HEINDEL L'énigme de la vie et de la mort




MAX HEINDEL

Cycle de conférences du Christianisme 
de la Rose-Croix

1908


Première Conférence 

L'ÉNIGME DE LA VIE ET DE LA MORT 


A chaque naissance, ce qui paraît être une vie nouvelle entre dans le monde. Lentement la petite forme grandit, vit et se meut parmi nous, elle devient un facteur qui compte dans nos vies; mais finalement vient un moment où cette forme devient inerte et se décompose. La vie qui est venue, nous ne savons pas d'où, est retournée dans l'invisible au-delà. Alors, dans le chagrin et l'angoisse, nous nous posons les trois grandes questions qui touchent à notre existence: d'où sommes-nous venus? Pourquoi sommes-nous ici? Et où allons-nous?

Sur chaque seuil, le redoutable spectre de la Mort projette son ombre. Elle visite aussi bien le palais que l'hospice. Nul n'échappe: jeunes ou vieux, malades ou bien-portants, riches ou pauvres, tous, tous doivent sans exception passer par sa sombre porte. Et à travers les âges a retenti une pitoyable clameur demandant une solution de l'énigme de la vie et de la mort. 

Malheureusement, des gens qui ne savaient rien ont émis beaucoup de vagues conjectures; de là est venue l'opinion courante que rien de précis ne peut être connu touchant cette partie si importante de notre existence qu'est la Vie avant sa manifestation par le portail de la naissance, et au-delà des portes de la mort. 

Cette idée est erronée. Une connaissance personnelle précise peut être acquise par tous ceux qui veulent faire l'effort de cultiver le "sixième sens", latent chez tous. Quand ce sens est acquis, il ouvre nos yeux spirituels, nous permettant de percevoir les esprits qui sont sur le point d'entrer dans la vie physique par la naissance, et ceux qui viennent de retourner dans l'au-delà après la mort. Nous les voyons avec autant de clarté et de précision que nous connaissons les être physiques par notre vue ordinaire. D'ailleurs, l'information directe sur ce qui touche les mondes intérieurs n'est pas indispensable pour satisfaire l'esprit du chercheur, tout comme il n'est pas nécessaire de visiter la Chine pour apprendre quelles y sont les conditions de vie. Nous connaissons les pays étrangers par les récits des voyageurs qui en reviennent; or nous avons autant de connaissances sur le monde de l'au-delà que sur l'Afrique, l'Australie ou la Chine. 

La solution du problème de la Vie et de l'Etre offerte ici repose sur les témoignages concordants de nombreuses personnes qui ont cultivé la faculté en question et sont ainsi qualifiées pour explorer les mondes hyperphysiques d'une manière scientifique. Cette solution est ne harmonie avec les faits scientifiques; elle constitue dans la nature une vérité éternelle, qui gouverne le progrès humain, tout comme la loi de gravitation guide invariablement les planètes sur leur orbite autour du soleil. 

Trois théories ont été avancées pour résoudre l'énigme de la vie et de la mort, et il semble être universellement admis qu'une quatrième théorie est impossible à concevoir. S'il en était ainsi, une des trois doit être la solution vraie, ou sinon l'énigme reste insoluble, du moins pour l'intelligence humaine. 

L'énigme de la vie et de la mort est un problème fondamental: chacun de nous doit le résoudre un jour; et l'acceptation de l'une de ces théories est d'importance capitale pour chaque être humain pris individuellement, car elle orientera sa vie entière. Pour nous permettre de faire un choix intelligent, il est nécessaire de les connaître toutes trois, de les analyser, de les comparer et de bien les peser, en gardant notre esprit ouvert, dégagé de toute idée préconçue, et prêt à accepter ou rejeter chacune des théories selon ses mérites. 

Citons d'abord ces trois théories; puis voyons comment elles s'accordent avec les faits établis de la vie, et à quel point elles sont en harmonie avec d'autres lois connues de la nature, comme nous pouvons raisonnablement le supposer si elles sont vraies; car l'inharmonie est impossible dans la nature. 

