Charles Fourier
“Fausseté des amours civilisés”.
Table des matières
- Le développement visible de l’amour : 64 espèces d’adultères.
— L’inconstance universelle et secrète
— Les affections réduites au plus faible essor parmi nous
- Analyse et disgrâce légale de l'élément spirituel ou pur amour de sentiment
- Exclusion forcée des sentiments en civilisation
— L’opinion, l’État et la religion proscrivent le pur amour
- Analyse et triomphe de l'élément matériel ou amour brut
— Le mariage, contrainte la plus notoire : stupre, viol manifeste
— Le monde à rebours
— La privation du nécessaire sensuel dégrade le sentiment
— L’amour, comme un torrent entravé, rompt toute proportion
- Amorces et charmes du lien angélique
— La liberté d’harmonie et les modes nouveaux de l’amour
— Les trônes d’harmonie, leviers du sentiment transcendant.
- Hiérarchie du cocuage (Tableau)
Si l'on veut acquérir des notions régulières sur cette passion de l'amour objet de tant de divagations, il faut envisager l'ensemble de ses développements visibles sans acception de légalité ou illégalité. Que l'adultère soit licite ou illicite il n'est pas moins certain qu'il existe, qu'il s'exerce en grand détail et tellement que j'en donnerai dans la sixième partie un tableau analytique très étendu contenant 64 espèces d'adultères ou cocuages bien connues et distribués en clavier régulier *.
Au moyen de ce tableau et des détails y annexés, l'existence et l'influence du cocuage seront démontrées irrésistiblement, et nous pouvons par anticipation en conclure qu'il est absurde de ne pas tenir compte de ce genre d'amour en politique spéculative. Il n'est pas moins ridicule de vouloir attribuer de l'influence à ceux qui n'en ont aucune, tel que le pur amour ou sentimental simple.
Nous aurons a ce sujet une plaisante vérité à démontrer. C'est que le système légal des amours en civilisation n'est autre chose qu'une absurdité comique par laquelle on proscrit d'une part le germe noble ou pur sentiment ; d'autre part, on assure indirec¬tement le triomphe du germe ignoble ou amour matériel ; en travestissant ainsi les 2 éléments de l'amour on ne peut en former que des composés de la plus insigne fausseté. Aussi le système composé se réduit-il parmi nous aux 2 genres les plus abjects savoir : l'amour égoïste ou exclusif et la polygamie furtive dite cocuage ou adultère.
L'inconstance universelle et secrète
Une preuve que ces deux modes d'amour ne sont nullement suffisants à satisfaire le cœur et l'imagination c'est que chacun veut les cumuler quoique leur assemblage soit réputé de toutes voix, criminel et odieux. Chacun penche pour l'infidélité et rien n'est plus rare que la constance chez ceux qui ont les occasions d'y manquer. Ils deviennent tous bigames dès qu'ils se croient assurés du secret et exigent pourtant la constance de leur conjoint à qui ils font mystère de l'infraction commise ; c'est cumuler les 2 genres 3 et 4 et telle est parmi nous la conduite de tous les individus libres et jeunes et pourvus des moyens de succès. Tout n'est qu'égoïsme et fausseté dans les 2 méthodes d'amour civilise et en admettant l'amour comme passion toute divine, il en résulte que nous n'avons su tirer du germe tout divin que les effets les plus opposés à l'esprit de Dieu, au règne de la vérité et à l'extension des liens affectueux.
Les affections réduites au plus faible essor parmi nous
Ce n'est pas seulement l'amour ; ce sont les 4 affections * qui sont réduites parmi nous au plus faible essor; on a pour règle en civilisation de se limiter à un petit nombre d'amis tandis que l'harmonie excite chacun à multiplier sans borne ses liaisons amicales dont il n'y a jamais aucune perfidie à redouter; l'ordre actuel opère de même en lien de famille, le mariage exclusif réduit au terme le plus limité le lien qui dans l'harmonie s'étendra à la majorité d'un canton. Notre état social restreint de même au minimum et souvent à rien les associations qui dans l'harmonie comprendra (sic) pour le seul travail domestique un tourbillon entier. C'est donner en tout sens le résultat contradictoire avec l'esprit de Dieu qui tend au lien général. Nous allons observer dans le système d'amour civilisé cet esprit anti-divin tout favorable à l'égoïs¬me et a la fausseté et à l'entrave des affections.
Il convient d'analyser ce honteux résultat pour nous bien convaincre que nous sommes au superlatif du vice et que si nous voulons arriver au bien la voie la plus sûre sera de procéder en contresens méthodique du système actuel qui nous a conduit à tant de dépravation et d'absurdité sociale.
Analyse et disgrâce légale de l'élément spirituel
ou pur amour de sentiment.
Autant il est certain que Dieu est supérieur a la matière, quoiqu'elle tienne rang avec lui pan-ni les 3 principes de l'univers, autant il est évident que le sentiment ou principe spirituel de l'amour est supérieur au principe matériel ou cynisme, tactisme, lubricité, concupiscence, etc. Le premier rang est si bien déféré au sentiment qu'un amant tant soit peu délicat n'oserait pas afficher d'emblée des vues purement matérielles, il croirait avilir une femme en lui donnant à entendre qu'elle n'inspire que des goûts sensuels. Ce serait un début bon tout au plus avec une prostituée ; aussi est-ce toujours le sentiment qu'on met d'abord en jeu, ne fut-ce que par mascarades ; c'est assez avouer qu'il a le pas dans tous les esprits, dans toutes les liaisons décentes, mais quel est son rang en réalité ? Aucun; il n'a qu'une fumée de . Rien de plus beau, de plus touchant que notre étalage moral en faveur du sentiment. Je compare ce pathos aux précis (?) ministérielles (sic) de certains royaumes où le souverain à chaque ligne de ses édits se pâme de tendresse pour les peuples, eh quel est le but de cette effusion sentimentale ? vider la bourse du pauvre peuple; il n'en est pas de mieux pressurés que ceux qu'un tendre père adore à chaque ligne de ses procla¬mations ; c'est ainsi que la législation et la philosophie traitent le pauvre sentiment. On le divinise en apparence ; on le bannit en réalité.
D'abord il est absolument proscrit chez les femmes non mariées ; un père ne veut tolérer chez sa fille aucun amour quelque pure que semble la flamme, il veut qu'on l'étouffe de peur de rebuter les acheteurs qui viendront marchander la jeune personne et qui exigeront que le cœur soit neuf et intact, ainsi que le corps. Essayez de dire à Dorante qui vient demander votre fille en mariage : « c'est une fille qui sait aimer avec une pureté angélique ; elle adore Léandre ; ils se jurent chaque jour un amour éternel, mais ce n'est que le pur sentiment, les chastes ardeurs dignes du siècle d'Astree ». Vous verrez sur cette pureté sentimentale grimacer maître Dorante qui en trouvera de fâcheux augures pour l'honneur de son front. On ne peut donc point per¬mettre le pur sentiment aux jeunes filles et tel est le thème de tous les pères. Continuons et nous le verrons partout banni ou persécuté.
Si dans certaines familles de mœurs relâchées on permet au sentiment quelque essor avant le mariage, Dieu sait ce qu'il en arrive ; l'amant aujourd'hui parle au cœur, demain aux sens et toujours avec succès. Notre système social cause chez toutes les jeunes femmes une irritation secrète, un esprit de rébellion cachée qui s'attise dans leurs conciliabules. Le régime civilisé n'offre aux jeunes filles pudiques aucune chance de gloire et de grandeur comme le Vestalat d'harmonie, aucune récompense brillante et assurée qui puisse maintenir le sentiment dans son intégrité pour un temps limité et balancer l'aiguillon sensuel par des triomphes éclatants, promis à la pudeur temporaire par les distractions actives d'une industrie attrayante, variée et cabalis¬tique. Il arrive que les privations auxquelles il astreint la jeune fille ne sont compensées en aucun sens ; le sentiment pur n'a aucun point d'appui, aucun but fixe, aussi n'existe-t-il qu'en mascarade quoique affiché partout chez les femmes.
Quant aux hommes, on voit force champions des beaux sentiments, mais il est avéré qu'ils sont d'effrontés menteurs. Les pères, les maris, loin d'ajouter foi à leur religion, redoublent de défiance et de précaution en voyant le progrès de ces flammes toutes sentimentales ; c'est assez prouver qu'ils connaissent le fin mot de la mascarade et que personne ne croit a l'existence du pur sentiment dégage de toute prétention a la jouissance.
Sans doute on en trouve quelques levains et parfois de fortes impressions dans les caractères de haut titre pourvus d'autres amours et pouvant donner quelque à la Céladonie, mais ils sont si peu nombreux que la masse fort étrangère à ce genre d'affection ne peut pas y ajouter foi, de sorte que les apparitions très rares du pur sentiment ne sont pour lui qu'un germe de proscription et de huées, et celui même qui le ressent bien sincèrement, ne doit s'offenser ni de l'incrédulité générale ni des quolibets ; il doit savoir que cette question délicate est trop rare et trop singée par les intrigants pour qu'il soit sage d'ajouter foi aux apparences même les plus spécieuses.
D'ailleurs ceux qui se croient animés du pur amour en sont prodigieusement éloignés et les 99/10W se mentent à eux-mêmes en se persuadant que leur flamme est pure; en effet l'amant le plus respectueux dans les débuts a toujours en arrière-pensée quelque désir matériel. Si on lui apprend que sa belle favorise en secret un autre poursuivant, il ressentira de la jalousie en dépit de sa pudique ardeur ; il tient donc aux plaisirs matériels en croyant être tout entier au sentimental.
