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SAINT ANDRÉ, APÔTRE
André veut dire beau, ou caution, ou viril, d'ander, homme; ou bien encore anthrôpos, homme, d'ana, au-dessus, et tropos tourné, ce qui est la même chose que converti, comme s'il eût été converti aux choses du ciel et élevé vers son créateur. Aussi, est-il beau dans sa vie, caution d'une doctrine pleine de sagesse, homme fort dans son supplice, et élevé en gloire. Son martyre fut écrit par les prêtres et les diacres d'Achaïe ou d'Asie qui en ont été les témoins oculaires.
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André et quelques autres disciples furent appelés à trois reprises différentes par le Seigneur. La première fois qu'il les appela à le connaître, ce fut un jour qu'André avec un autre disciple ouït dire par Jean, son maître : « Voici l’agneau de Dieu, voici celui qui efface les péchés du monde. » Et tout aussitôt, avec cet autre disciple, il vint et vit où demeurait Jésus, et ils passèrent ce jour auprès de lui. Et André ayant rencontré Simon, son frère, il l’amena à Jésus. Le lendemain ils retournèrent à leur métier de pêcheurs.
Plus tard il les appela pour la seconde fois à vivre avec lui. Ce fut le jour où la foule se pressait sur, les pas de Jésus auprès du lac de Génésareth aussi appelé mer de Galilée ; le Sauveur entra dans la barque de Simon et d'André, et après une pêche extraordinaire, il appela Jacques et Jean qui étaient dans une autre barque. Ils le suivirent et revinrent ensuite chez eux.
Jésus les appela la troisième et dernière fois pour être ses disciples, lorsque se promenant sur le bord de cette même mer où ils se livraient à la pêche : « Venez, leur dit-il, et je vous ferai pêcheurs d'hommes. »
Ils quittèrent tout à l’instant pour le suivre toujours et ne plus retourner en leur maison. Toutefois il appela André et d'autres de ses disciples à l’apostolat, selon que le rapporte saint Marc (III) : « Il appela à lui ceux qu'il voulut lui-même et ils vinrent à lui au nombre , de douze. »
Après l’ascension du Seigneur, et la séparation des Apôtres, André prêcha en Scythie et Mathieu en Myrmidonie *.
* L'Ethiopie. Nicéphore appelle la ville Myrmenen, lib. I, c. XLI, il ajoute que c'était le pays des anthropophages.
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Les habitants de ce dernier pays refusèrent d'écouter Mathieu, lui arrachèrent les yeux, le mirent dans les fers avec l’intention de le tuer quelques jours après. Sur ces entrefaites, l’ange du Seigneur apparut à saint André et lui ordonna d'aller en Myrmidoaie trouver saint Mathieu. Sur sa réponse qu'il n'en connaissait pas la route, il lui fut ordonné d'aller au bord de la mer et de monter sur le premier navire qu'il trouverait. Il exécuta tout de suite les ordres, qu'il recevait, et sous la conduite d'un ange, il vint, à l’aide d'un vent favorable, à la ville qui lui avait été désignée, trouva ouverte la prison de saint Mathieu et se mit à pleurer beaucoup et à prier en le voyant. Alors le Seigneur rendit à Mathieu le bon usage de ses deux yeux dont l’avait privé la malice des pécheurs. Mathieu s'en alla ensuite et vint à Antioche. André resta dans la ville dont les habitants, irrités de l’évasion de Mathieu, saisirent André et le traînèrent sur les places après lui avoir lié les mains. Et comme son sang coulait, il pria pour eux, et par sa prière les convertit à J.-C.
De là il partit pour l’Achaïe *. Ce qu'on rapporte ici de la délivrance de Mathieu et de la guérison de ses deux yeux, je ne le crois pas digne de foi; car ce serait peu d'honneur porter à un si grand évangéliste de croire qu'il n'a pu obtenir pour soi-même ce que André obtint si facilement.
* S. Jérôme; Épître 148 à Marcelle; — Grégoire de Tours De Gloria Martyr., lib. I, c. XXXI; — S. Paulin, Gaudence de Bresce, Pierre Chrysologue, etc.
