplissez de confitures diverses,
couvrez votre charlotte avec du biscuit, renversez-la sur un
plat et servez.
Charlotte à la crème, dite à la russe ou à la Richelieu.
- Arrangez des biscuits à la cuiller au fond et autour d'un
moule que vous remplissez de la composition suivante:
délayez des jaunes d’oeufs avec de la crème, mettez-y
infuser deux pincées de fleur d'oranger pralinée, joignez-y
125 grammes d'amandes douces et 4 amères que vous aurez
bien pilées; jetez cette composition dans la crème
bouillante, mettez-y du sucre en poudre, posez le tout sur
un feu très doux et remuez jusqu'à ce que vous la voyiez
s'épaissir, mais qu'elle ne bouille pas, cela ferait tourner les
oeufs, passez-la ensuite dans une étamine ou un tamis de
soie, laissez-la refroidir, mettez-la dans une sarbotière,
faites-la glacer en y adjoignant un fromage fouetté à la
Chantilly et quelques filets très déliés d'écorces de cédrat
confis et d'angélique.
Charlotte aux macarons d'avelines. - Préparez
d'abord la crème aux macarons (V. MACARON), faites-la
prendre, et quand vous la voyez commencer à se lier et
devenir coulante, vous y amalgamez une assiettée de crème
fouettée; vous couvrez le fond d'un moule uni avec des
macarons aux avelines, vous en placez d'autres le long du
moule et vous remplissez les vides avec des fragment de
macarons. Versez de la crème dans la charlotte pour
contenir les macarons du tour, placez-en d'autres dessus
remettez de la crème et, votre charlotte bien garnie, vous la
glacez et la servez au bout d'une heure.
Charlotte aux gaufres de pistache. - Coupez des
gaufres aux pistaches de la hauteur de votre moule en leur
donnant cinq centimètres et demi de largeur roulez-les en
petites colonnes, garnissez-en le tour du moule en les
plaçant droites. Masquez le fond de votre moule avec des
gaufres coupées en carrés, allongées et pliées en cornets de
façon à foncer la charlotte partout, garnissez-la ensuite de
crème fouettée à la liqueur, placez à la glace pendant une
heure, renversez et servez.
Chartreuse. - M. Carême a décidé que la grandechartreuse
était la reine des entrées modernes; mais nous
allons laisser parler cet illustre professeur, attendu que
nous n'avons pas, à beaucoup près, autant d'éloquence que
lui.
«La grande-chartreuse ne doit contenir, comme on sait,
que des légumes et des racines, mais elle ne saurait être
parfaite que dans les mois de mai, juin, juillet et août,
saison riante et propice, où tout se renouvelle dans la
nature et semble nous inviter à apporter de nouveaux soins
dans nos opérations, par rapport à la tendreté de ces
excellentes productions. Les détails minutieux de la
Chartreuse sont à peu près les mêmes que pour les pâtés
chauds de légumes, c'est pourquoi je passerai rapidement
sur la description de cette entrée».
Chartreuse à la parisienne, en surprise. - Faites cuire
huit belles truffes bien rondes dans du vin de Champagne ou
sous la cendre; quand elles sont froides, vous les
épluchez, les coupez dans leur plus grande longueur; parez
ensuite légèrement une centaine de queues d'écrevisses
dont vous formez une couronne au fond d'un moule beurré;
vous placez vos colonnes de truffes parées sur vos queues
d'écrevisses, de façon qu'elles forment une espèce de
bordure grecque ou méandre, vous y joignez des filets
mignons de poulets que vous avez fait roidir dans le beurre
et proprement parés, et pour faire pendant à la couronne de
queues d'écrevisses qui se trouve sur le fond, vous placez
sur le haut de votre chartreuse une autre couronne de
queues d'écrevisses, de façon qu'elle s'en trouve entourée,
ce qui est d'un effet charmant.
Hachez ensuite les parures de vos truffes, masquez-en
une première fois le fond du moule, puis masquez-le de
nouveau avec soin de quenelle de volaille un peu ferme à la
hauteur d'un centimètre et demi, vous masquez aussi de la
même façon votre bordure grecque. Votre moule étant ainsi
garni partout, vous mettez au milieu une blanquette de ris
d'agneau ou un ragoût à la financière ou à la Toulouse,
mais en ayant soin d'y mettre ces ragoûts à froid et de ne
remplir le moule qu'à 13 millimètres du bord; mettez
ensuite un morceau de papier beurré de la grandeur de votre
moule afin de le couvrir, une couche de farce d'environ 13
millimètres d'épaisseur et placez ce couvercle sur la garniture
qui se trouve contenue par ce moyen; dégraissez et ôtez
ensuite ce papier au moyen d'un couvercle de casserole
chaud que vous mettez dessus pour en faire fondre le beurre
afin d'en détacher la farce, que vous liez avec la pointe
d'un couteau à celle du tour de votre moule.
La chartreuse ainsi faite, vous couvrez le dessus d'un
rond de papier beurré, puis vous la mettez pendant une
heure au bain-marie; prête à servir, vous l'ôtez du moule.
Vous la dressez sur un plat en la masquant d'une couronne de
petits champignons bien blancs entourant une rosace
préparée d'avance avec huit filets mignons à la Conti en
forme de croissant; placez au milieu de votre croissant un
beau et gros champignon; glacez-la, si vous voulez, et
servez.
Cette entrée est d'un très bel effet, et d'après Carême, ce
qu'il a composé de mieux en fait d'entrée de farce.
Chartreuse de pommes. - Ayez une vingtaine de belles
pommes de reinette, pelez-les, servez-vous d'un videpomme
un peu moins gros que le petit doigt pour en
enlever les chairs tout autour du coeur, comme vous feriez
pour extraire le coeur de la pomme; garnissez votre moule de
ces petits montants de pommes, et faites une marmelade
avec le reste des chairs; faites en sorte que vos montants
soient tous d'égale grandeur, faites infuser une pincée de
safran en la mettant dans un verre d'eau bouillante, faitesen
une teinture, sucrez-la, mettez-y un tiers de vos
montants, retirez-les, égouttez-les. Vous faites la même
opération avec le second tiers de vos montants, dans un
peu de cochenille, et vous faites jeter un bouillon à votre
troisième tiers dans du sirop de sucre blanc. Prenez ensuite
de l'angélique en quantité égale à l'un des tiers de vos
montants; garnissez votre moule de papier blanc et faites
au fond le dessin que vous voudrez avec vos montants
verts, jaunes, rouges et blancs, coupez en liards ou
autrement, et en les entremêlant, garnissez-en aussi le tour;
remplissez votre moule de marmelade et faites cuire; au
moment de servir, renversez votre chartreuse sur un plat,
ôtez le papier et servez.
Vous pouvez aussi faire votre chartreuse toute blanche
en trempant vos petits montants dans de l'eau mêlée avec le
jus d'un citron. (D'après Carême).
Chasselas. - Raisin blanc fort estimé, surtout celui de
Fontainebleau. Il y en a aussi du rouge, mais il est plus
rare.
Chasseur. - Homme aimable, jovial, bien portant,
mangeant bien, buvant encore mieux, se couchant de
bonne heure, se levant matin, dormant toute la nuit. En
général les dames n'aiment pas les chasseurs. Tel est le
portrait que trace des chasseurs, dans son livre du Chien
d'arrêt, Elzéar Blaze, l'un des plus grands chasseurs devant
Dieu qui aient existé depuis Nemrod.
Ce n'est pas sous ce rapport que j'examinerai le
chasseur.
Vous voyez de loin dans la plaine un homme armé
d'un fusil et accompagné d'un chien; s'il vous évite, c'est
qu'il n'a pas de port d'arme, pas la permission de chasser
sur le terroir où il se trouve ou pas de gibier dans sa
carnassière.
Il y a chasseur et braconnier.
Chasseur qui chasse pour le plaisir et la gourmandise.
Je me rappelle dans mes premières chasses avoir
chassé souvent avec un fermier nommé Moquet. Quand il
manquait une perdrix, il était rare qu'on ne l'entendît pas
s'écrier:
«Sapristi! elle aurait été si bonne aux choux!»
Et quand c'était un lièvre:
«Sapristi! il eût été si bon aux petits oignons!»
A ce chasseur, qui chasse pour le plaisir et par
gastronomie, nous allons donner quelques conseils, non pas
sur la manière de tenir son fusil, de mettre en joue, de
diriger son chien, de marcher à contrevent, de chanter un
petit air si on aperçoit un lièvre au gîte, mais sur la
manière de placer le gibier tué dans sa carnassière.
La carnassière, le chasseur le sait, a deux séparations,
l'une en cuir, l'autre en filet, celle en cuir est destinée à
mettre dans les petites poches qui y sont pratiquées le port
d'arme, la permission de chasse, les capsules et les lièvres,
mais les lièvres seulement, pas d'autre gibier.
Si la carnassière du chasseur déborde, qu'il attache
tout le menu gibier, cailles, cailletots, perdreaux,
faisandeaux à l'extérieur avec des ficelles passées dans les
mailles; qu'il réserve le filet pour les perdrix, les faisans et
les gros oiseaux qui ne craignent pas d'être froissés les uns
par les autres; s'il fait très chaud, qu'il ne mette jamais le
lièvre dans le compartiment de cuir sans l'avoir fait pisser.
Qu'il ne mette jamais la perdrix ou le perdreau dans le
compartiment de filet sans lui avoir, à l'aide d'une petite
branche, ôté le gros intestin.
Tout chasseur qui ne sait pas comment cette opération
se pratique, se la fera apprendre par un chasseur mieux
renseigné.
Recommandation suprême: qu'il ne tire jamais une
caille plus près que vingt ou vingt-cinq pas, la chair de la
caille essentiellement délicate, déchiquetée par le coup de
fusil, s'il fait chaud, n'arrivera pas mangeable à la maison;
mieux vaut manquer une caille, que l'on retrouvera plus
tard, que de la rendre impossible à manger.
Les Italiens, sous ce rapport, sont mieux outillés que
nous. Ils ont des carnassières dont le filet, bombé en osier,
laisse passer l'air et ne presse pas le gibier; le chasseur n'y
perd rien comme amour-propre. Les mailles d'osier laissent
voir le poil et la plume aussi bien que les mailles de fil.
Châtaigne. - Fruit du châtaignier, arbre de la famille
des hêtres, la châtaigne s'allie très bien à toutes les viandes
et peut être employée comme garniture de viandes cuites à la
braise. On en introduit aussi dans toutes les farces, mais
dans la saison seulement, car elles se conservent
difficilement jusqu'à la fin de l'hiver; cependant on peut les
conserver indéfiniment après les avoir fait sécher à l'étuve,
comme cela se pratique depuis longtemps dans les
provinces et plus particulièrement dans le Limousin où les
châtaignes sont une partie considérable de la nourriture.
On en fait même du pain dans les endroits où le blé est
très rare, mais ce pain est toujours de mauvaise qualité,
pesant et difficile à digérer.
Châtaignes à l'eau ou à la ménagère. - Mettez dans
une casserole avec de l'eau, du sel et un pied de céleri, la
quantité de châtaignes que vous voulez faire cuire, laissezles
le temps voulu et vous aurez des châtaignes excellentes
et de fort bon goût.
Chaudfroid de poulets, de perdreaux ou de bécasses en
pain de munition. - Poulets tendres découpés, sautés au
beurre, saupoudrés de farine, mouillés avec de l'eau
chaude. Assaisonner de sel, poivre, champignons, petits
oignons blancs, bouquet de persil. Faire cuire rapidement en
agitant la casserole. Lier ensuite avec deux ou trois
jaunes d'oeufs et un jus de citron. Oter le bouquet de persil,
et mettre la fricassée dans un pain rond préalablement vidé
de sa mie, par une très petite ouverture. Refermer le pain.
Laisser bien refroidir avant que d'emballer le chaufroid,
afin que le pain reste croustillant. Rompre au moment du
service cette sorte de tourte par parts (J. Rouyer).
Cheval. - Manger du cheval est une locution
proverbiale qui veut dire manger une viande
hyperboliquement dure: la viande du cheval est en effet
plus serrée que celle du boeuf. Elle est rouge, huileuse.
Bien que très azotée, par conséquent très nourrissante, il
est fort douteux qu'elle entre jamais dans la consommation
journalière. M. de Saint-Hilaire a tenté vainement jusqu'ici,
par ses agapes de cheval, d'installer définitivement cet
animal dans les boucheries parisiennes; il est probable que le
noble animal que l'homme associe à sa gloire militaire ne
lui servira d'aliments que dans les circonstances
exceptionnelles de blocus et de famine. Tant que le cheval ne
sera point élevé, nourri, engraissé comme le boeuf, en vue
uniquement de la consommation, il ne devra figurer sur la
table que dans des temps difficiles. Alors, seulement alors,
identifiez le cheval au boeuf et préparez-le comme vous
voudrez ou comme vous pourrez.
Chevreau. - A trois ou quatre mois, le chevreau est
totalement exempt de saveur bouquetine et d'odeur
capriacée.
Le chevriot des roys est ainsi décrit par Jean Leclercq:
«Estant despouillé, vuidé, nestoyé emundé trez bien, je
le faits rostir tout entier, en l'arrousant d'un bon graissage et
de vin d'épices; et du sel à deux foix par dessus, quand je le
mets à l'astre et le sors de broche. Emmi la saulce au
chevriot, ne fault obmettre ou ménaiger les herbes fort en
goust, comme le vin vieulx d'Espaigne, le fin miel et bons
onguants d'oultre-mer, avec cassepèire aisgre et moustarde à
la royalle. Aussi chasqu'un m'en huschoit-il et le roy le
premier, quand me voyait en la grand'cour: "Hola doncq,
hé! maistre Jehan, maistre queux, tu nous veulx doncq
empifrer de bombanse et faire cresver, avecq tes daulphins
chevriers d'Epiphanie, tu nous sauspique et nous ards tout
vifs, mon brave homme!''Et nous de rire à ces joyeusetés,
comme en disoit touts jours à ceulx du Louvre, icelluy bon
prince et grand roy Françoys que Dieu l'absolve et
recueille en sa gloire céleste!»
Malgré la difficulté qu'il y aurait d'accommoder un
chevreau comme l'indique Jean Leclercq, il est resté
quelque chose de sa recette, puisqu'au jour des Rois, selon la
tradition, on assaisonne encore aujourd'hui, dans certaines
provinces, le chevreau avec de la sauge et du vin blanc sucré,
auxquels on ajoute des quatre épices.
Chevrette. - Femelle du chevreuil.
On appelle aussi de ce nom une espèce de crevette,
moins recherchée cependant que la crevette (V.
CREVETTES) vulgaire et qui s’apprête et s'emploie de la
même façon.
Chevreuil. - Petite espèce du genre cerf auquel il
ressemble beaucoup, mais il a plus d'élégance et paraît plus
leste et plus vif. Le chevreuil est très sauvage, très difficile
à apprivoiser. On a essayé d'en apprivoiser en les prenant
très jeunes, mais leur naturel impétueux et indépendant
reparaissait à la première occasion, et ils étaient alors
sujets à des caprices dangereux pour les personnes
qu'ils avaient prises en aversion.
On distingue l'âge du chevreuil, comme celui du cerf,
par le nombre d'andouillers qui sont à ses bois. Pour que sa
chair soit tendre et savoureuse, il faut le prendre de dix- huit
mois à trois ans; sa chair est alors très bonne, quoique sa
qualité dépende aussi beaucoup des lieux qu'il habite; les
meilleurs nous viennent des Cévennes, des Ardennes, du
Rouergue et du Morvan. Mais la meilleure est sans
contredit celle du chevrotin ou faon de chevreuil quand ils
n'ont encore que neuf ou dix mois.
Nous allons indiquer les différentes manières de
préparer ce gibier, un des plus connus et des plus
recherchés par les chasseurs.
Quartier de chevreuil rôti. - Faites macérer votre
chevreuil avec huile fine, vin rouge, persil, épices et
quelques tranches d'oignons.
Enlevez ensuite la peau du filet et celle du dehors de la
cuisse, piquez-les de lard fin; enveloppez le quartier d'un
papier beurré; faites cuire et servez pour grosse pièce avec
une poivrade.
Civet de chevreuil. - Lardez de gros lard les deux
parties de la poitrine d'un chevreuil, passez-les à la
casserole avec persil et lard fondu; puis faites-le cuire avec
un bouquet de fines herbes, sel, poivre, laurier, citron vert.
Quand tout est cuit à point, faites une sauce que vous liez
avec farine frite, filet de vinaigre, poignée de câpres et
quelques olives désossées, et servez avec des croûtons.
Gigot de chevreuil rôti. - Après avoir paré un gigot de
chevreuil et l'avoir piqué de lard fin, vous le mettez
mariner quelques heures avec du sel et de l'huile d'olive,
puis vous le laissez une heure à la broche, l'arrosant avec sa
marinade, et faites une sauce avec cette marinade et du jus
d'échalotes.
Côtelettes de chevreuil. - Lavez, aplatissez, marinez un
jour, faites revenir dans l'huile vos côtelettes. Cuites et
d'une belle couleur, égouttez et servez avec une sauce
poivrade ou une sauce tomate.
Epaules de chevreuil. - Levez la chair des épaules ôtez
les peaux, piquez comme ci- dessus, faites mariner, cuisez et
servez (V. Au pauvre homme).
Filets de chevreuil sautés à la minute. - Parez, piquez,
marinez, faites sauter au beurre sur un feu vif, dressez,
glacez et servez à la poivrade.
Escalopes de chevreuil. - Vous levez les chairs de deux
épaules, ôtez les peaux, coupez en escalopes, faites cuire
sur sautoir avec du beurre fondu, sel, poivre, ail, laurier,
placez vos escalopes au moment de servir sur un fourneau un
peu ardent, retournez les, ajoutez du beurre et garnissez le
plat avec du verjus.
Crépinettes de chevreuil. - Joignez à des chairs de
chevreuil rôties, des truffes, des champignons, de la tétine de
veau; faites réduire dans une bonne sauce, laissez refroidir
le tout et amalgamez avec du beurre pour partager en
portions à peu près égales, que vous enveloppez de
crépitnes, mettez ensuite vos crépinettes sur un plafond
beurré, faites prendre couleur, versez dessus en les servant
une ravigote d'anchois.
Hachis de chevreuil aux oeufs poché. - Hachez des
chairs de chevreuil rôti avec des fines herbes cuites, mettez
le tout avec un peu de beurre dans une poivrade bien
réduite, sans le laisser bouillir et surmontez ce hachis avec
des oeufs pochés. Emincé de chevreuil aux oignons. Faites
un roux avec des oignons coupés en rouelles, faites- y
chauffer vos tranches de chevreuil en y ajoutant du poivre
blanc et le jus d'un citron.
Chevreuil en daube. - S'il a été mariné, ne le faites
macérer qu'un jour et faites -le cuire environ cinq heures
dans une braise; faites réduire la sauce et passez-la au
tamis; ajoutez- y quantité suffisante de corne de cerf pour en
faire une gelée, laissez refroidir, masquez-en votre pièce de
chevreuil et servez.
Chicorée. - Il y a deux genres de chicorée qui servent
de types à dix-huit ou vingt sortes, la chicorée sauvage et la
chicorée cultivée, vulgairement connue sous le nom de
scarole.
La chicorée sauvage appelée aussi pisse-en-lit, à cause
de la vertu qu'elle possède de pousser aux urines, ne se
mange qu'en salade, et elle doit être choisie jeune et tendre.
Nous parlerons donc seulement de l'autre espèce, en
renvoyant pour celle-ci nos lecteurs à l'article Salade.
Ragoût de chicorée à la bonne femme. - Faites
blanchir à l'eau bouillante, mettez dans l'eau froide,
égouttez, divisez, mettez dans la casserole, mouillez avec
bouillon et beurre, liez avec farine; servez avec croûtons
frits.
Chicorée au grand jus. - Prenez et faites blanchir des
chicorées et fendez-les par le milieu avant de les avoir
égouttées; ficelez-les, mettez-les dans une casserole avec
des bardes de lard, poivre et muscade, ajoutez des
morceaux de boeuf, de veau ou de mouton, des oignons,
des carottes, un bouquet bien garni; faire cuire feu dessus et
dessous pendant trois heures; pressez-les dans un linge
blanc pour bien les égoutter, dressez-les en couronne sur
un plat et servez-les avec les entrées que vous désirerez.
Chicorée au blanc ou à la crème. - Epluchez vos
chicorées, ôtez-en tout le vert, lavez-les à plusieurs eaux,
égouttez-les, faites-les blanchir avec une poignée de sel et
mettez-les rafraîchir dans l'eau fraîche, hachez cette
chicorée, mettez-la dans une casserole avec du beurre,
faites-la cuire un quart d'heure pour la dessécher, versez
petit à petit deux verres de crème ou de lait réduit, ajoutez
muscade râpée, sel et laissez bien cuire le tout.
