LE CÔTÉ OCCULTE DE LA FRANC-MAÇONNERIE
(Extrait)
Charles Webster Leadbeater (33ème)
CEREMONIES. PRELIMINAIRES RITUEL DE LA FRANC-MACONNERIE MIXTE
En commentant les cérémonies de la Franc-Maçonnerie, je me baserai sur celles de la Maçonnerie Mixte, parce qu'elles ont été surtout établies en vue de leurs effets sur d'autres plans que le plan physique. Les travaux décrits ont été préparés à l'aide des meilleurs rituels existants, et après avoir consulté des FF.°. expérimentés; comme on le verra, ils unissent à quelques-unes des meilleures parties de ces rituels bien des particularités précieuses distinguant nos propres travaux. Il a été jugé extrêmement désirable de donner aux FF.°. sur les Col.°. une part plus active au travail de la Loge; certains versets des L .°. de la C.°. S.°. et certains cantiques maçonniques ont été, en conséquence, insérés à leur intention. Il ne faut pas supposer que le rituel maçonnique plus bref spécial au rite masculin soit inefficace; nous affirmons simplement que les objets des diverses cérémonies sont plus complètement et plus vite atteints quand leur intention et leur signification réelles sont parfaitement comprises.
LA PROCESSION
Partout, à la surface de la terre règnent de grands courants magnétiques circulant dans les deux sens entre les pôles et l'équateur, et d'autres qui encerclent le globe dans une direction perpendiculaire aux premiers. En Maçonnerie Mixte, l'entrée processionnelle dans la Loge fait usage de ces courants, et crée dans l'espace autour duquel nous marchons un tourbillon distinct, un lieu spécialement magnétisé.
Tandis que les FF .°. s'avancent en chantant ils doivent fixer leur pensée sur les paroles de l'hymne et du cantique entonnés en entrant dans la Loge, et veiller à ce que la procession soit régulière et bien ordonnée, mais de plus ils devraient mentalement s'appliquer à la magnétisation du pavé mosaïque et de l'espace qui s'étend au-dessus de lui. Dans l'Égypte ancienne on estimait que le Vén.°. devait diriger les courants et y créer le tourbillon, afin de magnétiser très fortement l'aire dont il faisait le tour. Voilà pourquoi les officiers et les visiteurs de marque font le tour complet de la Loge et parcourent même deux fois certaine partie du trajet; car en approchant d'abord de leurs sièges ils n'y vont pas directement, comme le font les App.°., les Comp.°. et les M.°. Mac.°., mais poursuivent leur marche afin de compléter le tour, comme l'indique le Rituel de la Maçonnerie Mixte Universelle.
Chez nous aussi c'est au Vén.°. de la Loge qu'incombe le soin de la magnétisation du double carré, mais pour ce travail tous les FF .°. devraient l'assister. Le résultat voulu est de charger l'espace en question de la plus haute influence possible et de l'entourer d'une muraille qui la maintienne en place. Le rôle joué par la forme-pensée ressemble beaucoup à celui d'un condensateur. Quelle que soit la quantité de vapeur produite, elle est inutilisable à moins d'être enfermée et comprimée. Ici, de même, nous accumulons et employons l'énergie qui autrement se disperserait librement dans les environs. Comme nous l'avons exposé dans le chapitre III, quand l'aire a été ainsi réservée et préparée personne n'y passe, sauf les candidats que l'on y amène pour recevoir l'initiation et qui sont intentionnellement soumis à l'influence de son magnétisme, le thuriféraire quand il encense l'autel, enfin le Vén.°. de la précédente année quand il quitte le dais afin d'accomplir le devoir qui lui incombe d'ouvrir les L.°. de la C.°. S.°., ou de changer la position de l'Eq.°. et du Comp.°., en passant d'un degré à un autre. Il n'est fait d'autre exception que pour le premier Exp.°. lorsque, pendant la cérémonie de. l'allumage des flambeaux, il se rend à l'autel pour recevoir le feu sacré des mains du Vén.°. de la précédente année. Celui-ci allume une bougie au feu sacré puis, de la flamme de cette bougie, une petite bougie placée debout dans un vase de bronze orné que le premier Exp.•., comme Lucifer, porte au Vén.°. et aux Surv.°..
