MAX HEINDEL
Cycle de conférences du Christianisme
de la Rose-Croix
1908
Cinquième Conférence
LA MORT ET LA VIE AU PURGATOIRE
Parmi toutes les incertitudes qui sont la caractéristique de ce monde, il n'est qu'une seule certitude: la mort. A un moment ou un autre, après une vie courte ou longue, vient cette fin de la phase matérielle de notre existence, qui est une naissance dans un monde nouveau, puisque ce que nous appelons "naissance" est, selon le mot splendide de Wordsworth, un oubli du passé:
"La naissance n'est qu'un sommeil et qu'un oubli, Et l'âme qui se lève avec nous, cette étoile De notre vie, s'était couchée ailleurs qu'ici, Et revient de loin au-delà du voile; Mais ce n'est pas pourtant dans un total oubli, Dans une nudité qui touche à l'infini; Car c'est en poursuivant des nuages glorieux Que nous sommes venus de ce chez nous qu'est Dieu. Le ciel est tout autour de nous dans notre enfance; L'ombre d'une prison élève sa barrière Autour du petit garçon qui grandit. Mais il peut voir encore et sentir la lumière Dans sa joie, et voir d'où elle jaillit. L'adolescent qui doit chaque jour dès l'aurore Progresser plus avant, est cependant encore
Prêtre de la nature, et la vision splendide L'accompagne sur sa route limpide. Avec le temps enfin l'homme la voit mourir, Dans la clarté du jour, fondre et s'évanouir..."
Naissance et mort peuvent donc être considérées comme le transfert de l'activité de l'homme d'un monde à un autre, et c'est selon notre propre situation que nous appelons ce changement naissance ou mort. Si l'être humain entre dans le monde où nous vivons, nous disons naissance; s'il abandonne notre plan d'existence pour entrer dans un autre monde, nous disons mort. Mais le passage d'un monde dans un autre n'est rien de plus qu'un déménagement dans une autre ville ici-bas. Le défunt continue à vivre sans avoir changé; seuls son entourage et les conditions extérieures ont changé.
Le passage d'un monde dans un autre s'accompagne souvent d'une certaine inconscience analogue au sommeil, comme le dit aussi Wordsworth; c'est pourquoi notre conscience peut rester fixée sur le monde que nous avons quitté. Dans la première enfance, en vérité, le ciel nous entoure. Les enfants sont tous clairvoyants pendant plus ou moins longtemps après leur naissance; et, de la même manière, quiconque nous quitte par la mort voit encore le monde matériel pendant un certain temps. Si nous mourons dans la pleine vigueur physique de l'âge adulte, fortement attachés à notre famille, à nos amis ou à d'autres intérêts, le monde physique continue à attirer notre attention pendant beaucoup plus longtemps que si la mort survient dans nos "très vieux jours", un âge où les liens terrestres se sont rompus avant le changement que nous appelons la mort. Ceci relève du même principe qui fait adhérer le noyau à la chair d'un fruit vert, tandis qu'il se détache aisément et proprement du fruit mûr. C'est pourquoi il est plus facile de mourir à un âge avancé que dans la jeunesse.
L'inconscience qui accompagne généralement le transfert de l'esprit qui arrive par la naissance ou de celui qui s'en va par la mort, est due à notre incapacité de nous adapter à notre nouvelle condition.
Elle est analogue à la difficulté dont nous faisons l'expérience en passant d'une chambre obscure dans la rue, un jour de gai soleil ou inversement; dans ces conditions, il s'écoule quelque temps avant que nous puissions distinguer les objets autour de nous. Il en est de même pour les nouveau-nés et le nouveau-morts, les uns et les autres devant réadapter leur vue à leurs nouvelles conditions de vie.
Quand arrive le moment qui marque l'achèvement de la vie dans le monde physique, le corps dense n'a plus d'utilité, et l'Ego le quitte par la tête, prenant avec lui l'intellect et le corps du désir, comme il le fait chaque nuit pendant le sommeil. Mais maintenant le corps vital est inutile; il est donc également abandonné, et quand la "corde d'argent" qui unissait les véhicules supérieurs aux véhicules inférieurs se rompt, elle ne peut plus être réparée (Ecclésiaste 12:8).
