DUBREUIL La Franc-Maçonnerie en Allemagne




LA FRANC-MACONNERIE EN ALLEMAGNE

(Extrait de "Histoire des Francs-Maçons")

J.P. Dubreuil 

1838


Le baron Knigge, qu'on a vu travailler, avec Weishaupt, à l'illuminisme, fut le fondateur et l'instituteur de la maçonnique éclectique, qui depuis quelque temps existe en Allemagne ; elle fut projetée à la suite de grandes discussions entre les différents rites, et par l'intolérance et la violence des frères de la stricte observance, qui voulaient dominer sur tous, les autres, comme si, dans le fait, ils avaient été les vrais héritiers et représentants des Templiers. L'objet de l'institution éclectique est d'éclairer les frères des autres rites sur l'abus et le fanatisme de quelques hauts degrés templiers.
Voici la teneur de la circulaire adressée à tous les frères, par les loges de Francfort et de Wetzlar.

« Respectables, chers et dignes frères !

Quiconque a fait quelques progrès dans la Maçonnerie et réfléchi avec attention sur ses trois grades symboliques, avouera, sans doute, que la liberté et l'égalité forment la base de notre Très-Vén. O. Voilà le rocher sur lequel les vénérables fondateurs élevèrent jadis cet édifice, si honorable pour l'humanité ; et ce fondement devait en assurer la solidité dans un avenir reculé. Sagesse, force et beauté en formaient les colonnes, et l'humanité, la concorde et l'amitié, étaient le ciment qui devait le lier. C'est ainsi que ce magnifique monument se soutint inébranlable et dans le plus grand éclat pendant plusieurs siècles.

Plus ces vérités sont manifestes et démontrées, plus tout frère, qui s'intéresse au sort de notre R. O, doit être frappé à la vue du triste état dans lequel il se trouve presque dans tous les pays de l'Europe. Quiconque, ayant lu attentivement les codes primitifs et étudié l'esprit de notre O. royal, porte en outre un œil impartial sur les divers événements qui ont eu lieu dans son sein et sur les divers écrits qui ont paru publiquement, et presque tous à l'occasion de ces mêmes événements, y trouvera, s'il compare et pèse tout cela à l'aide d'une raison tranquille, d'une saine philosophie, de la connaissance de l'histoire et de l’état présent de la Société en Europe, le même contraste qu'entre le temple de Salomon et la tour de Babel. Dès la première entrée dans l’O., l'imagination du frère nouvellement reçu s'exalte par l'idée délicieuse qu'il va marcher dans le sentier de la vertu, de la vérité et de la sagesse, lié par l'amitié la plus pure et une tendresse vraiment fraternelle avec ce qu'il y a de meilleur, de plus honnête et de plus vertueux parmi les hommes. Mais qu'est-ce qu'il aperçoit, quand le bandeau lui tombe des yeux ? Des sectes différentes entre elles par les buts auxquels elles tendent, autant que par leur doctrine, et qui, nées au sein de la concorde, divisèrent si cruellement des cœurs unis par un lien fraternel, qu'elles les portaient à s'entrehaïr du fond de leurs aines et à se persécuter. Dans le même temps, où la philosophie et la tolérance ont enfin arraché les armes des mains aux antagonistes de l'ordre, l'esprit de discorde et de persécution s'élève parmi les frères ; et lorsque l'ordre cesse de se voir inquiéter au dehors, notre temple va être détruit par des divisions intérieures. C'est avec elles que le despotisme, la haine, l'orgueil, l'avidité, le fanatisme, la soif des distinctions, se sont glissés dans le sanctuaire de la concorde, et menacent tout l'édifice d'une destruction totale.

Tous ces maux n'ont frappé notre vénérable ordre que depuis qu'on a tenté d'en saper la base, savoir ; la liberté et l’égalité. Et de quelles attaques du dehors n'est-il pas menacé, si on continue à violer ces lois fondamentales ! N'est-il pas à craindre que les gouvernements ne cessent à la fin de voir d'un oeil indifférent qu'une partie considérable de leurs sujets se lient par la Maçonnerie, au point de reconnaître des princes et des particuliers étrangers pour leurs supérieurs, et de rassembler des sommes entre eux, pour les faire passer à des loges étrangères, surtout si les gouvernements prennent connaissance des objets dont quelques-uns de ces systèmes s'occupent ; ce qui ne saurait leur échapper encore longtemps, au moyen du bruit que l'on fait de tous côtés de ces soi-disant hauts grades de la Maçonnerie.