Des courants magnétiques ou lignes de force, ressemblant à la trame et à la chaîne d'une pièce de drap, traversent maintenant la surface réservée et constituent la fondation sur laquelle nous élevons la grande forme-pensée, l'un des buts de notre tenue maçonnique. Étant donné l'énorme valeur de la forme-pensée édifiée sur l'aire de la Loge, nous comprenons combien il est important que personne ne trouble ou dérange les courants, soit en se trompant de direction, soit en apportant dans la Loge des pensées d'intérêt vulgaire, les soucis, tracas et conflits de l'existence quotidienne. Nous rendant à la Loge afin d'y accomplir pour l'humanité un travail nettement défini, nous devons concentrer sur ce travail toute notre attention, du commencement à la fin de la réunion.
Le chant des cantiques au moment de l'entrée est destiné à faciliter l'accord mental de tous. Les paroles nous rappellent la base de tout édifice, le G.°. A.°. D.°. L.°. U.°. qui est Lui-même la fondation et la structure de toutes choses, car il n'existe rien qui ne fasse partie de Lui. Chaque membre dans la procession qui s'avance devrait se consacrer, lui-même, toute sa pensée et toute sa force, à la grande tâche qui va s'accomplir. Ces paroles que nous chantons sont essentiellement maçonniques, car cette version métrique du Psaume C. a servi à l'ouverture de la Loge Canongate Kilwinning depuis sa fondation en 1723. En passant je tiens à mentionner spécialement un mot contenu dans cette version. Au premier verset, où nous chantons " Nous Le servons avec allégresse ", un hymnologue ignorant a substitué au mot " allégresse " le mot " crainte ", idée tout à fait inexacte et absolument insoutenable. La Bible nous invite à louer le Seigneur avec joie et à paraître devant Lui en chantant; ayons soin de conserver et l'intention du psalmiste et les termes exacts. L'autre cantique: " Je me suis réjoui lorsqu'ils m'ont dit: Allons à la maison du Seigneur " contient des textes empruntés aux L .°. de la C.°. S.°. réunis de manière à former une invocation à la fois belle et appropriée.
Toute cette pensée appliquée au même but constitue la base du splendide édifice que va construire la Loge, du temple véritable dont le temple terrestre est un symbole extérieur — temple de matière plus subtile, permettant d'accomplir un travail parfaitement réel et de répandre en masses énormes l'influence spirituelle. Ce temple est aussi l'image du tourbillon détermine par le G.°. A.°. D.°. L.°. U.°. au moment de former Son système solaire. Il commença par S'imposer des limites, en fixant à Son système des bornes, dans lesquelles Il fit naître un immense tourbillon éthérique dont nous retrouvons les vestiges dans le système des planètes en révolution, nébuleuses primitives condensées à mesure que, se refroidissant, elles descendaient dans une matière physique plus dense.
Dans les Loges de la Maçonnerie Mixte la procession est précédée du thuriféraire, balançant un encensoir d'où s'échappe le parfum de gommes aromatiques spécialement unies, dans cette intention, à d'autres substances. Puis vient le Tuil.°. avec son épée, et derrière lui le M.°. des Cér.°.. Ce petit groupe a pour mission particulière de purifier la Loge. Le M.°. des Cér.°. est supposé être dans ce travail le cerveau directeur, et le Tuil.°., tenant l'épée, la main qui expulse de l'atmosphère mentale et émotionnelle toute pensée indésirable.