Nous nous rappelons que le corps vital est composé d'éther, et superposé aux corps denses du végétal, de l'animal et de l'homme pendant la vie. L'éther est de la matière physique, et a donc du poids. La seule raison pour laquelle les hommes de science ne peuvent le peser est qu'ils sont incapables d'en réunir une certaine quantité pour la mettre sur une balance. Mais lorsqu'il quitte le corps dense à la mort, il se produit chaque fois une diminution de poids: ceci prouve que quelque chose de pondérable, quoique invisible, quitte le corps dense à ce moment.
En 1906, le Dr Mac Dougall, de Boston, pesa un certain nombre de mourants en plaçant leurs lits sur des balances, qu'il équilibra. On nota que le plateau portant les poids descendait brusquement au moment où fut rendu le dernier soupir. La nouvelle fut lancée à travers les Etats-Unis que l'âme avait été pesée, une prouesse qui ne saurait être menée à bien, car l'âme ne relève pas des lois physiques. Plus tard, le Prof. Twining, de Los Angeles, crut peser l'âme d'une souris; mais, en réalité, c'est le corps vital que les savants avaient pesé au moment où il quittait le corps dense à la mort.
Il faut dire un mot à propos du traitement infligé aux mourants, qui souffrent dans bien des cas une indicible agonie à cause de la tendresse ignorante de leurs proches. La douleur causée par l'administration de stimulants aux mourants est bien plus grande que toute autre. Il n'est pas pénible de quitter le corps, mais les stimulants ont pour effet de rejeter brusquement dans son corps l'Ego qui part et de lui faire éprouver à nouveau les souffrances auxquelles il était en train d'échapper. De l'autre côté, des désincarnés s'en sont souvent plaints à des chercheurs, et l'une de ces victimes disait n'avoir pas souffert dans toute sa vie autant que pendant les quelques heures où on l'empêchait de mourir. La seule attitude raisonnable est de laisser la nature suivre son cours lorsque la fin paraît inévitable.
Un autre péché, encore plus préjudiciable, contre l'esprit qui s'en va, consiste à pleurer bruyamment et à se lamenter dans la chambre mortuaire ou à proximité. Immédiatement après sa délivrance, et pendant un temps qui varie de quelques heures à quelques jours, l'Ego est occupé par un travail de la plus grande importance; une grande partie de la valeur de la vie passée dépend de l'attention qu'y apporte l'esprit qui part. S'il est distrait par les lamentations et les sanglots d'êtres chers, il subira une perte comme nous le verrons; mais s'il est fortifié par la prière et aidé par le silence, beaucoup de peines futures pourront être évitées à tous les intéressés. Jamais nous ne sommes davantage le "gardien de notre frère" qu'au moment où il passe par ce Gethsémané, et c'est là une de nos plus grandes occasions de lui rendre service et d'amasser pour nous-mêmes des trésors dans le ciel (Matthieu 6:20).
Nous avons étudié le phénomène de la naissance, et nous avons développé une Science de la Naissance. Nous avons des obstétriciens qualifiés et des infirmières très capables pour aider à la fois la mère et l'enfant; mais nous avons, hélas, le plus grand besoin d'une Science de la Mort. Quand un enfant vient au monde, nous nous empressons avec patience et intelligence; quand un ami de toute la vie est sur le point de nous quitter, nous restons là impuissants, ignorants de la manière de l'aider ou, pis que tout, nous le faisons souffrir par nos maladresses au lieu de lui venir en aide.
La science physique sait que, quelle que soit la nature de la force qui anime le coeur, elle ne vient pas de l'extérieur, mais réside à l'intérieur du coeur. Quant à l'occultiste, il voit une cavité dans le ventricule gauche, près de la pointe, où un petit atome nage dans un océan de l'éther le plus subtil. La force contenue dans cet atome, comme les forces de tous les autres atomes est la vie indifférenciée en Dieu; sans cette force, le minéral ne pourrait donner à la matière la forme de cristaux; quant aux règnes végétal, animal et humain, ils seraient incapables de former leurs corps. Plus nous allons au fond des choses, plus devient claire pour nous cette vérité fondamentale qu'en Dieu nous avons la vie, le mouvement et l'être (Actes 17/28).