Ayons donc de la prudence, respectables, chers et dignes frères, et prenons de sages mesures pour parer au danger qui nous menace, tandis qu'il en est temps encore. Embrassons, à l'égard de tous ces systèmes connus, dont aucun n'est, jusqu'à présent, démontré, une sage neutralité aux yeux du monde maçonnique et profane, en abolissant, parmi nous, tout ce qui pourrait donner de l'ombrage aux gouvernements. Que chaque loge réponde en son particulier des grades supérieurs qu'elle adopte, et qui n'entrent point dans le lien commun. Sur toutes choses, respectables, chers et dignes frères, rétablissons la vraie Maçonnerie sur ce pied simple et véritable où elle était avant la naissance de tous ces systèmes. Nous nous abstenons entièrement de tout jugement par rapport à leur bonté, vérité, ou démonstrabilité. La tolérance étant selon nous le premier devoir de notre ordre, nous nous contenterons de rapporter ici historiquement que c'est par l'introduction de ces grades supérieurs que les divisions et les querelles, qui ont tant terni l'éclat de l'ordre, y ont pris naissance. Nous déduisons de là d'autant plus fermement le principe certain, que, dans une association comme la nôtre, il ne doit y régner que la liberté et la conviction intime que la raison ne se laisse pas dominer. Imitons enfin ces hommes célèbres de l'antiquité, les philosophes éclecticiens, qui, sans s'attacher à aucun système en particulier, tiraient de tous ce que chacun contenait de meilleur et de mieux démontré. C'est ainsi que la Maçonnerie éclectique sera à l'avenir assurément la meilleure.

On espère donc rendre un service signalé à tous les dignes et vertueux frères, en leur ouvrant une noie pour ramener l'ordre à sa noble et primitive simplicité ; en rappelant à leur esprit ses vrais principes auxquels on les attacherait invinciblement. À cette fin, les loges soussignées se sont associées avec beaucoup de loges de l'Allemagne et étrangères, dans le dessein de rendre à la Maçonnerie la dignité, l'autorité et la pureté, jadis son apanage ; de ranimer, par le lien de l'amitié la plus étroite, l'union fraternelle éteinte ; et de joindre tous leurs efforts pour écarter tous les obstacles qui s'y opposeraient. Ces loges se sont associées pour former une Maçonnerie éclectique, sous les conditions suivantes :

1. Toutes les loges, attachées les unes aux autres par le seul lien de l'amitié, réadoptent l'ancien rituel des trois degrés symboliques, et les tapis y appartenant.

2. Chaque loge n'en est pourtant pas moins libre d'adopter dans son sein autant de grades ultérieurs, et de quelle espèce elle voudra ; pourvu qu'elle n'en fasse pas une affaire générale de l'association, et qu'elle ne change pas pour eux l'uniformité des trois grades Maçonniques, ainsi que cela s'est fait jusqu'ici dans bien des systèmes de la Maçonnerie. Chaque loge sera obligée en outre d'en répondre en son propre et privé nom, à qui il appartiendra.

3. Aucune des loges ainsi associées ne dépend de l'autre. Toutes sont égales, et nulle n'a le droit de prescrire des règles à l'autre. Ainsi, les noms des loges écossaises et ceux des loges supérieures cessent entièrement, quoique, d'après l'art. 2, chaque loge ait la liberté de conserver dans son sein des grades écossais ou autres grades supérieurs. Or, il ne dépendra uniquement que des loges associées, si quelques-unes d'entre elles, sans aucune influence sur l'union générale, veulent reconnaître de leur propre gré une dépendance et s'arranger à ce sujet, dès que cela peut se faire sans causer d'ombrage au souverain. De même, les frères maîtres de chaque loge restent en possession du droit d'élire à leur gré leur maître en chaire et leurs surveillants, et ceux-ci les autres officiers de la loge. Ils peuvent les élire à vie, ou pour un temps déterminé, suivant les circonstances locales, qu'ils seront libres de consulter uniquement à cet égard.