Derrière ce coin purificateur marchent tous les membres ordinaires; ils se succèdent dans l'ordre inverse des préséances. La procession finit par les officiers et membres des degrés supérieurs; éventuellement par le Vén.°. qui doit compléter le travail de tous ceux qui l'ont précédé, utiliser la dévotion fournie par les autres, édifier enfin le plus complètement possible avec les matériaux disponibles les murs de la cella. La forme que nous édifions est la forme de l'ancien temple grec, à colonnade extérieure, contenant le sanctuaire intérieur appelé cella qui était clos et obscur et ne présentait comme ouverture que la porte d'entrée. Dans la Loge, les membres se tiennent au pourtour, comme les colonnes d'un temple ancien, semblable à celui que représente notre illustration (Pl. III).
LE TABLIER
Dans les tenues, tout Maçon doit porter l'insigne appelé tablier; il faut qu'il l'ait mis pour que, maçonniquement parlant, il soit " convenablement vêtu ". Il peut porter un décor additionnel, tel que cordons ou bijoux représentant ses fonctions particulières ou bien le degré ou il est parvenu, mais s'il ne porte au moins le tablier, il ne peut être admis dans la Loge; il n'y a d'exception que pour un candidat a l'initiation qui, n'étant pas encore Fr.-., n'a pas le droit de porter cet insigne distinctif. Dans certains degrés supérieurs le tablier ne se porte pas, mais il est remplacé par d'autres insignes. C'est seulement parce qu'il n'est plus nécessaire. Il y a des Loges où l'on met et où l'on ôte les tabliers dans le temple, mais ceci ne devrait jamais être toléré.
La nécessité pour les Maçons d'être convenablement vêtus rappelle d'une manière intéressante les Mystères anciens; elle explique aussi pourquoi la partie essentielle du costume maçonnique, réglementaire pour tous, sauf les exceptions mentionnées, est le tablier. Notre tablier moderne n'a plus tout à fait la même forme qu'autrefois en Égypte; il a sans doute été modifié quand on jugea nécessaire la fusion des Francs-Maçons spéculatifs et opératifs, à l'époque des persécutions ordonnées par l'Église. L'ancien tablier égyptien (24) était triangulaire, le sommet touchant la ceinture, et son ornementation différait à plusieurs égards de celle qui est employée actuellement. Mais le changement le plus important est dans l'idée présente, que le tablier lui-même est tout, et que la bande qui entoure le corps existe uniquement pour attacher le tablier et pour le maintenir en place. Jadis la ceinture du tablier en était la partie la plus importante; c'était beaucoup plus qu'un symbole. La ceinture était un cercle fortement magnétisé, destiné à contenir un disque de matière éthérique, séparant de la partie inférieure la partie supérieure du corps afin que les énergies formidables que le cérémonial maçonnique avait pour objet de mettre en mouvement ne pussent gagner la région inférieure du corps. Dans The Meaning of Masonry, le Fr.°. Wilmshurst s'exprime ainsi:
La Maçonnerie est un système sacramental présentant, comme tous les sacrements, un coté extérieur et visible, c'est-à-dire sa doctrine et ses symboles que nous pouvons voir et entendre, et un coté profond, intellectuel et spirituel, caché dans le cérémonial, la doctrine et les symboles; seul en profite le Maçon.
Il nous rappelle que, pour l'App .°., la bavette du tablier est relevée, ce qui en fait une figure à cinq pointes, symbolisant l'homme quintuple. Le triangle formé par le pan relevé, nous explique l'auteur, se trouve alors au-dessus du carré; il symbolise ainsi le fait qu'à ce degré d'évolution l'âme plane au-dessus du corps inférieur, sans que l'on puisse vraiment dire encore qu'elle en fait usage. Plus tard la bavette est rabattue, montrant que l'âme se trouve dans le corps et en a fait son instrument La peau d'agneau, dit-il ensuite, est avant tout un symbole de pureté, mais elle représente aussi l'absence de coloration de l'âme non développée, ou de ce que l'on nomme en Théosophie le corps causal. Dans ce dernier, comme le savent quelques-uns d'entre nous, son développement et l'éveil de vibrations nouvelles se traduisent par des couleurs abondantes et magnifiques. Le lecteur trouvera cette question traitée, avec des planches en couleur, dans l'Homme visible et invisible.