Manière de la conserver. - Après avoir épluché et lavé
votre chicorée, vous la jetez dans l'eau bouillante jusqu'à ce
qu'elle soit amortie et non cuite, mettez-la ensuite dans l'eau
fraîche et faites-la bien égoutter. Mettez-la dans des pots
de grès en la foulant bien, et au bout de vingt-quatre
heures retirez l'eau salée qu'elle a jetée; versez ensuite
dessus de la saumure bien claire et recouvrez d'huile ou de
beurre fondu.
Chien. - Plusieurs peuples de l'Asie, de l'Afrique et de
l'Amérique mangent la chair du chien. Les nègres même la
préfèrent à celle des autres animaux et leur plus grand régal
est de manger du chien rôti. Ce même goût se retrouve
chez les sauvages du Canada, chez les Kamtchadales et
dans les îles de l'Océanie. Le capitaine Cook fut sauvé
d'une maladie dangereuse avec du bouillon de chien.
Hippocrate dit que les Grecs mangeaient du chien et que
les Romains en servaient sur les tables les plus
somptueuses; Pline assure que les petits chiens rôtis sont
excellents et qu'on les jugeait dignes d'être présentés aux
Dieux. A Rome, on mangeait toujours des chiens rôtis dans
les festins que l'on donnait pour la consécration des
pontifes ou dans les réjouissances publiques.
Or voici comment Porphyre, écrivain grec du IIIe siècle,
raconte l'origine de la coutume de manger du chien:
«Un jour qu'on sacrifiait un chien, certaine partie de la
victime (on ne dit pas laquelle) tomba par terre, le prêtre la
ramassa pour la remettre sur l'autel; mais comme elle était
très chaude, il se brûla. Par un mouvement spontané et
naturel dans cette circonstance, il mit ses doigts dans sa
bouche et il trouva que le jus était bon. La cérémonie
terminée, il mangea la moitié du chien et porta le reste à sa
femme; puis, à chaque sacrifice, ils se régalaient de la
victime. Bientôt le bruit en courut dans la ville, chacun
voulut en essayer, et en peu de temps on trouva des chiens
rôtis sur les meilleures tables. On commença par faire cuire
les jeunes chiens, qui étaient naturellement plus tendres,
puis les jeunes n'y suffisant plus, on se servit des gros».
Les bulletins de la récente expédition des Anglais en
Chine nous ont donné des détails fort curieux sur la
nourriture des Chinois; entre autres, qu'ils engraissent des
chiens dans des cages comme nous faisons de nos poulets; ils
les nourrissent de substances végétales, puis ils les
mangent et les trouvent excellents. C'est, paraît-il, un des
mets les plus recherchés du Céleste-Empire. On le vend
dans toutes les boucheries chinoises, mais c'est une
friandise qui, comme nos dindes truffées, n'est réservée
qu'aux heureux du siècle, et le commun des mortels est
obligé de s'en tenir à la vue seulement.
Chipolata. - Ragoût d'origine italienne dont voici la
recette:
Prenez deux douzaines de carottes, de navets, de
marrons rôtis d'oignons, faites cuire dans du consommé
sucré; procurez-vous des petites saucisses appelées
chipolatas, et ajoutez-les avec quelques morceaux de lard
dans votre ragoût. Mettez le tout dans une casserole avec
des champignons, des fonds d'artichauts, des tranches de
céleri et quelques cuillerées de blond de veau; faites
réduire, écumez; clarifiez bien et faites-y réchauffer des
volailles ou des tendrons de veau, des cervelles de
desserte, etc., et vous en garnissez des entrées de broche ou
vous vous en servez pour mettre sous des chapons ou
autres volailles.
Chocolat. - Le mot chocolat vient, croit-on, de deux
mots de la langue mexicaine: choco, son ou bruit et atle,
eau, parce que le peuple mexicain le bat dans l'eau pour le
faire mousser. Les dames du nouveau monde aiment,
paraît- il, le chocolat à la folie et en font un usage
considérable. On rapporte que, non contentes d'en prendre
chez elles à tout moment de la journée, elles s'en font
quelquefois apporter à l'église, sensualité qui leur a
souvent attiré la censure et les reproches de leurs
confesseurs, qui ont cependant fini par en prendre leur
parti, y trouvant leur intérêt d'ailleurs, car ces dames leur
faisaient la gracieuseté de leur en offrir de temps en temps
une tasse, ce qu'ils se gardaient bien de refuser. Enfin, le
révérend père Escobar, dont la métaphysique était aussi
subtile que sa morale accommodante, déclara
formellement que le chocolat à l'eau ne rompait
aucunement le jeune, proclamant ainsi en faveur de ses
belles pénitentes l'ancien adage: Liquidum non frangit
jejunium.
Importé en Espagne vers le XVIIe siècle, l'usage du
chocolat y devint promptement populaire; les femmes et
surtout les moines se jetèrent sur cette boisson nouvelle et
aromatique avec un grand empressement, et le chocolat fut
bientôt à la mode. Les moeurs n'ont guère changé à cet
égard, et encore aujourd'hui, dans toute la Péninsule, il est de
bon goût de présenter du chocolat dans toutes les occasions
où la politesse exige d'offrir quelques rafraîchissements, et
cela partout et dans toutes les maisons qui se respectent.
Le chocolat passa les monts avec Anne d'Autriche,
femme de Louis XIII, qui la première l'importa en France,
ou toujours à l'aide des moines français à qui leurs
confrères d'Espagne en envoyaient aussi des échantillons
comme cadeaux, il devint bientôt en vogue. Au
commencement de la Régence, il était devenu plus en usage
que le café qui, tout nouvellement importé aussi, était
regardé comme boisson de luxe et de curiosité, tandis que
le chocolat était considéré, à juste titre du reste, comme un
aliment sain et agréable.
M. Brillat-Savarin, dans son excellent livre sur les
Classiques de la table, recommande le chocolat comme une
substance tonique stomachique et même digestive; il dit
que les personnes qui en font usage jouissent d'une santé
constamment égale, et il parle du chocolat ambré comme
très bon pour les personnes fatiguées par un travail
quelconque.
Laissons parler lui-même l'illustre gastronome:
«C'est ici le vrai lieu, dit-il, de parler des propriétés du
chocolat ambré, propriétés que j'ai vérifiées par un grand
nombre d'expériences, et dont je suis fier d'offrir le résultat
à mes lecteurs.
«Or donc, que tout homme qui aura bu quelques traits
de trop à la coupe de la volupté, que tout homme qui aura
passé à travailler une portion notable du temps qu'on doit
passer à dormir, que tout homme d'esprit qui se sentira
temporairement devenu bête, que tout homme qui trouvera
l'air humide, le temps long et l'atmosphère difficile à porter,
que tout homme qui sera tourmenté d'une idée fixe qui lui
ôtera la liberté de penser, que tous ceux-là, disons-nous,
s'administrent un bon demi-litre de chocolat ambré à raison
de soixante à soixante-douze grains d'ambre par demikilogramme,
et ils verront merveille.
«Dans ma manière particulière de spécifier les choses,
je nomme le chocolat à l'ambre, chocolat des affligés,
parce que, dans chacun des divers états que j'ai désignés,
on éprouve je ne sais quel sentiment qui leur est commun et
qui ressemble à l'affliction».
C'est toujours M. Brillat- Savarin qui parle:
«Quant à la manière officielle de faire le chocolat,
c'est-à-dire pour le rendre propre à la consommation
immédiate, on en prend environ une once et demie pour
une tasse, qu'on fait dissoudre doucement dans l'eau à
mesure qu'elle s'échauffe en la remuant avec une spatule de
bois; on la fait bouillir pendant un quart d'heure pour que la
solution prenne consistance, et on sert chaudement.
«Monsieur, me disait il y a plus de cinquante ans Mme
d'Arestrel, supérieure du couvent de la Visitation, à Belley,
quand vous voudrez prendre du bon chocolat, faites-le faire
dès la veille dans une cafetière de faïence et laissez la. Le
repos de la nuit le concentre et lui donne un velouté qui le
rend bien meilleur. Le bon Dieu ne peut pas s'offenser de ce
petit raffinement, car il est lui-même tout excellence».
Nous avons indiqué à l'article Cacao les différentes
manières de faire le chocolat avec le cacao, et nous
renvoyons pour les emplois culinaires dont il est susceptible
à chacune des prescriptions suivantes (V. BEIGNETS,
CANNELONS, CREMES, FROMAGES, GLACES, MOUSSES,
PASTILLES, PRALINES ET PROFITEROLLES).
Chou. - Genre de la famille des crucifères.
Il y a différentes espèces de choux qui presque toutes
sont originaires d'Europe, ou l'on en fait du reste la plus
grande consommation. Dans presque toutes les provinces de
la France, c'est le régal des paysans, qui la plupart du
temps ne vivent que de légumes, quoiqu'il nourrisse fort
peu, qu'il soit venteux et répande une mauvaise odeur. Le
chou était en grande vénération chez les Anciens, ils
juraient par lui, semblables en cela aux Egyptiens qui
rendaient les honneurs divins à l'oignon. L'histoire rapporte
cependant qu'Apicius ne l'aimait pas et qu'il en inspira du
dégoût à Drusus, ce dont Tibère blâma son frère.
On donne aussi le nom de chou à une sorte de
pâtisserie dont nous indiquerons plus loin la recette.
Chou blanc ou vert. - Ceux de Milan sont les
meilleurs; les choux de Saint-Denis, de Bonneuil et ceux
qu'on appelle le petit pommé, le frisé hâtif sont les
premiers qui paraissent et ceux qu'on emploie
généralement dans la consommation.
Chou au lard. - C'est un des excellents mets plébéiens;
vous le faites de la façon suivante: coupez un gros chou
pommé en quatre morceaux, faites-les blanchir, mettez- les
ensuite dans un pot quelconque avec, du lard, des
saucisses, des cervelas, du céleri, des oignons, des grosses
carottes, du laurier et du thym; faites cuire pendant une
heure et demie à petit feu; dressez ensuite le tout sur un
plat en mettant le petit salé et les cervelas par-dessus;
retranchez les autres légumes et faites une sauce de votre
mouillement réduit.
Chou farci au gras. - Prenez une bonne tête de
chou, ôtez-en le pied ou trognon et un peu dans le corps;
faites- le blanchir et tirez-le de l'eau quand il est blanchi;
étendez les feuilles avec soin pour ne pas les briser et
remplissez- le d'une farce faite avec la chair de volaille, un
morceau de veau, du petit lard, de la moelle de boeuf ou de
la graisse de jambon cuit, truffes et champignons hachés,
persil, ciboules, sel, poivre, mie de pain, deux oeufs
entiers, deux ou trois jaunes, une pointe d'ail; hachez le
tout ensemble et pilez-le bien dans un mortier. Après avoir
rempli votre chou de cette farce, refermez-le, ficelez-le
bien afin qu'elle ne s'échappe pas des feuilles et mettez-le
dans une casserole; faites ensuite du jus avec des tranches de
boeuf ou de veau bien battues que vous faites réduire dans
une casserole mettez-y un peu de farine, faites prendre
couleur, mouillez-le de bon bouillon, assaisonnez de fines
herbes et de tranches d'oignon. Quand votre jus est à moitié
cuit, vous mêlez vos tranches et ledit jus avec votre chou et
faites cuire le tout ensemble.
Dressez ensuite votre chou sur un plat, mettez dessus un
ragoût de champignons ou de ris de veau bien assaisonné et
de bon goût, puis servez chaudement avec votre jus
autour.
Chou farci au maigre. - Procédez comme ci-dessus en
farcissant votre chou avec de la chair de poisson ou autres
garnitures, ainsi qu'on le ferait pour la carpe (V. CARPE), le
brochet ou autre poisson.
Chou en surprise. - Vous faites blanchir et ensuite
rafraîchir un chou entier; ôtez le trognon, écartez les
feuilles avec soin et remplissez-le de marrons, de saucisses
et de mauviettes; arrangez les feuilles dans leur état
habituel, ficelez le chou, faites-le cuire à la braise; laissezle
égoutter quand il sera bien cuit et servez le avec une sauce
faite avec de la moelle fondue et de la muscade râpée.
Chou à la petite russienne. (Méthode Rouyer). -
Exactement comme choux farcis à la française. (La farce,
ici, est composée de champignons, oignons, persil hachés
grossièrement et liés en bouillie de semoule au lait; sel,
poivre, muscade râpée; longue cuisson au four). Servir
avec une sauce au beurre et crème aigre.
Chou en garbure (Cuisine bordelaise). - Après avoir
fait blanchir des choux et les avoir égouttés, vous ôtez les
plus grosses côtes des feuilles; puis vous prenez une
soupière pouvant aller sur le feu; vous placez au fond un lit
de feuilles de choux, puis un lit de tranches de fromage de
Gruyère très minces et vous les couvrez avec des tranches
de pain; vous continuez de faire des couches en alternant
toujours, chou, fromage et pain; vous assaisonnez ensuite,
vous mouillez de bon bouillon et vous faites mijoter et
gratiner pendant une heure; puis vous servez comme potage
avec du bouillon dans un autre vase.
Pain de chou. - Faites blanchir un chou de Milan;
mettez-le dans de l'eau, levez-en les feuilles et ôtez-en les
grosses côtes, faites mariner ensuite une noix de veau avec
huile fine, persil, ciboules, champignons, ail, échalotes,
gros sel, poivre et tranches de jambon. Etendez quelques
feuilles de chou bien égouttées, mettez dessus des tranches
de veau et de jambon et un peu de leur marinade, et
continuez ainsi les couchés les unes par- dessus les autres,
jusqu'à ce que vous ayez formé la grosseur d'un petit pain;
faites cuire dans une braise bien nourrie. Quand ils sont
bien cuits, vous les dégraissez et servez avec une sauce à
l'espagnole dessous.
Chou rouge piqué. - Prenez un chou gros et dur faitesle
blanchir et enlevez-en le trognon; piquez-le de très gros
lard. Mettez à la place du trognon une sauce faite avec de la
graisse, du jus, poivre, sel; enveloppez-le d'une toilette de
porc et mettez le tout dans une casserole en le renversant
sens dessus dessous; faites cuire à petit feu, retirez-le,
dégraissez la sauce, faites-la réduire et servez-la sur le chou.
Chou rouge à la hollandaise. - Nous allons indiquer la
manière de faire ce chou qui est un des meilleurs
entremets.
Epluchez des pommes de reinette et des oignons que
vous hachez bien menu; puis vous faites blanchir des
choux rouges dont vous aurez préalablement rejeté les
trognons et le bout dos feuilles. Mettez ensuite le tout cuire
dans une casserole avec un bon morceau de beurre, une
cuillerée de sucre en poudre, une pincée de sel, poivre et
bouquet garni; faites cuire le tout pendant cinq ou six
heures; ajoutez un verre de vin de Bordeaux, ôtez le
bouquet et achevez votre préparation en faisant fondre
dedans un bon morceau de beurre.
Chou à la crème. - Faites presque cuire à l'eau
bouillante, retirez, faites égoutter et laissez rafraîchir;
hachez et mettez dans la casserole avec beurre, sel, poivre,
muscade râpée et une cuillerée de farine. Mouillez ensuite
avec de la crème et laissez réduire jusqu'à ce que votre
chou soit bien lié avec son assaisonnement.
Choux de Bruxelles. - Vous prenez des choux de
Bruxelles (qui, vous le savez, sont des petits choux verts
de la grosseur d'une noix et bien pommés); vous les faites
cuire à l'eau bouillante avec du sel après en avoir enlevé
les premières feuilles, puis vous les faites égoutter. Mettez
ensuite un bon morceau de beurre dans la casserole, versez
vos choux dedans et faites-les revenir avec sel, poivre et
persil haché, et, pour le maigre, ajoutez-y une cuillerée de
jus ou de crème.
Choucroute. - En allemand Sauer-kraut c'est-à-dire
choux aigres. Tous les peuples du Nord et de l'Est en font un
grand usage, et les navigateurs au long cours s'en
approvisionnent pour leurs voyages.
C'est le mets par excellence des Allemands qui en
raffolent; aussi est-il passé en proverbe qu'un moyen
certain de se faire assommer, c'est: en Italie, de ne pas
trouver les femmes jolies; en Angleterre, de chicaner le
peuple sur le degré de liberté dont il jouit; et en Allemagne,
de ne pas croire que la choucroute est un mets des dieux.
Le célèbre capitaine Cook attribue aussi en grande
partie l'excellente santé de ses matelots dans tous ses
voyages à la grande quantité de choucroute qu'il leur faisait
distribuer; la choucroute étant d'une digestion plus facile
que le chou ordinaire, qui, d'après un proverbe grec, causait
la mort au bout de deux fois.
On conserve la choucroute de préférence dans des
tonneaux qui ont renfermé du vinaigre, du vin ou tout
autre liquide contenant un acide. On emploie de préférence
le chou cabu blanc, dont on enlève les feuilles pendantes et
la tige; on coupe la pomme de chou par rouelles en la
rabotant sur une espèce de colombe de tonnelier. Cette
opération la divise en tranches minces qui se développent
d'elles-mêmes comme des rubans. Vous étendez au fond du
tonneau un lit de sel marin, sur ce lit une couche de vos
choux coupés en rubans; vous saupoudrez par-dessus avec
une poignée de graines de genièvre ou de carvi afin de
l'aromatiser; puis vous continuez à mettre couche sur
couche en procédant toujours de même jusqu'à ce que le
tonneau soit plein et en foulant bien la matière et terminez
par une couche de sel.
Vous couvrez votre dernier lit de sel avec les grandes
feuilles vertes du chou sur lesquelles vous placez une
grosse toile humide et un fond de tonneau assez lourd pour
empêcher par son poids que la masse ne se soulève par la
fermentation qui va avoir lieu. Les choux ainsi entassés
laissent écouler une eau fétide, acide, boueuse, que l'on
soutire par un robinet placé à la base du tonneau, et que l'on
remplace par une saumure nouvelle qu'il faudra changer
encore au bout de quelques jours, jusqu'à ce qu'il n'existe
plus aucune fétidité. La choucroute dès lors achevée, vous
la mettez dans un lieu très frais afin de la conserver et
vous en servir au besoin.
Préparation de la choucroute. - Après avoir lavé
votre choucroute à plusieurs eaux, vous l'égouttez bien et
la mettez dans une casserole avec un bon morceau de lard
de poitrine fumé, saucisses, cervelas, graisse de rôti,
genièvre, vin blanc et bouillon. Laissez-la cuire six heures
à feu doux, égouttez-la, dressez-la sur un plat avec du lard
dessus entremêlé de vos saucisses et de vos cervelas.
Choux-fleurs. - Nous empruntons aux dispensaires du
temps de Louis XIV la plus excellente et royale façon
d'apprêter ce légume:
« Chou-fleurs étuvés. - Prenez des hauts choux-fleurs,
lavez-les à l'eau tiède et faites-les cuire dans du
consommé en y ajoutant quelque peu de macis en
poudre. Etant bien cuits et au moment de les servir
égouttez-les de leur mouillement et remuez-les avec du
beurre tout frais et tout cru; aussitôt que le beurre sera
fondu, dressez et servez sur la table. »
Choux-fleurs au beurre. - Epluchez bien les pommes
de vos choux-fleurs et ne leur laissez aucune feuille, lavezles
dans de l'eau fraîche et faites-les cuire ensuite dans de
l'eau avec sel, poivre et un morceau de beurre manié.
Quand ils sont cuits, égouttez-les, dressez-les sur un plat
avec une sauce dessous faite avec beurre frais, sel, poivre,
muscade, un filet de vinaigre et servez.
Choux-fleurs au jus. - Comme ci-dessus. Prenez
moitié sauce blanche et moitié blond de veau, vannez,
sassez, dressez, masquez et servez chaud.
Choux-fleurs au fromage. - Cuisez, égouttez vos
choux-fleurs, foncez un plat d'une sauce que vous faites
avec du coulis, du beurre, du gros poivre; mettez au fond de
votre plat du parmesan râpé, rangez les choux-fleurs
dessus, jetez sur eux le reste de la sauce et du parmesan,
puis mettez au four avec feu dessus et dessous, glacez et
servez.
Choux-fleurs frits. - Cuisez comme à l'ordinaire,
égouttez, laissez mariner avec sel, poivre, vinaigre, trente
minutes, égouttez, trempez dans une pâte légère; faites
frire et servez chaud.
Choux-fleurs farcis. - Blanchissez à l'eau salée,
égouttez, bardez, farcissez dans la casserole avec rouelle de
veau, graisse de boeuf, persil, ciboule, sel, épices,
champignons, oeufs et consommé; faites cuire à petit feu
jusqu'à réduction entière. Dressez, servez. Si vous avez mis
vos choux-fleurs la tête en bas dans la casserole, vous
dresserez aisément en retournant vivement votre casserole.
Ragoût de choux-fleurs. - Faites blanchir des chouxfleurs,
mettez-les cuire avec de l’eau et de la farine, faites-les
égoutter et, si c'est pour garnir un plat de viande, vous les
dressez autour du plat avec une bonne sauce; si c'est pour
entremets, dressez-les seuls et la sauce par-dessus.
Chou. (Pâtisserie.) - Expliquons les différentes
manières de faire cet excellent petit gâteau.
