HEINDEL La clairvoyance et les mondes spirituels




MAX HEINDEL

Cycle de conférences du Christianisme 
de la Rose-Croix

1908


Troisième Conférence 

LA CLAIRVOYANCE ET LES MONDES SPIRITUELS 


Dans la première conférence, nous avons vu que la seule théorie sur la vie qui supporte l'examen critique de la raison est la théorie d'après laquelle l'Ego humain est immortel; que la vie terrestre est une école, et que l'Ego soumis aux lois jumelles de la nature: lois de cause à effet et de renaissance, retourne à cette école vie après vie pour y apprendre ses leçons et progresser ainsi régulièrement vers le but de la Perfection. 

La solution ci-dessus, de l'énigme de la vie, suscite naturellement cette question: "Si ceux que nous appelons les morts sont réellement vivants, pourquoi ne les voyons-nous pas, et où sont-ils?". A cette question nous avons répondu dans la seconde conférence; nous y avons montré par induction, par déduction et par des témoignages directs incontestables qu'il existe autour de nous un monde invisible habité par les soi-disant morts, qui vivent là en pleine possession de toutes leurs facultés; et que la seule raison qui nous empêche de les percevoir habituellement est que nous manquons du sens nécessaire. Les aveugles ne peuvent observer ni la lumière, ni les couleurs, parce qu'ils ne possèdent pas la vue physique. 

Nous sommes aveugles aux mondes spirituels parce que nous n'avons pas la vision spirituelle. Tous, nous possédons ce "sixième sens" à l'état latent, et il peut être éveillé chez tous, sans exception, par des méthodes appropriées (voir onzième conférence). 

Aujourd'hui, nous étudierons les Mondes intérieurs; et il ne paraît pas inutile de donner une idée générale de la manière dont le clairvoyant apprend à connaître les Mondes invisibles, et de montrer l'étendue et les limites de la clairvoyance. 

"Clairvoyant" est le nom que l'on donne à des personnes qui voient des objets invisibles à l'humanité ordinaire. Ce nom signifie seulement "qui voit clair"; et, contrairement à l'idée généralement acceptée, il y a différentes sortes de clairvoyants. Certains sont comme un prisonnier derrière une fenêtre munie de barreaux, qui peut voir tout ce qui occupe le champ limité de sa vision: l'étendue de celle-ci variera selon que le hasard place sa fenêtre en face d'une étroite cour de prison ou en face d'une large étendue de pays. Si de plus sa vue est arrêtée par un volet qu'il ne peut manoeuvrer, qui s'ouvre et se ferme indépendamment de sa volonté, il nous est facile de comprendre que ses observations sont de peu de valeur pour lui-même et pour les autres. Certains clairvoyants sont comme ce prisonnier: quand le volet est ouvert, ils voient tout ce qui se déroule dans la partie du monde intérieur qui leur est visible en un temps et un lieu donnés; ils ne peuvent s'empêcher de le voir, que la vision leur plaise ou non, ils doivent la supporter jusqu'à ce qu'elle disparaisse d'elle-même. Ces personnes sont appelées des clairvoyants négatifs, ou involontaires. 

D'autres, bien que limités dans l'étendue de leur vision, peuvent commander le volet, qu'ils ouvrent et ferment à volonté, voyant tout ce qui vient à leur portée. Ils sont aussi négatifs, mais il sont capables de voir quand ils le veulent, et on les appelle clairvoyants volontaires. 

D'autres encore ont une faculté qui peut être comparée à l'état d'un prisonnier dont la prison est une maison de verre, située sur une colline et munie de télescopes de la plus grande puissance, abritée par des persiennes construites de manière à s'ouvrir dès qu'il les regarde et à se fermer dès qu'il s'en détourne; il aurait ainsi une maîtrise parfaite de sa vision et serait capable de voir ou non, et de tourner son regard vers tout sujet qu'il désirerait étudier: il serait ainsi un clairvoyant exercé. 

