MAX HEINDEL
Cycle de conférences du Christianisme
de la Rose-Croix
1908
Huitième Conférence
LA SCIENCE DE LA NUTRITION, DE LA SANTÉ ET DE
LA PROLONGATION DE LA JEUNESSE
Dans les précédentes conférences, nous avons constamment essayé de faire ressortir la valeur du corps physique: c'est bien la plus précieuse de nos possessions matérielles et, chose surprenante, c'est aussi celle que nous négligeons le plus. Pour protéger des biens sans valeur, nous risquons notre vie, jetant le blé pour garder l'ivraie. Mais notre plus grand crime n'est pas de commettre cette erreur à l'occasion; le plus grand dommage provient de la négligence et de l'insouciance dont nous faisons preuve chaque jour, dès avant la naissance et jusqu'au moment de la mort.
En effet, nous prenons le plus grand soin de la reproduction de notre bétail et de nos chevaux; nous veillons à ce que les animaux soient en parfaite santé et nous recherchons pour eux l'union qui, selon notre bon sens et notre expérience, donnera la meilleure progéniture; nous étudions soigneusement le pedigree d'un chien ou d'un étalon, avant de le choisir pour féconder nos animaux, mais nous n'avons pas une pensée pour nos enfants à venir.
Nous nous marions pour obtenir la richesse, un foyer, une situation sociale, etc., et non pour avoir un partenaire mentalement, moralement et physiquement apte à devenir le père ou la mère d'une génération plus évoluée; et ce qui est pire, le mariage est généralement considéré comme une possibilité de rapports sexuels illimités qui, dans beaucoup de cas, sont poursuivis sans interruption pendant toute la période de gestation. Comment s'étonner que la passion domine l'enfant dès son jeune âge. Mariage et enfantement sont des devoirs sociaux pour toutes les personnes en bonne santé et qui en ont les moyens; mais l'excès est un crime, un cancer qui ronge la vie même de la société comme le vautour rongeait le foie de Prométhée, et cet excès ne peut être assez sévèrement condamné.
C'est ainsi que nos ancêtres nous ont amenés en ce monde avec des désavantages sérieux dans notre vie; et nous faisons du tort à nos enfants de la même manière par notre manque de réflexion et de retenue, tout en nous demandant avec étonnement pourquoi la maladie et la souffrance existent. Si nous prenions seulement, pour la sélection des mères et pères de nos enfants, la moitié de la peine que nous prenons pour nos animaux, le progrès serait immense, particulièrement si la mère n'était pas importunée pendant toute la période de gestation.
Non seulement nous nuisons à nos enfants avant leur arrivée en ce monde, mais dès la première enfance nous leur donnons, par ignorance, des habitudes nocives pour leur santé et leur bien-être, particulièrement en les nourrissant mal; en leur apprenant à vivre pour manger au lieu de manger pour vivre, et à regarder plutôt ce qui plaît à l'oeil que ce qui est sain; en leur inculquant le goût des plats très assaisonnés qui excitent la nature passionnelle au plus haut degré. Supposez qu'un constructeur essaie d'édifier une maison avec de vieux chiffons, des bidons de fer-blanc, vieux bouts de planches et autres rebuts, et d'y vivre. Serions-nous surpris qu'elle s'écroule et le blesse? Non! nous serions surpris du contraire; et quand la catastrophe se serait produite, nous dirions qu'il n'avait qu'à s'en prendre à lui-même de ce défi aux lois naturelles.
Il en est de même pour nous; lorsque nous employons de semblables méthodes et construisons nos corps avec n'importe quels matériaux, sans savoir s'ils nous conviennent, nous seuls sommes à blâmer pour les mauvais résultats.
Il n'y a point de "foi révélée une fois pour toutes", dans aucune branche de la connaissance; la vérité a de multiples aspects, et de nouvelles voies s'ouvrent sans cesse aux chercheurs. Mais il existe cependant certaines lois et certains faits fondamentaux qui restent toujours vrais: tels sont ceux que nous allons étudier, parce qu'ils s'appliquent à tous sans exception, et qu'ils peuvent contribuer à la santé de tous, ceci bien que la santé soit strictement individuelle, indépendante de l'apparence et conditionnée seulement par le fait que l'Ego se sent "à l'aise" dans le corps. Si l'Ego se sent "mal à l'aise", le corps est malade, même s'il présente ce que nous appelons "l'image de la santé".