La lettre des prêtres d'Achaïe, sur le martyre de saint André, est une pièce du 1er au IIe siècle, qui a été démontrée authentique par le protestant Woog. Voyez sur cette épître la préface de Galland Veter Patr. Biblioth., I, prol., p. 38.
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Un jeune noble * s'étant attaché à l’apôtre malgré ses parents, ceux-ci mirent le feu à une maison où leur fils demeurait avec André. Comme la flamme s'élevait déjà fort haut, ce jeune homme prit un vase, en répandit l’eau sur le feu qui s'éteignit aussitôt. « Notre fils, dirent alors ses parents, est déjà un grand magicien. » Et pendant qu'ils voulaient monter au moyen des échelles, Dieu les aveugla au point qu'ils ne les voyaient même pas. Alors quelqu'un s'écria : « A quoi vous sert de vous consumer en vains efforts? Dieu combat pour eux et vous ne le voyez point! Cessez donc, de crainte que la colère de Dieu ne descende sur vous. » Or beaucoup de témoins de ce fait crurent au Seigneur; quant aux parents; ils moururent et furent enterrés cinquante jours après.
Une femme mariée à un assassin ne pouvait accoucher : « Allez, dit-elle à sa soeur, invoquer pour moi Diane, notre déesse. » Le diable dit à celle qui l’invoquait: « Pourquoi t'adresser à moi qui ne saurais te secourir? Va plutôt trouver l’apôtre André qui pourra aider ta soeur ** »
Elle y alla, et mena l’apôtre chez sa soeur en danger de périr. Il lui dit: « Il est juste que tu souffres, car tu es mal mariée ; tu as conçu dans le mal, et tu as consulté les démons. Cependant repens-toi, crois en J.-C. et accouche. » Elle crut, et accoucha d'un avorton; puis sa douleur cessa.
* Abdias, Saint André, c. XII.
** Idem, Ibid., c. XXX.
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Un vieillard nommé Nicolas alla trouver l’apôtre et lui dit*: « Seigneur, depuis soixante-dix ans je vis esclave de passions infâmes. J'ai cependant reçu l’évangile, et ai prié pour que Dieu m’accordât la continence. Mais accoutumé à ce péché, et séduit par la concupiscence, je suis retourné à mes désordres habituels. Un jour que brûlant, de mauvais, désirs, j'avais oublié que je portais l’évangile sur moi, j'entrai dans une maison de débauche et la courtisane me dit aussitôt : « Sors, vieillard, sors, car tu es un ange de Dieu. Ne me touche pas et ne t'avise pas d'approcher; car je vois sur toi des prodiges. » Effrayé des paroles de cette femme, je me suis rappelé que j'avais apporté sur moi l’Évangile. Maintenant donc, saint de Dieu, obtenez mon salut par vos saintes prières. »
En l’entendant, le bienheureux André se mit à pleurer, et depuis tierce jusqu'à none. il pria. Se levant de sa prière, il ne voulut point manger, mais il dit : « Je ne mangerai point avant de savoir si le Seigneur aura pitié de ce vieillard. » Après cinq jours de jeûne, une voix se fit entendre à André et dit: « André, tu obtiens ce que tu sollicites pour ce vieillard, mais de même que tu t'es macéré par le jeûne aussi faut-il que pour être sauvé, lui aussi s'affaiblisse par les jeûnes. »
C'est ce que fit le vieillard en jeûnant pendant six mois au pain et à l’eau; après quoi, plein de bonnes oeuvres, il reposa en paix. Et une voix dit à André : « Par ta, prière, j'ai recouvré Nicolas que j'avais perdu. »
* Abdias, Saint André, c. XXXIII.
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Un jeune chrétien confia ce qui suit sous le plus grand secret à saint André*. « Ma mère, éblouie de ma beauté, me tenta pour une oeuvre illicite : comme je n'y consentais pas, elle alla trouver le juge, dans l’intention de faire peser sur moi l’énormité d'un tel crime: mais priez pour moi de peur que je ne meure injustement; car lors de l’accusation, je préférerai me taire et perdre la vie plutôt que déshonorer ainsi ma mère. » Le jeune homme est donc mandé cri justice : André l’y suit. La mère accusait positivement son fils d'avoir voulu la violer. Interrogé plusieurs fois si la chose s'était ainsi passée, le jeune homme ne répondit mot. André dit alors à cette mère « O la plus cruelle des femmes, de vouloir la perte de ton fils unique pour satisfaire ta débauche ! » La mère dit donc au juge : « Seigneur, voilà l’homme auquel s'est attaché mon fils après qu'il eût tenté de consommer son crime, sans pouvoir le commettre. » Alors le juge irrité condamna le jeune homme à être mis en un sac enduit de poix et de bitume, puis ensuite jeté dans la rivière ; et il ordonna de garder en prison André, jusqu'à ce qu'il eût trouvé un supplice pour le faire périr.