4. De même, chaque loge a sa propre économie, dont elle ne doit compte à personne qu'à elle-même ou à ses officiers. Toutes les contributions pécuniaires d'une loge à l'autre cessent absolument entre les loges associées, sans qu'elles doivent avoir jamais lieu sous quelque prétexte que ce soit ; à moins que quelques-unes d'entre elles, n'ayant pas à craindre d'exciter par là l'attention des gouvernements, ne veuillent de leur plein gré et mutuellement s'y engager : arrangement auquel le corps de l'association ne prendra cependant jamais la moindre part.

5. Tout comme ces loges ne sont dans aucune dépendance l'une de l'autre, elles ne dépendront pas non plus, sans le consentement de leur souverain, d'aucun supérieur, à l'égard des trois grades de l'Union.

6. Mais, comme il faut qu'un lien général cimente l'association desdites loges, ce lien consistera dans une correspondance mutuelle et amicale, où on se communiquera tous les événements relatifs à l'ordre. Il faut pour cet effet nécessairement qu'on choisisse quelques loges par être à la tête de cette correspondance et pour en former un centre où tout se réunit.

7. C'est dans cette vue, qu'à la réquisition, de plusieurs loges qui ont accédé à cette association, la loge provinciale de Francfort-sur-Main et celle de Joseph de l'aigle impérial, à Wetzlar, se sont réunies pour former un directoire commun, de façon que chaque loge pourra choisir à volonté celle de ces deux loges, à laquelle elle voudra écrire, et envoyer ce qu'elle aura à faire savoir de, relatifs cette association, dans laquelle :

8. On recevra, quant à présent, toutes les loges qui voudront y entrer, sans égard à leur constitution. Mais on croit nécessaire de statuer pour l'avenir que toute nouvelle loge, qui voudra accéder à la présente association, soit constituée par quelqu'une des loges associées ; et on offre, suivant les circonstances, d'accorder des patentes de constitution gratis.

9. Tous les frères reçus dans les loges associées, ou qui s'en reconnaissent membres, y seront admis, eu produisant un certificat fait sur un modèle généralement adopté, et en donnant le mot de passe dont on conviendra. Ils y seront accueillis avec une amitié vraiment fraternelle, et peuvent s'y promettre tous les secours possibles dans les occasions.

10. Il est encore permis à tout frère qui aura reçu les trois grades dans notre association éclectique, de se faire recevoir dans d'autres systèmes, sans qu'il perde par là la liberté d'entrer dans nos loges ; pourvu qu'il n'en tasse pas une affaire de loge, qu'il n'enrôle pas des frères dans son parti, et qu'il ne trouble pas l'ordre des trois grades qui forment la base de notre association.

11. Nous admettons aussi dans les loges des trois grades de notre association tous les frères des systèmes qui en agissent de même à l'égard des nôtres. Mais si, à l'avenir, quelque système concevait l'idée, par esprit d'intolérance ou de persécution, de nous fermer les portes de leurs loges, chacune des nôtres peut décider, à sa volonté, si elle exercera la loi du talion à l'égard des frères d'un système aussi intolérant, ou si elle continuera nonobstant à suivre à leur égard les principes de tolérance ci-exposés, en leur accordant toujours l’accès à ses travaux.

12. Quoique les loges associées ne doivent dépendre d'aucun supérieur étranger, il n'en sera pas moins permis, à une ou à plusieurs d'entre elles, de se choisir un protecteur aux conditions qu'il ne puisse leur signifier des ordres, ni s'attribuer quelque direction en matière de loges, et que cela ne les empêche pas de reconnaître celui qui pourrait être élu un jour pour leur protecteur général par les loges unies, à la pluralité des voix, mais aux mêmes conditions, et sans que ce titre ne lui confère non plus aucun pouvoir. On n'entend pourtant pas par là priver aucune loge de sa liberté de refuser un tel protecteur, si elle croit que cela ne convienne pas aux circonstances où elle se trouve.