Citera-t-on celui qui soupire pour une femme mariée sachant fort bien qu'elle se livre à son époux et n'obtenant rien d'elle, mais du moins il désire, il espère s'élever au rang de suppléant; il n'a donc pas l'amour sentimental pur et dégagé de toutes vues matérielles et pour preuve, si cet amant si désintéressé à l'en croire découvre que la dame, outre son mari a un amant favorise en secret, il ne se bornera plus aux flammes épurées et désirera obtenir ce qu'un autre obtient. Ce ne sera plus là le sentiment pur que nul désir ne doit altérer puisque la moindre altération de matériel transforme le sentiment et l'élevé du degré d'amour simple à celui d'amour composé en expectative et réunissant les 2 amours élémentaires.
Le pur sentiment n'existe pas mieux chez un ex-possesseur qui voit sans jalousie son ancienne maîtresse favoriser un ou plusieurs hommes et qui sans être du nombre, continue à être courtois et dévoué près d'elle. Ce genre d'amour est un compose dégénéré et tombe en phase simple. Ici le lien n'est pas exempt du feu matériel puisqu'il en est rassasié et ce courtisan est tout imbu des souvenirs du plaisir sensuel dont cette passion désintéressée est une gratitude. Un tel amour est comme un figuier dont le fruit est déjà cueilli et qui ne conserve que ses feuilles. Peut-on dire qu'il ne soit pas arbre à figues en pleine fructification ? Dans le même sens l'époque où une passion décline et perd quelques attributs ne constitue pas une passion distincte, mais une phase de passion.
Exclusion forcée
des sentiments
en civilisation.
En traitant l'amour polygame qui est, dit Molière, un cas pendable, et de l'amour omnigame ou orgie qui est plus pendable encore selon la loi civilisée, il paraîtra surprenant que j'établisse par pur sentiment, extrême se touchant.
Bref la Céladonie n'existe point chez les 99/100e de ceux qui en font étalage ; elle exigerait une passion réduite au lien spirituel ; du moment où la jouissance intervient ne fut-ce qu'en espérance, le matériel emporte pleinement la balance et pour preuve si l'on choisit 20 femmes bien sentimentales en jargon et pourvues chacune d'un seul amant (un seul, nombre assez rare chez les dames) si l'on fait à leurs 20 amants l'opération que subit Abelard, vous verrez 19 de ces belles tourner casaque aux beaux sentiments et convoler à d'autres amours ; encore après cette défection des 19 ne répondrais-je pas de la 20e.
Nos romanciers et moralistes ne veulent pas reconnaître cette subordination du sentiment dans les amours civilisés. Ils citent à leur appui l'enthousiasme des amants dans le où règne (sic) la décence, la timidité. S'ensuit-il que le sentiment domine alors parce qu'il parait dominer. Non, l'espoir du plaisir matériel est le véritable ressort et pour preuve si l'on rassemble 20 de ces couples qui aiment depuis quelques jours en tout honneur sans jouissance ni attouchement, et qu'on dise aux 20 femmes : « vous ne savez pas un fâcheux incident ; votre amant est eunuque, absolu¬ment impuissant par suite d'une blessure, on vous en donnera la preuve certaine par telle femme qui l'a congédié pour ce sujet, sans qu'il ait nie ni proposé de faire sa preuve ». A cette annonce, quelle débâcle de beaux sentiments parmi les 20 femmes qui prétendent n'être pas guidées par l'appât matériel !
Passons à la contre-preuve : supposons les 20 amants bien aptes aux fonctions viriles et pourtant bornes comme d'usage dans les 1ers jours au style sentimental. Si chacune des 20 dames essaye de dire à son céladon : « je vous préfère à tout autre pour le lien sentimental, mon mur ne sera qu'à vous seul, mais j'aime tel jeune homme pour le plaisir sensuel, son approche me trouble, irrite mes sens, je lui ai donné rendez-vous et lui accorderai dès ce soir mes faveurs ; au reste, je vous conserverai la plus noble part dans mes affections, le pur sentiment ». je laisse à penser quelle sera, sur l'offre d'un pareil lot, la réponse des galants.
C'est assez prouver que nos romanciers et moralistes n'ont aucun thermomètre sur l'emploi et les propriétés du sentiment; ils ne lui assignent que des influences illusoires qui sont démenties par la moindre épreuve, témoins les 3 hypothèses que je viens de citer; gardons-nous de ces vagues spéculations et sur le sentiment comme sur toute autre branche des passions, appuyons-nous de principes fixes et pleinement conformes à l'expérience. C'est ainsi qu'on spéculera sur les emplois du sentiment en harmonie où il fera les délices générales et sera la source de mille raffinements inconnus aujourd'hui.
Quant aux amours civilisés, leur étalage sentimental scrupuleusement analysé n'est dans tous les cas qu'un accessoire très stérile et nul par lui-même ; en effet si le sentiment règne en expectative de jouissance, il n'est que pierre d'attente, masque du désir, témoins les 3 cas cités précédemment et où la frustration totale du désir fait tomber à plat le sentiment.
S'il règne, au refus de jouissance comme chez les vieillards, qu'une femme opu¬lente n'admet en amour qu'un rôle sentimental, il est chez eux un pis-aller, un État mixte, une transition à la retraite absolue et dans ce cas, comme dans le précédent, il n'est qu'accessoire d'amour et non pas rôle principal et ressort pivotal.
S'il y a cumulation, amour sentimental avec telle femme et amour favorisé avec telle autre ; le premier n'est d'ordinaire qu'un plaisir, accessoire et secondaire, auquel l'amant ne sacrifierait sûrement pas son amour favorisé. Les exceptions sont infini¬ment rares.
Ces diverses considérations nous mènent à conclure que le sentiment envisagé dans l'acception rigoureuse et comme flamme dégagée du plaisir matériel, ne peut pas être employé avec succès en civilisation. Là finissent les prétentions de cette multitude profane qui se targue d'amour purement sentimental et qui n'en est point capable, aussi arrive-t-il qu'en se fardant de sentiment dont elle ne cherche qu'à éluder et violer les lois, elle déprave l'opinion, fait dominer son esprit matériel et couvre en secret de ridicule les vrais apôtres du sentiment qui ont le désavantage :
1° de leur nombre infiniment petit
2° le vernis de duperie et niaiserie que la multitude répand sur leurs honorables penchants
3° l'ignorance des emplois divers auxquels doit être affectée ladite passion et dont ils prendront connaissance dans la théorie suivante.
Après ces détails, la faible légion du sentiment doit être assez convaincue que ses positions actuelles ne sont pas tenables, qu'il faut chercher d'autres emplois à cette passion, emplois impossibles à trouver en civilisation et dont l'harmonie va nous fournir les chances les plus variées.
C'est une bizarre et plaisante propriété de la civilisation que d'exclure par la loi et l'opinion l'élément noble de l'amour et de fournir tout à l'élément ignoble ou cynisme dont le triomphe est pleinement assuré par la coutume du mariage. A quoi servirait, me dira-t-on, cet amour entièrement dégagé de désirs. Il serait inutile dans divers cas, ignoble dans d'autres et, au total, ridicule comme celui de St-Alexis ; il exposerait le chaste et pur soupirant à la risée des hommes et des femmes. Rien n'est plus vrai et plus on prouvera que ce genre d'amour ne serait bon à rien, sinon à faire huer son auteur, plus on abondera dans le sens de ma thèse qui tend à prouver que le pur sentiment n'existe pas, et de plus n'est pas admissible en civilisation.
De là résulte déjà que les civilisés qui croient tout savoir en amour, ignorent tous les genres d'amour fondé sur l'emploi du pur sentiment. Ces amours réservés à l'harmonie ne seraient-ils pas les plus précieux, les seuls vraiment nobles, libéraux, les seuls identiques avec l'esprit de Dieu. Avant d'éclaircir tous ces doutes, constatons d'abord un point important; c'est que la civilisation ne peut assigner ni emploi honorable et franc à l'élément spirituel de l'amour, au pur sentiment, ni emploi légal au matériel pur; elle ne peut donc faire usage spécial d'aucun des 2 éléments de l'amour dans leur état isolé et si ces emplois sont possibles et utiles dans d'autres so¬ciétés, quelle est notre ignorance en théorie spéculative d'amour ? Cette passion ne serait-elle pas entre nos mains ce qu'était l'aimant entre les mains des anciens navi¬gateurs qui ne se doutaient guère que cette pierre contint le secret de leur et de leur salut dans les tempêtes ? Il en est de même de l'amour qui est vraiment pour nos sociétés ce que sont les diamants dans les mains d'un enfant qui les confond avec les grains de verre. Répétons que ce chapitre de l'amour qu'on croyait épuisé est à peine ébauché et que nous allons entrer dans un nouveau monde amoureux où tout sera pour nous aussi surprenant, aussi neuf que le furent les végétaux de l'Amérique pour les premiers qui y abordèrent.
L'opinion, l'état et le religion proscrivent le pur amour
Achevons de constater les disgrâces ou plutôt l'assassinat du pur amour ou branche sentimentale que l'opinion, l'état et la religion s'accordent à proscrire. En effet la loi et la religion n'admettent en amour qu'un but qui est la procréation, qu'un mode d'union qui est le mariage ou monogamie asservie; elles exigent que le lien soit consommé matériellement et non pas borné au sentiment pur dont il ne naîtrait ni chrétien ni citoyen ; toutes deux tiennent pour le précepte « croissez et multipliez » et c'est avec raison car il serait bien fâcheux que tous les maris, sous prétexte de se sanctifier, imitassent la conduite de St-Alexis qui, contractant mariage avec l'intention de n'en pas remplir les devoirs et de ne pas consommer matériellement, a commis un sacrilège, une profanation du sacrement et donne au monde le plus dangereux exemple. Aussi ne pense-je pas qu'il puisse rester parmi les saints en cas d'épuration et scrutation des titres.
