BRODSKY Hommage au F.°. Michel L. Brodsky


Le Grand Architecte de l'Univers
(R.°. L.°. La Parfaite Fraternité)


R.°. L.°.  Le Marquis de Gages n° 8
(Grande Loge Régulière de Belgique) 


HOMMAGE AU F.°.  MICHEL L. BRODSKY

Ex Vénérable Maître de la loge de recherches Quatuor Coronati n° 2076 (GLUA-UGLE)
Auteur de "La Grande Loge Unie d’Angleterre" (1999)
Contributeur à "l’Encyclopédie de la franc-maçonnerie" (2008 - Livre de Poche)
Auteur de divers articles parus dans :
"Ars Quatuor Coronatorum"
"Ars Macionica"
"Les Cahiers de Villard de Honnecourt"
"Renaissance Traditionnelle"


21 Février 2014

Hommage à la mémoire du R.°. F.°. Michel Brodsky

V.°. M.°. et vous tous mes FF.°. en vos grades et qualités,

Le R.°. F.°. Michel Brodsky a rejoint très discrètement l’Orient Éternel le 12 décembre 2012, à l’âge respectable de 86 ans. Il fut membre fondateur de notre respectable loge le Marquis de Gages en 1977 et son deuxième V.°. M.°. en l’année 1978-1979. Il reçut la distinction de membre d’honneur de notre Loge en raison du rôle éminent qu’il a joué dans la création et le développement de notre loge durant les 20 premières années de son existence. Cette distinction il la doit principalement aux travaux de recherche effectués avec le R.°. F.°. Pierre N., également membre d’honneur de notre Loge, dans l’élaboration des cahiers des 3 grades du rite moderne français pratiqué en primeur dans notre Loge. Sa dernière apparition dans notre Loge date d’il y a quelques années lorsqu’il a présenté une planche sur le Grand Orient de France. Je suis parfaitement conscient que les plus jeunes de notre Loge n’ont pas ou peu connu le R.°. F.°. Michel Brodsky, et dans cette planche je vais tracer brièvement son parcours maçonnique, évoquer l’homme qu’il a été et surtout mettre en lumière ce qu’il nous a apporté et signifié pour notre Loge.

Né le 3 novembre 1924 à Etterbeek, il fut initié en 1954, à l’âge de 30 ans, dans la Loge Les Amis Philanthropes du Grand Orient de Belgique, passé ensuite compagnon et élevé à la maîtrise dans la Loge ‘Union et Action’ à Usumbura au Burundi. En 1976 il rejoint la Loge l’Espérance de la Grande Loge de Belgique pour devenir ensuite membre fondateur du Marquis de Gages en 1977, celle-ci étant Loge fondatrice de la Grande Loge Régulière de Belgique en 1979. Son parcours complexe du Grand Orient de Belgique à la Grande Loge Régulière de Belgique via la Grande Loge de Belgique n’est nullement un signe d’inconstance, mais typique pour les Maçons de tradition à cette époque. Ce parcours signifie clairement sa fidélité dans sa recherche de la Maçonnerie Universelle, respectueuse des Landmarks et de la tradition.

A titre personnel, je pourrais ajouter qu’en 1979 je frappais en profane à la porte du temple et que j’ai fait la connaissance de Michel Brodsky en qualité d’enquêteur de profane. Il était à l’époque V.°. M.°. de la Loge, ce que bien sûr j’ignorais.

Je garde de Michel Brodsky le souvenir d’un homme de conviction qui lie l’acte à la parole. En 1941, à l’âge de 17 ans, il fuit la Belgique occupée vers l’Espagne où il sera brièvement incarcéré comme détenu politique. Il passe en Angleterre et s’engage dans la Royal Navy de 1943 à 1946. Il est toujours resté discret sur son engagement politique et militaire durant la deuxième guerre mondiale, dont j’ai appris les détails par des amis Maçons Anglais. Il a été fort marqué par son séjour en Angleterre, est devenu fort ‘british’ et va développer une connaissance approfondie de l’histoire anglaise et devenir un fidèle adepte de la maçonnerie anglo-saxonne.

L’histoire, et plus précisément la recherche historique, était son violon d’Ingres. Recherches historiques basées sur une méthodologie scientifique, académique et donc  également ouverte à des chercheurs non maçons. Étudier la Maçonnerie non à partir d’opinions personnelles du type ´Je pense que…´, mais à partir d’hypothèses à accepter ou rejeter sur base de documents et de faits historiques. Je ne dirais pas qu’il y a réussi dans toutes ses publications, mais son intention de base est sans nul doute louable.