Cet atome s'appelle "l'atome-germe". La force qu'il contient anime le coeur et maintient la vie dans l'organisme. Tous les autres atomes du corps entier doivent vibrer en harmonie avec cet atome. Les forces de l'atome-germe ont été intégrées à tous les corps denses possédés autrefois par l'Ego particulier auquel il est attaché; et sur sa matière plastique sont gravées toutes les expériences de cet Ego au cours de toutes ses existences. Quand nous retournerons à Dieu, quand nous serons tous devenus une fois encore "Un en Dieu", ces archives qui sont particulièrement le "livre" de Dieu (Apocalypse 20/12), subsisteront toujours, et c'est par elles que nous conserverons notre individualité. Nous transformons nos expériences, comme nous le décrirons, en facultés; le mal est transmué en bien, et ce bien est conservé comme pouvoir de faire un bien plus élevé, mais les archives enregistrées de nos expériences appartiennent à Dieu et sont en Dieu, dans le sens le plus intime.
La "Corde d'argent" qui unit les véhicules supérieurs et inférieurs se termine par l'atome-germe dans le coeur.
Quand la vie matérielle vient à sa fin d'une manière naturelle, les forces de l'atome-germe se dégagent en passant le long du nerf pneumogastrique, puis par derrière la tête et le long de la corde d'argent, en même temps que les véhicules supérieurs. C'est cette rupture dans le coeur qui marque la mort physique; mais la connexion de la corde d'argent n'est pas rompue tout de suite et, dans certains cas, pas avant plusieurs jours.
Le corps vital est le véhicule de la perception sensorielle. Comme il reste avec le corps du désir et que la corde éthérique les relie au corps dense abandonné, il est évident que jusqu'à la rupture de cette corde, il doit rester une certaine quantité de sensation éprouvée par l'Ego lorsque le corps dense est malmené. Il se produit donc une certaine douleur lorsque le sang est extrait et le liquide d'embaumement injecté, lorsque le corps est ouvert pour une autopsie ou lorsque le corps est incinéré trop tôt.
L'auteur a eu connaissance d'un cas où un chirurgien avait amputé trois orteils sous anesthésie à un patient. Il jeta les orteils coupés dans un feu vif, mais aussitôt l'opéré s'est mis à crier, car la rapide désintégration des orteils matériels produisait une désintégration aussi rapide des orteils éthériques reliés aux véhicules supérieurs. C'est de cette manière que toutes les atteintes affectent l'esprit désincarné pendant un temps qui va de quelques heures à trois jours et demi après la mort. A ce moment, toute connexion est coupée, et le corps commence à se décomposer.
C'est pourquoi il faut prendre grand soin de ne pas faire souffrir, par de tels procédés, l'esprit qui s'en va. Si les lois ou d'autres circonstances empêchent de garder le corps au calme pendant quelques jours dans la chambre où la mort s'est produite, du moins peut-on le mettre dans une chambre froide pendant ce laps de temps et ensuite le traiter de la manière désirée. Le calme et la prière sont à ce moment d'un grand secours; et si nous aimons avec sagesse l'esprit qui s'en va, nous pourrons gagner sa gratitude éternelle en suivant les instructions ci-dessus.