Choux pâtissiers (à la parisienne). - Faites bouillir un
peu d'eau avec du beurre et du sel, mettez-y deux ou trois
poignées de farine et délayez le tout sur le feu; remuez
jusqu'à ce que la pâte se détache; mettez-y alors du sucre
en poudre, ôtez la pâte du feu, délayez dedans des oeufs,
jaunes et blancs, jusqu'à ce qu'elle soit liquide et faites
cuire dans des petits moules à pâtés que vous aurez
beurrés.
Choux à la royale. - Faites bouillir du lait et du beurre
fin, ôtez-les de dessus le feu quand ils commencent à
bouillir et joignez-y de la farine tamisée; remettez la
casserole sur le feu en remuant bien le tout pour qu'il ne
s'attache pas; votre pâte bien desséchée, vous la mêlez dans
une autre casserole avec du beurre, du parmesan et des
oeufs; ajoutez une pincée de mignonnette, une cuillerée de
sucre fin, un oeuf et du fromage de gruyère coupé en petits
morceaux, mélangez bien le tout et joignez-y de la crème
fouettée; cela doit vous donner une pâte assez semblable à
une pâte de beignets; vous dorez vos choux, les mettez au
four gai pendant vingt minutes et les servez de suite.
Choux aux amandes. - Comme ci-dessus. Après avoir
doré vos choux, vous les couvrez de filets d'amandes
légèrement trempés dans du blanc d'oeuf sucré et vous
faites cuire.
Choux soufflés au zeste d'orange. - Vous faites
bouillir dans une casserole du beurre d'Isigny et de la
bonne crème, puis vous le remplissez légèrement avec de la
farine de crème de riz desséchée; transvidez dans une autre
casserole en y joignant du beurre, des oeufs, un grain de
sel. le tout bien mêlé, vous y joignez des jaunes d'oeufs, du
sucre. Râpez dessus la moitié d'un zeste de citron et la
moitié d'un zeste d'orange. Mélangez bien le tout, fouettez
deux blancs d'oeufs et mettez-les dans la pâte avec de la
crème fouettée. Mettez ensuite vos choux dans de petites
caisses rondes ne les remplissant qu'à moitié, couvrez-les
de gros sucre; mettez au four à une chaleur ordinaire
laissez-les cuire un quart d'heure et servez sans les dorer.
Choux en caisse au cédrat. - Comme ci-dessus, vous
les parfumez seulement avec du cédrat haché très fin et
mêlé à la pâte.
Choux à la Mecque. - Mêlez ensemble du beurre et de
la crème bouillis, de la pâte mollette un peu desséchée, du
beurre et un peu de lait; faites un peu dessécher le tout et
transvidez dans une autre casserole en y ajoutant deux
oeufs, du sucre en poudre, puis vous y mêlez encore des
oeufs, une cuillerée de bonne crème fouettée et un grain de
sel; vous couchez vos choux à la cuillerée en forme de
navette, vous les dorez, les masquez de gros sucre et les
faites cuire au four, chaleur modérée. Quand ils sont de
belle couleur, vous les servez parfumés soit avec du
cédrat, de l'orange, de la bigarade ou du citron.
Petits choux à la Saint-Cloud. - Même préparation et
même cuisson que ci-dessus, seulement quand ils sont
cuits, vous les glacez à la flamme en mettant un allume à la
bouche du four et les servez chauds.
Ciboule. - Espèce d'ail qu'on emploie pour mettre dans
tous les bouquets qui entrent dans la composition des
sauces.
Ciboullette. - Petite ciboule qui s'emploie comme la
précédente.
Cidre et poiré. - Le cidre n'est connu en Europe que
depuis que les Maures de Biscaye l'importèrent d'Afrique;
d'Espagne, il a passé en France et les conquérants
Normands l'ont naturellement mené à leur suite en
Angleterre. Le cidre a été l'objet de discussions très
sérieuses. Pour le Normand, c'est le vrai nectar des maîtres de
l'Olympe, pour l'habitant des pays vignobles, au contraire,
ce n'est qu'un fade et épais breuvage. Quoi qu'il en soit, le
Normand lui est resté fidèle et le cidre a pénétré dans
d'autres contrées de la France où il est presque aussi estimé
que le vin.
Un jour, je reçus de M. Jules Oudin, propriétaire d'un
château et d'une terre appelée la Pommeraye, à cause de la
quantité de pommiers qui y poussent, la lettre suivante:
SOCIETE D'HORTICULTURE DU CENTRE DE LA NORMANDIE.
A Monsieur Dumas.
«Maître,
«Vous m'avez fait l'honneur de me donner l'accolade en
me disant: «Nous nous reverrons».
«Ce sera l'ère du bonheur de mon existence.
«J'en prends texte pour vous demander un
renseignement, qu'il vous sera probablement très facile de
me donner et qu'il me faudrait peut-être une année pour
trouver, sans votre aide.
«Quels sont les faits historiques les plus saillants de
l'Antiquité et du Moyen Age au sujet des pommes, des
pommiers, des poiriers et du cidre?
«Je serais au désespoir de vous demander ce
renseignement s’il n'avait pour moi un but très utile.
«Mon remercîment sera d'aller vous montrer l'usage que
j'en aurai fait.
«Pendant la saison d'été, vous viendrez, n'est-ce pas,
respirer les parfums des végétations exotiques et indigènes
sous un pommier. Ne me faites pas languir, je vous prie.
«Bien à vous.
«JULES OUDIN»
Je pris la plume, et poste pour poste je fis la réponse
suivante:
«Cher Monsieur Jules,
«Je vais vous répondre d'abord sur ce que je sais
certainement moins bien que vous sur la pomme, le
pommier, le poirier, l'origine du cidre et son invasion en
Europe.
«Devons-nous mettre la pomme avant le pommier, ou
le pommier avant la pomme? Le pommier est-il poussé
d'un pépin jeté dans l'espace et venant d'une pomme par
conséquent, ou la pomme a-t-elle poussé sur un pommier
créé en même temps que la création?
«C'est la question de la poule et de l'oeuf: la poule
vient-elle de l'oeuf, ou l'oeuf vient-il de la poule?
«Si nous nous en rapportons à Moïse, le premier auteur
qui parle de pommes et de pommiers, le pommier et la
pomme préexistaient à l'homme dans le Paradis terrestre,
puisque les arbres fruitiers furent créés le troisième jour et
l'homme le sixième.
«Nous savons le commandement qui fut fait à Adam et
Eve à l’endroit de ce pommier, et comment ils désobéirent
pour notre malheur à ce commandement de Dieu.
«Le serpent présenta la pomme à Eve, Eve y mordit,
Adam l'acheva et nous fûmes tous condamnés à l'exil, au
travail et à la mort.
«Un autre poète, né cinq cents ans après Moïse, nous a
appris comment, dans une autre circonstance, la pomme ne
fut pas moins fatale au genre humain.
«Aux noces de Thétis et de Pélée, la Discorde, qu'on
avait oublié d'inviter, jeta pour se venger, au milieu de
l'assemblée des dieux et des déesses, une pomme portant
cette inscription: «A la plus belle !»
«Trois déesses crurent avoir droit à la pomme, Minerve,
Junon et Vénus; elles allèrent devant Pâris qui l'adjugea à
Vénus.
«Il y avait encore une autre déesse qui avait des
prétentions à la beauté et qui n'avait point oublié que le
jour où Vénus avait été proclamée la plus belle, un affront lui
avait été fait. C'était la mariée elle-même, la femme de
Pélée, la mère d'Achille, la belle Thétis; aussi, sachant que
Vénus devait, sur le rivage des Gaules, venir chercher des
perles pour se faire un collier, ordonna-t-elle à tous les
monstres de la mer de tâcher de s'emparer de cette pomme
pour laquelle Vénus n'avait pas craint de se montrer nue au
beau berger du mont Ida.
«Et en effet, tandis que Vénus cherchait des perles au
même endroit, sans doute, où son fils César vint pêcher
celle dont il devait payer l'amour de Servilie, un triton lui
déroba sa pomme, et alla la porter à Thétis. Thétis, aussitôt
pour vulgariser le fatal présent de la Discorde, et afin que
toutes les déesses pussent avoir la leur, prit les pépins de la
pomme et les planta sur les rivages de la Normandie.
«De là viennent, disent nos aïeux, les vieux Celtes, la
multitude de pommiers qui poussent du Maine à la
Bretagne, et la beauté des femmes de toute cette côte
septentrionale.
«Malgré le mauvais tour joué par Thétis à Vénus, les
pommes, et surtout celles des Hespérides, étaient restées
précieuses dans l'île de Scyros, puisque Atalante, la fille du
roi, perdit à la fois le prix de la course et sa liberté pour
ramasser les pommes qu'Hippomène laissait tomber sur sa
route.
«La pomme avait cessé d'être un fruit rare et son
prix était rentré dans celui des autres comestibles du
même genre, puisque Solon, effrayé des sommes que
coûtaient les repas de noces chez les Athéniens, ordonna
que les mariés ne mangeassent qu'une pomme à eux deux,
avant de se mettre au lit.
«Pline et Diodore de Sicile parlent des pommes comme
d'un fruit très estimé des Romains et surtout lorsqu'elles
venaient des Gaules; mais ni l'un ni l'autre ne dit qu'on en
tirât une boisson quelconque. Saint Jérôme est le premier
qui parle du cidre et qui constate que les Hébreux en
faisaient une de leurs boissons habituelles. Tertullien, qui
vivait vers la fin du deuxième siècle à Carthage, et saint
Augustin, qui vivait vers la fin du quatrième siècle à
Hippone, parlent tous deux du cidre des Africains.
«Mais la première trace que l'on trouve de l'existence de
cette boisson en France est dans les Capitulaires de
Charlemagne où il est question des fabricants de cidre et de
poiré. Mais à cette époque, le cidre avait déjà avec les
Maures traversé le détroit de Gibraltar.
«Voici comment:
«Mahomet, l'an 609 de l'ère chrétienne, publie son
Coran, sans défendre positivement le vin aux Arabes, il le
leur présente comme une liqueur pernicieuse qu'il ne leur
conseille de boire qu'à titre de médicament. Aussi, dans
toutes les villes tatares que j'ai visitées, ai-je vu les
marchands de vin intituler leur boutique: «Balzam», c'est- àdire
pharmacie. Du moment où le vin se vend dans une
pharmacie, ce n'est plus du vin, en effet, c'est un
médicament.
«Pour obéir à Mahomet, les Arabes alors imitèrent les
Hébreux et du fruit des pommiers et des poiriers firent du
cidre.
«Appelés en Espagne par la trahison du comte Julien,
ils y transportèrent leur science agriculturale sur laquelle
les Espagnols vivent encore aujourd'hui. Ce fut en Biscaye
que se firent les premiers essais de ce genre.
«De Biscaye, l'usage passa en France. Les Normands
l'accueillirent tout particulièrement, leur pays étant fécond en
pommiers et stérile en vignes. Guillaume le Conquérant
l'implanta en Angleterre, en même temps que son drapeau,
après la bataille d'Hastings en 1066.
« D’Angleterre, l’usage du cidre s’est répandu en
Allemagne et même en Russie.
«Il existe, au reste, une brochure qui a recueilli sous le
titre: De Origine Cidri, tout ce que la science humaine a
colligé sur cet intéressant sujet.
«Maintenant, je présume que vous êtes au courant des
derniers travaux de Pasteur sur la fermentation du cidre, et
que vous savez que le ferment n'est autre chose que
l'agglomération par milliards de petits animalcules ou
plutôt de cryptogames, moitié animaux, moitié végétaux,
qui, sous le nom de microzoaires et de microphites opèrent
ce singulier travail, de changer le sucre en alcool, travail qui
se fait chez eux simplement par la digestion.
«Voilà tout ce que je sais sur le cidre, et je m'empresse
de vous vider mon sac, pour vous prouver combien j'ai bon
souvenir de votre réception et comment je serai heureux
d'aller un jour, avec ma fille, vous demander l'hospitalité
d'une demi-semaine.
« Mille compliments empressés.
«ALEXANDRE DUMAS».
Citron. - Fruit dont l'arbre est toujours vert comme
l'oranger; ses feuilles sont larges et longues comme celles
du laurier; il est originaire de l'Asie, et les Hébreux furent
les premiers qui le naturalisèrent dans les belles vallées de la
Palestine; ce qui le prouve, c'est que, aujourd'hui encore,
ils se présentent le jour des Tabernacles, dans les
synagogues, avec un cédrat à la main.
Virgile a célébré le citron sous le nom de pommes de
Médie. Delille a traduit les vers que le poète latin a
consacrés à cet arbre.
L'arbre égale en beauté celui que Phoebus aime;
S'il en avait l'odeur, c'est le laurier lui-même;
Sa feuille sans effort ne se peut arracher;
Sa fleur résiste au doigt qui la veut détacher,
Et son suc du vieillard qui respire avec peine,
Raffermit les poumons et rafraîchit l'haleine.
Et pour que rien ne manque à la gloire et à l'importance
de ce fruit, Aristophane qui l'appelle axioma persicum à
cause de sa saveur aigre, dit qu'autrefois on faisait avec les
feuilles du citronnier des couronnes qu'on plaçait sur la tête
des dieux immortels.
Le citron est souvent employé dans la cuisine pour
l'assaisonnement de plusieurs sauces; on en fait aussi une
boisson très rafraîchissante et de fort bon goût.
Citrons confits. - Pelez, coupez en quatre, faites
blanchir vos citrons. Lorsqu’ils sont cuits, vous les mettez
d'abord dans l'eau fraîche et ensuite au sucre clarifié; quand
vous les aurez bien égouttés, laissez-les bouillir un quart
d'heure dans le sucre, et laissez-les refroidir ensuite; étant
refroidis, vous les remettez sur le feu et les faites bouillir
jusqu'à ce que le sucre soit cuit à soufflé, puis vous les
laissez reposer jusqu'au lendemain, et vous liquéfiez le
sirop en trempant votre poêlon dans l'eau.
Faites cuire à part du sucre à la plume, égouttez vos
citrons et jetez-les dedans et donnez-leur un bouillon
couvert; ôtez-les du feu; le bouillon abaissé, blanchissez
votre sucre en le travaillant et l'amenant avec la cuiller
contre le bord du poêlon.
Ce sucre étant blanchi, passez-y vos citrons, mettez-les
égoutter sur des planches, faites-les sécher et serrez-les.
Vous confisez de la même manière les oranges (V.
ORANGES), cédrats, limons, pommes, etc.
Petits citrons verts confits. - Incisez de petits citrons
verts, faites-les blanchir jusqu'à ramollissement, retirez-les du
feu et laissez-les dans leur eau jusqu'au lendemain; vous
les remettez alors sur un feu doux, vous jetez une poignée
de sel dans l'eau, qui ne doit pas bouillir et vous remuez.
Poussez le feu, donnez à vos citrons quelques bouillons,
puis mettez-les dans l'eau fraîche et égouttez- les. Vous
faites bouillir un peu d'eau dans du sucre clarifié et vous en
donnez un bouillon couvert à vos citrons. Le lendemain,
vous les égouttez, vous leur faites jeter trois bouillons en
ajoutant chaque fois du sucre clarifié; vous faites donner
encore un bouillon aux fruits dans du sucre cuit au perlé,
vous les mettez dans une terrine à l'étuve et vous les laissez
glacer dans le sucre cuit.
Zestes de citron confits. - Faites bouillir vos zestes
dans quatre eaux différentes et remettez-les autant de fois
dans l'eau fraîche, il faut les laisser bouillir un quart
d'heure chaque fois sur le feu.
Faites cuire d'abord du sucre clarifié et jetez-y vos
zestes, quand il commence à bouillir, faites-leur prendre
une vingtaine de bouillons et laissez-les refroidir; remettez
ensuite votre poêlon sur le feu pour cuire le sirop à lissé et
glissez-y vos zestes à qui vous faites prendre sept ou huit
bouillons. Retirez votre confiture du feu, laissez-la
refroidir, égouttez les zestes, faites bien cuire le sucre
perlé, donnez-leur un bouillon couvert, tirez-les au sec et
glacez-les.
Citronats. - Ils se font avec les écorces de citrons dont
vous avez rejeté la plus grande épaisseur du tissu blanc et
que vous avez coupés en long, faites blanchir et confire
comme ci-dessus et faites sécher.
Marmelade de citrons. - Prenez le nombre que vous
voulez de citrons à écorce très épaisse, ôtez-en la peau,
faites-les blanchir et mettez-les à l'eau fraîche; égouttezles,
pilez-les fortement et passez-les dans un tamis de crin;
pesez-les, mettez du sucre en proportion (750 ou 500 gr)., et
faites bouillir le tout en remuant avec la spatule, jusqu'à ce
que la marmelade soit bien cuite, ce que vous reconnaissez
en appuyant avec le bout de votre doigt; retirez-la alors et
mettez-la en pot.
Conserve de jus de citron. - Faites cuire du sucre au
fort perlé, tirez-le ensuite du feu, mettez-y votre jus de
citron que vous faites bouillir en remuant afin qu'ils se
mêlent bien ensemble et jusqu'à ce qu'ils commencent à
s'épaissir et à former une petite glace autour du poêlon,
laissez refroidir votre conserve et mettez-la dans des
moules pour la garder.
Sirop de citrons. - Après avoir fait cuire du sucre au
fort boulet, vous le sablez et le mettez dans une terrine en
terre ou en grès, puis vous y versez le jus de vos citrons
avec un peu d'eau et vous le mettez au degré de cuisson
qu'il doit avoir; mettez ensuite votre terrine au bain-marie et
remuez de temps en temps afin de bien faire fondre le
sucre et le bien mêler avec le jus de citron; quand votre
sirop sera très clair, vous le retirez et vous le mettez en
bouteille, après l'avoir laissé un peu refroidir.
Grillage de Tailladins de citrons. - Mettez des zestes
de citrons découpés dans du sucre cuit à la plume, remuez,
grillez presque; poudrez de sucre blanc, dressez et servez.
Citronnelle. - Ayez six citrons zestés pour deux litres
d'eau-de-vie, à peu près; ajoutez cannelle, coriandre sucre
fondu (500 gr)., laissez infuser trente jours, passez et
mettez dans les flacons.
Eau distillée de citrons. - Râpez l'écorce de bons
citrons, mettez la pulpe et la râpure sur la grille de la
cucurbite, lavez dans l'eau de vos citrons la râpe qui a
enlevé une partie de l'odeur, ajoutez cette eau dans la
cucurbite, dressez votre appareil et procédez à la
distillation du petit filet.
Vinaigre au citron. - Enlevez les zestes, mettez vos
citrons dans la cornue, versez le vinaigre et distillez jusqu'à
réduction au quart.
Biscuits de citron. - Faites cuire du sucre, ôtez-le du
feu et mettez-y un peu de raclure de citron en lui donnant
telle couleur que vous voudrez; ajoutez-y deux blancs
d'oeufs bien fouettés et versez promptement votre glace
dans des moules de papier double plié en longueur ou en
largeur, à proportion du sucre que vous voulez mettre.
Quand votre pâte commence à refroidir, vous la coupez de la
façon que vous voulez, et vous faites cuire vos biscuits à
l'ordinaire.
Compote de chair de citron. - Faites cuire une gelée
de pommes, pelez bien épais et proche du jus un gros
citron, coupez-le en long par la moitié et faites plusieurs
tranches avec; jetez ces tranches dans votre gelée après en
avoir ôté les pépins et faites bouillir le tout ensemble.
Tirez-la ensuite du feu et laissez-la refroidir à moitié.
Chargez une assiette de tranches de citrons et couvrez-les de
votre gelée.
Citrouille. - Variété du potiron, qui en diffère par la
forme oblongue et la grosseur de son fruit dont la couleur
est tantôt verte, tantôt jaune ou blanche. La chair de
citrouille se mange de plusieurs façons: soit en potages
gras ou maigres, en gâteaux, en crème cuite et gratinée. On
en fait aussi des andouillettes avec du beurre frais,
jaunes d'oeufs durs et frais cassés, persil, sel, poivre, fines
herbes, etc.
Civet. - (V. aux articles CHEVREUIL, DINDE, LAPIN,
LIEVRE, OIE SAUVAGE, OUTARDE).
Clarifier - La clarification est la séparation, par
précipitation ou par ascension, de toutes les matières
liquides étrangères tenues en suspension. On clarifie le
plus communément avec de la colle de poisson ou du blanc
d'oeuf.
Clovis de Saint-Jean-de-Luz. - Appelées à Saint-
Jean- de-Luz Chirlat, à Marseille Praires, et à Naples
Vongoli (Conca Veneris).
Mettre sur le feu, faire sauter jusqu'à ce qu'elles rendent
toute leur eau; les enlever de la casserole et les mettre à
part; ajouter dans le jus qu'elles ont rendu trois petites
gousses d'ail hachées bien fin; poivrer seulement, le jus
rendu par le coquillage étant suffisamment salé; mettre de la
mie de pain, ou mieux encore de la chapelure, aussitôt que
l'ail commence à chauffer; remettre le coquillage dans la
casserole, lui faire sauter deux ou trois bouillons et
servir chaud. (Recette donnée par François Frères,
excellent chef de l'hôtel de France à Saint-Jean-de-Luz).
