LA TRINITÉ
Jules Doinel
« Tous ceux en tout cas qui ont la moindre parcelle de sagesse, quand ils sont sur le point d’entreprendre une affaire, grande ou petite, invoquent toujours une divinité, n’est-ce pas ? Or nous, qui nous apprêtons à discourir sur l’univers d’une certaine manière, selon qu’il fut engendré ou encore pour dire qu’il n’est pas engendré, nous devons, à moins d’être tout à fait égarés, appeler à l’aide dieux et déesses et les prier de faire que tout ce que nous dirons soit avant tout conforme à leur pensée, et par conséquent satisfaisant pour nous. »
Le Timée, Platon
Je définirai la Trinité pour commencer par une tri-unité, c’est-à-dire une unité composée de trois termes formant une nouvelle unité : un ternaire.
Le ternaire est un cycle achevé qui comporte trois temps. Il est symbolisé par le nombre Trois qui contient Un + Deux et par le triangle qui contient trois droites chacune composée de points.
Si j’utilise ces symboles, c’est parce qu’ils nous permettent de saisir ce que l’homme par définition ne peut comprendre en totalité. Ils sont les outils les plus puissants que l’esprit humain possède pour s’approcher des plus profonds mystères. Chacun de ses outils a son modèle analogique propre qu’il ne faut pas adapter à un autre outil.
Ici je prends le triangle qui est la première figure géométrique que l’on puisse dessiner en dehors du cercle qui lui compose toute figure puisque je l’assimile au point. Par analogie, j’en déduis que le ternaire est le premier cycle achevé de la manifestation divine.
Pour me figurer Dieu, j’utilise alors l’unité mathématique ou le point en géométrie. J’en déduis que l’Un compose tous les nombres, que le point compose toute figure. Par analogie, Dieu est l’Un, le principe Premier Originel contenant toute chose en puissance. Mais cette analogie est insuffisante à nous montrer que Un est tout avant même son extériorisation. Pour saisir cela, je compare la notion du temps et de l’éternité.
Le temps est composé d’instants se succédant alors que l’éternité contient tous les instants. Mais là aussi apparaît une limite qui est l’impossibilité de nous figurer quelque chose hors du temps. Voilà le problème : nous devons penser l’indéfinissable par rapport à ce qui peut nous être connu. Dieu, est par rapport à sa manifestation ce que le temps est à l’éternité. Tout est là. C’est la modalité de son extériorisation qui changera par rapport à des étapes ontologiques.
La première manifestation de Dieu est le Verbe.
Comment passe-t-on du Un au Deux ? En ajoutant Un.
Comment passe-t-on du point à la droite ? En superposant une infinité de points.
Cela n’est pas d’une très grande aide pour comprendre comment le Père devient le Fils. Je préfère le penser comme le passage du Même, de l’Immuable à l’Autre, au Mouvement. Tout est Un, il contient toute chose, il est l’infini au repos, c’est par opposition que le repos devient mouvement, que l’Un devient Deux. Le Verbe, symbolisé par le Deux, est la puissance infinie de vie en action dont tout va découler.
Mais le deuxième terme du Ternaire divin est opposition au Un, il est un cycle ouvert nécessitant un réceptacle fixe pour s’actualiser.
Ce réceptacle est le Saint-Esprit qui concilie le feu des opposés. Pourquoi j’utilise le terme de feu ? Parce que je pense qu’il symbolise parfaitement la puissance à l’état pur qui était Une au départ et qui s’est confronté à elle-même pour permettre à la vie d’être. Il est important de souligner que l’Immuabilité de l’Un n’est pas un état passif, mais au contraire l’état actif par excellence. Quand deux termes s’opposent, une unité intermédiaire se crée. Cette unité intermédiaire est le Ternaire divin achevé par le Saint-Esprit. Je pense qu’il contient en lui le passage en acte de la Création en puissance, car il est le réceptacle qui concentre en lui deux puissances infinies opposées : celle du Père et du Fils qui donnent un état équilibré apte à structurer un nouveau cycle distinct du Premier Ternaire. La Kabbale figure très bien cela : Iod – Hé – Vav – Hé : le tétragramme divin est représenté par un ternaire s’ouvrant sur un autre plan figuré par le second Hé. Ce plan tire son origine de la puissance de Vie Universelle, du Verbe qui a vu sa puissance focalisée par le Saint-Esprit.