Quand commence la vie prénatale de l'être humain, l'embryon n'est qu'un petit globule mou composé d'albumine (blanc d'oeuf). Un changement se produit: on voit apparaître à l'intérieur des particules variées de substance plus solide, qui grandissent, deviennent plus fermes et finalement entrent en contact. A ces points de contact s'établissent des "articulations" et graduellement se forme le squelette. En même temps les parties molles s'organisent, et c'est le "foetus", un enfant dans l'utérus.
La croissance continue, et la naissance révèle un enfant muni d'un petit corps mou, cependant infiniment plus dense et solide que n'était l'embryon. La première enfance, la seconde et la jeunesse accroissent la solidification; et plus tard le maximum de la solidité est atteint dans la vieillesse, laquelle se termine par la mort.
Au cours de chacune de ces époques de la vie humaine, le corps devient plus dur qu'il ne l'était auparavant; la chair et les os, les tendons et les ligaments, toutes les parties du corps deviennent également dures et raides. La synovie devenant trop épaisse pour couler ne lubrifie plus les articulations qui, de ce fait, se raidissent et commencent à craquer. Le sang, qui dans l'enfance et la jeunesse coulait sans obstacles à travers les artères, les veines et les plus petits capillaires (qui sont tous au début de la vie aussi élastiques que des tubes de caoutchouc) coule lentement et stagne dans les artères contractées, indurées et rigides de la vieillesse. Ainsi, le corps fléchit, la chair se flétrit par manque de nutrition, les cheveux tombent; à la fin le coeur fatigué n'a plus la force de pousser le sang, et le corps meurt. Le cours entier de la vie, du berceau à la tombe, est un processus ininterrompu de solidification; la première et la seconde enfance, la jeunesse, la maturité et la vieillesse n'en sont que les étapes successives. La seule différence entre le corps jeune et le corps âgé est que l'un est mou et élastique, alors que l'autre est dur et rigide. Et la question qui se pose est: quelle est la cause de cette ossification? peut-elle être arrêtée ou au moins diminuée, de manière à prolonger les beaux jours de la jeunesse?
A la dernière partie de cette question, on peut répondre sans réserve qu'il est possible de diminuer le processus de solidification, et de vivre le temps qui nous est dévolu avec beaucoup plus d'avantages que si nous vivions étourdiment comme le font malheureusement la plupart des gens.
En ce qui concerne la cause de l'ossification qui durcit les tissus de nos corps, l'analyse chimique a prouvé que tendons, muscles, sang, urine, sueur, salive, et en fait toutes les parties du corps que nous examinons, contiennent un montant considérable de matières calcaires ou de chaux qui n'existe pas dans l'enfance.
Par exemple, alors que les os de l'enfant sont composés de trois parties de gélatine et d'une partie de phosphate de chaux ou matière osseuse, dans la vieillesse la proportion est exactement inversée: il n'y a plus qu'une partie de gélatine pour trois parties de matière osseuse - et c'est là la raison pour laquelle les os du vieillard se soudent mal après une fracture. Les os de l'enfant se soudent promptement parce qu'ils possèdent en quantité les matériaux d'union, et au contraire très peu de phosphate de chaux (matière osseuse), de sulfate de chaux (gypse) et de carbonate de chaux (craie commune) qui sont les substances incrustantes, causes principales de la rigidité et de la vieillesse.
Et maintenant surgit une autre question: quelle est la source de ces matières calcaires qui se déposent partout? Il semble incontestable que tous les solides du corps sont construits par le sang, qui nourrit chaque partie de l'organisme, et que tout ce que contient le corps doit s'être trouvé d'abord dans le sang. Le sang est renouvelé par le chyle, le chyle par le chyme et donc, en fin de compte, par les aliments et la boisson. Aliments et boissons qui nourrissent nos corps doivent dont être en même temps la source des dépôts minéraux qui obstruent le passage, produisant ainsi la vieillesse et la décrépitude.