Dans la troisième conférence, nous avons dit que le corps vital est le dépôt de la mémoire à la fois consciente et sub-consciente; sur le corps vital sont gravés de façon indélébile tous les actes et toutes les expériences de la vie passée, comme un paysage sur un film photographique. Lorsque l'Ego a extrait ce corps vital du corps dense, la vie tout entière, telle qu'elle a été enregistrée par la mémoire sub-consciente, s'étale devant les yeux de l'esprit. C'est le relâchement partiel des liens du corps vital qui fait voir à un noyé toute sa vie passée, mais ce n'est alors qu'un éclair précédant l'inconscience; dans ce cas la corde d'argent reste intacte, sans quoi il ne pourrait y avoir de rappel à la vie. Dans le cas d'un esprit qui s'en va au moment de la mort, le mouvement est plus lent; le sujet voit en spectateur se succéder les images, l'une après l'autre, dans l'ordre qui va de la mort à la naissance; il voit d'abord les évènements qui ont immédiatement précédé la mort; puis se déroulent les années de l'âge adulte; suivent la jeunesse, l'enfance et le premier âge, jusqu'à la naissance. Le sujet, cependant, n'éprouve à ce moment aucun sentiment devant ces images; le but est simplement de graver le panorama sur le corps du désir, qui est le siège des sentiments; et c'est grâce à cette impression que le sentiment deviendra réalité lorsque l'Ego entrera dans le monde du désir. Mais nous devons noter ici que l'intensité du sentiment ressenti dépend de la longueur du temps consacré à ce processus d'impression, et de l'attention qui y est accordée par le décédé. Si pendant une longue période il n'a été troublé ni par le bruit ni par des lamentation bruyantes, c'est une impression profonde et claire qui sera faite sur le corps du désir. Il sentira au Purgatoire de façon aiguë le mal qu'il a commis, et sera au Ciel plus largement fortifié dans ses qualités. Et, bien que le souvenir de l'expérience soit perdu dans une vie future, les sentiments resteront, comme le "murmure doux et léger". (I Rois 18:12)
Lorsque les sentiments auront été profondément marqués sur le corps du désir d'un Ego, cette voix de la conscience parlera en termes qui ne seront ni vagues, ni incertains. Elle le poussera envers et contre tout, le forçant à renoncer à ce qui l'a fait souffrir dans ses vies antérieures, et l'obligera à se soumettre à ce qui est bon. C'est pourquoi le panorama se déroule à rebours, pour que l'Ego voie d'abord les effets, puis les causes qui les ont produits.
Qu'est-ce qui détermine la longueur du panorama? Souvenons-nous que c'est l'affaissement du corps vital qui force les véhicules supérieurs à se retirer pendant le sommeil; de même, après la mort, au moment où s'affaisse le corps vital, l'Ego est contraint de se retirer, et le panorama vient alors à sa fin. La durée du déroulement du panorama dépend donc du temps pendant lequel, le sujet, au cours de sa vie, aurait pu rester éveillé en cas de besoin; certaines personnes ne peuvent rester éveillées que quelques heures, d'autres peuvent tenir plusieurs jours, selon la force de leur corps vital.
Quand l'Ego a quitté le corps vital, ce dernier revient vers le corps dense, et plane au-dessus de la tombe, se détruisant en même temps que le corps dense; aussi est-ce un spectacle répugnant pour le clairvoyant que de passer dans un cimetière et d'y voir tous ces corps vitaux dont l'état de destruction indique clairement l'état de décomposition des restes dans les tombes. Si les clairvoyants étaient plus nombreux, l'incinération serait bien vite adoptée comme une mesure de protection envers nos sentiments, sinon pour des raisons sanitaires.
Quand l'Ego s'est libéré du corps vital, son dernier lien avec le monde physique est rompu, et il entre dans le monde du désir. La forme ovoïde du corps du désir se modifie alors, et il prend la forme du corps dense abandonné. Il existe cependant une disposition particulière des éléments dont il est formé, laquelle revêt une haute signification quant au genre de vie que le décédé va mener dans ce monde.
Le corps du désir de l'homme est composé de substances des sept régions du monde du désir, de même qu'un corps physique est construit de solides, liquides et gaz de ce monde. Mais la quantité de matière de chaque région dans le corps du désir de l'homme dépend de la nature des désirs qu'il nourrit. Les désirs grossiers sont composés de la matière émotionnelle la plus grossière, qui appartient à la région la plus basse du monde du désir; une personne qui possède de tels désirs construit un corps du désir grossier, où prédomine la matière des régions les plus basses. Si une autre personne rejette avec persistance loin d'elle les désirs grossiers, n'obéissant qu'aux désirs purs et bons, son corps du désir sera formé de matériaux des régions les plus élevées.