Cochevis. - Genre d'alouette huppée. (V.
MAUVIETTES).
Cochon. - «C'est le roi des animaux immondes, dit
Grimod de la Reynière, dans l'éloge qu'il fait de cet
animal; c'est celui dont l'empire est le plus universel et les
qualités les moins contestées. Sans lui, point de lard, et
par conséquent, point de cuisine; sans lui, point de jambon,
point de saucisson, point d'andouilles, point de boudins
noirs, et par conséquent, point de charcutiers.
«Gras médecins, continue Grimod de la Reynière, en
s'élevant jusqu'au style lyrique, vous condamnez le cochon
et il est sous le rapport des indigestions l'un des plus beaux
fleurons de votre couronne».
Puis retombant au style familier: «La cochonnaille,
continue-t-il, est beaucoup meilleure à Troyes et à Lyon que
partout ailleurs. Les cuisses et les épaules de cochon ont
fait la fortune de deux villes: Mayence et Bayonne. Tout
est bon en lui; par quel oubli coupable a-t-on pu faire de
son nom une injure grossière?»
Et par quel ingrat oubli M. Grimod de la Reynière ne se
souvient-il pas lui- même que c'est à la finesse de l'odorat
du cochon que nous devons les truffes; et de quelle façon le
cochon est-il récompensé pour chaque truffe qu'il trouve, et
qu'il permet à l'homme de mettre dans son panier? Et
comment n'admire-t-on pas la persistance de l'intrépide
chercheur et sa patience gastronomique qui a sur lui cette
bienheureuse influence de toujours le tromper, non pas
dans sa recherche, mais dans son résultat; il persiste
toujours à chercher pour être battu et voit la truffe lui
passer devant le grouin.
Au reste, au mot truffe nous nous étendrons plus
longuement sur ce produit que les savants ont placé entre le
règne minéral et le règne végétal, ne sachant auquel des
deux l'appliquer.
Le cochon était la principale nourriture des Gaulois,
aussi en avaient-ils des troupeaux considérables.
Les Romains les faisaient cuire entiers et de
différentes manières; une de ces manières consistait à les
faire bouillir d'un côté et rôtir de l'autre.
La seconde s'appelait à la Troyenne, par allusion au
cheval de Troie dont l'intérieur était rempli de combattants.
Celui du cochon se farcissait de bec- figues, d'huîtres, de
grives, le tout arrosé de bons vins et de jus exquis; ces mets
devinrent si chers que le sénat fit une loi somptuaire pour
les défendre.
Athénée parle d'un marcassin à demi bouilli, à demi rôti
préparé par un cuisinier qui avait eu l'art de le vider et de le
farcir sans l'éventrer; il avait fait un petit trou sous une
épaule. L'animal lavé en dedans par du vin avait été
ensuite farci par la gueule. Les Egyptiens regardaient le
cochon comme un animal immonde, si quelqu'un par
mégarde avait touché à un cochon, il devait de suite pour se
purifier entrer dans le Nil avec ses habits. Un seul jour et
dans une seule circonstance, il était permis de manger du
cochon, c'était au moment de la pleine lune: l'animal était
alors immolé à Bacchus et à Phoebé. Tout le monde sait
que les Israélites regardent la chair du cochon comme une
chair immonde; mais tout le monde sait aussi que cette
prescription est plus hygiénique que religieuse; le pays où
les cochons acquièrent le plus haut degré de délicatesse,
sans doute par les fréquentes occasions qu'ils ont, si l'on en
croit, à tort d'ailleurs, les pères jésuites, de manger de la
chair humaine est la Chine; aussi les Chinois font-ils du
cochon la base de tous les festins et leurs jambons ont-ils
une qualité supérieure à ceux de tous les pays.
En 1131 mourut le jeune roi Philippe, que Louis
le Gros, son père, avait associé au royaume et fait couronner
à Reims. En passant dans une rue étroite un cochon
s'embarrassa dans les jambes de son cheval, son cheval
s'abattit et le jeune prince se heurta si vivement la tête qu'il
en mourut le lendemain; il fut alors défendu de laisser
vaquer les pourceaux dans les rues; la crainte de déplaire à
saint Antoine fit que l'on excepta de cette défense ceux de
l'abbaye du digne saint, mais à la condition qu'ils auraient
une clochette au cou.
En 1386, par sentence du juge de Falaise, une truie fut
condamnée à être mutilée et pendue, pour avoir tué un
enfant.
En 1394, dans la paroisse de Roumaigne, vicomté de
Morraigne, un porc fut condamné pour le même crime.
Humbert, Dauphin du Viennois, partant pour la
croisade, en 1345 (nous laissons aux savants à dire quelle
fut cette croisade), Humbert Dauphin du Viennois fit un
règlement par lequel il fixa la maison de la Dauphine, son
épouse, à trente personnes; or, pour ces trente personnes il
accorda un cochon par semaine et trente cochons salés par
an; ce qui faisait trois cochons par personne.
Cuvier, ennuyé d'entendre dire que l'intérieur du corps
du cochon ressemblait en tout à celui de l'homme et que
les anciens chirurgiens, qui n'avaient pas le droit d'ouvrir
les morts, étudiaient sur les cochons une anatomie
équivalente, a écrit ces quelques lignes pour redresser
l'erreur dans laquelle les historiens de la science médicale
sont tombés.
«L'estomac de l'homme et celui du cochon n'ont aucune
ressemblance; dans l'homme ce viscère a la forme d'une
cornemuse, dans le cochon il est globuleux; dans l'homme,
le foie est divisé en trois lobes, dans le cochon il est long et
plat; dans l'homme, le canal intestinal égale sept à huit
fois la longueur du corps, dans le cochon, il égale quinze
à dix-huit fois la même longueur. L'épiploon c'est-à-dire
cette partie qu'on appelle vulgairement toilette, est beaucoup
plus étendu et plus chargé de graisse; et, ce qui est très
consolant pour les âmes délicates qui ne veulent avoir rien
de commun avec le naturel du cochon, c'est que son coeur
présente des différences notables avec celui de l'homme.
«J'ajouterai, pour la satisfaction des savants et des
beaux esprits, que le volume de son cerveau est aussi
beaucoup moins considérable; ce qui prouve que ses
facultés intellectuelles sont fort inférieures à celles de nos
académiciens». (Cuvier).
Le cochon est, avec le lapin, l'animal le plus
prolifique qui soit au monde. Vauban, qui était, comme on le
sait, excellent mathématicien, a fait sur les cochons un traité
qu'il appelait: Ma cochonnerie. Il avait calculé la postérité
d'une seule truie pendant douze ans.
Cette postérité se montait en enfants, petits-enfants,
arrière-petits-enfants, à 6 434 838 cochons.
Le cochon a été longtemps regardé, à Naples, comme
un personnage sacré; c'était le seul balayeur de rue qui
existât dans la moderne Parthénope; il y avait peu de
maisons où un cochon ne fût attaché avec une corde assez
longue pour qu'il nettoyât un diamètre de vingt-quatre
pieds. Aussi les cochons étaient-ils, ceux qu'on laissait
libres, du moins, de toutes les fêtes.
Un des frères du roi de Naples, nommé le prince
Antoine, dont la réputation s'expliquera par un mot de son
frère, disait devant le roi, en parlant du marquis de Sal...
«Nous sommes amis comme cochons». Et le roi lui
répondait en haussant les épaules:
«Vous êtes encore plus cochon qu'ami».
Le prince Antoine fut surpris dans la chambre d'une
paysanne, par un des frères de la jeune fille armé d'un bâton;
il voulut se sauver par la fenêtre, où était appliquée une
échelle, mais au bas de l'échelle il trouva le second frère
armé d'un second bâton; il ne lui fallait pas passer par les
verges du balai, mais par le manche; les deux frères s'en
donnèrent si bien et vengèrent si galamment l'honneur de
leur soeur sur le dos du prince Antoine, que celui-ci en
mourut douze ou quinze jours après; on lui fit un
enterrement en grandes pompes, qui partit du palais du roi
et s'achemina vers Sainte-Claire, l'église des tombes
royales. Mais l'étonnement fut grand lorsqu'on vit un
énorme cochon, dont personne ne réclamait la propriété,
prendre le haut du pavé et servir de conducteur au cortège;
on fit tout ce qu'on put pour le chasser, mais rien au monde
ne put parvenir à le faire dévier de sa route; arrivé à l'église
Sainte-Claire il s'arrêta de lui-même, et monta les sept ou
huit marches qui conduisent à l'intérieur de l'église. Alors on
fit de nouveaux efforts pour éloigner l'animal immonde;
mais celui-ci sembla défendre ce qu'il paraissait regarder
comme son droit; le suisse s'avança en le menaçant de sa
hallebarde, dont il allait peut-être le percer lorsqu'une voix
dans la foule s'écria:
«Malheureux! ne voyez-vous pas que c'est l'âme du
prince Antoine?»
Il ne fallut que cet éclaircissement pour faire connaître
les droits du cochon, à qui l'église fut ouverte et qui assista
à toute la cérémonie mortuaire avec la tranquillité d'une
âme qui sait qu'elle peut compter sur des prières.
Le cochon est de tous les animaux celui qui est le plus
employé dans la cuisine; car dans presque tous les mets,
soit entrées ou rôtis, on se sert de lard et de jambon; les
autres parties de cet animal sont moins recherchées;
cependant la hure est un mets fort distingué, quand elle est
apprêtée par un homme qui connaît bien son état; les pieds
se servent à la Sainte-Menehould ou farcis de truffes; les
oreilles se servent en menu de rois, et les poitrines
s'emploient dans bien des ragoûts; il faut choisir le porc
jeune et gras, mais bien prendre garde que sa chair ne soit
envahie par des parasites qu'on appelle trichines; la science
moderne a appris que cette invasion des trichines n'était
rien autre chose que la ladrerie.
Dans cet animal, il n'y a rien à jeter: de son sang on fait
du boudin, de ses intestins des andouilles, des débris de ses
chairs des saucisses et des fromages de cochon.
Terminons par une boutade poétique et porcine du
cuisinier lyrique Rouyer:
Entre Pâques et Pentecôte,
Que de Jambons l'on mangera!
Aussi chacun, en aimable hôte,
Sur ce mets, son mot contera.
Citons la réponse naïve
Faite par un gourmand abbé,
A qui disait un gai convive:
- «Si dans la religion juive
Vous viviez...; pour vous prohibé
Ce Jambon gras, à chair exquise!...
- Oui; pour en manger bel et bien,
(Si j'étais enfant de Moïse,)
Je me ferais vite chrétien!»
Bonne riposte à l'Esculape
Grondant le bel esprit Beautru,
Qui fait de ses draps une nappe
Sur laquelle est un Jambon cru:
- «Quelle qu'en soit la provenance,
Cuit ou non cuit, mon ordonnance
Vous défend, malade piteux,
Ce jambon mauvais pour la goutte!...
- Pour Elle, oui, docteur, oui, sans doute;
Mais qu'il est bon pour le goutteux!»
Cochon (Hure de). - Le célèbre Beauvilliers et
l'illustre M. de Courchamps donnant exactement la même
recette pour la hure de cochon ou de sanglier, nous croyons
ne pouvoir faire mieux que de nous joindre à ces deux grands
maîtres - en l'art de manger.
Coupez votre hure jusqu'à la moitié des épaules, c'està-
dire plus longue qu'on ne la coupe ordinairement;
flambez-la, de manière qu'il n'y reste aucune soie; nettoyez
le dedans des oreilles en y introduisant un fer presque
rouge, pour en brûler les poils qui s'y trouvent; cela fait,
lavez bien cette hure, épluchez- la de nouveau, ratissez-la et
désossez-la; prenez garde de n'y faire aucun trou, surtout à
la couenne de dessous le nez; la chair qui provient des
parties charnues, telles que celle des épaules, étendez-la
dans les parties de votre hure, où il n'y en a pas, afin que les
chairs soient égales partout; ensuite mettez-la dans un
grand vase de terre; faites une eau de sel, laissez-la
refroidir, tirez-la à clair et versez-la dans votre vase sur la
hure, afin qu'elle trempe entièrement; mettez-y une poignée
de graines de genièvre, quatre feuilles de laurier, cinq ou six
clous de girofle, deux ou trois gousses d'ail (coupées en
deux), une demi- once de salpêtre en poudre, du thym, du
basilic et de la sauge; couvrez votre terrine d'un linge
blanc et mettez dessus un autre vase qui le couvre le plus
possible; laissez-la mariner huit ou dix jours. Ensuite
égouttez-la; faites une farce pour en garnir votre hure. A
cet effet, prenez de la chair de porc, ôtez-en la peau et les
nerfs; mettez à peu près la même quantité de lard
assaisonné de sel fin et de fines épices; hachez le tout très
menu, en sorte qu'on ne puisse distinguer le lard d'avec la
chair; mettez votre farce dans un mortier, pilez-la bien;
incorporez, l'un après l'autre, cinq ou six oeufs entiers;
faites l'essai de cette farce, et remédiez à ce qui pourrait y
manquer. Votre farce achevée, étendez votre hure sur une
nappe blanche; ôtez les ingrédients qui ont servi à lui
donner du goût. Vous aurez coupé du lard en grands
lardons que vous aurez assaisonnés avec sel, poivre, quatre
épices, des aromates pilés, persil et ciboules hachés et que
vous aurez incorporés le mieux possible avec vos lardons;
arrangez de nouveau vos chairs dans la peau de la hure;
garnissez- la de ces lardons, posés en long de distance en
distance, bien entremêlés avec la chair et la farce, de
l'épaisseur d'un pouce, mettez-y la langue que vous aurez
échaudée et épluchée; faites un autre lit de lardons, et entre
ces lardons, placez des truffes épluchées et coupées en
long, entremêlées de pistaches que vous aurez émondées;
faites ainsi plusieurs lits, jusqu'à l'emploi entier de votre
farce, de vos truffes, de votre lard et des pistaches. Votre
hure remplie, cousez-la avec une aiguille à brider; ménagezlui
bien sa première forme; enveloppez-la dans une
étamine neuve et cousez-la, attachez les deux bouts avec
de la ficelle; foncez une braisière avec des parures de
boucherie, surtout de veau, des oignons, des carottes, trois
feuilles de laurier, deux bouquets de persil et ciboules,
quelques clous de girofle, de l'ail et trois bouteilles de vin
rouge de Bourgogne; achevez de mouiller avec du
bouillon, il faut qu'elle trempe dans son assaisonnement;
faites-la partir; couvrez-la avec deux feuilles de fort papier
beurré: couvrez la braisière de son couvercle; mettez-la sur
une paillasse, avec feu dessus et dessous; faites-le cuire
cinq à six heures, cela dépendra de la grosseur de la pièce et
de la jeunesse de l'animal dont elle provient; pour vous
assurer si elle est cuite, sondez-la avec une lardoire; si elle
entre facilement retirez votre braisière du feu, laissez votre
hure dedans et ne la retirez de son assaisonnement que
quand elle sera presque tiède; laissez- la refroidir dans son
étamine. Après déballez-la, retirez la graisse qui pourrait se
trouver dessus, ôtez les ficelles, parez-la du coté du
chignon, dressez-la sur une serviette et servez.
Hure de cochon à la manière de Troyes. - Appropriez,
désossez comme ci-dessus. Seulement remplacez la farce
dont vous remplissiez votre hure par des truffes et des
pistaches.
Jambon au naturel. - Procurez-vous un bon jambon,
ceux de Westphalie sont les meilleurs et en général plus
estimés que ceux de Bayonne; parez-le c'est-à-dire enlevez le
dessus des chairs et sur le bord du lard ce qui pourrait être
jaune, ôtez l'os du quasi, coupez le bout du jarret et mettez
votre jambon tremper, après l'avoir égoutté en enfonçant
une lardoire dans la noix ce qui vous décidera de laisser
dessaler plus ou moins longtemps; cela fait, mettez-le dans
un linge, nouez-en les quatre bouts, arrangez-le dans une
marmite ou une braisière, proportionné à sa grosseur;
mouillez-le avec de l'eau, mettez-y quatre ou cinq carottes,
autant d'oignons, quatre clous de girofle, trois ou quatre
feuilles de laurier, deux ou trois gousses d'ail et un ou deux
bouquets de persil, thym et basilic; faites-le partir et cuire
ensuite à petit feu, par poids de 500 gr; lorsque vous
soupçonnerez qu'il est cuit, sondez-le avec la lardoire: si
elle s'enfonce facilement, c'est que sa cuisson est faite;
retirez-le; dénouez et renouez le linge pour serrer
davantage; votre jambon à moitié refroidi levez-en la
couenne près du combien; parez-le et panez avec de la
chapelure passée au travers d'un tamis; mettez une serviette
sur un plat et dressez-le dessus.
Jambon braisé. - Parez, ôtez le bord du lard, coupez le
manche, désossez l'os du quasi, faites dessaler, mettez dans
un linge, liez et posez dans la braisière foncée de boeuf,
veau, carottes, oignons, ciboule, persil, clous de girofle,
laurier, thym, etc Mouillez, faites partir, arrosez mi-cuit
d'une bouteille de vin blanc (Champagne mêlé d'eau-de-vie
ou préférablement Madère pur). Ne couvrez pas, laissez
réduire; égouttez, levez la couenne, glacez avec sauce de
veau réduite. Servez sur légumes, ad libitum.
C'est, modifiée légèrement, la recette Beauvilliers.
Jambon à la broche. - Dessalez, parez, mettez dans
une terrine avec oignon, carotte, laurier, cassis, un litre de
Malaga ou Marsala (voir plus haut); fermez dans un linge,
laissez mariner un jour et une nuit; faites cuire à la broche
arrosé de sa marinade. Levez la couenne, panez et servez
sur anglaise et sur la marinade tamisée.
Echinée de cochon. - Prenez-la comme vous feriez d'un
carré de veau, ôtez-en l'arête jusqu'au point des côtes et
deux heures avant de la mettre à la broche, saupoudrez-la
d'un peu de sel dessus et dessous; faites-la bien cuire, et
servez-la sous une sauce poivrade (V. POIVRADE).
Côtelettes de cochon, sauce Robert. - Coupez,
aplatissez, parez, salez, faites griller et vous servirez avec
une sauce Robert.
Oreilles de cochon, en menu du roi. - Flambez,
nettoyez au fer presque rouge, ratissez, lavez, faites
blanchir et cuire dans une braisière; laissez refroidir;
coupez par filets agrémentés d'oignons en filets cuits au
beurre et au blond de veau et dont vous verserez la sauce, en
servant, sur vos oreilles de cochon avec adjonction d'un
filet de vinaigre.
Oreilles de cochon à la purée. - Comme ci-dessus.
Puis braisez avec bouillon, carottes, oignons, persil,
ciboules, thym, laurier et basilic, égouttez, dressez et
masquez avec purée de pois (V. POIS VERTS) ou de lentilles.
Queues de cochon à la purée. - Procédez à l'égard de
ces queues comme il est dit à l'article précédent pour les
oreilles.
Pieds de cochon à la Sainte-Menehould. - Lorsque le
roi Louis XVI s'enfuit de Paris pour se faire arrêter à
Varennes, dix brochures parurent pour exposer les causes de
cette arrestation; une entre autres de cet enfant terrible de la
Révolution que l'on appelait Camille Desmoulins insinue
que le roi fugitif n'avait pu résister au désir de manger des
pieds de cochon à la Sainte-Menehould, ceci était un
mensonge qui, dans la situation où il était fait, prenait les
proportions d'une calomnie. Louis XVI ne s'arrêta à Sainte-
Menehould que le temps d'y être reconnu par le fils du
maître de poste Drouet qui, lui-même, sella son cheval et
partit par des chemins de traverse, afin d'arriver avant le
roi à Varennes; il le précéda en effet de quelques minutes,
et le roi fut arrêté en face de l'hôtel.
Ceci posé et c'est toujours la place de poser une vérité,
revenons à nos pieds de cochon.
Flambez ce qu'un cochon peut avoir de pieds, c'est-àdire
quatre, en général; ratissez-les, lavez-les à l'eau
chaude, faites qu'ils soient bien propres, fendez-les en
deux, rapprochez les morceaux l'un contre l'autre;
entortillez-les de ruban de fil, appelé ruban à tabliers,
exactement comme si un perruquier faisait une queue;
cousez les deux bouts du ruban, faites-les cuire dans une
braise ou dans du bouillon, comme les queues à la purée.
Egouttez-les, laissez-les refroidir, ôtez-en les rubans,
séparez ces morceaux; trempez dans du beurre fondu,
panez-les, faites-les griller, et servez à sec.
Cochon (Petit salé aux choux). - Nous pourrions
évoquer les ombres des Grecs et des Romains pour prouver
que le chou a mérité les suffrages des premiers peuples de
la terre. Et par exemple Caton, ennemi irréconciliable des
médecins, médicastre lui-même, traitait toute sa maison avec
le chou, sans distinction de maladie, et chose merveilleuse,
ses gens ne s'en trouvaient pas plus mal. A l'exception
d'Auguste, tous les empereurs, jusqu'à Vespasien, furent
gourmands. Mais il faut le dire à la louange de ce stupide
Claude, ce fut lui qui releva le chou par l'amour qu'il portait
au petit salé. «Pères conscrits, s'écria-t-il un jour en entrant
au sénat, dites-moi, je vous prie, est-il possible de vivre
sans petit salé?» Et l'honorable compagnie de répondre
aussitôt: «Oui, seigneur, plutôt mourir que de se passer de
lard».
