LIMOJON Epitre d'Aristée à son Fils.*

 


Épître d'Aristée à son Fils
sur la Clé d'Or de la Nature

faite sur la prose rimée Latine, qui a esté 
composée sur une copie écrite 
en caracteres & en langue Schiite.
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Alexandre-Toussaint Limojon de Saint-Didier
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1. Mon Fils, après t'avoir donné la connoissance de toutes choses, & t'avoir apris comment tu dois vivre, & de quelle manière tu dois régler ta conduite par les maximes d'une excellente Philosophie;

2. Aprés t'avoir instruit aussi de tout ce qui regarde l'ordre & la nature de la Monarchie de l'Univers;

3 Il ne me reste autre chose à te communiquer, que les clefs de la nature, que j'ay jusques icy conservées avec un tres grand soin.

4. Entre toutes ces clefs, celle qui ouvre le lieu fermé tient sans difficulté le premier rang ; elle est la source généralement de toutes choses, & l'on ne doute point que Dieu ne luy ait particulièrement donné une propriété toute Divine.

5. Lors qu'on est en possession de cette clef, les richesses deviennent méprisables ; d'autant qu'il n'y a point de Tresor, qui puisse luy estre comparé.

6. En effet dequoy servent les richesses, lors qu'on est sujet à estre affligé des infirmitez humaines ? à quoy sont bons les tresors, lors qu'on se voit terrassé par la mort ?

7. Il n'y a point de richesses qu'il ne faille abandonner, lors que la mort se saisit de nous ;

8. Il n'en est pas de même, quand je possede cette clef ; car pour lors je vois la mort loin de moy, & je suis asseuré que j'ay en mon pouvoir un secret qui m'ôte toute sorte de crainte.

9. J'ay les richesses à commandement, & je ne manque point de Tresor; la langueur suit devant moy, & je retarde les approches de la mort, lors que je possede la clef d'or.

10. C'est de cette clef, mon Fils, que je veux te faire mon héritier ; mais je te conjure par le nom de Dieu, & par le lieu Saint qu'il habite, de la tenir enfermée dans le cabinet de ton cœur, & sous le sceau du silence.

11. Si tu sçay t'en servir, elle te comblera de biens, & lors que tu seras vieux ou malade, elle te rajeunira, te soulagera, & te guérira:

12. Car elle a la vertu particulière de guérir toutes les maladies, d'illustrer les métaux, & de rendre heureux ceux qui la possedent.

13. C'est cette clef que nos Peres nous ont si fort recommandée sous le lien du serment.

14. Apprend donc à la connoître, & ne cesse point de faire du bien au pauvre, & à l'orphelin, & que c'en soit-là le sceau & le véritable caractere.

15. Tous les estres qui sont sous le Ciel divisez en especes différentes, tirent leur origine d'un même principe, & c'est à l'air qu'ils doivent tous leur naissance, comme à leur principe commun.

16. La nourriture de chaque chose sait voir quel est son principe ; puisque ce qui soutient la vie, est cela même qui donne l'estre.

17. Le poisson joüit de l'eau, & l'enfant tette sa mere : l'arbre ne produit aucun fruit lorsque son tronc n'a plus d'humidité.

18. On connoist par la vie le principe des choses, la vie des choses est l'air, & par consequent l'air est leur principe.

19. C'est pour cela que l'air corrompt toutes choses, & comme il leur donne la vie, il la leur ôte aussi de même.

20. Les bois, le fer, les pierres prennent fin par le feu, & enfin toutes choses sont reduites en leur premier estat.

21. Mais telle qu'est la Cause de la corruption, telle l'est aussi de la generation.

22. Quand par diverses corruptions il arrive enfin que les creatures souffrent, soit par le temps ou par le defaut du sort, l'air leur survenant les guerit aussi tost, soit imparfaites, ou languissantes.

23. La terre, l'arbre, & l'herbe languissant par l'ardeur de trop de secheresse, mais toutes choses sont reparées par la rosée de l'air.