Le pur sentiment ou pur amour exige que le soupirant ou la soupirante prouvent leur dégagement de toute vue sensuelle par adhésion a ce que l'objet aimé soit possé¬dé matériellement par autrui. C'est une licence que donnent en harmonie les couples angéliques et de même les vestales et vestals qui souscrivent tous à ce que leurs poursuivants d'un et d'autre sexe forment de saintes unions matérielles avec les membres du sacerdoce. Un tel contrat deviendrait en mariage adultère consenti ; d'où il suit que ni la loi ni la religion ne peuvent l'admettre. Quant à l'opinion, elle n'est pas moins intolérante sur ce point et l'homme qui épouserait ou courtiserait une femme pour se prêter a la livrer complaisamment aux autres hommes, faire son bonheur d'un pareil train de vie, aimer la dame pour elle seule et non pour lui, serait de toutes voix accuse de suprême niaiserie et soupçonné en outre de connivence crapuleuse comme le quidam qui, amoureux d'une place de capitaine, fit pacte avec Henry IV d'épouser pour être surveille dans le lit nuptial de peur de contact et partir le lendemain pour le régiment le plus éloigné.
Plus on examine le pur sentiment, plus on reconnaît que son emploi est impossible en civilisation, que dans sa pureté il y paraîtrait abject, ridicule, criminel et souvent frappe de ces 3 vices à la fois, comme dans le rôle de St-Alexis qui en restant cache 17 ans sous un déguisement de mendiant, a endure les insultes des valets dans un réduit de la maison qu'habitaient son père et son épouse. Ne put manquer de voir une kyrielle de suppléants qui venaient fonctionner à sa place; il est hors de doute que la jeune dame Alexis, abandonnée si vilainement la première nuit de ses noces, contre toutes les lois de la religion et de la courtoisie, ne manqua pas de se dédommager avec d'autres galants selon l'usage des dames romaines qui, élevées a faire la proces¬sion du Phallus, n'avaient garde de se priver du nécessaire de ce genre. (Quod par Religion cur non par gloire et bénéfice). Croyons toujours avoir fait merveille comme Don C. (Cervantes) en ridiculisant les illusions faudrait développer germe : et Alexis sera admiré dans postérité .
Je ne connais que ce saint homme qui ait à peu près rempli les conditions du pur amour, l'entière abnégation de soi-même quant au désir et à la jalousie et l'adhésion désintéressée aux plaisirs de l'objet aime. Son exemple n'a pas fait de prosélytes et serait aujourd'hui le suprême ridicule; ce qui constate l'absence du pur amour en civilisation où pourtant on affecte de l'étaler partout. Les soupirants, les amis de la maison, se disent exempts de désir et purs comme l'agneau sans tache, les dames ne reçoivent leurs courtisans que par délassement de société et nullement dans des vues sensuelles. Ainsi le pur amour fait parmi nous figure de masque universel sans exister nulle part, digne résultat de la perfectibilité d'un siècle où les fournisseurs même ont le front d'enseigner que l'auguste vérité est la meilleure amie des humains, paroles persuasives dans la bouche d'un abbé défroqué devenu fournisseur d'armée et quand on voit la grave académie de Turin à qui il parlait ainsi, se prêter a de telles comédies, faut-il s'étonner qu'un monde aussi faux que la civilisation n'ait acquis en 3 000 ans aucune notion précise sur les passions et notamment sur l'amour, témoin le pauvre sentiment; il est évident que dans sa pureté absolue, il da aucun refuge et n'a pas ou poser le pied. Son acolyte l'amour brut ou matériel jouit du sort tout opposé. Nous verrons tout a l'heure que dans sa pureté, dans ses emplois isoles et dégagés du sentiment, il a pour lui toute protection de la loi, de la religion et de l'opinion ; quant à l'amour sentimental pur il n'a pas même la faculté de se montrer et on pourrait le comparer à la justice qui, selon les poètes, a fui nos coupables climats. Pour parler exactement, disons que ni l'un ni l'autre n'ont pu fuir, puisqu'ils n'ont jamais paru sur le terrain de la civilisation.
En vain dirait-on que, dans la plupart des amours célèbres le sentiment a fourni moitié du charme et peut être davantage. C'est confirmer qu'il ne se montre nulle part en toute pureté. Quant à son alliance avec le matériel, il y est esclave sous double rapport, car il n'a aucune chance de fonctions exclusives, tandis que le matériel en a de brillantes dont nous allons parler, notamment le mariage, lien où le viol, le plaisir brut devient légal, lorsqu'une jeune épouse notoirement contrainte n'apporte à ce lien aucune ombre d'illusion sentimentale. Sa défloration n'est pas moins valable et morale aux yeux de la loi et de la religion .
Analyse et triomphe de l'élément matériel
ou amour brut.
Le mariage, contrainte la plus notoire :
stupre, viol manifeste
C'est ici que la perfectibilité civilisée se montre dans tout son éclat ; une jeune fille harcelée par des pères et des supérieurs se laisse traîner à l'autel. Son mariage est la contrainte la plus notoire ; elle aime ailleurs et certes elle n'apporte à ce lien aucune ombre d'illusion sentimentale ; n'importe, sa défloration, véritable stupre, viol mani¬feste, n'est pas moins valable, morale et sacrée aux yeux de la loi et de la religion. Examinons dans quelques détails le de cet amour matériel qui règne en tyran, bafouant le sentiment au nom de l'autorité et de l'opinion.
L'un est exalté, divinisé en théorie et l'on n'en fait aucun emploi spécial, l'autre est ravalé, traité d'amour brut et règne partout en tyran, effet inévitable d'un ordre qui cri refusant aux femmes le nécessaire matériel a tourné contre le sentiment l'opinion secrète des femmes et par suite celle des hommes.
Quoi de plus brut, de plus matériel que les alliances des princes et princesses qu'on marie, comme les magots de la Chine, sans qu'ils se soient jamais vus. A coup sur, ce n'est pas le sentiment qui les rassemble ; ils ne se connaissent pas même de vue, ils ne peuvent ni s'aimer ni se haïr, ni même se juger de loin. Les caractères des princes et princesses ne sont jusqu'à l'adolescence que des comédies d'étiquette et pourtant, des le 1er jour de la rencontre, on les accouple bon gré mal gré dans un lit nuptial sans donner seulement pour la forme une quinzaine de répit et de courtoisie simulée ; je défie au plus habile d'imaginer des unions plus grossièrement matérielles. Cependant à l'aspect de cet amour brut et archibrut les poètes embouchent la trom¬pette, les gazettes et les académies sont dans le ravissement. Les moralistes se pâment de tendresse, la religion répand des flots de bénédictions. Eh sur quoi ? sur le triom¬phe de l'amour brut, sur la plus scandaleuse profanation du sentiment qu'on fait servir de masque à ces charnelles accointances ; elles peuvent réussir quelquefois et former un heureux ménage, soit parce que les jeunes gens prennent volontiers du goût l'un pour l'autre quand le plaisir des sens est de la partie, soit parce qu'on accorde volon¬tiers un ménage royal par l'appât de régner, toujours flatteur pour les femmes ; il n'est pas moins vrai que l'union a été la plus impudique profanation du sentiment.
C'est bien pis dans les unions de la classe inférieure où le sentiment veut parfois entrer en lutte ; la fille représente qu'elle a donne son tendre cœur au beau Léandre, le père en bon républicain, bon moraliste, foule aux pieds le sentiment et ordonne à sa fille d'épouser un procureur ou un marchand cousu d'or et de crimes. Bien que le matériel et la cupidité président seuls a cette union et qu'on ait à plaisir banni le sentiment, le père est prôné comme un vrai philosophe qui a su modérer les passions sentimentales et faire triompher la cupidité. Sa fille est en butte aux railleries pour ses lubies sentimentales et les ivrognes du quartier, rassemblés à la noce, lui vantent par leurs équivoques, le plaisir matériel dont elle va jouir. Chacun s'accorde a lui faire entendre que le sentiment doit être compté pour rien en pareil contrat et qu'on s'habi¬tue assez au bout de quelques jours par le seul appât du matériel à se distraire des fumées romanesques. Tel est le rang distingué que tient le sentiment dans le plus saint des nœuds, dans le seul que reconnaissent la loi et la religion.
Que si l'on examine dans les unions secrètes ou amours illicites son asservisse¬ment est encore mieux constaté par l'exigence des femmes sur le matériel et sur les apparences même du matériel; entendez-les dans leurs comités secrets. Quel dédain elles manifestent pour celui qui n'est fort qu'en sentiment et faible en prouesses physiques et combien le poète Bernard est fondé à leur dire : « vous rougirez mais vous prendrez Alcide » rougeur dont Piron a fort bien explique le secret, sauf de rares exceptions.
Pour s'en convaincre, qu'un homme bien sentimental et dépourvu de beauté, de vigueur essaye de disputer une belle à un hercule bien impudent, bien infatue de son matériel; ou bien qu'il essaye de prolonger trop longtemps le règne du sentiment qu'il faut d'abord mettre en jeu pour la bienséance, qu'il continue sur ce ton lorsque la femme inclinera à céder; il jugera bientôt, par le dédain et les brocards de la belle, quel rang cette illusion romanesque tient dans l'esprit des femmes quand elle sort du rang servile qui lui est assigné, du rôle de masque des désirs sensuels que toute femme éprise est plus ou moins impatiente de satisfaire en amours civilisés.