13. L'union de la Maçonnerie éclectique portera le nom de loges associées pour le rétablissement de l'art royal de l'ancienne Franche-maçonnerie.

14. On recevra à ces conditions dans notre association toutes les loges de chaque système, ainsi que celles qui voudront s'établir encore. Mais si, tôt ou tard, les loges associées voulaient, de leur libre consentement, se lier plus étroitement et former un arrangement plus resserré et tendant mieux au but pour l'avantage de leur association, elles seront libres de le faire ; et alors,

15. Il dépendra des loges de l'association de fixer à laquelle d'entre elles en voudront confier la direction.

Voilà, très-chers frères, ce que nous avons jugé de plus propre à remettre sur pied une société destinée de tous les temps, et à présent plus que jamais, à servir d'asile à l'humanité opprimée et à la vertu persécutée, et à rappeler les droits anéantis de la sagesse dans le cœur des hommes, en bannissant de leur sein tout esprit de parti toute contrainte et toute avidité. Nous vous promettons un nombre considérable de loges associées avec nous, et un cercle respectable d'hommes fermes, honnêtes et brûlants de zèle pour la cause de la vertu et de la vérité. Nous recevrons avec joie les loges qui voudront prendre part à la présente association amicale pour le rétablissement de l'antique et vraie Franc - maçonnerie, et nous sommes prêts à travailler sincèrement avec eux à l'édifice sublime de notre V\ ordre. Pour cet effet, nous les prions de se déclarer vis-à-vis de nous, vers la fin du mois d'août de cette année, pour nous mettre alors en état de former le catalogue des loges associées, et de l'envoyer à tous les membres de l'association.

Le grand Architecte de l'univers répande ses bénédictions sur l'honnêteté de nos vues, et les favorise du succès désiré.

Francfort, ce 18 mars 1783.
Au nom de la R. loge provinciale.
Wetzlar, ce 21 mars 1783.
Au nom de la R. loge provinciale. »

Il paraît que l'instituteur de ce rite, en se proposant une tolérance universelle, a cherché, par ce moyen, à se frayer un chemin pour pouvoir choisir dans tous les systèmes celui qui conviendrait le mieux aux doctrines dogmatiques, politiques et philosophiques, et à tout ce qui se trouverait en analogie avec son système de l'Illuminisme.

A bien examiner la circulaire des deux loges susdites, elle annonce à tous les frères Maçons de l'univers qu'elles adoptaient une tolérance particulière et parfaite envers tous les rites, et qu'elles renonçaient à toutes les spéculations cabalistiques, mystiques, templières, hermétiques, magiques, théosophiques, pour s'en tenir à la Maçonnerie des trois grades symboliques, c'est-à-dire aux simples doctrines établies par les prêtres juifs pendant la captivité de Babylone, parvenues aux premiers Chrétiens et d'origine égyptienne.

Cette circulaire a précédé tous les concordats maçonniques, et peut-être les a-t-elle préparés.
En 1788, un certain Bahrdt, professeur et docteur en théologie à Hall, fonda une société maç\ appelée l'Union allemande. Elle fut formée dans le principe par vingt-deux hommes de lettres qui adressèrent leurs écrits aux amis de la raison, de la vérité et de la vertu.

La doctrine de cette réforme s'appuie entièrement sur la religion de Jésus, comme dans les temps anciens ; elle compte les cinq degrés suivants :

1. L'adolescent.
2. L'homme.
3. L'ancien.
4. Le misopolyte.
5. Le diocésain.

Un autre innovateur en Allemagne, qui trouva des adeptes en France et en Angleterre, fut Zinnendorf, qui établit à Berlin, à la fin du dix-huitième siècle, un Chap\ qui porte son nom, et se trouve attaché à la grande loge nationale. Son système est tout à fait en opposition avec celui de la stricte observance. Quant à sa doctrine, elle rentre entièrement dans la théosophie chrétienne des premiers âges.
première classe. maçonnique bleue.