Comme l'explique encore le Fr.°. Wilmshurst, le bleu pâle des rosettes sur le tablier du Comp.°. de même que la doublure et la bordure et les glands d'argent ornant le tablier du M.°. Mac.°., montrent qu'à ce stade le bleu du ciel commence à paraître dans la blancheur — que l'innocence, malgré toute sa beauté, cède le pas à la connaissance, du moins dans une certaine mesure, et que l'obtention des degrés supérieurs est marquée par plus de couleur et plus de beauté. L'auteur mentionne spécialement qu'il y a deux lignes d'influence ou d'énergie spirituelle venant d'en haut, dont chacune se termine par sept lignes d'argent — une sorte de houppe — indiquant les sept couleurs du prisme. Ces lignes symbolisent en réalité les sept grandes divisions ou variétés des tempéraments dans la vie. Dans la Maçonnerie américaine, dit l'Encyclopædia de Mackey, le tablier est le même pour les trois degrés de la Maçonnerie Bleue; il est fait de peau d'agneau et porte une étroite bordure de ruban bleu. La Maçonnerie Mixte se conforme à l'usage établi dans la Grande Loge d'Angleterre, sauf deux différences: au lieu de la bordure et des rosettes bleu-ciel elle prescrit une étroite bordure rouge; le même tissu est employé pour les rosettes. Les glands sont dorés et non argentés et leurs sept lignes symbolisent les sept rayons de la vie et les sept états de la matière. On voit par nos illustrations en quoi diffèrent les tabliers des Maîtres dans l'Égypte ancienne et ceux du temps présent .
CEREMONIE DE L'ENCENSEMENT
Quand tout le monde est placé, commence la cérémonie de l'encensement. Le thuriféraire se rend au plat.°., du Vén.°. qui met sur le feu préparé dans l'encensoir de l'encens qu'il a préalablement magnétisé ou, mieux encore, il magnétise l'encens qui fond dans l'encensoir, car c'est alors que l'encens, se prête le mieux à l'action de l'officiant. La cérémonie étant inconnue dans quelques Loges, j'en emprunte ici la description au rituel de la Maçonnerie Mixte:
Une musique appropriée accompagne la cérémonie et les FF.: restent debout; Quand tous ont pris leurs places, le thuriféraire se rend au Plat.: du Vén.: qui met sur le feu, dans l'encensoir, de l'encens qu'il a préalablement consacré. Le thuriféraire recule et s'incline devant le Vén. : qui lui rend son salut; puis il encense le Vén. : de trois coups triples XXX XXX XXX; il tient les chaînes courtes et élève l'encensoir à hauteur des yeux, mais l'abaisse légèrement après les première et seconde séries de trois coups. Puis l'encensoir, maintenu fermement par les chaînes prises dans la main droite, est balancé à toute longueur (si l'espace disponible le permet), en décrivant la forme d'un V, trois coups longs portés gravement à la droite du Plat.:, puis trois à sa gauche. Le bras est alors étendu en avant et l'encensoir décrit sept cercles gradués, les uns au-dessus des autres; quand est décrit le septième et le plus petit cercle le bras se trouve aussi élevé que possible. Le thuriféraire s'incline de nouveau devant le Vén.: et se rend directement à l'autel dont il fait le tour, en commençant à l'Orient; il balance l'encensoir en tenant les chaînes courtes et lui imprime un mouvement circulaire. Il retourne alors au Plat.: du Vén.:, s'incline et, traversant la Loge, se rend à celui du deuxième Surv.: où se répète la cérémonie accomplie au Plat.: précédent, sauf que le deuxième Surv.: reçoit cinq coups d'encensoir, une série de trois et deux