POILLY Minchiate de François I de Poilly (1658)


François de Poilly (1623-1693)
Graveur du Roy


MINCHIATE DE FRANÇOIS I DE POILLY


1658


Le Minchiate, ou « Jeu du Fou », originaire de Florence en Italie, est constitué des 78 lames (majeures et mineures) d’un tarot classique, mais « augmenté » de 20 lames majeures (le Pape du tarot classique étant soustrait, ce qui porte le nombre de lames majeures à 41).

Dans les divers Minchiates connus, l’ordre des lames majeures est sensiblement différent de l’ordre des lames du tarot classique, certaines n’étant d’ailleurs pas numérotées. Les « lames ajoutées » font référence aux Quatre Eléments, aux signes du Zodiaque, aux  Vertus cardinales et Vertus théologales. Par ailleurs, certaines lames du tarot classique sont modifiées tant au niveau de la dénomination que du contenu symbolique :  la Papesse devient le Grand-Duc, l'Impératrice devient l'Empereur d'Orient, etc.  

Plus spécifiquement, le Minchiate de François I de Poilly présenté ci-dessous est daté de 1658. Cette présentation reprend les 41 lames majeures ou atouts, et les 16 lames de cour. Une particularité de ce Minchiate français est que ses figures sont quelquefois différentes des figures de Minchiates plus "classiques".

Ce jeu a fait l'objet d'une réimpression en 1712, réalisée par le fils de François I de Poilly (François II de Poilly, né en 1666 et décédé en 1741), qui l'a renuméroté et "réorganisé".

On trouvera en bas de page un article de Thierry Depaulis précisant quelques aspects historiques et symboliques des Minchiates.



LAMES MAJEURES OU ATOUTS












































LAMES DE COUR



















Le Minchiate

Le jeu de minchiate est une spécialité florentine à 97 cartes qui remonte, selon toute probabilité, au début du XVIe siècle. Il est déjà mentionné en 1543 dans Le Carte Parlanti de l'Arétin sous le terme germini (la forme minchiate n'a été adoptée qu'au siècle suivant).

Loin de décliner comme son cousin classique à 78 cartes, il prit au XVIIe et, surtout, au XVIIIe siècle un essor prodigieux, s'étendant dans l'Italie entière, jusqu'en Sicile – où il ne dura pas. Même les cartiers bolonais s'illustrèrent dans sa production et les témoignages sont nombreux qui attestent sa vogue, tel celui du Président de Brosses en 1755 à Rome.

Un tel engouement ne devait manquer de passer les frontières : il s'imprima à Nuremberg, en 1769, et à Dresde, en 1798, des règles du jeu, traduites ou adaptées de l'italien, destinées aux joueurs allemands. On ne sait, à vrai dire, si elles eurent quelque succès. En France aussi une tentative fut faite : la Règle du jeu des Minquiattes, qui doit dater de la même époque, en fait foi.

Le minchiate est le fruit d'une augmentation : aux 78 cartes traditionnelles (22 lames majeures ou atouts et 56 lames mineures) on a ajouté, en bloc, 20 atouts supplémentaires (la vertu cardinale manquante, la Prudence, les trois vertus théologales, ainsi que les quatre éléments et les 12 signes du Zodiaque). Le Pape ayant disparu dans l'opération, on arrive à un total de 97 cartes. Papesse, Empereur et Impératrice sont devenus respectivement le « Grand Duc », l'« Empereur d'Occident » et l'« Empereur d'Orient », tous imperturbablement nommés papi (« papes ») par les joueurs.

A ces particularités le minchiate en ajoute d'autres qui intriguent les spécialistes : les Épées apparaissent ici comme des glaives droits, les cavaliers sont tantôt des centaures (Épées et Bâtons), tantôt des monstres mi-humains, et les valets de Coupes et de Deniers sont des personnages féminins (« fantine »).

Au-delà de l'étrangeté de nombre des atouts, si l'on retire les 20 cartes additionnelles, on retrouve la série traditionnelle qui dut être à l'origine du minchiate. Par bien des égards (ordre des atouts, repères stylistiques) les 77 cartes restantes sont inspirées de celles du Tarot Bolonais. Il y a tout lieu de penser que ce dernier s'installa à Florence à la fin du XVe siècle ou au début du XVIe, puis qu'il donna naissance aux germini/minchiate. Issu d'une tradition graphique représentée ici par les feuilles « Rosenwald », ainsi que par les cartes lucquoises à la marque « Orfeo », le minchiate s'inscrit clairement dans la mouvance de la tradition bolonaise.

Les monstres ont toujours une fin et le minchiate n'y échappa pas : il dut disparaître de Rome au début du XIXe siècle et s'éteignit lentement mais inexorablement à Florence dans la deuxième moitié du XIXe. Le minchiate appartient désormais au passé et aux rêves des collectionneurs.

Thierry Depaulis, "Tarot, jeu et magie"



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