Il est enfin un degré plus élevé où les portes de la prison sont ouvertes, et où l'homme est capable de quitter son corps dense à volonté, de se rendre dans les mondes invisibles et d'étudier de tout près les choses qu'il désire connaître. Quitter à volonté le corps dense est évidemment la méthode idéale, car alors l'homme n'est pas seulement un clairvoyant: il est un citoyen de deux ou plusieurs mondes. Ce degré n'est pas habituellement atteint par un simple chercheur, mais par des hommes qui ont fait le voeu de consacrer leurs vies au service de l'humanité. Ils sont dès lors appelés "Aides Invisibles", et travaillent sous la direction des grands Guides de l'humanité, nos Frères Aînés. 

Alors que beaucoup de personnes commettent l'erreur d'être incrédules au sujet de l'existence des mondes hyperphysiques, d'autres par contre vont à l'autre extrême: lorsqu'ils sont convaincus de l'existence du monde invisible, ils pensent que lorsqu'on peut "voir" par clairvoyance, toute vérité est accessible à cette vision et qu'on peut d'emblée "tout connaître" des mondes supérieurs. 

C'est là une grave erreur: la fausseté de cette idée est facile à comprendre par comparaison. Nous ne considérons pas qu'un homme né aveugle et rendu capable de voir va, de ce fait, aussitôt "tout connaître" du monde physique; bien plus, nous savons que, parmi nous, ceux mêmes qui ont eu leur vue pendant toute leur vie sont loin d'avoir une connaissance universelle de ce qui nous entoure. 

La logique et l'analogie sont violées si nous appliquons une telle supposition aux mondes intérieurs. En fait, aucun clairvoyant, si parfait soit-il, n'a la connaissance de tout ces mondes, mais connaît seulement ce qu'il y a étudié. Un aveugle qui a obtenu la vue doit apprendre à se servir de ses yeux pour évaluer les distances, par exemple; c'est aussi le cas de l'enfant. De même, le clairvoyant doit s'entraîner avant que sa faculté de voyance devienne de quelque valeur. Invariablement, plus les gens sont versés dans cet art, plus ils deviennent modestes dans leurs affirmations, et déférents pour les versions d'autrui: ils savent en effet combien l'inconnu est grand, se rendent compte que c'est une infime partie des multiples aspects d'un sujet qui peut être découverte par le chercheur isolé. 

Par ailleurs, dans le monde physique, les formes sont stables et ne changent pas facilement, alors que dans les mondes intérieurs tout est animé du mouvement le plus intense: les formes changent avec facilité et d'une manière qui n'est que faiblement esquissée dans nos contes de fées. Il n'est point surprenant que des clairvoyants, involontaires, ou non exercés, mélangent souvent beaucoup de choses, mais il est étonnant qu'ils puissent parfois voir quelque chose d'exact. La formation du néophyte consiste à lui apprendre comment regarder au-delà de la forme, évanescente et illusoire, vers la vie, qui est la même quelle que soit la "forme" qu'elle puisse prendre. Car c'est seulement lorsque la "vie" peut être perçue que nous sommes à l'abri de l'illusion visuelle des formes. 

Avant de procéder à l'étude des mondes invisibles, nous devons nous familiariser avec la conception rosicrucienne du monde physique, car elle diffère quelque peu des données généralement admises. 

LA RÉGION CHIMIQUE DU MONDE PHYSIQUE

Dans la vie courante, nous faisons une distinction entre les solides, les liquides et les gaz. Tous sont groupés par la science en un certain nombre d'éléments inorganiques, comme l'hydrogène, l'azote, l'oxygène et le carbone. De ces éléments sont construites toutes les Formes. 

Nous distinguons aussi quatre règnes: minéral, végétal, animal et humain; mais cette distinction s'applique à quatre vague d'esprits évoluants selon des degrés variés de développement; elles se manifestent en tant que Vie, qui façonne les éléments chimiques en la multitude de Formes que nous voyons autour de nous. 

Cette quadruple vague de vie est plus ou moins solidement rattachée aux formes qu'elle a construites, selon le degré de développement atteint par les différentes vagues d'esprits. 

Les esprits qui composent la vague de vie minérale sont si faibles, et de ce fait si étroitement liés à la matière façonnée par eux en cristaux inorganiques, qu'ils semblent en être inséparables. Cette vague de vie est connue comme force chimique. 

Les esprits de la vague de vie végétale assimilent les éléments chimiques cristallisés et transforment les cristaux en cristalloïdes en construisant leurs propres corps déjà plus complexes. 