simples, XXX XX. Une pause doit séparer les coups simples comme aussi les séries de trois. Le thuriféraire passe ensuite au Plat.: du premier Surv. : et l'encense de même, sauf que ce Surv. : reçoit sept coups, deux séries de trois et un simple, XXX XXX X. Le thuriféraire se tourne alors vers le deuxième Exp.:, s'incline devant lui et, son salut lui ayant été rendu, l'encense de trois coups simples, XXX; après un nouvel échange de saluts, le thuriféraire contourne la Loge en équerre et se place devant le premier Exp. : qui est encensé de la même façon, mais de quatre coups, une série de trois et un coup simple, XXX X. Après quoi le thuriféraire encense les visiteurs de marque suivant leur rang, en commençant par
les plus élevés (neuf coups pour le 33e; sept pour le 30e, cinq pour le 18e et pour les précédents Vén.: visiteurs — les coups étant espacés comme il a été dit), s'incline en passant devant le Plat.: du Vén.: et encense les précédents Vén.: (celui de l'année passée reçoit sept coups). Il se place ensuite devant le Plat.: du Vén.: en y retournant par le chemin le plus court; le salue, se retourne, fait face aux FF.:, les salue collectivement et (tout en restant lui-même immobile) les encense successivement en commençant par ceux qui sont à sa gauche et en finissant par ceux qui sont à sa droite. Pour cela il donne une série de coups brefs descendant la Col.: du Sud et remontant la Col.: du Nord, se succédant très rapidement. Les FF.: sont debout, les mains jointes devant la poitrine, les paumes unies, et s'inclinent l'un après l'autre quand le regard du thuriféraire rencontre le leur.
Ce cérémonial doit être observé avec soin et chaque F.: s'incline un peu après son prédécesseur. Tout officier encensé doit tenir ses mains comme il a été dit. Le thuriféraire contourne la Loge en équerre, se rend au siège du Couvr. : qu 'il encense de deux coups, XX, puis il lui remet l'encensoir. Toute la cérémonie doit se faire vivement mais avec dignité. Pas de pauses inutiles. Quand le thuriféraire encense les divers Plat.: les FF.: devraient penser d'un commun accord aux principes que ces Plat.: représentent (Vén. , la sagesse; premier Surv. , la force; deuxième Surv. , la beauté). De même quand sont allumés les flambeaux à chaque Plat.:. Quand le thuriféraire arrive à l'autel la pensée doit se fixer sur l'Unité dans la fraternité.
Ainsi pratiqué, l'encensement des Plat.°., génère devant chacun d'eux un cône fortement magnétisé ou forme ayant l'aspect d'une ruche d'abeilles, le candidat se tient debout sans ce cône quand il se présente à l'un quelconque des Plat.°.. C'est l'objet même du cône et celui-ci peut s'étendre quand les candidats sont plusieurs, mais s'ils sont trop nombreux il devient un peu ténu. L'encensement des officiers est destiné à les préparer au travail qu'ils ont à faire. Les coups d'encensoir (leur nombre est variable) ne sont pas donnés seulement pour honorer la personne, mais encore pour lui donner la force d'accomplir sa tâche, et c'est l'effet qu'ils produisent, en établissant une ligne de communication avec les énergies des plans intérieurs. Plus est élevé le degré où l'homme est parvenu, plus l'homme peut lui-même donner, proportionnellement à ce qu'il a reçu. Le Vén.°. donne plus que personne, mais les colonnes reçoivent plus qu'elles ne donnent; néanmoins chacune doit s'efforcer, quand le thuriféraire se tourne vers elle, de donner à son tour tout ce qu'elle peut.