Le monde à rebours
Si l'on ajoute que l'opinion n'exalte que ceux qui se font un jeu de feindre le sentiment, de séduire vingt femmes sans se fixer à aucune, on conviendra, quoique l'amour-propre y répugne, à confesser que le principe matériel envahit tout dans nos mœurs et que le spirituel ou sentimental n'est que l'humble esclave du matériel mé¬prisé en apparence et triomphant en réalité. Le sentiment parmi nous a le même sort que le peuple en qui, dit-on, réside la souveraineté et qui est spolié, muselé, sans résistance par ses moindres mandataires.
Les savants qui se sont mêlés du régime social et amoureux nous ont donc joué la même farce en amour qu'en politique; ils ont organisé le monde à rebours, le triomphe complet du principe subalterne ou matériel, l'asservissement du principe noble ou spirituel qu'on paye comme le peuple en illusions de souveraineté, tandis qu'il est dans la fange et dans les chaînes. Il fallait ce résultat pour l'unité du système, la civilisation étant un mécanisme qui doit marcher dans tous ses détails a contre-pied du bon sens et du vœu de la nature directe.
La privation du nécessaire sensuel dégrade le sentiment.
Prévenons une erreur où tombe tout lecteur sur les analyses du désordre actuel, on objecte d'abord la force des circonstances, l'impossibilité d'employer l'amour senti¬mental isolé du matériel et la nécessité de subordonner l'amour comme l'ambition à un régime de convenance qu'on adoucit, modifie par l'adhésion tacite aux infractions décentes. J'admets toutes ces raisons comme civilisé (sic), mais nous spéculons ici sur les périodes qui peuvent succéder a la civilisation ; il faut donc constater sans pitié les vices de la période civilisée, faire sentir le besoin d'une meilleure (sic) dont la théorie pour atteindre au bien devra s'établir en contresens de celle qui produit tant d'absur¬dités et commencer par garantir aux femmes le nécessaire sensuel dont la privation entraîne tous les vices d'opinion qui dégradent le sentiment. Si l'on méconnaît les droits de l'amour matériel, c'est compromettre naît le spirituel. C'est l'exposer au mépris secret des femmes et par suite des hommes ; tout système qui attaque Fun atta¬que l'autre ; l'harmonie veut les tenir en balance et non pas écraser l'un sous prétexte de servir l'autre.
Le plus sûr moyen de les mettre en balance eut été d'étendre aux 2 sexes la coutu¬me de concubinage admise autrefois chez les saints Abraham et Jacob. C'était un beau problème que celui d'étendre aux 2 sexes une coutume si bien adaptée a leurs vœux réciproques. Au lieu de spéculer ainsi, la législation en s'acharnant contre les libertés d'amour matériel, a imité les agitateurs qui avilissent le ministre pour attaquer le monarque. On opéra de la sorte sous Louis XVI dont on diffamait tous les alentours pour en venir au but de renverser le roi. Telle a été la manœuvre des philosophes en amour, sous prétexte de ravaler le principe matériel, ils ont détrône le sentimental qui n'a aucune influence isolée, notamment dans les mariages on l'on ne daigne pas même en tenir compte.
L'amour, comme un torrent entravé,
rompt toute proportion.
Nos savants ont traite l'amour matériel comme un torrent dont on essayerait de barrer le lit sous prétexte qu'il est dévastateur. Qu'arriverait-il ? que le torrent entravé se jetterait au travers des campagnes et ravagerait dix fois plus de terrain qu'il n'en eut occupé dans un lit suffisant, ainsi en proscrivant l'essor légal et l'emploi social de l'amour matériel, soit par le concubinage, soit par d'autres voies, on a quadruplé son influence et rompu toute proportion, l'on a réduit le sentimental en vil esclave qui n'intervient que pour servir de masque, admirable opération de nos entrepreneurs de perfectibilité qui, avec leurs grands mots de balance, contrepoids, garantie, équilibre, ont produit en amour comme en politique l'absurdité universelle.
J'ai suffisamment prouve que les 2 éléments de l'amour, considérés en essor simple ou isolé n'ont parmi nous aucun emploi compatible avec l'équité et la raison. Si l'on passe du simple au composé ou exercice combiné des 2 éléments d'amour, on lie trouve qu'égoïsme dans l'amour libre, fausseté dans l'adultère ou dans l'amour constitutionnel ou mariage. Ces 2 vices deviendraient indifférents si le genre humain y trouvait son bonheur.
Le contraire a lieu. Les classes mécontentes du régime amoureux de civilisation forment l'immense majorité à commencer par les maris qui pourtant sont les privilé¬giés. Il n'y en aurait peut-être pas un/100e de content si l'on pouvait connaître la conduite secrète de leurs femmes. Ainsi le lieu du mariage, seul admis par la loi, ne satisfait les maris que par fraude et mécontente tous les amants par la défense de s'allier à l'objet aimé. Pourrait-on imaginer une législation plus digne de la risée et faut-il s'étonner de l'accord secret de tout le monde pour la violation des lois civilisées et religieuses qui régissent ou prétendent régir le monde amoureux.
Amorces et charmes
du lien angélique.
La liberté d'harmonie
et les modes nouveaux de l'amour
On perdrait tout le fruit des critiques précédentes sur les amours civilisés si l'on oubliait que ces genres d'amour seront pleinement libres dans l'harmonie et beaucoup plus libres qu'aujourd'hui. Si j'en ai montré les cotés ridicules, ç'a été pour faire pressentir qu'il doit exister d'autres modes à établir en concurrence dans cette harmo¬nie où toute passion doit trouver des chances de vérité et de libéralisme et où l'on pourra à volonté passer des amours égoïstes comme les nôtres aux méthodes libérales dont je vais parler.
Ce serait ici qu'il faudrait placer le tableau ou échelle générale des genres prati¬cables en amour, mais il nous entraînerait à rester longtemps encore sur des défini¬tions ; je crains de lasser la patience et je diffère le tableau pour venir à la des¬cription de l'amour puissanciel, genre le plus incompréhensible et dont l'intelligence nous facilitera celle de tous les autres.
Les trônes d'harmonie leviersdu sentiment transcendant
Le couple d'amour égoïste ou illibéral. a pour règle tout pour moi seul et rien pour les autres. Le couple d'amour puissanciel ou libéral doit avoir pour règle : tout pour les autres et rien autre pour moi, que ce qu'ils voudraient m'assigner. J'ai dit que ce couple ne jouit pas de lui-même et se livre à un grand nombre d'autres qui n'autorisent dans ledit couple que l'amour sentimental, genre de jouissance bien inconcevable pour nous. Voyons par quels moyens on parvient a y attacher le charme le plus vif. Un adage des plus vrais nous dit qu'en ce monde on ne fait rien pour rien; d'après ce principe, si l'on veut en amour obtenir des effets de libéralisme transcendant, il faut favoriser des leviers transcendants, et le principal sera le trône de favoritisme qui est partout le prix de l'amour libéral.
J'ai déjà remarque que les sceptres en harmonie sont doubles et donnés aux fem¬mes comme aux hommes, qu'ils sont au nombre de 10 dont 4 cardinaux, 4 ambigus et 2 pivotaux.
Le sceptre pivotal direct ou sceptre d'omnigynie est donné au Plus beau caractère, au plus élevé en degré ; c'est donc la nature qui le distribue dans tous ses degrés car il existe en harmonie tant d'épreuves pour juger les caractères qu'aucun ne peut en imposer sur son véritable degré.
Le sceptre pivotal inverse est le prix des prouesses les plus éclatantes en amour et il faut se rappeler que tout sceptre est de 13 degrés depuis le 1er qui ne comprend qu'un tourbillon jusqu'au 130 qui comprend le globe entier; les 11 autres par gra¬dation. Ainsi l'on peut en carrière amoureuse parvenir à 3 sortes de sceptres, savoir : le Pontificat ou Trône cardinal d'amour qui se donne aux services morganiques , à la gestion des cours d'amour et le trône de favoritisme qui est plus brillant encore et qui se donne aux services pratiques et éclatants. Voilà des récompenses bien brillantes pour l'exercice d'une passion qui aujourd'hui ne conduit en cette vie qu'aux persé¬cutions et en l'autre qu'aux chaudières bouillantes de l'enfer.
Le sceptre de Pontificat est pour les personnes âgées, celui de favoritisme pour les jeunes. Ainsi l'on peut dans le bel âge et pour prix d'exploits amoureux, s'élever par degrés aux trônes favoritiques d'un Tourbillon, d'un district, d'une province, d'un empire, d'une Césarie, d'une sous globie et du globe entier.
La seule perspective de ces trônes et des immenses revenus attachés à ceux de haut degré suffirait pour électriser toutes les têtes civilisées et engager dans la philan¬thropie sentimentale une foule de femmes sensibles qui donnent aujourd'hui dans les fadeurs de ménage, faute d'un champ assez vaste pour déployer de charitables pen¬chants. C'est dans l'harmonie une carrière magnifique pour les personnages distingués en beauté, hommes ou femmes, lorsqu'ils ont fait bruit dans les unions de philan¬thropie sentimentale et qu'ils ont exercé cette vertu sur un vaste théâtre dans les armées, les hordes et bandes d'aventuriers. Ils obtiennent par degrés les suffrages d'une province, d'un empire qui connaît leurs prouesses par la chronique amoureuse et ils sont promus aux sceptres de divers degrés en favoritisme.