Mais à la prière d'André, un tonnerre horrible épouvanta les assistants, et un tremblement de terre les renversa tous, en même temps que la; femme, frappée de la foudre, était desséchée. Tous conjurèrent alors l’apôtre de ne pas les perdre. Il pria pour eux et le calme se fit. Le juge crut, ainsi que toute sa maison.
* Adias, Saint André, c. VI.
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Comme l’apôtre était à Nicée, les habitants lui dirent que sur le chemin qui menait à la ville, se trouvaient sept démons qui tuaient les passants*. L'apôtre les fit venir sous la forme de chiens devant le peuple et leur commanda d'aller où ils ne pourraient nuire à personne. Aussitôt ils disparurent. A cette vue, ces hommes reçurent la foi de J.-C. En arrivant à la porte d'une autre ville, l’apôtre rencontra le convoi d'un jeune homme qu'on portait en terre : et comme il s'informait de l’accident, il lui fut dit que sept chiens étaient venus et l’avaient fait mourir dans son lit. André se mit à pleurer et dit: « Je sais bien, Seigneur, que c'est le fait des démons que j'ai chassés de Nicée. » Et s'adressant au père : « Que me donneras-tu, lui demanda-t-il, si je ressuscite ton fils?» « C'est tout ce que je possédais de plus cher au monde, répondit le père, je te le donnerai.» L'apôtre fit une prière et ressuscita l’enfant qui s'attacha à lui.
Un, jour quarante hommes vinrent par mer trouver l’apôtre afin de recevoir de lui la doctrine de la foi, mais le diable excita une tempête, qui les engloutit tous. Leurs corps ayant été rejetés sur le rivage, furent portés à l’apôtre et tout aussitôt ressuscités. Ils racontèrent tout ce qui leur était arrivé.
De là vient qu'on lit dans une des hymnes de son office : « Il rendit à la vie.quarante personnes que les flots avaient englouties. » Maître Jean Beleth ** dit en traitant de la fête de saint André, qu'il avait le teint brun, la barbe épaisse et une petite taille.
* Abdias, Saint André, c. VII.
* Rationale, c. CLXIV,
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Or saint André resta en Achaïe, y fonda de nombreuses églises et convertit beaucoup de monde à la foi du Christ. Il instruisit même la femme du proconsul Egée et la régénéra dans les eaux sacrées du baptême. A cette nouvelle, Egée vient à Patras pour contraindre les chrétiens à sacrifier aux idoles. André alla a sa rencontre et lui dit : « Il fallait que toi qui as l’honneur d'être ici-bas le juge des hommes, tu connusses et ensuite tu honorasses ton juge qui est dans le ciel, après avoir renoncé en ton coeur aux faux dieux.*. » Égée lui répliqua : « C'est toi qui es André : tu enseignes les dogmes de cette secte superstitieuse que les empereurs romains viennent de prescrire d'exterminer. » « Les empereurs romains, dit André, n'ont pas encore appris que le Fils de Dieu, en venant sur la terre, a enseigné que les idoles sont des démons qui apprennent à offenser Dieu; en sorte qu'offensé par les hommes il détourne d'eux son visage, qu'irrité contre eux, il ne les exauce point, et qu'en ne les exauçant pas, ils sont les esclaves et le jouet du diable, jusqu'à ce que dépouillés de tout en sortant de leur corps, ils n'emportent avec eux rien d'autre que leurs péchés. » Egée : « Votre Jésus qui prêchait ces sottises a été attaché au gibet de la croix. André répartit : « C'est pour nous racheter et non pour des crimes, qu'il a bien voulu souffrir le supplice de la croix. » Égée : « Il a été livré par son disciple, pris par les Juifs et crucifié par les soldats ; comment donc peux-tu dire qu'il a souffert de plein gré le supplice de la croix! »
* Abdias, Saint André, c. XXVI..