1. La Théorie Matérialiste soutient que la vie est un voyage du berceau à la tombe; que les facultés mentales sont le produit de la matière; que l'homme est la plus haute intelligence du Cosmos; et que cette intelligence meurt lorsque le corps se désintègre après la mort. 

2. La Théorie Théologique affirme qu'à chaque naissance une âme nouvellement sortie de la main de Dieu entre sur la scène de la vie; qu'à la fin d'une courte période de vie dans le monde matériel, elle entre par les portes de la mort dans l'invisible au-delà, pour y rester; que son bonheur ou sa souffrance y sont déterminés pour l'éternité par sa foi juste avant sa mort. 

3. La Théorie de la Renaissance enseigne que chaque esprit est partie intégrante de Dieu, qu'il contient en germe toutes les possibilités divines, comme la semence contient en germe la plante; qu'au moyen de nombreuses existences dans un corps physique de qualité graduellement croissante, ses pouvoirs latentes sont lentement transformés en pouvoirs dynamiques; qu'aucun de ces esprits ne se perd dans cette évolution, mais que tous atteindront finalement leur but, la perfection et la réunion avec Dieu, en apportant avec eux les trésors d'expériences qui sont le fruit de leur pèlerinage à travers la matière. 

En comparant la théorie matérialiste avec les lois connues de l'univers, nous trouvons qu'elle est en contradiction avec certaines de ces lois bien établies, comme par exemple celles qui disent que la matière et la force sont indestructibles. Conformément à ces lois, le mental ne saurait être détruit à la mort comme l'affirme la théorie matérialiste, car si rien ne peut être détruit, le mental ne saurait faire exception. 

Bien plus, le mental est évidemment supérieur à la matière, car il modèle le visage de manière à être reflété par lui. Nous savons aussi que tous les éléments de nos corps se renouvellent sans cesse, et qu'un changement complet se produit au moins tous les sept ans. Si la théorie matérialiste était correcte, notre conscience, elle aussi, devrait subir un changement complet; la mémoire du passé s'effacerait totalement, de sorte que personne ne pourrait se rappeler un événement datant de plus de sept ans. 

Nous savons que tel n'est pas le cas. Nous nous souvenons de notre vie entière; le plus petit incident, quoique oublié dans la vie courante, est rapidement remémoré par quelqu'un qui se noie, ou est en état de léthargie. Le matérialisme ne tient aucun compte de ces états de subconscience ou de superconscience; il ne peut les expliquer, aussi les passe-t-il sous silence. Mais, en face des recherches scientifiques qui ont affirmé sans discussion possible la véracité des phénomènes psychiques, le système qui consiste à ne pas tenir compte de ces faits au lieu de les réfuter est un défaut sérieux pour une théorie qui prétend résoudre le plus grand problème de la vie: la Vie elle-même. 

La théorie matérialiste a bien d'autres imperfections qui ne nous permettent pas de l'accepter, mais nous en avons suffisamment dit pour en justifier le rejet et pour passer à l'examen des deux autres. 

Ce qui rend la doctrine des théologiens difficilement acceptable, est son insuffisance manifeste. Selon leur théorie de la création d'une âme nouvelle à chaque naissance, des myriades d'âmes ont dû être créées depuis le début du monde (même si ce début ne remontait qu'à 6000 ans) et si 144.000 âmes (Apocalypse 14:1-5) seulement doivent être sauvées, les autres seront torturées à jamais. Voilà ce qu'on appelle "le plan de salut de Dieu", prôné par certaines sectes comme la preuve de son merveilleux amour! 

Supposons qu'un message parvienne à New York, annonçant qu'un grand transatlantique est en train de sombrer auprès de Sandy Hook, et que 3000 personnes sont en danger de se noyer. Saluerions-nous comme un magnifique plan de sauvetage le fait d'envoyer à leur secours un simple canot à moteur, qui réussirait à sauver deux ou trois personnes? Certainement pas. C'est seulement en sauvant, par des moyens appropriés, la grande majorité des passagers, que l'on pourrait parler d'un "plan de salut". 