“Fausseté des amours civilisés”.
Table des matières
- Le développement visible de l’amour : 64 espèces d’adultères.
— L’inconstance universelle et secrète
— Les affections réduites au plus faible essor parmi nous
- Analyse et disgrâce légale de l'élément spirituel ou pur amour de sentiment
- Exclusion forcée des sentiments en civilisation
— L’opinion, l’État et la religion proscrivent le pur amour
- Analyse et triomphe de l'élément matériel ou amour brut
— Le mariage, contrainte la plus notoire : stupre, viol manifeste
— Le monde à rebours
— La privation du nécessaire sensuel dégrade le sentiment
— L’amour, comme un torrent entravé, rompt toute proportion
- Amorces et charmes du lien angélique
— La liberté d’harmonie et les modes nouveaux de l’amour
— Les trônes d’harmonie, leviers du sentiment transcendant.
- Hiérarchie du cocuage (Tableau)
Si l'on veut acquérir des notions régulières sur cette passion de l'amour objet de tant de divagations, il faut envisager l'ensemble de ses développements visibles sans acception de légalité ou illégalité. Que l'adultère soit licite ou illicite il n'est pas moins certain qu'il existe, qu'il s'exerce en grand détail et tellement que j'en donnerai dans la sixième partie un tableau analytique très étendu contenant 64 espèces d'adultères ou cocuages bien connues et distribués en clavier régulier *.
Au moyen de ce tableau et des détails y annexés, l'existence et l'influence du cocuage seront démontrées irrésistiblement, et nous pouvons par anticipation en conclure qu'il est absurde de ne pas tenir compte de ce genre d'amour en politique spéculative. Il n'est pas moins ridicule de vouloir attribuer de l'influence à ceux qui n'en ont aucune, tel que le pur amour ou sentimental simple.
Nous aurons a ce sujet une plaisante vérité à démontrer. C'est que le système légal des amours en civilisation n'est autre chose qu'une absurdité comique par laquelle on proscrit d'une part le germe noble ou pur sentiment ; d'autre part, on assure indirec¬tement le triomphe du germe ignoble ou amour matériel ; en travestissant ainsi les 2 éléments de l'amour on ne peut en former que des composés de la plus insigne fausseté. Aussi le système composé se réduit-il parmi nous aux 2 genres les plus abjects savoir : l'amour égoïste ou exclusif et la polygamie furtive dite cocuage ou adultère.
L'inconstance universelle et secrète
Une preuve que ces deux modes d'amour ne sont nullement suffisants à satisfaire le cœur et l'imagination c'est que chacun veut les cumuler quoique leur assemblage soit réputé de toutes voix, criminel et odieux. Chacun penche pour l'infidélité et rien n'est plus rare que la constance chez ceux qui ont les occasions d'y manquer. Ils deviennent tous bigames dès qu'ils se croient assurés du secret et exigent pourtant la constance de leur conjoint à qui ils font mystère de l'infraction commise ; c'est cumuler les 2 genres 3 et 4 et telle est parmi nous la conduite de tous les individus libres et jeunes et pourvus des moyens de succès. Tout n'est qu'égoïsme et fausseté dans les 2 méthodes d'amour civilise et en admettant l'amour comme passion toute divine, il en résulte que nous n'avons su tirer du germe tout divin que les effets les plus opposés à l'esprit de Dieu, au règne de la vérité et à l'extension des liens affectueux.
Les affections réduites au plus faible essor parmi nous
Ce n'est pas seulement l'amour ; ce sont les 4 affections * qui sont réduites parmi nous au plus faible essor; on a pour règle en civilisation de se limiter à un petit nombre d'amis tandis que l'harmonie excite chacun à multiplier sans borne ses liaisons amicales dont il n'y a jamais aucune perfidie à redouter; l'ordre actuel opère de même en lien de famille, le mariage exclusif réduit au terme le plus limité le lien qui dans l'harmonie s'étendra à la majorité d'un canton. Notre état social restreint de même au minimum et souvent à rien les associations qui dans l'harmonie comprendra (sic) pour le seul travail domestique un tourbillon entier. C'est donner en tout sens le résultat contradictoire avec l'esprit de Dieu qui tend au lien général. Nous allons observer dans le système d'amour civilisé cet esprit anti-divin tout favorable à l'égoïs¬me et a la fausseté et à l'entrave des affections.
Il convient d'analyser ce honteux résultat pour nous bien convaincre que nous sommes au superlatif du vice et que si nous voulons arriver au bien la voie la plus sûre sera de procéder en contresens méthodique du système actuel qui nous a conduit à tant de dépravation et d'absurdité sociale.
Analyse et disgrâce légale de l'élément spirituel
ou pur amour de sentiment.
Autant il est certain que Dieu est supérieur a la matière, quoiqu'elle tienne rang avec lui pan-ni les 3 principes de l'univers, autant il est évident que le sentiment ou principe spirituel de l'amour est supérieur au principe matériel ou cynisme, tactisme, lubricité, concupiscence, etc. Le premier rang est si bien déféré au sentiment qu'un amant tant soit peu délicat n'oserait pas afficher d'emblée des vues purement matérielles, il croirait avilir une femme en lui donnant à entendre qu'elle n'inspire que des goûts sensuels. Ce serait un début bon tout au plus avec une prostituée ; aussi est-ce toujours le sentiment qu'on met d'abord en jeu, ne fut-ce que par mascarades ; c'est assez avouer qu'il a le pas dans tous les esprits, dans toutes les liaisons décentes, mais quel est son rang en réalité ? Aucun; il n'a qu'une fumée de . Rien de plus beau, de plus touchant que notre étalage moral en faveur du sentiment. Je compare ce pathos aux précis (?) ministérielles (sic) de certains royaumes où le souverain à chaque ligne de ses édits se pâme de tendresse pour les peuples, eh quel est le but de cette effusion sentimentale ? vider la bourse du pauvre peuple; il n'en est pas de mieux pressurés que ceux qu'un tendre père adore à chaque ligne de ses procla¬mations ; c'est ainsi que la législation et la philosophie traitent le pauvre sentiment. On le divinise en apparence ; on le bannit en réalité.
D'abord il est absolument proscrit chez les femmes non mariées ; un père ne veut tolérer chez sa fille aucun amour quelque pure que semble la flamme, il veut qu'on l'étouffe de peur de rebuter les acheteurs qui viendront marchander la jeune personne et qui exigeront que le cœur soit neuf et intact, ainsi que le corps. Essayez de dire à Dorante qui vient demander votre fille en mariage : « c'est une fille qui sait aimer avec une pureté angélique ; elle adore Léandre ; ils se jurent chaque jour un amour éternel, mais ce n'est que le pur sentiment, les chastes ardeurs dignes du siècle d'Astree ». Vous verrez sur cette pureté sentimentale grimacer maître Dorante qui en trouvera de fâcheux augures pour l'honneur de son front. On ne peut donc point per¬mettre le pur sentiment aux jeunes filles et tel est le thème de tous les pères. Continuons et nous le verrons partout banni ou persécuté.
Si dans certaines familles de mœurs relâchées on permet au sentiment quelque essor avant le mariage, Dieu sait ce qu'il en arrive ; l'amant aujourd'hui parle au cœur, demain aux sens et toujours avec succès. Notre système social cause chez toutes les jeunes femmes une irritation secrète, un esprit de rébellion cachée qui s'attise dans leurs conciliabules. Le régime civilisé n'offre aux jeunes filles pudiques aucune chance de gloire et de grandeur comme le Vestalat d'harmonie, aucune récompense brillante et assurée qui puisse maintenir le sentiment dans son intégrité pour un temps limité et balancer l'aiguillon sensuel par des triomphes éclatants, promis à la pudeur temporaire par les distractions actives d'une industrie attrayante, variée et cabalis¬tique. Il arrive que les privations auxquelles il astreint la jeune fille ne sont compensées en aucun sens ; le sentiment pur n'a aucun point d'appui, aucun but fixe, aussi n'existe-t-il qu'en mascarade quoique affiché partout chez les femmes.
Quant aux hommes, on voit force champions des beaux sentiments, mais il est avéré qu'ils sont d'effrontés menteurs. Les pères, les maris, loin d'ajouter foi à leur religion, redoublent de défiance et de précaution en voyant le progrès de ces flammes toutes sentimentales ; c'est assez prouver qu'ils connaissent le fin mot de la mascarade et que personne ne croit a l'existence du pur sentiment dégage de toute prétention a la jouissance.
Sans doute on en trouve quelques levains et parfois de fortes impressions dans les caractères de haut titre pourvus d'autres amours et pouvant donner quelque à la Céladonie, mais ils sont si peu nombreux que la masse fort étrangère à ce genre d'affection ne peut pas y ajouter foi, de sorte que les apparitions très rares du pur sentiment ne sont pour lui qu'un germe de proscription et de huées, et celui même qui le ressent bien sincèrement, ne doit s'offenser ni de l'incrédulité générale ni des quolibets ; il doit savoir que cette question délicate est trop rare et trop singée par les intrigants pour qu'il soit sage d'ajouter foi aux apparences même les plus spécieuses.
D'ailleurs ceux qui se croient animés du pur amour en sont prodigieusement éloignés et les 99/10W se mentent à eux-mêmes en se persuadant que leur flamme est pure; en effet l'amant le plus respectueux dans les débuts a toujours en arrière-pensée quelque désir matériel. Si on lui apprend que sa belle favorise en secret un autre poursuivant, il ressentira de la jalousie en dépit de sa pudique ardeur ; il tient donc aux plaisirs matériels en croyant être tout entier au sentimental.