Ces formes végétales, absorbées à leur tour par les vagues de vie animale et humaine, sont groupées en cellules et organes dont l'ensemble compose les véhicules plus compliqués des deux règnes les plus élevés. 

Alors que les trois vagues de vie les plus évoluées travaillent avec la matière chimique, la vie minérale enfouie en elle devient inerte ou, en un certain sens, elle meurt. Inversement, au moment où la vie végétale, la vie animale ou la vie humaine vient de quitter une forme, que nous disons "morte", la vie minérale naturelle de la matière chimique se trouve une fois de plus libre de s'affirmer: elle se manifeste alors dans les forces chimiques qui détruiront la forme et la résoudront en ses constituants originels. 

Quelques savants attribuent une sensibilité aux minéraux, aux plantes "mortes" et aux tissus animaux "morts". 

Les observations de la science sont exactes, mais c'est une sérieuse erreur d'appeler "sensibilité" ce qui est simplement une réaction aux chocs, réaction due à la vie minérale qui anime toute forme lorsque celle-ci n'est pas propre à être utilisée par l'une des vagues de vie plus élevées. La vague de vie minérale incorporée dans le tissu qu'emploient les expérimentateurs scientifiques, enregistre simplement une impression; elle est incapable de sensibilité vraie, comme le plaisir ou la douleur, qualités de l'âme qui supposent nécessairement une conscience "intérieure" capable de "travailler sur" les impressions qu'elle a subies. Ceci est pour le moment au-delà des possibilités de la vie minérale; aussi toutes les formes en tant que vie minérale sont-elles aussi dénuées de sensibilité que les éléments chimiques dont elles sont composées. La science reconnaît ce fait lorsqu'elle affirme qu'il n'y a pas de sensation dans un doigt blessé, mais elle relègue contradictoirement la sensation de douleur dans le cerveau. La science occulte soutient que toute forme - cerveau, muscle ou os - est également dépourvue de sensibilité; car la sensibilité est un processus vital qui n'est pas inhérent aux solides, liquides ou gaz, et qui n'est pas non plus acquis par eux pendant le temps où ils sont utilisés par les vagues de vie en évolution, auxquelles ils fournissent les formes variées par lesquelles ces vagues s'expriment dans le monde physique visible. 

Par conséquent, si l'homme ne possédait rien de plus que le corps dense, il serait aussi incapable de manifester la Vie que le sont les substances chimiques dont est composé ce corps. Et s'il n'existait que ce monde physique visible, il ne pourrait jamais y avoir d'autres formes que les cristaux inertes; les végétaux, les animaux et l'homme auraient été impossibles à réaliser dans la nature. 

LA RÉGION ÉTHÉRIQUE DU MONDE PHYSIQUE

Les Rosicruciens, en harmonie avec d'autres écoles d'occultisme, divisent chaque monde en sept "régions" ou états de la matière. 

Notre monde visible ne comprend que trois de ces régions, à savoir: Solide, Liquide et Gazeuse. L'éther invisible occupe les quatre autres régions, et c'est par ce quadruple éther que commencent les recherches de la science occulte. 

Ces quatre éthers constituent la Région Ethérique. L'éther est le facteur au moyen duquel l'énergie solaire se répand dans les corps denses du végétal, de l'animal et de l'homme; il constitue donc une base pour la manifestation de la vie et de la vitalité. Les noms et les fonctions propres de ces quatre états de l'éther, en commençant par le bas, sont les suivants: 

1 - L'Ether Chimique est le milieu dans lequel opèrent les forces chimiques qui déterminent la formation des cristaux; ces forces se manifestent, en tant qu'amour et haine entre les atomes, l' "affinité élective" dont parlait Goethe, grâce à laquelle l'alcool et l'eau se mêlent facilement, alors que l'huile et l'eau refusent de s'unir. D'autres forces se manifestent dans cet éther et servent à l'assimilation, la croissance et l'excrétion, comme nous le voyons dans les règnes plus élevés du végétal, de l'animal et de l'homme. L'éther chimique est seul actif dans les éléments chimiques minéraux à l'état natif. 