L'analyse chimique confirme cette déduction, car elle a montré que le sang artériel venu tout droit du coeur, pur et rouge, est plus chargé en matières minérales que le sang veineux qui contient les impuretés de l'organisme, Il est ainsi prouvé que le courant générateur de vie qui coule dans toutes les partie du corps pour le renouveler et le construire, nous rapproche en même temps de la mort, car à chaque cycle circulatoire, il laisse derrière lui une nouvelle accumulation de composés calcaires qui durcissent les tissus.
C'est là l'écueil sur lequel toutes les théories de la "vie perpétuelle" échouent, car il est nécessaire de manger pour vivre, et cependant chaque morceau de nourriture contient en lui-même à la fois la vie et la mort.
Mais si nous ne pouvons éviter dans notre organisme des substances porteuses de mort, nous pouvons du moins régler notre alimentation de façon à en prendre le moins possible. Très différentes en effet sont les quantités qu'en contiennent les différents aliments: la poudre de cacao, par exemple, est un des aliments les plus nourrissants; mais c'est en même temps un des plus grands facteurs d'obstruction, qui contient trois ou quatre fois plus de cendres que le plus mauvais de tous les autres aliments. Le chocolat, au contraire, est encore plus nourrissant que le cacao, mais ne contient aucune matière calcaire. Tant que nous pouvons apporter du combustible à un foyer et en enlever les cendres, le feu brûle et chauffe. Il en est de même de notre corps, qui est un foyer chimique: tant que nous lui donnons une nourriture appropriée et restons capables d'éliminer les déchets par les reins, la peau et le rectum, nous pouvons le garder sain et vigoureux. En prenant seulement des aliments qui contiennent une quantité minimum de substances calcaires, nous pouvons différer le jour néfaste où rigidité et vieillesse prendront la place de l'élasticité et de la jeunesse. Il ne tient qu'à nous de le faire, grâce aux tables de valeurs nutritives publiées par le gouvernement des Etats-Unis, qui donnent les constituants chimiques des différents aliments.
En gros, et du point de vue chimique, il y a deux catégories d'aliments: les hydrates de carbone, qui comprennent les sucres et les graisses; et les aliments azotés, comprenant les protéines.
Les hydrates de carbone sont les combustibles d'où nous tirons chaleur et force musculaire; ils proviennent de l'amidon et du sucre des légumes, ainsi que du beurre, de la crème, du lait, de l'huile d'olive, des fruits oléagineux, des fruits proprement dits et des jaunes d'oeufs. Ces aliments contiennent très peu de matières minérales; beaucoup d'entre eux, particulièrement les légumes verts frais et les fruits, en sont totalement dépourvus.
Les protéines sont les matériaux que nous utilisons pour réparer les pertes du corps consécutives au travail et à l'usure. On les trouve dans les graines de légumineuses, les fruits oléagineux, le lait et le blanc d'oeuf.
La plupart des gens pensent qu'un repas sans viande est incomplet, car de temps immémorial on a regardé comme un axiome que la viande est l'aliment le plus fortifiant que nous ayons. Tous les autres aliments sont considérés comme de simples accessoires des différentes viandes du menu. Rien n'est plus faux: la science a prouvé par l'expérimentation qu'en toutes circonstances la nourriture tirée des végétaux a un pouvoir de soutien supérieur; la raison en est facile à voir si nous considérons les choses du point de vue occulte.
La loi d'assimilation est la suivante: "Aucune particule nutritive ne peut être intégrée dans le corps par les forces dont c'est la tâche (sixième conférence) avant d'avoir été dominée par l'esprit intérieur"; car celui-ci doit être le maître absolu et indiscuté dans le corps, gouvernant les cellules comme un autocrate, sinon chacune suivrait sa propre voie comme elles le font dans la décomposition qui suit le départ de l'Ego.