Le "plan de salut" que nous offrent les théologiens est pire que l'envoi d'un canot à moteur pour sauver les passagers d'un transatlantique, car la proportion de deux ou trois rescapés sur un total de 3.000 est plus forte que celle de 144.000 sur les myriades d'âmes créées d'après le plan des théologiens. Si Dieu avait réellement conçu un tel plan, il semblerait à tout esprit logique qu'Il ne peut être toute-sagesse; et s'Il permet au démon de prendre la meilleure part, comme dans ce plan, et de torturer l'immense majorité du genre humain, il ne peut être toute-bonté. S'il ne peut l'empêcher, Il n'est pas toute-puissance. Dans aucun de ces cas, Il ne saurait être Dieu. De telles suppositions sont d'ailleurs inconcevables en tant que réalités, car ce ne peut être là le plan de Dieu, et c'est une grossière calomnie que de le Lui attribuer. 

Considérons maintenant la doctrine de la renaissance (naissances successives dans des corps humains); elle nous révèle un lent processus de développement qui se poursuit sans répit à travers des incarnations répétées, dans des formes humaines de qualité croissante; de cette manière tous les êtres sont, avec le temps, amenés à une élévation spirituelle impossible à concevoir pour notre entendement. Nous pouvons cependant saisir l'harmonie qui existe entre cette théorie et les méthodes de la nature: partout dans la nature nous trouvons cet effort lent et persistant vers la perfection; et nulle part nous ne trouvons un processus soudain de création ou de destruction semblable au système auquel théologiens et matérialistes voudraient nous faire croire. 

La science reconnaît que le processus d'évolution est la méthode de développement qu'emploie la nature, aussi bien pour les astres que pour l'étoile de mer, pour le microbe que pour l'homme. C'est de la même manière que l'esprit de l'homme évolue. Lorsque nous regardons autour de nous, en considérant l'évolution dans notre monde à trois dimensions, nous ne pouvons nier que le chemin de l'esprit est lui aussi à trois dimensions, en spirale; chaque boucle de la spirale est un cycle, et chaque cycle est suivi d'un autre cycle en progression ininterrompue, comme se succèdent les boucles de la spirale; chaque cycle est le produit amélioré des cycles précédents, en même temps que la base du progrès dans les cycles suivants. 

Une ligne droite n'est que l'extension d'un point; elle est analogue aux théories des matérialistes et des théologiens. La ligne matérialiste de l'existence va de la naissance à la mort; le théologien commence sa ligne juste avant la naissance, et la conduit après la mort jusque dans l'invisible au-delà. Il n'y a pas de retour. L'existence ainsi vécue ne pourrait tirer qu'un minimum d'expérience de l'école de la vie, semblable à celle que pourraient obtenir des êtres à une seule dimension, incapables de s'élargir ou de s'élever à de sublimes hauteurs dans la connaissance. 

Un chemin à deux dimensions, en zigzag, ne vaudrait pas mieux pour l'évolution de la vie; un cercle signifierait une ronde interminable d'expériences identiques. 

Tout dans la nature a sa raison d'être, la troisième dimension également; pour que nous puissions vivre en profitant des occasions d'un univers à trois dimensions, le chemin de l'évolution doit être en spirale, et il en est ainsi. Partout, au ciel et sur la terre, toutes choses vont "en avant, plus haut, à jamais". 

La modeste petite plante de jardin, aussi bien que les séquoias géants de Californie, nous montrent également la disposition en spirale de leurs branches, de leurs rameaux et de leurs feuilles. Si nous étudions la voûte céleste, avec ses nébuleuses en spirale, qui sont les mondes en voie de création, ou bien les parcours des systèmes solaires, la spirale nous apparaît comme la seule voie de progression.