24. Toutefois comme nulle creature ne peut estre reparée & rétablie qu'en sa propre nature, l'air estant la fontaine & 1a source originelle de toutes choses, il en est aussi pareillement la source universelle.

25. On voit manifestement que la semence, la vie, la mort, la maladie & le remede de toutes choses sont dans l'air.

26. La nature y a mis tous ses tresors, & les y tient renfermez comme sous des portes particulieres & secrettes.

27. Mais c'est posseder la clef d'or, que de sçavoir ouvrir ces portes, & puiser l'air de l'air.

28. Car si l'on ignore comment il faut puiser cet air, il est impossible d'acquerir ce qui guérit généralement toutes les maladies, & qui redonne la vie aux hommes .

29. Si tu desires donc de chasser toutes les infirmitez, il saut que tu en cherche le moyen dans la source générale.

30. La nature ne produit le semblable, que par le semblable, & il n'y a que ce qui est conforme à la nature qui peut faire du bien à la nature.

31. Apprends donc, mon Fils, à prendre l'air ; apprends à conserver la Clef de la nature.

32. les Creatures peuvent bien connoistre l'air; mais pour prendre l'air, il faut avoir la clef de la nature.

33. C'est véritablement un secret qui passe la portée de l'esprit de l'homme, sçavoir tirer de l'air, l'Arcane Celeste.

34. C'est un grand secret de comprendre la vertu que la nature a imprimée aux choses. Car les natures se prennent par des natures semblables.

35 Un poisson se prend avec un poisson; un oiseau avec un oiseau ;& l'air se prend avec un autre air, comme avec une douce amorce.

36. La neige & la glace sont un air que le froid a congelé, la nature leur a donné la disposition qu'il faut pour prendre l'air.

37. Mets une de ces deux choses dans un vase fermé. Prends l'air qui se congele à l'entour pendant un temps chaud, recevant ce qui distille dans un vaisseau profond, étroit, épais, sort & net, afin que tu puisses faire comme il te plaira, ou les rayons du Soleil, ou de la Lune.

38. Lors que tu en auras rempli un vase, bouche le bien, de peur que cette celeste éteincelle, qui s'y est concentrée, ne s'envole dans l'air.

39. Emplis de cette liqueur autant de vases que tu voudras ; écoute ensuite ce que tu en dois faire, & garde le silence.

40. Bâtis un fourneau, places y un petit vase moitié plein de l'air que tu as pris, & scelle le exactement.

41. Allume ensuite ton feu, en sorte que la plus legere partie de la fumée monte souvent en haut, & que la nature fasse ce que fait continuellement le feu central au milieu de la terre, où il agite les vapeurs de l'air, par une circulation qui ne cesse jamais.

42. Il faut que ce feu soit leger, doux & humide, semblable à celuy d'un oiseau qui couve ses oeufs.

43. Tu dois continuer le feu de cette sorte, & l'entretenir en cet état, afin qu'il ne brûle pas ; mais plûtost qu'il cuise ce fruit aérien, jusques à ce qu'après avoir esté agité de mouvement pendant un long-temps, il demeure entierement cuit au fond du vaisseau.

44. Ajoute en suite à cet air un nouvel air, non en grande quantité; mais autant qu'il luy en faut.

45. Fais en sorte qu'il se liquefie doucement, qu'il se pourrisse, qu'il noircisse, qu'il durcisse, qu'il s'unisse, qu'il se fixe, & qu'il rougisse.

46. Ensuite la partie pure estant séparée de l'impure, pat le moyen du feu, & par un artifice tout divin.

47. Puis tu prendras une partie pure d'air crud, que tu méleras avec la partie pure qui a esté durcie.

48. Tu auras soin que le tout se dissolve & s'unifie, qu'il devienne médiocrement noir, blanc, dur, & enfin parfaitement rouge.

49. C'est icy la fin de l'Oeuvre, & tu as fait cet elixir qui produit toutes les merveilles que tu as vues.

50. Et tu possedes par ce moyen la clef d'or, l'or potable, la médecine universelle, & un tresor inépuisable.

FIN

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