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Alors André démontra par cinq raisons que Jésus-Christ avait souffert parce qu'il l’avait voulu. 1° Il a prévu et prédit sa passion à ses disciples, lorsqu'il dit : « Voici que nous allons à Jérusalem, etc... » 2° Quand saint Pierre voulut l’en détourner il s'indigna fortement et lui dit : « Va-t-en derrière moi; Satan, etc... » 3° Il a clairement annoncé qu'il avait le pouvoir et de souffrir et de ressusciter tout à la fois, lorsqu'il dit : « J'ai la puissance de quitter la vie et de la reprendre. » 4° Il a connu d'avance celui qui le trahissait, lorsqu'il lui donna du pain trempé, et cependant il ne se garda pas de lui. 5- Il choisit l’endroit où il savait que devait venir le traître. Lui-même assura avoir été témoin de chacun de ces faits ; il ajouta que c'était un grand mystère que celui de la croix. Égée répondit : « On rie saurait appeler mystère ce qui fut un supplice ; cependant si tu n'obtempères pas à mes ordres, je te ferai passer par l’épreuve du même mystère. » André : « Si j'étais épouvanté du supplice de la croix, je n'en proclamerais point la gloire. Or je veux t'apprendre ce mystère de la croix, peut-être qu'en le connaissant tu y croiras; tu l’adoreras et tu seras sauvé. » Alors il commença à lui dévoiler le mystère de la Rédemption et lui en prouva par cinq arguments la convenance et la nécessité. Le premier argument est que le premier homme ayant donné naissance à la mort par le bois, il était convenable que le second homme détruisît la mort en souffrant sur le bois. Le second, que le prévaricateur ayant été formé d'une terre immaculée, il était juste que le réconciliateur naquit d'une vierge immaculée.
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Le troisième, que Adam ayant étendu la main avec intempérance vers le fruit défendu, il seyait que le second Adam étendît sur la croix ses mains immaculées. Le quatrième, que Adam ayant goûté de l’arbre défendu un fruit agréable, il était convenable que le Christ, lorsqu'il fut abreuvé de fiel, détruisît le contraire par son contraire. Le cinquième est que, pour nous conférer son immortalité, il importait que le Christ prît avec lui notre mortalité : car si Dieu ne s'était fait mortel, l’homme ne fût pas devenu immortel. Alors Égée dit : « Va conter aux tiens ces rêveries, et obéis-moi en sacrifiant aux dieux tout-puissants. » « Chaque jour, répondit André, j'offre au Dieu tout-puissant l’agneau sans tache, et quand il a été mangé par tout le peuple, cet agneau reste vivant et entier. » Égée demandant comment cela pouvait-il se faire, André lui répondit de se mettre au nombre des disciples. Égée répliqua: « Avec des tourments, je saurai bien te faire expliquer la chose. » Et tout en colère, il le fit enfermer dans une prison. Le matin étant venu, il s'assit sur son tribunal et de nouveau il l’exhorta à sacrifier aux idoles. « Si tu ne m’obéis, lui dit-il, je te ferai suspendre à cette croix que tu as glorifiée. » Et comme il le menaçait de nombreux tourments, André répondit : « Invente tout ce qui te paraîtra de plus cruel en fait de supplice. Plus je serai constant à souffrir dans les tourments pour le nom de mon roi, plus je lui serai agréable.