2 - L'Ether-Vie - Un poisson peut vivre et se mouvoir dans l'eau; l'animal et l'homme en sont incapables, ils vivent dans l'air qui asphyxie le poisson. Ainsi, chaque milieu de la nature sert à la manifestation d'intelligences diversement constituées, ayant atteint des degrés de développement variés, et chargées de missions différentes dans l'économie de la nature. Alors que les forces opérant dans l'éther chimique ont seulement pour but le maintien de la forme isolée, l'éther vie est le terrain d'élection des forces de reproduction qui ont pour objectif la perpétuation de l'espèce. Il est donc actif dans la végétal, l'animal et l'homme. 

3 - L'Ether-Lumière est le milieu dans lequel opèrent les forces qui produisent la chaleur, le mouvement et la circulation du sans dans l'animal et l'homme, ainsi que celle de la sève dans les plantes. Grâce à lui, la chlorophylle se dépose sur les feuilles, et il est la cause de la coloration dans les fleurs, l'animal et l'homme. C'est par lui que pénètre la force solaire qui construit l'oeil, organe de la vue. Les forces de cet éther n'opèrent que partiellement dans le végétal, mais pleinement dans l'animal et l'homme. 

4 - L'Ether Réflecteur est la substance de la région la plus élevée du monde physique, et les images ou les archives de tout ce qui est ou a jamais été dans le monde physique peuvent y être retrouvées. C'est pourquoi nous disons qu'il contient la "mémoire de la nature". C'est là que l'idée de l'architecte imaginant une maison dont nous avons parlé dans la deuxième causerie, peut être retrouvée à n'importe quel moment, qu'il soit mort ou vivant. Mais l'éther réflecteur mérite son nom pour plus d'une raison: en effet, les images qu'on y trouve, quoiqu'elles reproduisent des objets situés dans le monde physique, ne sont pourtant que le reflet d'images d'un monde beaucoup plus élevé, où les archives sont permanente, beaucoup plus claires et précises. Ces archives de l'éther réflecteur sont les seules que puissent lire les clairvoyants involontaires et les psychomètres qui n'ont pas la faculté de choisir, bien qu'ils aient pu entendre parler d'archives plus élevées. Parfois l'élève en science occulte consulte également les archives de l'éther réflecteur lorsqu'il commence à étudier les mondes invisibles; mais il a été instruit de leur étendue limitée, et ne saurait faire l'erreur de penser qu'elles constituent le comble de la perfection; un temps viendra où l'élève apprendra à utiliser des archives plus élevées. 

Cet éther réflecteur est l'une des plus importantes régions de la nature; Il est la voie d'accès par laquelle l'Ego agit sur le cerveau et le système nerveux et commande son corps dense; et c'est dans cet éther que l'Ego de l'homme enregistre ses expériences, ce que nous appelons la mémoire. 

La science enseigne que, dans le solide le plus dense comme dans le gaz le plus raréfié, il n'y a pas deux atomes en contact, mais que tous flottent en réalité dans un océan d'éther. Ce fait est bien exact, mais ce n'est pas tout, car autrement, il serait impossible d'expliquer logiquement la différence entre les quatre règnes. 

Nous savons que pour agir dans le monde visible, il est nécessaire d'avoir un corps dense. Sans un tel corps, nous serions des "fantômes" invisibles pour d'autres êtres physiques. 

Il en est de même dans les autres mondes. Pour fonctionner dans ces mondes ou exprimer leurs qualités particulières, nous devons d'abord posséder un véhicule fait de leurs matériaux; de même qu'il nous faut posséder un corps dense avant de pouvoir agir dans le monde physique, de même il nous faut un corps vital avant que nous puissions exprimer la vie, assimiler, croître ou nous reproduire. La vague de vie minérale actuellement incorporée dans la matière de la région chimique n'a pas de corps vital séparé. Le végétal, l'animal et l'homme ont des corps vitaux; mais ceux-ci sont aussi différents de construction que leurs corps denses respectifs, et varient quant à la qualité, la quantité et l'organisation de la matière éthérique qui les compose. 

Et pourtant, même la possession d'un corps dense et d'un corps vital n'est pas suffisante pour expliquer tous les faits de la vie. S'il n'y avait pas d'autres mondes dans la nature, le mouvement chez les être humains et les animaux serait une chose impossible; et même si ceux-ci avaient été créés avec le pouvoir de se mouvoir, l'incitation au mouvement et à l'action leur manquerait. La science occulte constate que l'action a son commencement dans le Monde du Désir. 

