(Photo Alain Mauranne) |
LE POÊLE ALCHIMIQUE DE WINTERTHUR
(Un "livre muet" en dix-huit tableaux, ci-après)
Cité à deux reprises par Fulcanelli dans ses "Demeures philosophales", ce poêle, conçu et réalisé au XVIIIème siècle par un maître-artisan de la dynastie des Pfau et actuellement visible au Musée Lindengut de Winterthur (Suisse), ce poêle donc présente une série de scènes évocatrices des opérations alchimiques. Le nom du commanditaire de ces scènes ne nous est pas parvenu.
Voici les deux extraits des "Demeures philosophales" :
Extrait 1 :
De Cyrano Bergerac met en scène deux êtres fantastiques, figurant les principes Soufre et Mercure, issus des quatre éléments primaires : la Salamandre sulfureuse, qui se plaît au milieu des flammes, symbolise l’air et le feu dont le soufre possède la sécheresse et l’ardeur ignée, et la Remore (aujourd’hui le Rémora), champion mercuriel, héritier de la terre et de l’eau par ses qualités froides et humides. Ces noms sont choisis tout exprès et ne doivent rien au caprice ni à la fantaisie. Σαλαμάνδρα, en grec, apparaît formé de σαλ, anagramme de ἅλς, sel, et de μάνδρα, étable ; c’est le sel d’étable, le sel d’urine des nitrières artificielles, le salpêtre des vieux spagyristes, – sal petri, sel de pierre, – qu’ils désignaient encore sous l’épithète de Dragon. Remore, en grec Ἐχενηΐς, est ce fameux poisson qui passait pour arrêter (selon certains) ou diriger (selon d’autres) les vaisseaux naviguant sur les mers boréales, soumises à l’influence de l’Étoile du nord. C’est l’échénéis dont parle le Cosmopolite, le dauphin royal que les personnages du Mutus Liber s’évertuent à capturer, celui que représente le poêle alchimique de P. F. Pfau, au musée de Winterthur (canton de Zurich, Suisse), le même qui accompagne et pilote, sur le bas-relief ornant la fontaine du Vertbois, le navire chargé d’une énorme pierre taillée. L’échénéis, c’est le pilote de l’onde vive, notre mercure, l’ami fidèle de l’alchimiste, celui qui doit absorber le feu secret, l’énergie ignée de la salamandre, et, enfin, demeurer stable, permanent, toujours victorieux sous la sauvegarde et avec la protection de son maître. Ces deux principes, de nature et de tendances contraires, de complexion opposée, manifestent l’un pour l’autre une antipathie, une aversion irréductibles. Mis en présence, ils s’attaquent furieusement, se défendent avec âpreté, et le combat, sans trêve ni merci, ne cesse que par la mort d’un des antagonistes. Tel est le duel ésotérique, effroyable mais réel, que l’illustre de Cyrano nous raconte en ces termes.
Extrait 2 :
Comme emblème de la matière première, la ruche se rencontre souvent dans les décorations empruntant leurs éléments à la science d’Hermès. Nous l’avons vue sur le plafond de l’hôtel Lallemant et parmi les panneaux du poêle alchimique de Winterthur. Elle occupe encore l’une des cases du jeu de l’Oie, labyrinthe populaire de l’Art sacré, et recueil des principaux hiéroglyphes du Grand-Œuvre.
(Ces deux explications figurent également, à peu près à l'identique, dans Le Mystère des Cathédrales, du même Fulcanelli).
(Photo Alain Mauranne) |
Eugène Canseliet, dans son Etude historique précédant "Le Livre des Figures Hiéroglyphiques" de Nicolas Flamel (Collection Bibliotheca Hermetica, S.G.P.P. Denoël, 1970), évoque à son tour le poêle alchimique de Winterthur :
Ajoutons, maintenant, ce que Flamel et notre maître n’ont pas dit et qui découle des opérations par voie sèche au laboratoire. C’est au cours de la partie médiane de l’élaboration philosophale, c’est-à-dire du second oeuvre, que l’universelle immolation se produit. Les Innocents sont saisis, un à un, en surface, à la manière du pêcheur ferrant les poissons à la ligne.
C’est ici le lieu qu’on se penche sur l’image du poêle alchimique de Winterthur, puis, en particulier, sur celle du Mutus Liber, où le couple parfait, renouvelé de Nicolas et de Pérennelle, pêche, à la ligne, le royal Dauphin.
On notera encore, de Canseliet toujours, la présence de quelques aperçus au sujet du poêle de Winterthur dans L'Alchimie et son Livre Muet, notamment la note en bas de page pour la planche X du Mutus Liber :
Sur le poêle alchimique de Pfau, à Winterthur, l'allégorie est proche de celle donnée par Basile Valentin. Le gentilhomme, confortablement assis en face de l'objectif à atteindre, est occupé à tendre son arbalète avec l'aide du pied de biche. Un deuxième personnage, non loin, courbe une sorte de baliveau, afin de vérifier la flexibilité indispensable pour l'arc qu'il souhaite fabriquer.
(Photo Alain Mauranne) |
Les dix-huit tableaux alchimiques
Voir aussi, de Jean Laplace, Le Poêle Alchimique de Winterthur et le Feu des Sages.
(Ed. d’art Jean Marc Savary, Carcassonne, en 1992, ou Ed. Liber Mirabilis en 2000).