Actuellement, nul n'est totalement bon; nous sommes tous des mélanges de ces deux types de substance; mais il peut y avoir, et il y a en fait, des différences dans leurs proportions. Dans le corps du désir de quelques-uns il y a une prépondérance de la matière grossière, dans d'autres, prépondérance de la matière fine; et cela fait toute la différence dans le milieu et la situation du décédé à son entrée dans le monde du désir après la mort.
En effet, la matière du corps du désir, au moment où elle prend la forme du corps dense abandonné, prend en même temps la disposition suivante: la matière la plus subtile (qui appartient aux régions supérieures du monde du désir) forme le centre du véhicule, alors que la matière des trois régions les plus denses se place à l'extérieur. Quand la vie terrestre de l'Ego est finie, il développe une force centrifuge pour se libérer de ses véhicules, suivant en cela la même loi qui fait rejeter dans l'espace, par une planète, la partie d'elle-même la plus dense et cristallisée. L'Ego se débarrasse donc d'abord de son corps dense, puis lorsqu'il entre dans le monde du désir, cette force centrifuge agit également pour rejeter vers l'extérieur la partie la plus grossière du corps du désir: le décédé est ainsi forcé de rester dans les régions inférieures jusqu'à ce qu'il soit purifié des désirs grossiers qui étaient incorporés dans la matière émotionnelle la plus dense.
Cette matière émotionnelle la plus grossière est donc toujours dans la partie extérieure du corps du désir pendant qu'il traverse le Purgatoire, et elle est graduellement éliminée par la force centrifuge, ou force de répulsion, qui l'expurge. Cette force arrache le mal du décédé et lui permet alors de monter dans la partie supérieure du monde du désir (Premier Ciel), où la force d'attraction règne seule et incorpore à l'Ego le bien de la vie passée sous forme de pouvoir de l'âme. La partie rejetée du corps du désir est abandonnée comme une "coque" vide.
Lorsque l'Ego a quitté son corps dense, celui-ci meurt rapidement. La matière physique devient inerte dès l'instant où elle est privée de l'énergie qui l'anime et lui donne la vie; elle se dissout en tant que forme. Il n'en est pas de même pour la matière du monde du désir; une fois que la vie lui a été communiquée, cette énergie y subsiste pendant un temps considérable après que l'influx vital a cessé, temps qui varie selon la puissance de l'impulsion donnée. Il en résulte qu'après l'abandon de l'Ego, ces "coques" subsistent pour un temps plus ou moins long. Elle vivent d'une vie indépendante; et, si l'Ego auquel elles appartenaient était très adonné aux désirs terrestres, peut-être arraché au printemps de la vie, plein d'ambitions puissantes et insatisfaites, cette coque sans âme fera souvent les efforts les plus désespérés pour revenir dans le monde physique: beaucoup de phénomènes des séances spirites sont dus à l'action de ces coques. Le fait que les communications reçues de ces soi-disant "esprits" sont complètement dénuées de sens est facile à expliquer, si nous savons que ce n'est pas un esprit, mais seulement une partie du vêtement d'un esprit démunie d'âme, et donc sans intelligence. Ils ont des souvenirs de la vie passée, dus au panorama qui a été imprimé après la mort, souvenirs qui leur permettent souvent d'en imposer aux parents en citant des faits inconnus d'autres personnes: il n'en reste pas moins qu'ils ne sont que le vêtement de l'Ego, rejeté par lui et doué momentanément d'une vie indépendante.
Ce n'est pas toujours, cependant, que ces coques restent sans âme, car il y a dans le monde du désir différentes classes d'êtres, dont l'évolution appartient naturellement à ce monde. Ils sont bons et mauvais, comme le sont les êtres humains. On les classe tous généralement sous le même titre d' "élémentals", quoiqu'ils diffèrent énormément comme aspect, intelligence et caractéristiques. Nous ne nous occuperons d'eux que dans la mesure où leur influence touche à l'état de l'homme après sa mort.