Nous trouvons un autre exemple de la progression en spirale dans la course annuelle de notre planète. Au printemps, elle émerge de sa période de repos, de son sommeil hivernal. Nous voyons la vie bourgeonner partout. Toutes les activités de la nature s'exercent à créer. Le temps passe; le blé et le raisin mûrissent et sont récoltés; et de nouveau le silence et l'inactivité de l'hiver remplacent l'activité de l'été, de nouveau le manteau de neige enveloppe la terre. Mais elle ne dormira pas toujours; elle se réveillera au chant d'un printemps nouveau, ayant alors progressé un peu plus avant sur la route du temps. 

Est-il possible qu'une loi, universelle dans tous les autres domaines de la nature, puisse être invalidée dans le cas de l'homme? La terre peut-elle s'éveiller chaque année de son sommeil hivernal, l'arbre et la fleur renaître, et l'homme mourir? Non, c'est impossible dans un univers gouverné par une loi immuable. La même loi qui éveille la vie de la plante pour une nouvelle croissance, doit éveiller l'être humain pour un progrès nouveau vers le but final de la perfection. C'est pourquoi la doctrine de la renaissance, ou de l'incarnation humaine répétée dans des véhicules de plus en plus parfaits, est en plein accord avec l'évolution et les phénomènes de la nature, lorsqu'elle affirme que naissance et mort se succèdent sans arrêt. 

Elle est en parfaite harmonie avec la loi d'alternance des cycles, qui veut qu'activité et repos, flux et reflux, été et hiver se suivent en succession ininterrompue. Elle est aussi en parfait accord avec la loi de l'évolution en spirale, lorsqu'elle établit qu'à chacun de ses retours pour une nouvelle naissance, l'esprit prend un corps meilleur; et, comme l'homme progresse en connaissances mentales, morales et spirituelles par suite des expériences accumulées dans les vies antérieures, il revient dans un milieu supérieur aux précédents. 

Quand nous cherchons à résoudre l'énigme de la vie et de la mort, à lui trouver une réponse satisfaisant à la fois la tête et le coeur, en tenant compte des différences entre les dons innés des êtres humains et expliquant l'existence de la souffrance et de la douleur; quand nous demandons pourquoi l'un est élevé dans le luxe tandis qu'un autre reçoit plus de coups que de pain, pourquoi l'un bénéficie d'une éducation morale tandis qu'un autre apprend à voler et à mentir, pourquoi une femme a le visage et la silhouette d'une Vénus tandis qu'une autre a la tête d'une Méduse, pourquoi l'un jouit d'une santé parfaite tandis qu'un autre ne connaît jamais un moment de répit à sa souffrance, pourquoi l'un a l'intelligence d'un Socrate alors qu'un autre sait à peine compter - nous ne recevons aucune réponse satisfaisante à ces questions, ni des matérialistes, ni des théologiens. 

Le matérialisme considère la loi d'hérédité comme la raison de la maladie; et en ce qui concerne les conditions sociales, un Spencer nous dit que dans le monde animal, la loi de l'existence est: "Mange, ou tu seras mangé", et dans la société civilisée: "Trompe, ou tu seras trompé". 

L'hérédité explique partiellement la constitution physique de l'individu. Le semblable engendre son semblable, en ce qui concerne la Forme, mais non en ce qui concerne les tendances morales et mentales, qui diffèrent dans chaque être humain. 

L'hérédité est réelle dans les règnes inférieures où tous les animaux d'une espèce donnée ont un aspect presque identique, mangent le même genre de nourriture et agissent de même manière dans des circonstances semblables, parce qu'ils n'ont pas de volonté individuelle mais sont dominés par un esprit-groupe qui leur est commun. Dans le règne humain, il n'en est pas de même; chacun agit différemment; chacun a besoin d'une alimentation différente. Pendant que s'écoulent les années d'enfance et de jeunesse, l'Ego intérieur façonne son corps de telle manière qu'il se reflète dans les traits du visage; il n'y a donc jamais deux personnes exactement semblables. Même des jumeaux qu'on ne pouvait distinguer dans l'enfance diffèrent à mesure qu'ils grandissent, du fait que les traits de chacun expriment la pensée de l'Ego intérieur. 