Citera-t-on celui qui soupire pour une femme mariée sachant fort bien qu'elle se livre à son époux et n'obtenant rien d'elle, mais du moins il désire, il espère s'élever au rang de suppléant; il n'a donc pas l'amour sentimental pur et dégagé de toutes vues matérielles et pour preuve, si cet amant si désintéressé à l'en croire découvre que la dame, outre son mari a un amant favorise en secret, il ne se bornera plus aux flammes épurées et désirera obtenir ce qu'un autre obtient. Ce ne sera plus là le sentiment pur que nul désir ne doit altérer puisque la moindre altération de matériel transforme le sentiment et l'élevé du degré d'amour simple à celui d'amour composé en expectative et réunissant les 2 amours élémentaires.
Le pur sentiment n'existe pas mieux chez un ex-possesseur qui voit sans jalousie son ancienne maîtresse favoriser un ou plusieurs hommes et qui sans être du nombre, continue à être courtois et dévoué près d'elle. Ce genre d'amour est un compose dégénéré et tombe en phase simple. Ici le lien n'est pas exempt du feu matériel puisqu'il en est rassasié et ce courtisan est tout imbu des souvenirs du plaisir sensuel dont cette passion désintéressée est une gratitude. Un tel amour est comme un figuier dont le fruit est déjà cueilli et qui ne conserve que ses feuilles. Peut-on dire qu'il ne soit pas arbre à figues en pleine fructification ? Dans le même sens l'époque où une passion décline et perd quelques attributs ne constitue pas une passion distincte, mais une phase de passion.
Exclusion forcée
des sentiments
en civilisation.
En traitant l'amour polygame qui est, dit Molière, un cas pendable, et de l'amour omnigame ou orgie qui est plus pendable encore selon la loi civilisée, il paraîtra surprenant que j'établisse par pur sentiment, extrême se touchant.
Bref la Céladonie n'existe point chez les 99/100e de ceux qui en font étalage ; elle exigerait une passion réduite au lien spirituel ; du moment où la jouissance intervient ne fut-ce qu'en espérance, le matériel emporte pleinement la balance et pour preuve si l'on choisit 20 femmes bien sentimentales en jargon et pourvues chacune d'un seul amant (un seul, nombre assez rare chez les dames) si l'on fait à leurs 20 amants l'opération que subit Abelard, vous verrez 19 de ces belles tourner casaque aux beaux sentiments et convoler à d'autres amours ; encore après cette défection des 19 ne répondrais-je pas de la 20e.
Nos romanciers et moralistes ne veulent pas reconnaître cette subordination du sentiment dans les amours civilisés. Ils citent à leur appui l'enthousiasme des amants dans le où règne (sic) la décence, la timidité. S'ensuit-il que le sentiment domine alors parce qu'il parait dominer. Non, l'espoir du plaisir matériel est le véritable ressort et pour preuve si l'on rassemble 20 de ces couples qui aiment depuis quelques jours en tout honneur sans jouissance ni attouchement, et qu'on dise aux 20 femmes : « vous ne savez pas un fâcheux incident ; votre amant est eunuque, absolu¬ment impuissant par suite d'une blessure, on vous en donnera la preuve certaine par telle femme qui l'a congédié pour ce sujet, sans qu'il ait nie ni proposé de faire sa preuve ». A cette annonce, quelle débâcle de beaux sentiments parmi les 20 femmes qui prétendent n'être pas guidées par l'appât matériel !
Passons à la contre-preuve : supposons les 20 amants bien aptes aux fonctions viriles et pourtant bornes comme d'usage dans les 1ers jours au style sentimental. Si chacune des 20 dames essaye de dire à son céladon : « je vous préfère à tout autre pour le lien sentimental, mon mur ne sera qu'à vous seul, mais j'aime tel jeune homme pour le plaisir sensuel, son approche me trouble, irrite mes sens, je lui ai donné rendez-vous et lui accorderai dès ce soir mes faveurs ; au reste, je vous conserverai la plus noble part dans mes affections, le pur sentiment ». je laisse à penser quelle sera, sur l'offre d'un pareil lot, la réponse des galants.
C'est assez prouver que nos romanciers et moralistes n'ont aucun thermomètre sur l'emploi et les propriétés du sentiment; ils ne lui assignent que des influences illusoires qui sont démenties par la moindre épreuve, témoins les 3 hypothèses que je viens de citer; gardons-nous de ces vagues spéculations et sur le sentiment comme sur toute autre branche des passions, appuyons-nous de principes fixes et pleinement conformes à l'expérience. C'est ainsi qu'on spéculera sur les emplois du sentiment en harmonie où il fera les délices générales et sera la source de mille raffinements inconnus aujourd'hui.
Quant aux amours civilisés, leur étalage sentimental scrupuleusement analysé n'est dans tous les cas qu'un accessoire très stérile et nul par lui-même ; en effet si le sentiment règne en expectative de jouissance, il n'est que pierre d'attente, masque du désir, témoins les 3 cas cités précédemment et où la frustration totale du désir fait tomber à plat le sentiment.
S'il règne, au refus de jouissance comme chez les vieillards, qu'une femme opu¬lente n'admet en amour qu'un rôle sentimental, il est chez eux un pis-aller, un État mixte, une transition à la retraite absolue et dans ce cas, comme dans le précédent, il n'est qu'accessoire d'amour et non pas rôle principal et ressort pivotal.
S'il y a cumulation, amour sentimental avec telle femme et amour favorisé avec telle autre ; le premier n'est d'ordinaire qu'un plaisir, accessoire et secondaire, auquel l'amant ne sacrifierait sûrement pas son amour favorisé. Les exceptions sont infini¬ment rares.
Ces diverses considérations nous mènent à conclure que le sentiment envisagé dans l'acception rigoureuse et comme flamme dégagée du plaisir matériel, ne peut pas être employé avec succès en civilisation. Là finissent les prétentions de cette multitude profane qui se targue d'amour purement sentimental et qui n'en est point capable, aussi arrive-t-il qu'en se fardant de sentiment dont elle ne cherche qu'à éluder et violer les lois, elle déprave l'opinion, fait dominer son esprit matériel et couvre en secret de ridicule les vrais apôtres du sentiment qui ont le désavantage :
1° de leur nombre infiniment petit
2° le vernis de duperie et niaiserie que la multitude répand sur leurs honorables penchants
3° l'ignorance des emplois divers auxquels doit être affectée ladite passion et dont ils prendront connaissance dans la théorie suivante.
Après ces détails, la faible légion du sentiment doit être assez convaincue que ses positions actuelles ne sont pas tenables, qu'il faut chercher d'autres emplois à cette passion, emplois impossibles à trouver en civilisation et dont l'harmonie va nous fournir les chances les plus variées.
C'est une bizarre et plaisante propriété de la civilisation que d'exclure par la loi et l'opinion l'élément noble de l'amour et de fournir tout à l'élément ignoble ou cynisme dont le triomphe est pleinement assuré par la coutume du mariage. A quoi servirait, me dira-t-on, cet amour entièrement dégagé de désirs. Il serait inutile dans divers cas, ignoble dans d'autres et, au total, ridicule comme celui de St-Alexis ; il exposerait le chaste et pur soupirant à la risée des hommes et des femmes. Rien n'est plus vrai et plus on prouvera que ce genre d'amour ne serait bon à rien, sinon à faire huer son auteur, plus on abondera dans le sens de ma thèse qui tend à prouver que le pur sentiment n'existe pas, et de plus n'est pas admissible en civilisation.
De là résulte déjà que les civilisés qui croient tout savoir en amour, ignorent tous les genres d'amour fondé sur l'emploi du pur sentiment. Ces amours réservés à l'harmonie ne seraient-ils pas les plus précieux, les seuls vraiment nobles, libéraux, les seuls identiques avec l'esprit de Dieu. Avant d'éclaircir tous ces doutes, constatons d'abord un point important; c'est que la civilisation ne peut assigner ni emploi honorable et franc à l'élément spirituel de l'amour, au pur sentiment, ni emploi légal au matériel pur; elle ne peut donc faire usage spécial d'aucun des 2 éléments de l'amour dans leur état isolé et si ces emplois sont possibles et utiles dans d'autres so¬ciétés, quelle est notre ignorance en théorie spéculative d'amour ? Cette passion ne serait-elle pas entre nos mains ce qu'était l'aimant entre les mains des anciens navi¬gateurs qui ne se doutaient guère que cette pierre contint le secret de leur et de leur salut dans les tempêtes ? Il en est de même de l'amour qui est vraiment pour nos sociétés ce que sont les diamants dans les mains d'un enfant qui les confond avec les grains de verre. Répétons que ce chapitre de l'amour qu'on croyait épuisé est à peine ébauché et que nous allons entrer dans un nouveau monde amoureux où tout sera pour nous aussi surprenant, aussi neuf que le furent les végétaux de l'Amérique pour les premiers qui y abordèrent.
L'opinion, l'état et le religion proscrivent le pur amour
Achevons de constater les disgrâces ou plutôt l'assassinat du pur amour ou branche sentimentale que l'opinion, l'état et la religion s'accordent à proscrire. En effet la loi et la religion n'admettent en amour qu'un but qui est la procréation, qu'un mode d'union qui est le mariage ou monogamie asservie; elles exigent que le lien soit consommé matériellement et non pas borné au sentiment pur dont il ne naîtrait ni chrétien ni citoyen ; toutes deux tiennent pour le précepte « croissez et multipliez » et c'est avec raison car il serait bien fâcheux que tous les maris, sous prétexte de se sanctifier, imitassent la conduite de St-Alexis qui, contractant mariage avec l'intention de n'en pas remplir les devoirs et de ne pas consommer matériellement, a commis un sacrilège, une profanation du sacrement et donne au monde le plus dangereux exemple. Aussi ne pense-je pas qu'il puisse rester parmi les saints en cas d'épuration et scrutation des titres.