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Alors Égée le fit fouetter par vingt hommes, et le fit lier ensuite à une croix par les mains et par les pieds afin qu'il souffrît plus longtemps. Et comme il était conduit à la croix, il se fit un grand concours de peuple qui disait : « Il est innocent et condamné sans preuves à verser son sang. » Cependant, l’apôtre pria cette foule de ne point s'opposer, à son martyre. Et quand André aperçut la croix de loin, il la salua en disant : « Salut, ô croix consacrée par le sang de J.-C., et décorée par chacun de ses membres comme avec dés pierres précieuses. Avant que le seigneur eût été élevé sur toi, tu étais un sujet d'effroi pour la terre; maintenant en procurant l’amour du ciel, tu es l’objet de tous les désirs. Plein de sincérité et de joie, je viens à toi afin de te procurer la joie de recevoir en moi un disciple de celui qui a été pendu sur toi. En effet toujours je t'ai aimée et ai désiré t'embrasser. O bonne croix 1 qui as reçu gloire et beauté des membres du Seigneur. Toi que j'ai longtemps désirée, que j'ai aimée avec. sollicitude, que j'ai recherchée sans relâche et qui enfin es préparée à mon âme désireuse, reçois-moi du milieu des hommes, et me rends à mon maître afin qu'il me reçoive par toi, lui qui par toi m’a racheté. »
En disant ces mots, il se dépouilla de ses vêtements qu'il donna aux bourreaux. Alors ceux-ci le suspendirent à la croix, comme il leur avait été prescrit. Pendant deux jours qu'il y vécût, il prêcha à vingt mille hommes qui l’entouraient. Cette foule menaçait Égée de le faire mourir, en disant qu'un saint doux et pieux ne devait pas ainsi périr; Egée vint pour le délivrer. A sa vue André lui dit:
« Pourquoi viens-tu vers nous? Si c'est pour demander pardon, tu l’obtiendras; mais si c'est pour me détacher, sache que je ne descendrai pas vivant de la croix. Déjà en effet je vois mon roi qui m’attend. » Et comme on voulait le délier, on ne put y parvenir, parce que les bras de ceux qui essayaient de le faire devenaient paralysés.
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Pour André, comme il voyait que le peuple le voulait délivrer, il fit cette prière sur la croix, comme la rapporte saint Augustin en son livre de la Pénitence. « Ne permettez pas, Seigneur, que je descende vivant, il est temps que vous confiiez mon corps à la terre, car tant que je l’ai porté, tant j'ai veillé à sa garde ; j'ai travaillé à vouloir être délivré de ce soin, et à être dépouillé de ce très épais vêtement. Je sais combien je l’ai trouvé lourd à porter, redoutable à vaincre, paresseux à enflammer et prompt à faiblir. Vous savez, Seigneur, combien il était porté à m’arracher aux pures contemplations ; combien il s'efforçait de me tirer du sommeil de votre charmant repos. Toutes et maintes fois il me fit souffrir de douleur. Chaque fois que je l’ai pu, Père débonnaire, j'ai résisté en combattant et j'ai vaincu avec votre aide. C'est à vous, juste et pieux rémunérateur, que je demande de ne plus me confier à ce corps: mais, je vous rends ce dépôt. Confiez-le à un autre, et ne m’opposez plus par lui d'obstacles. Qu'il soit conservé et rendu à la résurrection, afin que vous retiriez honneur de ses oeuvres. Confiez-le à la terre afin de ne plus veiller, afin qu'il ne m’empêche pas de tendre avec ardeur et librement vers vous qui êtes la source d'une vie de joie intarissable. » (Saint Augustin, De vexa et falsa poenit., c. VIII).
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Après ces paroles, une lumière éclatante venue du ciel l’entoura pendant une demi-heure, en sorte que personne ne pouvait fixer sur lui les yeux ; et cette lumière disparaissant, il rendit en même temps l’esprit. Maximilla, l’épouse d'Egée, prit le corps du saint apôtre et l’ensevelit avec honneur *. Quant à Egée, avant d'être rentré dans sa maison, il fut saisi par le démon et à la vue de tous il expira sur le chemin. On dit ** que du tombeau de saint André découle une manne semblable à de la farine et une huile odoriférante. Les habitants du pays en tirent un présage pour la récolte : car si ce qui coule est en petite quantité, la récolte sera peu-considérable, s'il en coule beaucoup, elle sera abondante. Peut-être qu'il en a été ainsi autrefois, mais aujourd'hui on prétend que son corps a été transporté à Constantinople.
Un évêque, qui menait une vie sainte, avait une vénération particulière pour saint André, en sorte qu'à chacun de ses ouvrages, il mettait en tête : « A l’honneur de Dieu et de saint André. » Or jaloux de la sainteté de ce personnage, l’antique ennemi, pour le séduire, après avoir employé toutes sortes de ruses, prit la forme d'une femme, merveilleusement belle. Elle vint au palais de l’évêque sous prétexte de vouloir se confesser à lui. Sur l’ordre de l’évêque de l’adresser à son pénitencier qui avait tous ses pouvoirs, elle répondit qu'elle ne révélera à nul autre qu'à lui les secrets de sa conscience. Le Prélat touché la fait entrer.