L'emploi de l'encens est parfaitement scientifique. Les étudiants en occultisme savent tous, comme nous le disions dans le chapitre précédent, qu'il n'existe rien qui ressemble à de la matière morte, mais que dans la nature tout corps possède sa vibration ou combinaison de vibrations particulières et que celles-ci rayonnent autour de lui. Ainsi tout élément chimique a sa propre série d'influences, utiles dans certaines directions, inutiles ou même hostiles dans d'autres. Il est donc très possible, par exemple, de mélanger les plus pures et les plus élevées. Par contre on pourrait avec la même facilité faire un autre mélange dont les vibrations éveilleraient les sentiments les plus indésirables. C'est là un point qui laisse quelques personnes sceptiques, parce que l'humanité traverse en ce moment dans son évolution un stade pendant lequel son développement ne dépasse guère les limites du mental inférieur, furieusement intolérant si l'on veut lui faire admettre ce qu'il n'a pas étudié de manière spéciale. Nous savons tous quelle, difficultés a rencontrées, jusqu'à ces derniers temps, la reconnaissance de phénomènes non-physiques, comme ceux de la télépathie ou de la clairvoyance, ou même d'aucun fait dépassant les bornes de la science la plus matérialiste.
Or le temps est venu où les hommes commencent à reconnaître que la vie est pleine d'influences invisibles dont les personnes sensitives perçoivent la valeur. L'effet de l'encens se rattache à ce genre de phénomènes; de même l'emploi de talismans et de certaines pierres précieuses; chacun d'eux a son taux vibratoire spécial et sa valeur propre. Tout cela ne présente pas en général une importance suffisante pour qu'il faille nous y attarder, mais ces objets ont tous leurs effets spéciaux; c'est pourquoi les gens avisés en tiennent compte.
L'encens brûlé dans la Loge tend à purifier cette partie du corps humain parfois appelée le corps astral, car il contient des gommes dégageant une influence purificatrice extrêmement active. A cet égard son effet est analogue à l'aspersion d'un désinfectant qui se répand dans l'atmosphère et détruit les germes pernicieux; dans le cas présent, il est vrai, l'opération a lieu sur des niveaux supérieurs et dans une matière plus subtile. L'encens a encore pour effet d'attirer les habitants des mondes intérieurs, entités favorables à notre travail, et de mettre en fuite celles qui ne peuvent s'y associer. Parmi les éléments constitutifs les plus importants d'un encens pareil et favorisant notre œuvre, citons le benjoin et l'oliban. Le benjoin exerce une influence purificatrice énergique et tend à chasser tous les sentiments et toutes les pensées grossiers ou sensuels. L'oliban joue un rôle absolument différent, mais crée une atmosphère dévotionnelle et paisible et tend à stimuler dans le corps astral les vibrations qui nous disposent à répondre à des influences plus hautes. L'essence de roses est également utile et intensifie beaucoup l'effet produit.
L'encens est-il magnétisé avec intelligence, sa puissance en est énormément accrue. En soumettant par exemple l'oliban à la volonté énergique de favoriser le calme et la dévotion, son influence peut se trouver centuplée. Voilà pourquoi, dans une église, l'encens est toujours porté au célébrant afin d'être bénit par lui, et aussi pourquoi, dans la Loge l'encens est apporté au Vén.°. afin que celui-ci le magnétise et lui communique telle ou telle qualité jugée par lui appropriée au travail du jour. L'aspersion de l'eau bénite dans une église est une autre manière de produire un semblable effet, mais l'encens a l'avantage de s'élever dans l'air et la moindre particule est chargée de purification et de bénédiction.
En toute circonstance et particulièrement dans la Loge, il est désirable pour favoriser le travail, que les FF .°. n'admettent dans leur mental qu'un petit nombre de vibrations émotionnelles et intellectuelles nettes et énergiques. Au lieu de cela, ils peuvent donner quelquefois le spectacle de quarante ou cinquante petits tourbillons d'activité sentimentale et mentale, qui se mettent immédiatement en mouvement; or chaque tourbillon représente un tracas, un souci, un désir insignifiants. Tant qu'ils règnent il est difficile pour une personne présente d'accomplir un bon travail et à peu près impossible de faire des progrès véritables dans l'évolution de la conscience. Fait-elle des efforts pour améliorer sa condition émotionnelle et mentale, l'encens lui offre un courant de vibrations roboratives qui l'aideront beaucoup à imposer l'ordre et à faire naître le calme et l'équilibre.