Le pur sentiment ou pur amour exige que le soupirant ou la soupirante prouvent leur dégagement de toute vue sensuelle par adhésion a ce que l'objet aimé soit possé¬dé matériellement par autrui. C'est une licence que donnent en harmonie les couples angéliques et de même les vestales et vestals qui souscrivent tous à ce que leurs poursuivants d'un et d'autre sexe forment de saintes unions matérielles avec les membres du sacerdoce. Un tel contrat deviendrait en mariage adultère consenti ; d'où il suit que ni la loi ni la religion ne peuvent l'admettre. Quant à l'opinion, elle n'est pas moins intolérante sur ce point et l'homme qui épouserait ou courtiserait une femme pour se prêter a la livrer complaisamment aux autres hommes, faire son bonheur d'un pareil train de vie, aimer la dame pour elle seule et non pour lui, serait de toutes voix accuse de suprême niaiserie et soupçonné en outre de connivence crapuleuse comme le quidam qui, amoureux d'une place de capitaine, fit pacte avec Henry IV d'épouser pour être surveille dans le lit nuptial de peur de contact et partir le lendemain pour le régiment le plus éloigné.
Plus on examine le pur sentiment, plus on reconnaît que son emploi est impossible en civilisation, que dans sa pureté il y paraîtrait abject, ridicule, criminel et souvent frappe de ces 3 vices à la fois, comme dans le rôle de St-Alexis qui en restant cache 17 ans sous un déguisement de mendiant, a endure les insultes des valets dans un réduit de la maison qu'habitaient son père et son épouse. Ne put manquer de voir une kyrielle de suppléants qui venaient fonctionner à sa place; il est hors de doute que la jeune dame Alexis, abandonnée si vilainement la première nuit de ses noces, contre toutes les lois de la religion et de la courtoisie, ne manqua pas de se dédommager avec d'autres galants selon l'usage des dames romaines qui, élevées a faire la proces¬sion du Phallus, n'avaient garde de se priver du nécessaire de ce genre. (Quod par Religion cur non par gloire et bénéfice). Croyons toujours avoir fait merveille comme Don C. (Cervantes) en ridiculisant les illusions faudrait développer germe : et Alexis sera admiré dans postérité .
Je ne connais que ce saint homme qui ait à peu près rempli les conditions du pur amour, l'entière abnégation de soi-même quant au désir et à la jalousie et l'adhésion désintéressée aux plaisirs de l'objet aime. Son exemple n'a pas fait de prosélytes et serait aujourd'hui le suprême ridicule; ce qui constate l'absence du pur amour en civilisation où pourtant on affecte de l'étaler partout. Les soupirants, les amis de la maison, se disent exempts de désir et purs comme l'agneau sans tache, les dames ne reçoivent leurs courtisans que par délassement de société et nullement dans des vues sensuelles. Ainsi le pur amour fait parmi nous figure de masque universel sans exister nulle part, digne résultat de la perfectibilité d'un siècle où les fournisseurs même ont le front d'enseigner que l'auguste vérité est la meilleure amie des humains, paroles persuasives dans la bouche d'un abbé défroqué devenu fournisseur d'armée et quand on voit la grave académie de Turin à qui il parlait ainsi, se prêter a de telles comédies, faut-il s'étonner qu'un monde aussi faux que la civilisation n'ait acquis en 3 000 ans aucune notion précise sur les passions et notamment sur l'amour, témoin le pauvre sentiment; il est évident que dans sa pureté absolue, il da aucun refuge et n'a pas ou poser le pied. Son acolyte l'amour brut ou matériel jouit du sort tout opposé. Nous verrons tout a l'heure que dans sa pureté, dans ses emplois isoles et dégagés du sentiment, il a pour lui toute protection de la loi, de la religion et de l'opinion ; quant à l'amour sentimental pur il n'a pas même la faculté de se montrer et on pourrait le comparer à la justice qui, selon les poètes, a fui nos coupables climats. Pour parler exactement, disons que ni l'un ni l'autre n'ont pu fuir, puisqu'ils n'ont jamais paru sur le terrain de la civilisation.
En vain dirait-on que, dans la plupart des amours célèbres le sentiment a fourni moitié du charme et peut être davantage. C'est confirmer qu'il ne se montre nulle part en toute pureté. Quant à son alliance avec le matériel, il y est esclave sous double rapport, car il n'a aucune chance de fonctions exclusives, tandis que le matériel en a de brillantes dont nous allons parler, notamment le mariage, lien où le viol, le plaisir brut devient légal, lorsqu'une jeune épouse notoirement contrainte n'apporte à ce lien aucune ombre d'illusion sentimentale. Sa défloration n'est pas moins valable et morale aux yeux de la loi et de la religion .
Analyse et triomphe de l'élément matériel
ou amour brut.
Le mariage, contrainte la plus notoire :
stupre, viol manifeste
C'est ici que la perfectibilité civilisée se montre dans tout son éclat ; une jeune fille harcelée par des pères et des supérieurs se laisse traîner à l'autel. Son mariage est la contrainte la plus notoire ; elle aime ailleurs et certes elle n'apporte à ce lien aucune ombre d'illusion sentimentale ; n'importe, sa défloration, véritable stupre, viol mani¬feste, n'est pas moins valable, morale et sacrée aux yeux de la loi et de la religion. Examinons dans quelques détails le de cet amour matériel qui règne en tyran, bafouant le sentiment au nom de l'autorité et de l'opinion.
L'un est exalté, divinisé en théorie et l'on n'en fait aucun emploi spécial, l'autre est ravalé, traité d'amour brut et règne partout en tyran, effet inévitable d'un ordre qui cri refusant aux femmes le nécessaire matériel a tourné contre le sentiment l'opinion secrète des femmes et par suite celle des hommes.
Quoi de plus brut, de plus matériel que les alliances des princes et princesses qu'on marie, comme les magots de la Chine, sans qu'ils se soient jamais vus. A coup sur, ce n'est pas le sentiment qui les rassemble ; ils ne se connaissent pas même de vue, ils ne peuvent ni s'aimer ni se haïr, ni même se juger de loin. Les caractères des princes et princesses ne sont jusqu'à l'adolescence que des comédies d'étiquette et pourtant, des le 1er jour de la rencontre, on les accouple bon gré mal gré dans un lit nuptial sans donner seulement pour la forme une quinzaine de répit et de courtoisie simulée ; je défie au plus habile d'imaginer des unions plus grossièrement matérielles. Cependant à l'aspect de cet amour brut et archibrut les poètes embouchent la trom¬pette, les gazettes et les académies sont dans le ravissement. Les moralistes se pâment de tendresse, la religion répand des flots de bénédictions. Eh sur quoi ? sur le triom¬phe de l'amour brut, sur la plus scandaleuse profanation du sentiment qu'on fait servir de masque à ces charnelles accointances ; elles peuvent réussir quelquefois et former un heureux ménage, soit parce que les jeunes gens prennent volontiers du goût l'un pour l'autre quand le plaisir des sens est de la partie, soit parce qu'on accorde volon¬tiers un ménage royal par l'appât de régner, toujours flatteur pour les femmes ; il n'est pas moins vrai que l'union a été la plus impudique profanation du sentiment.
C'est bien pis dans les unions de la classe inférieure où le sentiment veut parfois entrer en lutte ; la fille représente qu'elle a donne son tendre cœur au beau Léandre, le père en bon républicain, bon moraliste, foule aux pieds le sentiment et ordonne à sa fille d'épouser un procureur ou un marchand cousu d'or et de crimes. Bien que le matériel et la cupidité président seuls a cette union et qu'on ait à plaisir banni le sentiment, le père est prôné comme un vrai philosophe qui a su modérer les passions sentimentales et faire triompher la cupidité. Sa fille est en butte aux railleries pour ses lubies sentimentales et les ivrognes du quartier, rassemblés à la noce, lui vantent par leurs équivoques, le plaisir matériel dont elle va jouir. Chacun s'accorde a lui faire entendre que le sentiment doit être compté pour rien en pareil contrat et qu'on s'habi¬tue assez au bout de quelques jours par le seul appât du matériel à se distraire des fumées romanesques. Tel est le rang distingué que tient le sentiment dans le plus saint des nœuds, dans le seul que reconnaissent la loi et la religion.
Que si l'on examine dans les unions secrètes ou amours illicites son asservisse¬ment est encore mieux constaté par l'exigence des femmes sur le matériel et sur les apparences même du matériel; entendez-les dans leurs comités secrets. Quel dédain elles manifestent pour celui qui n'est fort qu'en sentiment et faible en prouesses physiques et combien le poète Bernard est fondé à leur dire : « vous rougirez mais vous prendrez Alcide » rougeur dont Piron a fort bien explique le secret, sauf de rares exceptions.
Pour s'en convaincre, qu'un homme bien sentimental et dépourvu de beauté, de vigueur essaye de disputer une belle à un hercule bien impudent, bien infatue de son matériel; ou bien qu'il essaye de prolonger trop longtemps le règne du sentiment qu'il faut d'abord mettre en jeu pour la bienséance, qu'il continue sur ce ton lorsque la femme inclinera à céder; il jugera bientôt, par le dédain et les brocards de la belle, quel rang cette illusion romanesque tient dans l'esprit des femmes quand elle sort du rang servile qui lui est assigné, du rôle de masque des désirs sensuels que toute femme éprise est plus ou moins impatiente de satisfaire en amours civilisés.