Dès ce moment les sénateurs, pour faire la cour à
Claude, se régalèrent de petit salé aux choux.
Pour faire le petit salé, vous coupez des poitrines de
cochons en morceaux; frottez-les de sel fin comme le lard,
ajoutez-y un peu de salpêtre, arrangez-les au fur et à
mesure les uns après les autres dans un pot, ayez soin de
les bien fouler pour éviter qu'elles ne prennent le goût
d'évent; bouchez les vides que pourra laisser le sel,
recouvrez le vase d'un linge blanc et fermez le plus
hermétiquement possible et servez-vous-en au bout de huit
ou dix jours pour mettre sur des choux ou sur ce que vous
voudrez.
Langues de porc fourrées et fumées. - Prenez des
langues de porc dont vous ôtez une partie du cornet,
échaudez-les pour leur ôter la première peau, mettez-les
dans un vase en les serrant bien l'une contre l'autre, et les
salant avec du sel et un peu de salpêtre; joignez-y du basilic,
du thym, du laurier, du genièvre et quelques échalotes, si
vous voulez, couvrez le pot comme il est indiqué au petit
salé, mettez- le de même dans un endroit frais pendant huit
jours; au bout de ce temps, retirez-les de la saumure,
faites-les égoutter, emballez-les dans des boyaux de
cochon, de boeuf ou de veau, liez-en les deux bouts, faitesles
fumer, et quand vous voudrez vous en servir mettez-les
cuire dans l'eau avec un peu de vin, un bouquet de
persil et ciboules, quelques oignons, thym, laurier, basilic;
laissez refroidir et servez.
Cervelles de cochon. - On les prépare comme les
cervelles de veau (V. VEAU), en ayant soin de les faire
accompagner en les servant d'une sauce relevée soit à
l'estragon, soit au Cari des Indes.
Saucissons dit de Bologne. - Les saucissons se font de
la même manière que les cervelas dits mortadelles (V. cet
article).
Emincé de porc frais à la minute. - Coupez des filets
mignons de porc en forme d'escalopes que vous posez dans
une poêle ou sur une tourtière après les avoir saupoudrés
de mie de pain assaisonnée de fines herbes, sel et poivre;
mettez du beurre dans une casserole et passez-y des
échalotes hachées, mouillez avec le jus des côtelettes, sel et
poivre, faites lier avec du beurre manié de farine et ajoutez
une cuillerée de moutarde à votre sauce au moment de
servir.
Rôtie au lard. - Coupez les deux extrémités d'un petit
pain mollet et piquez-le d'une extrémité à l'autre avec des
languettes de filets mignons de porc frais et de petit lard;
coupez votre pain en tranches et trempez ces tranches dans
des oeufs battus, faites cuire à petit feu et servez à sec ou à
la sauce piquante.
Cochon de lait. - (Article copié dans un vieux
formulaire).
En choisissant un cochon de lait, vous devez avoir
soin de le prendre court, gras et jeune, c'est-à-dire qu'il
n'ait pris pour nourriture que le lait de sa mère et alors il
doit être bon; préférez les tonquins aux autres espèces, ils
sont beaucoup plus délicats. Quand vous voudrez le tuer
prenez- lui le corps entre vos genoux, en lui serrant le
grouin dans la main gauche, et vous lui enfoncez le
couteau au bas de la gorge, ce qu'on appelle le petit coeur:
il est nécessaire que le couteau soit étroit de lame et fort
pointu; dirigez- le bien droit afin d'atteindre l'animal au
coeur. Prenez garde de l'épauler, car alors il serait difficile
à échauder, et comme il saignerait peu, les chairs en
seraient noires et moins délicates; vous aurez fait chauffer
une chaudronnière d'eau un peu plus que tiède, vous aurez
eu la précaution d'avoir un peu de poix- résine. Avant de
tremper votre cochon dans l'eau ayez soin de lui casser les
défenses de crainte qu'elles ne vous blessent en l'échaudant;
trempez-lui la tête dans cette eau; si le poil des oreilles
commence à quitter retirez votre eau du feu et trempez en
entier votre cochon; mettez-le sur la table et la résine près
de vous; posez votre main à plat sur cette résine (ce qui
vous donnera l'aisance de bien approprier votre cochon),
frottez-le, trempez-le plusieurs fois dans l'eau, afin qu'il n'y
reste aucun poil, déchaussez- le c'est-à-dire ôtez-lui les
sabots, videz-le et prenez garde de faire l'ouverture trop
grande, ôtez-lui tout ce qu'il a dans le corps, hors les
rognons, passez votre doigt entre le quasi, pour lui faire
sortir le gros intestin, supprimez-le, ciselez-lui le chignon,
faites-lui quatre incisions sur la croupe pour lui retrousser
la queue entre la peau et les chairs, passez-lui trois
brochettes, une dans les cuisses pour lui assujettir les pieds
de derrière comme ceux d'un lièvre au gîte, une autre à
travers la poitrine pour lui trousser les pieds de devant, et
une autre auprès des rognons pour l'empêcher de faire le
dos de chameau; cela fait, mettez-le dégorger dans l'eau
fraîche, égouttez-le, laissez-le se ressuyer et mettez-le à la
broche; s'il lui restait quelques poils, flambez-les avec du
papier; lorsqu'il aura fait trois ou quatre tours de broche,
frottez-le d'huile avec un pinceau de plumes pour que la
peau soit croquante; faites cette opération plusieurs fois
pendant le temps de la cuisson, quand il sera cuit,
décrochez-le, faites-lui une incision autour du cou, afin
que la peau reste croquante et servez-le très chaudement.
Cochon de lait farci à l'anglaise. - La seule
différence de celui-ci d'avec le précédent est que la farce
sera faite avec le foie haché, de la mie de pain trempée dans
le lait, du beurre, de la tétine, des oeufs, des jaunes surtout,
des assaisonnements épicés, etc.
Cochon de lait en galantine. - Echaudez un cochon,
comme il est indiqué plus haut, faites-le dégorger,
égouttez-le, désossez-le, à la réserve des quatre pieds et
prenez garde de trouer sa peau; faites une farce cuite, de
volaille ou de veau, étendez la peau de votre cochon sur un
linge blanc, mettez-y de cette farce l'épaisseur d'un doigt,
garnissez-la de gros lardons de lard et placez entre ces
lardons des filets de truffes, des filets d'omelettes et des
jaunes d'oeuf entiers, des filets de pistaches, des filets
d'amandes douces et des filets de noix, de jambon cuit,
couvrez le tout d'une même épaisseur de farce et continuez
ainsi jusqu'à ce que la peau soit bien remplie sans être trop
tendue; surtout faites en sorte de conserver à la tête de
l'animal, ainsi qu'à son corps, leurs premières formes;
cousez-le avec une grosse aiguille et du meilleur fil de
Bretagne, fixez les quatre pieds comme pour le mettre à la
broche, frottez-le de jus de citron, couvrez-le de bandes de
lard, emballez-le dans une étamine neuve que vous coudrez
en attachant les deux bouts, formez une braise avec les os et
les débris de ce cochon, quelques lames de jambon cru, un
jarret de veau partagé en deux, deux gousses d'ail, deux
feuilles de laurier, du sel, carottes, oignons et un bouquet
de persil et ciboules; posez dessus le même cochon que
vous mouillerez avec du bon bouillon et une bouteille de
vin de Graves; faites- le partir, retirez-le sur les bords du
fourneau, faites-le aller doucement pendant trois heures,
laissez-le refroidir dans sa cuisson, ensuite déballez-le,
ôtez les bardes de lard, dressez-le sur le plat. Vous aurez
passé le fond de votre braise au travers d'un tamis de soie,
si ce fond n'est pas assez ambré, mettez-y un peu de jus,
faites-le réduire et clarifiez comme il est indiqué à l'aspic (V.
ASPIC), faites un cordon de cette gelée autour de votre plat,
soit en diamant ou de toute autre manière, et servez pour
grosse pièce à l'entremets. (Recette traditionnelle).
Coing. - Fruit du cognassier. On en fait un sirop de
coings qu'on administre dans les cas de diarrhées rebelles et
l'eau mucilagineuse qu'on obtient par l'immersion des
pépins de coings. Le coing sert à faire la bandoline, dont se
servent les coiffeurs pour lisser les cheveux.
Le coing sert aussi à fabriquer des confitures dont nous
allons indiquer les différentes recettes.
Coing au beurre. - Vous faites cuire des coings au four
puis vous les pilez et les émincez en bons morceaux, en
évitant d'en rien détacher; jetez-les encore chauds dans une
bassine de faïence dans laquelle vous aurez mis un bon
morceau de beurre frais, une pincée de sel, une bonne dose
de sucre en poudre et de la cannelle, sautez sans laisser
bouillir et servez avec des croûtons frits.
Coings confits. - Prenez des coings bien odorants,
coupez-les par moitié ou par quartiers, pelez-les et ôtez-en
les coeurs, mettez-les à mesure dans l'eau fraîche, faitesen
bouillir d'autre, mettez-y vos coings et laissez-les
jusqu'à ce qu'ils commencent à s'amollir.
Cela fait, tirez-les et remettez-les dans de l'eau
fraîche, faites cuire du sucre, mettez-y vos coings et faitesles
bouillir à petit feu, couvrez-les pour leur faire prendre
une couleur rouge, ôtez-les quelquefois de dessus le feu et
remettez- les après qu'ils se seront un peu reposés, jusqu'à ce
que le sirop soit cuit presque en gelée et couvrez-les
lorsqu'ils seront froids.
Faites une décoction des pelures, des trognons et de
quelques autres parties de coings, passez-les au tamis ou à
travers un linge et servez-vous-en pour cuire ceux qui sont
destinés à être confits, ajoutez-y de la cochenille préparée
pour leur donner belle couleur.
Compote de coings. - Les coings ne forment point une
substance assez compacte pour qu'on en puisse faire rien
qui vaille en compote.
Coing à la moelle. - Mettez vos coings sous la cendre
dans une robe de papier beurré. Cuits, coupez-les, sucrez en
les tenant devant le feu. Ajoutez quelques grammes de
moelle parfaitement fraîche, du ratafia de coings, de la
cannelle, laissez bouillir et dressez avec biscuits d'une pâte
légère.
Gelée de coing. - Prenez et coupez par morceaux une
certaine quantité de coings, tirez-en la décoction en les
faisant bouillir dans l'eau, qu'ils trempent seulement sans
être noyés, jetez-les sur un tamis, lorsqu'ils seront bien
cuits, ayez du sucre clarifié, une cuillerée pour deux de
décoction, faites-le cuire au soufflé, ajoutez-y votre
décoction et faites cuire votre gelée, retirez-la, sa cuisson
faite, et mettez-la en pots.
Conserve de coings, appelée cotignac d'Orléans. -
(Cette bonne recette provient des archives de M. Grimod
de la Reynière qui la tenait du confiseur de son oncle, M.
de Jarente, évêque d'Orléans). Prenez les plus beaux
coings et ôtez-en les pépins en y laissant toute la peau des
fruits, car c'est dans la peau des coings que se trouve la
plus grande partie de leur parfum et de leur saveur
particulière; enlevez les pépins et la partie fibreuse, vous
les mettez avec de l'eau dans une bassine, les retournant de
temps en temps avec une spatule jusqu'à ce qu'ils soient
bien tendres, alors vous les retirez et les jetez dans un tamis
sur une terrine; quand ils sont refroidis, vous les écrasez et
les réduisez en pulpe que vous faites réduire à moitié sur le
feu, vous la retirez et la versez de la bassine dans un vase de
terre vernissée ou dans une terrine, précaution sur laquelle
on ne peut trop insister.
Vous clarifiez même quantité de sucre que de
marmelade, et vous le faites cuire au petit cassé; vous y
versez la marmelade en remuant bien avec une spatule;
quand le mélange est bien fait vous remettez la bassine sur un
petit feu, en remuant toujours jusqu'à ce que vous
découvriez facilement le fond de la bassine, alors vous la
retirez de dessus le feu.
Vous posez sur une plaque de fer-blanc ou sur des
ardoises des moules de différentes figures, soit en rond, soit
en carré, soit en forme de coeur, vous les emplissez de votre
pâte ou marmelade, ayant soin d'en bien unir la surface avec
un couteau; lorsque tous les moules sont remplis, vous
saupoudrez avec du sucre et les mettez à l'étuve avec un bon
feu. Le surlendemain vous les retirez des moules, vous les
posez sur des tamis en les retournant et les saupoudrez
aussi de sucre de ce côté; vous les laissez en cet état un
jour à l'étuve et les conservez dans des boites bien
bouchées, en les disposant par lits et mettant entre chacun
une feuille de papier blanc.
Nous avons cru devoir mettre ces recettes au mot
coing, plutôt que de les indiquer aux mots compotes,
conserves ou gelées, et nous ferons de même pour les
autres fruits, susceptibles des mêmes préparations.
Collage. - On appelle collage, en termes culinaires,
l'opération que l'on fait subir aux vins pour les clarifier.
Le collage du vin a pour but de lui donner de la
limpidité, de le dégager de la lie et des parties trop
colorantes, d'opérer enfin ce qu'on appelle la clarification.
Pour obtenir ce résultat, on se sert ordinairement de colle
de poisson et de blancs d'oeufs ou de poudres préparées à cet
effet. On a soin d'abord de tirer de la pièce la valeur de
deux bouteilles, on prend six blancs d'oeufs que l'on bat
ensemble avec une demi-bouteille de vin. On introduit par la
bonde un bâton fendu et l'on agite le vin en faisant pénétrer
le bâton dans tous les sens, et puis on verse les blancs
d'oeufs préparés et l'on achève de remplir la pièce qui doit
être bouchée environ un quart d'heure après avec une bonde
fraîche; huit jours après on peut tirer le vin sans
inconvénient. Pour opérer le collage avec de la colle de
poisson (collage qui convient uniquement au vin blanc,
retenez-le bien, tandis que les blancs d'oeufs ne sont bons
que pour coller le seul vin rouge), il faut prendre 6
grammes de colle, la couper par feuilles très minces, la
faire dissoudre dans une demi-bouteille de vin pendant
vingt-quatre heures, et agir de la même façon qu'avec les
blancs d'oeufs.
Le collage de la bière se fait de la même manière.
Compote. - On se sert également de ce terme pour
désigner un grand nombre de préparations culinaires.
On fait des compotes avec toutes sortes de volailles,
telles que pigeons, tourtereaux, ramiers, perdreaux,
alouettes, etc., que l'on fait cuire avec des carrés de petit
lard et dans du consommé assaisonné avec des cinq
racines, des sept fines herbes et des quatre épices.
Quant aux compotes de fruits, ce sont tout simplement
des confitures qui n'ont pas assez cuit pour dénaturer la
forme du fruit qui fait leur base, et qui, par ce seul fait,
conservent encore toute leur saveur originelle, ainsi que
leur fraîcheur et leur parfum. Les compotes doivent être
mangées aussitôt leur préparation, sans quoi elles perdent
toutes leurs qualités.
Nous allons indiquer les différentes espèces de
compotes en renvoyant, pour leur préparation, aux fruits
qui les composent:
Compote de pommes dite à la paysanne (V. ABRICOT).
Compote de pommes de reinette à la gelée d'oranges.
Compote de pommes de calville rouge à la gelée de framboises.
Compote de coeur de pigeon aux tranches de cédrat.
Compote de pommes grillées à la portugaise. Compote de poires à la
ménagère (V. POIRE).
Compote de poires crues à la royale.
Compote de poires de bon-chrétien mêlées de petits citrons
confits.
Compote de poires de Martin-sec à la portugaise.
Compote de poires de rousselet aux montants d'angélique.
Compote de coings (V. COING)
Compote de pêches à la coque.
Compote de pêches royales au jus de groseilles blanches.
Compote de pêches de vigne au vin de Clos-Vougeot.
Compote de pèches tardives au vin de Lunel.
Compote de brugnons à la ménagère.
Compote de brugnons glacés au candi. Compote d'abricots.
Compote de prunes de reines-Claude au naturel.
Compote de reine-Claude au rhum.
Compote de prunes de mirabelle mêlées cerises.
Compote de prunes de Damas jaune au ratafia de fleur d'oranger.
Compote de framboises mêlées de groseilles épipennées.
Compote de verjus au naturel.
Compote de verjus muscat au candi.
Compote des quatre fruits et de verjus rouge en macédoine.
Compote de cerises hâtives à la bourgeoise.
Compote de cerises au marasquin.
Compote de fraises ananas crues au vin de Rivesalte.
Compote de fraises des bois cuites au bain-marie.
Compote d'oranges au naturel.
Compote d'oranges à leur gelée.
Compote d'oranges à leurs zestes pralinés.
Compote de citrons doux à l'écorce de cédrat.
Compote de limons à l'eau de vanille.
Compote d'ananas crus au vin grégeois (V. ANANAS).
Compote de marrons au jus de bigarade.
Compote de marrons glacés à la liqueur de cannelle.
Compote de groseilles vertes à la crème fouettée.
Compote d'amandes vertes à la purée de pistaches.
Compote de nèfles frites à la moelle et au vin de Bordeaux
sucré.
Toutes ces compotes se préparent de la même manière,
les fruits seuls en changent la composition.
Concombre. - Il y a différentes espèces de
concombres, mais nous n'avons à nous occuper ici que des
concombres verts dont on se sert le plus ordinairement dans
la cuisine où on les emploie de diverses manières.
Concombres farcis. - Epluchez trois ou quatre
concombres, parez-les avec soin et tournez-les; coupez-en
les pointes du côté de la queue, prenez une grosse lardoire et
videz- les après en avoir ôté tous les pépins. Mettez-les dans
l'eau avec un filet de vinaigre, rincez-les bien et faites-les
blanchir au grand bouillant; rafraîchissez-les, laissez-les
égoutter, et remplissez-les d’une farce (V. FARCE) cuite,
faite avec des blancs de volaille, foncez une casserole de
bardes de lard, posez-y vos concombres, assaisonnez-les
avec sel, poivre, bouquet de persil, ciboules, un verre de
vin blanc, une demi-feuille de laurier, deux clous de girofle,
joignez-y une cuillerée à pot du derrière de la marmite,
couvrez-les d'un rond de papier, faites-les partir, mettez-les
mijoter sur une cendre chaude; leur cuisson achevée,
égouttez-les, dressez-les, glacez-les, saucez-les d'une
espagnole réduite, bien corsée et servez.
Ragoût de concombres pour garnitures. - Vous
coupez vos concombres par tranches et vous les faites
mariner avec sel, poivre, un peu de vinaigre et des oignons
coupés, puis vous les pressez dans une serviette et les
passez avec du lard fondu, liez la sauce en la mouillant
avec du jus, avec du blond de veau ou coulis de jambon.
Concombres à la poulette. - Faites blanchir vos
concombres et mettez-les, après les avoir coupés, dans une
casserole avec du beurre, singez-les d'une pincée de farine
bien fine, sautez- les, mouillez-les avec de l'eau, avec sel et
poivre, faites cuire et réduire, mettez du persil haché, un
peu de muscade, liez-les avec des jaunes d'oeufs et de la
crème, faites cuire votre liaison sans laisser bouillir et
servez.
Concombres à la béchamel. - Préparez ces
concombres prêts à être accommodés, et mettez cuire et
réduire avec de la béchamel grasse ou maigre dans une
casserole, ajoutez au moment de les servir du beurre et un
peu de muscade râpée, sautez-les, assurez-vous s'ils sont
de bon goût et servez.
Concombres fricassés. - Vos concombres coupés par
tranches, vous les faites cuire entre deux plats avec sel,
clous de girofle, et un peu de beurre, ajoutez de la croûte
de pain, des raisins de Corinthe et des champignons coupés
bien menu; quand vos concombres sont cuits mettez-y du
verjus ou des jaunes d'oeufs délayés avec du verjus et un
peu de muscade et servez.
Salade de concombres. - Prenez un ou deux
concombres, qu'ils ne soient pas encore à leur maturité,
épluchez-les, goûtez s'ils ne sont pas amers et dans ce cas
rejetez le concombre, coupez-les en ronds bien minces,
mettez-les dans un compotier avec sel, poivre, vinaigre,
oignons hachés, laissez-les confire deux ou trois heures et
servez avec le boeuf après avoir supprimé une partie de
leur assaisonnement.
Confitures. - Il y a deux sortes de confitures, les
confitures sèches et les confitures liquides. Les premières
sont composées de fruits, de tiges, de racines, de certaines
plantes et des écorces de certains fruits. Les secondes se
font avec des fruits confits dans du liquide et leur
préparation demande les plus grands soins.