* Bréviaire romain.
** Saint Grégoire de Tours, ubi supra.
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« Je vous en conjure, Seigneur; lui dit-elle, ayez pitié de moi : car jeune encore, ainsi que vous le voyez, élevée dans les délices dès mon enfance, issue même de race royale, je suis venue seule ici sous l’habit des pèlerins. Le roi mon père, prince très puissant, voulant me marier à un grand personnage; je lui ai répondu quej'avais en horreur le lien du mariage, puisque j'ai consacré ma virginité pour toujours à J.-C. et qu'en conséquence je ne pourrais jamais consentir à la perdre. Pressée d'obéir à ses ordres, ou de subir sur la terre différents supplices, je pris secrètement la fuite, préférant m’exiler que de violer la foi jurée à mon époux. La renommée de votre sainteté étant parvenue à mes oreilles, je me suis réfugiée sous les ailes de votre protection, dans l’espoir de trouver auprès de vous un lieu de repos où je puisse jouir en secret des douceurs de la contemplation, me sauver des naufrages de la vie présente, enfuir le bruit et les agitations du monde. »
Plein d'admiration pour la noblesse de sa race, la beauté de sa personne, sa grande ferveur, et l’élégance remarquable de ses paroles, l’évêque lui répondit avec bonté et douceur « Soyez tranquille, ma fille; ne craignez point, car celui pour l’amour duquel vous avez méprisé avec tant de courage et vous-même, et vos parents et vos biens, vous accordera, pour ce sacrifice, le comble de la grâce en cette vie et la plénitude de la gloire en l’autre. Aussi moi qui suis son serviteur, je m’offre à vous avec ce qui m’appartient: choisissez l’appartement qu'il vous plaira, et je veux qu'aujourd'hui vous mangiez avec moi. »
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« Veuillez, ah! veuillez, dit-elle, mon Père, ne pas exiger cela de moi, de peur d'éveiller quelque mauvais soupçon et de porter quelque atteinte à l’éclat de votre réputation. » « Nous serons plusieurs, lui répondit l’évêque, nous ne serons pas seuls, et ainsi il n'y aura pas lieu de fournir en quoi que ce soit l’apparence à mauvais soupçon. » Les convives se mirent à table, l’évêque se plaça en face de la dame et les autres de l’un et de l’autre côté. L'évêque eut beaucoup d'attention pour cette femme ; il ne cessa de la regarder et d'en admirer la beauté. Pendant qu'il a les yeux fixés ainsi, son âme est atteinte, et tandis qu'il ne cesse de la regarder, l’antique ennemi lance contre son coeur uné flèche acérée. Le Diable, qui tenait compte de tout, se mit à augmenter de plus en plus sa beauté.