Il en est de même sur le plan moral. Les registres de police montrent que les enfants de criminels invétérés, bien qu'ayant généralement des tendances au crime, n'ont pas affaire à la justice; et dans les listes de grands criminels d'Europe et d'Amérique, il est impossible de trouver à la fois le père et le fils. Ainsi, les criminels peuvent être des fils de gens honnêtes, et l'hérédité est incapable d'expliquer les tendances morales. 

Si nous considérons maintenant les facultés intellectuelles et artistiques les plus élevées, nous constatons que les enfants d'un génie sont souvent médiocres ou même idiots. Le cerveau de Cuvier est le plus grand cerveau qui fut jamais pesé et analysé par la science; ses cinq enfants sont morts de parésie. Le frère d'Alexandre le Grand était un idiot. Nous pourrions ainsi citer nombre de cas pour montrer que l'hérédité n'explique que partiellement les similitudes de Forme, et nullement les conditions mentales et morales de l'individu. La loi d'attraction fait que les musiciens se rencontrent dans les salles de concert et que les intellectuels se réunissent à cause de leur similitude de goûts; et la loi de cause à effet pousse l'homme qui a développé des tendances criminelles à naître dans un milieu de criminels, pour qu'il puisse apprendre à faire le bien en observant les malheurs qui suivent les mauvaises actions; ces deux lois expliquent bien plus logiquement que l'hérédité ce qui touche aux associations et au caractère. 

Le théologien assure que toutes les conditions de vie sont le fait de la volonté de Dieu; que dans son insondable sagesse Il a jugé bon de faire certains hommes riches et la plupart pauvres, certains intelligents et d'autres stupides, etc.; qu'Il envoie des épreuves à tous les hommes, nombreuses à la plupart, et rares à quelques favorisés; et il ajoute que nous devons accepter notre sort sans murmurer. Mais il est dur de regarder le ciel avec amour, quand on pense que de lui nous vient toute notre détresse, petite ou grande selon le caprice divin; et le bienveillant intellect humain se révolte à la pensée d'un père qui prodigue amour, confort et luxe à quelques-uns, et envoie souffrances, peines et malheurs à des millions d'autres. Sans aucun doute, il doit y avoir une autre solution aux problèmes de la vie que celle-la. N'est-il pas plus raisonnable de penser que les théologiens peuvent avoir mal interprété la Bible, plutôt que d'accuser Dieu d'une conduite aussi monstrueuse? 

La loi de renaissance offre une solution raisonnable à toutes les inégalités de la vie, à ses souffrances et à ses peines, lorsqu'on l'associe avec sa compagne, la loi de cause à effet; elle nous montre en outre la voie de l'émancipation. 

La loi de cause à effet est la loi de justice dans la nature; elle décrète que ce que l'homme sème, il le récolte (Galates 6:7). Ce que nous sommes, ce que nous avons, toutes nos qualités sont le résultat de notre travail dans le passé d'où viennent nos talents naturels. L'absence de certains dons physiques, moraux ou mentaux, est due au fait que nous avons négligé certaines occasions ou qu'elles nous ont manqué; mais un jour, nous aurons d'autres occasions de combler cette lacune. 

En ce qui concerne nos obligations envers les autres ou leurs dettes envers nous, la loi de cause à effet s'en charge également. Ce qui ne peut être liquidé dans une vie demeure jusqu'aux vies futures. 