Les marmelades, les gelées et les pâtes sont aussi de la
catégorie des confitures, seulement les marmelades ne
s'appliquent guère qu'aux abricots et aux prunes; quant aux
gelées, elles s'obtiennent avec des jus de fruits dans
lesquels on fait dissoudre le sucre et que l'on fait bouillir
jusqu'à consistance sirupeuse.
Nous allons d'ailleurs donner, par catégories, les
différentes recettes des marmelades, gelées, pâtes, etc.
GELEES.
Gelée de groseilles. - Il est important pour faire cette
gelée que vous preniez des groseilles qui ne soient pas trop
mûres et encore acidulées afin que votre gelée soit bien
claire; dans le cas contraire, vous seriez obligé de la
clarifier, ce qui ne saurait se faire sans nuire à l'arôme des
fruits.
Il faut ordinairement pour faire une bonne gelée 500
grammes de sucre par 500 grammes de fruits, mais cette
proportion n'est pas de rigueur.
Prenez 2 kilos de sucre, cassez-le par morceaux dans
une poêle d'office, ayez 5 kilos de groseilles dont un kilo de
blanches pour que votre gelée soit plus belle, égrenez- les
ensemble, mettez-les dans une autre poêle avec un demisetier
d'eau, pour les fondre, mettez-les sur le feu et remuez
de temps en temps afin qu'elles ne s'attachent pas; ajoutez-y
pour donner du goût un petit panier de framboises bien
épluchées, et faites bouillir le tout; passez-les après sur un
tamis pour en retirer le jus que vous versez sur le sucre,
remettez ce sucre sur le feu, pour lui faire jeter une douzaine
de bouillons et assurez-vous si elle est cuite à point, mettezen
une pleine cuillerée à bouche sur une assiette, laissez- la
refroidir; si elle tombe en gelée vous pourrez l'empoter,
sinon faites-lui prendre un ou deux bouillons de plus.
Vous couvrez vos pots, d'abord avec une rondelle de
papier blanc trempé dans de l'eau-de-vie, puis vous
recouvrez cette rondelle d'un autre papier double que vous
rabattez sur les parois de votre pot et que vous attachez
avec une ficelle fine.
On ne saurait trop insister sur la couverture des pots:
s'ils sont mal couverts, l'air, en pénétrant, altère votre
confiture et lui fait perdre une grande partie du liquide
qu'elle contient, ce qui la dessèche et lui donne une
consistance trop forte.
Il faut aussi employer toujours pour la couverture des
pots du papier blanc collé: l'autre absorbe trop facilement
l'air.
Je reçois à l'instant un billet d'un maître. On ne saurait
être trop renseigné. Je le transmets à mes contemporains et
à la postérité. Le voici:
«Cher et illustre maître,
«Voici ce que mon expérience, acquise devant les
fourneaux, me suggère sur le point où vous voulez bien me
consulter.
«Pour faire de la bonne gelée de groseilles prenez le
fruit peu mûr, qui est gélatineux, égrenez-le, jetez les
grains dans une terrine, ajoutez quelques framboises
également; prenez pour deux kilos de fruits, deux kilos de
sucre, que vous ferez fondre dans une bassine avec un
demi-litre d'eau; à la première ébullition, cinq minutes
après, jetez vos groseilles dans le sucre. Un quart d'heure de
grande ébullition; enlevez la pulpe, jetez votre gelée de
groseilles sur un tamis fin; ondulez-la deux minutes, et
versez dans vos pots. Vous obtenez par ce moyen de la
belle gelée, et le goût de fruit bien prononcé.
Infaillible réussite.
«VUILEMOT».
Gelée de pommes à la façon de Rouen. - On emploie
ordinairement pour faire cette gelée, des pommes de
reinette, à cause de la plus grande quantité d'acide qu'elles
contiennent, et qui leur permet de ne pas faire une gelée
trop fade malgré cela; on y ajoute encore généralement un
jus de citron.
Pelez des pommes de reinette avec un couteau d'argent
afin d’empêcher leur jus de se colorer, lavez-les bien à
l'eau chaude, égouttez-les, mettez-les dans un poêlon, avec
assez d'eau pour les baigner complètement, faites-leur jeter
un bouillon afin qu'elles soient bien cuites mais pas
écrasées, versez-les sur un tamis, laissez-les égoutter,
mettez dans votre jus que vous avez passé deux cuillerées de
sucre clarifie et cuit au fort lissé; versez le tout dans le
poêlon et faites bouillir jusqu'à ce qu'elle tombe en nappe,
ajoutez-y de l'écorce de citron coupée en petits filets,
laissez bouillir encore une minute ou deux, enlevez les
filets de citron avec lesquels vous couvrez les pots que
vous avez remplis de gelée.
Gelée de fleurs d'oranger. - Quand votre gelée de
pommes est arrivée à son point de cuisson, vous retirez la
bassine du feu et vous laissez tomber l'ébullition, alors
vous versez et mêlez rapidement de la teinture de fleur
d'oranger en faisant bien attention que la gelée soit encore
assez chaude pour faire évaporer l'esprit tandis que l'arôme
se mélange avec le sucre.
Gelée de roses. - Se fait de la même manière que celle
d'oranger en ajoutant à votre gelée de pommes la quantité
suffisante d'eau double de rose, délayée avec un peu de
carmin pour donner à la gelée une teinte suave de rose
pâle.
Gelée de cerises. - Ecrasez des cerises dont vous ôtez
les noyaux en en conservant seulement une partie pour
donner un bon goût d'amande à votre gelée, vous y ajoutez un
quart de groseilles égrenées puis vous mettez le tout dans
une casserole avec du sucre en suffisante quantité,
entretenez l'ébullition pendant un quart d'heure et passez le
contenu de votre bassine sur un tamis afin de bien extraire
le jus que vous remettez dans la bassine et que vous faites
cuire jusqu'à ce qu'il ait atteint la consistance prescrite;
alors vous retirez votre gelée la mettez dans les pots.
MARMELADES.
Marmelades de pêches. - Choisissez des pêches
automnales et mûres que vous pelez et coupez par
morceaux, ajoutez du sucre en quantité que vous clarifierez
et ferez cuire au fort perlé; puis mettez vos pêches dans le
sucre, ne manquez pas de remuer continuellement, quand
votre composition cuit, avec une spatule, jusqu'à ce qu'elle
soit arrivée au degré de cuisson voulu.
Ajoutez aussi quelques amandes comme à la
marmelade d'abricots.
Marmelades de prunes mirabelles. - Prenez de la
petite espèce de mirabelles, bien mûres, ôtez les noyaux et
faites macérer 24 heures avec du sucre en poudre.
Faites cuire, tamisez et procédez comme pour les
autres marmelades de fruits.
Marmelade de cerises. - Prenez des cerises mûres, que
les oiseaux auront jugées telles en les piquant du bec.
Otez-en les queues et les noyaux, écrasez-les et donnezleur
un fort bouillon, passez-les au travers d'un tamis,
mettez ce qui est passé dans un poêlon, faites-le réduire à
moitié et ajoutez-y quantité égale de sucre; finissez comme
ci-dessus.
La marmelade de groseilles se fait de même.
Marmelade de framboises. - Faites macérer vos
framboises pendant 3 ou 4 heures avec du sucre en poudre,
mettez-les ensuite dans une bassine et faites cuire à grand
feu, passez-les quand elles seront bien fondues sur un tamis
très fin, remettez-les dans la bassine et faites chauffer
jusqu'à ce que la marmelade ait pris la consistance
nécessaire, empotez-la quand la chaleur est tombée.
Marmelade de fraises. - Comme ci-dessus.
Marmelade de verjus. - Choisissez du verjus presque
mûr dont vous ne prendrez que les grains, écrasez-les et
mettez-les au feu, faites-leur prendre plusieurs bouillons et
passez-les au travers d'un tamis, pour qu'il ne reste que les
peaux et les pépins, vous les remettez réduire au feu et vous
y ajoutez la même quantité de sucre; faites cuire et finissez
comme ci-dessus.
Marmelade sans nom. - Elle se fait avec des fruits
d'églantier cueillis après les premières gelées, elle est très
agréable et fortement astringente, c'est un bon stomachique
dont il ne faut pas abuser.
Après avoir ôté les queues et les calices de vos fruits,
vous les fendez et enlevez toutes les graines. Mettez vos
églantines épluchées dans une bassine avec assez d'eau
pour les baigner, et faites cuire doucement, passez-les,
ajoutez leur poids de sucre, faites réduire et faites bouillir
jusqu'à ce que la marmelade ait en refroidissant acquis plus
de fermeté que les autres.
Marmelade de poires. - Pelez des poires de bonne
espèce, coupez-les par quartier et mettez-les baigner dans
l'eau, faites cuire à grand feu, retirez-les et mettez le sucre
dans leur eau, pendant que le sucre se fond, vous écrasez
vos poires et vous les passez à travers un tamis, puis vous
remettez le tout dans la bassine et vous achevez de faire
cuire en finissant comme pour les autres.
Raisiné de poires à la paysanne. - Prenez un moût de
raisins blancs ou de raisins noirs, faites-le réduire d'un
quart en bouillant, laissez-le refroidir, versez-y du vin
blanc d'Espagne ou de la craie délayée avec de l'eau, mêlez
bien la craie avec le moût, il se fait alors une vive
effervescence; quand elle est apaisée, vous ajoutez une
nouvelle portion de craie et vous continuez jusqu'à ce que
cette effervescence soit disparue. Laissez reposer la nuit, le
lendemain décantez le dépôt, passez-le à la chausse jusqu'à
ce qu'il soit bien clair; puis remettez- le sur le feu et faites
bouillir avec quelques blancs d'oeufs battus dans l'eau;
mettez alors vos poires coupées en morceaux, faites bouillir
le tout ensemble jusqu'à cuisson complète des poires et
réduction suffisante du moût.
Raisiné de coings à la dauphinoise. - Il se fait de la
même manière que le raisiné de poires, on y ajoute
seulement des coings coupés en morceaux et que l'on a
bien brossés pour enlever les poils.
PATES DE FRUITS
Pâte de prunes. - Cuisez de la mirabelle en gelée et
évaporez par couches à l'étuve, même pour toutes les pâtes de
fruits. Observation générale: Sucrez fortement pour
conserver le goût et la couleur.
Pâte de pommes. - On la fait avec une belle gelée de
pommes aromatisée.
Pâte de fruits variés. - On peut convertir en pâte tous
les fruits dont on fait des gelées et des marmelades; on
peut en faire en toutes saisons, il ne s'agit que de mettre
les gelées ou les marmelades dans une bassine et de les
faire amollir en les chauffant doucement.
Pâte transparente d'abricot, de prune, etc. - Ecrasez
à froid, mettez le suc exprime dans une bassine avec un
peu de gomme arabique, puis vous clarifiez au blanc
d'oeuf, en l'introduisant dans le jus que vous remettez dans
la bassine et que vous mêlez bien en faisant bouillir et en
ôtant les écumes à mesure qu'elles se forment.
Cougloff à l'allemande. - On ne saurait donner une
meilleure formule que celle ci-après, recueillie par M.
Carême.
Mettez dans une grande terrine vernissée une livre et
demie de beurre fin que vous avez fait tiédir, puis avec une
grande cuiller en bois (neuve ainsi que la terrine) vous mêlez
ce beurre pendant six bonnes minutes, afin qu'il devienne
velouté et d'un moelleux parfait, vous y joignez ensuite
deux oeufs, puis vous remuez ce mélange pendant deux
bonnes minutes, ajoutez trois jaunes d'oeufs et remuez
encore deux minutes. Vous sucrez ce procédé, en mettant
successivement dix autres oeufs et neuf jaunes, ce mélange
de beurre et d'oeufs doit vous donner une crème
extrêmement douce au toucher; alors vous y mêlez peu à
peu deux livres de belle farine tamisée, ce qui commence à
donner une pâte mollette, vous y joignez douze gros de
bonne levure dissoute dans un verre de lait chaud. Vous
passerez ce liquide dans le coin d'une serviette (on
emploiera le même procédé pour passer la levure liquide
avant de la joindre dans les détrempes où son addition est
nécessaire), remuez bien ce liquide à la pâte en y mettant
huit onces de farine passée, puis faites un creux dans la
pâte, dans laquelle vous mettez une once de sel fin et
quatre onces de sucre en poudre, ensuite vous versez
dessus un verre de lait chaud et le mêlez à la masse entière en
y joignant encore huit onces de farine.
Cette pâte se travaille encore quelques minutes en y
versant de temps en temps un peu de lait chaud, afin de la
rendre de la consistance mollette du gâteau de Compiègne.
L'addition du lait donne plus de corps et la rend plus lisse
qu'elle n'était d'abord.
Il est aisé, ce me semble, de voir que la manière
de travailler cette détrempe contribue seule au moelleux de
ce délicieux gâteau.
Ensuite vous avez tout prêt un moule de la même
grandeur et beurré de même que pour le gâteau de
Compiègne. mais avec cette différence que dans celui-ci
vous placez avec symétrie des amandes douces séparées en
deux parties puis vous y versez la pâte par petite partie,
afin de ne pas déranger les amandes pour la fermentation et
la cuisson. C'est absolument la même manière de procéder
que pour la brioche (V. Brioche fine royale) royale ou
gâteau de Compiègne.
«Nous sommes redevables de cette intéressante recette
(dit toujours M. Carême) à M. Eugène Wolf, chef de
cuisine du prince Schwartzenberg, et je remercie bien
sincèrement cet estimable et savant praticien de ce qu'il a
bien voulu me rendre ce service important, puisque
aujourd'hui je peux en enrichir notre grande pâtisserie
nationale.
«M. Eugène Wolf m'a assuré que les Viennoises ont un
talent tout particulier pour bien faire ce gâteau. Elles ont la
sage précaution de se mettre dans un lieu chaud pour
travailler, puis elles font tiédir les oeufs, le beurre la farine et
même la terrine, ce qui fait le plus grand honneur aux
femmes de Vienne».
Conserves. - Les conserves sont une grande et
précieuse ressource pour la marine et l'armée, ainsi que
pour l'économie domestique.
On donne aussi ce nom à des substances végétales
sèches ou fraîches, qu'on incorpore avec une quantité
suffisante de sucre pour en faire une pâte assez consistante
mais toujours molle.
La conservation des aliments parait toujours beaucoup
plus moderne que celle des corps. La plus simple méthode
est celle des salaisons, quoiqu'elle ne soit pas générale, et ne
s'applique qu'à un petit nombre d'aliments.
La méthode la plus générale est celle soumise par M.
Appert à l'Institut, et qui consiste à conserver toutes les
substances alimentaires dans des boites de fer-blanc et de
fer battu. Avant de renfermer une substance alimentaire
quelconque, M. Appert la fait soumettre à l'influence de la
chaleur du bain-marie, qu'il considère comme le principe
unique et universel de conservation; par ce procédé, les
substances animales ne perdent rien de leur poids ni de leur
volume; dans les substances végétales au contraire, le
calorique en sépare l'eau de végétation qui, restant dans
les bouteilles, devient un jus excellent; il diminue d'autant
le volume de la substance conservée et en améliore la
qualité.
M. Masson, jardinier en chef de la Société
d'horticulture, emploie pour la conservation des substances
alimentaires végétales le procédé suivant.
Ces substances sont épluchées avec soin, débarrassées
des parties dures comme pour les préparations usuelles
culinaires; on les dispose sur des claies en canevas très
clair cloué sur un cadre en lattes; ces claies sont placées sur
des rayons en lattes, et les matières sont soumises à l'action
de l'air chaud dans une étuve chauffée à environ 40
degrés.
Cette opération prive les substances de l'eau
surabondante qui n'est pas indispensable à leur constitution
et qui, pour certains végétaux, tels que les choux et les
racines s'élève à plus de 80 ou 85% de leur poids à l'état
frais. On les soumet ensuite à la compression très énergique
d'une presse hydraulique, compression qui réduit leur
volume, augmente leur densité, la porte à celle du bois de
sapin, et facilite ainsi la conservation, l'arrimage et le
transport de ces substances. Les légumes desséchés et
comprimés sont habituellement livrés en tablettes de 0,20m
de côté environ, enveloppées d'une feuille mince d'étain;
25 000 rations ne demandent qu'un espace d'un mètre cube.
Pour employer les légumes ainsi préparés, il suffit de les
laisser tremper de 30 à 45 minutes dans l'eau tiède; ils
reprennent alors presque toute l'eau qui leur a été enlevée;
on les cuit ensuite pendant le temps nécessaire et on les
assaisonne à la manière ordinaire. Le procédé ci-dessus
s'applique à tous les légumes verts, aux racines, aux
tubercules et mêmes aux fruits.
Si vous voulez de bon bouillon, prenez de l'essence de
chair crue du baron Liebig, et mettez-en une cuillerée à café
dans un bol d'eau bouillante, salez-le en conséquence, et
vous aurez en cinq minutes de l'excellent consommé, où
vous pouvez ajouter des pâtes après les avoir préalablement
fait cuire.
Ne nous occupons ici que des conserves de fruits, en
renvoyant pour la préparation des conserves de viande à
l'article qui les concerne.
CONSERVES DE FRUITS ENTIERS.
Prunes confites. - On laisse le fruit tel qu'il est, et on le
pique en divers endroits, pour qu'il puisse rendre son eau et
se bien pénétrer de sirop. On suit le même procédé que pour
les abricots (V. ABRICOT), mais il faut que le sirop soit
concentré cinq ou six fois, c'est-à-dire chaque fois qu'on le
verse sur les prunes dont il absorbe une partie de l'eau
qu'elles contiennent.
A la dernière cuisson, on y jette les prunes et on leur fait
essuyer un gros bouillon, on laisse les prunes dans le sirop
pendant quarante-huit heures, en prenant bien soin que le
sirop ne refroidisse pas.
On fait ensuite sécher les prunes comme les abricots.
Conserve de citrons. - Vous zesterez un citron dans
une assiette, vous exprimerez le jus sur vos zestes et les
laisserez infuser un peu de temps, faites cuire environ une
demi-livre de sucre clarifié au fort perlé, passez votre jus de
citron au travers d'un linge ou tamis de soie pour en retirer
les zestes, vous mettez votre jus dans le sucre et le
travaillez avec une cuiller, jusqu'à ce qu'il soit très blanc, et
le versez après dans vos moules.
Noix confites. - Vous enlevez l'épiderme des noix
vertes, et vous les jetez à mesure dans l'eau fraîche pour les
empêcher de noircir, faites-les blanchir dans l'eau
bouillante, et remettez-les ensuite dans l'eau fraîche;
clarifiez et faites cuire du sucre au lissé, laissez-le refroidir
et versez-le sur vos noix. Le lendemain, faites chauffer
votre sirop sans bouillir, ajoutez du sucre pour remplacer
celui que les noix ont absorbé et versez-le sur vos noix
après l'avoir laissé un peu refroidir, répétez cinq fois cette
opération en ajoutant chaque fois assez de sucre pour que le
sirop revienne à la même consistance; faites sécher au four
sur des assiettes saupoudrées de sucre dans lequel vous
aurez roulé les noix.
Citrons verts confits. (V. CITRONS).
Oranges confites. - Incisez par endroits l'écorce de vos
oranges, mettez-les dans un sirop bouillant, mi-eau, misucre,
laissez bouillir jusqu'à ce que les oranges soient
devenues très tendres, retirez-les alors.
Remettez du sucre dans le sirop, de manière à l'amener
au lisse, faites-le bouillir et remettez vos oranges auxquelles
vous donnerez quelques bouillons; écumez le sirop, retirez
vos oranges, mettez-les dans une terrine et versez le jus
dessus.
Vous les laissez jusqu'au lendemain, vous donnez
encore quelques bouillons au sirop et vous les versez sur
les mêmes fruits.
Le troisième jour on met le sucre à la nappe et on y
ajoute les oranges auxquelles on donne un bouillon
couvert.
On opère de même les deux jours suivants; le dernier
jour après avoir amené le sirop au perlé, vous y mettez les
oranges auxquelles vous donnez trois ou quatre derniers
bouillons, vous les retirez, les faites égoutter et sécher à
l'étuve.
Les cédrats et les bergamotes se préparent de la même
manière.
Marrons glacés. - Ayez de beaux marrons de Lyon,
faites-les cuire à la braise, puis faites clarifier du sucre et
faites-le cuire au casse, placez ensuite vos marrons, jetezles
les uns après les autres dans le sucre, retirez-les aussitôt
avec une cuiller et mettez-les à mesure dans l'eau fraîche; le
sucre se glacera aussitôt autour.
Conserve de café. - Faites du café très fort et très clair,
prenez une livre de sucre clarifié, faites-le cuire au boulet
ou au petit cassé, retirez-le du feu et l'affaiblissez avec une
tasse de cale pour le mettre à son point afin de le travailler,
c'est-à-dire qu'il faut toujours que votre conserve soit cuite
au fort perlé ou au petit soufflé pour qu'elle puisse prendre
et sécher, dressez-la ensuite comme les autres.