Déjà l’évêque était sur le point de. donner son consentement à la tentation de commettre avec cette personne une action criminelle dès que la possibilité s'en présenterait, quand tout à coup un pèlerin vient heurter à la porte avec violence, demandant à grands cris qu'on lui ouvre. Comme on s'y refusait et que le pèlerin devenait importun par ses clameurs et ses coups répétés, l’évêque demande à la femme si elle voulait recevoir ce pèlerin. « Qu'on lui propose, dit-elle, quelque question difficile ; s'il sait la résoudre, qu'on l’introduise; s'il ne le peut, qu'on l’éloigne, comme un ignorant, et comme une personne indigne de paraître devant l’évêque. » On applaudit à la proposition, et l’on se demande qui sera capable de poser la question. Et comme on ne trouvait personne : «Quelle autre, madame, reprit l’évêque, peut mieux poser la question que vous qui l’emportez sur nous autres en éloquence et dont la sagesse brille au-dessus de la nôtre à tous? Proposez donc vous-même une question. »
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« Qu'on lui demande, dit-elle, ce que Dieu a fait de plus merveilleux dans une petite chose. » Le pèlerin auquel un messager porta la question répondit: « C'est la variété et l’excellence du visage. Parmi tant d'hommes qui ont existé depuis le commencement du monde, et qui existeront dans l’avenir, on n'en saurait rencontrer deux dont les visages soient semblables en tout point, et cependant, dans une si petite figure, Dieu a placé tous les sens du corps. » En entendant cette réponse on s'écria avec admiration : « C'est vraiment une excellente solution à la demande. » Alors la dame dit : « Qu'on lui en propose une seconde plus difficile qui mette sa science à meilleure épreuve :
« Qu'on lui demande où la terre est plus, haute que le ciel tout entier. » Le pèlerin interrogé répondit: « Dans le ciel empyrée, où réside le corps. de J.-C. Le corps du Christ en effet, qui est plus élevé que tout le ciel, est formé de notre chair; or notre chair est une portion de la substance de la terre: comme donc le corps du Christ est au dessus de tous les cieux, et qu'il tire son origine de notre chair, que notre chair est formée de la terre, il est donc constant que là où le corps de J.-C. réside, là certainement la terre est plus élevée que le. ciel. » L'envoyé rapporte la réponse du pèlerin, et tous d'approuver cette solution merveilleuse et d'en louer hautementla sagesse. Alors la femme dit encore : « Qu'on lui pose de nouveau une troisième question très grave, compliquée, difficile à résoudre, obscure, afin que, pour la troisième fois, il soit prouvé qu'il est digne à juste titre d'être admis à la table de l’évêque.
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Demandez-lui quelle distance il y a de la terre au ciel. » Le pèlerin répondit à l’envoyé qui lui portait la question: « Allez le demander à celui-là même qui' a posé la demande. Il le sait certainement et il pourra répondre mieux que je ne le ferais ; car lui-même a mesuré cette distance, quand du ciel il est tombé dans l’abîme; pour moi je ne suis jamais tombé du ciel et n'ai jamais mesuré cet espace. Car ce n'est pas une femme, mais le diable qui s'est caché sous la ressemblance d'une femme. » A ces paroles le messager fut pâmé, et répéta devant tous les convives ce qu'il avait entendu. Tandis que l’étonnement et la stupeur ont saisi les convives, le vieil ennemi a disparu.
L'évêque, rentrant en lui-même, se reprochait amèrement sa conduite et demandait avec lamentations le pardon de la faute qu'il avait commise. Il envoya aussitôt pour qu'on introduisît le pèlerin, mais on ne lé trouva plus. L'évêque convoqua le peuple, lui exposa de point en point ce qui s'était passé, et commanda des jeûnes et des prières pour que le Seigneur daignât révéler quel était ce pèlerin qui l’avait sauvé de si grand péril. Et cette nuit-là même, il fut révélé à l’évêque que c'était saint André qui, pour le délivrer, avait pris l’extérieur d'un pèlerin. L'évêque redoubla de dévotion envers le saint apôtre et il ne cessa de donner des preuves de sa vénération pour lui.
Le prévôt d'une ville* s'était emparé d'un champ de saint André, et par les prières de l’évêque, il en fut puni de très fortes fièvres. Il alla trouver le prélat, le conjurant d'intercéder en sa faveur et lui promit de restituer le champ. Mais après sa guérison obtenue par l’intercession du pontife, il reprit une seconde fois la: terre.
* D'après saint Grégoire de Tours, De gloria nnartyrum, l. I, c. LXXIX, cet homme était Gomacharus, comte de la ville d'Agde, vers la fin du VIe siècle.
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Alors l’évêque se mit en prières et brisa toutes les lampes de l’église, eu disant: « Qu'on n'allume plus ces lumières, jusqu'à ce que le Seigneur se venge lui-même de son ennemi, et que l’église recouvre ce qu'elle a perdu. » Et voilà que le prévôt eut encore de très fortes fièvres; il envoya alors demander à l’évêque de prier pour lui, l’assurant qu'il rendrait son champ, et en surplus un autre de la même valeur. Comme l’évêque lui faisait répondre toujours : « J'ai déjà prié, et Dieu m’a exaucé» le prévôt se fit porter chez le prélat et le força d'entrer dans l’église pour prier.
A l’instant où l’évêque entre dans l’église, le prévôt meurt subitement et le champ est restitué à l’église.