La mort ne détruit pas plus nos obligations que le fait de déménager dans une autre ville ne paie nos dettes présentes. La loi de renaissance nous procure un nouveau milieu, mais nous y retrouvons nos anciens amis et nos anciens ennemis. Nous les connaissons d'ailleurs; car lorsque nous rencontrons une personne pour la première fois et sentons pourtant que nous l'avons connue, c'est seulement là le souvenir de l'Ego qui perce le voile de la chair et reconnaît un ancien ami de ses vies précédentes. Quand nous rencontrons une personne qui nous inspire aussitôt crainte et répugnance, c'est encore là un message de l'Ego nous avertissant qu'il s'agit d'un de nos ennemis des temps passés. 

L'enseignement spirituel concernant la vie base sa solution sur les lois jumelles de cause à effet et de renaissance; il nous apprend simplement que le monde autour de nous est une école d'expérience: de même que nous envoyons un enfant à l'école jour après jour et année après année, pendant qu'il franchit les différents degrés de l'école maternelle à l'université, de même l'Ego incarné dans l'homme, en tant que fils du Père, va à l'école de la vie, jour après jour. Mais dans cette vie plus considérable de l'Ego, chaque jour d'école est une vie entière sur la Terre, et la nuit qui sépare deux jours de classe pour l'enfant correspond au sommeil de la mort dans la vie plus longue de l'Ego humain (l'esprit intérieur de l'homme). 

Dans une école, les classes sont nombreuses. Les enfants les plus âgés qui ont longtemps suivi l'école ont des leçons très différentes de celles des petits à l'école maternelle. De même, à l'école de la vie, ceux qui ont des situations élevées et sont doués de hautes facultés sont nos Frères Aînés, tandis que les primitifs ne font qu'entrer dans la classe la plus inférieure. Ce qu'ils sont, nous l'avons été; et tous atteindront un jour un point où ils seront plus sages que les plus sages que nous connaissons. Le philosophe ne devrait pas non plus s'étonner que les puissants écrasent les faibles; les aînés des enfants sont cruels pour leurs frères plus jeunes à un certain moment de leur croissance, parce qu'ils n'ont pas encore développés le vrai sens du droit; mais en grandissant ils apprennent à protéger les faibles. 

Ainsi feront les enfants de la vie supérieure: l'altruisme se répand de plus en plus partout, et le jour viendra où tous les hommes seront aussi bons et bienveillants que les plus grands saints. 

Il n'y a qu'un péché: l'ignorance; et qu'un salut; le savoir appliqué. Tous les chagrins, la souffrance et la douleur sont dus au fait que nous ignorons comment agir; et l'école de la vie est aussi nécessaire pour faire éclore nos capacités latentes, que l'école journalière pour faire naître celles de l'enfant. 

Quand nous comprenons bien qu'il en est ainsi, la vie prend aussitôt un aspect complètement différent. Peu importe quelles sont les conditions dans lesquelles nous vivons; savoir que nous les avons créées nous-mêmes nous aide à les supporter avec patience; et, par-dessus tout, le sentiment glorieux que nous sommes maître de notre destinée et pouvons construire le futur à notre guise, est par lui-même une puissance. Il nous appartient de développer ce qui nous manque. Evidemment, il reste le passé avec lequel nous devons encore compter, et peut-être subirons-nous encore beaucoup de malheurs dus à nos fautes; mais si nous cessons de faire le mal, nous pouvons envisager avec joie toute affliction, parce qu'elle liquide une dette ancienne, et qu'elle avance le jour où notre compte sera effacé. Il n'y a pas d'objection valable dans le fait que souvent les meilleurs et les plus honnêtes souffrent plus que les autres. Les grandes Intelligences chargées d'assigner à chaque homme le montant du passé qu'il doit liquider dans chaque vie, aident toujours celui qui paie ses dettes passées sans y ajouter de nouvelles fautes et lui donnent tout ce qu'il peut supporter, hâtant ainsi la venue du jour de l'émancipation. Dans ce sens, il est strictement vrai que "Dieu châtie ceux qu'Il aime". 