Conserve en forme de tranches de jambon. -
Choisissez le plus beau sucre que vous pourrez, faites-en
deux parties que vous mettez dans deux poêlons et faites
cuire à soufflé dans l'un et dans l'autre, rentez-y du jus ou de
la râpure de citron et un peu de cinabre dans un seul,
remuez-le bien avec du sucre pour lui faire prendre
couleur, faites ensuite une couche de conserve blanche sur
une feuille de papier, par-dessus une couche de conserve
rouge, et ainsi de suite en alternant jusqu'à l'épaisseur de
quatre doigts, en sorte que la dernière soit rouge; coupez le
tout avec un couteau en forme de tranche de jambon, et
renversez-le à mesure sur du papier en ajoutant chaque fois
à la conserve rouge un peu de cinabre pour rougir
davantage.
Conserve de roses. - Faites cuire une demi-livre de
sucre au fort soufflé, prenez de la meilleure eau double de
roses, quand votre sucre sera cuit, faites-le cuire avec votre
eau jusqu'au fort perlé, donnez-lui de la couleur avec un peu
de cochenille préparée ou du carmin que vous travaillerez
et coulerez dans des moules.
Conserve de nougat. - Mondez 500 gr. d'amandes
douces et séparez les dicotylédons, faites-les sécher et
blondir sur le feu dans une bassine, faites fondre à sec, en
remuant toujours, douze onces de sucre dans une casserole
non étamée et légèrement beurrée; jetez vos amandes
chauffées dans le sucre quand il est fondu et blond; mêlezles
ensemble et étalez-les en les relevant sur les bords de la
casserole, en en laissant au fond une couche d'égale
épaisseur, laissez ensuite refroidir la casserole et moulez.
Consommé (V. BOUILLON)
Coq. - Le coq est à coup sûr l'oiseau le plus glorieux, le
plus vigilant et le plus courageux qui existe.
Comme orgueil, il n'y a qu'à le voir marcher au milieu
de son harem de poules pour reconnaître que, sous ce
rapport, il est le rival du paon. Comme vigilance, il ne dort
jamais plus de deux heures de suite et, à partir de une
heure du matin, il arrache, par son chant aigu, l'homme au
sommeil et le renvoie à ses occupations. Comme courage,
Levaillant rapporte dans ses Mémoires que son coq était le
seul de tous ses animaux que ne troublât ni l'approche ni le
rugissement du lion.
Le coq fut de tous temps mêlé à la magie, et les
magistrats de Bâle, en Suisse, condamnèrent un coq à être
brûlé pour avoir pondu un oeuf.
Il fut un instant question, sous le premier empire, de
prendre, comme emblème et comme armes au drapeau
français, l'ancien coq gaulois. L'empereur Napoléon Ier à
qui l'on soumettait cette question refusa en répondant:
«Je ne veux pas, parce que le Renard le mange».
Et il choisit l'aigle.
Le coq ne sert dans la cuisine qu'à faire un consommé
à qui les anciens dispensaires attribuent des vertus
héroïques connues sous le nom de gelée de coq.
Le coq- vierge cependant, le célibataire de nos bassescours,
doit à sa continence et à sa vertu un goût et un
parfum qui le distinguent éminemment de son oncle le
chapon qui, on le sait, est non le père mais l'oncle des
poulets. On le mange à la broche et simplement bardé,
car ce serait l 'outrager que de le piquer et le déshonorer que
de le mettre en ragoût.
Nous avons aussi le coq de bruyère, superbe gibier
qui nous vient principalement des Ardennes, des Vosges
et des montagnes d'Auvergne, et qui se mange comme le
coq-vierge rôti ou piqué.
Le coq, en somme, est un fort bel animal, galant,
intrépide, doué d'une voix sonore, et représentant bien
l'esprit français; mais fort peu estimé à la cuisine, où l'on
préfère sa progéniture.
Cornichon. - Ce sont de jeunes concombres que l'on
confit ordinairement au vinaigre de la façon suivante:
Prenez de très petits cornichons, brossez-les, coupez le
bout de la queue, mettez-les dans un vase de terre avec
deux poignées de sel, retournez-les assez pour qu'ils soient
tous bien imprégnés de sel, laissez-les reposer vingtquatre
heures, égouttez-les bien, versez du vinaigre blanc
bouillant en quantité suffisante pour les faire baigner.
Couvrez le vase et laisser infuser vingt-quatre heures, ils
auront pris une couleur jaune; retirez-en le vinaigre que
vous mettez bouillir dans un chaudron non étamé sur un
feu très vif, jetez-y les cornichons, remuez-les et, au
moment où ils seront près de bouillir, retirez-les du
chaudron, laissez-les refroidir, ils reprennent le vert;
mettez-les dans les vases où ils doivent rester et couvrezles
d'assaisonnements comme passe-pierre, estragon,
piment, petits oignons, ail, remplissez les vases de
vinaigre, de manière que le tout baigne; couvrez-les avec
soin, ils sont bons huit jours après. Si vous tenez plus au
goût qu'à la verdeur, brossez-les par petites portions à
mesure de la cueille, salez-les, faites-les égoutter de leur
eau comme ci-dessus, et mettez-les dans le vinaigre à froid
avec assaisonnements.
Côtellettes. - (V. AGNEAU, BOEUF, CHEVREUIL,
COCHON, MOUTON, VEAU, ETC)
Côtelettes à la gendarme :
Mais c'est pour les offrir aux gens les plus honnêtes,
Qu'ici je taille en veau de larges côtelettes:
J'assaisonne de: sel. poivre; et de beurre frais.
J'enfouis chaque morceau, puis je le roule après
Dans une chapelure. Ainsi qu'en une croûte,
La côtelette est mise toute ;
Ensuite sur un gril, je fais, au feu très doux,
Cuire, en les retournant, ces pains aux beaux tons roux,
Qu'il faut servir sur sauce citronnée...
J. ROUYER.
Couleurs (ou coloration culinaire). - On se sert
toujours dans la préparation des pièces d'office de
colorations artificielles, voici les colorations inoffensives:
Bleu. - Indigo étendu d'eau.
Jaune. - Gomme-gutte ou safran.
Vert. - Jus cuit au feu, tamisé, étendu d'eau et sucré de
feuilles d'épinards ou de blé vert pilées.
Rouge. - Cochenille et alun en poudre bouillis dans de
l'eau.
Pourpre. - Pollen de fleurs de carottes sauvages séché
et étendu d'eau, ou jus de sureau étendu d'eau.
Violet. - Cochenille et bleu de Prusse.
Orange. - Safran et cochenille.
La couleur verte peut se composer de bleu et de jaune,
plus le jaune y domine, plus la nuance verte est claire.
Le violet se forme également du rouge et du bleu dont
la teinte s'assombrit en augmentant l'une ou l'autre de ces
couleurs.
Avec ces diverses indications, on pourra donner aux
mets qui doivent être colorés les couleurs que l'on jugera
les plus appropriées à leur nature.
Coulis. - Préparation faite à l'avance et réservée dans
les cuisines pour achever certains ragoûts dont le
mouillement doit être lié.
Votre coulis d'abord ne doit être ni trop épais ni trop
clair et offrir une belle couleur cannelle; mettez dans un
poêlon de la rouelle de veau, en proportion de ce que vous
voulez avoir de coulis et du lard coupé en petits morceaux,
ajoutez trois ou quatre carottes et placez le tout sur un feu
doux; quand la viande a jeté son jus vous faites cuire à
grand feu; quand tout est cuit, vous retirez la viande et les
légumes, et vous mettez dans la casserole du beurre et de la
farine, faites un roux de belle couleur, mouillez-le avec du
bouillon chaud, jetez la viande dedans et faites cuire deux
heures à petit feu; passez-le ensuite à l'étamine pour vous
en servir au besoin.
Coulis de poisson. - Faites fondre un bon morceau de
beurre à la casserole et mettez revenir et prendre couleur
des carottes et oignons par tranches, mouillez avec de l'eau
et ajoutez des chairs, bien nettoyées, de poisson, avec sel,
poivre, muscade et bouquet garni. Le poisson étant bien
cuit, passez ce bouillon dans une passoire et servez-vousen
pour bouillon ou sauce.
Court-bouillon. - Sorte de bouillon maigre destiné à
lier certaines sauces de poissons. Faites cuire ensemble du
vin blanc, du vin rouge, du beurre, des fines épices, du
laurier et des fines herbes; servez votre poisson, quand il
est cuit, sur une serviette et mangez-le à la sauce à l'huile et
au vinaigre.
Les courts-bouillons dits au bleu consistent en
employant du vin bouillant dans lequel on met le
poisson pour lui donner une belle couleur bleuâtre.
Crabes. - Il y a plusieurs espèces de crabes; mais il n'y
a guère que le gros crabe de Bretagne et le crapelet de la
Manche qui puissent figurer dignement sur la table,
quoique leur chair soit toujours de difficile digestion; leurs
oeufs sont meilleurs et les nègres s'en nourrissent; les
Caraïbes ne vivent presque que de crabes.
On les fait cuire à l'eau de sel, ainsi que les homards et
les crevettes avec du beurre frais, du persil, un bouquet de
poireaux, vous les laissez refroidir dans leur brouet, vous en
détachez proprement les chairs blanches, et vous enlevez
avec une cuiller la crème de laitance que vous mélangez
avec les chairs épluchées en y joignant du cresson, du gros
poivre, un peu d’huile vierge et un peu de verjus; garnissez
votre plat de ces deux mordants et servez comme rôt fort
élégant, surtout en carême.
Crapaud. - Le crapaud n'a point dans tous les pays la
qualité malfaisante que nous lui connaissons. Quand les
nègres d'Afrique sont incommodés de migraines
auxquelles l'ardeur du soleil les rend sujets, ils se frottent le
front avec des crapauds vivants, ce qui les soulage
merveilleusement. Les crapauds des Antilles ont la chair
aussi bonne et aussi délicate que l'est celle de nos
grenouilles, et comme ils sont fort gros, deux de ces
crapauds suffisent pour faire un bon plat que l'on sert en
fricassée de poulet et dont les indigènes sont friands.
Crème. - On appelle ainsi l'espèce de peau qui s'élève
sur le lait avant ou après son ébullition; elle est composée de
sérum, d'un peu de fromage et de beurre à l'état d'émulsion;
on ne s'en sert guère comme aliment à cause de la grande
quantité de beurre qu'elle contient qui pèserait sur
l'estomac et donnerait lieu à des nausées et même à des
vomissements; à Roquefort cependant, on en fait un
fromage nommé crème de Roquefort, elle est faite avec le
lait une fois caillé et avant d'être broyé; elle s'altère
facilement, ne supporte pas le voyage et se dénature par
une fermentation très prompte.
On donne aussi ce nom à diverses préparations
culinaires dont la base est le lait et qui se font par la
cuisson.
Nous allons en indiquer quelques-unes:
Crème fouettée à la paysanne. - Vous prenez une
certaine quantité de crème que vous faites réduire à moitié,
en y mettant du sucre et une bonne pincée de gomme
arabique dissoute dans de l'eau de fleur d'oranger. Fouettez
fortement jusqu'à ce que votre crème forme mousse. Si
vous voulez que votre crème se conserve, mettez le vase
qui la contient sur la glace pilée ou recouvrez-le d'un autre
plat sur lequel vous mettez de la glace.
Crème frite. - Ayez un demi-litre de lait que vous faites
bouillir avec un zeste de citron, délayez deux oeufs entiers
avec de la farine tant qu'ils en pourront boire, relâchez cet
appareil avec quatre oeufs blancs et jaunes, mouillez avec
votre lait chaud, et supprimez le citron; délayez cette crème
de manière qu'il ne se forme pas de grumeaux, faites
cuire en tournant comme une bouillie et au bout d'un
quart d'heure de cuisson, vous ajoutez du sel, du sucre, un
peu de beurre et quelques gouttes de fleur d'oranger,
achevez de la faire cuire 7 ou 8 minutes, mêlez de suite
quatre jaunes d'oeufs, versez-la sur un plafond que vous
aurez beurré ou fariné en l'étendant d'un doigt d'épaisseur,
laissez-la refroidir, coupez-la en losange ou en petits pâtés,
farinez-la ou panez les beignets avec de la mie de pain bien
fine, et faites frire d’une belle couleur, égouttez-les sur un
linge blanc, posez-les sur un plafond, saupoudrez de sucre
fin, glacez-les, dressez et servez. On peut faire cette crème
au chocolat mais sans macaroni.
Crème en mousse à la vanille. - Vous versez le tiers
d'une gousse de vanille, que vous aurez fait bouillir dans
du lait, sur votre crème à fouetter après l'avoir passée au
tamis.
Crème en mousse au café. - Vous mettez deux ou trois
cuillerées de café infusé dans votre crème et vous procédez
comme ci-dessus.
Crème en mousse aux liqueurs. - Vous procédez
comme ci-dessus en ajoutant les liqueurs que vous voulez.
Crème en mousse au chocolat. - Fouettez fortement
votre crème dans laquelle vous aurez mis du chocolat bien
fin.
Crème en mousse aux fruits. - Prenez un demi litre de
crème bien fraîche, ajoutez-y du sucre en poudre, un peu
de gomme arabique et un moyen verre de pulpe de fraises
passée au tamis.
Fouettez bien le tout, enlevez la mousse et dressez en
forme de rocher.
On fait de cette façon les crèmes de pêches,
d'abricots, de framboises, d'amandes, de prunes, etc.
Crème au café blanc. - Prenez de la crème suivant la
quantité que vous voulez obtenir, ajoutez-y du zeste de
citron et du sucre, faites brûler deux onces de café;
lorsqu'il sera de belle couleur, jetez-le dans votre crème
bouillante, et couvrez le tout avec un couvercle; laissez
infuser votre café dans la crème, retirez-le, mettez dans une
étamine trois dedans de gésiers lavés, séchés et presque en
poudre; passez votre crème à demi refroidie trois fois à
travers cette étamine, en bourrant un peu le gésier avec une
cuiller de bois; remplissez promptement vos pots de crème
en ayant soin de la remuer, puis faites- la prendre au bainmarie,
et couvrez la casserole dans laquelle sont vos pots
avec un couvercle sur lequel vous mettez du feu. Quand
votre crème est prise, vous les retirez et les mettez dans de
l'eau fraîche sans les couvrir, essuyez-les, dressez -les, et
servez.
Nota. La gélatine de gésier vaut mieux que le blanc
d'oeuf, retenez-le bien.
Crème à la religieuse. - Mettez dans une casserole,
farine, sucre en poudre, sel, jus de citron, d'orange, ou
vanille, mettez ensuite du lait ou de la crème bouillante et
faites prendre votre crème au feu. Laissez-la ensuite
refroidir et garnissez-la autour d'une mousse, que vous
aurez faite avec des jaunes d'oeufs durs et un peu de sucre
que vous aurez disposés en mousse.
Crème renversée. - Ayez un bol assez grand pour
contenir, par exemple, un litre de lait, six oeufs et une
demi-livre de sucre; faites cuire ensuite au caramel environ
un quart de sucre en poudre, ajoutez-y un peu d'eau pour le
rendre coulant, puis versez-le dans un moule en enduisant
bien les bords et le fond de ce moule; vous laissez refroidir
et vous versez ensuite votre crème liquide que vous aurez
bien battue, c'est-à-dire, bien mêlé votre lait, les oeufs, le
sucre et la substance à laquelle vous voudrez faire la
crème; mettez le tout au bain-marie dans votre moule avec
feu dessus et dessous, jusqu'à cuisson parfaite et belle
couleur; laissez ensuite refroidir votre crème dans son
moule pendant douze heures afin qu'elle se durcisse bien,
renversez ensuite votre moule sur un plat de façon que la
crème se trouve sens dessus dessous, dressez et servez avec
le jus autour.
Crème bachique. - Elle se fait avec du vin de
Champagne rose, du sucre, de l'écorce de citron ou de la
cannelle que l'on fait bouillir ensemble; cassez ensuite une
certaine quantité d'oeufs dont vous prenez les jaunes et que
vous liez bien ensemble avec un peu de vin que vous versez
peu à peu dessus et que vous continuez de remuer sur le feu
sans laisser bouillir; puis vous la passez et versez dans le
vase qui doit la contenir.
Les crèmes au chocolat, aux pistaches, à la rose, aux
oranges citrons, etc. se font toutes comme celle au café. (V.
Crème au café). Les substances seules changent et vous les
mettez toujours en proportion avec la quantité de crème que
vous voulez obtenir.
Sabayon (cuisine italienne). - Soit: douze jaunes
d'oeufs, une demi-bouteille de Madère ou de Malvoisie,
50 grammes de sucre et cannelle en poudre; cuisez,
remuez, faites mousser, servez chaud dans de petits pots.
Crème au céleri. - Faites bouillir du lait ou de la
crème et ajoutez-y une racine de céleri, rave épluchée,
coupée par quartiers et lavée; laissez infuser pour faire
prendre le goût; prenez ensuite des jaunes d'oeufs et liez-les
avec 250 grammes de sucre concassé, puis versez-y et liez
votre crème en remuant constamment, passez la, versez-la
dans des pots et finissez-la au bain-marie.
Crème aux oeufs en surprise. - Vous faites un trou
dans un oeuf avec la pointe d'un couteau pour le vider
entièrement, puis vous mettez dans cette coquille telle
crème que vous voudrez; posez-les ensuite sur des
coquetiers ou des morceaux de navets taillés pour cet
usage; placez-les dans une casserole où ils puissent baigner
dans l'eau à moitié, faites-les prendre au bain- marie, lavez
-les et servez-les comme des oeufs à la coque; on peut aussi
les remplir de blanc-manger ou de gelée de poissons.
Crème au fromage bavarois, aux noix fraîches. -
Vous pelez des noix vertes et vous les mouillez légèrement
par intervalles, vous les délayez ensuite avec de la crème
bouillante dans laquelle vous aurez fait dissoudre du sucre;
laissez infuser et passez à l'étamine; ajoutez à la crème un
peu de colle clarifiée tiède, et versez le tout dans un moule
quelconque que vous placez dans de la glace pilée; remuezla
alors jusqu'à ce qu'elle soit bien liée, c'est-à-dire qu'elle
soit très lisse et coulante; vous ôtez votre moule de
dedans la glace, vous mêlez à votre préparation un peu de
fromage de Chantilly bien égoutté, vous remuez
parfaitement le tout et vous replacez le moule dans la glace
où vous le laissez congeler une demi- heure environ; au bout
de ce temps vous pouvez démouler votre composition qui
vous donne un excellent fromage bavarois, d'un velouté et
d'un moelleux parfait.
Les fromages bavarois à l'essence de menthe, au thé, au
cacao, aux boutons de roses, à la fleur d'oeillet, aux
pêches, aux melons, etc., se font de la même manière en les
parfumant avec ces différentes matières.
Crêpes. - On les opère avec une pâte à frire faite avec
de la farine, du lait, des jaunes d'oeufs et un peu d'eau-devie.
Beurrez votre poêle, versez une cuillerée de pâte sur le
beurre chaud, étendez, retournez, retirez et neigez de sucre
(V. PANNEQUETS).
Crépinettes. - Ragoût fait avec des viandes hachées et
qu'on place dans des morceaux de crépines ou de
crépinette de porc.
Cresson. - Herbe crucifère antiscorbutique. Il y a le
cresson de fontaine et le cresson alénois. (voir cet article).
Le cresson de fontaine qui est le meilleur et très dépuratif se
sert en salade mêlé avec la laitue, la chicorée, etc., et pour
assaisonnement sain à des volailles rôties ou à des
beefsteaks.
Crêtes. - Expansions purpurines et déchiquetées que
les coqs et les poules possèdent sur la tête (V. Abatis et
garniture).
Crevettes. - Tout le monde connaît ce petit crustacé
qu'on voit sur toutes les tables bien servies mais qui
semble y être plutôt pour l'ornement que pour l'utilité. En
effet à peine vit-il deux heures hors de son élément sans
mourir et il a besoin d'être cuit vivant encore.
Rien n'est plus joli que de voir nager des crevettes dans
un bocal; l'animal est transparent lui-même comme le
cristal dans lequel il est enfermé; on voit tout son
organisme intérieur et jusqu'aux battements de son coeur;
vivante, sa chair semble être visqueuse, cuite elle est
compacte et du plus beau blanc.
Les crevettes des bords de la Manche sont renommées
et celles surtout des environs du Havre qu'on appelle
bouquet. Nous inviterons les touristes qui habitent le Havre
ou Etretat à aller manger des crevettes, à Saint-Jourt, chez
la belle Ernestine, et en effet, Ernestine est une belle et
sage personne de vingt-huit ans, tenant un hôtel et ayant
réputation faite sur toute la côte.
Là, on mange le plus beau bouquet qui se pêche à dix
lieues à la ronde; c'est le rendez-vous des gourmands du
Havre, des peintres et des poètes de Paris qui ont laissé les
uns des dessins les autres des vers à sa louange sur son
album.
Ce sont en général les femmes qui pèchent les
crevettes en poussant devant elles un filet qui ratisse le
fond de la mer et ramasse tout ce qui s'y trouve.