Il est évident que, plus la conscience d'une cellule est obscure, plus il est aisé de la maîtriser et plus longtemps elle restera en sujétion. Dans la troisième conférence, nous avons vu que les différents règnes avaient des véhicules différents. Le minéral n'a qu'un corps dense et une conscience semblable à celle de l'état le plus profond de léthargie: le plus facile serait donc de soumettre de la nourriture prise directement dans le monde minéral; la nourriture minérale est celle qui resterait en nous le plus longtemps, supprimant la nécessité de manger si souvent. Mais malheureusement, il se trouve que l'organisme humain vibre à une fréquence si rapide qu'il est incapable d'assimiler directement le minéral inerte. Le sel et les substances analogues sont éliminés immédiatement de l'organisme, sans avoir été aucunement assimilés; l'air est plein d'azote qui nous est nécessaire pour réparer nos pertes: nous l'aspirons dans l'organisme, mais nous ne pouvons l'assimiler, pas davantage que tout autre élément minéral du règne, avant qu'il ait été transformé dans le laboratoire de la nature et intégré dans les plantes.
Comme nous l'avons vu dans la troisième conférence, les plantes ont avec leur corps dense un corps vital, qui les rend capables d'accomplir ce travail; nous avons vu aussi que leur conscience est celle d'un sommeil profond et sans rêves. Aussi est-il facile pour l'Ego de maîtriser les cellules végétales et de les garder longtemps en sujétion, d'où le grand pouvoir de soutien des aliments végétaux.
Dans la nourriture animale, les cellules se sont déjà mieux individualisées: l'animal possède en outre un corps du désir qui lui donne une nature passionnelle. Lorsque nous mangeons de la viande, il est donc plus difficile de dominer ces cellules dont la conscience animale ressemble à l'état de rêve; de même ces particules ne resteront pas longtemps en sujétion, aussi une alimentation carnée demande-t-elle des rations plus fortes et des repas plus fréquents qu'une nourriture végétarienne. Il en résulte que si nous mangions la chair d'animaux carnivores, nous serions continuellement affamés: car chez eux les cellules sont extrêmement individualisées, aussi chercheront-elles leur liberté et l'obtiendront-elles beaucoup plus rapidement. Ce fait est bien illustré par les exemples du loup, du vautour et du cannibale dont la faim est devenue proverbiale. Comme le foie de l'homme est trop petit, même pour le régime carné ordinaire, si le cannibale vivait uniquement de chair humaine au lieu d'en user comme d'une occasionnelle "friandise", il succomberait rapidement. Un excès d'hydrates de carbone, sucres, amidons et graisses ne fait que peu ou pas de mal à l'organisme, car il est expiré par les poumons sous forme de gaz carbonique ou éliminé sous forme liquide par les reins et la peau; un excès de viande est également consumé, mais laisse en nous le poison de l'acide urique.
Il est aujourd'hui de plus en plus reconnu que moins nous mangeons de viande, mieux nous nous portons physiquement.
Considérons maintenant la question de manger de la viande du point de vue moral: il est contraire aux conceptions élevées de tuer pour manger. Dans les temps anciens, l'homme chassait, sauvage et insensible comme toutes les bêtes de proie; maintenant il chasse chez le boucher, où il n'est incommodé par aucune des visions écoeurantes de l'abattoir. Si chacun de nous était obligé d'aller dans cet endroit sanglant, où toutes les horreurs décrites par Upton Sinclair se déroulent quotidiennement pour satisfaire une habitude qui cause plus de maladies et de souffrances que l'alcoolisme lui-même; si chacun était obligé de manier le couteau sanglant et de le plonger dans la chair palpitante de sa victime, combien mangeraient de la viande? Bien peu! Pour éviter de faire nous-mêmes, au besoin, ce travail rebutant, nous obligeons un de nos semblables à vivre tous les jours dans ce lieu sanglant et à tuer des milliers d'animaux chaque jour de la semaine; nous faisons de lui une telle brute que la loi ne lui permet pas de siéger dans un jury pour un procès capital, parce qu'il a cessé d'avoir aucun égard pour la vie. Quand il se mêle à une bagarre, ce qui est souvent le cas dans le quartier des halles de Chicago et d'autres villes d'abattoirs, il emploie toujours son couteau, et toujours inconsciemment en tranchant avec cette torsion particulière qui rend ses coups mortels.