Il arrive parfois, spécialement lorsqu'une personne a eu l'habitude d'invoquer les esprits, que ces élémentals prennent possession de son corps dense dans la vie terrestre et fassent d'elle un médium irresponsable. Généralement ils la séduisent d'abord par des enseignements qui paraissent élevés, mais l'amènent ensuite par degrés à une immoralité totale; enfin, pis que tout, ils peuvent prendre possession de son corps du désir après que l'Ego l'a quitté pour monter au ciel. Comme les impulsions contenues dans le corps du désir sont la base de la vie au ciel, et qu'elles sont aussi la sources de ce qui détermine l'Ego à se réincarner pour une croissance nouvelle, il s'agit là d'un fait très grave; car l'évolution tout entière d'une personne peut en être arrêtée pour longtemps, jusqu'à ce que l'élémental libère son corps du désir.
Ces élémentals sont les auteurs de nombreux phénomènes spirites, où est déployée une intelligence supérieure à celle que l'on peut attendre de l'action des coques sans âmes, particulièrement en ce qui concerne les matérialisations. Bien que les coques puissent y prendre part, ces phénomènes sont toujours dirigés par un être doué d'intelligence. La différence entre un médium à matérialisation et une personne ordinaire est que le lien entre le corps dense et le corps vital est plus relâché chez le médium, de telle façon qu'une partie du corps vital de ce dernier peut être extraite, et qu'aussi certains gaz et liquides du corps dense du médium peuvent être utilisés pour former les corps des apparitions. Cette extraction et le processus du revêtement des coques sont généralement accomplis par l'élémental, qui extrait le corps vital du médium par la rate.
En conséquence, le corps du médium s'en trouve affreusement réduit. Lorsque le corps dense est ainsi privé de son principe vital, il est terriblement épuisé, et malheureusement le médium cherche souvent à regagner son équilibre par des boissons fortes, et devient un ivrogne invétéré.
Dans la dernière conférence, nous avons montré combien il est dangereux de permettre à un hypnotiseur de dominer notre volonté et de nous priver de notre liberté; mais dans ce cas la victime peut du moins voir et juger l'hypnotiseur qui la domine. Dans le cas du médium, le danger est multiplié par mille, parce que l'influence dominatrice ne peut être vue. La mort de l'hypnotiseur libère ses victimes, alors que le danger le plus grave pour le médium se révèle après la mort. Il faut donc considérer comme dangereux tout état négatif dans lequel le corps entier ou même seulement la main d'une personne sont utilisés automatiquement, en dehors de sa volonté propre.
On ne peut nier que quelquefois parviennent des communications authentiques émanant d'un esprit disparu, ou que des cas de communications bienfaisantes se produisent venant de certains être, en dehors de notre volonté; mais notre but est de mettre en évidence les dangers possibles pour ceux qui se mêlent de ce qu'ils ne connaissent pas. Les philanthropes ne se rencontrent pas plus dans le monde du désir que dans le nôtre. En vérité, ce ne sont point des êtres sages et bons, ou des anges, que ceux qui s'amusent à enfoncer le chapeau de quelqu'un jusqu'au oreilles, à lui verser de l'eau dans le cou, ou à faire les autres plaisanteries offertes dans les séances spirites ordinaires; ce sont évidemment, soit les coques sans âmes de vauriens, soit des élémentals en veine de plaisanteries.
Quand un homme s'éveille dans le monde du désir, il est, à une exception près, le même homme à tous égards qu'avant sa mort.