La doctrine de la renaissance est parfois confondue avec celle de la transmigration ou métempsychose, qui nous apprend que l'âme humaine peut s'incarner dans un animal. Cette théorie ne repose sur rien dans la nature. Chaque espèce animale est l'émanation d'un "esprit-groupe" qui en gouverne les individus de l'extérieur, par suggestion; il fonctionne dans le monde du désir; et comme il n'y a pas de distance dans ce monde, l'esprit-groupe peut influencer ses membres, où qu'ils soient placés. L'esprit humain, l'Ego, au contraire, pénètre à l'intérieur d'un corps physique; il y a dans chaque homme un esprit individuel, qui habite dans son instrument et le guide de l'intérieur. Ce sont là deux degrés d'évolution totalement différents, et il est aussi impossible pour l'homme de s'incarner dans un corps animal que pour un esprit-groupe de prendre la forme humaine. 

La question: "Pourquoi ne nous rappelons-nous pas nos existences passées?" est une autre difficulté apparente. Mais il n'y a rien là qui puisse nous surprendre, si nous sommes conscients du fait qu'à chaque naissance nous avons un cerveau entièrement nouveau, et que l'esprit humain est faible et absorbé par son nouveau milieu au point de ne pouvoir impressionner complètement le cerveau pendant la première enfance, moment où il est le plus sensible. Certains enfants se souviennent du passé, particulièrement dans leurs premières années; et il est navrant de voir ces enfants si totalement incompris de leurs aînés. Lorsqu'ils parlent du passé, on les tourne en ridicule, ou même on les punit pour leur "imagination". Si des enfants parlent de leurs compagnons de jeux invisibles, et de ce qu'ils "voient", car nombre d'enfants sont clairvoyants, ils se heurtent au même rigoureux traitement; et, résultat inévitable, les petits apprennent à se taire jusqu'au moment où ils perdent cette faculté. 

Il arrive parfois qu'on écoute le bavardage d'un enfant, et qu'il mène à d'étonnantes révélations. L'auteur a connu un de ces cas il y a quelques années sur la Côte du Pacifique. 

Une petite fille de Santa Barbara courut un jour dans la rue vers un monsieur du nom de Roberts en l'appelant papa; elle affirmait qu'elle avait vécu avec lui et une autre maman dans une petite maison près d'un ruisseau, et qu'un matin il avait quitté la maison et n'était jamais revenu; elle et sa maman étaient mortes de faim; et la petite terminait par ces mots étranges: "Mais je ne suis pas vraiment morte; je suis venue ici". L'histoire ne fut pas contée en une fois, ni résumée, mais fut obtenue par un questionnaire intermittent au cours de tout un après-midi. Or, l'histoire de la petite fille de trois ans corroborait parfaitement les aventures de M. Roberts, dont voici les faits principaux: il se maria en Angleterre et émigra en Australie où il construisit une cabane près d'une rivière loin de toute habitation. Il fut arrêté alors qu'il venait de quitter sa femme et son bébé, et le policier refusa de le laisser prévenir sa femme par crainte d'un piège; il l'emmena jusqu'à la côte, d'où il fut envoyé en Angleterre où on le jugea pour le vol d'une banque commis la nuit de son départ pour l'Australie. Son innocence fut enfin reconnue et, à ce moment seulement, on prit garde à ses protestations répétées à propos de sa femme et de son enfant qui devaient mourir de faim. Un télégramme fut envoyé et des recherches organisées au cours desquelles on retrouva les squelettes d'une femme et d'un enfant. 

Et la fillette, parmi les photographies qu'on lui montrait au hasard, choisit celles de M. Roberts et de sa femme, bien que M. Roberts eût beaucoup changé pendant les dix-huit années qui s'étaient écoulées entre la tragédie et l'incident de Santa Barbara. 

