Joséphin Péladan |
RENCONTRE AVEC JOSÉPHIN PÉLADAN
Extrait de
La préface du tome II
de la "Pensée et les Secrets du Sâr Joséphin Péladan"
du Docteur Edouard Bertholet
Emile Dantinne
L'édifice qu'a construit Péladan ressemble trop à ces cathédrales dont il magnifiait jadis la splendeur pour qu'on ne sache profondément gré à celui qui vient de nous en révéler le mystère et de nous en permettre la contemplation.
Mais à côté de l'œuvre trop oubliée de ses quarante volumes d'une déconcertante richesse de forme et de pensée, la personnalité indéniable de Péladan s'impose.
Je l'ai connu à l'issue d'une de ces conférences où son éloquence brûlante évoquait la science mystique des bâtisseurs de cathédrales.
Son aspect hiératique de mage assyrien avait une séduction orientale, le magnétisme de son regard qui rayonnait sur l'auditoire, imposait l'attention.
Il était bien l'homme de ses livres, le servant d'un grand idéal, son verbe en faisait un prince des Lettres, un magicien des Idées.
Et ceux qui comme moi s'étaient penchés sur les premiers livres de l'Amphithéâtre des Sciences mortes applaudissaient avec un enthousiasme juvénile et une ardente admiration le Grand Maître du Temple.
Seuls quelques bourgeois affectaient un sourire étonné et sceptique devant cette éruption véhémente d'éloquence.
Quand j'arrivai à lui, je le saluai de son titre cueilli dans la préface des Salons de la R+C, je lui exprimai mon admiration, mon désir d'approfondir sa philosophie initiatique. Dés mes premiers mots, son regard avait soudain pris l'expression d'une profonde aménité, chaque trait de son visage exprimait la bonté.
Il me laissait parler. Ce ne fut d'ailleurs pas tellement long. Je lui avais dit mes projets. Je collaborais alors à la Verveine qui huit jours plus tôt lui avait consacré une page très élogieuse.
Ses longues mains se tendaient amicalement vers les miennes: « Vous êtes digne d'être mon disciple. »
Et sa voix douce et grave, qui contrastait étrangement avec celle de l'orateur ardent de tantôt, me donnait les conseils du Maître. Mais le temps pressait, il m'invitait à le revoir...
Cette immense bonté, cette bienveillance de Péladan, tous ceux qui l'ont approché l'ont ressentie, même lorsque retiré loin de Paris, dans l'intimité de son ermitage, ses amis de la Rosace formaient autour de lui une Cour de fervents idéalistes; ils ont rendu témoignage de sa simplicité, de sa bonté accueillante, de sa sincérité profonde.
S'il défendait de grandes idées, il était toujours le défenseur des humbles, des opprimés et la violence de sa parole et de sa plume ne s'éveillait que pour attaquer l'injustice, le mensonge et le crime, sans qu'il se préoccupât jamais de mesurer le danger qu'on court lorsqu'on dit la vérité.