Il serait reconnu de ses amis de la même manière que dans le monde physique. Il n'y a pas dans la mort de pouvoir de transformation; le caractère d'un homme n'a pas changé, le méchant et l'ivrogne le sont toujours, l'avare est toujours avare, le voleur est plus malhonnête que jamais; il n'y a en eux qu'un seul grand et important changement: ils ont tous perdu leur corps dense, mais c'est là ce qui fait toute la différence quant à la satisfaction de leurs divers désirs. L'ivrogne ne peut pas boire; il n'a pas d'estomac, et bien qu'il puisse, et le fasse souvent au début, pénétrer dans les barils de whisky, il n'y trouve nulle satisfaction, car le whisky dans un baril ne donne pas de vapeurs comme il le fait pendant sa combustion chimique dans le tube digestif. L'ivrogne essaie alors de pénétrer dans le corps dense d'ivrognes qui sont sur la terre. Il y parvient aisément, car le corps du désir est ainsi constitué qu'il n'éprouve aucun inconvénient à occuper le même espace qu'une autre personne. Les "morts", au début, sont parfois ennuyés lorsque leurs amis s'assoient sur une chaise qu'ils occupent; mais bientôt ils apprennent qu'il n'est pas nécessaire qu'ils se hâtent de quitter leur siège, parce qu'un ami encore vivant sur la terre s'approche pour s'y asseoir. Le corps du désir ne souffre pas du fait qu'on "s'assoit sur lui"; les deux personnes peuvent occuper la même chaise sans inconvénient pour les mouvements de l'une, ou de l'autre. L'ivrogne entre donc dans le corps de ceux qui sont en train de boire; mais même là il ne trouve aucune satisfaction réelle; et il souffre le supplice de Tantale, jusqu'à ce qu'enfin le désir disparaisse, consumé de lui-même, par manque de satisfaction, comme le sont tous les désirs, même dans la vie physique.
C'est cela le "Purgatoire"; nous voyons que ce n'est pas une divinité vengeresse qui mesure la souffrance, ou un diable qui exécute le jugement; ce sont seulement les mauvais désirs cultivés pendant la vie terrestre qui, ne pouvant être satisfaits dans le monde du désir, déterminent la souffrance, jusqu'à ce qu'un jour ils se consument d'eux-mêmes. Ainsi la souffrance est strictement proportionnée à la force de l'habitude mauvaise.
Prenez le cas de l'avare; il aime l'or aussi chèrement après la mort qu'avant, mais ne peut plus en amasser; il n'a plus de main physique pour saisir, et, ce qui est pire, ne peut même pas protéger ce qu'il possédait. Il peut s'asseoir devant son coffre pour veiller sur lui, mais les héritiers peuvent venir et passer leurs mains à travers lui pour emporter son or chéri, en se moquant peut-être du "vieil avare", pendant qu'il se convulse de rage et de vexation. Il souffre terriblement parce qu'il est incapable de les tenir en échec. A la longue, cependant, il apprend à se contenir; il est automatiquement purgé de son avarice, comme l'ivrogne de son ivrognerie, par la loi de cause à effet, qui extirpe les fautes de chacun d'une manière impersonnelle. Il n'y a en vérité aucune punition; toute souffrance est entièrement due à nos habitudes acquises et est strictement proportionnée à elles. Avec bienveillance, la loi nous débarrasse de nos fautes; grâce à cette purification, nous naissons innocents et pouvons plus aisément, lorsque nous sommes tentés de nouveau, cultiver la vertu en écoutant la voix qui nous avertit. Tout acte mauvais est donc un acte de libre volonté.
Tandis que nos habitudes mauvaises sont traitées de cette manière, nos actes spécifiquement mauvais de la vie passée sont traités avec le même automatisme, au moyen du panorama de la vie qui a été imprimé sur le corps du désir. Ce panorama commence à se dérouler, à rebours de la mort à la naissance, au moment de notre entrée dans le monde du désir. Il se déroule en arrière à l'allure d'environ trois fois la vitesse de la vie physique, de telle sorte qu'une personne âgée de soixante ans au moment de sa mort revivra sa vie passée tout entière dans le monde du désir en une vingtaine d'années.
Nous nous rappelons qu'en regardant ce panorama juste après la mort, le décédé n'avait à son sujet aucun sentiment; il était là simplement en spectateur, regardant les images pendant qu'elles se déroulaient. Il n'est est plus de même lorsqu'elles apparaissent dans sa conscience au Purgatoire.