Nous constatons parfois qu'il existe beaucoup de préjugés concernant l'emploi de l'encens; il est supposé appartenir exclusivement aux cérémonies de l'Église romaine, car c'est uniquement là et dans certaines églises anglicanes supérieures qu'en Occident on le voit pratiqué. Il suffit d'avoir voyagé en Orient ou de s'intéresser à l'étude des autres religions pour savoir qu'en somme toutes les religions du monde font usage de l'encens, sous une forme ou sous une autre. Il fume dans les temples des Hindous, des Zoroastriens, des Jaïns et dans le Shinto de la Chine et du Japon. Il servait en Grèce, à Rome, en Perse et dans les cérémonies de Mithra. Tous, et les Catholiques romains comme eux, se gardent de le négliger, car ils en connaissent l'utilité. Pourquoi ne pas faire comme eux ?
Une vague puritaine très violente s'éleva en Angleterre peu après la Réformation; elle détermina l'assassinat du roi Charles, le Commonwealth et la dictature de Cromwell. Sans doute il y eut une réaction au temps de la Restauration, mais le sentiment puritain semble avoir été des plus intenses; il en reste des vestiges en Angleterre, dont certains prennent la forme de préjugés inouïs et irraisonnés.
Ce sentiment a quelquefois pénétré dans les cercles maçonniques et l'on a voulu obtenir de la Grande Loge qu'elle limitât la définition du Grand Architecte, afin d'exclure la possibilité d'une association entre la Maçonnerie et les croyances non-protestantes Mais, très libéralement, la Grande Loge a refusé de créer aucune limitation de ce genre. Dans l'obédience de la Grande Loge d'Angleterre l'encens est prescrit pour la cérémonie de la Consécration d'une Loge (26); l'officier consécrateur et les Surveillants sont encensés, sans que le nombre de coups dus à chacun soit indiqué. On fait également usage de l'encens dans la consécration d'un chapitre de la Sainte Arche Royale, sous le Grand Chapitre Suprême d'Angleterre; de même dans le cérémonial de nombreux degrés supérieurs; son introduction dans les Loges de la Maçonnerie Mixte n'est donc en rien une innovation; elle s'accorde absolument avec les usages maçonniques.
Le nombre de coups d'encensoir donnés à chaque F .°. non officiant indique son rang particulier dans l'Ordre car dans la Maçonnerie Mixte on tient compte du Rite Écossais Ancien et Accepté. Chacun reçoit ainsi l'influence dont il a besoin et la force lui est donnée pour la tâche que son rang lui confère. Chaque F .°., lorsqu'il est encensé, s'incline avec respect, comme pour affirmer qu'il dédie toute la force dont il dispose au G.°. .A.°. D .°.L.°.U.°..
ALLUMAGE DES FLAMBEAUX
Le premier Exp.°. est le Lucifer, qui apporte la lumière a ses semblables. Ayant reçu du Vén.°. de la précédente année la lumière prise au Feu Sacré il la porte au Vén.°. qui, au moyen d'une petite bougie allume le grand flambeau placé à sa droite, puis avec un éteignoir éteint la première. Il ne doit pas l'éteindre en soufflant, pour éviter l'idée que le feu sacré a été souillé par l'haleine, qui est impure. Pour la même raison les Parsis, quelquefois appelés adorateurs du feu parce qu'ils regardent cet élément comme le plus grand symbole ou expression de la vie divine, ne le souilleraient sous aucun prétexte en y jetant des ordures. Le Vén.°. dit: " Que la lumière de la sagesse illumine nos Trav.°. (ici il allume son flambeau), la sagesse du G.°.A.°.D.°.L.°.U.°. est infinie ". Le premier Exp.°. porte alors la lumière aux premier et deuxième Surv.°. qui parlent, en termes appropriés, de la force et de la beauté du G.°. A .°.D .°.L .°.U .°.