LE MONDE DU DÉSIR

Tout comme le monde physique, ce monde est composé de sept régions qui divisent la matière selon sa densité relative et ses autres qualités 

Quand nous parlons de la matière de ce monde, il s'agit d'une substance très différente de celle du monde physique. La différence est très difficile à décrire, parce que tous nos termes sont forgés par rapport au monde des sens; le mieux que l'on puisse faire est d'en donner une faible idée en utilisant des comparaisons. 

En premier lieu, bien que la matière désir soit d'un degré moindre de densité que celle de la matière physique, elle n'est en aucune façon de la matière physique "plus subtile". Il est exact que l'atome ultime de toutes les formes physiques est le même; que la montagne, la pâquerette, la souris et l'homme sont tous construits avec le même genre d'atomes; cependant nous ne disons pas que la souris est un degré "plus fin" de montagne. De même ordre est la différence entre les densités relatives des deux espèces de matière, différence qui soumet l'une à des lois inopérantes pour l'autre. 

La matière-désir est particulièrement caractérisée par la facilité avec laquelle elle se modèle en différentes formes, capables de se transformer d'une forme en une autre. Plasticité est un terme beaucoup trop insuffisant pour désigner cette qualité; par ailleurs, la matière-désir est aussi une incorporation de la lumière et de la couleur; sa luminosité est telle, ses teintes tellement scintillantes et chatoyantes, que nos plus brillantes couleurs et nos plus glorieux couchers de soleil paraissent sombres et tristes par comparaison. C'est cette luminosité éblouissante qui la faisait désigner par les alchimistes du moyen âge comme "astrale", ou "stellaire", bien qu'elle n'ait aucun rapport avec les étoiles. On peut avoir une faible idée de ce à quoi elle ressemble, en prenant une coquille nacrée et en observant le jeu changeant des couleurs pendant qu'on la tourne vers le soleil. 

Pour avoir une compréhension raisonnable du monde du désir, il faut bien se rappeler qu'il est le monde des sentiments, des désirs, des souhaits et des émotions. De même que nos os, notre sang et notre chair sont formés de matière chimique, ainsi nos désirs et nos émotions sont formés de la matière du monde du désir; et de même que nos corps denses sont soumis à la pesanteur et aux autres lois physiques, ainsi nos désirs et autres sentiments sont dominés par l'Attraction et la Répulsion, les deux grandes forces du monde du désir. 

La Répulsion est la force prédominante dans les trois régions inférieures ou plus denses. L'Attraction règne seule dans les trois régions supérieures où la matière est plus raréfiée, mais elle est aussi présente jusqu'à un certain point dans les trois régions inférieures, où elle s'oppose à la force de Répulsion. 

La région centrale est la région des "Sentiments". Là, l' "Intérêt" ou l' "Indifférence" pour un objet ou une idée fait pencher la balance en faveur de l'une des deux forces d'attraction ou de répulsion, reléguant ainsi l'objet ou l'idée qui a engendré le sentiment dans les trois régions supérieures ou les trois régions inférieures, ou bien, selon le cas, l'écartant de nos vies. Un exemple fera saisir le principe, et montrera comment ces "sentiments jumeaux" sont les ressorts principaux qui animent le monde au moyen des "forces jumelles". 

L'animal et l'homme ont tous deux un corps du désir et sont également animés par les sentiments jumeaux et les forces jumelles. Une tigresse dans la jungle passera près d'un morceau de pain avec indifférence, mais sera intéressée par son possesseur. Son intérêt éveillera la force d'attraction, et pourtant elle cherchera à le tuer. L'acte de destruction n'est cependant ni la fin ni le but, mais seulement un pas nécessaire vers l'assimilation. Si la tigresse épie un autre animal de proie qui a des visées sur ce qu'elle considère comme son butin, elle y prendra également intérêt; mais dans ce cas le sentiment d'intérêt éveillera la force de répulsion; et si un combat s'ensuit, la destruction de son adversaire sera une fin en elle-même. Dans le cas ci-dessus, et dans les cas où les désirs animaux de l'homme sont en jeu, les forces jumelles et les sentiments jumeaux agissent de même. Mais il a une différence dans la composition des corps du désir de l'homme ou de l'animal. 