Et n'allons pas dire qu'il n'est pas obligé de le faire. Quand la faim commande, un homme ne refuse aucun moyen de gagner sa vie; et nous, Société, qui réclamons cet aliment, nous forçons certains de nos semblables à nous le procurer, et sommes donc responsables de leur dégradation. Nous avons charge de nos frères à la fois individuellement et collectivement en tant que Société.
Les animaux que nous abattons crient aussi très haut contre cette tuerie; il y a un nuage de tristesse et de haine sur toutes les grandes cités à abattoirs. La loi protège chats et chiens contre la cruauté; tous noua aimons à voir les petits écureuils, dans les parcs des villes, venir manger dans nos mains.
Mais dès que la chair ou la fourrure d'un animal peut être un moyen de gagner de l'argent, l'homme cesse de prendre en considération son droit de vivre; il devient alors son plus dangereux ennemi, le nourrissant et l'élevant par amour du gain, imposant souffrances et peines à un de ses semblables par amour de l'argent. Nous avons une lourde dette à payer aux créatures inférieures dont nous devrions être les guides, et dont nous sommes les meurtriers. Et la bonne loi qui travaille sans cesse à corriger les méfaits, mettra sans doute un jour au rebut, comme une pratique surannée, l'habitude de manger des animaux tués, comme l'est aujourd'hui le cannibalisme.
Nous ne préconisons pas l'alimentation végétarienne pour tout le monde. Une longue habitude du régime carné, et certaines particularités du tempérament de beaucoup de personnes, font que la suppression de la viande ne leur convient pas; mais d'autres, comme l'auteur, n'éprouvent aucun mal à vivre et même à engraisser avec deux repas sans viande. Les oeufs, le poisson et d'autres formes inférieures sont nécessaires aux uns, d'autres peuvent vivre des mois et des années uniquement de fruits. L'alimentation, comme la santé, est déterminée individuellement, et aucune règle générale ne peut être établie; mais en tous cas, nous pouvons dire avec certitude que moins nous avons de viande, meilleure sera notre santé générale. Mais si nous voulons nous en passer entièrement, il est absolument essentiel d'étudier une table des valeurs alimentaires, pour que nous tirions les protéines nécessaires des végétaux que nous mangeons. Nul ne saurait trouver une nourriture suffisante s'il mange seulement les légumes fournis comme accessoires de la viande; il lui faut des haricots, des pois, des fruits oléagineux et autres aliments riches en protéines, pour remplacer la viande qu'il abandonne, ou il dépérira. Comme suggestion pour les travailleurs intellectuels, disons que les carottes contiennent environ quatre fois plus d'acide phosphorique qu'aucun autre aliment; leurs feuilles peuvent être mangées en salade, et elles ont trois fois plus d'acide phosphorique que les carottes elles-mêmes.
Plus dangereuse pour l'homme qu'aucun aliment, en tant qu'agent d'engorgement et de durcissement de l'organisme, est l'eau: quelque claire et pure qu'elle paraisse, la meilleure contient une quantité énorme de matières calcaires et de magnésie, et ni filtration ni ébullition ne les font disparaître. La quantité de minéraux contenue dans l'eau est facile à reconnaître par la manière dont elle s'incruste dans notre bouilloire à thé; c'est une erreur de croire que le dépôt provient de l'eau versée de la bouilloire pour faire le thé ou le café: ce dépôt est le résidu solide de l'eau évaporée, et l'eau qui reste est justement la plus dure. La seule chose qui nous permette de vivre au-delà de l'enfance est l'énorme pouvoir éliminateur des reins; sans eux nous serions vieux dès l'enfance. Et si nous voulons préserver notre santé et rester jeunes à un âge avancé, nous devons cesser de boire et d'utiliser en cuisine ce liquide porteur de mort, n'employant pour tous usages internes que l'eau distillée qui est absolument dépourvue des nuisibles composés calcaires.
Les seuls solvants de nature toujours bénéfique que connaisse l'auteur sont le babeurre et le jus de raisin, pris de préférence en mangeant le raisin, ou non fermenté. Un traitement systématique par le jus de raisin ou le babeurre rouvre les capillaires fermés et stimule le sang: c'est ainsi que même des personnes âgées, dont les chairs ont séché et se sont ratatinées, s'épanouiront à nouveau et reprendront l'aspect de la jeunesse, pourvu qu'elles ne soient pas d'une nature trop tourmentée et pessimiste, car rien ne prévaut conte un tel tempérament: celui-ci, la crainte, et l'ignorance dans le choix des aliments, sont en fait les causes de la plupart des maladies et les ennemis les plus opiniâtres du médecin.