1. Ap\
2. Comp\
3. Maît\
seconde classe. maçonnique rouge.
4. Ap\ Écos\ et Comp\ Écos\ deux points.
5. M\ Écos\
troisieme classe. maçonnique mystique.
6. Favori de saint Jean.
7. Frère élu.

Les deux grades de la troisième classe font partie du chapitre.

Schropffer de Leipsick fut un des innovateurs de la maçonnique d'Allemagne ; il suivait en partie les doctrines de Martines et de Swedenborg. Il avait réuni les principes du matérialisme, les dogmes chrétiens, le système du bien et du mal physique, ou des deux principes. Il admettait toutes les religions, néanmoins ses doctrines théologiques sont fort curieuses.

Il soutint qu'on ne peut être un véritable Maçon sans exercer la magie. Il établit dans sa maison une loge où il faisait voir des revenants : et, comme une autre loge ridiculisait ses rêveries, il alla l'insulter violemment, et la traita d'hérétique ; un prince de Dresde, qui était présent, lui fit donner des coups de bâton dont Schropffer fut obligé de donner quittance. Mais Schropffer sut, peu de temps après, se venger de ce prince ; car il se rendit à Dresde sous le nom emprunté de comte de Steinville, colonel français : il propagea sa doctrine ; la nouveauté lui procura quantité d'adeptes ; il attira chez lui le même prince qui l'avait fait battre, et lui fit voir des revenants : ce fait arriva en 1772. Lorsque Scropffer se fut vengé de ce prince incrédule, il se démasqua, revint à Leipsick ; alors il promit à ses adeptes de leur prouver qu'il ressusciterait et reviendrait en leur présence après sa mort. Il les conduisit dans un bois près la ville, et, pour leur prouver sa promesse, il se brûla la cervelle; mais il ne tint pas toute sa parole, il ne ressuscita point.

Dans l'Allemagne protestante la maçonnique prospérait ; mais dans les provinces soumises à des princes liés aux opinions de Home, elle n'eut qu'une existence précaire, ou elle y fut persécutée à cause de ses systèmes.

Dans le nord de l'Allemagne, comme on a dû l'observer, elle était professée presque publiquement, et des princes la présidaient ; en 1740, Frédéric-Guillaume tint en personne une loge à Charlottenbourg, où il donna l'initiation à son frère Guillaume de Prusse, au margrave Charles de Brandebourg, et au duc Frédéric-Guillaume de Holstein.

Après cette époque, la famille royale protégea toujours la fraternité. En 1796, le roi de Prusse, par une missive à la mère loge aux trois globes, lui promit sa protection royale; et, à l'occasion de l’avènement au trône de son successeur, en 1797, la loge royale York de l'Amitié ayant présenté à S. M. le roi ses statuts et un extrait de son rituel, elle en sollicita l'approbation de S. M., qui la lui accorda par sa missive du 29 décembre 1797.

Cette même loge déposa au pied du trône ses remerciements respectueux ; et, à cette occasion, S. M. le roi renouvela son approbation ainsi qu'aux loges de sa juridiction, et un pareil événement eut lieu trois ans après, le 31 juillet 1800.

La protection que des princes d'Allemagne accordaient à cet établissement, était fondée sur la connaissance qu'ils avaient que l'ordre s'est toujours occupé de chercher à se rendre utile à ses semblables : la charité fut toujours sa devise : ainsi, par ses actes de bienfaisance, la loge, sous le titre, la Colonne couronnée, Or\ de Brunswick, fonda un institut pour l'éducation des jeunes orphelins.

Les quatre loges qui existaient en 1776 à Prague, le jour de la Saint-Jean d'hiver, fondèrent l'institution de charité connue sous le titre de maison des orphelins. Un hospice pour les malades indigents et les femmes en couche fut fondé par les Maçons de Schleswig dans le Mecklenbourg, où S. A. le prince de Hesse assista à la cérémonie inaugurale, qui eut lieu le 3 mai 1802 ; cet illustre Maçon enclava lui-même les médailles et inscriptions dans la pierre fondamentale. Tout le monde connaît le trait de S.A. S. le duc Maximilien de Lunebourg, Vén\ titulaire ad honorem des cœurs sincères, à Franc-fort-sur-Oder, qui perdit la vie le 27 avril 1785 (55), en s'exposant courageusement pour sauver celle de plusieurs personnes qui étaient englouties par une inondation rapide et inattendue de l'Oder. Nous pourrions rapporter une infinité de traits de charité, de bienveillance, de philanthropie des Maçons allemands.