Le corps du désir d'un animal est composé seulement de matière des quatre régions inférieures du Monde du Désir; aussi n'est-il capable d'éprouver que les désirs animaux de se nourrir, de s'abriter, etc. Un saint éprouverait le plus vif remord d'avoir par inadvertance dit un mot trop vif; la tigresse n'est pas troublée par le sens du mal, bien qu'elle tue chaque jour. 

Mais le corps du désir de l'homme est composé de la matière de l'ensemble des sept régions du Monde du Désir, ce qui le rend capable de sentiments plus élevés que l'animal. 

Un autre exemple éclaircira ce point. Trois hommes marchent le long d'une route; ils trouvent un chien malade, couvert de plaies, souffrant visiblement de douleurs intenses et mourant de faim. Tout cela est évident pour les trois hommes: c'est le témoignage de leurs sens. 

Puis se développe le "sentiment": l'un reste "indifférent" pour l'animal et s'éloigne sans plus le regarder, laissant le chien à son sort. Il n'en va pas de même pour les autres; tous deux se sont intéressés et s'arrêtent: mais ce sentiment d'intérêt se manifeste différemment chez les deux hommes. 
L'intérêt de l'un des hommes est de nature sympathique et secourable, et le pousse à s'occuper de la pauvre bête, à s'efforcer d'apaiser ses souffrances et de la soigner pour la guérir: en lui, le "sentiments d'intérêt" a éveillé la force d' "attraction". 

L'intérêt de l'autre homme est de nature opposée. Il ne voit qu'un objet repoussant, qui offense son sens de l'esthétique, et il souhaite débarrasser lui-même et le monde d'un tel fléau aussi vite que possible; il est d'avis de tuer l'animal sur-le-champ et de l'enterrer. En lui, le "sentiment d'intérêt" a produit la force destructrice de "répulsion". 

Nous voyons donc que l'action ou le fait de s'en abstenir (qui est une action négative) sont dus aux deux sentiments jumeaux: - l'intérêt, qui met en mouvement les deux formes jumelles d'Attraction et de Répulsion; - ou d'indifférence qui simplement nous coupe et nous éloigne de l'objet ou de l'idée contre lesquels elle est dirigée. Si notre intérêt pour un objet ou une idée engendre la répulsion, cela nous détermine évidemment à nous efforcer de les rejeter de nos vies; mais, comme l'ont montré nos exemples, il y a une très grande différence entre la force de répulsion et le sentiment d'indifférence. 

En résumé, nous voyons que le corps dense formé de la substance inerte de la région chimique, animé et vivifié par le corps vital composé des éthers de la région éthérique, reçoit du corps du désir l'incitation à agir, incitation que les animaux suivent totalement, mais qui chez l'homme est freinée par un autre facteur; la raison, qui le détermine parfois à agir contre son désir. S'il n'y avait pas dans la nature d'autres mondes que le monde physique et le monde du désir, ce facteur ne saurait exister; nous aurions le minéral, le végétal et l'animal, mais l'homme, être pensant et doué de raison, serait une impossibilité dans la nature. 

LE MONDE DE LA PENSÉE

Le Monde de la Pensée doit être pris en considération pour expliquer la condition de l'homme. Car de sa substance est formé l'intellect, destiné à agir comme un frein sur les impulsions du corps du désir; il nous dicte des actes contraires aux impulsions des sentiments jumeaux, grâce à un point de vue plus large auquel nous arrivons par la raison. 

Le Monde de la Pensée comprend également sept régions dans lesquelles la matière est classée selon sa densité et sa qualité. Il est en outre divisé en deux parties principales: la "Région de la Pensée Concrète" et la "Région de la Pensée Abstraite". 

Dans les trois subdivisions inférieures (région de la pensée concrète) sont les Archétypes de tout ce que nous voyons dans le monde physique, les minéraux, les végétaux, les animaux et l'homme, les continents, les rivières et les océans. Et c'est là que le clairvoyant exercé, dont les facultés lui permettent d'atteindre ces plans élevés, voit aussi l'océan universel de la vie qui s'écoule, dans lequel sont immergées toutes les formes; il voit aussi que la même impulsion vitale va de forme en forme en cycles rythmiques, pour animer les formes spécialisées par l'Ego de l'homme ou par l'esprit-groupe animal ou végétal. 

