WIRTH La Chaîne d'Union




OSWALD WIRTH

La Chaîne d'Union


Article paru dans la revue "Le Symbolisme"
(Octobre 1912)


En Allemagne, les travaux maç:. se terminent invariablement par la formation de la Chaîne d'Union, symbole de concorde et d'amour fraternel. Nul Maçon présent ne saurait être exclu de cette Chaîne, qui a pour objet de rendre sensible l'idée de l'universalité de notre Ordre et de la solidarité qui relie tous ses Membres.

Dans ces conditions, un F:. allemand a été doulou­reusement surpris d'être invité à se retirer au moment ou les Membres d'une Loge de Paris s'apprêtaient à former la Chaîne. Il s'est cru repoussé en sa qualité d'étranger, et, comme il relève d'une Grande Loge en relations officielles avec le Grand Orient de France, il a fait demander à ce sujet des explications aux autorités de son Obédience.

Se doutant bien qu'il ne pouvait s'agir que d'un malentendu, le G:. M:. adjoint de la G:. L:. en question m'a demandé de lui fournir officieusement les éclaircissements nécessaires.

Il m'a été très facile de lui donner satisfaction, en lui expliquant que la Chaîne d'Union ne se forme, chez nous, que deux fois par an, en vue de la communication du mot du semestre, auquel n'ont droit que les Membres actifs de l'Atelier. Tous les FF:. visiteurs, indistinctement, qu'ils soient étrangers ou nationaux, se trouvent ainsi écartés de cette Chaîne, qui n'a plus rien de la signification qu'on lui attribue en Allemagne.

La morale de cet incident, qui se trouve clos par l'entrefilet explicatif paru dans la Bauhütte du 24 août dernier, c'est que nous devrions mieux connaître la Maçonnerie. Nous ne pratiquons pas partout identique­ment les mêmes rites,  ce qui est regrettable, mais fatal, l'uniformité absolue étant d'une réalisation à peu près impossible. La diversité répond, d'ailleurs, à des néces­sités d'adaptation et d'évolution. Mais, pour qu'elle ne soit pas préjudiciable, il faut qu'elle ne dépasse pas certaines limites, et qu'elle ait comme correctif une connaissance suffisante des usages maçonniques particuliers aux différents pays.

Nous profiterons de toutes les circonstances qui se présenteront pour éclairer nos FF:. à ce sujet.

Il est, d'ailleurs, une Loge, au moins, à Paris, dont les Membres ne se séparent jamais sans avoir formé la Chaîne d'Union. C'est la L:. n° 137, Travail et Vrais Amis Fidèles, Atelier qui s'est fait une spécialité de l'étude de nos rites et de nos traditions. Cette étude lui a fait envisager la Chaîne d'Union comme un rite obligatoire, moins en raison de sa signification symbolique, qu'en vertu de son efficacité agissante.

Tout Atelier, en effet, doit viser à l'action ; la contemplation stérile serait indigue d'un Ouvrier-Maçon, constructeur d'une Société humaine meilleure, et, par suite, agent transformateur du monde.

Donc, il faut travailler, et cela maçonniquement, avec les outils spirituels dont le maniement nous est enseigné par l'initiation. Cela veut dire qu'il faut savoir mettre en œuvre les énergies psychiques, non seulement individuelles, mais encore collectives.

Un homme qui, isolément, sait concentrer sa pensée et discipliner sa volonté, devient une personnalité puissante, dont l'influence  s'exerce immanquablement sur son entourage. Supposons, maintenant, que des hommes entraînés à penser et à vouloir, s'associent étroitement pour synthétiser leurs énergies, pour les fusionner en un faisceau unique. Quelle sera l'influence occulte ou télépathique susceptible d'être exercée par une pareille association d'Initiés ?

Dans ces conditions, la Chaîne d'Union est un magnifique symbole, sans doute ; mais elle est, en plus, un moyen de réalisation. Si la Maçonnerie est puissante, c'est que les Maçons font la chaîne, même inconsciemment. Qu'obtiendrons-nous donc quand nous possèderons pleinement un Art que nous pratiquerons en pleine connaissance de toutes ses règles et de toutes ses ressources ?



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