Il ne faudrait pas supposer, cependant, que tous ceux qui ont franchi la porte de la mort reviennent aussi rapidement que cela. Un délai si court ne donnerait à l'âme aucune chance de faire l'important travail d'assimilation des expériences et de préparation à une nouvelles vie terrestre. Mais un enfant de trois ans n'a eu pour ainsi dire aucune expérience, aussi cherche-t-il très vite une occasion de renaître, en s'incarnant souvent dans la même famille qu'avant. 

Souvent les enfants meurent parce qu'un changement dans les habitudes des parents les empêche de liquider leurs actes passés; il leur faut alors chercher une autre occasion; parfois aussi ils naissent et meurent pour donner aux parents une leçon nécessaire. Nous connaissons un cas où un Ego s'est incarné huit fois de suite dans la même famille, dans cette intention, avant que la leçon fût apprise; puis il s'incarna ailleurs; il s'agissait d'un ami des parents qui s'acquit un grand mérite en les aidant ainsi. 

La loi de renaissance, lorsqu'elle n'est pas modifiée par la loi de cause à effet, comme dans les cas ci-dessus, se règle sur le mouvement du soleil connu sous le nom de précession des équinoxes, selon lequel le point vernal recule le long des douze signes du Zodiaque dans le temps d'une année sidérale ou mondiale, qui comprend 25.868 de nos années solaires ordinaires. 

Tout comme le mouvement de la Terre le long de son orbite autour du Soleil détermine les changements de température qui modifient nos conditions de vie et nos activités selon les saisons, ainsi le passage du Soleil à travers la grande année sidérale détermine des changements encore plus importants dans les conditions climatiques et topographiques, en rapport avec les civilisations; et il est nécessaire que l'Ego apprenne à s'adapter à tous ces changements. 

C'est pour cela que l'Ego s'incarne deux fois pendant le temps que met le soleil à traverser chacun des signes du Zodiaque, temps qui est d'environ 2.100 ans; il y a donc normalement environ 1.000 ans entre deux incarnations. Comme les expériences d'un homme sont grandement différentes de celles d'une femme, et que les conditions de vie ne sont pas tellement différentes en mille ans, l'esprit renaît ordinairement tour à tour comme homme et comme femme; mais ce n'est pas là une règle rigoureuse et immuable: elle est sujette aux modifications que nécessite la loi de cause à effet. 

La science occulte résout donc l'énigme de la vie par la recherche de l'expérience par l'Ego, toutes les conditions de l'existence n'ayant que ce résultat en vue, et toutes étant automatiquement déterminées par le seul mérite personnel. La science occulte ôte à la mort sa terreur et son aiguillon, en la remettant à la place qui lui convient, celle d'un incident dans une vie plus longue, semblable à un séjour temporaire dans une autre ville; elle rend plus facile notre séparation d'avec les êtres aimés, en nous donnant l'assurance que notre amour sera l'instrument même de notre réunion. Elle nous donne aussi le plus grand espoir de la vie, celui qu'un jour nous obtiendront la connaissance qui illumine tous les problèmes, et relie toutes nos vies. Et, par-dessus tout, la science occulte nous apprend qu'il est en notre pouvoir de hâter, par notre application, la venue du jours glorieux où la foi sera tout entière absorbée dans la connaissance. 

Alors nous saisirons mieux, dans un sens plus élevé, la beauté de l'exposé poétique de la doctrine de la renaissance, dû à Sir Edwin Arnold: 

Jamais l'Esprit n'a eu besoin de naître, Jamais l'Esprit ne pourra cesser d'être. Ne connaissant pas de bornes dans le temps. Fin et genèse aussi ne sont que rêves; Ni né, ni mort, l'Esprit vit à jamais, 
La mort en rien n'a jamais pu l'atteindre, Même quand sa demeure nous paraît morte. 

Ainsi que l'homme, ayant ôté Son vieil habit longtemps porté, En en prenant un autre dit: "Aujourd'hui je mets celui-ci". 

Ainsi l'Esprit va se défaire De l'habit de chair, doucement; Prendre son vol, pour hériter D'une demeure plus belle. 


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