Nous finissons en rapportant un qui honore ceux de la monarchie autrichienne : c'est encore un fait arrivé à Prague. Cette ville, en février 1784, fut inondée pendant la nuit par l’Éger. Les frères de la loge vérité et concorde, qu'un tel péril avait rassemblés, sauvèrent, en exposant leur vie, celle d'un grand nombre d'habitants.

Les jours suivants, les quatre loges se réunissent ; le tronc de charité circule couvert d'un voile funèbre; il produit une collecte de 1.500 florins qui est distribuée aux familles ruinées. Ces mêmes frères, après ce noble exemple, se rendent aux portes des églises les plus fréquentées, ils y restent trois jours sans désemparer, et obtiennent de la bienfaisance des citoyens une collecte de 11,000 florins, qui est distribuée aux victimes de ce désastre.

On ignore comment, après ces faits de toute notoriété, la maison d'Autriche aurait cessé de protéger cette société philanthropique, paisible et fraternelle. Il paraît qu'on l'a irritée contre cette institution de pure charité chrétienne. L'empereur Charles VI avait interdit la Franc-maçonnique dans les Pays-Bas ; il en bannit tous les Maçons dès l'année 1738 . Néanmoins, cette sévérité s'est relâchée ensuite, quoiqu'en 1743, le 7 mars, trente Maçons s'étant assemblés à Vienne, après la défense du gouvernement, restèrent plusieurs mois emprisonnés et n'obtinrent la liberté qu'après une sévère réprimande.

En 1764, l'impératrice Marie-Thérèse rassembla les Vén\ des loges de Vienne pour qu'ils dévoilassent au gouvernement le secret de l'institution ; quoiqu'ils protestassent qu'ils n'en avaient aucun, la maçonnique fut proscrite de ses États.

En 1766, un édit impérial déclare que ceux qui feront partie de l'association des soi-disant Francs-maçons Rose-croix seront, ipso facto, privés de leurs emplois.

A Aix-la-Chapelle, qu'on regardait comme ville autrichienne, en 1779, le 26 mars, le magistrat fit publier une ordonnance qui infligeait une peine, accompagnée du bannissement dans le cas de récidive, contre ceux qui se permettraient de tenir loge. Cet acte a induit la populace, excitée par des moines, à des menaces et à des voies de fait contre les Maçons.

En 1779, Joseph II donne des instructions aux gouverneurs de ses provinces relatives aux Maçons ; il réduit le nombre des loges, veut connaître les noms des frères qui les composent, le local des loges, et l'heure des réunions. La même année, il ordonne la fermeture de toutes les loges, sans distinction, dans ses États.

L'empereur François II, en 1793, fit proposer à la diète de Ratisbonne la suppression des Maçons, des Rose-croix, des Illuminés, et de toute autre société secrète : comme la diète était formée du corps germanique, elle répondit qu'elle ne pouvait adopter ce système, mais que S. M. pouvait les interdire à son gré dans ses États. Ce souverain, le 23 avril 1801, renouvela les anciennes défenses contre les sociétés secrètes et particulièrement contre les Maçons. Les fonctionnaires publics civils, militaires et ecclésiastiques furent soumis à signer qu'ils ne faisaient point partie de ces sociétés, sous peine de la perte de leurs emplois. D'après les intentions de S. M. l'Empereur, la régence de Milan arrêta un édit contre les Maçons sous la date du 26 août 1814, signé par le commissaire plénipotentiaire, F. M. comte de Bellegarde.

Sa Majesté, ou son conseil, ne s'est point relâchée de sa sévérité à cet égard, et ses défenses sont encore aujourd'hui rigoureusement maintenues.

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