Quand elle doit être mangée séance tenante, la
crevette se jette tout simplement vivante dans une casserole
pleine d'eau de mer bouillante, à laquelle on joint un filet
de vinaigre; quand elle doit être transportée à Paris, on
plonge la crevette vivante dans un chaudron d'eau douce
avec un kilogramme de sel par quatre kilogrammes de
crevettes, on la laisse bouillir cinq minutes et on la retire,
on la mouille avec de l'eau froide et non salée qui lui
donne pour le regard, une valeur égale à celle qu'elle
conserve pour le goût.
Outre la crevette servie comme on sert les écrevisses, on
fait encore une foule de choses à la crevette que nous
allons indiquer ici. On fait du potage à la crevette.
Potage à la crevette. - Prenez 6 belles tomates, 6
oignons blancs, faites une purée, moitié tomate, moitié
oignons, faites cuire vos crevettes dans du vin blanc avec
sel, poivre, un peu de poivre de Cayenne. Vous épluchez
vos queues de crevettes que vous posez sur une assiette à
part, 100 à peu près. Vous gardez le corps que vous faites
bouillir avec l'assaisonnement de vos crevettes, vous le
pilez, lui faites prendre un bouillon et le passez au tamis.
Vous faites trois parties égales de très bon bouillon de
votre bisque aux crevettes et de vos tomates et oignons;
vous mêlez le tout dans trois ou quatre bouillons qui lient
bien les trois substances, vous goûtez et si le mélange est
bien fait et ne laisse rien à désirer, vous y jetez vos queues de
crevettes et vous servez bouillant.
Omelette aux queues de crevettes. - Vous faites cuire
de la même façon vos crevettes, vous les nettoyez de
même et vous les pilez également; vos oeufs battus, salés,
poivrés, vous y mêlez votre bisque de crevettes, et vous
faites l'omelette selon la coutume.
Il en sera de même pour les oeufs brouillés aux queues
de crevettes. Si vous avez du bouillon de poulet vous le
mêlerez avec votre bisque; puis bisque, crevettes, vous
jetterez tout dans vos oeufs battus dont vous aurez retiré un
blanc sur trois, vous tournerez et brouillerez vos oeufs
comme vous le feriez avec des pointes d'asperges.
Vous pouvez aussi éplucher deux ou trois cents
crevettes, pilez les corps dans l'huile et le vinaigre, passez au
tamis et cette bisque froide, l'étendre sur une salade salée et
poivrée.
Cromesquis. - Ragoût polonais. Genre croquettes
seulement enveloppez-les avec de la toilette de porc,
passez à la maréchale, faites frire, servez sauce tomate.
(Vuilemot). (V. AGNEAU)
Croquants. (V. CROQUEMBOUCHE).
Croquembouche. - On donne ce nom aux pièces
montées qui se font avec des croquignolles, des gimblettes,
macarons, nougats et autres pâtisseries croquantes, qu'on
réunit avec du sucre cuit au cassé et qu'on dresse sur une
abaisse de feuilletage en forme de large coupe; cette
préparation n'est usitée que dans la décoration d'un ambigu
d'apparat ou pour l'ornement d'un buffet de grand bal.
Croquembouche à la soubise. - (Recette de M. de
Courchamps). Après avoir fait et cuit une livre et demie de
croquignolles à la reine, vous aurez le soin de les coucher
le plus également possible et d’un pouce seulement de
diamètre, puis vous en coucherez le quart plus petit de
moitié. Lorsqu'elles seront cuites et refroidies, vous
moulerez ce croquembouche de cette manière: après avoir
fait cuire dans un petit poêlon d'office huit onces de sucre
au cassé, un peu serré, vous en versez la moitié sur un
couvercle de casserole à peine beurré, puis vous masquez
le feu du fourneau de cendres rouges afin de maintenir le
sucre du poêlon assez chaud pour vous en servir et en
même temps pour l'empêcher de prendre davantage de
couleur; alors vous glacez légèrement le dessus et
l'épaisseur des croquignolles que vous placez de suite dans
un grand moule uni, parfaitement bien essuyé, mais pour
tremper vos croquignolles dans le sucre vous devez les
piquer à la pointe du petit couteau, vous les posez avec
symétrie dans la forme qui vous agrée le mieux, mais
toujours avec l'intention soutenue d'une forme régulière et
pittoresque. Lorsque le sucre du poêlon est diminué de
trois quarts vous y joignez alors la moitié du sucre au cassé
conservé et quand cette partie se trouve employée vous
ajoutez le reste du sucre, mais dès qu'il commence à se
colorer, vous le versez sur le couvercle de la casserole où
vous en avez déjà mis, ensuite vous faites cuire comme cidessus
huit onces de sucre dans un petit poêlon d'office
bien propre, puis vous l'employez de même que le
précédent et après celui-là vous recommencez la même
opération; lorsque le moule se trouve garni de
croquembouche, vous n'aurez pas garni le fond attendu que
vous le remplacez par une abaisse de pâte d'office, du
même diamètre et que vous aurez parée bien ronde, ainsi
que deux plus petites dont une de six pouces de diamètre et
une de quatre pouces; alors vous les placez sur leur
épaisseur, c'est-à-dire tout autour, puis avec des petites
croquignolles que vous placez dans le reste du sucre, vous
faites fondre dans le même poêlon comme les précédents,
vous les placez en deux ronds l'un sur l'autre à l'entour et
sur le bord des deux petites abaisses, vous collez la grande
abaisse sur le croquembouche et sur cette abaisse vous
collez le plus grand socle par-dessus le second sur lequel
vous collez un rang seulement de croquignolles, vous
collez par-dessus une espèce de coupe que vous formez
dans un moule en dôme avec des croquignolles glacées, et à
l'entour du haut vous ajoutez un double rang de
croquignolles glacées, et dessus, pour servir de
couronnement, vous collez des denticules formées de
croquignolles que vous aurez parées carrément, puis au
moment de servir vous garnissez la coupe de crème
fouettée à la vanille.
Croquembouche de quartiers d'oranges. - Faire
sécher des quartiers d'oranges, faire cuire le sucre au cassé et
non au caramel, les tremper dans le sucre un à un et les
dresser dans un moule huile; renversez sur un plat et
servez.
Les marrons de même. (Recette Vuillemot).
On connaît aussi les croquembouches de feuilletage
blanc; ces préparations se trouvent en abondance chez les
bons pâtissiers de Paris. On aura meilleur compte à les
faire venir qu'à les exécuter soi-même.
Croquettes. - Sortes de beignets panés et frits, foncés
de hachis de viandes rôties ou de chair de poisson ou
encore d'oeufs durs et de purée de pommes de terre, etc.
On verra du reste par les recettes qui vont suivre et que
nous a transmises M. de Courchamps, quelles sont les
diverses préparations qui se rapportent à ce mets:
Croquettes de lapereau. - Après avoir fait cuire deux
lapereaux à la broche et les avoir fait refroidir, vous en
levez les chairs et en supprimez la peau et les tendons, vous
coupez ces chairs en petits dés, avec des truffes, des
champignons, quelques foies gras ou demi-gras coupés de
même, faites réduire ensuite une cuillerée à pot de blond de
veau à la consistance de demi-glace, ajoutez-y persil,
ciboules hachées, laissez cuire cinq ou six minutes, mettez
les chairs et les truffes dans votre sauce sans la laisser
bouillir, liez le tout avec deux jaunes d'oeufs, ayant soin de
remuer avec une cuiller de bois, versez cet appareil sur un
plafond, étendez-le avec la lame d'un couteau et laissez
refroidir. Divisez-le ensuite par parties égales grosses
comme la moitié d'un oeuf, formez-en des poires ou des
canetons, ainsi préparées, roulez-les dans la mie de pain,
trempez-les dans une omelette où vous aurez mis un peu de
sel fin, roulez-les encore une fois dans la mie de pain en
leur conservant la forme qu'il vous aura plu de leur donner,
faites-les frire à friture un peu chaude, afin qu'elles soient
de belle couleur, égouttez-les, dressez-les en dôme et
servez-les avec un bouquet de persil frit.
Croquettes de volailles. - Détaillez par membres un
jeune poulet, faites le mariner deux à trois heures avec
huile, un jus de citron ou vinaigre, sel, gros poivre, ail,
tranches d'oignons, persil, égouttez, essuyez, farinez: faites
frire, servez avec persil frit ou sur une sauce à volonté.
Vous pouvez vous servir des membres de desserte, mais
alors on fait frire la pâte. On fait aussi ces croquettes
comme celles de veau (V. CROQUETTES).
Croquettes de marrons à la dauphiné. - Faites
griller cinquante beaux marrons de Lyon ou de Luc,
épluchez-les et ôtez-en toutes les parties colorées par
l'âpreté du feu, ensuite choisissez-en que vous partagez par
moitiés bien intactes, pilez le reste avec deux onces de
beurre, et passez ensuite par le tamis de crin; puis vous
délayer cette pâte dans une casserole avec un verre de
crème, deux onces de beurre, deux de sucre en poudre et
un grain de sel. Tournez cette crème sans la quitter sur un
feu modéré, desséchez-la deux minutes seulement, mêlez- y
6 jaunes d'oeufs et remettez-la un moment sur le feu. Alors
la crème doit se trouver un peu consistante mais non pas
ferme; versez-la sur un plafond légèrement beurré, et
élargissez-la. Couvrez-la également d'un rond de papier
beurré; lorsqu'elle est froide, vous prenez une de ces
moitiés de marron, que vous avez conservée, vous la
placez au milieu d'un peu de crème, le double en grosseur
d'une moitié de marron que vous enfermez en roulant la
crème pour en former une croquette très ronde; vous la
roulez ensuite sur de la mie de pain extrêmement fine; vous
employez ainsi toutes vos moitiés de marron en les
masquant de crème. Toutes les croquettes étant formées et
roulées dans la mie de pain, vous battez 5 oeufs entiers
avec un grain de sel fin dans une petite terrine où vous
trempez vos croquettes et vous les égouttez un peu, vous
les roulez de nouveau sur la mie et vous les placez ensuite, au
fur et à mesure, sur un couvercle de casserole; enfin vous
trempez tour à tour les croquettes dans l'oeuf et les roulez
sur la mie de pain; après quoi vous les versez dans une
friture très chaude; si la poêle est grande vous y mettez
toutes les croquettes, sinon vous n'en mettez que la moitié
afin de les conserver bien rondes; vous les remuez
doucement avec la pointe d'un hâtelet et les ôtez avec
l'écumoire. Aussitôt qu'elles sont colorées d'un beau blond,
égouttez-les sur une serviette double, ensuite vous les
saupoudrez de sucre fin, les dressez en pyramide et servez
bouillant.
Croquettes de riz. - Faites crever du riz, comme pour
le gâteau de riz (V. cet article), mais au lieu de le mettre
dans un moule, vous en faites des boulettes allongées que
vous battez dans de l'oeuf battu et sucré, passez-les,
retrempez-les, repassez les et faites frire.
Croquettes de pommes de terre à la vanille. - Faites
cuire dans les cendres vingt belles vitelottes, épluchez-les,
parez-les pour ôter le tour rougeâtre afin de ne vous servir
que du coeur de la pomme de terre, alors employez-en une
partie que vous pilez et dont vous faites une espèce de
marmelade, que vous faites revenir sur le feu avec des
oeufs, du lait, de la vanille, de l'ail et des macarons amers;
puis laissez-la refroidir, faites-en des boulettes, que vous
tremperez dans la pâle à frire, et vous finissez comme les
beignets.
Croquettes de nouilles au citron confit. - (Très peu
usité). Vous détrempez et détaillez 6 onces de pâte de
nouille que vous versez peu à peu dans quatre verres de
lait en ébullition, faites prendre quelques bouillons,
joignez-y 4 onces de beurre, 4 de sucre fin, une once de
citronnat émincé, faites mijoter pendant vingt-cinq minutes
pour que les nouilles renflent et deviennent moelleuses;
alors vous mêlez trois onces de macarons amers, 6 jaunes
d'oeufs et un grain de sel, laissez refroidir l'appareil et
terminez l'opération en procédant comme il est dit
précédemment.
Vous procédez de la même manière pour toutes les
croquettes à la pâte, en changeant la substance, et en
continuant de la verser dans le lait bouillant.
Croquignoles. - Espèce de petits fours qui entre dans
la composition des croquembouches. (V.
CROQUEMBOUCHE).
Croquignoles à la Chartres. - Vous pelez une certaine
quantité (250 grammes environ) d'amandes douces, et une
demi-once d'amandes amères, mouillez-les ensuite avec des
blancs d'oeufs et mettez-les sur un tour avec de la
farine, du sucre, un peu de beurre, de sel et d'écorce de
citron râpé, puis cassez des oeufs et pétrissez le tout; quand
votre pâte sera bien ferme, vous la roulerez et la couperez
en petits morceaux que vous poserez sur un plafond beurré,
vous les dorerez et les ferez cuire dans un four bien chaud.
Croustades. - On appelle ainsi des pâtes de différentes
dimensions dont la pâte est plus croquante que celle des
vol-au-vent, des timbales, des casseroles de riz, etc.
Croustades à la financière. - Vous faites une pâte
comme pour les petits pâtés et vous en foncez des moules de
croustades, vous garnissez de farine et vous faites cuire,
couvrez-les avec des couvercles de feuilletage fin, posez
dessus un deuxième couvercle et faites cuire.
Préparez un ragoût financière avec des quenelles de
volailles, crêtes, truffes, champignons, coupés en dés; vous
en garnissez vos croustades et vous les servez avec la
sauce financière.
Croustades à la reine. - Vous prenez un pain rond de
la veille, vous le coupez en lames minces, vous coupez
ensuite dans la mie douze croustades sans la séparer, et
vous formez le couvercle en faisant du côté le plus uni de
votre pain, une petite incision à environ deux lignes du
bord.
Vous prenez ensuite six de vos croustades que vous
mettez dans une casserole en les masquant avec du beurre
clarifié et vous leur faites prendre couleur, vous les
égouttez ensuite et vous procédez de même pour les six
autres; vous ôtez la mie et vous la remplacez par une
cuillerée de farce fine; vous formez ensuite des petits
ballons avec 12 cailles désossées, assaisonnées, glacées et
farcies, vous en placez une sur chaque croustade, l'estomac
en dessus, et vous mettez les douze croustades sur un
plafond masqué de bardes de lard, entourez-les de bardes,
et pour les tenir d'une bande de papier fixée avec une
ficelle; masquez vos cailles de bardes de lard et par- dessus
deux ronds de papier beurré; faites cuire environ une heure
et demie au four et à chaleur modérée; ôtez les bardes,
égouttez vos croustades et saucez avec de la glace de veau.
Les croustades de mauviettes, de grives, de ramereaux
ou autres petits oiseaux se font de la même manière après
avoir eu bien soin de désosser le gibier.
Croustades aux truffes en surprise. - Vous faites cuire
douze belles truffes bien nettoyées dans du vin de
Champagne et vous les laissez refroidir, vous les coupez
ensuite en dedans avec un coupe-racine, de façon à ne pas
percer la peau, puis vous les videz avec soin. Quand la
chair de vos truffes est entièrement retirée, vous la
remplacez par une purée de volaille ou de gibier, ou un
salpicon de blancs de volaille coupés en dés, ou bien
encore de rognons de coq avec des petites truffes de la
même forme, le tout saucé à la béchamel, et vous les
servez sur une serviette.
Croustade de Carcassonne. - Vous bridez trois jeunes
pigeons, les pattes en dedans et les mettez dans une
casserole avec oignons et saindoux, sel, poivre, vous faites
prendre belle couleur, vous y joignez ensuite un peu de
petit salé et saupoudrez d'une cuillerée de fine farine,
mouillez ensuite avec du bouillon et du vin blanc. Vous
faites cuire ce ragoût un quart d'heure, avec quelques
salsifis cuits coupés en morceaux, quelques mousserons
crus et une pointe de Cayenne. Vous masquez ensuite le
fond et le tour d'un plat à tarte d'un feuilletage fin; vous
mettez votre ragoût et vous le couvrez d'une abaisse de la
même pâte que vous dorez; vous faites cuire ensuite votre
pâté dans un four à une chaleur modérée, dès que la pâte
commence à se colorer, vous le retirez du feu et le servez
sur une serviette posée dans un plat.
Croûtes au pot. - On donne ce nom à un potage dans
la composition duquel il entre des croûtes de pain grillées.
Croûtes au pot à la bonne femme. - Prenez des
croûtes de pain bien dorées, arrosez-les de bouillon non
dégraissé, qui bouille jusqu'à entière réduction; et lorsque
vos croûtes commenceront à gratiner, jetez dessus du
bouillon chaud, dégraissez et servez votre potage.
On fait aussi d'excellents potages avec des croûtes
gratinées aux laitues farcies, à la moelle, aux petits oignons
glacés, à la purée de lentilles, aux tranches de concombre,
au parmesan, aux huîtres, à la purée de crevettes, aux oeufs
de homard, etc.
Croûtons. - Tranches de mie de pain découpées et frites
dans du beurre dont on se sert pour garnir les potages,
certains ragoûts et les purées de légumes ou d'herbes
cuites.
Cuiller et fourchette. - L'usage des cuillers et des
fourchettes ne s'introduisit que fort tard en Europe. Avant
leur invention, on mangeait avec ses doigts, ou on se
servait comme cuiller d'une espèce d'écuelle en bois,
grossièrement travaillée, et comme fourchette, de deux
petits morceaux de bois avec lesquels on prenait les
aliments solides pour les porter à la bouche.
En Angleterre, en 1610, on regardait comme une des
manies du voyageur Thomas Coryate d'avoir apporté
d'Italie l'usage de meubles aussi inutiles. Cependant, en
ayant reconnu plus tard l'utilité, l'usage s'en introduisit peu
à peu parmi les riches; le peuple, à leur imitation, se servit
de cuillers et fourchettes de bois, leur fragilité fit employer
depuis le fer et l'étain.
Un jour dans un grand dîner, un prince voulant
embarrasser un médecin de ses amis, qu'il avait invité et à
qui il avait défendu qu'on servit une cuiller, lui adresse en
se mettant à table ces paroles: «C... qui ne mange pas de
soupe!» Le médecin qui vit bien que c'était une farce qu'on
voulait lui jouer, prit son pain, le creusa, mit sa fourchette
dedans et s'en servit comme d'une cuiller pour manger sa
soupe; puis après s'être sorti d'embarras de cette manière, il
voulut à son tour embarrasser le prince et ses amis qui
s'étaient déjà apprêtés à rire à ses dépens. Il prit donc le
pain qui lui avait servi de cuiller, l'avala et dit: «C... qui ne
mange pas sa cuiller!»
Qui fut attrapé? Ce fut le prince qui avoua franchement
sa défaite et rit beaucoup de l'imagination du docteur.
Cuisine, Cuisinier, Cuisinière. - Nous renvoyons
pour la cuisine à l'article de M. Victor Hugo qui se trouve
dans la préface de notre livre.
Cuisinier. - Monsieur de Courchamps donne dans son
Dictionnaire de la cuisine, le titre de: Cuisinier du roi de
Sidon, à Cadmus, que nous ne connaissions que comme le
fils d'Agénor, le frère d'Europe, le fondateur de la ville de
Thèbes et l'inventeur de l'écriture.
Ces titres nous semblaient suffisants pour illustrer
Cadmus; M. de Courchamps y joint celui de cuisinier, nous
ne le contesterons pas. La fonction de cuisinier au Moyenâge
n'était point incompatible avec la noblesse, et ne fût-ce
que par Vatel, ils auraient au moins droit à l'illustration; et
en effet on voit par les annales de Saint-Denis que Thibaut
de Montmorency, chevalier de l'ordre et seigneur de Boury,
avait été grand queux, c'est-à-dire chef de cuisine ou
premier cuisinier du roi Philippe de Valois.
Nous n'hésitons pas à donner un démenti à cette
seconde assertion de notre confrère Courchamps, attendu
que Philippe de Valois était mort depuis plus de deux cents
ans lorsque l'ordre fut fondé en 1578 par Henri III; ce qu'il
y a de certain au moins, c'est qu'il existe sous le règne de
Louis XI un arrêt du conseil d'en haut, lequel arrêt
maintient dans sa noblesse et tous les privilèges d'icelle, un
ancien cuisinier de madame de Beaujeu, nommé Cyrant de
Bartas, attendu que ladite charge de maître queux n'a
jamais fait ni dû faire encourir nulle déchéance en maison
noble. Le célèbre Montesquieu descendait de Robin,
second cuisinier du connétable de Bourbon et anobli par ce
prince; il est curieux que cet homme, nous parlons du
connétable de Bourbon, que Bayard dégradait de son titre
de noblesse, pût faire de son cuisinier un noble. Henri IV
anoblit Nicolas Fouquet, seigneur de la Varenne, et maître
cuisinier de la reine Marguerite, pour services rendus dans
l'exercice dudit office; en outre il avait trouvé moyen
d'acquérir soixante- dix mille livres de rentes, non pas en
piquant ses poulets, dit cette bonne langue de Margot, mais
en piquant ceux du roi.
Selon Brillat-Savarin on peut devenir bon cuisinier,
mais rester mauvais rôtisseur; on naît rôtisseur comme on
naît poète.

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