Ces Archétypes ne sont pas de simples modèles dans le sens où nous parlons généralement de modèles, comme d'une chose en miniature ou faite d'un matériau plus fin: ce sont des archétypes créateurs, modelant toutes les Formes visibles (comme celles que nous voyons dans le monde) à leur propre ressemblance, ou plutôt ressemblances, car souvent plusieurs archétypes travaillent ensemble pour former une certaine espèce, chaque archétype donnant une partie de lui-même pour construire la forme requise. Ils sont commandés et dirigés par les "Forces Archétypales" que l'on trouve dans la quatrième subdivision. De la substance des quatre subdivisions inférieures est formé notre intellect, qui rend l'homme capable, lui aussi, de former des pensées et de créer des images qu'il pourra ensuite reproduire en fer, en pierre ou en bois; ainsi, à l'aide du mental qu'il tire de ce monde de la pensée, l'homme devient, comme les forces archétypales, un créateur dans le monde physique. 

Mais qui dirige l'intellect, comme les forces archétypales guident les opérations des archétypes? C'est l'Ego qui forme son revêtement dans la matière des trois sections les plus élevées, lesquelles portent le nom de Région de la Pensée et des Idées Abstraites. 

Nous voyons donc que l'homme est un être très complexe, et un citoyen de trois mondes, avec lesquels il entre en relation par une chaîne ininterrompue de cinq véhicules; ceux-ci lui donnent une conscience pleinement éveillée qui le rend capable de voir les objets dans l'espace autour de lui en contours clairs et bien définis. 

L'animal n'a pas encore d'esprit "individuel" mais il est relié à un "esprit-groupe" qui anime tous les membres d'une même espèce. Pris isolément, les animaux ont trois corps - dense, vital et du désir - mais il leur manque un anneau de la chaîne: l'intellect. 

Par conséquent, les animaux ne pensent pas; toutefois, de même que nous produisons "par induction" de l'électricité dans un fil en l'approchant d'un autre fil chargé, ainsi par un procédé analogue, le contact de l'homme a produit "par induction" un semblant de pensée chez les animaux domestiques les plus élevés, comme le chien, le cheval ou l'éléphant. Les autres animaux obéissent aux suggestions (que nous appelons l'instinct) de l'esprit-groupe animal. Ils ne voient pas les objets avec des contours aussi nets que peut les voir l'homme; dans les espèces inférieures, la conscience animale se fond de plus en plus en une conscience intérieure d'images qui ressemble à l'état de rêve chez l'homme, sauf que ces images ne sont pas confuses, mais apportent parfaitement à l'animal les suggestions de l'esprit-groupe. 

Les plantes ont un corps dense et un corps vital; elles ne peuvent donc avoir ni sentiment ni pensée. Elles n'ont ni corps du désir, ni intellect; il existe donc un plus grand intervalle entre la plante et son esprit-groupe, qu'entre l'animal et son esprit-groupe; ainsi la conscience des plantes est plus confuse et ressemble à notre sommeil sans rêves. 

Le minéral n'a qu'un corps dense; il lui manque trois chaînons pour le lier à son esprit-groupe. C'est pourquoi il est inerte, et son inconscience ressemble à celle du corps physique humain en état de léthargie, quand l'esprit humain, l'Ego, en est sorti. 

Comme conclusion, notons que les trois mondes dans lesquels nous vivons ne sont pas séparés par l'espace. Ils sont tous autour de nous, comme la lumière et la couleur, contenus dans la matière physique, comme les lignes de clivage dans le minerai. Si nous faisons geler de l'eau dans un récipient et l'examinons au microscope, nous y voyons les cristaux de glace séparés les uns des autres par des lignes. Celles-ci, bien que non perçues par la vue, étaient présentes dans l'eau en tant que lignes de force, invisibles jusqu'à ce que les conditions nécessaires les mettent en évidence. 

Ainsi, chaque monde est contenu dans le monde qui est au-dessus de lui, invisible pour nous jusqu'à ce que nous ayons réalisé les conditions nécessaires. Mais lorsque nous sommes prêts, la Nature, toujours disposée à dévoiler pour nous ses merveilles, répand une ardente joie sur tout homme qui, aidant à l'évolution, acquiert ainsi droit de cité dans les mondes invisibles. 







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