Le monde à rebours
Si l'on ajoute que l'opinion n'exalte que ceux qui se font un jeu de feindre le sentiment, de séduire vingt femmes sans se fixer à aucune, on conviendra, quoique l'amour-propre y répugne, à confesser que le principe matériel envahit tout dans nos mœurs et que le spirituel ou sentimental n'est que l'humble esclave du matériel mé¬prisé en apparence et triomphant en réalité. Le sentiment parmi nous a le même sort que le peuple en qui, dit-on, réside la souveraineté et qui est spolié, muselé, sans résistance par ses moindres mandataires.
Les savants qui se sont mêlés du régime social et amoureux nous ont donc joué la même farce en amour qu'en politique; ils ont organisé le monde à rebours, le triomphe complet du principe subalterne ou matériel, l'asservissement du principe noble ou spirituel qu'on paye comme le peuple en illusions de souveraineté, tandis qu'il est dans la fange et dans les chaînes. Il fallait ce résultat pour l'unité du système, la civilisation étant un mécanisme qui doit marcher dans tous ses détails a contre-pied du bon sens et du vœu de la nature directe.
La privation du nécessaire sensuel dégrade le sentiment.
Prévenons une erreur où tombe tout lecteur sur les analyses du désordre actuel, on objecte d'abord la force des circonstances, l'impossibilité d'employer l'amour senti¬mental isolé du matériel et la nécessité de subordonner l'amour comme l'ambition à un régime de convenance qu'on adoucit, modifie par l'adhésion tacite aux infractions décentes. J'admets toutes ces raisons comme civilisé (sic), mais nous spéculons ici sur les périodes qui peuvent succéder a la civilisation ; il faut donc constater sans pitié les vices de la période civilisée, faire sentir le besoin d'une meilleure (sic) dont la théorie pour atteindre au bien devra s'établir en contresens de celle qui produit tant d'absur¬dités et commencer par garantir aux femmes le nécessaire sensuel dont la privation entraîne tous les vices d'opinion qui dégradent le sentiment. Si l'on méconnaît les droits de l'amour matériel, c'est compromettre naît le spirituel. C'est l'exposer au mépris secret des femmes et par suite des hommes ; tout système qui attaque Fun atta¬que l'autre ; l'harmonie veut les tenir en balance et non pas écraser l'un sous prétexte de servir l'autre.
Le plus sûr moyen de les mettre en balance eut été d'étendre aux 2 sexes la coutu¬me de concubinage admise autrefois chez les saints Abraham et Jacob. C'était un beau problème que celui d'étendre aux 2 sexes une coutume si bien adaptée a leurs vœux réciproques. Au lieu de spéculer ainsi, la législation en s'acharnant contre les libertés d'amour matériel, a imité les agitateurs qui avilissent le ministre pour attaquer le monarque. On opéra de la sorte sous Louis XVI dont on diffamait tous les alentours pour en venir au but de renverser le roi. Telle a été la manœuvre des philosophes en amour, sous prétexte de ravaler le principe matériel, ils ont détrône le sentimental qui n'a aucune influence isolée, notamment dans les mariages on l'on ne daigne pas même en tenir compte.
L'amour, comme un torrent entravé,
rompt toute proportion.
Nos savants ont traite l'amour matériel comme un torrent dont on essayerait de barrer le lit sous prétexte qu'il est dévastateur. Qu'arriverait-il ? que le torrent entravé se jetterait au travers des campagnes et ravagerait dix fois plus de terrain qu'il n'en eut occupé dans un lit suffisant, ainsi en proscrivant l'essor légal et l'emploi social de l'amour matériel, soit par le concubinage, soit par d'autres voies, on a quadruplé son influence et rompu toute proportion, l'on a réduit le sentimental en vil esclave qui n'intervient que pour servir de masque, admirable opération de nos entrepreneurs de perfectibilité qui, avec leurs grands mots de balance, contrepoids, garantie, équilibre, ont produit en amour comme en politique l'absurdité universelle.
J'ai suffisamment prouve que les 2 éléments de l'amour, considérés en essor simple ou isolé n'ont parmi nous aucun emploi compatible avec l'équité et la raison. Si l'on passe du simple au composé ou exercice combiné des 2 éléments d'amour, on lie trouve qu'égoïsme dans l'amour libre, fausseté dans l'adultère ou dans l'amour constitutionnel ou mariage. Ces 2 vices deviendraient indifférents si le genre humain y trouvait son bonheur.
Le contraire a lieu. Les classes mécontentes du régime amoureux de civilisation forment l'immense majorité à commencer par les maris qui pourtant sont les privilé¬giés. Il n'y en aurait peut-être pas un/100e de content si l'on pouvait connaître la conduite secrète de leurs femmes. Ainsi le lieu du mariage, seul admis par la loi, ne satisfait les maris que par fraude et mécontente tous les amants par la défense de s'allier à l'objet aimé. Pourrait-on imaginer une législation plus digne de la risée et faut-il s'étonner de l'accord secret de tout le monde pour la violation des lois civilisées et religieuses qui régissent ou prétendent régir le monde amoureux.
Amorces et charmes
du lien angélique.
La liberté d'harmonie
et les modes nouveaux de l'amour
On perdrait tout le fruit des critiques précédentes sur les amours civilisés si l'on oubliait que ces genres d'amour seront pleinement libres dans l'harmonie et beaucoup plus libres qu'aujourd'hui. Si j'en ai montré les cotés ridicules, ç'a été pour faire pressentir qu'il doit exister d'autres modes à établir en concurrence dans cette harmo¬nie où toute passion doit trouver des chances de vérité et de libéralisme et où l'on pourra à volonté passer des amours égoïstes comme les nôtres aux méthodes libérales dont je vais parler.
Ce serait ici qu'il faudrait placer le tableau ou échelle générale des genres prati¬cables en amour, mais il nous entraînerait à rester longtemps encore sur des défini¬tions ; je crains de lasser la patience et je diffère le tableau pour venir à la des¬cription de l'amour puissanciel, genre le plus incompréhensible et dont l'intelligence nous facilitera celle de tous les autres.
Les trônes d'harmonie leviersdu sentiment transcendant
Le couple d'amour égoïste ou illibéral. a pour règle tout pour moi seul et rien pour les autres. Le couple d'amour puissanciel ou libéral doit avoir pour règle : tout pour les autres et rien autre pour moi, que ce qu'ils voudraient m'assigner. J'ai dit que ce couple ne jouit pas de lui-même et se livre à un grand nombre d'autres qui n'autorisent dans ledit couple que l'amour sentimental, genre de jouissance bien inconcevable pour nous. Voyons par quels moyens on parvient a y attacher le charme le plus vif. Un adage des plus vrais nous dit qu'en ce monde on ne fait rien pour rien; d'après ce principe, si l'on veut en amour obtenir des effets de libéralisme transcendant, il faut favoriser des leviers transcendants, et le principal sera le trône de favoritisme qui est partout le prix de l'amour libéral.
J'ai déjà remarque que les sceptres en harmonie sont doubles et donnés aux fem¬mes comme aux hommes, qu'ils sont au nombre de 10 dont 4 cardinaux, 4 ambigus et 2 pivotaux.
Le sceptre pivotal direct ou sceptre d'omnigynie est donné au Plus beau caractère, au plus élevé en degré ; c'est donc la nature qui le distribue dans tous ses degrés car il existe en harmonie tant d'épreuves pour juger les caractères qu'aucun ne peut en imposer sur son véritable degré.
Le sceptre pivotal inverse est le prix des prouesses les plus éclatantes en amour et il faut se rappeler que tout sceptre est de 13 degrés depuis le 1er qui ne comprend qu'un tourbillon jusqu'au 130 qui comprend le globe entier; les 11 autres par gra¬dation. Ainsi l'on peut en carrière amoureuse parvenir à 3 sortes de sceptres, savoir : le Pontificat ou Trône cardinal d'amour qui se donne aux services morganiques , à la gestion des cours d'amour et le trône de favoritisme qui est plus brillant encore et qui se donne aux services pratiques et éclatants. Voilà des récompenses bien brillantes pour l'exercice d'une passion qui aujourd'hui ne conduit en cette vie qu'aux persé¬cutions et en l'autre qu'aux chaudières bouillantes de l'enfer.
Le sceptre de Pontificat est pour les personnes âgées, celui de favoritisme pour les jeunes. Ainsi l'on peut dans le bel âge et pour prix d'exploits amoureux, s'élever par degrés aux trônes favoritiques d'un Tourbillon, d'un district, d'une province, d'un empire, d'une Césarie, d'une sous globie et du globe entier.
La seule perspective de ces trônes et des immenses revenus attachés à ceux de haut degré suffirait pour électriser toutes les têtes civilisées et engager dans la philan¬thropie sentimentale une foule de femmes sensibles qui donnent aujourd'hui dans les fadeurs de ménage, faute d'un champ assez vaste pour déployer de charitables pen¬chants. C'est dans l'harmonie une carrière magnifique pour les personnages distingués en beauté, hommes ou femmes, lorsqu'ils ont fait bruit dans les unions de philan¬thropie sentimentale et qu'ils ont exercé cette vertu sur un vaste théâtre dans les armées, les hordes et bandes d'aventuriers. Ils obtiennent par degrés les suffrages d'une province, d'un empire qui connaît leurs prouesses par la chronique amoureuse et ils sont promus aux sceptres de divers degrés en favoritisme.