Là, le bien ne produit aucune impression. Mais tout le mal réagit sur le décédé de telle manière que, dans les scènes où il a fait souffrir un autre, il éprouve lui-même ce qu'a ressenti sa victime. Il souffre toute la peine et l'angoisse que sa victime a éprouvées dans sa vie; et, comme la vitesse de la vie est triplée, la souffrance l'est aussi. Elle est même encore plus aiguë, car le corps dense a des vibrations si lentes qu'il émousse même la douleur; mais dans le monde du désir, où nous sommes sans véhicule physique, la souffrance est plus aiguë. Et plus l'impression panoramique de la vie passée a été profondément gravée dans le corps du désir au moment de la mort, plus le décédé souffre et plus il sentira clairement dans les vies ultérieures que la transgression doit être évitée.
Cette souffrance peut avoir un caractère particulièrement désagréable. Si pendant sa vie un homme a lésé deux personnes en même temps, et que l'une vive à New York et l'autre en Californie au moment où leur spoliateur ressent au purgatoire les souffrances qu'il leur a causées, il se sent lui-même comme s'il était présent auprès de chacune d'elles en même temps, comme si une partie de lui-même se trouvait à New York et l'autre en Californie. Cela donne une étrange et indescriptible sensation d'être mis en pièces.
Il y a deux catégories de personnes pour lesquelles le processus du purgatoire ne commence pas d'emblée, à savoir les suicidés et les victimes d'un meurtre. Dans le cas des suicidés, il ne commence pas avant le moment où le corps serait mort du fait du cours normal des évènements; mais jusqu'à ce moment ils souffrent en raison de leur acte d'une manière qui est aussi terrible qu'étrange. Le suicidé éprouve une sensation d'être creux, ou d'habiter un vide douloureux, ce qui est dû à l'activité persistante de l'archétype de sa forme dans la région de la Pensée concrète.
Dans le cas de personnes, jeunes ou vieilles, qui meurent naturellement ou par accident, l'activité archétypale cesse, Les véhicules supérieurs subissent à la mort une modification telle que la perte du corps dense par elle-même ne donne aucune sensation pénible. Mais le suicidé ne subit pas cette modification avant que l'archétype de son corps cesse de travailler, au moment où la mort serait normalement survenue. L'espace où devrait se trouver son corps dense est vide, parce que l'archétype est creux, et cela le fait souffrir d'une manière indescriptible. Il apprend ainsi qu'il n'est pas possible de manquer la classe à l'école de la vie sans provoquer des conséquences pénibles; et dans les vies ultérieures, quand le chemin lui paraîtra rude, il se souviendra en son âme que la lâche tentative de s'évader par le suicide n'apporte qu'une souffrance encore plus vive.
Certaines personnes se suicident, non pour des raisons égoïstes, mais pour délivrer les autres d'un fardeau; certes elles ont leur récompense d'une autre manière, mais elles n'échappent pas à la souffrance des suicidés, pas plus que l'homme qui entre dans une maison en feu pour y sauver quelque'un ne saurait être immunisé contre les brûlures.
La victime d'un meurtre échappe à la souffrance parce qu'elle est généralement dans un état comateux jusqu'au moment où se serait produite la mort naturelle; on prend soin d'elle à ce point de vue, comme des victimes de ce qu'on appelle les accidents, mais ces dernières sont toujours conscientes, soit aussitôt, soit peut de temps après la mort. Si le meurtrier est exécuté entre l'époque du meurtre et le moment où la victime devait mourir naturellement, le corps du désir comateux de cette dernière vient flotter auprès de son assassin par attraction magnétique, le suivant partout où il va sans un moment de répit. L'image du meurtre est toujours devant lui, lui faisant éprouver la souffrance et l'angoisse qui doit inévitablement accompagner l'incessante reconstitution de son crime dans tous ses horribles détails. Ceci continue pendant un temps qui correspond à la période de vie dont il a privé sa victime.
Si le meurtrier a échappé à l'exécution et que sa victime ait quitté le Purgatoire avant qu'il ne meure, la "coque" de sa victime demeure pour jouer le rôle de Némésis, déesse du châtiment, dans le drame de la reconstitution du crime.
C'est ainsi que l'Ego se purifie du mal de toute nature; grâce a l'action impersonnelle de la loi de cause à effet, il est prêt à entrer au ciel pour y être fortifié dans le bien, comme il vient d'être découragé de mal faire.