Ici se situe l’apport majeur de Michel Brodsky à notre Loge: avec le R.°. F.°. Pierre N. il a participé à l’élaboration des textes des 3 cahiers du Rite Français que nous pratiquons dans notre Loge. C’était la volonté explicite des FF.°. fondateurs de notre Loge, durant les 5 longues années de sa gestation, de pratiquer l’Art Royal dans le respect intégral de la tradition maçonnique française. Le Rite Français à été choisi parce qu’il est historiquement le rite pratiqué dans notre pays à cette époque. Le R.°. F.°. Michel Brodsky a écrit l’avant propos du cahier du 2ème grade et je le cite textuellement: “Ce texte est sans doute le plus proche des pratiques maçonniques antérieures à la Révolution Française, c’est celui qui descend en ligne droite de ‘Masonry dissected’  et qui correspond bien à notre désir de maintenir ce lien ténu mais vrai avec l’ancienne maçonnerie, qui prit plus tard en Angleterre le nom de ‘moderne'”.

Au delà du R.°. F.°.  Michel Brodsky nous rendons ici hommage au travail accompli par les membres fondateurs de notre Loge. Les documents historiques originaux des 7 ‘rituels de rite français moderne 1786’ ont été publiés ultérieurement en 1992 dans deux remarquables volumes avec des commentaires du R.°.  F.°.  Pierre N.

Cet intérêt pour l’histoire doit être replacé dans le contexte historique particulier des années ’70 et ’80 du siècle dernier qui correspond à la création de la Grande Loge Régulière de Belgique. Donc d’un retour aux valeurs et traditions de la maçonnerie et des anciens Landmarks. Ceci a marqué profondément les activités notre loge dans la première décennie de son existence. Au niveau de la Grande Loge Régulière de Belgique, Michel Brodsky a été nommé Grand Archiviste de 1979 à 1987, et plus tard Grand Couvreur.

Fidèle à son intérêt pour la F.°. M.°.  anglo-saxonne, il s’est engagé dans plusieurs organisations maçonniques à Londres et en novembre 1994 il a été élu V.°. M.°.  de la R.°. L.°.  Quatuor Coronati n° 2076 de l’United Grand Lodge of England. Quatuor Coronati est une prestigieuse Loge de recherche de la UGLE fondée en 1886. Le premier Maçon Belge à faire partie de cette Loge fut le Comte Eugène Goblet d’Alviela, mais notre R.°. F.°.  Michel Brodsky en est le premier et seul V.°. M.°. d’origine belge.

La Loge Londonienne Quatuor Coronati publie annuellement ses travaux dans sa revue Ars Quatuor Coronatorum et nous y trouvons plusieurs publications de la main de Michel Brodsky. La lecture de ses publications confirme bien sûr son érudition maçonnique mais révèle également un autre trait de sa personnalité: sous le couvert d’un flegme tout britannique, il était volontiers et volontairement ce que j’appellerais ´provocateur’. J’entends par là qu’il émettait volontiers des hypothèses non conventionnelles, voire choquantes, tout en s’efforçant par la suite de les démontrer par des faits ou documents objectifs.

Je prends comme exemple sa publication intitulée “The religious sources of Freemasonry – an attempt to assemble disassembled elements” publié en 1998. Tout le monde s’accorde sur la date de naissance de la F.°. M.°.  moderne, le 24 juin 1717 à Londres autour d’une table d’une brasserie londonienne connue sous le nom de “Goose and Gridiron” (l’Oie et le Grill). Toutefois de nombreuses questions restent jusqu’au jour d’aujourd’hui sans réponses:

– comment s’est effectué la mutation des Loges ‘opératives’ existantes en loges dites ‘spéculatives’ de la maçonnerie que nous connaissons actuellement? Pour quelles raisons des maçons du métier ont-ils admis des membres externes ‘non opératifs’ dans leurs loges?

– dans quel but ces 4 Loges londoniennes se sont elles réunies ce jour là? Y avait-il un autre but que celui de la convivialité de se réunir ensemble autour d’un verre?

– comment expliquer le succès de leur initiative sur le long terme, car aucun document n’indique l’existence d’un plan quelconque à ce sujet?

Toutes ces questions concernent uniquement la maçonnerie anglaise et écossaise, car sur le continent européen il n’existait plus aucune loge opérative depuis longtemps. Il ne fait aucun doute que la F.°. M.°.  que nous connaissons en Europe est née en Angleterre mais qu’elle s’est promptement développée dans nos régions dès les années 1730.