Dans cette cérémonie le rituel nous rappelle une fois encore les trois Aspects du G.°.A.°.D.°.L.°.U.°. symbolisés ici comme passant de l'état inconditionné à l'état conditionné dans l'ordre successif de sagesse, de puissance et de beauté; ceci prépare l'ouverture de la Loge, le commencement du travail, l'édification du temple. Au début de l'œuvre, comme nous le verrons dans le chapitre prochain, l'ordre est inversé; mais ici nous n'en sommes qu'à la préparation: manifestation de la sagesse qui projette, de la puissance qui exécute, enfin de la beauté qui orne.
L'emploi du feu dans les cérémonies ecclésiastiques ou maçonniques est assez mal compris. L'allumage d'un flambeau avec une intention religieuse est analogue à une prière et détermine toujours une effusion d'énergie venant d'en haut. Ainsi les trois officiers principaux en prononçant ces formules au moment où ils allument leurs flambeaux ne se bornent pas à proclamer en symbole qu'ils représentent certains Aspects du divin, ils créent vraiment la possibilité d'établir un lien positif avec ces Aspects, lien qui s'opère en réponse à leur prière. Les lampes électriques qui remplacent les flambeaux dans certaines Loges ne produisent pas le même effet; elles donnent la lumière mais pas le feu: aussi le résultat est-il incomplet. Cependant la lumière électrique peut être tolérée pour l'Etoile Flamboyante et pour l'Etoile de l'Initiation, où action et symbolisme se rapportent uniquement à la lumière.
Ce que j'ai dit plus haut de l'assistance que les FF.°. doivent donner aux officiers trouve ici, au plus haut point, son application. Quand le Vén.°. dit : " Que Sa Sagesse illumine nos Trav.°.", tous devraient se joindre à lui, dans un effort énergique faisant appel à la sagesse divine, afin que par l'intermédiaire du Vén.°. elle puisse se répandre sur les FF.°. De même quand le premier Sur.°., dit: " Que la lumière de la force soutienne nos Trav.°.", tous devraient donner une pensée intense à la puissance divine, animés du désir qu'elle puisse par le Surv.°. descendre ici-bas. Enfin un effort semblable accompagne les mots du deuxième Sur.°. " Que la lumière de la beauté rende manifestes nos Trav.°. " et la déclaration du Vén.°. de la précédente année : " Sa lumière demeure toujours parmi nous ".
Il ne faut pas attacher à ces pensées la vieille idée, fausse à mon avis, d'une prière, c'est-à-dire de la nécessité d'obtenir par nos supplications l'attention du G.°.A.°.D.°.L.°.U.°.. Nous savons que l'effusion de Sa force est continuelle; à nous de lui ouvrir un canal. Le symbole du G.°.A.°.D.°.L.°.U.°. est ici-bas le soleil qui ne cesse de répandre sa lumière, sa vie et sa gloire sans que nous lui demandions de briller. C'est pourquoi en prononçant ces formules, nous ne cherchons qu'à devenir, nous et la Loge, des canaux à Son service.
La pensée des FF.°. joue un rôle important dans tout cela mais c'est surtout pendant l'encensement de l'autel qu'ils devraient la fixer sur l'amour divin. Il incombe au Vén.°. de diriger tout le travail, et à chacun des officiers de remplir son devoir particulier, mais le succès total a pour condition la présence d'esprit et l'altruisme de chacun des FF .°. présents dans Ia Loge; autrement point de véritable vie pour animer le travail. Il est à craindre que dans beaucoup de Loges maçonniques, malgré toute l'influence exercée sur leur travail par le noble idéal de la Charité, le rayonnement de l'influence spirituelle reste nul. Elles observent le rituel avec beaucoup de soin et de précision, mais n'ont pas saisi toute l'importance de la pensée qu'on lui donne et de la compréhension de tout ce que le rituel signifie et sous-entend. La bénédiction du Grand Architecte est invoquée moins par nos formules verbales et par nos actes que par l'esprit qui préside au travail de la Loge.
C.W.Leadbeater, 33ème