Deux choses nous aident grandement à trouver la santé; elles nous rendent capables de tirer de tels bénéfices de notre nourriture, que tous les gens désireux d'acquérir ou conserver la santé devraient y recourir: ce sont la mastication complète et le plaisir en mangeant.
Ils feront plus pour le bien-être du corps que toutes les drogues ou tous les médecins du monde; et comme toutes les autres habitudes, ils peuvent être cultivés.
Les "Comptoirs de repas express" sont un des plus grands péchés de notre nation. Un homme court à la hâte de son bureau à la haute chaise inconfortable qu'on trouve dans ces endroits; en cinq minutes, il avale une quantité de mets, rentre en trombe à son bureau, et s'étonne alors de se sentir gêné et somnolent. Peut-être ensuite se sentira-t-il forcé de prendre des stimulants alcooliques pour "se remonter". Tout cela peut être évité en prenant le temps de manger confortablement.
La question n'est pas de savoir combien nous mangeons, mais combien nous assimilons. Quand nous avalons une grande quantité d'aliments presque entiers, nous y trouvons moins de nourriture que si nous prenons le temps nécessaire pour mâcher et pleinement goûter notre repas. N'en faisons pourtant pas un travail; mais considérons qu'en mangeant nous accueillons un ami dans notre maison, où nous faisons avec joie tout ce qui est en notre pouvoir pour son confort. Nos corps sont en fait comparables à de grands hôtels, dont nous sommes les propriétaires et où les cellules de nos aliments sont les hôtes. Ils vont et viennent, restant plus ou moins longtemps, et sont pour le propriétaire un profit ou une perte, selon que grâce à lui ils se sentent ou non chez eux.
Imaginez deux hôtels, dont l'un est dirigé avec le sens de la cordialité et de la complaisance, où le propriétaire accueille aimablement chaque hôte à la porte, et où un personnel idéal, heureux et avenant, cherche à aller au-devant du moindre voeu de ses clients. Bien entendu, tout ira à souhait dans cet hôtel; les clients s'y sentiront satisfaits et y resteront longtemps, peu enclins à quitter un hôte si aimable. De même, si nous accueillons notre nourriture avec joie, nous nous apercevrons qu'elle nous réussit mieux. Si nous la mâchons avec un réel plaisir, nous organisons son confort, comme le propriétaire de l'hôtel le fait pour son client en préparant un bain ou d'autres commodités.
Prendre plaisir à sa nourriture est une attitude mentale encore plus importante que la mastication. L'homme qui trouve à redire à son repas est comme un propriétaire d'hôtel qui accueillerait ses clients à la porte avec une figure renfrognée, et leur demanderait: "Que venez-vous faire ici? Je ne vous aime pas; je suit obligé de prendre des clients comme vous pour que mon hôtel continue à marcher, mais vous devez savoir que je n'aime pas cela". Quoi d'étonnant si des voyageurs, obligés d'entrer dans cet hôtel, se fâchent, protestent et tâchent de s'en aller aussi vite que possible; quoi d'étonnant à ce que l'homme qui blâme sa nourriture attrape une indigestion? Qui donc est responsable de son malheur, sinon lui-même? La critique et l'aversion écartent de nous ce qu'il y a de bon dans nos aliments, autant qu'ils éloignent de nous nos amis; apprécier nos aliments comme nos amis resserre au contraire nos liens avec les uns et les autres. La somme de travail, spirituel aussi bien que matériel, que nous pouvons faire dans le monde, dépend de la condition de notre corps: il est donc de la plus grande importance que nous cultivions notre santé, en prolongeant notre jeunesse jusqu'à la limite de notre séjour ici-bas, si possible En suivant les directives générales données ici, chacun éprouvera bientôt dans sa condition corporelle une amélioration qui donnera un plus grand et plus libre essor à ses facultés mentales.