Plusieurs théories tentent de répondre aux questions que j’ai évoquées, et la principale, voire la théorie ‘officielle’, est celle dite ‘transitionnelle’. Elle décrit une transition progressive des loges opératives existantes depuis des siècles en loges spéculatives par le phénomène d’ ‘acception’ qui permettait d’introduire des maçons dits ‘acceptés’ parmi les opératifs. Progressivement ces ‘gentlemen’ maçons ‘acceptés’ auraient remplacés les opératifs. Cette théorie ne résiste pas à une analyse historique rigoureuse en ce qui concerne l’Angleterre, mais est historiquement mieux prouvée en Ecosse, et sans faire provisoirement référence à Michel Brodsky je dirais que :

Les Loges opératives avaient pour fonction de partager le travail des maçons opératifs et de transmettre le savoir du métier. Il n’y avait pas de sécurité sociale à l’époque et les Loges remplissaient dans uns certaine mesure cette fonction. On faisait parfois appel à des personnes externes pour gérer les fonds. Des Loges se mettaient sous ‘la protection’ d’une personne influente de la région, personne qui réglait les différents problèmes pouvant exister dans la Loge.

Sans entrer dans les détails mentionnons toutefois le ‘Schaw Statute of 1598’ qui témoigne d’une organisation structurée des Loges opératives en Ecosse. Mais même en tenant compte de ces faits, rien n’indique que les Loges de l’époque fonctionnaient comme celles que nous connaissons actuellement.

Cette théorie officielle dite ‘transitionnelle’ a certainement l’avantage d’affirmer le lien de la maçonnerie actuelle avec les prestigieux bâtisseurs des cathédrales du Moyen Age, voire d’illustres bâtiments plus anciens encore. Elle donne à l’Ordre un passé prestigieux. Cette théorie se base sur l’existence prouvée de multiples loges en Angleterre et surtout en Écosse au XVIIe siècle et la découverte de deux documents maçonniques majeurs, le poème Regius de 1390 (la plus ancienne version des ‘Old Charges’) et le manuscrit dit ‘Cooke’ de 1425.

Une autre théorie est celle dite de ‘rupture’ ou d’original birth’, et ainsi nous revenons à Michel Brodsky qui en était un ardent défenseur. Dans une planche prononcée dans sa loge Quatuor Coronati en 1998 il dit textuellement que ‘avant 1717 la Franc-maçonnerie proprement dite n’existait pas’ et il parle ‘du mythe de l’association de la Franc-maçonnerie avec les loges opératives’. Les tenants de cette théorie de la rupture et donc de l’émergence d’un phénomène radicalement nouveau, font une distinction entre d’une part l’histoire et l’âge des rituels, et d’autre part l’histoire et l’âge de la F.°. M.°.  spéculative. Si l’âge des rituels et des Old Charges remonte effectivement aux années 1300-1400, le fait reste que l’activité et le contenu des travaux de ces loges n’a rien à voir avec la F.°. M.°.  moderne d’après 1717. Et pour étayer sa position il replace le phénomène étudié dans un contexte plus large. A savoir un contexte social, politique, religieux, historique et environnemental qui place la naissance de la F.°. M.°.  dans une autre et nouvelle perspective. Il reproche aux historiens de la maçonnerie de se fixer exclusivement sur des documents et faits maçonniques en négligeant le contexte social, politique et historique de ce qu’ils étudient.

Le côté volontairement provocateur du R.°. F.°.  Michel Brodsky a le mérite de stimuler la réflexion et d’ouvrir de nouvelles perspectives de recherche, mais, d’autre part et vous l’aurez sûrement deviné, il y a un risque de susciter de la désapprobation et de violentes contestations. En février 2001, après sa planche ‘Some aspects of French Freemasonry in the 18th century’ absolument tous les intervenants ont critiqué l’un ou l’autre aspect du travail qu’il a effectué avec le F.°.  J.L. Mais ce qui rend la loge unique, c’est qu’elle nous permet à chacun de nous de s’exprimer en toute liberté dans un contexte de bienveillance fraternelle.

Voilà mes TT.°. CC.°. FF.°.  l’apport et la contribution du R.°. F.°.  Michel Brodsky à notre R.°.  L.°.  durant les 2 premières décennies de son existence. Il a participé à la déconstruction de faux mythes concernant la F.°. M.°. , pour mieux mettre en valeur la lumière ainsi occultée. Avant de repasser la parole au V.°. M.°.  je propose de respecter une minute de silence à sa mémoire.

T.°. R.°. F.°.  P.C., Orateur de la Loge


Bibliographie

M Brodsky, Breaking the ring, (inaugural paper), Ars Quatuor Coronatorum, vol 108, 1995, pp 1-10.

M Brodsky, The religious sources of Freemasonry  –  An attempt to assemble disassembled elements, Ars Quatuor Coronatorum, vol 111, 1998, pp 45-78.

M Brodsky and J. L., Some aspects of French Freemasonry in the 18th century, Ars Quatuor Coronatorum, vol 114, 2001, pp 11-37.


LISTE DES DOCUMENTS ° LIST OF DOCUMENTS